TAS-CAS – Tribunale Arbitrale dello Sport – Corte arbitrale dello Sport (2007-2008)———-Tribunal Arbitral du Sport – Court of Arbitration for Sport (2007-2008) – official version by www.tas-cas.org – Arbitrage TAS 2007/A/1233 FC Universitatea Craiova c. Marcos Honorio Da Silva & TAS 2007/A/1234 FC Universitatea Craiova c. Eduardo Magri, sentence du 19 décembre 2007 Formation: Mr Bernhard Welten (Suisse), Président; Mr Jean-Philippe Rochat (Suisse); Mr Michele Bernasconi (Suisse) Football Résiliation du contrat de travail entre club et joueurs Résiliation du contrat par le joueur en raison du non respect de ses obligations financières par le club Résiliation du contrat par le club en raison de l’absence d’un joueur aux entraînements Résiliation du contrat par le club pour performances insuffisantes du joueur Interdiction de statuer ultra petita Sanction sportive à l’encontre du club

Tribunal Arbitral du Sport - Court of Arbitration for Sport (2007-2008) - official version by www.tas-cas.org - Arbitrage TAS 2007/A/1233 FC Universitatea Craiova c. Marcos Honorio Da Silva & TAS 2007/A/1234 FC Universitatea Craiova c. Eduardo Magri, sentence du 19 décembre 2007 Formation: Mr Bernhard Welten (Suisse), Président; Mr Jean-Philippe Rochat (Suisse); Mr Michele Bernasconi (Suisse) Football Résiliation du contrat de travail entre club et joueurs Résiliation du contrat par le joueur en raison du non respect de ses obligations financières par le club Résiliation du contrat par le club en raison de l’absence d’un joueur aux entraînements Résiliation du contrat par le club pour performances insuffisantes du joueur Interdiction de statuer ultra petita Sanction sportive à l’encontre du club 1. Un joueur dispose de justes motifs de résiliation de son contrat de travail au sens de l’article 21 du Règlement FIFA lorsque son club employeur ne respecte pas ses obligations financières et qu’une sommation précédant la résiliation requise par le Règlement FIFA, le droit suisse et la pratique a été adressée au club sous forme de courrier. 2. L’absence d’un joueur aux entraînements ne constitue pas une violation suffisamment grave du contrat de travail pour autoriser un club à mettre fin immédiatement au contrat. Seule une attitude persistante du joueur voire une absence répétée sans raison valable justifie que le club résilie le contrat avec effet immédiat. 3. La résiliation anticipée et immédiate d’un contrat de travail par un club en raison des performances insuffisantes d’un sportif doit être considérée comme une résiliation sans juste cause. Une clause contractuelle prévoyant la résiliation du contrat en cas de performances jugées insuffisantes par le club doit être considérée comme arbitraire et fondée sur des critères non objectifs et de surcroît contraire aux principes de la protection de la personnalité tel qu’il ressort du droit suisse et plus spécifiquement de l’article 27 du Code Civil. 4. Lorsqu’elle statue sur l’indemnité pour violation du contrat, la formation arbitrale est liées par les conclusions des parties. Les joueurs ayant conclu à la confirmation des décisions rendues par la CRL, la Formation ne peut statuer ultra petita. 5. Sauf circonstances exceptionnelles, des sanctions sportives pour violation unilatérale du contrat sans justes motifs peuvent être prises par la FIFA. A l’encontre d’un club, la sanction consiste notamment en l’interdiction d’enregistrer de nouveaux joueurs, nationaux ou internationaux. FC Universitatea Craiova (“l’Appelant”, “le Club” ou “Uni Craiova”) est un club de football roumain évoluant en deuxième division dont le siège est situé à Craiova. Le Club est membre de la Fédération roumaine de football, qui à son tour est affiliée à la Fédération Internationale de Football Association (FIFA). M. Marcos Honorio da Silva (“le Joueur da Silva” ou “l’Intimé”) est un joueur de football professionnel brésilien, né le 8 août 1976. M. Eduardo Magri (“le Joueur Magri” ou “l’Intimé”) est un joueur de football professionnel brésilien, né le 24 décembre 1980. En date du 21 février 2005, les joueurs da Silva et Magri ont chacun conclu un contrat de travail de durée indéterminée avec Uni Craiova. Les deux contrats rédigés en roumain avaient la même teneur et étaient contresignés par S., agent FIFA, représentant les deux joueurs. L’article 2 des contrats prévoyait une entrée en vigueur rétroactive du contrat au 10 février 2005 et une durée indéterminée. L’article 9 des contrats prévoyait un salaire mensuel brut de LEI […] payable le 15 de chaque mois. L’article 11 chiffre 1 des contrats énumérait les droits des joueurs parmi lesquels figuraient notamment le droit au paiement pour les prestations effectuées et le droit à l’encadrement professionnel. Le chiffre 11.2 des contrats fixait quant à lui les obligations des joueurs parmi lesquelles figuraient l’obligation d’effectuer le travail requis, l’obligation d’observer strictement les horaires d’entraînement et de compétition, les règlements en vigueur ainsi que le contrat collectif de travail. Le chiffre 11.4 des contrats qui énumérait les obligations de l’employeur prévoyait notamment l’obligation pour ce dernier de payer les joueurs et d’assurer en permanence le respect de l’encadrement technique et organisationnel discuté à l’occasion de la conclusion du contrat. Aucun exemplaire ou copie des contrats signés par les Joueurs ne leur a été remis lors de la signature. En date du 7 mars 2005, les Joueurs Magri et da Silva ont signé chacun un avenant aux contrats conclu le 29 février 2005. Les avenants étaient rédigés en roumain et de contenu similaire sous réserve des salaires prévus pour l’un et l’autre des joueurs. Ils étaient également contresignés par S., agent FIFA représentant les joueurs. L’article 1 des Avenants précisait ce qui suit: “L’article 2 du contrat de travail est modifié en ce sens que la durée du contrat fixée à deux ans et cinq mois pour une période allant du 10 février 2005 au 30 juin 2007. Le contrat entrera en vigueur après l’exécution d’un contrôle médical par le joueur et après que ce dernier ait été déclaré médicalement apte à une activité de sport de compétition. Si tel n’est pas le cas, le contrat sera considéré comme nul”. L’article 3 des Avenants précisait ce qui suit: “Tous les montants payables en Euro sont nets et payables aux joueurs au taux de change en vigueur au jour du paiement, soit le 15 de chaque mois”. L’article 4 des Avenants prévoyait en outre ce qui suit: “Au cas où le joueur n’atteindrait pas les exigences de performance fixées par l’employeur, le contrat pourra être résilié à n’importe quel moment, à l’initiative de l’employeur”. L’avenant signé par le Club avec le Joueur Magri prévoyait à son article 2 que le joueur bénéficierait des paiements suivants: […]. En outre, le Joueur devait bénéficier de deux billets aller et retour Bucarest - Sao Paulo pour chaque année contractuelle. L’article 2 de l’avenant convenu entre le Club et le Joueur da Silva prévoyait quant à lui que le joueur bénéficierait des paiements suivants. […]. Le 26 mars 2005, soit moins de trois semaines après la signature des Avenants, les entraîneurs du Club, […], ont écrit au président du Club en ces termes: “Le bref délai que nous avons à notre disposition pour tenter de maintenir l’équipe en division A nous oblige à rechercher d’urgence des solutions pour faciliter notre activité. Dès lors que nous disposons d’une équipe de joueurs très nombreuse et hétérogène – pas moins de sept joueurs étrangers – je (SIC) crois que le premier pas consiste à réduire le nombre de joueurs en s’appuyant seulement sur les joueurs qui travaillent ensemble depuis au moins un an. En conséquence, nous ne pouvons pas prendre en considération les cinq joueurs étrangers qui sont arrivés il y a quelques semaines. Il s’agit de: […], Marcos Honorio da Silva, Eduardo Roberto Magri, […] et […]. Ils ont été attentivement examinés aussi bien lors des entraînements que dans les matchs amicaux, la conclusion étant sans équivoque: ils ne peuvent pas aider l’équipe dans les circonstances actuelles. Le Joueur roumain […] est dans la même situation. Veuillez agir en consequence”. Dès fin mars 2005, les Joueurs da Silva et Magri ont reçu l’instruction de s’entraîner avec la deuxième équipe du Club. Selon l’Appelante, les performances des joueurs étaient insuffisantes pour qu’ils puissent évoluer avec la première équipe mais rien ne s’opposait à ce qu’ils remontent en équipe fanion si leurs performances s’amélioraient. Les Joueurs étaient logés dans des locaux appartenant au Club et devaient se déplacer aux entraînements à l’aide d’un bus de l’équipe. Insatisfaits des conditions de logement et de l’encadrement qui leur était apporté, les Joueurs, qui ne parlaient pas roumain, ont éprouvé les plus grandes difficultés pour se faire comprendre et, à plus forte raison, se faire entendre par le Club. Pendant cette période, ils communiquaient régulièrement par téléphone avec M., proche de leur agent et ils se sont régulièrement plaints du traitement qui leur était réservé, des mauvaises conditions d’entraînement et de logement. Par courrier du 5 avril 2005, le conseil des Joueurs a sommé le Club de régler les salaires des Joueurs pour les mois de février et de mars. Par courrier du même jour adressé à la FIFA, le conseil des Joueurs a informé cette dernière du fait que les deux joueurs n’avaient pas reçu leur salaire pour les mois de février et mars et a indiqué avoir sommé le Club de s’exécuter. Le conseil précisait qu’à la suite de ce fax, les Joueurs avaient été convoqués par la direction du Club qui leur avait suggéré de quitter le pays et le Club, sans salaires pour février et mars mais avec un billet d’avion payé par le Club. En date du 8 avril 2005, le conseil des Joueurs a requis la Commission du Statut du Joueur de la FIFA de prendre toutes les mesures utiles à l’encontre du Club au vu de la situation dans laquelle se trouvaient les Joueurs. Le conseil signalait que le Club avait convoqué les Joueurs et qu’il leur avait soumis un document de résiliation de leur contrat et en les incitant à renoncer à tous les salaires qui leur étaient dus. Les Joueurs ont alors appelé M. et lui ont expliqué qu’ils avaient été interdits d’entraînement et s’entraînaient désormais seuls. M. leur a déconseillé de signer les documents soumis par le Club. A fin avril 2005, les Joueurs ont quittés le Club et se sont rendus à Bucarest auprès de l’Ambassade du Brésil, d’où ils ont apparemment pris l’avion pour le Brésil quelques jours plus tard. L’instruction n’a pas démontré que le Club ait entrepris des démarches pour les retenir et aucune proposition d’accord financier ne leur a été faite. De retour au Brésil, les Joueurs n’ont pas retrouvé d’emploi avant septembre 2001. Depuis janvier 2006, Honorio da Silva joue au sein d’un club de football évoluant dans la 1ère division du championnat du Brésil. Eduardo Magri joue quant à lui au sein d’un club de football évoluant en 2ième division du championnat du Portugal. Le 5 avril 2005, le conseil des Joueurs a informé le Comité du Statut du Joueur que le Club n’avait pas payé les salaires des Joueurs pour les mois février et mars 2005 et qu’il avait invité les Joueurs à quitter le Club et le pays. Le Conseil des Joueurs a prié le Comité de prendre les mesures disciplinaires utiles contre le Club. Le 8 avril 2005, le conseil des Joueurs a complété les faits en soulignant que le Club avait cherché à faire pression sur les Joueurs pour qu’ils signent un document pour renoncer à leurs demandes financières contre le Club. En date du 2 mai 2005, le conseil des Joueurs a adressé au Comité du Statut du Joueur des explications complémentaires concernant la situation de ses clients et conclu au paiement immédiat par le Club d’un montant de EUR 8’000.- net au Joueur Magri et de EUR 6’000.- net au Joueur da Silva. Saisie, la Chambre de Résolution des Litiges de la FIFA (CRL) a invité le Club à soumettre une réponse à la requête déposée par les deux Joueurs, en y ajoutant toutes pièces utiles à la procédure. Par courrier du 20 mai 2005, le Club a accusé réception du courrier adressé par la CRL en date du 11 mai et souligné que les Joueurs Magri et da Silva ne s’étaient pas présentés aux entraînements dès le 31 mars 2005 et qu’en conséquence le Club avait requis de la ligue professionnelle de football roumaine que les Joueurs soient suspendus. Par courrier du 26 mai 2005, le conseil des Joueurs a répondu en contestant les faits tels que décrits par le Club en soulignant que les Joueurs avaient été mis – par le Club – dans l’impossibilité de participer aux entraînements et, de surcroît, les engagements contractuels pris par le Club n’avaient pas été tenus notamment s’agissant de la mise à disposition d’appartements d’une qualité normale. Le conseil des Joueurs ajoutait que, au vu de la situation, les Joueurs pouvaient se considérer libres de quitter le Club. Ils précisent qu’ils s’apprêtaient à quitter la Roumanie au vu des circonstances. En date du 27 juin 2005, le Club a informé la CRL que divers changements avaient eu lieu au sein de sa direction. Cette situation expliquait les retards pris pour transmettre à la FIFA toutes les informations utiles demandées. Le Club répétait que les Joueurs ne s’étaient plus entraînés depuis le 31 mars 2005 et produisait divers rapports dressés par les entraîneurs en date du 4 avril, 22 avril et 2 mai 2005. L’entier de l’argumentation développé par les Joueurs était contesté par le Club. Uni Craiova confirmait toutefois que, au vu de leurs performances jugées insuffisantes, les deux Joueurs avaient été placés en deuxième équipe dès la fin du mois de mars 2005, tout en soulignant qu’une telle procédure était usuelle et que les chances pour eux de remonter en première équipe étaient tout à fait réelles moyennant qu’ils améliorent leurs performances. Le Club soulignait enfin qu’il désirait mettre fin au contrat avec les Joueurs et concluait au paiement d’une indemnité payable par les Joueurs du fait de leur comportement. La fixation du montant de cette indemnité était laissée à la FIFA. En date du 5 juillet 2005, la Commission du Règlement des Litiges a pris acte des explications des parties en leur adressant la recommandation suivante: “In view of this situation, we advise the parties involved in this matter to consider their labour relationship as terminated and to focus on the financial aspects of the dispute. Furthermore, should the players enter into a new contractual relationship with a Club and should the Association(s) of this club ask for the issuance of the International Transfer Certificate, the former Association is asked to comply with this request, so as not to hinder the players’ career”. Un délai au 18 juillet 2005 était en outre fixé aux Joueurs pour se déterminer sur les conclusions financières prises par le Club. Par courrier du 14 juillet 2005, le conseil des Joueurs a à nouveau exprimé la position de ses clients en contestant qu’ils se soient soustraits à l’entraînement dès le 31 mars 2005, en répétant que selon lui, ses clients avaient été victime de harcèlement et en soulignant que le Club n’avait pas respecté ses obligations financières. Le conseil rappelait qu’aucune pièce témoignant de la bonne exécution du contrat par le Club n’avait été versée à la procédure et que la résiliation du contrat par le Club devait être considérée comme nulle et non-avenue. Le courrier concluait au rejet des conclusions prises par le Club et au paiement d’une indemnité en faveur des Joueurs à fixer par la FIFA. Par courrier du 18 juillet 2005 adressé aux parties, la CRL a fixé au Club un délai au 1er août 2005 pour se déterminer. Les Joueurs étaient en outre requis de produire leur contrat de travail avec une traduction. Par courrier du 20 juillet 2005, le conseil des Joueurs a informé la CRL que les Joueurs n’avaient jamais reçu copie de leur contrat, mais seulement de l’avenant. Le 1er août 2005, le Club a adressé à la FIFA un courrier répondant au courrier du conseil des Joueurs du 14 juillet 2005. Ce courrier contestait les allégations des Joueurs et réexpliquait une fois de plus la position du Club eu égard aux comportements des Joueurs. En conséquence, le Club concluait à ce qu’il soit constaté que les contrats devaient être considérés comme résiliés et qu’il avait droit à une indemnité payable par les Joueurs pour rupture du contrat. Le 2 août 2005, la CRL a fixé au Club un délai au 16 août 2005 pour prendre position sur le fait que les contrats de travail n’avaient jamais été envoyés aux Joueurs et pour envoyer copies de ces contrats avec une traduction à la FIFA. Les Joueurs se sont vus fixer le même délai du 16 août 2005 pour prendre position sur le courrier du Club du 1er août 2005. En date du 3 août 2005, le conseil des Joueurs a pris position sur le courrier du Club en concluant à nouveau au rejet des conclusions prises par le Club et au paiement d’une indemnité en faveur des Joueurs. Le 19 août 2005, la CRL a à nouveau requis le Club et l’Association roumaine de football d’envoyer copie des contrats conclus avec les Joueurs. Par courrier du 24 août 2005, le Club a transmis à la FIFA une copie des contrats de travail des Joueurs en soulignant que si ces derniers n’avaient reçu aucune copie du contrat c’est qu’ils n’en avaient jamais demandé. En date du 5 septembre 2005 par courrier adressé à la CRL, le conseil des Joueurs a confirmé que les Joueurs n’avaient retrouvé aucun emploi à cette date. La CRL a ensuite rendu deux décisions en date du 28 septembre 2006, déclarant les demandes des Joueurs admissibles et condamnant le Club au paiement d’un montant de EUR 68’100.- au Joueur Magri ainsi qu’un montant de EUR 43’800.- au Joueur da Silva payable dans un délai de trente jours. Les décisions faisaient en outre interdiction au Club d’engager de nouveaux joueurs nationaux ou internationaux jusqu’à la fin de la deuxième période de transfert suivant la notification de la décision. Par lettre du 8 mars 2007, le Club a soumis au TAS deux déclarations d’appel contre les décisions rendues par la CRL. Le 16 (affaire Magri) et le 19 mars 2007 (affaire da Silva), l’Appelant a déposé deux mémoires d’appel avec bordereaux de pièces. Par courrier du 3 avril 2007, le TAS a pris acte de l’accord intervenu entre les parties de joindre les deux procédures et a précisé que la jonction ne pourrait pas intervenir avant la constitution des deux formations arbitrales. Par courrier du 5 avril 2007, les deux Joueurs Intimés ont déposé leur mémoire de réponse qui concluait au rejet de l’appel interjeté par CF Uni Craiova. Une audience a eu lieu le 5 septembre 2007 au siège du TAS à Lausanne. DROIT Compétence du TAS 1. La compétence du TAS découle des articles 59 et suivants des Statuts de la FIFA et de l’article R47 du Code de l’Arbitrage en matière de sport (“le Code”). Elle est par ailleurs confirmée par la signature de l’ordonnance de procédure par chacune des parties. 2. Il en résulte que le TAS est compétent pour résoudre les présents litiges. 3. En vertu de l’article R57 du Code, la Formation arbitrale revoit les faits et le droit avec plein pouvoir d’examen. Droit applicable 4. L’article R58 du Code prévoit ce qui suit: “La Formation statue selon les règlements applicables et selon les règles de droit choisies par les parties, ou à défaut de choix, selon le droit du pays dans lequel la fédération, association ou autre organisme sportif ayant rendu la décision attaquée a son domicile ou selon les règles de droit dont la Formation estime l’application appropriée. Dans ce dernier cas, la décision de la Formation doit être motivée”. 5. L’article 59 des Statuts de la FIFA a la teneur suivante: “La procédure arbitrale est régie par le Code de l’arbitrage en matière de sport. Sur le fond, le TAS applique les diverses règles émises par la FIFA ou, le cas échéant, par les confédérations, les membres, les ligues, les clubs et, à titre supplétif, le droit suisse”. 6. Dans le cas d’espèce, les parties ont confirmé expressément en audience qu’elles entendaient soumettre le présent litige à l’application des dispositions réglementaires de la FIFA et subsidiairement au droit suisse. Recevabilité 7. Les décisions de la CRL ont été notifiées aux parties le 16 février 2007. Les deux appels ont été interjetés le 8 mars 2007, soit dans le délai prévu par les Statuts de la FIFA et rappelés dans les décisions notifiées. Aussi bien les déclarations d’appel que les mémoires déposés ensuite répondent aux exigences du Code. Les deux appels sont par conséquent recevables. Au fond 8. Les questions principales qui se posent à la Formation arbitrale peuvent être formulées comme suit: a) Quelle partie a résilié le contrat de travail? b) Existe-il des justes motifs de résiliation? c) Une partie a-t-elle droit à une indemnité et si oui, sur quelle base? d) Une sanction administrative prise à l’encontre du Club se justifie-t-elle? A. Quelle partie a résilié le contrat de travail? 9. Il n’est pas contesté que deux contrats de travail ont été conclus entre l’Appelant d’une part et les Joueurs Magri et da Silva d’autre part. Ces contrats résultent d’un ensemble constitué du contrat de travail signé le 21 février 2005 et de l’avenant conclu le 7 mars 2005. 10. Il n’est pas non plus contesté que les contrats de travail ont été rompus. L’Appelant fait valoir que les Intimés ont rompu le contrat sans justes motifs en se soustrayant à l’entraînement puis en quittant le Club sans autorisation. Les Intimés font valoir quant à eux que c’est au contraire l’Appelant qui a rompu le contrat sans justes causes en ne versant pas, ou pas totalement, les salaires qui leur étaient dus et en violant les obligations contractuelles ou les promesses qui leur avaient été faites s’agissant notamment des conditions de logement et d’entraînement. 11. Il convient de préciser d’emblée que la Formation considère que les allégations de l’Appelant ne peuvent pas être tenues pour établies dans la mesure où elles ne sont étayées que par déposition de témoins qui lui sont étroitement liées sans que ces dépositions soient corroborées par d’autres éléments du dossier. 12. De même, la Formation n’a tenu compte du témoignage de M. – qui collaborait à l’époque avec l’Agent des Intimés avec lequel il continue à entretenir des relations – que dans la mesure où son témoignage était confirmé par d’autres éléments de preuve. 13. Ceci étant précisé et les deux parties admettant que le contrat a été rompu, il s’agit de déterminer si l’une d’elles disposait de justes motifs l’autorisant à résilier les contrats de travail. B. Existe-il en l’espèce des justes motifs de résiliation? 14. L’article 21 du Règlement du Statuts et du Transfert du Joueur de la FIFA du 5 juillet 2001 (“le Règlement FIFA”) précise qu’un contrat peut être résilié par l’une ou l’autre des parties sans entraîner de conséquences, si l’on est en présence d’un cas de justes causes. 15. Selon le commentaire du Règlement FIFA, la notion de justes causes et ses conditions doivent être définies de cas en cas. 16. En guise d’exemple, le commentaire cite le cas d’un joueur qui ne perçoit pas son salaire, bien que le club ait été avisé du défaut de paiement. Selon cet exemple, le joueur serait alors autorisé à mettre fin au contrat avec effet immédiat. Le commentaire précise que le fait que le joueur n’ait pas perçu son salaire pendant une durée relativement longue l’autorise à résilier le contrat, notamment parce que le non respect persistant des clauses financières du contrat pourrait sévèrement compromettre sa position et son existence. 17. Conformément au droit suisse et à la pratique, le Règlement FIFA exige donc en principe l’existence d’une sommation précédant la résiliation. Le Tribunal Fédéral a par ailleurs jugé qu’un avertissement adressé à la partie violant le contrat constitue une mise en demeure d’exécuter correctement ledit contrat et doit être assorti de la fixation d’un délai convenable au sens de l’article 107 du Code des Obligations. L’octroi d’un délai convenable n’est cependant nécessaire que s’il apparaît qu’une telle sommation serait sans effet (art. 108 CO, ATF 127 III 153). 18. Selon les Intimés, le Club n’a jamais versé ou pour le moins jamais complètement les salaires dus aux Joueurs pour les mois de février et de mars 2001. Il résulte des pièces que, par courrier du 5 avril 2005, le Conseil des Joueurs a sommé le Club de régler les salaires pour les mois de février et de mars, tout en soulignant que les Joueurs se verraient obligés de quitter le Club en cas de non respect du contrat. Le témoin Mosso a par ailleurs confirmé qu’à la même époque, les téléphones réguliers qu’il avait eu avec les Joueurs confirmaient cet état de fait. Par ailleurs, l’Appelant admet ne pas avoir payé le salaire du mois de mars dès lors que les Joueurs n’ont pas participé à l’entraînement à partir du 31 mars. Il apparaît cependant qu’en date du 31 mars, date à laquelle les Joueurs se seraient soustraits à l’entraînement, les salaires du mois de février et mars 2001 étaient cependant dus et que par conséquent les salaires auraient dû être payés. 19. La Formation est par conséquent d’avis que, moyennant avertissement, les Joueurs pouvaient disposer d’un juste motif de résiliation, moyennant que le Club ne s’exécute pas ou qu’il ressorte des circonstances qu’une sommation serait sans effet. Il ressort clairement des courriers du 5 et 8 avril 2005 adressés par le Conseil des Joueurs au Club que ceux-ci constituaient une mise en demeure au sens de l’article 107 CO. 20. Force est de constater qu’à la suite de la sommation adressée au Club, ce dernier s’est contenté de convoquer les Joueurs pour les inviter à quitter le Club et n’a, à aucun moment, fait mine de vouloir exécuter le contrat. La Formation est par ailleurs convaincue à la lueur des pièces que le Club cherchait alors à se séparer des Intimés. Le Courrier adressé par les entraîneurs en date du 26 mars 2005 au président du Club démontre en effet clairement une divergence d’opinion entre le management du Club et les entraîneurs. Ces derniers ne savaient manifestement que faire de joueurs surnuméraires qu’ils jugeaient par ailleurs incapables de redresser la situation du Club menacé de relégation. 21. La version des Intimés selon laquelle le Club entendait rechercher tous les moyens pour mettre fin à leur contrat apparaît donc plausible et il ressort de l’attitude de l’Appelant que la fixation d’un délai convenable d’exécution n’aurait eu aucun effet. 22. La Formation est dès lors d’avis que, suite aux courriers du Conseil des Intimés des 5 et 8 avril 2005, les Joueurs disposaient de justes motifs de résiliation de leur contrat de travail au sens de l’article 21 du Règlement FIFA. La Formation constate que les Intimés n’ont pas ramené la preuve formelle de l’existence de justes motifs résultant des conditions de logement – selon eux déplorables – et de l’impossibilité de s’entraîner sérieusement. Les témoignages sur ce point sont en effet contradictoires et ne sont étayés que par les affirmations de leur avocat et du témoin Mosso dont on sait qu’il était proche de l’Agent des Joueurs. 23. L’Appelant invoque quant à elle un juste motif de résiliation résultant de l’absence des Joueurs aux entraînements dès le 31 mars 2001. Cet état de fait constituerait ainsi une violation grave du contrat de travail et aurait autorisé le Club à mettre fin immédiatement au contrat de travail. 24. Selon le commentaire du Règlement FIFA, l’absence d’un joueur à des entraînements et son manque de motivation autorisent les clubs à infliger des sanctions tels un blâme ou une amende, et seule une attitude persistante du joueur voire son absence répétée sans raison valable justifient que le club résilie le contrat avec effet immédiat. 25. En l’espèce, il n’a pas été démontré que le Club ait adressé une sommation aux Joueurs et aucun blâme ou autre sanction n’apparaissent avoir été prises à l’encontre de ces derniers. Les Joueurs ayant disposé dès le 8 avril 2005 au plus de tard de justes motifs de résiliation de leur contrat, le contrat de travail avait de fait pris fin et le Club ne pouvait invoquer de justes motifs de résiliation pour un contrat déjà résilié valablement. 26. L’Appelant invoque ensuite le chiffre 4 de l’Avenant au contrat pour justifier une résiliation avec effet immédiat. Selon l’interprétation du Club, cet article l’autoriserait à résilier les contrats de travail pour justes causes dès le moment où la performance des Joueurs ne répondait pas aux attentes. En l’espèce, les entraîneurs cités comme témoins ont certes confirmé que les Joueurs n’avaient pas répondu aux attentes mais la crédibilité de ces témoignages laisse à désirer; il convient en effet de rappeler que les témoins entendus étaient signataires de la lettre du 26 mars 2005 qui mettait les Joueurs étrangers du Club dans le même paquet en considérant qu’ils n’étaient pas à même d’apporter quoi que ce soit à l’équipe. Le témoin L., entraîneur assistant de la 1er équipe et entraîneur de la 2ième équipe, a cependant confirmé que les Joueurs avaient été préalablement observés avant leur transfert. Le Club connaissait donc les qualités des Joueurs avant de passer contrat avec eux. 27. De surcroît, selon la jurisprudence constante de la CRL, la résiliation anticipée et immédiate d’un contrat de travail par un club en raison des performances insuffisantes d’un sportif doit être considérée comme une résiliation sans justes causes. La CRL a d’ailleurs rappelé dans la décision attaquée que l’article 4 du contrat était considéré comme arbitraire et fondé sur des critères non objectifs. La Formation constate de surcroît qu’un tel article est contraire aux principes de la protection de la personnalité tel qu’il ressort du droit suisse et plus spécifiquement de l’article 27 du Code Civil. L’article 4 de l’avenant ne saurait dès lors s’appliquer et doit être considéré comme nul. 28. Enfin, l’Appelant invoque encore l’article 51 du Règlement roumain, selon lequel un club peut résilier un contrat qui le lie à un sportif si ce dernier est absent de l’entraînement pendant une période supérieure à trente jours. La Formation rappelle qu’elle n’a pas été convaincue par les preuves apportées par l’Appelant selon lesquelles les Joueurs se seraient soustraits effectivement aux entraînements. Il n’est toutefois pas contestable que, si les Joueurs n’ont pas participé aux entraînements à partir du 31 mars 2005, le délai de trente jours fixé par l’article 51 du Règlement roumain n’était pas arrivé à échéance le 8 avril 2005, date à laquelle la Formation admet que les Joueurs disposaient de justes motifs de résiliation du contrat. Il n’y a donc pas lieu à retenir l’application de l’article invoqué par les Appelants. 29. En conclusion, la Formation constate sur la base de l’instruction de la cause, ce sont bien les Intimés qui disposaient de justes motifs pour résilier leur contrat de travail, le Club n’étant pas en mesure de se prévaloir desdits motifs. Le Club a par conséquent violé le contrat en ne payant pas le salaire dû aux Joueurs. C. Une indemnité était-elle due et si oui, sur quelle base? 30. Les articles 21 et suivants du Règlement FIFA prévoient qu’une indemnité est due par la partie qui viole unilatéralement un contrat de travail. En l’état, la Formation est d’avis que le non paiement par le Club des salaires dus aux Joueurs constituait une violation unilatérale des contrats de travail donnant lieu à indemnité. 31. En application de l’article 22 du Règlement FIFA, l’indemnité dans le cas de violation de contrat doit être calculée en tenant compte du droit applicable, de la spécificité du sport et de tous les critères objectifs pouvant être déterminant pour le cas d’espèce. 32. Les Joueurs ayant conclu à la confirmation des décisions rendues par la CRL, la Formation est liée par les conclusions prises. Quand bien même le droit suisse pourrait le cas échéant donner lieu à des indemnités plus importantes, la Formation ne peut statuer ultra petita et s’en tiendra aux montants correspondant aux indemnités fixées par la CRL. 33. La Formation constate de surcroît qu’a priori les indemnités calculées par la FIFA ne paraissent ni arbitraires ni excessives. Il n’y a donc pas lieu à revoir les indemnités fixées par la CRL qui paraissent fondées juridiquement. L’indemnité de € 43’800.- payable par le Club au Joueur da Silva est donc fondée. En ce qui concerne le Joueur Magri, la Formation constate que le dispositif de la décision de la CRL se réfère à un montant total de l’indemnité de EUR 58’100.- composée de EUR 20’000.- correspondant au salaire dû pour la période du 10 février au 30 juin 2005, auquel il convient de déduire la somme de EUR 1’900.- payée par le Club au Joueur et à laquelle il convient d’ajouter ensuite un montant de EUR 40’000.- pour rupture injustifiée. 34. Au point 2 du dispositif de la décision, la CRL a cependant mentionné un montant de EUR 68’100.-. Il apparaît à la Formation que ce montant résulte d’une erreur de plume au vu des calculs effectués précédemment dans le dispositif. C’est donc le montant de EUR 58’100.- qui sera retenu. D. Une sanction administrative prise à l’encontre du Club se justifie-t-elle? 35. L’article 23 du Règlement FIFA stipule que, sauf dans des circonstances exceptionnelles, des sanctions sportives pour violation unilatérale du contrat sans justes motifs peuvent être prises par la FIFA. 36. Selon l’alinéa 2 du Règlement, si la rupture intervient avant la fin de la deuxième année de contrat, la sanction consiste en l’interdiction d’enregistrer de nouveaux joueurs, nationaux ou internationaux, jusqu’à l’expiration de la deuxième période de transfert suivant la date à laquelle la rupture a été effective. Dans tous les cas, l’interdiction ne saurait excéder douze mois suivant la rupture du contrat. En l’espèce, et compte tenu des circonstances, il apparaît à la Formation que l’Appelant mérite une telle sanction compte tenu du traitement réservé aux Intimés et de la légèreté avec laquelle les transferts semblent avoir été effectués par l’Appelant. 37. La sanction prononcée par la FIFA n’apparaît pas en l’état arbitraire. 38. S’agissant de la période d’interdiction, la Formation relève que le Club même a confirmé avoir pu procéder à des transferts durant la période de juillet et août 2007 et ce malgré le retrait de sa requête d’effet suspensif. Il en résulte que la période d’interdiction n’a pas encore commencé. La Formation considère ainsi qu’il se justifie de confirmer l’interdiction d’enregistrer de nouveaux joueurs nationaux ou internationaux pour les deux périodes de transfert, à compter de la notification de la présente décision. 39. Enfin, vu tous les éléments de cette affaire, la Formation rejette toute autre prétention des parties. Le Tribunal Arbitral du Sport prononce: 1. Les appels déposés par FC Universitatea Craiova le 8 mars 2007 contre les décisions du 28 septembre 2006 de la Chambre de Résolution des Litiges de la FIFA sont rejetés. 2. La décision rendue le 28 septembre 2006 par la Chambre de Résolution des Litiges de la FIFA dans le litige opposant M. Marcos Honorio da Silva à FC Universitatea Craiova est confirmée. 3. La décision rendue le 28 septembre 2006 par la Chambre de Résolution des Litiges de la FIFA dans le litige opposant Eduardo Magri à FC Universitatea Craiova est confirmée. 4. En application du ch. 1, 2 et 3 ci-dessus, le FC Universitatea Craiova a l’interdiction d’enregistrer de nouveaux joueurs nationaux ou internationaux durant les prochaines deux périodes de transfert suivant la notification de la présente décision. 5. Toute autre prétention est rejetée. (…).
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