TAS-CAS – Tribunale Arbitrale dello Sport – Corte arbitrale dello Sport (2011-2012) ———-Tribunal Arbitral du Sport – Court of Arbitration for Sport (2011-2012) – official version by www.tas-cas.org – Arbitrage TAS 2011/A/2433 Amadou Diakite c. Fédération Internationale de Football Association (FIFA), sentence du 8 mars 2012 Formation: Prof. Massimo Coccia (Italie), Président; Me François Klein (France); Me Michele Bernasconi (Suisse) Football Faits de corruption dans le processus d’attribution de l’organisation de la Coupe du monde de la FIFA Admissibilité d’enregistrements de conversations téléphoniques à l’insu de la personne visée comme moyen de preuve Pouvoir d’examen du TAS Admissibilité des preuves (principes) Caractère licite de la preuve Réglementation applicable en matière de preuve Degré de la preuve Atteinte au droit de la personnalité Corruption au sens de l’art. 11 al.1 du Code d’Ethique de la FIFA (CEF) Violation de l’obligation de déclaration et de rapport Violation de l’obligation de loyauté et de confidentialité Sanctions

TAS-CAS - Tribunale Arbitrale dello Sport - Corte arbitrale dello Sport (2011-2012) ----------Tribunal Arbitral du Sport - Court of Arbitration for Sport (2011-2012) - official version by www.tas-cas.org - Arbitrage TAS 2011/A/2433 Amadou Diakite c. Fédération Internationale de Football Association (FIFA), sentence du 8 mars 2012 Formation: Prof. Massimo Coccia (Italie), Président; Me François Klein (France); Me Michele Bernasconi (Suisse) Football Faits de corruption dans le processus d’attribution de l’organisation de la Coupe du monde de la FIFA Admissibilité d’enregistrements de conversations téléphoniques à l’insu de la personne visée comme moyen de preuve Pouvoir d’examen du TAS Admissibilité des preuves (principes) Caractère licite de la preuve Réglementation applicable en matière de preuve Degré de la preuve Atteinte au droit de la personnalité Corruption au sens de l’art. 11 al.1 du Code d’Ethique de la FIFA (CEF) Violation de l’obligation de déclaration et de rapport Violation de l’obligation de loyauté et de confidentialité Sanctions 1. En raison du plein pouvoir d’examen conféré aux formations arbitrales du TAS, l’appel au TAS permet de considérer comme purgés les vices de procédure ayant éventuellement affecté les instances précédentes dès lors que l’Appelant a eu tout loisir de défendre sa cause et d’exercer son droit d’être entendu devant le TAS. 2. Selon le droit suisse, les associations et en particulier les associations sportives ont le pouvoir d’adopter des règles de conduite qui s’imposent à leurs membres directs et indirects et d’appliquer des sanctions disciplinaires aux membres qui ne respectent pas ces règles, pour autant que certains principes généraux du droit – tels que le droit d’être entendu et le principe de proportionnalité – soient respectés. A cet égard, la compétence de l’association sportive ne repose pas sur le droit public ou pénal, mais sur le droit civil. Le Tribunal fédéral suisse (TF) a notamment souligné que l’appréciation des preuves ne saurait suivre les principes propres à la procédure pénale. Toutefois, l’ordre public procédural tel que défini par la jurisprudence du TF doit être respecté (procédure équitable, menée dans un délai raisonnable par un tribunal indépendant et impartial). 3. Le fait d’exposer au grand jour des pratiques illégales liées à des manifestations sportives importantes – que ce soit la corruption, le dopage ou des matches truqués – relève de l’intérêt public. A cet égard, tenant compte de la jurisprudence de la Cour Européenne des Droits de l’Homme, il n’est pas évident de considérer que la conduite de journalistes – quand bien même sournoise – serait illégale. Par ailleurs, le simple fait pour une preuve d’avoir été obtenue de manière illégale – ici par le biais d’enregistrement faits à l’insu de l’Appelant – n’empêche pas nécessairement sa prise en compte par un tribunal arbitral international ayant son siège en Suisse. Ainsi, le pouvoir discrétionnaire de l’arbitre de décider de l’admissibilité de la preuve n’est limité que par l’ordre public procédural. Or, l’utilisation de preuves illicites ne relève pas automatiquement de l’ordre public suisse qui est atteint uniquement en présence d’une contradiction insupportable avec le sentiment de justice, de telle sorte que la décision apparaît incompatible avec les valeurs reconnues dans un Etat de droit. En tout état de cause, les journalistes ayant agi comme “chiens de garde” dans l’intérêt du public, l’ordre public procédural suisse n’a pas été atteint et les enregistrements sont admissibles comme moyen de preuve. 4. En application du Code disciplinaire FIFA (CDF), la Formation arbitrale doit décider sur la base de son intime conviction. Selon le CDF, tous les moyens de preuves sont admissibles sans aucune limitation. Le CDF mentionne notamment expressément les enregistrements audio et vidéo comme moyens de preuve. 5. Selon une jurisprudence constante du TAS, le degré de preuve doit être plus important que le standard civil de simple prépondérance des probabilités, mais moins important que le standard pénal de preuve allant au-delà du doute raisonnable. 6. Selon la jurisprudence du TF, la garantie de l’article 28 CC s’étend à l’ensemble des valeurs essentielles de la personne qui lui sont propres par sa seule existence et peuvent faire l’objet d’une atteinte. De manière générale, il ne fait aucun doute que le respect de la vie privée fait partie des droits protégés par l’article 28 CC. Par leurs procédés, les journalistes n’ont pas respecté la sphère privée de l’Appelant, lequel n’était pas averti que les conversations téléphoniques étaient enregistrées. Cependant, en application de l’article 28 al. 2 CC, la balance des intérêts penche en faveur de la divulgation et de l’utilisation des preuves réunies par les journalistes dès lors que l’atteinte aux droits de la personnalité de l’Appelant est justifiée par des intérêts publics et privés prépondérants. Les enregistrements sonores contestés doivent être admis. 7. Les trois conditions de l’article 11 al. 1 du Code d’éthique de la FIFA (CEF) sont remplies s’il est établi à la satisfaction de la Formation arbitrale qu’un cadeau ou un autre avantage a été offert à l’Appelant, qu’il est manifeste que celui-ci avait bien compris que ses interlocuteurs cherchaient à l’inciter à se comporter malhonnêtement en faveur d’un tiers et de la candidature d’un pays pour l’organisation de la Coupe du Monde de football et qu’il n’a pas activement et catégoriquement refusé l’offre inappropriée qui lui état faite. Dans ce cas, l’appelant s’est rendu coupable de corruption. 8. En ne signalant pas au secrétaire général de la FIFA les démarches contraires aux règles de conduites faites à son égard, l’Appelant s’est rendu coupable d’une violation de son obligation de déclaration et de rapport au sens de l’article 14 al. 1 CEF. 9. Par ses actions l’Appelant a porté atteinte à l’image et à la crédibilité de la FIFA. Bien plus, il n’a pas agi avec honnêteté, respectabilité, intégrité et encore moins avec une loyauté absolue, lesquelles auraient exigé non seulement qu’il refuse immédiatement les offres qui lui ont été faites mais aussi qu’il les dénonce. L’Appelant a ainsi violé les règles générales de la FIFA et son obligation de loyauté et de confidentialité. 10. En application des articles 10 c) et 22 CDF, conjointement avec l’article 17 CEF, l’interdiction faite à l’Appelant d’exercer toute activité relative au football, au niveau national comme international et au plan administratif, sportif ou autre, pour une période de deux ans, ainsi qu’une amende de CHF 7,500 ne paraissent pas disproportionnées. Au contraire, ces sanctions semblent relativement légères compte tenu de la gravité des infractions dont s’est rendu coupable l’Appelant. L’appel a été déposé par M. Amadou Diakite (“l’Appelant”), un officiel de la Fédération Internationale de Football Association (FIFA; “l’Intimée”), à l’encontre d’une décision rendue par la Commission de Recours de la FIFA en date du 3 février 2011 qui l’a reconnu coupable d’avoir enfreint plusieurs dispositions du Code d’Ethique de la FIFA (articles 3, 9, 11, et 14). La Commission de Recours de la FIFA a prononcé à l’encontre de l’Appelant une interdiction d’exercer toute activité relative au football, au niveau national comme international et au plan administratif, sportif ou autre, pour une période de deux ans à partir du 20 octobre 2010. En outre, une amende de CHF 7.500 lui a été infligée. La présente affaire se distingue par le fait que l’Appelant a été enregistré à son insu au cours de conversations téléphoniques qu’il a eues avec des journalistes du Sunday Times se faisant passer pour des lobbyistes cherchant à favoriser la candidature de la Fédération de football des Etats-Unis d’Amérique à l’organisation des Coupes du Monde de la FIFA 2018 et 2022. Lors de ces entretiens, les journalistes ont sollicité de l’Appelant qu’il les aide à entrer en contact avec un ou plusieurs membres du Comité Exécutif de la FIFA, afin de les convaincre de voter en faveur de la candidature américaine. Les divers enregistrements en cause, qui ont été remis par le Sunday Times à la FIFA, sont à l’origine des charges retenues par la FIFA à l’encontre de l’Appelant. L’Appelant est de nationalité Malienne. Au moment des faits de la présente cause, il était membre du Comité Exécutif de la Confédération Africaine de Football (CAF), de la Commission des Arbitres de la CAF et de la Commission des Arbitres de la FIFA. Il a précédemment occupé la fonction de conseiller aux sports à la Présidence de la République du Mali ainsi que de membre du Comité Exécutif de la FIFA pendant près de neuf ans. La FIFA est une association au sens des articles 60 ss du Code civil suisse (CC), inscrite au Registre du commerce. Son siège est à Zurich et son but statutaire consiste notamment à assurer la promotion du football à travers le monde, à réglementer et contrôler le football dans le monde et à organiser la Coupe du Monde et autres compétitions internationales de football. Cette partie de la sentence contient un bref rappel des faits principaux, établis sur la base des moyens et preuves que les parties ont présentés par écrit et par oral au cours de la présente procédure. Des éléments de faits supplémentaires peuvent être compris dans d’autres sections de la sentence, selon l’appréciation de la Formation arbitrale. La Coupe du Monde de la FIFA est une compétition internationale de football, qui se tient tous les quatre ans. Elle est connue pour être l’un des événements sportifs les plus suivis dans le monde et implique d’énormes intérêts économiques, notamment en termes d’infrastructures régionales et locales, d’exploitation de droits d’image et audiovisuels, de billetterie, de sponsoring et de merchandising. Cette compétition est ouverte aux équipes masculines des fédérations nationales de football membres de la FIFA. Après la phase de qualification, les meilleures équipes nationales de chaque continent se retrouvent en phase finale, laquelle se déroule sur une période d’environ un mois dans le pays hôte, désigné par le Comité Exécutif de la FIFA. Le Comité Exécutif de la FIFA est l’organe exécutif de cette association (articles 21 al. 2 et 30 ss des Statuts de la FIFA). Il est composé de vingt-quatre membres, à savoir le Président, élu par le Congrès de la FIFA, huit vice-présidents et quinze membres, désignés par les confédérations et les associations (article 30 des Statuts de la FIFA). Le Comité Exécutif a notamment pour tâche de déterminer, plusieurs années à l’avance, le pays et les dates des compétitions finales de la FIFA ainsi que le nombre d’équipes de chaque confédération admises à y participer (article 31 al. 11 des Statuts de la FIFA). Les candidats à l’organisation de la Coupe du Monde de la FIFA 2018 étaient la Russie, l’Angleterre, les Pays-Bas conjointement avec la Belgique ainsi que l’Espagne conjointement avec le Portugal. L’Australie, le Japon, la République de Corée, les Etats-Unis d’Amérique et le Qatar étaient en compétition pour accueillir la Coupe du Monde de la FIFA 2022, étant précisé que la fédération des Etats-Unis avait initialement déposé sa candidature pour les deux éditions avant de décider, en octobre 2010, de renoncer à maintenir sa candidature pour l’édition de 2018 et se consacrer exclusivement à celle de 2022. En date du 2 décembre 2010, le Comité Exécutif de la FIFA a attribué l’organisation de la Coupe du Monde de 2018 à la Russie et celle de 2022 au Qatar. Le 17 octobre 2010, l’hebdomadaire britannique Sunday Times a publié un article intitulé “Foul play threatens England’s Cup bid; Nations spend vast amounts in an attempt to be named World Cup host but as insight finds, $ 800,000 offered to a Fifa official can be far more effective” (ou en français: “Le jeu déloyal menace la candidature anglaise pour la Coupe; les Nations dépensent des sommes énormes dans l’espoir d’être nommées hôte de la Coupe du Monde mais, comme une enquête le démontre, 800.000 $ offerts à un officiel de la FIFA peuvent être beaucoup plus efficaces”). L’article suggérait non seulement que la corruption était généralisée au sein de la FIFA mais arrivait à la conclusion qu’en l’état actuel des choses, il était moins aléatoire et moins onéreux d’obtenir l’attribution de l’organisation de la Coupe du Monde en versant des pots-de-vin plutôt qu’en présentant un dossier complet et bien monté. En guise d’épilogue, l’article relevait ce qui suit: “Football has enough trouble maintaining fair play on the field. Fifa has to ensure that there is fair play off it, too, by stamping out corruption and cleaning up the World Cup bidding process. Fifa badly needs to introduce more transparency into the process and keep its decision makers under tighter control. That means an end to payments into private bank accounts or pet projects. It means each committee member judging the merits of the bids, not the bribes on offer. The Olympics has cleaned up its act after a series of bribery scandals, culminating in Salt Lake City in 2002. We have a right to expect no less of the World Cup”. ou en français: “Le football a déjà suffisamment de mal à maintenir le fair-play sur le terrain. La FIFA doit veiller à ce que le fair-play soit également respecté en dehors du terrain, en éradiquant la corruption et en assainissant le processus de candidature lié à l’attribution de la Coupe du Monde. La FIFA doit impérativement se montrer plus transparente et placer ses décideurs sous une surveillance plus stricte. En d’autres termes, elle doit mettre un terme aux paiements sur des comptes bancaires privés ou en faveur de projets personnels et s’assurer que chaque membre du Comité évalue la candidature sur ses mérites et non en fonction des pots-de-vin versés. Les Jeux Olympiques ont fait le ménage à la suite d’une série de scandales de corruption, dont le point culminant fut atteint lors des Jeux à Salt Lake City en 2002. Nous avons le droit d’en attendre tout autant de la Coupe du Monde”. L’enquête a été menée par des journalistes du Sunday Times. Ces derniers avaient approché plusieurs cadres et anciens cadres de la FIFA en se faisant passer pour des lobbyistes travaillant pour le compte d’une entreprise privée fictive, dénommée Franklin Jones, supposée chargée de représenter des entrepreneurs américains désireux de soutenir la candidature de la Fédération de football des Etats-Unis d’Amérique à l’organisation des Coupes du Monde de la FIFA de 2018 et de 2022. Au cours du mois d’octobre 2010, l’Appelant a été contacté téléphoniquement au moins à six reprises par deux journalistes – un homme et une femme – qui n’ont pas révélé leur véritable identité ou profession mais qui se sont présentés en tant que “David Brewster” et “Sylvie Goldberg”, collaborateurs auprès de Franklin Jones. Chacune des conversations a été enregistrée à l’insu de l’Appelant. A l’appui de sa réponse déposée dans le cadre de la présente procédure, la FIFA a produit une copie des enregistrements en question. Par souci de clarté, la Formation arbitrale a choisi d’en retranscrire les extraits les plus pertinents ci-dessous. Il est précisé que les parties inintelligibles ainsi que des acquiescements ne sont pas reproduits: a) 1ère conversation: durée environ 37 minutes (Participent à l’entretien une femme qui se fait appeler Sylvie Goldberg (la “journaliste”), un homme dénommé “David Brewster” et l’Appelant) 1 Journaliste: Oui, M. Diakite, oui bonjour, c’est Sylvie Goldberg de Franklin Jones […] Très bien et vous, est-ce que c’est un bon moment pour vous appeler alors, maintenant ? D’accord, c’était juste pour être sûre, comme ça s’est fait quand même très vite. Donc, voilà, je suis ici avec mon directeur, c’est David Brewster. […] Donc, voilà, en fait je suppose que vous avez lu l’email que je vous avais envoyé. Donc, on travail pour une new compagnie de relations publiques, basée à Londres qui était engagée par un consortium de compagnies américaines en vue de créer un, notamment, un board de consultants d’experts au niveau du football. Donc, en fait, donc ce consortium, c’est un genre, ils nous ont engagés pour faire un peu de lobbying au niveau de la candidature des Etats-Unis pour les élections à venir au mois de décembre, donc pour l’élection de la Coupe du Monde 2018 et 2022. Donc, vous savez sans doute que les Etats-Unis sont candidats pour les 2 Coupes du Monde à venir. Donc, ce consortium nous a engagés pour essayer de soutenir l’effort de la fédération mais c’est une initiative indirecte, donc ce n’est pas la fédération, la candidature officielle, mais c’est une initiative pour soutenir cette candidature. 2 Amadou Diakite: Très bien, très bien. 3 Journaliste: (La journaliste explique en anglais à M. Brewster l’objet de la discussion). Donc, vis- à-vis du comité d’experts qui pourrait éventuellement nous donner des informations à ce sujet, est-ce que vous avez le temps, est-ce que vous êtes intéressé d’abord par ce genre d’initiative? 4 Amadou Diakite: Oui, très bien mais seulement, je me dis, est-ce que le temps (inintelligible) jusqu’à la désignation des pays n’est pas très court, quoi, parce qu’on a pratiquement un mois, un mois, le 20 octobre, parce que c’est le 2 décembre. 5 Journaliste: Oui, mais on sait que le, en fait, donc que ici, il y a à peu près deux mois. En fait, ce qu’on cherchait au départ pour créer le board, c’était des personnes qui avaient l’expérience, l’expérience du football dans leur pays, qui avaient l’expertise, l’expertise notamment en tant que ancien membre exécutif. Je pense que vous avez été vous-même membre exécutif, n’est-ce pas, de la FIFA? 6 Amadou Diakite: Oui, pendant neuf ans, oui, oui. 7 Journaliste: Oui, et ensuite aussi, de part cette position que vous avez exercée par le passé aussi, j’imagine que vous avez beaucoup de contacts au niveau des autres pays qui ont aujourd’hui un droit de vote pour l’élection du mois de décembre? 8 Amadou Diakite: Oui, tout à fait, tout à fait, tout à fait. 9 Journaliste: Ok. Donc, c’est exactement le genre d’expérience que nous recherchons. Donc, c’est vraiment l’expertise du football et les contacts et si possible quelqu’un qui était membre de l’exécutif et qui est encore engagé et qui a encore des contacts avec les membres exécutifs actuels qui vont déterminer l’issue … 10 Amadou Diakite: … du vote … 11 Journaliste: … du vote au mois de décembre. Donc en fait, ce que nous on recherche, ce sont notamment des introductions vis-à-vis de ces personnes, qui ont un droit de vote et la consultance, comme je vous l’avais écrit dans l’email, je pense que c’est à peu près un ou deux jours par mois. Ici c’est évidemment, il y a une période de deux mois comme, parce que c’est une période très importante mais c’est aussi, c’est sur une période à long terme, donc ça pourrait même être un contrat sur une, sur plusieurs années. Et, je suis juste, j’entendais le téléphone. Donc ce qu’on offre à nos consultants, c’est, mais ça peut toujours être discuté, c’est 100.000 Pounds par an, plus les frais de voyage éventuels, plus des bonus en cas de, en cas de, disons, d’introduction et de choses concrètes, donc, je ne sais pas si c’est le genre de, de contrat qui vous intéresse et qui vous semble intéressant, je ne sais pas si vous avez le temps aussi. 12 Amadou Diakite: Non, non, moi je suis, ça m’intéresse et je pense que je suis bien placé pour jouer le rôle, quoi. Mais je dis que, moi, le temps qui nous reste est très court. Le temps qui nous reste est très court. Bon, je sais que les délégations (inintelligible) américaines, au Caire (inintelligible) là-bas. D’autres délégations qui sont venues, qui ont été introduites aussi. Moi-même j’ai été introduit, mais je connaissais (inintelligible) par un ami. Mais le temps qui reste est très court, quoi, c’est ça mon problème, sinon je fais un travail qui n’est pas, qui m’intéresserait, que je serais capable de faire, quoi. 13 Journaliste: Donc, quand vous étiez à Cairo, donc vous avez, il y a eu la présentation du projet de chaque fédération, est-ce que, […] est-ce qu’il y a eu d’autres projets comme le nôtre qui vous ont été présentés, des initiatives plus indirectes, pour soutenir les pays qui sont candidats, est-ce qu’il y a d’autres initiatives comme ça? Nous, ça nous intéresse de savoir parce qu’on s’imagine que les autres pays font ça également et on est un peu en compétition, donc nous on est prêt à revoir même le contrat avec les consultants pour pouvoir être compétitif par rapport à d’autres propositions. Donc, est-ce qu’il y a eu d’autres propositions? 14 Amadou Diakite: Oui, oui, il y a eu des propositions des gens qui sont venus (inintelligible) ça c’est des initiatives de consultations donc directs par les comités organisateurs, les Etats-Unis, l’Australie, la Corée, et puis le Qatar mais il y a eu aussi des initiatives indirectes. (Suit une discussion sur le fait qu’il n’y avait pas d’initiative privée) 15 Journaliste: Maintenant, pour faire le contact entre notre initiative, notre client et les membres qui ont le droit de vote, est-ce que, et c’est ça surtout sur quoi repose la consultance, est-ce que vous pouvez nous conseiller quant à ce qu’on pourrait proposer aux personnes pour essayer de leur …, qu’ils soutiennent la candidature américaine? Est-ce que vous savez ce qu’on peut leur proposer? 16 Amadou Diakite: Non. 17 Journaliste: Parce qu’on a, on a… 18 Amadou Diakite: Je pose la question comme ça. Je pose la question comme ça et dans trois jours, je vous dirai exactement qui, qu’est-ce qui peut les intéresser, quoi. (Suit une discussion sur le fait que la journaliste cherche à atteindre et à influencer le plus grand nombre possible de membres du Comité Exécutif possible et demande à M. Diakite auprès de combien d’entre eux il peut intervenir et, en particulier, auprès de qui. M. Diakite propose de faire le point dans trois jours, soit le lundi suivant) 19 Journaliste: Ok, et vous pourriez aussi, donc, si vous pouviez nous envoyer, oui, peut- être, juste un petit, un petit email avec les pays que vous pensez contacter et si vous avez une idée de ce que nous, on pourrait leur proposer. En fait, nous, l’idée c’est de proposer …, l’idée c’est qu’on voudrait proposer des projets de développement dans ces pays-là. Des projets de développement notamment pour financer des académies de sport, au niveau du sponsoring pour financer des infrastructures. Mais est-ce que vous, vous avez. Ça, c’est notre idée. C’est juste qu’à un montant d’à peu près, on pensait, 800.000 dollars. Mais est-ce que vous, vous pensez que c’est une proposition raisonnable ou est-ce que vous pensez qu’on pourrait, que, que ce n’est pas suffisant? C’est vraiment à ce niveau là qu’on aurait besoin de votre expertise, savoir non, je pense qu’il y a d’autres choses qui sont plus importantes, ou le montant n’est pas assez important. Qu’est-ce que vous en pensez? 20 Amadou Diakite: 800.000 dollars par projet ou c’est le budget qu’on a pour tous les … 21 Journaliste: Non, pour chaque pays qui a un électeur. 22 Amadou Diakite: Ok, ok, 800.000 dollars, c’est raisonnable, parce que, parce que les projets de la FIFA même c’est 400.000 dollars. Donc 800.000 dollars, c’est raisonnable, oui. 800.000 dollars, c’est raisonnable. (Suit une discussion sur le fait que le bénéficiaire sera libre d’investir la somme reçue comme il l’entend, dans le projet de son choix) 23 Journaliste: Et, vous pensez que si on propose ce genre de projet à ces pays, vous pensez que ça pourrait éventuellement avoir une influence sur la manière dont ils vont voter au mois de décembre? 24 Amadou Diakite: Bien sûr. Parce que c’est clair qu’on ne va pas faire le projet (inintelligible). En contrepartie, on aura besoin de leur vote. Il faut que ce soit clair (inintelligible). Les comités de candidature des fédérations ne peuvent pas faire de telles propositions. 25 Journaliste: Oui, oui, ça on le sait. C’est pour ça que notre initiative est indirecte. 26 Amadou Diakite: Voilà, c’est ça, c’est interdit par les textes. Mais un comité comme le vôtre peut faire la proposition à l’intéressée et s’il est. Il va peut-être exiger des garanties, parce qu’actuellement, d’ici au vote on ne peut pas (inintelligible) réalisation (inintelligible). C’est exclu que la personne va apporter son soutien (inintelligible). Un système de garanties que vous pouvez apporter, pour que les deux parties soient sûres, que celui qui vote soit sûr qu’il y aura donc la contrepartie de ce projet. Et que vous aussi, vous soyez sûr qu’il va apporter son soutien. (Suit une discussion sur les autres candidatures et en particulier sur celle du Qatar, laquelle était en compétition directe avec les Etats-Unis pour l’édition 2022 de la Coupe du Monde de la FIFA. La journaliste cherche à savoir si M. Diakite est au courant d’offres faites dans ce contexte afin de pouvoir s’aligner et si nécessaire, de faire monter les enchères. M. Diakite croit savoir que le Qatar adaptait son offre à chaque projet que pourrait avoir chaque membre du Comité exécutif visé jusqu’à hauteur de USD 1.200.000. Cette somme aurait été proposée exclusivement aux quatre électeurs africains, mais M. Diakite est d’avis que le Qatar a certainement également approché d’autres électeurs) 27 Journaliste: Et, donc, par rapport au, donc à cette offre du Qatar, qu’est-ce que vous, vous nous suggèreriez à nous, qu’est-ce que vous pourriez nous conseiller de faire pour essayer que notre proposition soit favorite? C’est, je ne sais pas faire… 28 Amadou Diakite: Le mieux c’est de les voir, d’aller les voir. […] Et d’écouter ce qu’ils veulent. Ensuite, maintenant, vous vous engagez à le faire en demandant des garanties. (La journaliste expose qu’elle voulait proposer USD 800.000, dont la première moitié serait payable avant le vote et la seconde après. Elle interpelle M. Diakite sur l’opportunité de procéder de cette manière) 29 Amadou Diakite: Il est plus simple de donner une garantie, voir, quoi, commander une garantie plutôt que de payer avant, quoi, parce qu’on sait jamais. Vous payez avant. Si ça ne va pas dans le sens souhaité, vous ne pouvez plus récupérer. (La journaliste évoque la rumeur selon laquelle le Maroc aurait offert à des électeurs USD 250.000 pour le vote du 2004. Elle se demande si M. Diakite sait comment le Maroc a approché les électeurs et quelle est la meilleure façon de contacter les électeurs) 30 Amadou Diakite: C’est d’aller les voir. D’aller les voir, chez eux. C’est important d’abord que vous venez les voir, et ensuite leur faire des propositions concrètes. (Suit une discussion sur la candidature de la Russie) 31 Journaliste: Quand est-ce que vous pensez que vous pourriez commencer à travailler pour nous? 32 Amadou Diakite: Quand est-ce que vous me voulez? 33 Journaliste: Mais vous croyez déjà que, alors, on pourrait commencer par ce que vous m’avez dit, donc vous pourriez faire une liste avec les pays, vous pourriez contacter éventuellement et donc ceux que vous croyez sur lesquels vous pourriez soit nous introduire, soit éventuellement déjà leur, je ne sais pas si vous voulez déjà leur faire l’offre ou bien si vous voulez nous introduire et nous, on va leur faire l’offre, je ne sais pas ou bien vous vous êtes … ou ça ne vous dérange pas de déjà leur expliquer les montants. 34 Amadou Diakite: Non, non, non, c’est mieux que moi je vous introduis et vous-mêmes vous discutez avec eux. Parce que vous savez, en Afrique, on n’aime pas que tout le monde soit au courant de ce qu’on fait, quoi, donc c’est mieux de discuter avec eux, directement. 35 Journaliste: D’accord. Donc ce qu’on pourrait peut-être faire alors pour le, si vous pouviez juste me faire une liste avec les pays que vous pensez que vous pourriez contacter et éventuellement nous dire ce qu’on pourrait, enfin, moi je vous ai dit quelle était notre offre, mais si vous aviez des idées, si vous pensez que notre offre, on doit la rehausser pour être compétitif par rapport à d’autres offres, et donc nous, c’est surtout des projets au niveau du développement du football mais si vous avez, enfin, n’importe quel élément qui puisse renforcer notre, notre offre, c’est surtout ça qui nous intéresse. Donc si vous pouviez juste y réfléchir un petit peu peut-être que je, soit vous m’envoyez ça par email, soit on vous rappelle la semaine prochaine et alors on pourrait faire déjà le contrat. 36 Amadou Diakite: Non, non, je peux, je peux vous téléphoner lundi, mardi au plus tard pour une conférence avec moi, pour nous permettre de savoir où vous allez, quoi. 37 Journaliste: Et vous pourriez m’envoyer ça par email ou vous voulez qu’on se rappelle mardi? 38 Amadou Diakite: Oui, par email, non, je vous l’envoie par email. 39 Journaliste: Et est-ce que vous voulez déjà que nous, on fasse un contrat avec, avec les conditions du contrat et éventuellement on vous l’envoie la semaine prochaine aussi, comme ça vous jeter un coup d’œil? 40 Amadou Diakite: Oui, oui, tout à fait, pas de problème, oui, pas de problème. 41 Journaliste: Ok, et alors je vous l’enverrai. Vous pouvez le signer et regarder un peu et comme ça, nous on assure après le montant. Donc, est-ce que donc 100.000 pounds pour l’année à venir, est-ce que, est ce que c’est un montant qui vous convient. 42 Amadou Diakite: Euh, ça fait combien (inintelligible)? 43 Journaliste: En Euro? Ça fait, le pounds est plus fort, donc ça fait un peu près 120, 120.000 euros. 44 Amadou Diakite: Ok, ok, non, ça me va. 45 Journaliste: Pour un peu près un jour ou maximum deux jours de consultance par mois. 46 Amadou Diakite: Ok, non, non, c’est bon. 47 Journaliste: Plus, plus éventuellement si vous vous devez vous déplacer pour aller rencontrer certaines des personnes et alors on prend évidemment tous les frais en charge et alors évidemment si ça fonctionne très bien alors on pourrait vraiment faire ça à plus long terme et éventuellement il y a aussi des bonus. Donc si ces conditions-là vous conviennent, nous on peut faire un contrat et vous l’envoyer alors la semaine prochaine, comme ça vous jeter un coup d’œil déjà. . 48 Amadou Diakite: (inintelligible) 49 Journaliste: Pardon, je, je … 50 Amadou Diakite: Lundi ou mardi, je vous envoie ces informations et vous m’envoyez le projet de contrat. (Suit une discussion sur une rencontre éventuelle en personne au Mali) 51 Journaliste: Juste une question encore à propos du Qatar. Vous croyez que nous pour les, on devrait essayer de faire un montant plus élevé alors que eux? Proposer aux pays que vous allez prendre, nous introduire à ces pays-là, vous pensez que nous, on devrait alors proposer plus, comme ça, nous on en parle déjà à notre client et on leur dit déjà qu’il faudra monter? 52 Amadou Diakite: Au moins, au moins au même niveau qu’eux, je crois, au même niveau. 53 Journaliste: Parce que vous me disiez, quand je vous ai dit 800.000 au départ, vous m’avez dit que vous croyez que c’était raisonnable mais si le Qatar propose 1.200.000, il faudrait au moins faire une offre… 54 Amadou Diakite: voilà, une offre équivalente. 55 Journaliste: et vous, vous, au niveau de ces paiements, donc, c’est vos partenaires africains qui vous en ont informé? 56 Amadou Diakite: Ouais, tout à fait, tout à fait. (Suit une discussion sur leur prochain contact). 57 Amadou Diakite: Merci beaucoup, moi j’aurais souhaité qu’on se soit rencontré il y a 2 ou 3 mois. On aurait pu faire de belles choses quoi, Mais…. (La journaliste réagit à cette déclaration mais M. Diakite reste vague. Les parties se saluent). b) 2ème conversation: durée environ 5 minutes (La journaliste interpelle M. Diakite sur le Qatar qui est le principal rival des Etats-Unis et demande des précisions sur les offres que le Qatar aurait faites aux Pays Africains pour le vote) se feraitdu Qatar aux pays Africains58 Journaliste: […] Vous me dites que le paiement normalement, se ferait après alors le vote, vous pensez que c’est plutôt après? 59 Amadou Diakite: Bon, je ne sais pas comment ils ont fait mais je pense qu’ils l’ont fait avant et après ils feront des choses, quoi, des projets concrets, ouais. Je crois, hein. Non, je peux savoir effectivement quand, parce que comme je ne m’intéressais pas à ça, j’ai pas pris mes détails quoi, je n’ai pas pris mes détails. Mais pour le montant, je vais me renseigner pour savoir exactement. 60 Journaliste: C’est juste parce que comme le montant vous m’aviez dit que le paiement avant le vote n’était pas forcément nécessaire, je me demande alors si un contrat ou si c’est juste sur parole, je ne sais pas comment ça se fait alors. 61 Amadou Diakite: Non, je pense que c’est par contrat que c’est plus sûr, hein. 62 Journaliste: Oui, ben oui, parce que nous, on voulait bien payer déjà avant. Mais, vous me dites qu’en général on paie après. Au cas où le pays n’aurait pas la candidature. 63 Amadou Diakite: Ça dépend, ça dépend. Je peux prendre des avances pour que la personne soit sûre et bien sûr, il y a un contrat même entre vous seulement pour confirmer que le reste sera donné après, quoi. 64 Journaliste: Oui, bien sûr. Et donc, ça peut être une avance avant et puis, par exemple, l’autre moitié après, ou bien … . 65 Amadou Diakite: Oui, tout à fait. 66 Journaliste: … ou bien un contrat qui assurerait que tout le montant est versé après le vote. 67 Amadou Diakite: C’est avec l’intéressé que vous pourrez discuter. Voilà quoi. Vous, vous pouvez proposer le montant que vous voulez mettre dans le projet ou dans ce qu’il veut. Et maintenant, à lui de vous dire concrètement comment ça va se faire. 68 Journaliste: D’accord, comme ça, nous on a aussi une meilleure idée de comment nous on doit faire notre offre. Pour ce qui est donc, par exemple, si on prend l’exemple du Qatar, si le Qatar perd la candidature, comment est-ce que ça se passe alors? Est-ce que le pays empoche l’argent déjà avant et puis l’autre moitié après? Qu’est ce qui se passe par exemple si la candidature ne passe pas? 69 Amadou Diakite: Si ça ne passe pas, ce qu’ils ont dépensé, c’est perdu, hein, oui, oui, c’est perdu. J’imagine que tout le vote c’est comme ça. Tout le monde font son jeux et on a qui perd, donc … 70 Journaliste: Et donc, la partie après le vote, si on donnait une avance avant le vote et qu’il reste par exemple la moitié après le vote, est-ce qu’ils reçoivent l’argent uniquement si le pays est passé? 71 Amadou Diakite: Oui bien sûr, bien sûr. Le complément, c’est uniquement si ça marche. Il faut quand même donner le tiers. Vaut mieux faire un contrat, vous donnez le tiers et deux tiers après. (La connexion est interrompue) c) 3ème conversation: durée environ 1 minute (La journaliste répète que le paiement se fera en dollars, directement aux membres du Comité exécutif de la FIFA. M. Diakite approuve) d) 4ème conversation: durée environ 1.30 minutes (La journaliste fait état d’une rumeur selon laquelle les Etats-Unis n’ont aucune chance pour l’édition 2018 de la Coupe du Monde de la FIFA, qui devrait être attribuée à un candidat européen. M. Diakite explique les raisons pour lesquelles il pense que l’Angleterre sera sélectionnée. Selon lui, l’Angleterre n’a pas fait de propositions aux membres du Comité et ne va gagner que sur la base de son dossier de candidature) e) 5ème conversation: durée environ 33 minutes (M. Diakite a bien reçu le contrat. Il le fait traduire en français et redonnera des nouvelles) 72 Journaliste: D’accord donc, on avait quelques questions en ce qui concerne d’abord les projets dont on avait parlé, que nous nous voulions proposer notamment aux pays africains et à d’autres pays et puis ensuite si, donc. Quand vous parler de l’introduction aux 4 pays africains, est-ce que vous pensez que ce sera encore possible? Est-ce que vous pensez que c’est encore possible de nous introduire aux 4 pays africains ou 4 membres exécutifs africains, je ne sais pas si vous avez déjà pris des contacts? 73 Amadou Diakite: Je n’arrive pas à les joindre tous, mais je pense qu’ils seront tous à Zurich au mois d’octobre. Voilà, donc je suis en train de voir avec eux si on peut trouver des dates pour qu’ils puissent me recevoir à Zurich. 74 Journaliste: D’accord, d’accord, parfait. En fait et pour ce qui est des autres introductions, vous nous aviez éventuellement parlé, parce que vous m’aviez dit qu’éventuellement vous pourriez nous introduire à d’autres pays, enfin d’autres membres exécutifs sur d’autres continents, est-ce que vous y avez un petit peu pensé, est-ce que vous savez quels pays vous pourriez éventuellement nous introduire? 75 Amadou Diakite: J’essaye des les joindre mais je n’ai pas encore de réponse, quoi. J’essaye des les joindre, voilà. Je pense que d’ici le mardi ou mercredi, j’aurai les réponses et je pourrai vous donner le nombre exact des gens qui peuvent … (Journaliste traduit les propos de M. Diakite à M. Brewster) 76 Journaliste: A propos des 4 pays africains, est-ce que vous avez une idée déjà de ce qui pourrait éventuellement les intéresser, de ce que nous, nous pourrions éventuellement leur proposer pour assurer leur vote? Allo? Allo? (La connexion est interrompue. La journaliste recontacte M. Diakite) J’ai vous posé justement la question à propos des introductions auprès de 4 pays africains. Est-ce que vous avez une idée déjà de ce qui pourrait les intéresser, de ce que nous pourrions éventuellement leur proposer en échange de leur vote? 77 Amadou Diakite: Bon, ce que moi je vous avais dit. Nous, on pourrait leur dire, vous avez tel montant à mettre à leur disposition personnelle pour un projet qu’ils veulent réaliser dans leur pays. Mais à eux, à eux de définir, à eux de voir ce qui peut être fait, quoi. Nous avons tels montants à mettre à votre disposition selon des modalités que nous allons définir ensemble et à vous de définir, à vous de déterminer le projet, la manière dont ça va être financé, tout, tout, tout. 78 Journaliste: D’accord, et quand vous parlez de projets, vous savez déjà de ce qui eux les intéresserait, ce que eux, ce qu’un projet signifie pour eux? 79 Amadou Diakite: Voilà, comme c’est eux les votants, donc c’est eux personnellement qui vont, qui va, la personne personnellement qui va déterminer comment sera géré ce fonds. Vous, vous dites seulement que ce montant sera à leur disposition selon des modalités à définir, comme ils veulent le faire, le dépenser, quoi. (M. Brewster demande en anglais s’il sait combien il faudrait offrir par projet) 80 Amadou Diakite: Voilà, j’ai compris. Savez vous, vous aviez dit 800.000. Ouais, moi je pense que 800.000 jusqu’à 1 million, c’est pas mal, c’est pas mal. (M. Brewster demande en anglais si le paiement doit se faire aux particuliers ou aux fédérations) 81 Amadou Diakite: Je comprends. Les membres, presque, nous avons 4 membres, mais il y a deux qui ne sont pas directement concernés par la gestion de leur fédération. Il y en a un troisième qui est membre de la fédération mais qui n’en est pas le président. Il y a un seul qui est président de fédération. Donc, vous devez demander à la personne comment il compte le faire. S’il veut faire avec la fédération ou bien s’il veut faire un projet que lui-même il va diriger. Parce que comme le vote n’appartient pas à la fédération, le vote appartient à la personne, donc il faut voir son souhait, il faut voir son souhait. (Journaliste traduit les propos de M. Diakite à M. Brewster. La connexion est interrompue; la journaliste recontacte M. Diakite) 82 Journaliste: […] Est-ce que, comme le Qatar a fait une offre à peu près similaire, est-ce que vous savez s’ils négocient directement avec les membres exécutifs ou bien s’ils négocient avec les fédérations et ainsi de suite pour le paiement? Est-ce que c’est justement un paiement direct aux membres exécutifs ou bien aux fédérations, est-ce que vous avez une idée? 83 Amadou Diakite: C’est aux membres, aux membres, directement. 84 Journaliste: Aux membres exécutifs, d’accord. 85 Amadou Diakite: Maintenant, c’est à eux de déterminer s’ils le font avec la fédération. 86 Journaliste: D’accord, c’est à eux de déterminer, mais le Qatar quand même négocie directement avec les membres exécutifs… 87 Amadou Diakite: les membres, ouais, ouais, tout à fait. 88 Journaliste: Et le Qatar avait proposé 1.200.000 dollars, c’est ça? 89 Amadou Diakite: Mais, je n’ai pas eu la confirmation mais c’est ce que j’avais entendu. (Les parties spéculent sur les modalités de paiement par le Qatar) 90 Journaliste: Quand on parle de projet, est-ce qu’un projet, est-ce qu’on doit, est-ce que c’est vraiment nécessaire d’avoir un projet ou bien est-ce qu’on l’appelle un projet ou bien est-ce que, pour vous, les membres exécutifs peuvent juste avec l’argent qui leur serait versé puisque c’est quand même pour leur vote, est-ce que on peut les laisser libres d’utiliser l’argent comme ils le veulent? 91 Amadou Diakite: Je pense que, ce que vous devez leur dire, vous devez leur dire, ce montant est à leur disposition pour un projet ou l’utilisation qu’ils souhaiteraient faire. C’est à eux de demander comment ça se fera bien. L’essentiel est que vous ne dépassez pas le montant que vous avez proposé. 92 Journaliste: Est-ce que vous pensez que on doit vraiment avoir des projets ou est-ce qu’on peut juste les payer pour le vote? Est-ce que c’est nécessaire d’avoir des projets? Ou est-ce que c’est juste une manière d’appeler un paiement, un projet? 93 Amadou Diakite: Ouais, je crois, je crois que laisser le membre décider de ce qu’il va faire du montant, c’est la manière la plus sûre d’avoir son vote. (Journaliste traduit les propos de M. Diakite à M. Brewster. Suit une conversation sur a) l’identité et la fonction des quatre membres africains, b) du fait de savoir si le Qatar leur a versé de l’argent – ce que M. Diakite ignore – , c) si M. Diakite estime que l’offre devrait être augmentée – ce que ne pense pas ce dernier, d) si M. Diakite est sûr que l’offre du Qatar se monte à 1.000.000/1.200.000 dollars. En ce qui concerne ce dernier point, M. Diakite confirme qu’il va se renseigner et informer les journalistes à ce propose le mardi ou mercredi prochains. Il confirme d’ailleurs avoir entendu parler de ce montant par le biais des Membres africains) 94 Journaliste: […] Est-ce que vous pensez que ce serait mieux que nous, nous leur fassions l’offre de paiement ou est-ce que vous pensez que ce serait plus sûr pour eux, qu’ils se sentiraient plus en confiance, si c’était vous qui leur faisiez l’offre? Est-ce que vous seriez à l’aise de faire cela? 95 Amadou Diakite: Non, non, non, c’est mieux que vous le fassiez. 96 Journaliste: Ok. Donc, si vous, vous nous mettez en contact avec eux, ça assure déjà la relation de confiance. 97 Amadou Diakite: Tout à fait, tout à fait. Je suis, moi je ferais comme si je suis censé ne pas savoir que l’offre leur a été faite, quoi. (Journaliste traduit les propos de M. Diakite à M. Brewster) 98 Journaliste: D’accord. Et juste alors, une dernière question afin de. Donc pour vraiment optimiser l’influence sur les membres exécutifs, ce serait mieux tout de même de les payer directement sur leur compte en banque personnel et de les laisser libres de faire ce qu’ils veulent avec les investissements, de leur donner toute liberté? 99 Amadou Diakite: Je crois aussi, ouais, je crois aussi. 100 Journaliste: D’accord, donc ce serait mieux de faire directement cet accord et cette négociation avec eux et de ne pas impliquer les fédérations? 101 Amadou Diakite: Ouais, ouais, tout à fait. Non, c’est mieux. (Suit une discussion sur le fait de savoir s’il serait plus avantageux d’accompagner l’offre en espèce par d’autres avantages, en nature et si M. Diakite a déjà fait mention de Franklin Jones aux personnes qu’il aurait contactées.) 102 Amadou Diakite: Moi, je vais simplement leur dire que vous voulez les rencontrer et organiser les rendez-vous à Zurich. Voilà. Mais moi, je leur dis pas, vous voulez faire ça, vous voulez faire ça. C’est à vous-même de voir ça avec eux, directement. […] Ouais, c’est mieux comme ça, en Afrique c’est mieux comme ça, qu’ils sachent, qu’ils ne sachent pas que moi je sais aussi qu’on leur offre. (La connexion est interrompue. La journaliste le recontacte et se propose de le rappeler mardi ou mercredi prochains, tout en lui demandant a) de découvrir la véritable offre du Qatar et b) de ne pas mentionner le nom de Franklin Jones avant les négociations directes) f) 6ème conversation: durée environ 20 minutes 103 Journaliste: […] Vous avez reçu mon e-mail hier ? 104 Amadou Diakite: Oui, oui, je l’ai reçu, oui. 105 Journaliste: Oui, je ne sais pas si vous avez eu le temps de discuter avec certaines de vos interlocuteurs. 106 Amadou Diakite: Oui […], oui j’ai essayé de reprendre vos questions que vous avez posées. 107 Journaliste: Oui, comme ça, ce pourrait vraiment nous aider à clore tous, tous ces documents cette après-midi. 108 Amadou Diakite: Voilà, donc, bon, pour la décision jusqu’à preuve du contraire c’est le 2 décembre. 109 Journaliste: D’accord, donc ils prendront la décision le 2 décembre. 110 Amadou Diakite: Ouais, il y a la réunion du Comité exécutif le 2 décembre pour décider. 111 Journaliste: D’accord, mais ça c’est la ... Donc, bon, je vais essayer de couvrir les questions telles qu’elles étaient inscrites dans l’email, comme ça je suis sûre de tout couvrir. Donc, au niveau du montant de l’offre qui a été faite par le Qatar aux membres exécutifs, vous aviez dit entre 1 million et 1 million deux cent mille, c’est bien ça? 112 Amadou Diakite: Oui, oui. En vérité, ils n’ont pas fait une offre fixe à tous les membres. Donc, ils ont rencontré chaque membre et ils ont fait des offres spécifiques et personnelles à chaque membre. Donc le montant n’est pas fixe. 113 Journaliste: D’accord, mais c’est un maximum de 1.200.000, alors? 114 Amadou Diakite: Voilà, tout à fait, tout à fait. 115 Journaliste: Et donc, c’est en fonction de …, est-ce qu’il y a des projets ou est-ce que, c’est un montant qui n’est pas, qui ne dépend d’aucun projet? 116 Amadou Diakite: Non, sous forme de, sous forme de projet, mais à l’initiative de l’intéressé. 117 Journaliste: D’accord, et vous pouvez me confirmer que c’est en dollars? 118 Amadou Diakite: Oui, en dollars. 119 Journaliste: (répète ce qui vient d’être dit) […] Donc au niveau de l’offre, vous savez s’il y a d’autres pays qui ont été contactés mis à part les. Vous me confirmez d’abord que les quatre pays africains ont été contactés, tous les quatre, et ensuite est-ce que vous savez s’il y a d’autres pays qui ont été contactés? 120 Amadou Diakite: Non, ce qui est sûr, c’est qu’ils ont contacté tous les membres de l’exécutif. Par la règle, c’est ça la règle, et c’est que par l’intermédiaire du comité de candidature. Donc il n’y a pas une société privée comme la vôtre. 121 Journaliste: Donc c’est le comité officiel de candidature du Qatar qui a … 122 Amadou Diakite: … qui a fait, qui a fait les contacts. Et puis, ils les ont invités au Qatar, ils sont allés chez eux, ouais. 123 Journaliste: Parce que normalement, il y a des restrictions, non, entre les comités officiels et les membres exécutifs. Je pense que normalement, ils n’ont, c’est pour ça que nous on a été entrepr… 124 Amadou Diakite: Tout à fait. 125 Journaliste: Normalement ce n’est pas autorisé, n’est-ce pas, de faire les contacts directement entre le. 126 Amadou Diakite: Oui, ils peuvent faire des contacts, mais des contacts officiels. Ils peuvent aller les voir, ils peuvent les visiter dans le pays, mais officiellement, aucun cadeau n’est permis, quoi, jusqu’à un montant dérisoire. 127 Journaliste: (répète que les montants offerts à des membres exécutifs ne doivent pas pouvoir influencer leur vote) […] Est-ce que vous pourriez me dire éventuellement quels sont les membres exécutifs qui vous l’ont confirmé, qui vous ont confirmé cette offre du Qatar? 128 Amadou Diakite: Non, c’est-à-dire, moi je connais ce que les membres de la Russie, africains, ont été contactés mais je sais que tous les membres ont été contactés. Ils contactent tous les membres […] pour leur présenter le projet comme le comité de candidature américain a fait. Tous les comités de candidature l’ont fait. (Une discussion floue tourne autour a) de l’offre de 1.200.000, qui est officieuse et b) des chances qu’elle a d’influencer les électeurs. M. Diakite ne répond pas à la question de savoir qui aurait reçu une telle offre. La discussion se poursuit en lien avec une offre officielle de l’Australie aux pays africains) 129 Amadou Diakite: […] Les membres ont un peu peur de rencontrer des initiatives privées, quoi. Donc, eux, ils souhaitent, y a des propositions, moi je peux les leur faire et en fonction de ça, ils prendront leur décision, quoi. Dans tous les cas, ils disent qu’ils ont rencontré tous les comités de candidature, ils ont vu tous leur projet. Bon maintenant s’il y a des projets qui ne sont pas dans le cadre officiel, ils craignent, quoi, que, s’ils rencontrent des gens, parce que, moi, je leur ai dit, moi, je vous connais, on a déjà fait des choses ensemble, ce qui n’est pas vrai, mais pour les rassurer. Donc, en fait, c’est un seul qui n’est pas du tout partant mais les trois autres veulent avoir des propositions, même à l’égyptien j’ai, s’il y a des propositions, je les lui ferai. 130 Journaliste: Ouais, d’accord. 131 Amadou Diakite: Ils ne veulent pas de papiers écrits, de papiers signés, ouais. 132 Journaliste: Oui, d’ailleurs, vous m’aviez dit aussi que, par exemple, au niveau des montants qui étaient payés, on pouvait, par exemple, enfin que nous, nous fassions un contrat pour eux mais que eux ne doivent rien signer du tout, comme ça il n’y a aucune trace et on pourrait aussi payer un tiers du montant avant le vote et deux tiers ensuite, c’est ça que vous m’aviez dit? 133 Amadou Diakite: Ouais, ce que j’avais, moi, vous voyez quoi, mais eux, ils veulent seulement des engagements de votre, enfin, ce que vous voulez sert en cas de victoire, c’est-à-dire s’il y a leur vote, et ensuite moi je leur confirme ça et ils feront ce qu’ils doivent faire au moment opportun. Ils craignent des contacts, quoi, ils craignent des contacts, parce qu’on sait jamais quoi, voilà. 134 Journaliste: Oui, bien sûr. Donc, donc, est-ce qu’ils sont toujours intéressés quand même de se faire éventuellement rémunérer pour des projets et ce avant le vote? 135 Amadou Diakite: Pas avant. 136 Journaliste: Pas avant? Donc, même pas, même pas, mais après éventuellement, oui? 137 Amadou Diakite: Après, bien sûr. Après, si le projet passe avec leur vote, après certainement. (La journaliste souligne que les montants doivent être versés directement aux membres, qui doivent être libres d’en disposer comme ils l’entendent. M. Diakité croit savoir que les mêmes modalités s’appliquent à l’offre du Qatar et de l’Australie) 138 Journaliste: (…) Est-ce que vous avez éventuellement encore des suggestions quant à ce que nous, nous pourrions proposer aux pays pour essayer que notre offre soit vraiment compétitive? Au-delà du, du montant? 139 Amadou Diakite: Je crois que c’est ce qui est, actuellement, c’est ce qui peut être fait. Proposez un montant, leur disant que c’est pour un projet qu’ils veulent financer à telle hauteur. Voilà. Contre ça, c’est amplement suffisant, quoi. Comme ils ne souhaitent pas rencontrer une commission en dehors des comités officiels, maintenant vous, vous verrez et vous m’indiquerez les propositions concrètes de votre offre et je leur ferai. 140 Journaliste: Donc, ce ne sera pas possible, par exemple, de les rencontrer quand ils viendront à Zurich, mais on pourrait éventuellement, vous vous pourriez éventuellement être en charge de leur, de nous représenter, alors? 141 Amadou Diakite: Voilà, parce qu’ils ne veulent pas, ils craignent les, comment dirai-je, voilà, ils craignent que ça s’ébruite et que ça porte ombrage à leur image et leur façon donc de voter (inintelligible) 142 Journaliste: (répète que l’offre doit être faite par le bais de M. Diakite, directement aux membres du comité exécutif, qui doivent rester libres d’investir les sommes dans le projet de leur choix) 143 Amadou Diakite: En effet, quoi. Ce que vous allez offrir, c’est un rapport avec un projet de football mais que eux-mêmes ont proposé. Maintenant, maintenant, comment le financer, tout ça, eux, ils le feront, ils s’occuperont de ça 144 Journaliste: Parce que nous, en fait, ce qui nous intéresse, au-delà de tout, c’est d’essayer d’influencer le vote, donc, nous le montant … 145 Amadou Diakite: Non, c’est sûr, c’est sûr. 146 Journaliste: …le montant, en fait, ce qu’ils en font, ça, nous, ils ne doivent pas vraiment, nous rapporter … 147 Amadou Diakite: Ce n’est pas important pour vous. 148 Journaliste: Donc on peut appeler ça, des projets, mais en fait… 148 Amadou Diakite: Je comprends. Non, c’est-à-dire, ou dire simplement pour un projet à leur initiative. C’est tout. Maintenant, à eux de voir comment ils font et comment, quel projet c’est. (Suit une discussion liée au Qatar) 149 Amadou Diakite: […] Maintenant, la balle est dans votre camp. Quand vous prendrez votre décision, vous m’informez, moi je me charge de régler ça, voilà. 150 Journaliste: D’accord parfait, et alors on vous tient au courant, nous nous avons notre meeting cet après-midi et je vous tiendrai au courant d’ici un jour ou deux de la suite des événements. 151 Amadou Diakite: Ok, très très bien. N’hésitez pas, même si en réunion vous pensez que vous avez besoin d’informations très précises, vous pouvez m’appeler, il y a pas de problème. Le 17 octobre 2010, le Sunday Times a publié sur format papier ainsi que sur son site Internet, l’article intitulé “Foul play threatens England’s Cup bid […]”. En particulier, l’article fait état des contacts entre les journalistes et l’Appelant. Etaient notamment énoncés les propos tenus aux chiffres 91 et suivants de la retranscription ci-dessus, le chiffre 93 ayant été intégralement traduit et cité. La procédure devant la FIFA Immédiatement après la publication de l’article précité, la FIFA a demandé au Sunday Times de lui remettre une copie des enregistrements des conversations téléphoniques avec l’Appelant. L’hebdomadaire lui a remis un exemplaire des 6 bandes sonores reproduites ci-dessus. Le 18 octobre 2010 et se fondant sur l’article 16 du Code d’Ethique de la FIFA (“CEF”), le Secrétaire Général de la FIFA a déposé plainte auprès du Président de la Commission d’Ethique de la FIFA, à qui il a demandé d’ouvrir une procédure disciplinaire contre l’Appelant. Le 20 octobre 2010, la Commission d’Ethique de la FIFA a décidé de suspendre provisoirement l’Appelant de toute activité relative au football, au niveau national comme international et au plan administratif, sportif ou autre, conformément aux articles 22 et 129 du Code disciplinaire de la FIFA (“CDF”). Le 16 novembre 2010, la Commission d’Ethique de la FIFA a tenu une audience en présence de l’Appelant, assisté de ses avocats. Par décision du même jour, elle a déclaré l’Appelant coupable d’avoir enfreint les articles 3 (Règles générales), 9 (loyauté et confidentialité), 11 (corruption) et 14 (obligation de déclaration et de rapport) du CEF. L’Appelant a été interdit d’exercer toute activité relative au football, au niveau national comme international et au plan administratif, sportif ou autre, pour une période de trois ans à partir du 20 octobre 2010, conformément à l’article 22 CDF. En outre, l’Appelant a été condamné au paiement d’une amende de CHF 10,000, conformément à l’article 10.c) CDF. Le 4 janvier 2011, la motivation de la décision de la Commission d’Ethique de la FIFA a été notifiée à l’Appelant, lequel a formé recours le 6 janvier 2011. En date du 3 février 2011, la Commission de Recours de la FIFA a entendu l’Appelant, assisté de ses conseils, au cours d’une audience qui s’est tenue au siège de la FIFA. Par décision du même jour, elle a notamment considéré a) que la procédure menée à l’encontre de l’Appelant avait été conduite de manière régulière, b) que les enregistrements des conversations fournis par le Sunday Times (dont l’authenticité n’est pas contestée) sont des moyens de preuves admissibles et leur validité ne peut pas être remise en cause du fait qu’il existerait d’autres enregistrements ou que les propos tenus par l’Appelant lors des conversations en question ont été provoqués par des journalistes, c) que lesdits enregistrements n’ont pas été réalisés en violation de l’article 6 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme (CEDH) ou du droit suisse, d) qu’il est valablement établi que l’Appelant a violé l’article 11 al. 1, l’article 9 al. 1, l’article 3 al. 1, 2 et 3 ainsi que l’article 14 al. 1 CEF. La Commission de Recours de la FIFA a estimé que la violation par l’Appelant de l’article 11 al. 1 CEF, justifiait une interdiction d’exercer toute activité relative au football pour une durée de 16 mois, laquelle devait être augmentée de 8 mois supplémentaires en raison des infractions à l’article 9 al. 1, article 3 al. 1, 2 et 3 et article 14 al. 1 CEF. De même, la Commission de Recours de la FIFA a infligé à l’Appelant une amende de CHF 5.000 pour avoir violé l’article 11 al. 1 CEF et de CHF 2.500 pour les infractions à l’article 9 al. 1, article 3 al. 1, 2 et 3 et article 14 al. 1 CEF. C’est ainsi que le recours formé par l’Appelant devant la Commission de Recours de la FIFA a été partiellement admis, puisque les infractions stipulées dans la décision de la Commission d’Éthique de la FIFA ont été confirmées mais la sanction a été réduite à deux années d’interdiction d’exercer toute activité liée au football (au lieu de trois années) et à une amende de CHF 7.500 (au lieu de CHF 10.000). La motivation de la décision rendue par la Commission de Recours de la FIFA a été notifiée à l’Appelant en date du 18 avril 2011. Résumé de la procédure devant le TAS Ce résumé ne mentionne que les principales étapes procédurales et les arguments clefs des parties. Toutefois, la Formation arbitrale a tenu compte des plaidoiries et de tous les mémoires et pièces déposés par les parties, y compris de ceux auxquels il n’est pas fait expressément référence dans la présente sentence. Par déclaration d’appel du 6 mai 2011, l’Appelant a saisi le Tribunal Arbitral du Sport (“TAS”). Dans son mémoire d’appel daté du 9 juin 2011, il a formulé les conclusions suivantes: “En conséquence de ce qui précède, M. Diakite demande respectueusement à votre Tribunal: - à titre principal, d’infirmer la décision rendue par la Commission de recours de la FIFA le 3 février 2011 et, statuant à nouveau, de ne prononcer aucune sanction à l’encontre de M. Diakite; - à titre subsidiaire, d’infirmer la décision rendue par la Commission de recours de la FIFA le 3 février 2011 et, statuant à nouveau, de ramener les sanctions prononcées contre M. Diakite à de plus justes proportions”. Au cours de l’audience qui s’est tenue devant le TAS en date du 19 octobre 2011, l’Appelant a précisé ses conclusions de manière à ce qu’à titre encore plus subsidiaire, une peine avec sursis soit prononcée et qu’un sursis lui soit accordé pour le temps restant de la sanction. Par courrier daté du 2 août 2011, la FIFA a adressé sa réponse, laquelle contient les conclusions suivantes: “Au vu de ce qui précède, il n’y a aucune raison pour annuler ou réformer la Décision attaquée, de sorte que la FIFA conclut respectueusement à ce que la Formation: - Rejette l’appel interjeté par M. Diakite et le déboute de toutes ses conclusions. - Ce faisant confirme la Décision attaquée. - Ordonne à M. Diakite de rembourser les frais encourus par la FIFA dans le cadre de cet arbitrage ou, du moins, ordonne à M. Diakite de payer un montant de CHF 40’000.- à titre de contribution à ces frais”. En date du 19 octobre 2011, une audience a été tenue à Lausanne, au siège du TAS, en présence de tous les membres de la Formation arbitrale. A l’ouverture de l’audience, les parties ont expressément confirmé qu’elles n’avaient pas d’objection à formuler quant à la constitution et composition de la Formation arbitrale. Les personnes suivantes étaient présentes à l’audience: - L’Appelant, accompagné de ses avocats, le Bâtonnier Francis Teitgen, Me Alexis Werl et le Bâtonnier Pascal Maurer. - La FIFA était représentée par son Chef du département Corporate Legal, M. Olivier Jaberg, assisté des avocats, le Professeur Antonio Rigozzi et Me Fabrice Robert-Tissot. Aucun témoin n’a été cité à comparaitre. DROIT Recevabilité 1. La déclaration d’appel a été adressée au TAS dans le délai de 21 jours prévu à l’article 63 al. 1 des Statuts de la FIFA. En outre, elle répond aux conditions fixées par l’article R48 du Code de l’arbitrage en matière de sport (le “Code TAS”). 2. Partant, l’appel est recevable, ce qui n’est d’ailleurs pas contesté. Compétence du TAS 3. La compétence du TAS résulte des articles 62 et suivants des Statuts de la FIFA, de l’article 74 CDF ainsi que de l’article R47 al. 1 du Code TAS, qui stipule ce qui suit: “Un appel contre une décision d’une fédération, association ou autre organisme sportif peut être déposé au TAS si les statuts ou règlements dudit organisme sportif le prévoient ou si les parties ont conclu une convention d’arbitrage particulière et dans la mesure aussi où l’appelant a épuisé les voies de droit préalables à l’appel dont il dispose en vertu des statuts ou règlements dudit organisme sportif”. 4. Il convient d’ajouter que les parties ont expressément reconnu la compétence du TAS dans leurs écritures ainsi que par la signature de l’ordonnance de procédure. 5. La Formation déclare en conséquence que le TAS est compétent pour décider de la présente affaire. Pouvoir d’examen du TAS 6. En vertu de l’article R57 du Code TAS, le TAS jouit d’un plein pouvoir d’examen en fait et en droit. Ce pouvoir lui permet d’entendre à nouveau les parties sur l’ensemble des circonstances de faits ainsi que sur les arguments juridiques que les parties souhaitent soulever et de statuer définitivement sur l’affaire en cause (TAS 99/A/252, p. 22; TAS 98/211, p. 19; TAS 2004/A/549, p. 8; TAS 2005/A/983&984, para. 59). Selon la jurisprudence constante du TAS: “[I]t is the duty of a CAS panel in an appeals arbitration procedure to make its independent determination of whether the Appellant’s and Respondent’s contentions are correct on the merits, not limiting itself to assessing the correctness of the previous procedure and decision” (CAS 2009/A/1880-1881, para. 146); ou en français: “Dans une procédure d’appel, il est du devoir de la Formation arbitrale de se prononcer en toute indépendance sur le bien-fondé des allégations de l’Appelant et de l’Intimé au fond, et de ne pas se borner à examiner la légitimité de la procédure et de la décision des instances antérieures”. 7. La Formation arbitrale a également pris bonne note des arguments de l’Appelant quant aux violations des droits de la défense qui auraient entaché la procédure devant la FIFA. Or, en raison du plein pouvoir d’examen conféré aux formations arbitrales du TAS, l’appel au TAS permet de “considérer comme purgés les vices de procédure ayant éventuellement affecté les instances précédentes” (TAS 2004/A/549, para. 31; voir également CAS 2003/O/486, para. 50, CAS 2006/A/1153, para. 53, CAS 2008/A/1594, para. 109, TAS 2008/A/1582, para. 54, TAS 2009/A/1879, para. 71). 8. La Formation arbitrale est d’avis que, dans la présente procédure devant le TAS, l’Appelant a eu tout loisir de défendre sa cause et d’exercer son droit d’être entendu, comme confirmé par l’Appelant à la fin de l’audience. Les éventuels vices de procédure ou violations ayant pu affecter les procédures disciplinaires de la FIFA sont donc purgés et il n’y a dès lors pas lieu de s’arrêter sur les reproches formulés par l’Appelant à l’encontre des procédures engagées à son encontre par la FIFA devant les instances associatives. Droit applicable 9. L’article R58 du Code TAS prévoit ce qui suit: “La Formation statue selon les règlements applicables et selon les règles de droit choisies par les parties, ou à défaut de choix, selon le droit du pays dans lequel la fédération, association ou autre organisme sportif ayant rendu la décision attaquée a son domicile ou selon les règles de droit dont la Formation estime l’application appropriée. Dans ce dernier cas, la décision de la Formation doit être motivée”. 10. Comme relevé plus haut, la compétence du TAS n’est pas contestée. Sa qualité de véritable tribunal arbitral a d’ailleurs été reconnue par le Tribunal fédéral suisse à maintes reprises (Tribunal fédéral, arrêt du 27 mai 2003, 4P.267/2002, 4P.268/2002, 4P.269/2002, 4P.270/2002/ech; ATF 119 II 271; arrêt du 23 mars 2005, 4P.26/2005; arrêt du 21 février 2006, 4P.149/2003). 11. Le siège du TAS se trouvant en Suisse et l’Appelant n’ayant, au moment de la conclusion de la convention d’arbitrage, ni son domicile ni sa résidence habituelle en Suisse, les dispositions du chapitre 12 relatif à l’arbitrage international de la Loi fédérale sur le droit international privé (LDIP) sont applicables en vertu de son article 176 al. 1 (Arrêt du Tribunal fédéral du 31 octobre 2003, 4P.149/2003). Pour que le chapitre 12 de la LDIP s’applique, il suffit que le “siège du tribunal arbitral se trouve en Suisse”, d’une part et que, d’autre part, “au moins l’une des parties n’avait, au moment de la conclusion de la convention d’arbitrage, ni son domicile, ni sa résidence habituelle en Suisse” (Arrêt du Tribunal fédéral du 20 janvier 2010, 4A_548/2009, consid. 2.1; ATF 129 III 727, DUTOIT B., Droit international privé suisse, Commentaire de la loi fédérale du 18 décembre 1987, Bâle 2005, N. 2 ad. art. 176 LDIP, p. 615). 12. Au chapitre 12 de la LDIP, le droit applicable au fond est régi par l’article 187 al. 1 LDIP qui prévoit que le “tribunal arbitral statue selon les règles de droit choisies par les parties ou, à défaut de choix, selon les règles de droit avec lesquelles la cause présente les liens les plus étroits”. 13. Une élection de droit tacite et indirecte par renvoi au règlement d’une institution d’arbitrage est admise (KARRER P., Basler Kommentar zum Internationalen Privatrecht, 1996, N. 92 et 96 ad art. 187 LDIP; POUDRET/BESSON, Droit comparé de l’arbitrage international, 2002, N. 683, p. 613 et références citées; DUTOIT B., op. cit., N. 4 ad art. 187 LDIP, p. 657; CAS 2004/A/574). 14. En outre, au sens de l’article 187 al. 1 LDIP, peuvent être choisies par les parties non seulement une loi nationale, mais encore des “règles de droit” affranchies de toute loi étatique (LALIVE/POUDRET/REYMOND, Le droit de l’arbitrage interne et international en Suisse, Lausanne 1989, pp. 399-400), comme les règles et règlements des fédérations internationales sportives. L’application à titre principal des règles de droit non étatiques se produit souvent dans les procédures au TAS. Par exemple, dans l’affaire TAS 92/80 (Recueil TAS I, p. 287) la conclusion suivante a été formulée par la formation arbitrale: “Si le parties n’ont pas déterminé un droit national applicable, elles sont, en revanche, soumises aux statuts et règlements de la FIBA (…). Le droit fédératif adopté par la FIBA constitue une réglementation de droit privé, ayant une vocation internationale, voire mondiale, à s’appliquer dans le domaine des règles de sport régissant le basketball. Pour résoudre le présent litige, le tribunal arbitral appliquera donc ce droit fédératif, sans recourir à l’application de telle ou telle loi nationale au fond” (p. 292). 15. En l’espèce et au moment des faits litigieux, l’Appelant était membre du Comité Exécutif de la CAF, membre de la Commission des Arbitres de la CAF et membre de la Commission des Arbitres de la FIFA. En cette qualité, il était (et est) soumis aux Statuts et aux règlements de la FIFA (ATF 119 II 271; RIEMER H. M., Berner Kommentar ad Art. 60- 79 du Code Civil suisse, N. 511 et 515; CAS 2004/A/574). En acceptant ces diverses fonctions, l’Appelant a expressément consenti à se soumettre à la réglementation de la FIFA, dont il n’a d’ailleurs jamais contesté l’application. 16. L’article 62 al. 2 des Statuts de la FIFA prévoit que la “procédure arbitrale est régie par les dispositions du Code de l’arbitrage en matière de sport du TAS. Le TAS applique en premier lieu les divers règlements de la FIFA ainsi que le droit suisse à titre supplétif”. 17. Dès lors et en l’absence de convention spécifique entre les parties, la Formation arbitrale jugera la présente affaire à la lumière des divers règlements de la FIFA, lesquels doivent être appliqués en premier lieu, le droit suisse étant applicable à titre supplétif. 18. Tous les faits reprochés à l’Appelant se sont déroulés après le 1er janvier 2009, après le 1er septembre 2009 et après le 10 août 2010, dates d’entrée en vigueur respectives du CDF (Edition 2009), du CEF (Edition 2009) et des Statuts de la FIFA (Edition août 2010). En vertu du principe de non-rétroactivité, la présente affaire doit donc être examinée en vertu des règles de la FIFA contenues dans ces éditions (voir articles 4 et 146 CDF, 17 al. 2 CEF et 83 des Statuts de la FIFA). Admissibilité des preuves A. La position de l’Appelant 19. Selon l’Appelant, les enregistrements sonores effectués par les journalistes du Sunday Times à son insu sont illicites, immoraux et constituent des preuves inadmissibles, qui doivent être écartées des débats. Ces enregistrements ont été effectués en violation des droits fondamentaux de l’Appelant, du droit pénal et du droit civil suisses, de la loi fédérale contre la concurrence déloyale ainsi que de la loi fédérale sur la protection des données. B. D’une manière générale 20. A titre préliminaire, la Formation arbitrale observe que, selon le droit suisse, de même que selon la plupart des systèmes juridiques, les associations et en particulier les associations sportives ont le pouvoir (i) d’adopter des règles de conduite qui s’imposent à leurs membres directs et indirects et (ii) d’appliquer des sanctions disciplinaires aux membres qui ne respectent pas ces règles, pour autant que certains principes généraux du droit – tels que le droit d’être entendu et le principe de proportionnalité – soient respectés (cf. BADDELEY M., L’association sportive face au droit, Bâle 1994, pp. 107 et suivantes, 218 et suivantes; BELOFF/KERR/DEMETRIOU, Sports Law, Oxford 1999, pp. 171 et suivantes). 21. A cet égard, la Formation arbitrale relève que la compétence de l’association sportive de fixer ses propres règles et d’exercer son pouvoir disciplinaire sur ses membres directs ou indirects, ne repose pas sur le droit public ou pénal, mais sur le droit civil. Le Tribunal fédéral suisse a clairement affirmé que les sanctions disciplinaires décidées par des organisations sportives ressortent du droit privé et non du droit pénal: “Il est généralement admis que la peine statutaire représente l’une des formes de la peine conventionnelle, qu’elle repose donc sur l’autonomie des parties et peut ainsi être l’objet d’une sentence arbitrale […]. En d’autres termes, la peine statutaire n’a rien à voir avec le pouvoir de punir réservé aux tribunaux pénaux […], et ce même si elle réprime un comportement qui est aussi sanctionné par l’Etat” (Arrêt du Tribunal fédéral du 15 mars 1993, Gundel c. FEI, consid. 5a; Recueil TAS I, p. 545; partiellement publié aux ATF 119 II 271). 22. Selon la jurisprudence constante du Tribunal fédéral suisse, la procédure régissant l’adoption des sanctions disciplinaires sportives n’est pas subordonnée au respect des garanties de procédure existant en droit pénal. Notamment, le Tribunal fédéral a souligné que l’appréciation des preuves ne saurait suivre les principes propres à la procédure pénale, en affirmant que les questions ayant trait “à la charge de la preuve et à l’appréciation des preuves, [sont des] problèmes qui ne peuvent pas être réglés, en matière de droit privé, à la lumière de notions propres au droit pénal, telles que la présomption d’innocence ou le principe “in dubio pro reo”, et des garanties correspondantes figurant dans la Convention européenne des droits de l’homme” (Arrêt du Tribunal fédéral du 31 mars 1999, N., J. Y. W. c. FINA, consid. 3d, reproduit dans Recueil TAS II, p. 767; Arrêt du Tribunal fédéral du 15 mars 1993, Gundel c. FEI, consid. 8b, ibidem). 23. En ce qui concerne la Convention Européenne des Droits de l’Homme (CEDH), dont se prévaut expressément l’Appelant, la Formation arbitrale souligne également que, par principe, les droits fondamentaux et les garanties de procédure accordés par les traités internationaux de protection des droits de l’homme ne sont pas censés s’appliquer directement dans les rapports privés entre particuliers et donc ne sont pas applicables dans les affaires disciplinaires jugées par des associations privées. Cette façon de voir est en harmonie avec la jurisprudence du Tribunal fédéral suisse, qui, dans le cadre d’un recours formé contre une décision du TAS, a précisé que “le recourant invoque les art. 27 Cst. et 8 CEDH. Il n’a cependant pas fait l’objet d’une mesure étatique, de sorte que ces dispositions ne sont en principe pas applicables” (Arrêt du Tribunal fédéral du 11 juin 2001, Abel Xavier c. UEFA, consid. 2d, reproduit dans Bull. ASA 2001, p. 566; partiellement publié aux ATF 127 III 429). 24. Toutefois, la Formation arbitrale est consciente du fait que certaines garanties procédurales découlant de l’article 6.1 de la CEDH, dans les litiges portant sur des droits et obligations de caractère civil, sont indirectement applicables même devant un tribunal arbitral – d’autant plus en matière disciplinaire. Cela est dû au fait que la Confédération suisse, en tant que partie contractante à la CEDH, doit veiller à ce que, au moment de la mise en en œuvre des sentences arbitrales (au stade de l’exécution de la sentence ou à l’occasion d’un appel tendant à son annulation), les juges s’assurent que les parties à l’arbitrage aient pu bénéficier d’une procédure équitable, menée dans un délai raisonnable par un tribunal indépendant et impartial. 25. Les formations du TAS ont d’ailleurs toujours cherché à garantir aux parties le respect des principes fondamentaux de procédure, conformes à la notion d’ordre public procédural telle que définie par la jurisprudence du Tribunal fédéral Suisse: “L’ordre public procédural garantit aux parties le droit à un jugement indépendant sur les conclusions et l’état de fait soumis au tribunal d’une manière conforme au droit de procédure applicable; il y a violation de l’ordre public procédural lorsque des principes fondamentaux et généralement reconnus ont été violés, ce qui conduit à une contradiction insupportable avec le sentiment de la justice, de telle sorte que la décision apparaît incompatible avec les valeurs reconnues dans un Etat de droit” (Arrêt du Tribunal fédéral du 11 juin 2001, Abel Xavier c. UEFA, consid. 2d, ibidem). 26. Compte tenu de ce qui précède, la Formation arbitrale ne tiendra pas compte des normes de droit pénal ou de procédure pénale pour évaluer l’admissibilité des enregistrements en tant que preuve dans le présent arbitrage. Toutefois, elle s’efforcera de se conformer aux diverses prescriptions de l’ordre public procédural suisse. 27. Dans ce contexte, au vu du fait que la présente procédure arbitrale n’a pas pour objet une accusation en matière pénale, il n’y a pas lieu pour la Formation arbitrale de s’étendre sur les analogies que l’Appelant tente de faire entre la présente affaire et l’arrêt Teixeira de Castro c. Portugal du 9 juin 1998 (n° 44/1997/828/1034), par lequel la Cour Européenne des Droits de l’Homme a reconnu le Portugal coupable d’une violation de l’article 6 CEDH. En effet, la Cour Européenne des Droits de l’Homme s’est toujours gardée d’établir une règle générale sur l’admission ou le rejet des moyens de preuves obtenus par des procédés illicites. Son souci est que le droit à un procès équitable soit respecté. A cet égard et dans le contexte d’affaires pénales, elle a eu l’occasion de souligner que si l’article 6 garantit le droit à un procès équitable, il ne réglemente pas pour autant l’admissibilité des preuves en tant que telle, qui relève, dès lors, au premier chef, du droit interne (GROSSEN J.-M., Les Moyens de preuve obtenus par des procédés contraires au droit, in: Pour un droit équitable, engagé et chaleureux, Mélanges en l’honneur de Pierre Wessner, Bâle 2011, p. 613 et références citées). Par ailleurs, l’Appelant ne prend pas en compte deux distinctions fondamentales entre sa situation et celles évoquées dans le cadre de l’arrêt Texeira de Castro précité. D’une part, dans l’affaire Texeira de Castro, les preuves illicites avaient été réunies par des policiers, détenteurs de l’autorité publique. Or, la FIFA est une association de droit privé, régie par le Code civil, qui a toujours été soucieuse de préserver l’indépendance de son activité vis-à-vis des instances publiques et d’empêcher toute ingérence étatique dans ses affaires comme dans celles de ses membres. Partant, en l’espèce, il n’est pas question de “provocation policière”. D’autre part, et c’est essentiel, ce n’est pas la FIFA qui a demandé la mise sur écoute de l’Appelant ou qui a provoqué ce dernier à commettre une infraction. L’Appelant a été enregistré par des journalistes du Sunday Times sur leur propre initiative ou sur instructions de leur employeur ou éventuellement d’un tiers mais aucunement de la FIFA. D’ailleurs, ni les journalistes, ni le Sunday Times n’ont de rapport de quelque nature que ce soit avec la FIFA. Ce n’est qu’à la publication de l’article du 17 octobre 2010 que la FIFA a eu connaissance des reproches formulés à l’encontre de l’Appelant et de l’existence des enregistrements secrets. En d’autres termes, la FIFA a été placée devant le fait accompli. Il résulte de ce qui précède que l’Appelant ne peut se prévaloir de l’arrêt européen précité ainsi que de tout argument fondé sur le droit pénal. C. Caractère illicite ou non de la preuve 28. A titre préliminaire, et en ce qui concerne la prétendue illicéité de la preuve, la Formation arbitrale note que les règles générales en matière de bonne foi et de respect de la procédure arbitrale interdisent à une partie à un arbitrage de tromper l’autre partie ou d’obtenir illégalement certains éléments de preuve. Le cas échéant, les éléments de preuves ainsi recueillis pourraient être considérés comme irrecevables par le tribunal arbitral (cf. BERGER/KELLERHALS, International Arbitration in Switzerland, 2nd ed., London 2010, p. 343). C’est ainsi, par exemple, qu’une violation des règles générales en matière de bonne foi et de respect de la procédure arbitrale a été reconnue dans les cas suivants: - Un tribunal arbitral international a précisé que toutes les parties ont une obligation générale envers les autres ainsi qu’envers le tribunal de se comporter avec bonne foi au cours de la procédure d’arbitrage. Il a relevé qu’il n’était pas acceptable pour une partie de recueillir des preuves par l’intermédiaire de détectives privés, qui se seraient secrètement introduits dans les locaux de l’autre partie (CNUDCI, Methanex Corp c. États-Unis, sentence finale, 3 Août 2005, pt. II, ch. A, ad 13); - Dans une affaire où un État qui était partie à un arbitrage du CIRDI a utilisé ses pouvoirs de police et ses services de renseignement pour espionner les conversations téléphoniques de l’autre partie, le tribunal arbitral international a déclaré que “parties have an obligation to arbitrate fairly and in good faith and [...] an arbitral tribunal has the inherent jurisdiction to ensure that this obligation is complied with; this principle applies in all arbitration”; ou en français: “les parties ont l’obligation d’arbitrer équitablement et de bonne foi et [...] un tribunal arbitral doit veiller à ce que cette obligation soit respectée; ce principe s’applique dans tout arbitrage” (Affaire CIRDI n° ARB/06/8, Libananco Holdings Co. c. Turquie, sentence du 23 Juin 2008, ad 78). 29. Sur la base des éléments à sa disposition, la Formation arbitrale constate que la présente affaire ne partage aucun point commun avec les exemples cités ci-dessus. Non seulement la FIFA n’a pas eu recours à des procédés illicites ni n’a trompé l’Appelant en vue d’obtenir les enregistrements mais rien ne laisse supposer que l’enquête menée par le Sunday Times ait été diligentée ou soutenue par la FIFA ou des proches de la FIFA. De manière parfaitement transparente, et immédiatement après la publication de l’article du 17 Octobre 2010, la FIFA a demandé et reçu les enregistrements du Sunday Times. La Formation arbitrale est d’avis que la FIFA n’a pas violé les règles générales en matière de bonne foi et de respect de la procédure arbitrale, qui s’imposent à tout participant à un arbitrage international. Par voie de conséquence, ces principes procéduraux ne peuvent pas constituer une base juridique permettant d’écarter la preuve litigieuse de la présente instance. 30. Toutefois, l’Appelant fait valoir que les journalistes du Sunday Times ont violé la loi ainsi que sa sphère intime en l’enregistrant à son insu. Il est d’avis que, dans de telles circonstances, les enregistrements constituent une preuve “immorale” et en contradiction insupportable avec le sentiment de justice, qui ne peut être utilisé dans la présente procédure d’arbitrage, même si la FIFA n’est, en tant que telle, pas responsable du comportement des journalistes. 31. Selon l’Appelant, la licéité de la conduite des journalistes doit être évaluée sous l’angle du droit suisse alors que la FIFA soutient que la question est régie par le droit anglais. La Formation arbitrale observe que, au regard de la législation anglaise comme de la législation suisse, deux droits distincts devraient être mis en balance, à savoir le droit au respect de la vie privée et le droit à la liberté d’expression. Ces deux droits sont protégés dans toute société démocratique mais ni l’un ni l’autre n’est absolu, puisqu’ils sont tous deux soumis à un certain nombre d’exceptions et de restrictions (voir les articles 8.2 et 10.2 de la CEDH). Selon la jurisprudence actuelle de la Cour Européenne des Droits de l’Homme, aucun des deux droits fondamentaux ne l’emporte automatiquement sur l’autre et, en principe, chacun d’entre eux mérite un égal respect (Cour Européenne des Droits de l’Homme, jugement du 23 juillet 2009, Hachette Filipacchi Associés “Ici Paris” c. France, requête n° 12268/03, chiffre 41). 32. En ce qui concerne les ingérences des médias dans la vie privée de particuliers, la Cour Européenne des Droits de l’Homme a récemment souligné le rôle vital de la presse qui doit assurer l’accès du public à l’information et assumer la fonction de “chien de garde public” (“public watchdog”), insistant sur le fait que non seulement la presse a pour mission de diffuser des informations et des idées sur des questions d’intérêt public, mais que le public a également le droit de les recevoir (Cour Européenne des Droits de l’Homme, jugement du 10 mai 2011, Mosley c. Royaume-Uni, requête n° 48009/08, chiffre 112). La Cour de Strasbourg a notamment retenu ce qui suit (ibidem, chiffre 114): “the pre-eminent role of the press in a democracy and its duty to act as a “public watchdog” are important considerations in favour of a narrow construction of any limitations on freedom of expression. However, different considerations apply to press reports concentrating on sensational and, at times, lurid news, intended to titillate and entertain, which are aimed at satisfying the curiosity of a particular readership regarding aspects of a person’s strictly private life. [...] the Court stresses that in assessing in the context of a particular publication whether there is a public interest which justifies an interference with the right to respect for private life, the focus must be on whether the publication is in the interest of the public and not whether the public might be interested in reading it”; ou en français: “dans une démocratie, le rôle essentiel de la presse et son devoir d’agir comme un “chien de garde public” plaident en faveur d’une interprétation restrictive de toute limitation à la liberté d’expression. Cependant, il en va différemment des articles de presse qui se concentrent sur des informations sensationnalistes et, parfois, scabreuses, destinées à provoquer et à divertir et qui visent à satisfaire la curiosité d’un lectorat particulier sur des aspects de la vie strictement privée d’une personne. [...] la Cour souligne que, lorsqu’il y a lieu d’évaluer si une publication spécifique présente un intérêt public justifiant une ingérence dans le droit au respect de la vie privée, il convient de déterminer si la publication relève de l’intérêt public et non pas de savoir si le public pourrait être intéressé à la lire”. 33. La Formation arbitrale relève que les journalistes du Sunday Times n’ont pas recherché à exposer des détails “sensationnalistes” ou scabreux de la vie strictement privée de l’Appelant aux fins de susciter la curiosité du public. Ces journalistes ont plutôt tenté de dénoncer des éventuels cas de corruption dans le processus d’attribution de l’organisation de la Coupe du Monde de la FIFA, agissant ainsi en tant que “chiens de garde publics” (pour reprendre la terminologie de la Cour Européenne). Pour la Formation arbitrale, il paraît difficile de soutenir que le fait d’exposer au grand jour des pratiques illégales liées à des manifestations sportives importantes – que ce soit la corruption, le dopage ou des matches truqués – ne relève pas de l’intérêt public. Tenant compte de la jurisprudence précitée de la Cour Européenne des Droits de l’Homme, il n’est pas évident de considérer que la conduite des journalistes – quand bien même sournoise – serait illégale. Si tel avait été le cas l’Appelant aurait pu obtenir justice en déposant une plainte pénale et/ou en engageant une action civile à l’encontre du Sunday Times ou de ses journalistes. Le fait que, jusqu’à la date de l’audience, l’Appelant n’ait intenté d’action en justice affaiblit certainement son affirmation selon laquelle la preuve a été obtenue de manière illégale. 34. Dans tous les cas, la Formation ne voit pas l’utilité de s’étendre sur la question de savoir si les enregistrements secrets ont été ou non obtenus par les journalistes au moyen de procédés contraires au droit et si la preuve doit être considérée comme illégale au moment où elle est arrivée en mains de la FIFA. Dans l’intérêt de l’Appelant, la Formation serait même disposée à partir du postulat que la preuve a été obtenue de manière illicite, en violation du droit pénal et civil suisses, de la loi suisse contre la concurrence déloyale et de la loi suisse sur la protection des données. Or, le simple fait pour une preuve d’avoir été obtenue de manière illégale n’empêche pas nécessairement sa prise en compte par un tribunal arbitral international ayant son siège en Suisse (BERGER/KELLERHALS, op. cit., p. 343). En effet, un tribunal arbitral international siégeant en Suisse n’est pas tenu de suivre les règles de procédure et donc les règles en matière de preuve applicables devant les tribunaux civils suisses, ou d’autant moins devant les juridictions pénales suisses. Selon la doctrine suisse sur l’arbitrage international: «La procédure arbitrale n’est pas soumise aux règles applicables devant les tribunaux étatiques. C’est d’ailleurs là un avantage souvent cité de l’arbitrage» (KAUFMANN-KOHLER/RIGOZZI, Arbitrage international, Droit et pratique à la lumière de la LDIP, 2ème éd., Berne 2010, ad 294). 35. Ainsi et en ce qui concerne le caractère admissible des preuves, la Formation arbitrale fait siennes les considérations formulées dans un arrêt récent du TAS (TAS 2009/A/1879 Valverde Belmonte c. CONI, paragraphes 134-135, “l’affaire Valverde”): “L’ordre juridique interne suisse n’établit pas de principe général selon lequel des preuves illicites seraient généralement inadmissibles dans une procédure devant les cours civiles étatiques. Au contraire, le Tribunal Fédéral, dans une jurisprudence constante, est d’avis que l’admissibilité ou la non-admissibilité d’une preuve illicite est le résultat d’une mise en balance de différents aspects et intérêts juridiques. Sont pertinents, par exemple, la nature de la violation, l’intérêt à la manifestation de la vérité, la difficulté de preuve pour la partie concernée, le comportement de la victime, les intérêts légitimes des parties et la possibilité d’acquérir les (mêmes) preuves de façon légitime. La doctrine suisse prédominante suit cette jurisprudence du Tribunal Fédéral. L’approche adoptée par le Tribunal Fédéral et la doctrine dominante a, par ailleurs, été codifiée dans le nouveau CPC suisse (Article 152 alinéa 2), qui entrera en vigueur le 1er janvier 2011 […]. Les principes qui viennent d’être décrits ne constituent qu’une faible source d’inspiration pour la pratique des tribunaux arbitraux. […] En particulier, l’interdiction de se fonder sur une preuve illicite dans une procédure étatique ne lie pas en soi un tribunal arbitral. Selon le droit de l’arbitrage international un tribunal arbitral n’est pas lié par les règles applicables à l’administration de la preuve devant les tribunaux civils étatiques du siège du tribunal arbitral. Comme l’on a vu supra, le pouvoir discrétionnaire de l’arbitre de décider sur l’admissibilité de la preuve n’est limité que par l’ordre public procédural. L’utilisation de preuves illicites ne relève par ailleurs pas automatiquement de l’ordre public suisse, car ce dernier est seulement atteint en présence d’une contradiction insupportable avec le sentiment de justice, de telle sorte que la décision apparaît incompatible avec les valeurs reconnues dans un Etat de droit”. 36. A la lumière de ces principes et des circonstances particulières du cas d’espèce, la formation arbitrale appelée à statuer dans l’affaire Valverde a considéré comme recevable une preuve (en l’occurrence un échantillon sanguin) qu’un juge espagnol de première instance a non seulement qualifiée d’illicite mais en a expressément interdit l’usage dans une procédure judiciaire ou disciplinaire. De surcroit, il est à noter que l’ordonnance de ce juge a été confirmée par une décision subséquente de la Cour d’Appel de Madrid. En dépit de cela, la formation, dans l’affaire Valverde, s’est notamment fondée sur cette preuve illicite pour parvenir à la conclusion que l’athlète avait à tout le moins essayé de se livrer à des pratiques de dopage interdites. Elle l’a alors suspendu pour une durée de deux ans. L’affaire Valverde a fait l’objet d’un recours porté devant le Tribunal fédéral, qui a rejeté ce dernier (arrêt du 29 octobre 2010, 4A_234/2010, ATF 136 III 605). 37. La Formation arbitrale relève que, dans la présente affaire, non seulement il n’y a pas une ordonnance d’un juge déclarant la preuve illicite et interdisant son exploitation mais, comme observé plus haut, la question de savoir si les journalistes du Sunday Times ont agi de manière illégale, peut demeurer ouverte. A la lumière des considérations qui précèdent et même en partant du principe favorable à l’Appelant que les enregistrements ont été obtenus de manière illégale (en violation du droit pénal et du droit civil suisses, de la loi suisse contre la concurrence déloyale et de la loi suisse sur la protection des données), cela n’exclut pas leur utilisation comme preuve dans les procédures disciplinaires instruites au sein d’une association de droit privé. D. La réglementation applicable en matière de preuve a) Autonomie privée et réglementation suisse en matière de preuve 38. En matière d’arbitrage international, le Chapitre 12 de la LDIP instaure une large place à l’autonomie privée puisque les parties sont libres de déterminer leurs propres règles procédurales, notamment en matière de preuve. En particulier, l’article 182 al. 1 LDIP prévoit que “Les parties peuvent, directement ou par référence à un règlement d’arbitrage, régler la procédure arbitrale; elles peuvent aussi soumettre celle-ci à la loi de procédure de leur choix”. 39. Cet article entérine la déclaration de la formation arbitrale dans l’Affaire Valverde, selon laquelle “un tribunal arbitral n’est pas lié par les règles applicables à l’administration de la preuve devant les tribunaux civils étatiques du siège du tribunal arbitral” (voir para. 35, ci-dessus). Cela est particulièrement vrai lorsque les parties font usage de leur autonomie privée pour mettre en place des règles en matière de preuve. 40. En l’espèce, les parties ont fait usage de leur autonomie privée, la FIFA en adoptant sa réglementation et l’Appelant en se soumettant à cette dernière lorsqu’il est devenu membre indirect et officiel de la FIFA. Elles ont donc accepté que les règles de la FIFA en matière de preuve soient applicables dans les procédures disciplinaires les concernant. Ainsi, la Formation arbitrale estime que les questions de preuve doivent être analysées sur la base de ces règles privées, acceptées par les parties et non sur la base des règles applicables devant les tribunaux civils ou correctionnels suisses. 41. Par conséquent, la Formation arbitrale n’est pas liée par les conditions d’admissibilité des preuves retenues par le droit procédural civil et pénal suisse. 42. Les règles applicables de la FIFA en matière de preuve se trouvent dans le CDF, qui prévoit des dispositions en matière (i) de fardeau de la preuve, (ii) de degré et d’appréciation de la preuve ainsi que (iii) d’admissibilité des preuves. b) Les règles de la FIFA en matière de fardeau de la preuve 43. En ce qui concerne le fardeau de la preuve, l’article 99 al. 1 CDF prévoit ce qui suit: “Article 99 Fardeau de la preuve 1. Le fardeau de la preuve des fautes disciplinaires commises incombe à la FIFA”. 44. Cette disposition est conforme au principe général en matière de procédure disciplinaire selon lequel le fardeau de la preuve incombe à l’accusateur. Ainsi, indépendamment du fait que la FIFA a la qualité d’intimée dans le présent arbitrage, il lui appartient de faire la preuve des accusations portées à l’encontre de l’Appelant. c) Les règles de la FIFA en matière de degré et d’appréciation de la preuve 45. Le siège de la matière se trouve à l’article 97 CDF qui dispose de ce qui suit: “Article 97 Libre appréciation des preuves 1. Les autorités apprécient librement les preuves. 2. Elles peuvent notamment tenir compte de l’attitude des parties au cours de la procédure, notamment de la manière dont elles collaborent avec les autorités juridictionnelles et le secrétariat (art. 110). 3. Elles décident sur la base de leur intime conviction”. 46. Cette disposition laisse une importante marge d’appréciation à la Formation arbitrale, laquelle peut librement se forger une opinion après avoir examiné toutes les preuves disponibles. La Formation arbitrale doit décider sur la base de son “intime conviction”, étant précisé que la version anglaise de l’article 97 al. 3 CDF (qui prévaut en vertu de l’article 143 al. 2 CDF) parle de “convictions personnelles” (“They decide on the basis of their personal convictions”). 47. La Formation arbitrale est d’avis que la notion de “intime conviction” coïncide avec le degré de preuve usuellement appliqué dans les affaires disciplinaires par les formations arbitrales du TAS, en vertu duquel il appartient à l’accusateur d’établir l’existence d’une violation des règles disciplinaires à la satisfaction de l’instance de jugement, qui appréciera la gravité des accusations. Il en découle que le degré de preuve doit être plus important que le standard civil de simple prépondérance des probabilités, mais moins important que le standard pénal de preuve allant au-delà d’un doute raisonnable (CAS 2010/A/2172, para. 53; CAS 2009/A/1920, para. 85). C’est dans ce sens que la Formation arbitrale interprète la notion d’intime conviction prévue par l’alinéa 3 de l’article 97 CDF. d) Les règles de la FIFA en matière d’admissibilité des preuves 48. En ce qui concerne l’admissibilité des preuves – qui est l’une des principales questions litigieuses – l’article 96 CDF prévoit ce qui suit: “Article 96 Divers moyens de preuve 1. Tous les moyens de preuve peuvent être produits. 2. Doivent être refusés ceux qui sont contraires à la dignité humaine ou ne permettent manifestement pas d’établir des faits pertinents. 3. Sont notamment admis: les rapports de l’arbitre, des arbitres assistants, du commissaire de match, de l’inspecteur d’arbitre; les déclarations des parties, celles des témoins, la production de preuves matérielles, les expertises, les enregistrements audio ou vidéo”. 49. Au vu de l’article 96 al. 1 CDF, tous les moyens de preuves sont admissibles, sans aucune limitation. L’alinéa 3 de cette disposition inclut expressément les “enregistrements audio et vidéo”. Il apparaît que le CDF accepte quasiment tous les moyens de preuves, à l’exception de ceux “qui sont contraires à la dignité humaine” ou qui sont manifestement sans pertinence (voir article 96 al. 2 CDF). La Formation arbitrale observe qu’une telle politique libérale en matière d’admissibilité de preuves n’est pas étonnante, sachant que les procédures disciplinaires mises en œuvres au sein d’associations sportives sont, par définition, moins formalistes et avec moins de garanties procédurales que les procédures pénales. 50. Selon le Tribunal fédéral suisse, la teneur normative de la dignité humaine ne peut pas être déterminée explicitement et exhaustivement. Toutefois, il souligne à ce sujet qu’il s’agit de la spécificité intangible de l’homme et des êtres humains (ATF 132 I 49 cons. 5.1). A la lumière de ce qui précède, il apparaît que le CDF a ouvert un spectre très large, dans lequel seraient admissibles quasiment toutes les preuves, à l’exception de celles obtenues notamment par la torture ou la violence, ensuite de traitements inhumains ou dégradants et/ou au moyen de procédés scientifiques forçant la volonté de l’individu, ainsi privé de sa liberté. En l’espèce, la Formation arbitrale est d’avis que les enregistrements effectués à l’insu de l’Appelant n’ont pas porté atteinte à sa dignité humaine: l’Appelant n’a pas fait l’objet de menaces ou de violence, ses entretiens téléphoniques avec les journalistes ont été librement consentis et leur contenu n’apparaît pas comme étant dégradant. En bref, les enregistrements constituent une preuve admissible au sens de l’article 96 du CDF. 51. Toutefois, la FIFA ne peut pas se borner à respecter sa seule réglementation. En effet, s’il est vrai que le législateur suisse a souhaité laisser une large autonomie aux associations quant à leur fonctionnement et à leur organisation, aucune disposition réglementaire ne doit porter atteinte aux droits de la personnalité de ses membres (JEANNERET/HARI, in PICHONNAZ/FOËX, Commentaire romand, Bâle 2010, para. 2 ss ad art. 63, p. 474; PERRIN/CHAPPUIS, Droit de l’association, 3ème éd., Genève, Zurich, Bâle 2008, ad art. 63, p. 41). 52. Par voie de conséquence, les preuves telles que prévues à l’article 96 al. 2 CDF ne peuvent en aucun cas léser les droits de la personnalité, protégés par l’article 28 CC. E. La protection des droits de la personnalité de l’Appelant 53. Le siège de la matière se trouve aux articles 27 et 28 CC. Alors que l’article 27 CC vise à protéger la personne contre elle-même et contre ses engagements excessifs, l’article 28 CC interdit les atteintes à la personnalité émanant de la part de tiers. Seule cette dernière disposition est pertinente dans la présente affaire. 54. L’article 28 CC a la teneur suivante: “1 Celui qui subit une atteinte illicite à sa personnalité peut agir en justice pour sa protection contre toute personne qui y participe. 2 Une atteinte est illicite, à moins qu’elle ne soit justifiée par le consentement de la victime, par un intérêt prépondérant privé ou public, ou par la loi”. 55. La garantie de l’article 28 CC s’étend à l’ensemble des valeurs essentielles de la personne qui lui sont propres par sa seule existence et peuvent faire l’objet d’une atteinte (ATF 134 III 193, consid. 4.5, p. 200). Selon l’article 28 al. 2 CC, une atteinte à la personnalité est illicite, à moins qu’elle ne soit justifiée (i) par le consentement de la victime, (ii) par un intérêt prépondérant privé ou public, ou (iii) par la loi. Il résulte de cette disposition que l’atteinte est en principe illicite, ce qui découle du caractère absolu des droits de la personnalité. L’illicéité est une notion objective de sorte qu’il n’est pas décisif que l’auteur soit de bonne foi ou ignore qu’il participe à une atteinte à la personnalité (ATF 132 III 193, consid. 4.6.2, p. 201). C’est en fonction du bien de la personnalité touché et des circonstances du cas concret que la Formation arbitrale retiendra l’existence ou non d’une atteinte. Cette démarche doit être opérée sur la base d’une échelle de valeurs objectives et non eu égard au ressenti ou à la sensibilité de la victime (JEANDIN N.; in PICHONNAZ/FOËX, Commentaire romand, Bâle 2010, para. 67 ss ad art. 28, p. 261). 56. De manière générale, il ne fait aucun doute que le respect de la vie privée fait partie des droits protégés par l’article 28 CC. La Formation arbitrale estime que, par leurs procédés, les journalistes n’ont pas respecté la sphère privée de l’Appelant, lequel n’était pas averti que les conversations téléphoniques étaient enregistrées. Toutefois, la question litigieuse n’est pas tant de déterminer si les journalistes ont porté atteinte aux droits de la personnalité de l’Appelant mais plutôt si ces droits sont violés par l’utilisation des enregistrements en question dans la présente procédure. 57. Comme exposé ci-dessus, l’atteinte à la personnalité est licite lorsqu’elle est justifiée par l’un des trois motifs prévu à l’article 28 al. 2 CC, à savoir le consentement de la victime, un intérêt prépondérant privé ou public et/ou la loi. En l’espèce, l’Appelant n’a pas donné son consentement et il n’y a pas de base légale qui justifierait expressément l’atteinte à sa personnalité. Il y a donc lieu de déterminer s’il existe un intérêt prépondérant privé ou public pouvant justifier l’utilisation des enregistrements en tant que moyens de preuve dans la présente procédure. La Formation estime à cet égard que la notion d’intérêt public – contrairement à l’opinion exprimée par l’Appelant – ne coïncide pas avec la notion d’intérêt étatique et doit être interprétée au sens large d’intérêt général (comprenant soit l’intérêt étatique soit l’intérêt des collectivités concernées). F. La pesée des intérêts en présence 58. La Formation arbitrale doit procéder à une pondération des intérêts en présence. L’intérêt prépondérant est privé lorsque le sacrifice qui est imposé à la victime est jugé supérieur à l’avantage que peut en retirer une autre personne physique ou morale. L’intérêt prépondérant est public lorsqu’il profite à une pluralité d’autres personnes ou à la collectivité (JEANDIN N., op. cit., p. 263). En l’espèce, il y a lieu de mettre en balance l’intérêt de l’Appelant à ce que les enregistrements demeurent confidentiels et l’intérêt de la FIFA et d’autres personnes ou entités à ce qu’ils soient utilisés dans le cadre de la présente procédure. 59. En ce qui concerne le bien protégé de l’Appelant (protection de la vie privée, notamment protection des conversations privées), la Formation relève qu’au moment de l’ouverture de la procédure disciplinaire, de nombreux détails compris dans les conversations enregistrées – dont les passages les plus révélateurs et les plus sensibles – sont entrés dans le domaine public lors de la diffusion de l’article du Sunday Times par voie de presse ou par le biais d’Internet (diffusion que l’Appelant n’a pas cherché à contester par voie judiciaire). Cet hebdomadaire a non seulement fait état de l’existence des enregistrements litigieux et du contexte dans lequel ils ont été captés mais en a divulgué une partie du contenu. De ce fait, il résulte que la valeur du bien à protéger, ou plutôt ce qu’il en reste, a été amoindrie. L’Appelant ne peut donc pas raisonnablement exiger la complète protection de ses conversations privées, dont une partie significative a déjà été portée à la connaissance de centaines de milliers de personnes. Malgré tout, la Formation arbitrale est d’avis qu’il existe encore une part résiduelle de la sphère privée de l’Appelant qui mérite d’être protégée, dans la mesure où (i) une partie importante des conversations n’a pas été divulguée et (ii) la publication de la présente sentence qui contient une retranscription des propos tenus par l’Appelant lors desdites conversations va à nouveau attirer l’attention sur ce dernier. L’Appelant a donc un intérêt certain à ce que l’intégralité de ses conversations avec les journalistes ne soit pas diffusée et ainsi à contester l’utilisation des enregistrements dans la présente procédure. 60. Néanmoins, l’intérêt de l’Appelant à ce que les enregistrements ne soient pas exploitables est contrebalancé par celui de la FIFA ainsi que par celui d’autres personnes ou entités tant du secteur privé que public: - Il y a assurément un intérêt public général à ce que soit exposé au grand jour tout comportement illégal ou contraire à l’éthique, tel que la corruption ou toute autre forme de fraude en relation avec l’attribution de l’organisation d’un événement sportif majeur. - La FIFA a un intérêt privé à vérifier la véracité du contenu de l’article du Sunday Times et, le cas échéant, rétablir la vérité ainsi que son image. En effet, l’hebdomadaire présente la FIFA comme étant gangrénée par la corruption et lui reproche son manque de transparence et d’impartialité dans le processus d’attribution de l’organisation de la Coupe du Monde. - La FIFA, tout comme n’importe quelle association privée, a un intérêt certain à pouvoir identifier les dysfonctionnements organisationnels et ceux qui en sont à l’origine, afin de pouvoir prendre les dispositions nécessaires, en particulier pour éviter que des situations similaires ne se reproduisent. - Toute les fédérations nationales qui sont ou seront candidates à l’organisation de la Coupe du Monde de la FIFA, ont un intérêt à être informées exhaustivement et, si possible, rassurées au sujet de l’efficacité, la transparence et la régularité du processus de sélection. - Compte tenu de la quantité d’argent public notoirement investi par les gouvernements et autres organismes publics en vue de soutenir la candidature de leur fédération de football et de l’impact bien connu de la Coupe du Monde de la FIFA sur l’économie d’un pays, il y a indubitablement un intérêt de chaque gouvernement (ainsi que des contribuables concernés) de savoir si l’attribution de la Coupe du monde de la FIFA est affectée par la corruption de responsables de la FIFA. - Enfin, les amateurs de football comme le public, et en particulier celui du pays candidat malheureux, doivent avoir la conviction que l’attribution de la Coupe du Monde s’est faite de manière équitable, en toute impartialité et selon des critères objectifs. 61. Ainsi, au vu de ce qui précède, la Formation arbitrale n’a aucune difficulté à admettre que la balance des intérêts penche en faveur de la divulgation et de l’utilisation dans la présente procédure des preuves réunies par le Sunday Times et remises à la FIFA. Dès lors que l’atteinte aux droits de la personnalité de l’Appelant est justifiée par des intérêts publics et privés prépondérants, les enregistrements sonores (qui sont des moyens de preuves prévus par l’article 96 CDF) doivent être admis dans la présente procédure. 62. De plus, la Formation arbitrale doit évaluer si l’usage des enregistrements entre en conflit avec l’ordre public procédural suisse. A cette fin, les éléments suivants doivent être pris en compte: (i) la nature du comportement en question et la gravité des accusations; (ii) la nécessité morale et éthique de faire toute la lumière sur ce qui s’est passé et de sanctionner les fraudes et la corruption; (iii) le fait que, dans un contexte démocratique, les personnes qui occupent des postes-clés (que ce soit dans une organisation privée ou publique) doivent être responsables; (iv) le consensus général au sein des institutions sportives et gouvernementales, selon lequel la corruption est un sujet d’inquiétude croissant dans tous les sports majeurs qui nuit considérablement à ces derniers ainsi qu’à leur crédibilité et qui doit être combattu avec la plus grande détermination (voir TRANSPARENCY INTERNATIONAL – CZECH REPUBLIC, Why sport is not immune to corruption, Conseil de l’Europe – EPAS, 1er décembre 2008); et (v) les moyens d’instruction limités des organisations sportives en comparaison avec ceux des autorités publiques. 63. Sur la base de ces considérations, la Formation arbitrale est d’avis, en l’espèce, que l’utilisation dans une procédure disciplinaire pour corruption des enregistrements secrets de conversations privées n’est pas immorale et ne conduit pas à une contradiction insupportable avec le sentiment de justice, ni qu’une décision fondée sur de tels moyens de preuve paraîtrait incompatible avec les valeurs reconnues dans un Etat de droit. 64. La Formation arbitrale conclut donc que le fait d’admettre les enregistrements comme moyen de preuve dans la présente procédure ne constitue pas une violation de l’ordre public procédural suisse. 65. En relation avec ce qui précède, l’Appelant tente de soutenir que la valeur probatoire des enregistrements sonores est remise en cause au motif que ces derniers ne sont pas datés et qu’ils sont incomplets. Selon lui, d’autres conversations ont eu lieu entre les mêmes protagonistes, lesquels auraient également échangé des courriers. L’Appelant estime que le fait que ces éléments ne soient pas au dossier vicie l’ensemble de la procédure. 66. La Formation relève qu’en vertu de l’article 97 CDF, “Les autorités apprécient librement les preuves” (al. 1) et “décident sur la base de leur intime conviction” (al. 3). Il appartiendra à la Formation de se faire librement une opinion sur la base de l’ensemble des éléments dont elle dispose. Font partie de ces éléments (mais pas exclusivement) les enregistrements litigieux dont l’Appelant n’a jamais soutenu qu’ils avaient fait l’objet de manipulations ou qu’ils n’étaient pas originaux. 67. Quant au fait que les enregistrements ne sont pas datés, la Formation relève que le contenu des conversations démontre aisément que les entretiens téléphoniques ont eu lieu au cours du mois d’octobre 2010 (voir chiffres 4, 5 et 11 des retranscriptions). Quant au caractère incomplet des preuves, la Formation arbitrale ne peut que prendre note de remarques de l’Appelant, tout en relevant qu’elle ne dispose d’aucune indication permettant d’affirmer avec un degré suffisant de probabilité que les éventuelles autres conversations ont été enregistrées. La Formation arbitrale relève encore que, s’il devait y avoir des courriers échangés entre l’Appelant et les journalistes, l’Appelant même était le mieux placé pour établir leur existence. Il est à souligner que ni la FIFA ni le TAS ne dispose de la force publique permettant d’exiger de tiers la production d’éléments de preuve. La FIFA a déclaré avoir tenu à la disposition de l’Appelant l’intégralité des pièces dont elle disposait et rien ne permet à la Formation d’en douter. 68. En conclusion, la Formation arbitrale est d’avis que les enregistrements sont des preuves fiables et peuvent être admises dans la présente procédure. L’Appelant n’a avancé aucun élément convaincant suggérant que la FIFA n’a pas agi de manière convenable lorsqu’elle s’est fondée sur les enregistrements pour engager une procédure disciplinaire à son encontre. 69. Cette constatation ne signifie cependant pas que la Formation arbitrale estime que la FIFA peut demeurer passive et se borner à lutter contre les problèmes de corruption uniquement lorsque ceux-ci surgissent de manière fortuite. Bien au contraire, afin de favoriser la transparence en matière de gouvernance interne et la mise en œuvre de ses règles éthiques, la FIFA serait bienvenue de continuer à se montrer proactive dans la lutte contre la corruption de ses officiels et, en présence d’activités suspicieuses, d’entreprendre toute mesure d’instruction utile, en s’appuyant sur tous les moyens légaux à sa disposition et éventuellement en sollicitant l’assistance des autorités judiciaires. Au fond 70. La Commission de Recours de la FIFA a déclaré l’Appelant coupable d’avoir enfreint les articles 3. al. 1, 3 al. 2, 3 al. 3 (Règles générales), l’article 9 al. 1 (Loyauté et confidentialité), l’article 11 al. 1 (Corruption) et l’article 14 al. 1 (Obligation de déclaration et de rapport) CEF. 71. Les dispositions qui précèdent ne s’appliquent que si l’auteur des infractions en remplit la condition subjective, à savoir s’il revêt la qualité de “officiel”. Ce dernier aspect doit dès lors être examiné en premier. A. L’Appelant est-il un officiel au sens du CEF? 72. L’article 1 al. 1 CEF prévoit ce qui suit: “Le présent code s’applique à tous les officiels. On entend par officiel tout membre de la direction, d’une commission, tout arbitre, arbitre assistant, entraîneur, préparateur physique et toute autre personne chargée des questions techniques, médicales, administratives à la FIFA, dans une confédération, une association, une ligue ou un club”. 73. Au vu des fonctions qu’il occupait au moment des faits litigieux, notamment au sein de la FIFA et de la CAF, il ne fait aucun doute que l’Appelant est un “officiel” au sens du CEF, ce qu’il n’a jamais contesté. 74. Dès lors que la condition subjective liée à la qualité d’officiel est remplie, les dispositions des articles 3, 9 et 11 sont toutes applicables à l’Appelant. Il y a lieu de reprendre chacune de ces dispositions, en commençant par celles qui sont les plus spécifiques, à savoir les articles 11 et 14 CEF. B. Article 11 CEF (Corruption) 75. En substance, l’Appelant allègue qu’il ne peut être sanctionné du chef de corruption, qui est une infraction que seuls des agents publics peuvent commettre. Il appuie cette argumentation sur la lettre du titre 19 du Code pénal suisse. Il peut également être déduit de ses autres allégations, que l’Appelant estime ne pas remplir les conditions de cette disposition, ses paroles n’ayant jamais été suivies d’action de sa part, ni d’effet. En particulier, il relève qu’il n’a jamais rencontré les journalistes ni entrepris quelques démarches que ce soit auprès de membres du Comité Exécutif de la FIFA, ni conclu de contrat, ni reçu d’argent. Selon ses déclarations, il n’avait d’ailleurs jamais l’intention de donner une suite concrète aux sollicitations de Franklin Jones. 76. L’article 11 al. 1 CEF, qui a pour note marginale “Corruption”, prévoit ce qui suit: “Les officiels ne doivent en aucun cas accepter les pots-de-vin. Ils sont tenus de refuser tout cadeau et autre avantage qui leur serait offert, promis ou envoyé pour les inciter à manquer à leur devoir ou à adopter un comportement malhonnête au profit d’une tierce personne”. 77. La Formation arbitrale est d’avis que le fait que l’Appelant ne soit pas un employé d’une administration publique au sens du droit pénal suisse est sans pertinence, l’article 11 CEF ne visant pas de telles personnes. L’argumentation de l’Appelant n’est d’ailleurs pas acceptable, dans la mesure où l’infraction visée par le CEF et celle visée par le titre 19 du code pénal suisse ont pour seul point commun leur qualification (corruption). La comparaison s’arrête là, puisque les deux textes ne cherchent pas à protéger le même bien ni ne visent les mêmes personnes. Il y a lieu de rejeter l’argument de l’Appelant sans autre considération. 78. L’article 11 al. 1 CEF est composé de deux phrases. La première énonce le principe de base en vertu duquel les officiels ne doivent jamais accepter des pots-de-vin. La deuxième phrase précise la notion de corruption, en prévoyant l’obligation pour ces officiels de refuser activement toute offre d’une transaction qui pourrait impliquer un pot-de-vin. Il résulte de cette deuxième phrase que, pour que la corruption soit avérée, les éléments exhaustifs suivants doivent être réunis: (a) un cadeau ou autre avantage doit être offert, promis ou envoyé; (b) l’officiel doit être incité à manquer à son devoir ou adopter un comportement malhonnête, au profit d’une tierce personne; (c) l’officiel n’a pas refusé le cadeau ou l’autre avantage. 79. Ces trois éléments peuvent être repris ci-dessous: a) Cadeau ou autre avantage offert, promis ou envoyé 80. La Formation observe que la formulation de l’article 11 al. 1 CEF est volontairement large. L’avantage peut revêtir toute forme et ne doit pas être concrètement accordé, puisque, selon le texte même de cette disposition, il suffit qu’il soit offert ou promis. En d’autres termes, il ne résulte pas de l’article 11 al. 1 CEF que le cadeau ou tout autre avantage doit effectivement être reçu par l’officiel. 81. De même, et en vertu de l’article 11 al. 1 CEF, les officiels sont tenus de refuser “tout” cadeau et autre avantage, ce qui implique que la forme ou le genre d’avantage est sans importance. Il peut s’agir d’argent ou d’autre chose, qui pourrait même être difficile à évaluer économiquement (par exemple, une carrière, une promotion). 82. En outre, et contrairement à l’opinion exprimée par l’Appelant, rien n’indique que le cadeau ou l’avantage doit être offert, promis ou envoyé à l’officiel en personne ou servir ses intérêts exclusifs. En vertu de l’article 11 al. 1 CEF, l’avantage peut très bien être octroyé à un tiers ou à une organisation désignée par l’officiel ou proche de ce dernier. Si on devait suivre la thèse qu’un cas de corruption n’est réalisé qu’en présence d’avantages concédés directement à l’officiel, il serait facile pour l’officiel de se soustraire à toute responsabilité en faisant transiter le cadeau ou l’avantage par le biais d’une autre personne ou organisation. 83. En l’espèce, il est indéniable qu’un avantage a été promis à l’Appelant, sous forme de rémunération à hauteur de GBP 100.000 par an pour une activité exercée à raison d’un à deux jours par mois (chiffres 11 ss et 41 ss des retranscriptions). En outre, l’Appelant tente de soutenir que les propos qu’il a tenus au cours des conversations enregistrées étaient influencés par la promesse faite par les journalistes de le mandater en qualité de consultant, pour des investissements liés à des infrastructures au Mali. Quand bien même l’existence d’une telle promesse n’a jamais été démontrée et pour les motifs déjà évoqués ci-dessus, la nature précise du cadeau ou de l’avantage (de l’argent, des infrastructures au Mali, etc.) ainsi que l’identité du bénéficiaire (l’Appelant, des organisations d’intérêt public ou sportif maliennes) est sans importance au regard de l’article 11 al. 1 CEF. Ainsi, le fait que le comportement de l’Appelant ait été motivé par l’intention de soutenir le football malien est sans pertinence. Il est évident qu’un officiel ne peut pas être empêché d’agir dans l’intérêt du football de son pays mais il doit le faire de manière transparente et intègre. La collaboration que le consortium représenté par Franklin Jones aurait proposée à l’Appelant ne peut pas être comparée aux engagements pris par certains comités de candidature – en particulier ceux de l’Angleterre, de la Corée et de l’Australie – qui ont annoncé publiquement dans le cadre de leur campagne leur intention de lever et reverser des fonds en faveur du développement du football et de l’aide sociale de pays les moins favorisés. Cette situation n’est pas comparable avec celle de l’Appelant, où les entretiens avec les prétendus lobbyistes de Franklin Jones ont un caractère confidentiel et un objectif critiquable. 84. En bref, il a été établi à la satisfaction de la Formation arbitrale qu’un cadeau ou un autre avantage a été offert à l’Appelant et que la première des trois conditions de l’article 11 al. 1 CEF est remplie. b) Incitation à manquer à son devoir ou adopter un comportement malhonnête, au profit d’un tiers 85. Ce deuxième élément constitutif de l’infraction visée à l’article 11 al. 1 CEF a trait au but que cherche à atteindre celui qui tente de corrompre l’officiel. L’instigateur doit chercher à inciter l’officiel à manquer à ses devoirs ou à adopter un comportement malhonnête, au profit d’une tierce personne. Il ressort de la lettre de cette disposition que l’instigateur ne doit pas forcément être le bénéficiaire de l’infraction et qu’une incitation suffit. Il n’est donc pas nécessaire que le manquement de l’officiel soit effectivement concrétisé par des actes. Dès lors qu’il est en présence d’une “incitation” à manquer à ses devoirs au profit d’un tiers, l’officiel doit s’y opposer et refuser l’avantage proposé. 86. En l’espèce, celui qui cherchait à corrompre l’Appelant était Franklin Jones, une prétendue compagnie de relations publiques mandatée par des investisseurs privés souhaitant favoriser la candidature officielle américaine mais à l’insu de cette dernière. Il ressort de l’intégralité des retranscriptions que cela avait bien été compris par l’Appelant. Cet aspect a d’ailleurs été directement abordé par les protagonistes à plusieurs reprises (chiffres 1 ss, 12, 14, 26, 129 des retranscriptions). 87. Il ne fait pas de doute aux yeux de la Formation arbitrale que l’Appelant était disposé à manquer à ses devoirs et à adopter un comportement malhonnête. C’est ainsi qu’il s’est proposé de mettre son réseau de connaissances et son expérience à la disposition de Franklin Jones (chiffres 6 ss des retranscriptions) pour créer des contacts avec les membres du Comité Exécutif de la FIFA (chiffre 12), afin d’acheter leurs votes (chiffre 24). Il a conseillé ses interlocuteurs sur les procédés à mettre en œuvre pour de tels achats (chiffres 28 ss, 61 ss, 77 ss, 99, 116, 139 ss) et sur les montants à payer (chiffres 20 ss, 52 ss, 113), tout en sachant que son comportement était contraire à la réglementation applicable (chiffres 26, 123 ss). Il s’est même proposé de présenter les représentants de Franklin Jones auprès des personnes susceptibles d’être achetées (chiffres 34; 73 ss, 97 ss, 102), de faire à ces dernières des offres directes (chiffres 129 ss) et de communiquer à Franklin Jones tous les éléments leur permettant de maximiser leur offre (chiffres 36, 50). 88. Compte tenu de ce qui précède, il est manifeste que l’Appelant avait bien compris que ses interlocuteurs cherchaient à l’inciter à se comporter malhonnêtement en faveur des prétendus clients de Franklin Jones et de la candidature des États-Unis pour l’organisation de la Coupe du Monde. En conséquence, il a été établi à la satisfaction de la Formation arbitrale que la deuxième condition de l’article 11, al. 1 CEF est remplie. c) L’avantage doit être refusé 89. Le troisième élément constitutif de l’infraction visée à l’article 11 al. 1 CEF est l’obligation faite à l’officiel de refuser l’avantage offert ou promis. Il ne suffit donc pas que l’officiel demeure sans réaction devant une incitation à agir malhonnêtement; il se doit de la refuser expressément. Il ne peut pas se borner à rester impassible ou inactif devant une tentative de corruption. Si une telle obligation de refuser activement n’existait pas, les tentatives de corruption ne seraient pas découragées. En outre, cela aurait pour conséquence qu’une corruption ne serait vérifiée qu’une fois la transaction frauduleuse effectivement effectuée, ce qui serait, dans la majorité des cas, indémontrable pour une entité privée, sans pouvoirs d’investigation comparables à ceux des autorités étatiques. 90. Il n’y a pas de place pour l’ambiguïté ou l’incertitude dans la lutte contre la corruption dans le sport (voir CAS 2009/A/1920, para. 85). De la même manière, il ne doit pas y avoir d’ambigüité ou d’incertitude de la part des officiels en présence d’une offre déplacée. En particulier, des officiels de l’importance de l’Appelant doivent présenter toutes les garanties possibles d’honnêteté et de fiabilité, en l’absence desquelles les acteurs du monde de football et le public seraient naturellement amenés à avoir de sérieux doutes quant à la probité et l’intégrité de l’ensemble des organisations liées au football. Cette méfiance du public prendrait rapidement de telles proportion que la crédibilité des résultats serait rapidement remise en cause, détruisant ainsi tout ce qui fait l’essence même du sport. A cet égard, la Formation arbitrale peut reprendre à son compte les considérations formulées dans un précédent arrêt rendu par le TAS: “The Panel notes, quite obviously, that honesty and uprightness are fundamental moral qualities that are required in every field of life and of business, and football is no exception. More specifically, however, the Panel is of the opinion that the notion of integrity as applied to football requires something more than mere honesty and uprightness, both from a sporting and from a business point of view. The Panel considers that integrity, in football, is crucially related to the authenticity of results, and has a critical core which is that, in the public’s perception, both single matches and entire championships must be a true test of the best possible athletic, technical, coaching and management skills of the opposing sides” (CAS 98/200 AEK Athens & Slavia Prague v. UEFA, para. 56); ou en français: “La Formation arbitrale observe que, bien évidemment, l’honnêteté et la rectitude constituent des valeurs morales fondamentales, qui s’imposent dans tous les domaines de la vie et des pratiques commerciales. Il n’y a pas de raison qu’il en aille différemment pour le football. Plus précisément, toutefois, la Formation arbitrale est d’avis que la notion d’intégrité telle qu’appliquée au football va au-delà de la notion d’honnêteté et de rectitude, tant sur le plan sportif que sur le plan commercial. Selon la Formation arbitrale, l’intégrité dans le football est étroitement liée à la crédibilité des résultats, qui doivent traduire, aux yeux du public, le fait que la meilleure performance athlétique, technique, d’encadrement et managériale se vérifie sur le terrain, à l’occasion d’un match comme d’un championnat”. 91. En effet, de l’avis de la Formation arbitrale, les officiels du monde du football doivent refuser haut et fort tout pot-de-vin ou autre forme de corruption, afin que le public perçoive les organisations de football comme étant dignes de confiance, faute de quoi l’attrait sportif et économique du football serait rapidement appelé à décliner. Il est crucial, non seulement que les hauts responsables du monde du football soient honnêtes mais aussi qu’ils soient perçus comme tels. Les exigences de probité sont d’autant plus élevées que l’officiel concerné occupe une fonction importante dont l’exercice ne doit pas apparaître comme pouvant être influencé de quelque manière. 92. Il en découle que la question n’est pas de savoir si, au cours de ses entretiens avec les journalistes, l’Appelant a tenu des propos ambigus ou fantaisistes quant au soutien qu’il était prêt à apporter aux lobbyistes en échange d’avantages mais plutôt s’il sautait aux yeux des instigateurs (ou de tout autre personne) que la tentative de corruption échouerait au vu de son refus sans appel de tout pot-de-vin. 93. En l’espèce, loin de refuser l’offre, l’Appelant a été jusqu’à demander à ce que le contrat de collaboration lui soit envoyé pour l’étudier (chiffres 39 ss, 50 des retranscriptions). De même, il a accepté de parler aux représentants de Franklin Jones au moins à 6 reprises et, au cours de la dernière conversation, a pris congé de ses interlocuteurs en se tenant à leur entière disposition, eussent-ils besoin “d’informations très précises” (chiffre 151). 94. En conclusion, tenant compte de la gravité des accusations et au vu des éléments à disposition, il a été établi à la satisfaction de la Formation arbitrale que l’Appelant n’a pas activement et catégoriquement refusé l’offre inappropriée des prétendus lobbyistes. La troisième condition de l’article 11, al. 1 CEF est donc remplie. d) Conclusion en ce qui concerne l’article 11 al. 1 CEF 95. Au vu de ce qui précède, la Formation est d’avis que l’Appelant s’est rendu coupable de corruption au sens de l’article 11 al. 1 CEF, dont les conditions sont indubitablement réunies en l’espèce. Pour les raisons déjà évoquées, le fait qu’il n’ait concrètement entrepris aucune démarche et rien reçu n’est pas déterminant. C) Article 14 CEF (Obligation de déclaration et de rapport) 96. L’Appelant n’a pas soumis d’allégations spécifiques en relation avec cette disposition. 97. L’article 14 al. 1 CEF prévoit ce qui suit: “Les officiels sont tenus de signaler toute preuve de violation des règles de conduite au Secrétaire Général de la FIFA qui est lui-même tenu de la signaler aux organes compétents”. 98. Il est indéniable que l’Appelant n’ignorait pas que les démarches de la prétendue compagnie Franklin Jones étaient contraires “aux règles de conduite”. Très rapidement, au cours du premier entretien enregistré et en relation avec l’initiative indirecte de Franklin Jones, l’Appelant a souligné que cette dernière est interdite “par les textes” (chiffre 26 des retranscriptions). Cet aspect a également été abordé au cours du dernier entretien (chiffres 123 ss). 99. Bien plus, au cours de l’audience du 19 octobre 2011 devant le TAS, l’Appelant a admis qu’il aurait dû informer la FIFA mais que, au moment des faits litigieux, il ignorait l’existence de cette obligation. 100. Cette défense ne convainc pas venant d’un officiel tel que l’Appelant, alors membre du Comité Exécutif de la CAF et des commissions des arbitres de la CAF et de la FIFA, et surtout ancien membre du Comité Exécutif de la FIFA. Aux yeux de la Formation arbitrale, il ne fait aucun doute que les membres de tels organes doivent nécessairement être sensibles à la problématique liée au non respect des règles en vigueur et en particulier à la corruption. 101. Enfin et devant l’insistance des représentants de Franklin Jones (six entretiens téléphoniques totalisant plus d’une heure et demi de conversations), prêts à acheter des votes pour des montants allant jusqu’à USD 1.200.000, le bon sens et surtout les obligations découlant de son devoir de loyauté à l’égard des institutions sportives, auraient voulu que l’Appelant signale la situation spontanément, de sa propre initiative et non parce qu’une réglementation le lui imposait. 102. Au vu de ce qui précède, la Formation arrive à la conclusion que l’Appelant s’est rendu coupable d’une violation de son obligation de déclaration et de rapport au sens de l’article 14 al.1 CEF. D. Article 3 (Règles générales) et Article 9 CEF (Loyauté et confidentialité) 103. Pour sa défense, l’Appelant soutient qu’il s’est limité à prononcer des paroles fantaisistes qui n’ont jamais été suivies d’effet. Il est d’avis qu’en l’absence d’une quelconque action de sa part, il n’a pas pu abuser de ses fonctions. 104. L’article 3 CEF a le contenu suivant: “1. Les officiels doivent avoir conscience de l’importance de leur fonction et des obligations et responsabilités qui en découlent. Leur conduite doit refléter en tous points leur fidélité et leur soutien aux principes et objectifs de la FIFA, des confédérations, des associations, des ligues et des clubs, et ne contrevenir en aucune façon à ces objectifs. Ils doivent mesurer toute la portée de leur allégeance à la FIFA, aux confédérations, aux associations, aux ligues et aux clubs et les représenter avec honnêteté, dignité, respectabilité et intégrité. 2. Les officiels doivent accomplir leurs tâches dans un grand souci d’éthique. Ils doivent s’engager à être irréprochables, notamment en termes de crédibilité et d’intégrité. 3. Les officiels ne doivent en aucun cas abuser de leur fonction, notamment à des fins privées ou pour en tirer un quelconque avantage pécuniaire”. 105. En insistant sur “l’importance de leur fonction et des obligations et responsabilités qui en découlent”, l’article 3 al. 1 CEF attire l’attention des officiels sur les obligations élevées qui se rattachent à leurs activités. Bien plus, cette disposition met explicitement en évidence le fait que leur “conduite doit refléter en tous points leur fidélité et leur soutien aux principes et objectifs de la FIFA”. Font notamment partie des objectifs de la FIFA, l’organisation de ses propres compétitions internationales (article 2.b des statuts de la FIFA) et l’empêchement que des méthodes et pratiques ne mettent en danger l’intégrité du jeu et des compétitions ou ne donnent lieu à des abus dans le football association (article 2.e des Statuts de la FIFA). L’article 3 al. 2 CEF attend de l’officiel qu’il s’engage “à être irréprochable, notamment en termes de crédibilité et d’intégrité”. 106. Enfin, l’article 3 al. 3 CEF ne semble pouvoir être violé que si l’officiel abuse de sa fonction “à des fins privées ou pour en tirer un quelconque avantage pécuniaire”. En l’occurrence, il résulte clairement des enregistrements que l’Appelant a été contacté en tant qu’ancien membre du Comité Exécutif de la FIFA (chiffres 5 ss des retranscriptions) et en raison des contacts que cette position lui assure (chiffres 7 à 11). L’Appelant va même préciser qu’il “pense être bien placé pour jouer le rôle” proposé par Franklin Jones (chiffre 12). En outre, il s’est spontanément proposé d’organiser des rencontres entre ses interlocuteurs et les personnes susceptibles d’être achetées lors de son passage à Zurich, dans le cadre de séances organisées sous l’égide de la FIFA (chiffres 73, 102, 140). 107. L’article 9 al. 1 CEF prévoit ce qui suit: “Dans l’exercice de leurs fonctions, les officiels doivent faire preuve d’une loyauté absolue notamment envers la FIFA, les confédérations, les associations, les ligues et les clubs”. 108. L’article 9 CEF exige de l’officiel qu’il fasse “preuve d’une loyauté absolue”. Cela signifie clairement qu’il doit mettre les intérêts de la FIFA au premier plan, avant même ses propres intérêts. 109. Par ses actions mises en évidence en relation avec les articles 11 al. 1 et 14 al. 1 CEF, l’Appelant a porté atteinte à l’image et à la crédibilité de la FIFA ce qu’il a admis en audience. Bien plus, il n’a pas agi avec honnêteté, respectabilité, intégrité et encore moins avec une loyauté absolue, lesquelles auraient exigé non seulement qu’il refuse immédiatement les offres qui lui ont été faites mais aussi qu’il les dénonce afin d’empêcher Franklin Jones de poursuivre son action malveillante auprès de tiers. En l’occurrence, il s’est bien gardé de reporter à la FIFA ses contacts avec cette société mais a été jusqu’à lui offrir ses services et une assistance active, au détriment des intérêts de la FIFA et de tous ceux qui, de près ou de loin, ont présenté des dossiers de candidature en vue d’obtenir l’organisation de la Coupe du Monde de la FIFA. 110. Il découle de ce qui précède qu’il a été établi à la satisfaction de la Formation arbitrale que l’Appelant a violé les articles 3 al. 1, 3 al. 2, 3 al. 3 ainsi que 9 al. 1 CEF. Les sanctions 111. L’article 17 CEF, conjointement avec les articles 59 des Statuts de la FIFA et 10 ss CDF, énonce quelles sont les sanctions applicables. 112. Les dispositions pertinentes du CDF sont les suivantes: “ARTICLE 10 SANCTIONS COMMUNES AUX PERSONNES PHYSIQUES ET MORALES Tant les personnes physiques que les personnes morales sont passibles des sanctions suivantes: a) mise en garde; b) blâme; c) amende; d) restitution de prix. ARTICLE 11 SANCTIONS PROPRES AUX PERSONNES PHYSIQUES Les sanctions suivantes ne sont applicables qu’aux personnes physiques: a) avertissement; b) expulsion; c) suspension de match; d) interdiction de vestiaires et/ou de banc de touche; e) interdiction de stade; f) interdiction d’exercer toute activité relative au football. [...] ARTICLE 15 AMENDE 1. L’amende est libellée en francs suisses (CHF) ou en dollars américains (USD). Elle doit être acquittée dans la monnaie correspondante. 2. L’amende ne peut être inférieure à CHF 300, CHF 200 pour les compétitions sujettes à limite d’âge, et ne peut dépasser CHF 1 000 000. 3. L’autorité qui prononce la sanction arrête les modalités et délais de paiement. 4. Les associations répondent solidairement des amendes infligées aux joueurs et officiels des équipes représentatives. Il en va de même des clubs pour leurs joueurs et officiels. Le fait que la personne physique sanctionnée quitte son club ou son association ne supprime pas la responsabilité solidaire. [...] ARTICLE 22 INTERDICTION D’EXERCER TOUTE ACTIVITÉ RELATIVE AU FOOTBALL Une personne peut se voir interdire d’exercer toute activité relative au football (administrative, sportive ou autre). [...] ARTICLE 32 COMBINAISON DE SANCTIONS Sauf disposition contraire, les sanctions prévues dans le chapitre premier (partie générale) et dans le chapitre II (partie spéciale) du présent code peuvent être combinées. ARTICLE 33 SURSIS PARTIEL À L’EXÉCUTION DE LA SANCTION 1. L’autorité qui prononce une suspension de match (art. 19), une interdiction de vestiaires et/ou de banc de touche (art. 20), une interdiction d’exercer toute activité relative au football (art. 22), l’obligation de jouer à huis clos (art. 24), l’obligation de jouer sur terrain neutre (art. 25) ou une interdiction de jouer dans un stade déterminé (art. 26) doit examiner s’il est possible de suspendre partiellement l’exécution de la sanction. 2. Le sursis partiel n’est possible que si la durée de la sanction n’excède pas six matches ou six mois et que les circonstances le permettent, notamment les antécédents de la personne sanctionnée. [...] ARTICLE 39 RÈGLE GÉNÉRALE 1. L’autorité qui prononce une sanction en détermine la portée et/ou la durée. 2. Les sanctions peuvent être limitées géographiquement ou ne porter que sur une ou des catégorie(s) déterminée(s) de matches et de compétitions. 3. Sauf disposition contraire, la durée des sanctions est toujours limitée. 4. L’instance compétente calcule la sanction d’après la faute en tenant compte des facteurs de culpabilité déterminants. [...] ARTICLE 41 CONCOURS DES INFRACTIONS 1. Lorsque, par une seule ou plusieurs infractions, une personne aura encouru plusieurs amendes, l’autorité lui inflige l’amende prévue pour l’infraction la plus grave et peut l’augmenter d’après les circonstances, mais pas audelà de la moitié du maximum prévu pour cette infraction. 2. Il en va de même lorsque, par une ou plusieurs infractions, une personne aura encouru plusieurs sanctions de durée de même nature (deux ou plusieurs suspensions de match; deux ou plusieurs interdictions de stade; etc.). 3. L’autorité qui applique l’al. 1 n’est pas tenue par la limite maximale générale de l’amende fixée à l’art. 15, al. 2”. 113. Pour les motifs évoqués ci-dessus, l’Appelant est coupable d’avoir enfreint les articles 3 al. 1, 3 al. 2, 3 al. 3 (Règles générales), l’article 9 al. 1 (Loyauté et confidentialité), l’article 11 al. 1 (Corruption) et l’article 14 al. 1 (Obligation de déclaration et de rapport). 114. Les matchs truqués, le blanchiment d’argent, les pots-de-vin, l’extorsion, la corruption et autres fraudes analogues sont une source de préoccupation croissante dans de nombreux sports majeurs. La conduite des activités économiques et commerciales liées à des événements sportifs exige le respect de certaines “règles du jeu” afin d’en assurer la mise en œuvre la plus appropriée et ordonnée possible. L’essence même du sport est que la compétition soit équitable. Cela est également vrai pour l’organisation d’un événement de l’importance de la Coupe du Monde de la FIFA où la fraude ne devrait pas avoir de place. De l’avis de la Formation arbitrale, il est donc essentiel que les autorités sportives ne montrent aucune tolérance face à la corruption sous toutes ses formes et la sanctionnent avec des peines suffisamment lourdes pour prévenir les velléités d’actes frauduleux que pourraient avoir certaines personnes égoïstes et peu scrupuleuses, motivées à satisfaire leurs intérêts personnels ou politiques. Au vu de ses fonctions au sein de la FIFA et de la CAF, l’Appelant était une cible évidente pour ceux qui cherchent à approcher et influencer des membres du Comité Exécutif de la FIFA, appelés à désigner le pays organisateur de la Coupe du Monde. 115. Lorsqu’elle évalue le degré de culpabilité de l’Appelant, la Formation arbitrale doit prendre en considération les éléments objectifs et subjectifs constitutifs de l’infraction, la gravité des faits ainsi que les dommages que le comportement de l’Appelant a causé à ceux qui sont directement et indirectement impliqués dans le processus d’attribution de la Coupe du Monde de la FIFA, à l’image de la FIFA et, plus généralement, au football. 116. En l’espèce, les diverses violations du CEF par l’Appelant doivent être considérées comme graves, au vu de la position qu’il occupait au moment des faits litigieux (membre du Comité Exécutif de la CAF, de la Commission des Arbitres de la CAF et de la Commission des Arbitres de la FIFA), de la portée de son comportement fautif et des conséquences qui en ont découlé. 117. Pour résumer, il a été établi que l’Appelant a été impliqué dans un scandale de corruption, lié à la désignation du pays organisateur de la Coupe du Monde de la FIFA et qui a fait l’objet d’une importante couverture médiatique. Non seulement l’Appelant a agi de façon imprudente et négligente mais il a délibérément violé plusieurs dispositions du CEF. A au moins six reprises, il a accepté d’entrer en contact avec des personnes qui lui ont immédiatement fait part de leur intention de manipuler le résultat du processus d’attribution de la Coupe du Monde et qui ont cherché son soutien actif pour ce faire. Pour les raisons déjà exposées, le fait que l’Appelant n’ait concrètement jamais entrepris quelque démarche que ce soit ni reçu quelque avantage est dénué de pertinence. Est en revanche significatif le fait que l’Appelant était prêt à s’investir dans une activité illicite et que sa conduite était évidemment motivée par la poursuite d’un gain. Le fait qu’il était disposé à accepter les avantages du consortium pour la promotion du football au Mali plutôt que pour son usage personnel est sans importance, puisque dans les deux cas le même résultat était recherché: influencer de manière frauduleuse le processus d’attribution de la Coupe du Monde d’une façon susceptible de lui procurer des avantages personnels directs ou indirects. En outre, l’Appelant n’a pas signalé spontanément et immédiatement les tentatives de corruption des journalistes qui lui ont fait savoir sans ambiguïté leur intention d’acheter des votes de membres du Comité Exécutif de la FIFA. En audience devant le TAS, l’Appelant a cherché à se disculper en plaidant qu’il ignorait cette obligation de signaler, ce qui est hautement improbable au vu de sa longue expérience au sein de la FIFA et de la CAF (voir supra). Pour les raisons déjà évoquées et au vu de l’ampleur de la fraude sportive envisagée par les prétendus représentants de Franklin Jones, le bon sens et son devoir de loyauté envers la FIFA imposaient à l’Appelant de couper immédiatement les contacts avec eux et de contrer une telle initiative frauduleuse. 118. Le comportement de l’Appelant est particulièrement répréhensible eu égard à sa position d’ancien membre du Comité Exécutif de la FIFA (fonction qu’il a occupée pendant neuf ans), d’ancien conseiller aux sports à la Présidence de la République du Mali, de membre du Comité Exécutif de la CAF, de la Commission des Arbitres de la CAF et de la Commission des Arbitres de la FIFA. A ce titre, l’Appelant ne pouvait pas ignorer la nature contraire à l’éthique et illégale des démarches des journalistes. En outre et en raison de sa position élevée au sein de la FIFA et de la CAF, il se devait de respecter scrupuleusement les règles éthiques et de servir de modèle de probité et de respectabilité, tant auprès de la CAF qu’auprès de la FIFA. 119. Compte tenu de l’importance de la Coupe du Monde de la FIFA, du niveau de cette compétition, des intérêts sportifs et financiers en jeu, les critères en matière de comportement, d’honnêteté, de compétence, d’objectivité, de loyauté et d’impartialité doivent être d’autant plus élevés que les personnes impliquées occupent des fonctions importantes. Le scandale de corruption dans lequel a été impliqué l’Appelant et, en particulier, les allégations relatives à la manipulation du processus d’attribution de la Coupe du Monde, ont indubitablement éclaboussé la réputation de la FIFA. 120. Pour fixer la peine, il convient notamment de prendre en considération les divers types de sanctions applicables, qui en l’occurrence sont la mise en garde, le blâme; l’amende (laquelle ne doit pas être inférieure à CHF 200 ou CHF 300 et ne peut dépasser CHF 1,000,000), l’interdiction de vestiaires et/ou de banc de touche, l’interdiction de stade et l’interdiction d’exercer toute activité relative au football. Ces sanctions peuvent frapper chacune des infractions condamnées par le CFE (soit ses articles 3, 9 al. 1 et 11 al. 1). 121. Comme source d’inspiration, il est intéressant d’observer que l’article 62 CDF (qui n’est pas applicable en vertu du principe de la lex specialis) prévoit ce qui suit en matière de corruption: “1. Celui qui offre, promet ou octroie un avantage indu à un organe de la FIFA, à un officiel de match, à un joueur ou à un officiel, pour lui ou un tiers, afin d’amener cette personne à violer la réglementation de la FIFA sera puni: a) d’une amende d’au moins CHF 10 000, b) d’une interdiction d’exercer toute activité relative au football, et c) d’une interdiction de stade. 2. La corruption passive (solliciter, se faire promettre ou accepter un avantage indu) est sanctionnée de la même manière. 3. Dans les cas graves et en cas de récidive, la sanction de l’al. 1b pourra être prononcée à vie”. 122. En l’espèce, la Commission de Recours de la FIFA a confirmé les infractions stipulées dans la décision de la Commission d’Éthique de la FIFA mais a réduit la sanction à deux années d’interdiction d’exercer toute activité liée au football à partir du 20 octobre 2010 (au lieu de trois années) et a ramené l’amende à CHF 7.500 (au lieu de CHF 10.000). 123. La Formation arbitrale ne trouve aucune circonstance atténuante dans le cas de l’Appelant, si ce n’est qu’il a exprimé des regrets pour l’atteinte portée à l’image de la FIFA, ensuite du battage médiatique notamment provoqué par ses rencontres téléphoniques avec les journalistes. En tout état de cause, l’Appelant a constamment nié toute malversation et systématiquement contesté une quelconque violation du CEF. L’Appelant soutient que compte tenu de ses antécédents irréprochables, la sanction prononcée à son encontre est disproportionnée. La Formation arbitrale ne met pas en doute que, avant les faits de la présente cause, la réputation de l’Appelant était intacte. 124. Dans son examen de la proportionnalité de la sanction, la Formation arbitrale a pris en compte un précédent du TAS où une suspension à vie a été prononcée à l’encontre d’un arbitre qui avait omis d’informer l’UEFA des contacts répétés qu’il avait eus avec une organisation criminelle, lesquelles lui avaient offert EUR 50,000 pour truquer un match de l’UEFA Europa League en novembre 2009 (CAS 2010/A/2172). Par ailleurs, la Formation relève que les décisions disciplinaires relatives aux protagonistes de l’affaire dite “CONCACAF/Jack Warner” (voir supra) n’ont pas d’utilité dans le cas présent puisque la Formation a pu seulement prendre connaissance des dispositifs et méconnaît le faits pertinents. En outre, il s’agit de décisions rendues par une instance associative qui ne peuvent avoir la valeur jurisprudentielle qu’ont les sentences du TAS. 125. En application des articles 10 c) et 22 CDF, conjointement avec l’article 17 CEF, la Formation arbitrale estime que ne sont pas disproportionnées l’interdiction faite à l’Appelant d’exercer toute activité relative au football, au niveau national comme international et au plan administratif, sportif ou autre, pour une période de deux ans à partir du 20 octobre 2010, ainsi que l’amende de CHF 7,500. Au contraire, la Formation arbitrale considère ces sanctions comme étant relativement légères compte tenu de la gravité des infractions dont s’est rendu coupable l’Appelant. Par conséquent, la Formation arbitrale, statuant à l’unanimité, estime que la sanction attaquée doit être maintenue dans son intégralité, sans aucune modification. 126. Dès lors que la durée d’interdiction d’exercer toute activité relative au football excède six mois, la peine prononcée à l’encontre de l’Appelant n’est pas compatible avec le sursis requis par ce dernier (voir article 33 al. 2 CDF). 127. Au vu de ce qui précède, toutes requêtes et plus amples conclusions des parties doivent être rejetées. Le Tribunal Arbitral du Sport prononce: 1. L’appel déposé le 6 mai 2011 par M. Amadou Diakite à l’encontre de la décision du 3 février 2011 de la Commission de Recours de la FIFA est rejeté. 2. La décision du 3 février 2011 de la Commission de Recours de la FIFA est confirmée. 3. (…) 4. Toutes autres ou plus amples conclusions sont rejetées.
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