F.I.F.A. – Camera di Risoluzione delle Controversie (2015-2016) – controversie di lavoro – ———- F.I.F.A. – Dispute Resolution Chamber (2015-2016) – labour disputes – official version by www.fifa.com – Décision de la Chambre de Résolution des Litiges ayant siégé le 25 septembre 2015, à Zurich, en Suisse, composée comme suit: Geoff Thompson (Angleterre), Président Carlos González Puche (Colombie), membre Theo van Seggelen (Pays-Bas), membre Guillermo Saltos Guale (Equateur), membre Alejandro Marón (Argentine), membre dans l’affaire opposant le joueur, Joueur A, pays B & pays C, ci-après, le demandeur au club, Club D, pays E ci-après, le défendeur concernant un litige contractuel survenu entre les parties

F.I.F.A. - Camera di Risoluzione delle Controversie (2015-2016) - controversie di lavoro – ---------- F.I.F.A. - Dispute Resolution Chamber (2015-2016) - labour disputes – official version by www.fifa.com – Décision de la Chambre de Résolution des Litiges ayant siégé le 25 septembre 2015, à Zurich, en Suisse, composée comme suit: Geoff Thompson (Angleterre), Président Carlos González Puche (Colombie), membre Theo van Seggelen (Pays-Bas), membre Guillermo Saltos Guale (Equateur), membre Alejandro Marón (Argentine), membre dans l’affaire opposant le joueur, Joueur A, pays B & pays C, ci-après, le demandeur au club, Club D, pays E ci-après, le défendeur concernant un litige contractuel survenu entre les parties I. Faits 1. Le 20 juin 2014, le joueur du pays B et pays C, Joueur A (ci-après : le demandeur) et le club du pays E, Club D (ci-après : le défendeur) ont signé un contrat de travail (ciaprès: le contrat) pour trois saisons sportives, à compter du 1er juillet 2014 jusqu’au 30 juin 2017. 2. Le contrat stipule notamment que le défendeur versera au demandeur les montants suivants en monnaie du pays E, conformément au taux de change en vigueur à la date de signature du contrat : Saison 2014-2015 : 204 000 EUR comme suit :  60 000 EUR à titre de « prime » payable en deux versements de 30 000 EUR chacun, le premier après réception du Certificat International de Transfert (CIT) et le second le 1er janvier 2015 ;  144 000 EUR à titre de salaire payable en douze mensualités de 12 000 EUR chacune, et ce à compter de la réception du CIT. Saison 2015-2016 : 226 000 EUR comme suit :  70 000 EUR à titre de « prime » payable en deux versements de 35 000 EUR chacun, le premier étant dû le 1er juillet 2015 et le second le 1er janvier 2016 ;  156 000 EUR à titre de salaire payable en douze mensualités de 13 000 EUR chacune. Saison 2016-2017 : 280 000 EUR comme suit :  100 000 EUR à titre de « prime » payable en deux versements de 50 000 EUR chacun, le premier étant dû le 1er juillet 2016 et le second le 1er janvier 2017 ;  180 000 EUR à titre de salaire payable en douze mensualités de 15 000 EUR chacune. 3. L’article 14 du contrat dispose qu’ « en cas de différend portant sur l’interprétation ou l’exécution du présent contrat de ses suites ou annexes, le [demandeur] et le [défendeur] conviennent de recourir aux instances compétentes de la Fédération de Football du pays E ». 4. Le 20 janvier 2015, le demandeur a mis en demeure, au moyen d’un « procès-verbal d’Avertissement », le défendeur en vue de régulariser sa situation relative à son défaut d’inscription sur la liste des joueurs autorisés à participer aux matchs officiels, et ce dans un délai de 48 heures. 5. Le 22 janvier 2015, le demandeur a constaté par voie d’huissier la résiliation du contrat aux torts exclusifs du défendeur, évoquant au principal l’absence de dépôt du contrat et du dossier du joueur à la Fédération de Football du pays E ainsi que le défaut d’inscription du demandeur sur la liste des joueurs qualifiés à participer aux matchs officiels, entrainant ainsi la caducité du contrat. 6. Le 5 février 2015, le demandeur a déposé une plainte contre le défendeur auprès de la FIFA afin de constater la résiliation du contrat aux torts exclusifs du défendeur et réclamer le paiement des sommes suivantes :  60 000 EUR correspondant à l’arriéré de « prime » pour la saison 2014-2015 ;  583 000 EUR à titre de compensation ventilée comme suit : o 170 000 EUR correspondant aux « primes » prévues pour les saisons 2015-2016 et 2016-2017 ; o 413 000 EUR dont 77 000 EUR comme salaires restants pour la saison 2014-2015, 156 000 EUR pour la saison 2015-2016 et 180 000 EUR pour la saison 2016-2017 ;  200 000 EUR à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral ;  100 000 EUR à titre de dommages-intérêts pour préjudice sportif. 7. Sur la forme, le demandeur allègue que même si l’article 14 du contrat prévoit que le règlement des différends est du ressort exclusif de la Fédération de Football du pays E, la FIFA demeure compétente pour traiter du présent litige. En effet, le demandeur se réfère à l’article 50 des statuts de la Fédération de Football du pays E, qu’il verse au dossier, selon lequel l’organe compétent au sein de la Fédération de Football du pays E est la Commission Nationale des Litiges qui est composée d’un président, d’un viceprésident et de trois membres sans aucun représentant de joueurs. En outre, le demandeur argue que le président et les membres de ladite Commission sont nommés directement par le bureau fédéral ce qui affecte leur indépendance. Enfin, le demandeur prétend que le contrat n’a pas été homologué par la Fédération de Football du pays E en raison du défaut de dépôt du dossier contenant le contrat par le défendeur, ce qui a rendu le contrat sans effet en application de l’article 33 du Règlement du football professionnel, versé au dossier par le demandeur. Dès lors, le demandeur considère que la clause de compétence est non-applicable. 8. Quant au fond, le demandeur reproche en premier lieu au défendeur le défaut de dépôt du contrat à la Fédération de Football du pays E pour homologation, d’où résulterait la caducité du contrat. En effet, le demandeur se réfère aux articles du Règlement du football professionnel suivants, qu’il joint au dossier:  Article 33 selon lequel « le contrat ne produit ses effet qu’après son homologation ». Le demandeur se rapporte également à l’article 68 du même Règlement en application duquel « le dossier du joueur étranger [comportant le contrat du joueur] doit être envoyé au siège de la Fédération (…) sous peine de rejet » ;  Article 67 prévoit que « L’envoi des dossiers des joueurs étrangers doit se faire sous peine de rejet durant les deux (2) périodes d’enregistrement » ;  Article 21 détermine les périodes d’enregistrement du 1er juillet au 31 août pour la première période, et du 19 décembre au 15 janvier pour la deuxième période. Selon le demandeur, le défendeur n’a apparemment pas déposé ledit contrat pendant l’une de ces deux périodes d’enregistrement, ce qui représente une faute grave du défendeur ayant empêché le demandeur de participer aux compétitions pour des raisons extra-sportives. Afin d’étayer ses allégations, le demandeur a présenté une attestation de la Fédération de Football du pays E datée du 22 janvier 2015 par laquelle celle-ci confirme ne pas avoir reçu le dossier du demandeur. 9. Par ailleurs, le demandeur blâme le défendeur pour le défaut d’inscription de ce dernier sur la liste des joueurs qualifiés aux compétitions, ayant eu pour conséquence son chômage forcé et étant en contradiction avec l’article 2 du Règlement du football professionnel qui prévoit que « La liste des joueurs est déposée à la Fédération de Football du pays E au plus tard le 16 Septembre pour la 1ère période et le 16 Janvier pour la 2ème période ». 10. En considération de ce qui précède, le demandeur estime que le défendeur est le seul responsable de la rupture prématurée du contrat, lui donnant droit de réclamer des indemnités financières au défendeur. 11. En ce qui concerne plus particulièrement son préjudice sportif, le demandeur estime que sa non-participation à des matchs officiels depuis le 1er juillet 2014 a eu pour effet la perte de sa place au sein de l’équipe nationale du pays C qui participe à la coupe d’Afrique des nations, impliquant la perte d’une chance de mettre en évidence ses qualités footballistiques aux yeux de plusieurs observateurs issus de clubs européens. 12. En réponse à la requête déposée par le demandeur, le défendeur soulève dans un premier temps une exception d’irrecevabilité de la requête en question pour nonrespect par le demandeur du mode de règlement des litiges convenu à l’article 14 du contrat. En effet, le défendeur affirme que le demandeur aurait dû soumettre le présent litige aux instances compétentes de la Fédération de Football du pays E et non à la Chambre de Résolution des Litiges de la FIFA (CRL) dans la mesure où le défendeur estime que le mode de règlement des litiges sportifs en vigueur en pays E garantit toutes les conditions d’indépendance et de représentation équitable des joueurs et des clubs. En particulier, le défendeur soutient que le mode de règlement des litiges, prévu par les Statuts de la Fédération de Football du pays E, établit un triple degré de juridiction: avec une Commission d’Appel élue par les clubs lors de l’assemblée générale et composée de membres indépendants, ainsi qu’un Comité National de l’Arbitrage Sportif (CNAS), composé de membres indépendants et dont les arbitres sont choisis librement par les parties au litige, qui statue en dernier ressort. 13. Le défendeur a communiqué à la FIFA une copie partielle de l’édition 2009 des Statuts de la Fédération de Football du pays E dans laquelle figurent les dispositions suivantes :  Quant aux organes décisionnels existants en première instance : Art. 49 o la Commission nationale de discipline et de fair-play ; o la Commission nationale des litiges.  Quant à la compétence de la Commission nationale des litiges : Art. 52 La Commission nationale des litiges « statue sur les litiges nationaux entre la Fédération de Football du pays E, les membres, les entraineurs, les joueurs et les agents joueurs ou de matchs et relatifs à leurs différentes obligations ».  Quant à la composition de la Commission nationale des litiges : Art. 50 La Commission nationale des litiges est composée « d’un président, d’un viceprésident et de trois membres. Ils ne doivent pas appartenir au Bureau Fédéral, à une commission fédérale, à une ligue, ou à une commission permanente ».  Quant aux voies de recours : o En deuxième instance : Art. 49 et 53 La Commission nationale d’appel « juge en deuxième degré les appels interjetés contre les décisions prises par (…) la commission nationale des litiges » et ses décisions « sont rendue en dernier ressort nonobstant la procédure d’arbitrage prévue à l’article 56 des présents statuts » ; o Arbitrage : Art. 56 - Sur le plan national : « les décisions rendues par la Commission nationale d’appel peuvent faire l’objet d’un recours en arbitrage ad hoc auprès du Comité National d’Arbitrage Sportif (CNAS) prévu par les statuts du Comité National Olympique pays En » ; - Sur le plan international : le Tribunal Arbitral du Sport (TAS) peut entendre de « tout appel interjeté contre une décision définitive et contraignante ». 14. A titre subsidiaire et au cas où la CRL se déclarerait compétente, le défendeur a fait part de ses commentaires quant aux allégations du demandeur sur le fond du litige. Tout d’abord, en ce qui concerne le défaut de dépôt du contrat du demandeur à la Fédération de Football du pays E ainsi que sa non-inscription sur la liste des joueurs qualifiés à participer aux compétitions officielles, le défendeur prétend que le demandeur fait preuve de mauvaise foi. En particulier, le défendeur allègue que lorsque le demandeur s’est engagé avec lui le 20 juin 2014, le défendeur comptait déjà dans ses rangs trois joueurs étrangers, ce qui constitue la totalité du quota autorisé par les règlements tunisiens et l’enregistrement du demandeur auprès de la Fédération de Football du pays E était donc tributaire du départ de l’un des joueurs étrangers. Le défendeur maintient que le demandeur avait connaissance de cette situation qu’il aurait apparemment acceptée. 15. A cet égard, le défendeur se réfère à des entrainements assidus du demandeur dès la conclusion du contrat et à sa participation à des stages et matchs amicaux. Le défendeur argue également avoir payé l’intégralité des salaires et commodités (soit loyer, voiture louée…) du demandeur durant toute la période qu’il a passé au sein du club. Le défendeur soutient en outre que, jusqu’à son départ, le demandeur n’a jamais protesté quant à sa situation et l’unique sommation envoyée par le demandeur date du 20 janvier 2015, soit plus de six mois après l’entrée en vigueur du contrat et après l’expiration du délai légal d’enregistrement des joueurs fixé au 15 janvier 2015 et de la première période d’enregistrement du 1er juillet au 15 septembre 2014. 16. Concernant les demandes financières du demandeur, le défendeur estime qu’elles sont dépourvues de tout fondement. En particulier, pour les primes demandées, le défendeur se réfère au chapitre I (D) de l’annexe 1 du Règlement du Football Professionnel, dont il fournit une copie partielle, et selon lequel la prime de rendement est payée, à la fin de chaque trimestre, au prorata des matchs officiels auxquels le demandeur a effectivement participé. Or, selon le défendeur, le demandeur n’aurait participé à aucun match officiel et par conséquent, il ne peut prétendre à aucune prime. 17. Pour ce qui est des salaires réclamés par le demandeur, le défendeur certifie que le demandeur a reçu « la totalité de ses émoluments » durant la période passée avec le défendeur. Et pour les salaires restants jusqu’à la fin du contrat, le défendeur maintient que le demandeur a « unilatéralement et abusivement rompu son engagement » avec le défendeur, et de ce fait, le demandeur ne peut prétendre à une quelconque réparation. Par ailleurs, le défendeur souligne que le demandeur s’est engagé avec un club du pays G dès son départ de pays E et estime donc que le demandeur reçoit déjà une rémunération de la part du nouveau club. 18. Au vu de ce qui précède, le défendeur requiert la condamnation du demandeur au paiement des frais de la présente procédure et se réserve le droit de réclamer, auprès des instances compétentes, réparation pour le préjudice subi suite à la violation par le demandeur de ses obligations contractuelles. 19. Dans sa réplique, le demandeur insiste sur la compétence de la CRL pour juger de la présente affaire. En particulier, le demandeur estime que le défendeur n’a apporté aucun moyen de preuve du respect des conditions prévues par l’art. 22 du Règlement du Statut et du Transfert des Joueurs (ci-après : le Règlement FIFA). Le demandeur estime que dans la présentation du défendeur relative au triple degré de juridiction, le premier degré de juridiction, i.e. la Commission nationale des litiges, n’est « sciemment » pas mis en exergue. A cet égard, le demandeur soutient que la Commission nationale des litiges n’est pas indépendante en ce qui concerne la nomination de ses membres et décrie l’absence de toute représentation paritaire au sein de cette Commission. 20. Le demandeur nie également avoir eu connaissance et accepté le défaut du dépôt de contrat et sa non-inscription sur la liste des joueurs qualifiés aux matchs officiels. Il met en exergue que ces deux obligations incombent au défendeur et que ce dernier ne peut pas en faire supporter la charge au demandeur. Bien que le demandeur admette ne pas avoir envoyé de sommation écrite au défendeur préalablement à la fermeture de la deuxième période d’enregistrement, il se justifie par les garanties et promesses du défendeur et ce, jusqu’au dernier jour de la deuxième période d’enregistrement. Par ailleurs, le demandeur allègue ne s’être rendu compte du défaut de dépôt du contrat à la Fédération de Football du pays E que le 22 janvier 2015, tel qu’il en ressort de l’attestation délivrée par la Fédération de Football du pays E à cette date (cf. point I.8. in fine ci-dessus). 21. Quant aux primes demandées, et dont le paiement est contesté par le défendeur, le demandeur rappelle que sa participation aux matchs officiels est tributaire de sa qualification légale et sportive, laquelle fait défaut par « la faute exclusive du [défendeur] » qui l’a prétendument empêché de participer aux compétitions officielles et, par conséquent, l’a empêché de recevoir les primes y afférentes. 22. Dans ce contexte, le demandeur réitère la totalité de sa demande sur la forme et sur le fond. 23. Dans sa duplique, le défendeur renouvelle son argumentation relative à la compétence des organes de décision de la Fédération de Football du pays E, estimant qu’ils répondent « parfaitement » aux critères exigés par l’art. 22 du Règlement FIFA. Le défendeur argue également que le demandeur, de par sa signature, a « expressément et sans réserve » accepté de soumettre tout litige découlant du contrat aux instances de la Fédération de Football du pays E, conformément à l’art. 14 du contrat. 24. A la demande de la FIFA, le demandeur a confirmé avoir signé un contrat avec le club du pays G, Club F prenant effet du 1er février 2015 jusqu’au « 30 janvier 2018 ». 25. Selon ledit contrat, le demandeur a droit à une rémunération fixe annuelle comme suit :  Saison 2014-2015 : 30 000 EUR ;  Saisons 2015-2016, 2016-2017 et 2017-2018 : 60 000 EUR par saison. II. Considérants de la Chambre de Résolution des Litiges 1. En premier lieu, la Chambre de Résolution des Litiges (ci-après également: la Chambre ou la CRL) a analysé si elle était compétente pour traiter le présent litige. A cet égard, elle a pris note que la présente demande a été soumise à la FIFA le 5 février 2015. Par conséquent, la CRL a conclu que l’édition 2014 du Règlement de la Commission du Statut du Joueur et de la Chambre de Résolution des Litiges (ci-après : les Règles de procédure) était applicable au présent litige (cf. art. 21 des Règles de procédure). 2. Par la suite, les membres de la Chambre se sont référés à l’art. 3 al. 1 des Règles de procédure, lu avec l’art. 24 al. 1 et l’art. 22 let. b) du Règlement FIFA (édition 2015), la CRL est l’organe décisionnel compétent pour connaître des litiges contractuels entre un joueur et un club comportant une dimension internationale. 3. Par conséquent, la CRL devrait en principe être compétente pour statuer sur le présent litige qui implique un joueur du pays B et pays C et un club du pays E relativement à un litige lié au contrat de travail. 4. Néanmoins, la Chambre a constaté que le défendeur a contesté la compétence de la CRL en se fondant sur l’art. 14 du contrat et allègue que seules les instances de règlement des litiges de la Fédération de Football du pays E sont compétentes en cas de différend contractuel entre les parties en cause. Selon le défendeur, l’article 14 du contrat exclut apparemment la compétence de la CRL pour se prononcer sur le cas en question. 5. Compte tenu de ce qui précède, la Chambre a d’abord souligné que, conformément à l'art. 22 let. b) de l'édition 2015 du Règlement FIFA, elle est compétente pour connaître d'une telle affaire, à moins qu’au niveau national, un tribunal arbitral indépendant garantissant une procédure équitable et respectant le principe de la représentation paritaire des joueurs et des clubs, ait été établi au niveau national dans le cadre de l'association et / ou d’une convention collective. En ce qui concerne les règles imposées à un tribunal arbitral indépendant garantissant une procédure équitable, la Chambre s'est référée à la circulaire de la FIFA no. 1010 en date du 20 Décembre 2005. De même, les membres de Chambre de Résolution des Litiges ont évoqué les principes contenus dans le Règlement Standard de la Chambre Nationale de Résolution des Litiges qui est entré en vigueur le 1er Janvier 2008. 6. Revenant à la question relative à la compétence de la CRL pour se prononcer sur la présente affaire, celle-ci s’est référée à l'art. 14 du contrat sur le fondement duquel le défendeur a contesté la compétence de la CRL. Les membres de la Chambre ont alors souligné que les termes dudit article s’avèrent assez vagues et que l’article en question ne se réfère pas explicitement à un organe spécifique de résolution des litiges national au sens de l'art. 22 let. b) du Règlement FIFA. Plus précisément, il peut être noté de l’article 49 des Statuts de la Fédération de Football du pays E que deux différentes instances existent au sein de la Fédération de Football du pays E (soit, la Commission Nationale de Discipline et de Fair-Play et la Commission Nationale des litiges) alors que l’article 14 ne désigne aucunement auprès de laquelle les parties devraient déposer une demande. 7. Par conséquent, l’argumentation du défendeur relative à la compétence des organes décisionnels de la Fédération de Football du pays E ne peut être retenue et, de par ce fait, la CRL se déclare compétente pour juger du présent litige. Ainsi, la demande du demandeur est recevable. 8. En outre, la CRL a analysé quelle édition du Règlement du Statut et du Transfert des Joueurs est applicable quant au droit matériel. A cet égard, elle s’est référée, d’une part, à l’article 26 alinéas 1 et 2 du Règlement du Statut et du Transfert des Joueurs (édition 2015) et, d’autre part, au fait que la plainte ait été déposée auprès de la FIFA le 5 février 2015. Au vu de ce qui précède, la CRL a conclu que l’édition 2014 du Règlement du Statut et du Transfert des Joueurs (ci-après : le Règlement) est applicable au présent litige quant au droit matériel. 9. Une fois sa compétence et la réglementation applicable établies, la CRL a statué sur le fond du litige. Ce faisant, elle a tout d’abord rappelé les faits mentionnés ci-dessus et étudié la documentation apportée au dossier. Toutefois, la Chambre a souligné que dans les considérants qui suivent, elle ne se référera qu’aux faits, arguments et à la documentation pertinents pour l’analyse de la présente affaire. 10. A cet égard, les membres de la CRL ont reconnu que les parties au litige ont signé un contrat de travail pour trois saisons sportives à compter du 1er juillet 2014 jusqu’au 30 juin 2017, en vertu duquel le défendeur paierait au demandeur une rémunération totale de 204 000 EUR pour la saison 2014-2015, 226 000 EUR pour la saison 2015- 2016 et 280 000 EUR pour la saison 2016-2017. 11. De plus, la Chambre a souligné qu’il demeure incontesté que le demandeur a mis fin au contrat par écrit le 22 janvier 2015, postérieurement à la mise en demeure faite au défendeur deux jours auparavant. 12. La CRL a ensuite pris note des arguments du demandeur selon lesquels le défendeur aurait manqué à son obligation de dépôt du contrat à la Fédération de Football du pays E pour homologation pendant l’une des deux périodes d’enregistrement, ainsi que sa non-inscription sur la liste des joueurs qualifiés pour participer aux compétitions officielles, entrainant ainsi son chômage forcé. Dès lors, le demandeur estime avoir eu une juste cause pour résilier prématurément le contrat avec le défendeur. 13. Par ailleurs, la CRL a observé dans un deuxième temps que d’après le défendeur, lorsque le demandeur a rejoint le club, il avait connaissance que le quota des trois joueurs étrangers avait déjà été atteint ; et que de toute façon, le joueur n’avait pas protesté quant à sa situation jusqu’à sa sommation envoyée le 20 janvier 2015 précédant la résiliation du contrat le 22 janvier 2015. Dès lors, le défendeur rejette en intégralité la plainte du demandeur. 14. Au vu des arguments présentés par chacune des parties, la Chambre a tout d’abord analysé les causes de la résiliation du contrat invoquées par le demandeur. A cet égard, la CRL a constaté que le demandeur s’appuie essentiellement sur le fait que le défendeur a manqué à son obligation d’enregistrement du demandeur auprès de la Fédération de Football du pays E. 15. Dans ce contexte, la CRL s’est référée au principe de la charge de la preuve tel que prévu à l’art. 12 al. 3 des Règles de procédure, en vertu duquel la charge de la preuve incombe à la partie qui invoque un droit découlant d’un fait qu’elle allègue. La Chambre a en particulier analysé la documentation fournie par le demandeur au soutien de ses allégations. Le demandeur a produit une attestation de la Fédération de Football du pays E datée du 22 janvier 2015 au moyen de laquelle celle-ci a confirmé ne pas avoir reçu le dossier du demandeur contenant notamment son contrat. Cette information a pu également être confirmée par le Système de régulation des transferts (TMS) auprès duquel aucune instruction de transfert vers le défendeur n’y apparait. 16. Au vu de ce qui précède, la Chambre a estimé pertinent de se référer à sa jurisprudence en la matière, selon laquelle la validité d’un contrat de travail ne peut pas être sujette à l’exécution de formalités administratives – telles que, mais sans s’y limiter, la procédure d’enregistrement en relation avec le transfert international d’un joueur – qui sont de la responsabilité du club seulement et sur lesquelles un joueur n’a aucune influence. Ainsi, gardant à l’esprit qu’en vertu de l’annexe 3 du Règlement FIFA une demande de CIT est subordonnée à la demande du nouveau club à la nouvelle association nationale d’enregistrer un joueur professionnel, ledit club est, en somme, en mesure d’empêcher la réalisation de la condition suspensive de la réception du CIT, en choisissant délibérément de ne pas procéder à la demande de CIT. 17. Dès lors, la Chambre a estimé que le défaut d’enregistrement du demandeur auprès de la Fédération de Football du pays E, et ce, en laissant passer deux périodes d’enregistrement – à savoir la période du 1er juillet 2014 au 31 août 2014 et la période du 19 décembre 2014 au 15 janvier 2015 – ainsi que le défaut de paiement de la « prime » de 60 000 EUR pour la saison 2014-2015, reconnu par le défendeur, avaient fait naitre dans le chef du demandeur la crainte légitime que le défendeur persisterait à ne pas honorer ses obligations contractuelles dans le futur, de sorte qu’il était devenu impossible pour le demandeur de croire en la continuation de la relation contractuelle. 18. Par conséquent, la Chambre a unanimement conclu que le demandeur avait eu une juste cause pour résilier le contrat le liant au défendeur le 22 janvier 2015 et que le défendeur devait être tenu responsable de ce qui précède. 19. La responsabilité du défendeur ayant été établie, la CRL a focalisé son attention sur les conséquences de la résiliation du contrat avec juste cause. A cet égard, et conformément à l’art. 17 al. 1 du Règlement, la CRL a décidé que le demandeur était en droit de recevoir du défendeur un certain montant à titre de compensation, en sus des sommes dues à titre d’arriérés de rémunération. 20. A cet égard, et avant d’entrer dans le calcul de ladite compensation, la CRL a déterminé le montant exact des arriérés de rémunération. Dans ce contexte, la CRL a souligné que d’après le demandeur, le défendeur ne lui aurait pas payé la « prime » de 60 000 EUR pour la saison 2014-2015. Le défendeur estime quant à lui que le demandeur ne peut pas y prétendre étant donné qu’il s’agit d’une prime de rendement payée au prorata des matchs officiels auxquels le joueur a participé, et que le joueur n’a participé à aucun match officiel. 21. De ce point de vue, la Chambre a analysé les dispositions de la Réglementation tunisienne du Football Professionnel relatives aux primes de rendement dont une copie partielle a été versée au dossier par le défendeur en vue de corroborer son argumentation. Selon la règlementation en question, la CRL a noté que lesdites primes de rendement devaient être payées à la fin de chaque trimestre. Or, dans le cas d’espèce, le contrat prévoit une « prime » pour chaque saison, payable en deux versements. La CRL a en outre souhaité mettre en exergue que la « prime » prévue par le contrat était un paiement forfaitaire, faisant partie de la rémunération fixe du demandeur, et n’était dès lors pas soumise à la condition de participation aux matchs officiels, comme le prétend le défendeur. D’ailleurs, la CRL a considéré l’interprétation du défendeur concernant ces « primes » contractuelles discrétionnaire dans la mesure où, selon le défendeur, celles-ci seraient sujettes à la participation du joueur aux matchs officiels, elle-même soumise à la décision du club d’inclure ou non ledit joueur dans la liste officielle. Ainsi, la Chambre a décidé de rejeter la position du défendeur à cet égard. 22. Par conséquent, et conformément au principe pacta sunt servanda, la Chambre a conclu que la somme de 60 000 EUR, correspondant à la « prime » pour la saison 2014-2015, était due à titre d’arriérés de rémunération. 23. La CRL s’est ensuite attelée à déterminer le montant dû à titre de compensation. A ce titre, la CRL a rappelé que conformément à l’art. 17 al. 1 du Règlement, l’indemnité pour rupture de contrat sera calculée, sous réserve de l’existence de stipulations contractuelles s’y rapportant, conformément au droit en vigueur dans le pays concerné, à la spécificité du sport et en tenant compte de tout critère objectif inhérent au cas. Ces critères comprennent notamment la rémunération et autres avantages dus au joueur en vertu du contrat en cours et/ou du nouveau contrat, la durée restante du contrat en cours jusqu’à cinq ans au plus, le montant de tous les frais et dépenses occasionnés ou payés par l’ancien club (amortis sur la période contractuelle) de même que la question de savoir si la rupture intervient pendant la période protégée. 24. Revenant au contenu du contrat, la CRL a noté que celui-ci ne contient aucune stipulation spécifique établissant une contrepartie financière en cas de résiliation prématurée par l’une des parties. Par conséquent, la CRL a considéré qu’il convenait de se référer aux autres éléments mentionnés à l’al. 1 de l’art. 17 du Règlement. A cet égard, la Chambre a rappelé que cette disposition contient une énumération nonexhaustive de critères pouvant être pris en compte dans le cadre du calcul du montant de l’indemnité devant être payée et que, de ce fait, elle avait toute discrétion pour se fonder sur tout autre critère objectif pour calculer le montant de ladite indemnité. 25. Gardant à l’esprit les considérations qui précèdent ainsi que la demande du demandeur, la Chambre a procédé au calcul des montants dus au demandeur de janvier 2015 à juin 2017. Dès lors, la CRL a établi que la somme de 578 000 EUR, correspondant aux « primes » et salaires du demandeur pour le reste de la saison 2014-2015 et pour les saisons 2015-2016 et 2016-2017, constituait la base de calcul pour la détermination du montant dû à titre de compensation. 26. La CRL a ensuite vérifié si le demandeur avait signé un nouveau contrat de travail durant la période mentionnée précédemment, au moyen duquel il aurait pu atténuer l’étendue de son dommage. En effet, conformément à la jurisprudence constante de la CRL, la rémunération perçue dans le cadre de ce nouveau contrat doit être prise en considération afin de fixer le montant de la compensation payable et ce, en vertu de l’obligation qu’a tout joueur d’atténuer son préjudice. 27. De ce point de vue, la CRL a observé qu’il ressortait de la documentation versée au dossier par le demandeur, ainsi que des informations contenues dans le TMS, que celui-ci a conclu un nouveau contrat de travail prenant effet à compter du 1er février 2015 jusqu’au 30 juin 2018, et en vertu duquel le demandeur aurait gagné 30 000 EUR pour le reste de la saison 2014-2015 et aurait droit à 120 000 EUR pour les saisons 2015-2016 et 2016-2017. 28. En conséquence, conformément à la pratique courante de la CRL ainsi qu’à l’obligation qui incombe à tout joueur d’atténuer son dommage, la CRL a décidé que le défendeur devait payer la somme de 428 000 EUR à titre de compensation, somme qui semble raisonnable et justifiée. 29. Pour ce qui est des demandes d’indemnisation pour préjudice moral et sportif du demandeur, la Chambre a non seulement considéré que les demandes en question n’étaient pas suffisamment spécifiées pour pouvoir être considérées par la Chambre mais également qu’elles devaient être, de toute manière, rejetées pour défaut de base légale. 30. Il en est de même pour la demande du défendeur relative au paiement des frais de procédure par le demandeur, que la Chambre a rejetée conformément à l’article 18 des Règles de procédure. 31. La CRL a enfin déclaré que toute autre demande formulée par le demandeur était rejetée. III. Décision de la Chambre de Résolution des Litiges 1. La demande du demandeur est recevable. 2. La demande du demandeur est partiellement acceptée. 3. Le défendeur doit payer au demandeur, dans un délai de 30 jours à compter de la date de notification de la présente décision, la somme de EUR 60,000 à titre d’arriérés de rémunération. 4. Le défendeur doit payer au demandeur, dans un délai de 30 jours à compter de la date de notification de la présente décision, la somme de EUR 428,000 à titre de compensation pour rupture de contrat. 5. Dans l’hypothèse où les sommes susmentionnées ne sont pas payées dans le délai imparti, un intérêt à hauteur de 5% par année sera appliqué et ce, dès l’échéance du délai mentionné précédemment, et le cas sera soumis, sur demande, à la Commission de Discipline de la FIFA pour considération et décision. 6. Toute autre demande formulée par le demandeur est rejetée. 7. Le demandeur s’engage à communiquer immédiatement et directement au défendeur le numéro de compte bancaire sur lequel le virement des sommes précitées sera effectué et d’informer la Chambre de Résolution des Litiges de chaque paiement reçu. ***** Note concernant la décision motivée (Voie de droit) : Conformément à l’article 67 alinéa 1 des Statuts de la FIFA, cette décision est susceptible d’un appel au Tribunal Arbitral du Sport (TAS). L’appel devra être interjeté dans un délai de 21 jours à compter de la notification de la décision et devra comprendre tous les éléments figurant au point 2 des directives émanant du TAS, dont copie est jointe à la présente. L’appelant dispose de 10 jours supplémentaires à compter de l’expiration du délai de recours pour déposer son mémoire d’appel contenant une description des faits et des arguments légaux fondant le recours (cf. point 4 des directives annexées). L'adresse complète du Tribunal Arbitral du Sport est la suivante : Avenue de Beaumont 2, 1012 Lausanne, Suisse Tél : +41 21 613 50 00 Fax : +41 21 613 50 01 e-mail : info@tas-cas.org www.tas-cas.org Au nom de la Chambre de Résolution des Litiges Markus Kattner Secrétaire Général par intérim Annexe : Directives du TAS
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