TAS-CAS – Tribunale Arbitrale dello Sport – Corte arbitrale dello Sport (2006-2007)———-Tribunal Arbitral du Sport – Court of Arbitration for Sport (2006-2007) – official version by www.tas-cas.org
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Arbitrage TAS 2006/A/1095 FC Zurich c. Swiss Football League (SFL) & FC Sion, sentence du 9 mai 2007
Formation: Me Corinne Schmidhauser (Suisse), Présidente; Me Lucas Anderes (Suisse); Me Olivier Carrard (Suisse)
Football
Indemnité de formation et d’éducation Compétence du TAS
Exception de litispendance
Langue de la procédure
Influence du refus de la licence sur la qualité de membre de l’association
Bonne foi
Licéité du système d’indemnité de formation et d’éducation
1. La compétence du TAS est donnée même si l’une des parties n’a pas signé l’ordonnance
de procédure dès lors que cette partie a intenté la procédure devant le TAS et qu’elle a participé à toutes les étapes de la procédure.
2. La litispendance est une notion de procédure qui désigne l’instance qui est pendante à
partir d’un certain point et jusqu’à un autre. La question de l’admissibilité d’une exception de litispendance survient lorsque deux autorités sont potentiellement amenées à être compétentes pour le même litige. Le tribunal saisi en second lieu doit soulever d’office la question de la litispendance (art. 35 al. 1 Lfors), soit le fait qu’une action ayant le même objet et opposant les mêmes parties est pendante devant un juge qui a été saisi en premier lieu. L’art. 35 Lfors est applicable par analogie dans le cas de disputes devant des tribunaux arbitraux ayant leur siège en Suisse.
3. Le maintien d’une demande de traduction de certaines pièces d’allemand en français
par une partie ne comporte pas d’intérêt digne de protection lorsque l’usage de la langue
allemande dans certaines circonstances a été garanti aux parties et que la partie qui
requiert la traduction a non seulement son siège en Suisse alémanique mais aussi
l’allemand comme langue officielle, conformément à ses statuts. Il serait dès lors
disproportionné de ne pas prendre en considération les pièces en question produites en
allemand par l’autre partie. La persistance de la partie à ne pas se conformer aux
directives émises par le TAS dans l’ordonnance sur la langue de la procédure d’arbitrage
peut être prise en considération dans la répartition des frais de l’arbitrage.
4. Le refus définitif d’octroyer sa licence à un club constitue une exclusion de ce club de
la fédération dont il est membre. Une décision d’exclusion est immédiatement
opposable par sa notification au membre exclu. Dès lors, le dépôt d’une action en
annulation, à moins qu’elle ne provoque un effet suspensif, ne change rien. L’exclusion
ne devient définitive qu’à partir de la décision de l’autorité de recours, lorsqu’une telle
voie de droit interne est prévue par les statuts. Il n’y a pas d’effet suspensif à une action
en annulation. Jusqu’au jugement de l’instance d’appel, un effet résolutoire
d’incertitude est présumé. La condition résolutoire se réalise par l’admission de l’action
en annulation.
5. Lorsqu’un jugement admet une action en annulation, il produit un effet erga omnes et
est de nature cassatoire, à moins que les statuts ne prévoient expressément un effet de
réformation. Si cela s’avérait nécessaire, il appartiendrait à l’organe interne compétent
de rendre une nouvelle décision. L’admission d’une action en annulation déploie un
effet ex tunc. Un tel effet ne signifie cependant pas que, depuis la prise de la décision
d’exclusion jusqu’à sa levée, celle-ci ne puisse pas produire d’effets juridique, en
particulier lorsque durant cette période d’incertitude le club a conclu des contrats avec
des tiers. Par conséquent, dans la mesure où le tiers de bonne foi s’est fié à la décision
d’exclusion, ces contrats ont un caractère obligatoire pour assurer la sécurité du droit.
6. Le Règlement de la SFL sur l’encouragement à la formation et à l’éducation prévoit le
principe d’une indemnité de formation et d’éducation et décrit la méthode de calcul de
l’indemnité à verser. En outre, les Statuts de la SFL prévoient expressément que, d’une
part, la commission chargée de fixer les montants est un organe de la SFL et que, d’autre
part, les membres ont le devoir de se conformer aux règlements de la fédération. Le
système d’indemnité de formation et d’éducation respecte ainsi le principe général de
la légalité.
Le FC Zurich (l’“Appelant”) est un des clubs de football de la ville de Zurich. Il est organisé sous la forme d’une association au sens des articles 60 et suivants du Code Civil (“CC”). Le FC Zurich AG est une société anonyme de droit suisse, dont le but est l’exploitation du secteur professionnel du FC Zurich. Le FC Zurich est membre de l’Association Suisse de Football (“ASF”), alors que le FC Zurich SA est actuellement membre de la Swiss Football League.
La Swiss Football League (“SFL”) est une association de droit suisse au sens des articles 60 ss CC, dont le siège est à Muri, Berne. Elle est affiliée à l’ASF, dont elle constitue une section. Elle a notamment pour but de “promouvoir le football en Suisse, gérer le football non-amateur en Suisse, sauvegarder les intérêts communs de ses clubs et organiser les compétitions pour ces clubs” (article 3 des Statuts SFL).
Le FC Sion est organisé sous la forme juridique d’une association (cf. art. 60ss CC). L’Olympique des Alpes SA est une société anonyme de droit suisse, dont le but social est l’exploitation sportive du secteur professionnel du FC Sion depuis le 7 avril 2003. Actuellement, le FC Sion est membre de l’ASF, alors que l’Olympique des Alpes SA est membre de la SFL.
Le 5 avril 2003, la Commission des licences de la SFL (“Commission des licences”) refusa d’octroyer
la licence B pour la saison 2003/2004 de Challenge League au FC Sion au motif que ce dernier n’avait
pas présenté la totalité des documents qui doivent accompagner la demande de licence conformément à l’article 9 du Règlement pour l’octroi des licences aux clubs de Ligue Nationale (“ROL”).
En date du 5 mai 2003, le FC Sion a interjeté recours auprès de l’Autorité de recours en matière de licences de la SFL (l’“Autorité de recours”). Celle-ci confirma, par décision du 4 juin 2003, la décision de première instance.
Le 13 juin 2003, le FC Sion a demandé la constitution d’un premier Tribunal arbitral (le “Tribunal arbitral I”) sur la base de l’article 7 des Statuts de la SFL et l’article 7 des Statuts de l’ASF en vigueur à l’époque de ladite demande. En date du 16 juillet 2003, le Tribunal arbitral I admit la requête du FC Sion et annula la décision de l’autorité de recours du 4 juin 2003 pour vices de procédure. Il laissa ouverte la question de la réalisation des conditions matérielles d’octroi de la licence et renvoya l’affaire à l’Autorité de recours pour nouvelle décision.
Le 25 juillet 2003, le FC Sion a déposé une requête d’arbitrage devant un deuxième Tribunal arbitral (le “Tribunal arbitral II”). La saisine de cette instance concernait une question de récusation. Le 28 juillet 2003, l’autorité de recours a rejeté une deuxième fois le recours du FC Sion.
En date du 4 août 2003, le FC Sion a déposé une requête d’arbitrage devant un troisième Tribunal
arbitral (le “Tribunal arbitral III”) tendant à l’annulation de la décision de l’autorité de recours du 28
juillet 2003. Le juge délégué du Tribunal cantonal du Valais a rejeté le 30 septembre 2003 la demande
de mesures préprovisionnelles pour une participation immédiate au Championnat de Challenge
League déposée par le FC Sion le 19 septembre 2003. Par sentence du 6 octobre 2003, le Tribunal
arbitral III annula la décision rendue le 28 juillet 2003 par l’Autorité de recours pour violation du
principe de bonne foi et du droit d’être entendu ainsi que pour excès du pouvoir d’appréciation dans
la fixation des sûretés. L’affaire fut renvoyée à l’Autorité de recours pour statuer à nouveau sur l’octroi
de la licence, en raison de la nature cassatoire de la décision du Tribunal arbitral. Le Tribunal arbitral
III a également défini à l’Autorité de recours des lignes directrices pour la suite de la procédure, en lui
suggérant notamment de fixer un délai au FC Sion pour la fourniture d’une garantie. Il a conclu qu’à
l’échéance de ce délai, l’Autorité de recours devrait attribuer la licence B au FC Sion.
Le 10 octobre 2003, le Président du FC Sion a déposé une nouvelle demande de mesures
provisionnelles auprès du Tribunal cantonal valaisan suite à la sentence du 6 octobre 2003 favorable
au FC Sion.
L’ASF a adressé le 15 octobre 2003, un courrier au FC Zurich, avec copie au FC Sion, attirant
l’attention des deux clubs sur la possibilité pour les parties de conclure un accord au sujet de
l’indemnité de transfert. A défaut d’accord, le FC Sion pouvait dans un délai de 10 jours dès l’octroi
de la qualification, présenter une requête dans le but de prétendre à une indemnité de formation.
Par ordonnance sur mesures provisionnelles du 20 octobre 2003, le Tribunal cantonal du Valais a
admis la deuxième demande de réintégration en Challenge League faite par le FC Sion. Il a conclu que
la SFL devait prendre “immédiatement” toutes les mesures nécessaires, afin d’autoriser provisoirement
la réintégration du FC Sion dans le Championnat de Challenge League au plus tard pour le 29 octobre
2003. Le Tribunal cantonal valaisan a reconnu que le FC Sion “a des chances très élevées d’obtenir la licence” et a reproché à la SFL sa passivité depuis la sentence arbitrale du 6 octobre 2003.
Le joueur J., né en 1984, fut qualifié pour le FC Zurich le 22 octobre 2003. Il avait été auparavant formé par le FC Sion au poste de gardien de but.
Le 27 octobre 2003, la SFL intenta un recours auprès du Tribunal fédéral (“TF”) contre l’ordonnance rendue par le Tribunal cantonal du Valais le 20 octobre 2003, demandant l’effet suspensif des mesures provisionnelles. Le 28 octobre 2003, le TF a confirmé l’ordonnance du Tribunal cantonal valaisan et n’a pas accordé d’effet suspensif.
En date du 29 octobre 2003, l’Autorité de recours annula la décision de la Commission des licences du 5 avril 2003 et accorda la licence B au FC Sion pour la saison 2003/2004. Le même jour, le FC Sion disputa son premier match en Challenge League contre le FC Bulle.
Par courrier recommandé du 28 novembre 2003, la SFL fixa au FC Zurich le montant de la
contribution de formation pour le joueur J. à hauteur de CHF 2’000. La possibilité fut donnée au FC
Zurich de contester ce montant dans un délai de 5 jours. Il n’y eut pas d’opposition de la part du FC
Zurich et la contribution fut directement débitée du compte du FC Zurich auprès de la SFL.
Le 1er décembre 2003, le FC Sion demanda au FC Zurich le paiement d’un montant de CHF 220’000
comme indemnité de formation pour le joueur J. Un règlement à l’amiable à hauteur de CHF 180’000
fut proposé fin janvier 2004 par M. Freddy Bickel, manager du FC Zurich, au FC Sion en guise
d’indemnité de formation. Un commandement de paiement fut notifié au joueur J. le 6 février 2004,
faute de concrétisation de l’offre. Ce dernier a formé opposition déclarant que la poursuite concernait
le FC Zurich.
Le 9 mars 2004, le FC Sion saisit la SFL pour trancher le différend. Le dossier fut soumis à la Commission de conciliation de la SFL (la “Commission de conciliation”).
Par décision de mainlevée de l’opposition du 5 mai 2004, le Tribunal de Sion a maintenu l’opposition
du joueur. La Commission de conciliation s’est déclarée incompétente le 10 mai 2004 pour traiter du
litige.
Le 17 mai 2004, le FC Sion a saisi la Commission des mutations de la SFL (la “Commission des
mutations”). Ce Club a demandé également le 30 juillet 2004 la constitution d’un Tribunal arbitral
selon le Règlement de l’ASF, en raison de l’absence de réaction de la part de la Commission des
mutations suite à divers courriers qu’il avait adressés. Le 19 novembre 2004, le Président du Tribunal
arbitral, M. Jean-Daniel Martin (“M. Martin”), notifia une ordonnance de procédure au FC Sion, au
FC Zurich ainsi qu’au joueur J. Une audience préliminaire et de conciliation fut fixée au 6 juillet 2005
à la Maison du football à Berne. Le 8 juillet 2005, M. Martin notifia le procès-verbal de ladite audience,
ainsi qu’un projet de transaction en allemand et en français. En raison de l’échec de la conciliation, les
parties ont convenu “de suspendre la présente procédure afin de poursuivre leurs pourparlers transactionnels puis, en
cas d’échec, afin de saisir, à toutes fins utiles et sans reconnaissance de compétence par les défendeurs, la Commission des
mutations. Lorsque cette Commission aura statué, et si la conciliation n’aboutit pas entre les parties, la cause sera reprise
devant le Tribunal arbitral qui, sans reprise d’audience, rendra une ordonnance sur preuves; ultérieurement, l’audience de jugement sera fixée, d’entente entre le Tribunal et les parties”.
Par courrier daté du 13 septembre 2005, le FC Sion demanda à la Commission des mutations de poursuivre la procédure. La Commission des mutations a condamné le FC Zurich, par décision du 17 mars 2006, à verser au FC Sion une indemnité de formation de CHF 186’177.50 pour le transfert définitif du joueur J.
En date du 9 mai 2006, le Tribunal de recours de la SFL (le “Tribunal de recours”) a rejeté le recours
interjeté par le FC Zurich contre la décision de la Commission des mutations. Le Tribunal de recours
a conclu:
1. Der Rekurs wird abgewiesen.
2. Der FC Zurich wird in Bestätigung des Entscheides der Mutationskommission SFL vom 17.3.2006
verpflichtet, dem FC Sion für den definitiven Wechsel des Spielers J., geb. 30.6.1984, eine Entschädigung in der Höhe von SFr. 186’777.50 (inkl. MWSt) zu bezahlen, fällig seit dem 22.5.2005.
3. Die erstinstanzlichen Verfahrenskosten werden zu 75%, ausmachend SFr. 4’275.- dem FC Zurich, zu 25%,
ausmachend SFr. 1’425.- dem FC Sion auferlegt.
Die Verfahrenskosten des Rekursverfahren werden bestimmt auf eine Gebühr von SFr. 4’500.- und 536.-
Auslagen, total SFR 5’036.-, und dem Rekurrenten auferlegt.
Le Tribunal de recours a examiné les points suivants:
a) L’exception de litispendance invoquée par le FC Zurich
La Commission des mutations fut saisie en mai 2004, mais la procédure fut suspendue lorsque le FC Sion reprocha à la Commission des mutations la lenteur de la procédure et demanda la constitution d’un Tribunal arbitral sur la base de l’article 7 des Statuts de l’ASF, La procédure intentée devant la Commission des mutations s’est poursuivie en raison de l’échec de la procédure de conciliation devant le Tribunal arbitral.
Le Tribunal de recours a conclu que les instances de la SFL avaient été saisies avant le Tribunal arbitral et que, dès lors, l’exception de litispendance ne pouvait pas être retenue.
b) La qualité de membre de la SFL du FC Sion au moment de la qualification du joueur J., soit le 22 octobre
2003
Le Tribunal de recours a relevé que:
- le FC Sion n’a pas formé opposition, dans le délai et selon les voies de droit indiquées en
cas de désaccord entre les parties à propos du montant de l’indemnité de formation, au
sujet de la copie du courrier du 15 octobre 2003 envoyé au FC Zurich par le
“Spielerkontrolle des SFV” concernant le transfert du joueur J. dans un club de Super
League.
- le FC Zurich n’a pas contesté le montant de CHF 2’000.- perçu par la SFL en guise de
contribution de formation pour le joueur J.
Cependant, le Tribunal de recours a jugé qu’il n’était pas utile de retenir à l’encontre de l’une ou de l’autre des parties l’un des éléments susmentionnés. Il a notamment souligné que le courrier du 15 octobre 2003 ne pouvait pas être considéré comme une décision attaquable d’un organe d’une association, mais plutôt comme une invitation à obtenir une telle décision. Concernant le montant de CHF 2’000.- perçu par la SFL, le Tribunal de recours a jugé que ce montant ne déterminait pas explicitement, avec force obligatoire, le statut du FC Sion.
Selon le Tribunal de recours, il n’est pas contesté que le FC Sion était membre de la SFL jusqu’au début du mois de juin 2003.
Par conséquent, le Tribunal de recours s’est basé uniquement sur l’article 9 alinéa 2 du
Règlement de la SFL sur l’encouragement à la formation et à l’éducation (“REFE”) pour
déterminer le statut du FC Sion le 22 octobre 2003. Dès lors, seule l’hypothèse d’un “refus
définitif” de la licence peut entrer en ligne de compte. Le FC Sion s’est vu refuser sa licence le
4 juin 2003. Il n’a cependant jamais été relégué en 1ère Ligue et s’est maintenu en Challenge
League en fin de saison 2002/2003. Le Tribunal de recours a conclu que le FC Sion ne pouvait
pas avoir perdu sa qualité de membre SFL par une “relégation” au sens de l’article 9 al. 2 du
REFE. Les juges ont précisé que l’hypothèse de la relégation visait uniquement une relégation
sportive.
Concernant l’hypothèse du “refus définitif”, le Tribunal de recours a examiné les diverses étapes procédurales depuis le 5 avril 2003, date à laquelle la Commission des licences refuse en première instance la licence B au FC Sion pour la participation au Championnat de Challenge League 2003/2004. Il s’en est suivi une série de recours et la constitution de trois tribunaux arbitraux sur la base de l’article 7 des Statuts de l’ASF.
Le Tribunal de recours est arrivé à la conclusion que suite au jugement rendu le 6 octobre 2003
par le Tribunal arbitral III, la probabilité pour le FC Sion d’obtenir à nouveau sa licence B était
très forte. Le Tribunal arbitral III avait renvoyé la cause devant le Tribunal de recours en
suggérant d’octroyer la licence au FC Sion sous réserve d’obligations financières à fournir par
le club. La licence fut définitivement octroyée au FC Sion par jugement du 29 octobre 2003.
Par ailleurs, le Tribunal de recours reconnaissait que, suite à l’annulation par décision du 29
octobre 2003, avec effet rétroactif, du jugement de l’instance de recours de la SFL du 28 juillet
2003 statuant pour la deuxième fois en défaveur du FC Sion, la question de la perte de la qualité
de membre de la SFL était devenue sans objet. Le FC Sion était membre de la SFL jusqu’à un
éventuel refus définitif et exécutoire de la licence. Le Tribunal de recours précisait qu’en se
référant à la date du 16 octobre 2003, correspondant à la première date plausible de réception
de l’avis de qualification, cela ne changeait rien pour le FC Zurich. Le Tribunal de recours a
conclu que la Commission des mutations était compétente pour fixer l’indemnité de formation
sur la base du REFE.
c) Le caractère illicite du système des indemnités de formation de la SFL
L’argument selon lequel le système des indemnités de formation mis en place par la SFL est illicite, ne fut pas retenu par les juges du Tribunal de recours, en raison du manque de conclusions pertinentes sur ce point de la part de l’Appelant.
d) L’engagement du joueur J. par le FC Zurich
Le FC Zurich a prétendu qu’il n’aurait pas engagé le joueur J. s’il avait su qu’il s’agissait d’un
transfert de la Challenge League. Le Tribunal de recours décida que cet argument était dénué
de pertinence, car il s’agissait en réalité d’une pure question de droit civil découlant des
conséquences de la rupture de contrat. L’objet de la présente procédure concerne en revanche
le montant de l’indemnité de formation prévue par la SFL. Par conséquent, seuls sont
applicables les Statuts de la SFL et l’argument avancé par le FC Zurich invoquant une violation
de l’article 27 alinéa 2 Constitution fédérale (“Cst”) concernant le système des indemnités de
formation n’a pas été examiné.
Le Tribunal de recours a conclu que l’indemnité de formation concernait un club de la SFL, qui n’a jamais joué en 1ère Ligue et que, dès lors, l’application du REFE était justifiée.
Le FC Zurich a déposé le 29 mai 2006 une déclaration d’appel en allemand auprès du Tribunal Arbitral du Sport (“TAS”). Par courrier du 6 juin 2006, l’Appelant a indiqué au TAS que sa déclaration d’appel valait mémoire d’appel et qu’il retirait sa demande d’effet suspensif.
Par Ordonnance du 30 juin 2006, le Président suppléant de la Chambre Arbitrale d’Appel du TAS (le “Président suppléant”) décida que la langue du présent arbitrage était le français et que les parties avait le choix de s’exprimer oralement soit en français, soit en allemand et que les écritures et pièces déposées dans une autre langue que le français ne seraient traduites qu’à la requête de l’une des parties ou de la Formation arbitrale.
En date du 30 octobre 2006, la SFL a déposé sa réponse auprès du Greffe du TAS en y incluant une demande d’appel en cause du FC Sion.
En date du 29 novembre 2006, la Formation arbitrale rendit une décision préliminaire sur l’appel en cause du FC Sion, admettant la requête déposée par la SFL. Le 13 décembre 2006, le FC Sion se détermina sur sa participation dans la présente procédure et soumit sa réponse conformément à l’article R41.2 du Code de l’arbitrage en matière de sport (le “Code”).
DROIT
La compétence du TAS
1. Les parties n’ont pas contesté la compétence du TAS, fondée sur l’article 7 des Statuts de la
SFL, qui renvoie à l’article 7 des Statuts de l’ASF. Cependant, l’Appelant a précisé dans son
écriture qu’il “adopte cette voie uniquement pour ne pas subir un préjudice de droit, mais se réserve aussi le
droit de saisir un tribunal ordinaire dans les délais prévus par la loi (art. 75 CC)”. Il estime que la
procédure prescrite par le TAS “est imposée et que le TAS, en sa qualité d’organe décisionnel, ne garantit
en aucune façon le traitement d’une action en contestation au même titre qu’un tribunal d’Etat ou un tribunal
ad hoc”.
2. La SFL est le FC Sion ont signé l’ordonnance de procédure reconnaissant expressément la
compétence du TAS. Pour sa part, le FC Zurich n’a pas signé l’ordonnance de procédure.
Ainsi qu’il l’a indiqué lors de l’audience du 1er février 2007, il estime que le Code, ainsi que la
procédure initiée devant le TAS, sont des éléments suffisants sans qu’il ne soit nécessaire de
signer une ordonnance de procédure. La Formation relève également que, le FC Zurich a intenté
cette procédure devant TAS et qu’il a participé à toutes les étapes de ladite procédure. Le FC
Zurich s’est engagé dans cette procédure. La Formation arbitrale se considère ainsi compétente
pour traiter le présent cas.
3. Les intimés n’ont pas formulé d’objections relatives à la composition de la Formation arbitrale.
Lors de l’audience, le FC Zurich s’est tenu à ses réserves formulées dans son mémoire d’appel. Il soutient notamment que la liste des arbitres proposés par le TAS ne garantit pas une “jurisprudence indépendante ou qualifiée avérée”. Il s’estime ainsi lésé “de son droit à un organe arbitral indépendant (surtout dans la mesure où un club se trouve face ici à un monopole associatif)”.
La litispendance
4. Le FC Zurich a soulevé l’exception de litispendance dans sa déclaration d’appel, au vu de la
procédure en cours depuis le 19 novembre 2004 devant le Tribunal arbitral. Le FC Zurich avait
déjà soulevé cette exception de procédure devant la Commission de mutation, puis devant le
Tribunal de recours arguant que l’action arbitrale fut ouverte avant les autres procédures.
5. La litispendance est une notion de procédure (ATF 98 II 176 consid. 11 p. 182) qui désigne
l’instance qui est pendante à partir d’un certain point et jusqu’à un autre. La question de
l’admissibilité d’une exception de litispendance survient lorsque deux autorités sont
potentiellement amenées à être compétentes pour le même litige. Le tribunal saisi en second
lieu doit soulever d’office la question de litispendance (cf. art. 35 alinéa 1 Lfors), soit le fait
qu’une action ayant le même objet et opposant les mêmes parties est pendante devant un juge
qui a été saisi en premier lieu. La doctrine soutient l’application analogue de l’article 35 Lfors
dans le cas de disputes devant des tribunaux arbitraux ayant leur siège en Suisse
(KELLERHALS/BERGER, Internationale und interne Schiedsgerichtsbarkeit in der Schweiz,
Berne 2006, N 638).
6. Dans le cas d’espèce, le FC Sion a déjà fait recours devant la Commission des mutations le 17
mai 2004 pour la fixation de la contribution de formation. Cette procédure fut interrompue, après que le FC Sion eut reproché à la Commission des mutations de faire traîner en longueur ladite procédure.
7. Par conséquent, le 13 janvier 2005, le FC Sion déposa sa requête devant un Tribunal arbitral.
Dans sa réponse du 9 mai 2005, le FC Zurich a fait lui-même valoir qu’une procédure était déjà
pendante devant la Commission des mutations, que dès lors le Tribunal arbitral ne devait pas
entrer en matière. Le Tribunal arbitral fixa ensuite une audience préliminaire en vue de
conciliation en date du 6 juillet 2005 à la Maison du football à Berne. Par courrier du 13
septembre 2005, le FC Sion a requis la poursuite de la procédure devant la Commission des mutations, suite à l’échec des négociations transactionnelles. La Commission des mutations a rendu sa décision le 17 mars 2006. Le FC Zurich a attaqué la décision devant le Tribunal de recours, qui rendit son jugement le 9/17 mai 2006.
8. Il est évident que la procédure de la Commission des mutations fut engagée avant la procédure
devant le Tribunal arbitral. Il ressort que la procédure devant un Tribunal arbitral ne peut être
engagée qu’à partir du moment où le jugement de la Commission des mutations a acquis force
de chose jugée comme prévu par l’article 7 alinéa 2 des Statuts ASF (idem article 7 alinéa 2 des
Statuts SFL).
9. La Formation conclut qu’il n’y a pas litispendance et que le TAS est compétent pour décider de
la présente procédure.
Sur la recevabilité de l’appel
10. La décision du Tribunal de recours a été notifiée le 19 mai 2006 à l’Appelant, la date du
justificatif postal faisant foi. L’appel interjeté le 29 mai 2006 est donc recevable conformément au délai de 10 jours prévu par l’article 7 alinéa 2 des Statuts de la SFL.
11. L’argument soulevé par le FC Sion, invoquant une notification aux parties le 17 mai 2006, n’est
ainsi pas retenu par la Formation.
Règles applicables au litige
12. En matière procédurale, les règles applicables sont celles du Code.
S’agissant de la résolution au fond du litige, l’article R58 du Code prévoit “la Formation statue selon les règlements applicables et selon les règles de droit choisies par les parties, ou à défaut de choix, selon le droit du pays dans lequel la fédération, association ou autre organisme sportif ayant rendu la décision attaquée a son domicile ou selon les règles de droit dont la Formation estime l’application appropriée. Dans ce dernier cas, la décision de la Formation doit être motivée”.
13. Dans le cas d’espèce, les parties n’ont convenu d’aucun accord concernant le droit applicable.
L’Appelant est membre de l’ASF, dont la SFL est une section.
14. Par conséquent, le TAS appliquera les Statuts et les autres règles édictées par la SFL et l’ASF
ou, le cas échéant, à titre supplétif, le droit suisse.
Sur la langue
15. L’article R29 du Code prévoit le français ou l’anglais comme langue de l’arbitrage devant le TAS.
L’usage d’une autre langue est possible avec l’accord de toutes les parties et de la Formation.
En cas de désaccord entre les parties sur le choix de la langue, il appartient au Président de la Chambre d’appel du TAS (ou à son suppléant) de trancher cette question lorsque la Formation arbitrale n’a pas encore été constituée. En l’espèce, le Président suppléant a décidé par ordonnance du 30 juin 2006 que la langue de la présente procédure d’arbitrage serait le français. Toutefois, dans son ordonnance, le Président suppléant a garanti aux parties une grande marge de manœuvre, en permettant l’usage de la langue allemande dans certaines circonstances. De plus, la traduction des écritures et des pièces déposées en allemand ne devait être faite que si une des parties ou la Formation arbitrale le demandait.
16. L’ordonnance a volontairement limité la possibilité d’obtenir des traductions aux seuls
mémoires et pièces. La correspondance échangée entre les parties et le TAS n’était pas couverte par cette ordonnance. La Formation est d’avis que le FC Zurich ne peut dès lors être désavantagé par ses correspondances avec le TAS rédigées en allemand.
17. Par courrier du 5 juillet 2006, la SFL a requis la traduction de diverses pièces soumises par
l’Appelant. Parmi les traductions requises, l’Appelant n’a pas produit les traductions concernant
la décision de l’instance inférieure, son courrier du 5 avril 2006 et sa lettre datée du 12 octobre
2005. Toutes les annexes dont la traduction fut requise faisaient partie de la procédure interne
de l’association. Cette procédure fut conduite en allemand. La SFL fut elle-même partie à cette
procédure et n’a jamais contesté l’usage de la langue allemande à ce moment-là. Par conséquent,
la Formation arbitrale considère que le maintien de la demande de traduction de ces pièces ne
comporte pas d’intérêt digne de protection. La Formation s’étonne d’ailleurs qu’une fédération
comme la SFL, ayant son siège en Suisse alémanique et ayant l’allemand comme langue officielle,
conformément à ses statuts, se soit obstinée à réclamer de telles traductions alors que la
compréhension de ces pièces ne devait légitimement pas lui causer de difficultés.
18. Le FC Zurich a réitéré l’usage de la langue allemande dans toutes ses correspondances avec le
TAS (concernant notamment la demande d’avance de frais pour le FC Sion, ses questions sur
la litispendance, ses déterminations du 16 mars 2007 sur la question de la litispendance), malgré
l’ordonnance préliminaire sur la langue rendue le 30 juin 2006 par le Président suppléant et sans
jamais produire les traductions en français requises plusieurs fois par la SFL et plus tard par le
FC Sion.
19. Conformément à l’article 67 des Statuts de l’ASF et l’article 40 des Statuts de la SFL, la langue
allemande fait foi en cas de divergences dans le texte. Le siège de la SFL se situe dans la ville alémanique de Berne, l’allemand est une langue nationale de la Suisse et la procédure concerne des parties exclusivement suisses. Pour le surplus, le FC Sion et la SFL se sont cependant exprimés sur le contenu des courriers rédigés en allemand par le FC Zurich. Par conséquent, la Formation arbitrale considère qu’il serait disproportionné de ne pas prendre en considération ces documents dans la présente procédure.
20. La Formation relève cependant que le comportement persistant du FC Zurich de ne pas se
conformer aux directives émises par le TAS est très critiquable et qu’il sera pris en considération par la Formation dans la répartition des frais de cet arbitrage.
Sur l’appel en cause du FC Sion
21. Dans son mémoire réponse, la SFL a appelé en cause le FC Sion conformément à l’article R41.2
du Code. L’Appelant s’y est opposé, alléguant le manque d’intérêt du FC Sion à être directement
partie au présent arbitrage, et son appartenance, en tant que membre, à la SFL. Il relève que les
intérêts du FC Sion sont déjà sauvegardés à travers la SFL et qu’une participation n’est ainsi pas
nécessaire.
22. En vertu de l’article R41.4 du Code, la Formation a décidé préliminairement d’admettre la
demande d’appel en cause du FC Sion. Selon la Formation “le FC Sion est directement intéressé par l’issue de la procédure devant le TAS, non seulement puisqu’il bénéficierait du montant de l’indemnité de formation et d’éducation, en raison du transfert du joueur J., mais encore par sa participation en qualité de partie durant toute la procédure devant la SFL”.
Sur les témoins
23. En vertu de l’article R51 du Code, l’Appelant mentionne dans ses écritures “les témoins et experts
qu’il désire faire entendre et formule toute autre offre de preuve. Les éventuels témoignages écrits doivent être déposés avec le mémoire d’appel, sauf si le Président de la Formation en décide autrement”.
24. En l’occurrence, l’Appelant a indiqué dans son mémoire d’appel M. Stadelmann et M. Isoz
comme témoins. En réponse au courrier envoyé par le Greffe du TAS en vue de connaître le nombre de personnes présentes lors de l’audience, le Conseil de l’Appelant a en outre mentionné MM. Netzle et Moulin. Par courrier du 17 janvier 2007, resp. 19 janvier 2007, aussi bien la SFL que le FC Sion se sont opposés à l’audition de ces témoins.
25. Dans un courrier aux parties du 24 janvier 2007, la Formation a cité l’article R51 du Code, qui
mentionne clairement que le nom des témoins doit être indiqué dans le mémoire d’appel, même si par la suite certains témoins ne seront pas amenés à l’audience par l’Appelant, et l’article R56 du Code. Selon cette disposition, “Sauf accord contraire des parties ou décision contraire du Président de la Formation, commandée par des circonstances exceptionnelles, les parties ne sont pas admises à compléter leur argumentation, ni à produire de nouvelles pièces, ni à formuler de nouvelles offres de preuves après la soumission de la motivation d’appel et de la réponse”.
26. L’appelant n’a pas indiqué, dans son courrier du 15 janvier 2007, les raisons pour lesquelles
Messieurs Netzle et Moulin devraient être entendus comme témoins, ni pourquoi leur audition
n’avait pas déjà été revendiquée dans son mémoire d’appel. La Formation est d’avis qu’il n’existe
pas de circonstances exceptionnelles, et relève qu’aucun accord entre les parties n’a été trouvé.
En se basant sur l’article R56 du Code, la Formation a décidé qu’il n’y avait pas de circonstances
exceptionnelles qui justifieraient l’audition de MM. Netzle et Moulin en tant que témoins. Ainsi,
seuls, MM. Stadelmann et Isoz sont admis à être entendus comme témoins ou parties lors de
l’audience.
27. A l’audience, la SFL et le FC Sion s’opposèrent à la qualité de témoin ou de partie de M.
Stadelmann, en raison notamment de sa fonction d’organe au sein de la SFL, du secret professionnel découlant de sa fonction d’avocat dans une autre affaire impliquant le FC Sion, et de son obligation de confidentialité découlant des règlements de la SFL. Les deux parties refusèrent de délier M. Stadelmann de son obligation de confidentialité.
28. La Formation a précisé que la problématique du secret professionnel ou de fonction relevait
d’une question interne entre les parties.
29. M. Isoz était présent comme représentant de la SFL. M. Stadelmann a été entendu en qualité de
partie. En raison de sa fonction de Président de la SFL, il est un organe de celle-ci.
Sur les nouvelles pièces
30. Des pièces nouvelles ont été présentées lors de l’audience par le FC Zurich et la SFL. Vu l’accord
des parties, la Formation a admis ces pièces comme offre de preuves conformément à l’article R56 du Code.
Au fond
31. Les principales questions que se pose la Formation arbitrale dans la présente procédure sont les
suivantes:
- Le FC Sion était-il membre de la SFL lors de la qualification du joueur J., soit le 22 octobre
2003?
- Le FC Sion bénéficie-t-il de l’indemnité de formation et d’éducation prévue par les
Règlements de la SFL?
A. Le FC Sion était-il membre de la SFL lors de la qualification du joueur J., soit le 22 octobre 2003?
32. En vertu de l’article 13 alinéa 3 du REFE, “le moment déterminant pour le calcul de l’indemnité est celui
de la qualification du joueur pour son nouveau club”.
33. Le joueur J., a été qualifié pour le FC Sion jusqu’au 6 octobre 2003. Une qualification en faveur
du FC Zurich a eu lieu le 22 octobre 2003. En vertu de l’article 10 du REFE, les parties
conviennent librement entre elles du montant de l’indemnité de formation et d’éducation.
34. Dans le cas d’espèce, les parties n’ont pas réussi à se mettre d’accord sur un tel montant et la
Commission des mutations s’est saisie du dossier sur la base des articles 4 alinéa 2 et 11 du Règlement SFL. Cependant, le FC Zurich a contesté la compétence de ladite Commission, sous prétexte que le FC Sion n’appartenait pas à la SFL au moment de la qualification du joueur, soit au moment déterminant pour fixer le montant de l’indemnité de formation.
35. L’article 9 des Statuts de la SFL mentionne les conditions d’octroi et de perte de la qualité de
membre de la SFL. Il s’agit pour la Formation de déterminer dans le cas d’espèce si le FC Sion, en date du 22 octobre 2003, avait perdu sa qualité de membre de la SFL, suite à une relégation dans une autre section de l’ASF que la SFL, ou suite à un refus définitif de licence.
36. En premier lieu, il convient de retenir que le refus définitif de licence ne représente rien d’autre
qu’une exclusion d’une association comme il ressort de l’article 9 alinéa 2 des Statuts SFL.
Conformément à la doctrine dominante (RIEMER, Berner Kommentar, Bern 1990, N94 ad art.
72 CC; HEINI/SCHERRER, Basler Kommentar, 3 A., Basel 2006, N15 ad art. 72 CC), une décision d’exclure un membre est immédiatement opposable par sa notification à ce dernier. Dès lors, le dépôt d’une action en annulation, à moins qu’elle ne provoque un “effet suspensif”, ne change rien (RIEMER, cf. ci-dessus). PORTMANN (SPR, II/5, 3. A., Basel 2005, S. 157, Rz 348) précise que l’exclusion ne devient définitive qu’à partir de la décision de l’autorité de recours, lorsqu’une telle voie de droit interne est prévue par les statuts.
37. La doctrine majoritaire ne reconnaît pas d’effet suspensif à une action en annulation intentée à
la suite d’une décision d’exclusion définitive prise par une association. Jusqu’au jugement de l’instance d’appel (autorité de recours ou tribunal arbitral), un état résolutoire d’incertitude est présumé. La condition résolutoire se réalise par l’admission de l’action en annulation.
38. Lorsqu’un jugement admet une action en annulation, ce dernier produit un effet erga omnes et
est de nature cassatoire, à moins que les statuts ne prévoient expressément un effet de
réformation. Si cela s’avérait nécessaire, il appartiendrait à l’organe interne compétent de rendre
une nouvelle décision (RIEMER, cf. ci-dessus, N82 ad art. 75 CC). Selon la doctrine dominante,
l’admission d’une action en annulation déploie un effet ex tunc (PORTMANN, cf. ci-dessus, p. 158,
RZ 349, RIEMER, cf. ci-dessus, N94 ad art. 72 CC). L’effet ex tunc ne signifie cependant pas que
depuis la prise de la décision d’exclusion jusqu’à sa levée, celle-ci ne puisse produire d’effets
juridiques. En particulier, lorsque durant cette période d’incertitude le club a conclu des contrats
avec des tiers. Par conséquent, dans la mesure où le tiers de bonne foi s’est fié à la décision
d’exclusion, ces contrats ont un caractère obligatoire pour assurer la sécurité du droit (cf.
RIEMER, ci-dessus, N79 ad art. 75 CC; PORTMANN, cf. ci-dessus, p. 158, RZ 350; ZR 74 (1975),
N 34, p. 66).
39. En l’occurrence, le FC Sion s’est vu refuser la licence par le jugement de l’Autorité de recours
du 28 juillet 2003. Dès lors, le FC Sion n’était à cette date pas membre de la SFL, sous réserve de la réalisation de la condition résolutoire. La saisine du Tribunal arbitral par le FC Sion en date du 4 août 2003 fut dans le but seul, mais toutefois approprié, de déclencher l’état d’incertitude susmentionné.
40. Par jugement du 6 octobre 2003, le Tribunal arbitral a admis l’action en annulation, il a annulé
la décision de l’Autorité de recours du 28 juillet 2003 et a renvoyé l’affaire à cette dernière pour nouvel examen. Selon la doctrine majoritaire, la condition résolutoire requise s’est ainsi réalisée, ce qui signifie la fin de l’état d’incertitude. Puisque la décision d’exclusion n’existe plus, elle ne produit donc plus d’effets juridiques, ni même envers des tiers de bonne foi.
41. Par la levée de l’exclusion, le FC Sion est à nouveau devenu membre de la SFL. Il se retrouve
dans la même situation juridique, que celle avant son appel devant l’Autorité de recours, malgré
la décision de refus prononcée par la Commission des licences, une décision qui n’était pas
devenue définitive, en raison du non épuisement des voies de recours internes. Une telle
réintégration résulterait également si l’hypothèse suivante était prise en compte: bien qu’il n’y
ait pas eu de décision interne et définitive d’exclusion, le FC Sion était maintenu exclu. Ceci ne
peut être le cas. Par conséquent, le FC Sion reste membre de la SFL jusqu’à la décision définitive
de dernière instance.
42. Les directives pour l’obtention d’une licence (en particulier le montant des garanties bancaires
à fournir), mentionnées dans les considérations (cons. 142 et suivants du jugement du Tribunal arbitral du 6 octobre 2003), confirment l’effet de cassation du jugement. Le Tribunal arbitral a lui-même correctement relevé que “Le pouvoir décisionnel de ce Tribunal s’épuise dans la cassation”. Par ailleurs, il a exposé qu’il n’était pas lié par les développements de l’Autorité de recours dans l’exercice de son pouvoir de décision. Par jugement du 29 octobre 2003, l’Autorité de recours a octroyé au FC Sion la licence pour la saison 2003/04.
43. En résumé, la Formation arbitrale est d’avis qu’avec l’admission de l’action en annulation en
date du 6 octobre 2003, la décision de l’Autorité de recours était levée; et jusqu’à une nouvelle
décision d’exclusion définitive, le FC Sion était donc membre de la SFL le 22 octobre 2003.
44. En prenant en considération un tel état de fait, il est également incontesté qu’une situation
insatisfaisante d’incertitude était maintenue entre l’annulation du jugement et le nouvel examen
par l’Autorité de recours. Mais comme exposé ci-dessous, le FC Zurich ne peut invoquer la
bonne foi requise en admettant la continuité d’un état d’incertitude au-delà du 6 octobre 2003.
45. Concernant la bonne foi, il est surtout nécessaire de retenir que celle-ci se réfère à la date
déterminante de la qualification du joueur J. pour le FC Zurich, soit le 22 octobre 2003. Il s’ensuit que des circonstances survenues par la suite, qui nuiraient à la bonne foi existante en date du 22 octobre 2003, ne peuvent être prises en considération.
46. La question se pose de savoir si le FC Zurich devait reconnaître que son appréciation de la
situation juridique était incorrecte, respectivement devait-il compter avec le fait que le FC Sion serait réintégré dans la SFL, et ainsi considérer ce dernier sur la base de l’effet ex tunc comme appartenant à la SFL durant toute la période litigieuse?
47. Le fait même qu’en date du 22 octobre 2003 le FC Zurich savait que la décision négative de
l’Autorité de recours du 28 juillet 2003 avait été attaquée par le FC Sion devant le Tribunal arbitral (III), ne peut détruire la bonne foi du FC Zurich. En revanche, le FC Zurich devait distinguer des indices, ou du moins les reconnaître en accordant une attention particulière au fait qu’il était fort vraisemblable que le FC Sion obtienne sa licence. Ce d’autant plus que la licence avait été refusé au FC Sion par deux fois auparavant.
48. Le fait de savoir si le libellé de la sentence du Tribunal arbitral du 6 octobre 2003 était connu
du FC Zurich, n’est pas certain et ne peut être retenu. Il est en revanche avéré, que cette décision
fut communiquée par la presse. Ainsi, par exemple dans la Neue Zürcher Zeitung (NZZ) (p. 62 sous le titre “Ein Strohhalm für Sitten”) et dans le Tagesanzeiger (p. 41 sous le titre “Doch noch eine Chance für den FC Sion”). Les deux articles ont paru le 4 octobre 2003 et indiquent que l’affaire est désormais portée devant l’Autorité de recours, sans toutefois aborder la question des chances de succès pour l’obtention de la licence.
49. Pour le surplus, le Juge délégué du Tribunal cantonal du Valais a ordonné à la SFL de prendre
toutes les mesures nécessaires pour réintégrer le FC Sion dans le Championnat de Challenge
League jusqu’au 29 octobre 2003 au plus tard. Cette décision fut également publiée dans la
presse, resp. dans la NZZ du 22 octobre 2003 et dans le Tagesanzeiger du 24 octobre 2003.
50. A ce moment, le FC Zurich était en négociation avec le FC Sion concernant le transfert du
joueur J. Il est certain que le FC Zurich connaissait les remous et incertitudes au sujet de l’octroi
de la licence au FC Sion, ou en tous cas devait les connaître. La Formation s’appuie dès lors sur
le fait, que le FC Zurich savait que l’Autorité de recours devait statuer une nouvelle fois. La
possibilité que le FC Sion obtienne la licence subsistait entièrement. Ce raisonnement est
renforcé par la décision du Tribunal cantonal valaisan du 20 octobre 2003. Devant une telle
situation, le FC Zurich ne pouvait plus se fier de bonne foi à un refus définitif de la licence qui
serait prononcé par l’Autorité de recours. Il savait ou aurait dû savoir qu’il courait un risque
avec ce transfert, soit le risque que la situation juridique à laquelle il se fiait pouvait s’avérer
fausse. Concrètement l’exécution du transfert de J. le 22 octobre 2003 comportait le risque que
l’indemnité serait fixée d’après l’estimation de la SFL. Le FC Zurich devait ou pouvait être
conscient de cela à ce moment. Le FC Zurich a couru ce risque au niveau financier, ce qui
pourrait aussi être formulé de la façon suivante “je conclus, adviendra ce qui pourra”. La Formation
arbitrale conclut que la bonne foi du FC Zurich en date du 22 octobre 2003 ne peut être retenue.
51. Finalement, la Formation arbitrale se réfère au courrier adressé le 15 octobre 2003 par l’ASF au
FC Zurich. Ce courrier mentionne un transfert avec contrat de travail dans un club de Super
League. Bien que ce courrier n’ait pas le caractère d’une décision, il suggère néanmoins qu’il
s’agit d’un transfert d’un joueur d’un club n’appartenant pas à la SFL. La Formation arbitrale
est d’avis qu’il s’agit sans aucun doute d’une erreur administrative de la part de l’ASF, qui ne
peut toutefois être prise en considération ni en faveur, ni en défaveur de l’une ou l’autre des
parties.
B. Le FC Sion bénéficie-t-il de l’indemnité de formation et d’éducation prévue par les Règlements de la SFL?
52. Le système d’indemnité de formation prévue par les règlements de la SFL est-il illicite?
53. Le FC Zurich soutient que les règles prévues par le REFE concernant l’indemnité pour la
formation et l’éducation sont à ce point imprécises, que le montant de l’indemnité à verser par
le FC Zurich est incalculable. La question de savoir si cela s’avère correct est examinée ci-
dessous.
54. Le FC Sion a rappelé que les fédérations nationales ont institué un système indemnisant les
clubs qui investissent dans la formation et l’éducation des jeunes joueurs, lors de transferts internes. En Suisse, la SFL est compétente pour les transferts intervenant au sein de la SFL. Ils sont régis par le REFE. En cas de litiges, la Commission des mutations est compétente. Les autres transferts sont de la compétence de l’ASF.
55. Selon l’article 9 du REFE “l’indemnité de formation et d’éducation est le montant dû lorsqu’un jeune joueur
en fin de contrat ou sans contrat change définitivement de club au sein de la SFL”. Pour bénéficier d’une indemnité prévue par le REFE, le club formateur et le nouveau club pour lequel le joueur est qualifié doivent être membres de la SFL au moment de la qualification du joueur.
56. En l’espèce, le joueur était au FC Sion depuis la saison 1992/1993, puis en année de formation
entre 12 et 15 ans. Il évoluait en catégorie 1 de 1998 à 2002, puis en catégorie 2 pendant la
saison 2002/2003. Un contrat de travail pour joueur non amateur de Ligue nationale fut conclu
entre le FC Sion et le joueur du 1er juillet 2002 au 30 juin 2003. Considérant que le FC Sion
était membre de la SFL lors de la qualification du joueur pour le FC Zurich, soit le 22 octobre
2003, la Formation conclut que le FC Sion a le droit de bénéficier de l’indemnité de formation
prévue par le REFE.
57. L’article 15 REFE décrit la méthode de calcul pour l’indemnité à verser. En vertu de l’alinéa 1,
l’indemnité de formation est déterminée par année de formation en relation avec l’âge du joueur et en tenant compte des frais effectifs de formation. Le montant de l’indemnité varie selon la catégorie du club. L’article 14 REFE précise que chaque club est classé jusqu’au 31 mai de chaque année, pour la saison à venir, dans une des quatre catégories.
58. Dans son jugement du 17 mars 2006, qui fut confirmé par la décision de l’Autorité de recours
du 9 mai 2006, la Commission des mutations a pris pour fondement la base de calcul susmentionnée. Il peut donc être renvoyé aux arguments et calculs développés par la Commission des mutations en page 10 de sa décision du 17 mars 2006.
59. Le FC Zurich disposait donc de tous les éléments nécessaires pour calculer le montant de
l’indemnité de formation avant de procéder au transfert du joueur J. La présente procédure se
distingue ainsi fondamentalement de la décision rendue le 21 juin 2004 par le tribunal de
commerce du canton de Zurich citée par le FC Zurich (publiée dans ZR 104 (2005), N 27). En
effet, dans cette procédure, le règlement déterminant ne comportait aucune directive concernant
la manière de calculer l’indemnité de formation et d’éducation. La fixation du montant de cette
indemnité fut au contraire attribuée à la discrétion d’une commission spéciale. Par conséquent,
contrairement au cas d’espèce, il s’avérait difficile d’évaluer le calcul du montant des indemnités
(ZR 104, N 27, p. 102). En guise de complément, il est nécessaire de relever que l’article 18
alinéa 4 des Statuts de la SFL prévoit expressément que la Commission des mutations est un
organe et d’autre part, qu’en vertu de l’article 13, les membres ont notamment le devoir de se
conformer aux règlements de la SFL. Le principe général de la légalité est ainsi également
respecté (cf. ZR 104 N 27, p. 101).
60. Pour le surplus, le FC Zurich ne peut tirer profit de l’arrêt rendu par le Tribunal fédéral dans
l’affaire Perroud (ATF 102 II 211). Cette affaire traitait d’une interdiction imposée à un joueur de travailler durant deux ans. Il va de soi qu’une restriction excessive de la liberté économique en découlait au sens de l’article 27 CC (protection de la personnalité). En l’occurrence, il ne peut être question d’une restriction excessive de la liberté individuelle. Considérant ce qui précède, la Formation est d’avis que le FC Zurich disposait avant l’exécution du transfert, non seulement de tous les éléments pour calculer le montant exact de l’indemnité de formation, mais qu’il pouvait également effectuer ce calcul en toute connaissance des faits.
61. Il ressort de cet état de fait qu’une atteinte à la protection de la personnalité selon l’article 27
alinéa 2 CC ne peut être retenue. Le FC Zurich n’a d’ailleurs apporté aucun argument pertinent sur ce point.
62. Par conséquent, la Formation conclut que ni les dispositions du REFE, ni le calcul de
l’indemnité de formation fait par l’instance inférieure ne peuvent être contestés.
63. S’agissant du montant de l’indemnité de formation, la Formation confirme le calcul fait par la
Commission des mutations et repris par le Tribunal de recours. Dès lors, le FC Sion bénéficie d’un montant de CHF 186’177.50 (TVA inclus) à la charge du FC Zurich en guise d’indemnité de formation pour le joueur J.
Le Tribunal Arbitral du Sport:
1. Rejette l’appel déposé le 29 mai 2006 par le FC Zurich.
2. Confirme la décision rendue par le Tribunal de recours de la SFL en date du 17 mai 2006.
(…)
5. Rejette toutes autres conclusions des parties.