TAS-CAS – Tribunale Arbitrale dello Sport – Corte arbitrale dello Sport (2008-2009)———-Tribunal Arbitral du Sport – Court of Arbitration for Sport (2008-2009) – official version by www.tas-cas.org Arbitrage TAS 2008/A/1491 Christian Letard c. Fédération Congolaise de Football (FECOFOOT), sentence du 16 octobre 2008
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Arbitrage TAS 2008/A/1491 Christian Letard c. Fédération Congolaise de Football
(FECOFOOT), sentence du 16 octobre 2008
Formation: Prof. Petros Mavroidis (Grèce), Président; Mr Jean-Jacques Bertrand (France); Prof. Brigitte Stern (France)
Football
Résiliation du contrat de travail entre un entraîneur et un club pour juste motif Validité de la peine conventionnelle
Condition de réduction de la peine conventionnelle Indemnité pour tort moral
1. En application de l’art. 337 al. 1 CO, l’employeur et le travailleur peuvent résilier
immédiatement le contrat en tout temps pour de justes motifs. La réalisation d’un cas spécifique de résiliation pour justes motifs prévu par le contrat de travail liant les parties constitue un juste motif de résiliation. Ainsi, le défaut de mise à disposition par le club employeur des moyens nécessaires à la création d’un centre de formation, condition essentielle du contrat, justifie la résiliation du contrat par l’entraîneur salarié. D’autres cas d’inexécution par le club employeur prévus par le contrat peuvent également constituer de justes motifs de résiliation immédiate.
2. Les modalités d’indemnisation prévues par le CO, notamment l’imputation prévue par
l’art. 337 c alinéa 2 CO, ne prévalent pas nécessairement sur la volonté contractuelle des
parties. En effet, si l’art. 337b CO appartient aux dispositions impératives du CO,
auxquelles il ne peut être dérogé, l’art. 337c al. 2 CO n’appartient pas à cette catégorie
(cf. art. 361 et 362 CO). Les parties peuvent donc expressément prévoir que le travailleur
n’aura pas à imputer sur ses prétentions, les revenus perçus entre la date de rupture du
contrat et son terme.
3. Conformément à l’art. 337b CO, l’indemnité prévue contractuellement ne saurait être
inférieure au dommage causé par la résiliation immédiate justifiée. Lorsqu’il procède à
la réduction d’une peine conventionnelle, le juge doit faire usage de son pouvoir
d’appréciation, mais il observera toutefois une certaine réserve, car les parties sont libres
de fixer le montant de la peine (art. 163 al. 1 CO) et les contrats doivent en principe être
respectés. La protection de la partie économiquement faible autorise toutefois
davantage une réduction que si sont concernés des partenaires économiquement égaux
et habitués des affaires.
4. Un préjudice saurait être qualifié de “moral”, lorsque l’appelant n’a pas été touché dans
son honneur ou sa réputation par les actes de l’intimée et qu’il n’a subi aucun dommage
en dehors du dommage strictement matériel. En résumé, la résiliation immédiate
justifiée d’un contrat de travail pour une faute de l’autre partie qui ne relève pas d’une
atteinte illicite à la personnalité de l’employé ne peut en tant que telle générer le droit de percevoir une indemnité pour tort moral nonobstant les conséquences négatives d’une telle résiliation. Ce sont bien les motifs de la résiliation qui doivent fonder une prétention en tort moral et non les conséquences de cette résiliation.
M. Christian Letard (l’appelant), né le 25 mars 1947, est de nationalité française. Il a exercé la fonction d’entraîneur-sélectionneur professionnel et est actuellement sans emploi.
La Fédération Congolaise de Football, (FECOFOOT ou l’intimée) est la Fédération nationale du Congo - Brazaville. Fondée en 1962, elle a rejoint la FIFA en 1964.
Le 1er mars 2004, l’appelant a signé un contrat de travail avec l’intimée d’une durée déterminée de trois ans comprise entre le 1er mars 2004 et le 1er mars 2007.
Ce contrat prévoyait que l’intimée devait mettre à la disposition de l’appelant d’ici au 1er octobre 2004
“les moyens humains, structurels et techniques formulés et décidés par le salarié [l’appelant] pour assurer la création du
centre de formation et son bon fonctionnement”. L’intimée s’était notamment engagée à mettre à la disposition
de l’appelant un préparateur athlétique français, un responsable français du centre de formation et un
adjoint, entraîneur congolais du sélectionneur, ces trois techniciens devant être choisis par l’appelant.
C’est dans ce contexte, que, par l’entremise de l’appelant, l’intimée a engagé L. et R. pour une période comprise entre le 1er août 2004 et le 28 février 2007, l’objectif étant une ouverture effective du centre de formation le 1er octobre 2004.
L’ouverture du centre de formation se faisant attendre, l’appelant a interpellé l’intimée à plusieurs reprises, par oral et par écrit, la rendant attentive aux conséquences du retard pris dans l’ouverture du centre de formation.
Dans ses lettres et dans le cadre des divers contacts qu’il pouvait avoir avec les responsables de
l’intimée, l’appelant se plaignit en outre à plusieurs reprises du non règlement de primes de match et
du non paiement des salaires des mois de juin et juillet 2004 qui lui étaient dus en vertu de son contrat
de travail. Dans un courrier du 17 novembre 2004, l’appelant prenait cette fois-ci la défense de ses
collaborateurs L. et R. dont les salaires n’avaient pas encore été versés nonobstant le début de leur
contrat de travail le 1er août 2004. Dans un courrier du 7 janvier 2005 adressé au Président de l’intimée,
l’appelant réitérait les différents griefs contenus dans ses précédentes correspondances et constatait
une nouvelle fois que les salaires de ses collaborateurs n’étaient pas réglés, que le centre de formation
prévu dans son contrat n’était toujours pas ouvert et que le stage de préparation de l’équipe nationale
en vue de la compétition Cemac qui devait se tenir le 1er février 2005 était totalement compromis vu
le manque de moyens financiers à disposition.
Enfin, l’appelant rendait une nouvelle fois l’intimée attentive aux termes de son contrat de travail,
invoquant que ses conditions de travail ainsi que celles de ses collaborateurs n’étaient pas conformes
aux engagements qui avaient été pris par l’intimée et qu’il souhaitait dès lors obtenir une réponse aux problèmes soulevés dans son courrier.
N’ayant reçu aucune réponse à ce courrier, l’appelant adressa à l’intimée un courrier recommandé daté du 21 janvier 2005 dans lequel il invoquait l’article IX de son contrat de travail intitulé “Rupture des relations contractuelles” dont le contenu est le suivant:
“Le présent contrat pourra être, en outre, résilié de plein droit en cas de faute lourde du salarié, la faute lourde
s’entendant des définitions du droit du travail, ou d’inexécution par l’employeur de ses obligations nées du présent
contrat.
L’employeur sera redevable au salarié d’une indemnité de résiliation correspondante aux salaires qui auraient été versés à ce dernier à la date effective de la rupture, ou du non respect des obligations sus mentionnées, et le terme du contrat.
Toutefois cette indemnité ne serait pas due au cas où la rupture du contrat serait imputable au salarié, du fait d’une lourde faute. Dans ce cas et sous réserve de l’appréciation des tribunaux compétents quant à la charge de la rupture, les indemnités dues seront celles prévues par la législation du travail.
De plus, si au 1er octobre 2004, l’Employeur n’a pas mis à disposition les moyens humains, structurels et
techniques formulés et décidés par Monsieur Christian LETARD pour assurer la création du Centre de
Formation, et son bon fonctionnement, alors cette non exécution se qualifiera comme une modification essentielle
du contrat de travail de Monsieur Christian LETARD, entraînant dès lors la rupture du contrat aux torts
exclusifs de l’Employeur”.
Considérant que les manquements répétés de l’intimée constituaient une faute grave au sens de l’article IX de son contrat de travail, l’appelant déclara, dans ce même courrier du 21 janvier 2005, résilier son contrat avec effet immédiat et conclut au paiement des salaires restant à valoir jusqu’au 28 février 2007 ainsi que des avantages complémentaires prévus dans son contrat de travail. En cas de demeure de l’intimée, l’appelant se réservait en outre le droit de faire valoir les dommages et intérêts pour “résistance abusive et vexatoire” et une indemnité “aux titres des frais irrépétibles (sic)”.
A l’appui de sa déclaration de résiliation immédiate du contrat de travail et des conclusions prises dans
son courrier du 21 janvier 2005, l’appelant, dans le même courrier, invoquait notamment qu’aucune
disposition n’avait été prise pour la mise en application des objectifs formulés dans son contrat de travail, soit la création d’un centre de formation et d’une organisation pour le développement du
football national. Il expliquait également que les stages de l’équipe nationale ne s’étaient pas déroulés
dans les conditions convenues dans le cadre de la signature de son contrat de travail. Enfin, au chapitre
de la formation professionnelle, l’appelant rappelait qu’il ne disposait pas des moyens lui permettant
d’assurer la formation des entraîneurs locaux et constatait que l’absence de moyens financiers
suffisants ne lui permettait pas de remplir les fonctions et attributions prévues à l’article II de son
contrat de travail. S’agissant des avantages complémentaires prévus à l’article VI du même contrat,
l’appelant constatait qu’il n’avait pas bénéficié du “logement de standing climatisé avec minimum de deux
chambres” et du “véhicule de fonction” qui lui étaient promis. Ainsi, de l’avis de l’appelant, l’intimée était
l’auteur d’une faute grave qui justifiait la résiliation immédiate de son contrat de travail.
En l’absence de réaction de l’intimée, l’appelant, par l’intermédiaire de son conseil, adressa un nouveau
courrier reçu le 5 avril 2005 par l’intimée, au terme duquel il sollicitait le règlement des sommes
suivantes:
- Salaires pour la période comprise entre le 1er février 2005 et le 28 février 2007, soit EUR
325’000.00;
- Indemnisation concernant les avantages en nature pendant cette même période du 1er
février 2005 au 28 février 2007, soit EUR 34’300.75;
- Dommages et intérêts en réparation du préjudice moral et matériel subi fixés à EUR
100’000.00.
Dans ce même courrier, l’appelant ouvrait la porte à des négociations transactionnelles. C’est ainsi que l’intimée réagit dans un courrier du 20 avril 2005 en demandant à l’appelant de retirer sa plainte, de suspendre la procédure en cours et de se rendre au Congo pour trouver une solution.
Il s’en est suivi divers échanges écrits et oraux entre les parties sans qu’un accord puisse être trouvé, dans la mesure notamment où l’intimée ne formulait pas de proposition de règlement concrète.
A défaut de règlement à l’amiable du litige qui l’opposait à l’intimée, l’appelant saisit la commission
du statut du joueur de la FIFA par dépôt d’une plainte datée du 22 septembre 2005 à l’encontre de
l’intimée.
Il s’en est suivi plusieurs échanges entre les parties et la FIFA dont notamment une lettre du 8 mai 2006 de l’intimée à la FIFA dans laquelle l’intimée déclarait que l’appelant “a effectivement bénéficié d’un contrat de travail avec la Fédération Congolaise de Football (FECOFOOT) qui n’est pas arrivé à terme” et qu’elle recherchait avec le gouvernement congolais “des voies et moyens en vue du règlement de ce litige”.
Bien que l’intimée ait affirmé par la suite à plusieurs reprises qu’elle entendait trouver un règlement amiable du litige qui l’opposait à l’appelant, aucun accord n’a pu être trouvé de sorte que la commission du statut du joueur rendit une décision le 25 octobre 2007, notifiée à l’appelant le 7 février 2008. Dite décision comprenait les motifs suivants:
“1. En premier lieu, la Commission du Statut du Joueur a analysé si sa compétence à traiter le présent litige
était donnée. A cet égard, la Commission s’est référée à l’article 18 alinéa 2 et 3 du Règlement de la
Commission du Statut du Joueur et de la Chambre de Résolution des Litiges. Le présent litige a été
soumis à la FIFA le 26 septembre 2005. Par conséquent et en application de ce Règlement, la
Commission du Statut du Joueur et de la Chambre de Résolution des Litiges (édition 2005),
réglementation procédurale révisée, est applicable au présent litige.
2. En relation avec la compétence de la Commission du Statut du Joueur, l’article 3 alinéa 1 du Règlement
susmentionné dispose que cette Commission vérifie sa compétence en vertu des articles 22 à 24 du Règlement du Statut et du Transfert des Joueurs (édition 2005) (ci-après: le Règlement). En application de l’article 23 alinéa 1 du Règlement, en relation avec l’article 22 litera c de ce même Règlement, la Commission du Statut du Joueur tranchera des litiges relatifs à la relation contractuelle de travail entre un club ou une association et un entraîneur, qui présentent des éléments internationaux.
3. Par conséquent, la Commission du Statut du Joueur conclut qu’elle est l’organe décisionnel compétent pour
trancher sur le présent cas opposant un entraîneur français à la Fédération Congolaise de Football au sujet d’un litige relatif à la relation contractuelle de travail entre les parties.
4. Par la suite, la Commission du Statut du Joueur a analysé quelle édition du Règlement du Statut et du
Transfert des Joueurs devrait être appliquée quant au droit matériel. A cet égard, la Commission s’est référée, d’une part, à l’article 26 alinéa 1 et 2 du Règlement du Statut et du Transfert des Joueurs (édition 2005) et, d’autre part sur le fait que le contrat de travail objet du litige a été signé le 1er mars 2004 et que la plainte a été déposée auprès de la FIFA le 26 septembre 2005. Au vu de ce qui précède, la Commission a conclu que le Règlement du Statut et du Transfert des Joueurs (édition 2005) est applicable au présent litige quant au droit matériel.
5. S’agissant du fond du cas d’espèce, la Commission a noté que, selon l’entraîneur Letard, la
FECOFOOT a agi en violation de ses obligations contractuelles et qu’il réclame donc à la FECOFOOT, inter alia, une indemnité financière sur la base de l’article IX du contrat de travail pertinent, plus des dommages pour préjudices.
6. La Commission a pris en compte que les obligations contractuelles auxquelles se réfère l’entraîneur en la
matière sont liées à son hébergement, à la mise à disposition des joueurs pour l’équipe nationale dans les délais, à la sélection et à la prétendue non-rémunération d’autres membres du personnel, ainsi qu’à un centre de formation.
7. M. Letard affirme, ses mises en demeure [sic] à l’adresse de FECOFOOT à cet égard étant restées sans
réponse, qu’il s’est vu contraint de résilier le contrat de travail pertinent le 21 janvier 2005 aux torts du
club.
8. Les membres de la Commission ont retenu de la plainte de l’entraîneur et de ses commentaires que M.
Letard a mis fin aux rapports de travail comme précédemment indiqué.
9. Pour sa part, la FECOFOOT reconnaît avoir conclu un contrat de travail avec M. Letard et elle fait
remarquer que l’entraîneur a été logé dans un hôtel cinq étoiles, ce qu’a confirmé l’entraîneur, en attendant
qu’une villa soit mise à sa disposition. A cet égard, la Commission a noté que selon l’article VI du contrat
de travail pertinent l’entraîneur serait hébergé dans certains hôtels en attendant qu’une villa soit mise à
sa disposition.
10. De plus, la FECOFOOT signale qu’elle a dûment recruté le personnel nécessaire et que le centre de
formation était en voie d’achèvement. A cet égard, la Commission a retenu de la plainte déposée par
l’entraîneur que M. Letard semble reconnaître que le personnel en question avait été recruté, mais prétend
que les employés en question n’auraient pas été rémunérés, raison pour laquelle ils n’auraient pu exécuter
leurs tâches.
11. La Commission s’est ensuite penchée sur l’article IX du contrat pertinent au sujet de la rupture de contrat
qu’invoque M. Letard dans sa demande d’indemnisation. Les membres de la Commission ont rappelé
que selon ledit article IX, le contrat pourra être résilié, entre autres, en cas d’inexécution, par l’employeur,
de ses obligations. Selon le même article IX, “l’employeur sera redevable au salarié, sauf si la rupture du
contrat est imputable au salarié, d’une indemnité de résiliation correspondante aux salaires qui auraient
été versés à ce dernier à la date effective de la rupture, ou du non respect des obligations susmentionnées,
et le temps du contrat”.
L’article IX dispose également que “…si au 1er octobre 2004 l’employeur n’a pas mis à disposition les moyens humains, structurels et techniques formulés et décidés par Monsieur Christian Letard pour assurer la création du Centre de Formation, et son bon fonctionnement, alors cette non exécution se qualifiera comme une rupture du contrat aux torts exclusifs de l’employeur”.
12. Par la suite, les membres de la Commission ont délibéré sur la question de savoir si l’article susmentionné
peut se considérer comme raisonnable et approprié.
13. A cet égard, les membres de la Commission ont convenu que la construction d’un centre de formation
opérationnel dans le laps de temps donné doit se considérer comme une tâche très complexe.
A ce sujet, la Commission a rappelé que Monsieur Letard soutient avoir transmis à la FECOFOOT un projet de création de centre de formation national de football au mois de septembre 2004 seulement. De plus, la Commission a rappelé que M. Letard avait toujours reçu ses salaires, aucun d’entre eux n’étant en souffrance lorsque l’entraîneur a mis fin aux rapports de travail. Par ailleurs, le personnel auxiliaire mentionné à l’article II du contrat de travail a apparemment été recruté par la FECOFOOT. La Commission a estimé à cet égard que la prétendue non-rémunération de ce personnel que fait valoir l’entraîneur ne peut être considérée comme pertinente dans le cas en présence.
14. En outre, la Commission est d’avis unanime qu’en vertu du libellé de l’article IX du contrat de travail,
en particulier le dernier paragraphe dudit article, l’employé a tout pouvoir en pouvant décider à son entière discrétion ce qu’il considère nécessaire, sans besoin apparemment de vérifier avec son employeur si ses exigences peuvent être satisfaites d’une façon réaliste.
En conséquence, théoriquement, dans de telles circonstances, l’employé est en position de provoquer une
rupture de contrat aux torts de l’employeur s’il apparaît que l’employeur ne peut satisfaire aux demandes
de l’employé. Par conséquent, cette clause doit être entachée d’une nullité relative et ce pour les raisons
susmentionnées.
15. De plus, la Commission a noté que conformément à l’article IX du contrat de travail pertinent, les droits
de résiliation du contrat accordés aux parties n’apparaissent pas égaux dans la mesure où l’employeur a le droit de résilier le contrat en cas de faute lourde de l’employé, faute lourde s’entendant des définitions du droit du travail. Par ailleurs, selon ledit article, dans ce cas, l’indemnité due par l’employé à l’employeur doit se déterminer en conformité avec le droit du travail. D’un autre côté, le même article dit que l’employé est habilité à résilier le contrat en cas de non-exécution par l’employeur de ses obligations découlant du contrat de travail, sans référence à une quelconque législation sur le travail, et fixe l’indemnité sous forme de salaires, dus jusqu’à l’expiration du contrat de travail.
16. Ledit article contient un paragraphe additionnel accordant des droits supplémentaires à l’employé en
rapport avec les considérations mentionnées au point II.15 susmentionné.
17. Compte tenu des considérations supra, les membres de la Commission ont convenu que l’article IX du
contrat de travail pertinent est entaché d’une nullité relative. En conséquence, la Commission a décidé qu’un tel article ne sera pas pris en considération dans le cas en présence.
18. A la lumière des circonstances spécifiques entourant le présent cas, la Commission a décidé que la
FECOFOOT devra verser un montant à Monsieur Letard et que ce montant doit être fixé ex aequo et bono. Compte tenu de toutes les considérations supra, la Commission a décidé d’adjuger à M. Letard la somme de EUR 100’000.
19. Par ailleurs, et prenant en compte la jurisprudence constante de la Commission du Statut du Joueur, la
Commission a décidé qu’aucune indemnité pour dommages s’ajoutant à la somme susmentionnée ne sera accordée ni aucune indemnité pour la prétendue perte d’avantages de quelque ordre que ce soit.
20. En outre, compte tenu de l’article 15 par.3 du Règlement de la Commission du Statut du Joueur et de la
Chambre de Résolution des Litiges, la Commission a décidé de rejeter la demande de l’entraîneur ayant trait à l’indemnité pour frais de procédure.
21. Finalement, la Commission se réfère à l’article 25 al. 2 du Règlement du Statut et du Transfert des
Joueurs et à l’article 15 al. 1 du Règlement de la Commission du Statut du Joueur et de la Chambre de Résolution des Litiges, selon lesquels les frais de procédure devant la Commission du Statut du Joueur sont au maximum fixés à hauteur de CHF 25 000. Les frais sont calculés à partir des chances de succès des parties et sont en principe pris en charge par la partie déboutée.
22. A cet égard, la Commission énonce de nouveau que la demande de Monsieur Letard est partiellement
acceptée. La Commission conclut donc que la FECOFOOT doit supporter les frais de la procédure en cours devant la FIFA.
23. Conformément à l’Annexe A du Règlement de le Commission du Statut du Joueur et de la Chambre de
Résolution des Litiges, les frais de procédure sont fixés en fonction de la somme qui est en jeu.
24. Dans le différend que la plainte de Monsieur Letard a initié, la somme en jeu qu’il convient de considérer
est de EUR 462 300.75. C’est pourquoi la Commission conclut que le montant maximal des frais de procédure équivaut à CHF 25 000.
25. Considérant que le différend suit en l’espèce une procédure raisonnable, que le différend est soumis à la
Commission du Statut du Joueur, que le différend n’a pas présenté de difficulté particulière et qu’il n’était
pas spécialement complexe juridiquement, la Commission évalue les coûts de la procédure actuelle à CHF
15 000.
26. En conclusion, le montant de CHF 15 000 doit être versé par la FECOFOOT à la FIFA afin de
couvrir les frais de procédure”.
Pour les motifs évoqués ci-dessus, la Commission du Statut du Joueur décida que:
1. La plainte du demandeur, Monsieur Letard, est partiellement admise.
2. Le défendeur, FECOFOOT, est tenu de payer à Monsieur Letard le montant de EUR 100’000 ex
aequo et bono dans les 30 jours suivants la notification de la présente décision.
3. Dans le cas où la somme due n’est pas payée dans le délai imparti, des intérêts à hauteur de 5% par
année seront appliqués et ce dès l’expiration du délai susmentionné et le cas sera transmis à la Commission de Discipline de la FIFA, qui pourra infliger les sanctions disciplinaires nécessaires.
4. Le demandeur s’engage à communiquer au défendeur le numéro de compte bancaire auquel la somme
allouée devra être versée. De même, le défendeur s’engage à informer la Commission du Statut du Joueur
sur les paiements effectués par ce(s) dernier(s).
5. Toute autre requête du demandeur est rejetée”.
Suite à la notification le 7 février 2008 de la décision de la Commission du Statut du Joueur, l’appelant déposa une déclaration d’appel, datée du 15 février 2008 devant le Tribunal Arbitral du Sport, dans laquelle il prit les conclusions suivantes:
“Monsieur Christian Letard demande au TAS de revoir les faits et le droit avec plein pouvoir d’examen.
Il demande au TAS d’annuler la décision rendue par la Commission du Statut du Joueur siégeant le 25 octobre 2007, notifiée le 7 février 2008 et de rendre une nouvelle décision s’y substituant.
Monsieur Christian Letard demande ainsi au Tribunal Arbitral du Sport de:
- Voir constater que la Fédération Congolaise de Football a violé ses obligations contractuelles,
- Voir en conséquence condamner la Fédération Congolaise de Football à verser à M. Letard les sommes
suivantes:
- 325’000 € nets à titre d’indemnité de résiliation correspondant aux salaires qui auraient dû être
versés à M. Letard du 1er février 2005 jusqu’à la date du terme de son contrat, soit le 28 février
2007,
- 74’352 € nets à titre d’indemnité de résiliation correspondant aux primes de matchs que M.
Letard aurait dû percevoir du 1er février 2005 jusqu’à la date du terme de son contrat, soit le 28
février 2007,
- 34’300.75 € à titre de rappels d’avantages en nature que M. Letard aurait dû percevoir du 1er
février 2005 jusqu’à la date du terme de son contrat, soit le 28 février 2007,
- 100’000.00 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral résultant de la
rupture abusive du contrat de travail,
- 3’000.00 € à titre d’indemnité sur le fondement de l’article R 64.5 du Code.
- Voir condamner la Fédération Congolaise de Football à prendre en charge les frais d’arbitrage dont le montant définitif comprendra les droits de greffe, les frais administratifs, les frais et honoraires de la formation, ainsi qu’une participation au dépôt du TAS et notamment ceux dont M. Letard aura dû faire l’avance”.
L’appelant déposa som mémoire d’appel le 12 mars 2008.
L’intimée s’est vu notifier la déclaration d’appel le 25 février 2008 avec le mémoire d’appel et les pièces produites par l’appelant. Par courrier du 25 février 2008 puis par courriers des 17 et 18 mars 2008, l’intimée s’est vu impartir puis prolonger le délai pour désigner un arbitre.
L’intimée n’ayant pas réagi à ces courriers, le Président de la Chambre arbitrale d’appel a procédé à la désignation du second arbitre en lieu et place de l’intimée conformément à l’article R 53 du Code de l’arbitrage en matière de sport.
Par courrier du 8 mai 2008 adressé aux parties, le secrétariat du TAS communiqua la composition de la formation et constata que l’intimée n’avait pas déposé de mémoire dans le délai imparti, attirant l’attention des parties sur les articles R 55 § 2 et R 56 du Code de l’arbitrage en matière de sport réglant les conséquences du non dépôt du mémoire de réponse par l’intimée.
Il a été notamment demandé à l’appelant de produire tout document démontrant l’annulation des stages prévus et les causes de cette annulation, des documents permettant de calculer les primes qui lui seraient dues pour la période du 1er février 2005 au 28 février 2007, des explications sur le calcul du montant des avantages en nature pour la période du 1er février 2005 au 28 février 2007 auxquels l’appelant prétend et les critères sur la base desquels l’indemnité pour tort moral demandée par l’appelant avait été calculée.
Enfin, le Tribunal Arbitral du Sport demanda à l’appelant d’attester des revenus que celui-ci avait réalisés entre la date de rupture de son contrat et le 28 février 2007.
S’agissant de l’intimée, celle-ci était invitée à prouver l’existence d’un logement de fonction ou du
paiement de chambres d’hôtel en faveur de l’appelant, de produire tout document attestant la tenue
des stages mentionnés par l’appelant et les documents démontrant la mise à disposition d’une voiture
de fonction.
DROIT
Compétence du TAS
1. La compétence du TAS résulte de l’art. R47 du Code, qui stipule notamment qu’ “un appel contre
une décision d’une fédération, association ou autre organisme sportif peut être déposé au TAS si les statuts ou règlements dudit organisme sportif le prévoient ou si les parties ont conclu une convention d’arbitrage particulière et dans la mesure aussi où l’appelant a épuisé les voies de droit préalables à l’appel dont il dispose en vertu des statuts ou règlements dudit organisme sportif”.
2. L’art. 61 al. 1 des statuts de la FIFA prévoit que “tout recours contre des décisions prises en dernière
instance par la FIFA, notamment les instances juridictionnelles, ainsi que contre des décisions prises par les confédérations, les membres ou les ligues doit être déposé auprès du TAS dans un délai de 21 jours suivant la communication de la décision”.
3. Le présent appel vise la décision rendue par la Commission du Statut du Joueur de la FIFA qui
a statué en dernier ressort. Les voies de droit préalables à l’appel devant le TAS ont donc été épuisées. Les conditions fixées à l’art. R47 du Code sont remplies.
4. En conséquence, le TAS est compétent pour connaître du présent litige, ce qui n’est pas
contesté.
Recevabilité de l’appel
5. La décision du 25 octobre 2007 de la Commission du Statut du Joueur de la FIFA a été notifiée
aux parties le 7 février 2008 et la déclaration d’appel a été communiquée au TAS le 21 février
2008, soit dans le délai de 21 jours fixé par l’art. 61 al. 1 des statuts de la FIFA. Par ailleurs, la
déclaration d’appel satisfait aux conditions de forme requises par les arts. R48 et R51 du Code.
6. Partant, l’appel est recevable, ce qui n’est d’ailleurs pas contesté.
Droit applicable
7. Conformément à l’art. R58 du Code: “La formation statue selon les règlements applicables et selon les
règles de droit choisies par les parties ou, à défaut de choix, selon le droit du pays dans lequel la fédération,
association ou autre organisme sportif ayant rendu la décision attaquée a son domicile ou selon les règles de droit
dont la Formation estime l’application appropriée. Dans ce dernier cas, la décision de la Formation doit être
motivée”.
8. L’art. 60 alinéa 2 des Statuts de la FIFA dispose: “La procédure arbitrale est régie par les dispositions
du Code de l’arbitrage en matière de sport du TAS. Le TAS applique en premier lieu les divers règlements de la FIFA ainsi que le droit suisse à titre supplétif”.
9. Conformément à l’art. 60 alinéa 2 des Statuts de la FIFA, la procédure est régie par les dispositions
du Code.
10. Conformément aux articles R58 du Code et 60 alinéa 2 des Statuts de la FIFA, le TAS appliquera
en premier lieu les règles de la FIFA et le droit suisse à titre supplétif.
Au fond
12. A titre préliminaire, la Formation rappelle qu’en vertu de l’art. R57 du Code, le TAS jouit d’un
plein pouvoir d’examen en fait et en droit: “La Formation revoit les faits et le droit avec plein pouvoir d’examen. Elle peut soit rendre une nouvelle décision se substituant à la décision attaquée, soit annuler cette dernière et renvoyer la cause à l’autorité qui a statué en dernier”. Ce pouvoir lui permet d’entendre à nouveau les parties sur l’ensemble des circonstances de fait ainsi que sur les arguments juridiques que les parties souhaitent soulever et de statuer définitivement sur l’affaire en cause.
13. Ayant revu l’ensemble des faits de la cause tels qu’ils ressortent des pièces produites par
l’appelant ainsi que des pièces contenues dans le dossier FIFA établi dans le cadre de la
procédure devant la Commission du Statut du Joueur, la Formation constate que la résolution
du litige lui impose de répondre aux questions suivantes:
a) L’intimée a-t-elle la qualité pour défendre (légitimation passive) ?
b) Le contrat de travail a-t-il été résilié pour de justes motifs par l’appelant ?
c) Quels dédommagements sont dus par l’intimée en cas de résiliation justifiée du contrat
par l’appelant ?
A. L’intimée a-t-elle la qualité pour défendre (légitimation passive) ?
14. Dans le cadre de la revue du contrat de travail signé entre l’appelant et l’intimée, la Formation
a constaté que ce document indique formellement le Ministre des sports comme partie au contrat, lui-même étant représenté par le Président de l’intimée.
15. L’en-tête du contrat indique toutefois l’intimée aux côtés du Ministère congolais des Sports et
le document est signé par le Président de l’intimée sous le sceau de celle-ci. En outre, aucun membre du Ministère n’a apposé sa signature sur le contrat.
16. Abstraction faite des autres éléments du dossier, la formulation des parties au contrat pourrait
donc mettre en doute la qualité de partie de l’intimée au contrat de travail et donc de sa légitimation passive dans le cadre de la présente cause.
17. Lors même que l’intimée n’a jamais soulevé cette question, la Formation l’a abordée de son
propre chef puisqu’il s’agit, selon le droit suisse, d’un moyen de fond que le juge doit retenir d’office (ATF 108 II 216 c.1 et arrêt de la cour de justice du canton de Genève dans la Semaine Judiciaire 1995 p. 214 c. 2). Après analyse des faits de la cause, la Formation conclut que l’intimée était bien partie au contrat de travail en cause.
18. A l’appui de ce qui précède, la Formation constate que l’appelant rendait des comptes et était
subordonné aux représentants de l’intimée. C’est en outre bien l’intimée qui procéda à l’engagement des assistants L. et R., une des conditions essentielles du contrat de travail passé avec l’appelant. Ce n’est qu’une fois confronté à des problèmes récurrents avec l’intimée que l’appelant décida de faire appel au Ministre des Sports.
19. Le Ministre des Sports n’a quant à lui apparemment jamais prétendu jouer le rôle de l’employeur
de l’appelant et n’avait de toute évidence pas vocation à le faire. Selon la pratique internationale, un entraineur national de football est en effet employé de la fédération nationale.
20. La clause attributive de juridiction figurant dans le contrat de travail fait référence, certes
maladroitement, au TAS et aux organes juridictionnels de la FIFA. Ceci démontre bien que les parties en présence considéraient que ce contrat impliquait des parties soumises aux règles de la FIFA. Or seule la fédération congolaise, et l’appelant, en sa qualité d’entraineur professionnel pouvaient se soumettre à ces règles. Le Ministre des Sports ne le pouvait pas.
21. Le rôle de l’Etat congolais était donc au mieux celui de bailleur de fonds de l’intimée. Il n’était
de toute évidence pas celui d’un employeur.
22. L’intimée n’a surtout jamais nié être partie au contrat de travail. Au contraire, la Formation
relève que l’intimée a elle-même souligné dans un courrier du 27 mai 2005 adressé à Monsieur
Letard qu’il était un travailleur embauché par la Fédération Congolaise de Football et elle a
reconnu, dans un courrier à la FIFA le 6 mai 2006, que l’appelant “a effectivement bénéficié d’un
contrat de travail avec la Fédération Congolaise de Football (FECOFOOT) qui n’est pas arrivé à terme” et
qu’elle recherchait avec le gouvernement congolais “des voies et moyens en vue du règlement de ce litige”.
23. La Formation en conclut donc que l’intimée a non seulement la qualité pour défendre mais bien
la légitimation passive qui constitue le fondement matériel de l’action entreprise par l’appelant.
Il convient à présent d’aborder l’existence des prétentions de l’appelant, que ce soit quant au
principe ou quant à la mesure dans laquelle il les fait valoir.
B. Le contrat de travail a-t-il été résilié pour de justes motifs par l’appelant ?
24. Les parties au présent litige ont conclu un contrat de durée déterminée pour la période du 1er
mars 2004 au 28 février 2007. Comme évoqué ci-dessus, en l’absence de clause d’élection de droit dans ce contrat et en application de l’article R58 du Code d’Arbitrage en matière de Sport et de l’article 60 alinéa 2 des Statuts de la FIFA, dont le siège est en Suisse, les dispositions du Code des obligations suisse (CO), notamment celles relatives aux contrats de travail à durée déterminée, sont applicables.
25. En vertu de l’art. 334 al. 1 CO, le contrat à durée déterminée prend fin sans qu’il ne soit
nécessaire de donner congé.
26. Selon la doctrine et la jurisprudence relatives à cette disposition, ce type de contrat ne peut
prendre fin avant le terme fixé par les parties, à moins que l’une des parties ne puisse invoquer une cause extraordinaire (ATF 110 1 167, JdT 1984 1468; TERCIER P., Les contrats spéciaux, 2e édition, p. 345 et références citées).
27. Dans un tel cas, l’art. 337 al. 1 CO prévoit que “l’employeur et le travailleur peuvent résilier
immédiatement le contrat en tout temps pour de justes motifs”. La notion de justes motifs est définie par
l’art. 337 al. 2 CO, qui énonce: “sont notamment considérés comme de justes motifs toutes les circonstances
qui, selon les règles de la bonne foi, ne permettent pas d’exiger de celui qui a donné le congé la continuation des
rapports de travail”.
28. En l’espèce, l’article IX du contrat conclu entre les parties prévoit non seulement une possibilité
de résiliation en cas d’inexécution par l’employeur de ses obligations mais prévoit en plus un
cas spécifique de résiliation pour justes motifs si “au 1er octobre 2004, l’Employeur n’a pas mis à
disposition les moyens humains, structurels et techniques formulés et décidés par Monsieur Christian LETARD
pour assurer la création du Centre de Formation, et son bon fonctionnement”. Les parties ont ainsi convenu
que si ce cas spécifique se réalisait, “alors cette non exécution se qualifiera comme une modification
essentielle du contrat de travail de Monsieur Christian LETARD, entraînant dès lors la rupture du contrat
aux torts exclusifs de l’Employeur”.
29. La Commission du Statut du Joueur a considéré que cette clause du contrat de travail était
entachée de nullité relative au motif que la cause de résiliation, soit la non création du centre de
formation, et les conséquences de sa réalisation revenaient, vu la complexité de la tâche imposée
à l’employeur, à permettre en tout temps à l’employé de résilier le contrat de travail, ceci à sa
libre discrétion.
30. Cet argument de la Commission du Statut du Joueur ne résiste pas à l’examen. En effet, il ressort
clairement des pièces du dossier que les parties avaient discuté depuis plusieurs mois d’un plan de développement du centre de formation. Cette question constituait en outre le point central du contrat de travail et les deux parties avaient admis que l’existence du centre était cruciale afin de leur permettre d’atteindre les objectifs qu’elles s’étaient fixées.
31. De toute évidence, un centre de formation peut être développé en plusieurs étapes et des
mesures provisoires satisfaisantes, telles que l’utilisation d’installations existantes, peuvent être prises avant d’atteindre le résultat final prévu entre les parties.
32 La Formation note par ailleurs que l’intimée est une fédération nationale qui fait partie de la
FIFA. Elle disposait donc de toutes les ressources nécessaires, que ce soit directement ou par le biais de la confédération africaine ou de la FIFA, pour comprendre la portée des engagements contractuels qu’elle prenait en signant le contrat avec l’appelant.
33. En outre, l’appelant ne s’est pas contenté d’attendre que la date du 1er octobre 2004 soit passée
pour résilier son contrat. Au contraire, l’appelant a alerté l’intimée et le Ministre congolais des Sports à de multiples reprises de l’impossibilité pour lui de réaliser sa mission. Les faits évoqués dans les courriers de l’appelant aux parties concernées, qui sont prouvés au moyen des différentes pièces versées au dossier, démontrent que l’intimée n’a de toute évidence pris aucune disposition permettant d’assurer la mise en place de son centre de formation national. Des mesures simples à réaliser telles que le paiement des salaires de l’encadrement technique, l’organisation de stages de formation et la mise en place d’un réseau d’entraineurs nationaux n’ont également pas été prises ou alors de manière très partielle.
34. Ce n’est qu’en janvier 2005, lorsque l’appelant ne pouvait que constater que ses demandes
resteraient sans réponse concrète, qu’il s’est résolu à résilier son contrat.
35. La Formation croit l’appelant lorsque celui-ci invoque que les mesures mises à charge de
l’intimée et décrites clairement dans le contrat, étaient des conditions essentielles de l’accord intervenu entre les parties.
36. La Formation constate donc que la clause IX du contrat de travail est valable et donc opposable
à l’intimée. Elle retient ainsi que l’appelant a résilié son contrat de travail pour de justes motifs, prévus dans le contrat.
37. Suite à l’étude des pièces du dossier et en l’absence de toute prise de position de l’intimée à ce
sujet, la Formation constate en outre que de toute évidence l’intimée n’a pas non plus respecté
plusieurs de ses autres obligations. Elle n’a ainsi pas mis à disposition de l’appelant un logement
et une voiture de fonction, ni ne lui a permis de disposer du personnel technique promis, les
employés L. et R. ayant dû résilier leur contrat de travail puisque le paiement de leurs salaires
n’était pas assuré. Les stages de formation mis en place ou planifiés par l’appelant ont dû être
écourtés voire annulés.
38. A défaut d’être expressément décrits comme tels dans le contrat, ces cas d’inexécution, qui ont
fait l’objet de multiples mises en garde de l’appelant, constituent également de justes motifs de
résiliation immédiate. Les avertissements répétés de l’appelant et la passivité coupable de
l’intimée amènent ainsi la Formation à considérer que le lien de confiance entre l’appelant et
l’intimée était à ce point ébranlé que la poursuite du contrat par l’appelant ne pouvait plus être
exigée.
39. Il n’y avait ainsi objectivement pas d’autre issue que la résiliation du contrat (voir à ce sujet la
jurisprudence du Tribunal fédéral suisse notamment in: SJ 1995 p. 806 et ATF 116 II 145 c.5a, 111 II 245 c.3).
40. Ces autres cas d’inexécution contractuelle de l’intimée renforcent la Formation, si besoin est,
dans sa conviction que l’exercice par l’appelant de son droit à la résiliation immédiate du contrat prévu à l’article IX alinéa 4 est valable.
C. Quels prétentions salariales, indemnités, gratifications et frais sont dus par l’intimée en cas de résiliation justifiée
du contrat par l’appelant ?
41. En vertu de l’art. 337b al.1 CO, “si les justes motifs de résiliation immédiate du contrat consistent dans son
inobservation par l’une des parties, celle-ci doit réparer intégralement le dommage causé, compte tenu de toutes les prétentions découlant des rapports de travail”.
42. L’article 337c al. 1 et 2 CO règle de manière plus précise la question de la résiliation immédiate
du contrat de travail et dispose que “lorsque l’employeur résilie immédiatement le contrat sans justes motifs, le travailleur a droit à ce qu’il aurait gagné, si les rapports de travail avaient pris fin à l’échéance du délai de congé ou à la cessation du contrat conclu pour une durée déterminée” (al. 1) et ajoute que l’“on impute sur ce montant (montant que le travailleur aurait gagné, si les rapports de travail avaient pris fin à l’échéance du délai de congé ou à la cessation du contrat conclu pour une durée déterminée) ce que le travailleur a épargné par suite de la cessation du contrat de travail ainsi que le revenu qu’il a tiré d’un autre travail ou le revenu auquel il a intentionnellement renoncé” (al. 2).
43. Comme l’article 337c al. 1 et 2 CO traite du cas de résiliation injustifiée par l’employeur alors
que l’article 337b CO traite de la résiliation justifiée par une des parties, la question de
l’application par analogie de l’article 337 al. 1 et 2 CO aux cas visés par l’article 337b CO se
pose.
44. Dans un arrêt récent (ATF 133 III 657), le Tribunal fédéral suisse a confirmé que le dommage
couvert par l’article 337b al. 1 CO correspondait à l’ensemble des préjudices financiers qui sont
dans un rapport de causalité adéquate avec la fin anticipée du contrat de travail (ATF 133 III
659 c. 3.2). Selon le Tribunal fédéral suisse “le travailleur peut ainsi réclamer la perte de gain consécutive
à la résiliation des rapports de travail ce qui équivaut au montant auquel peut prétendre un salarié injustement
licencié avec effet immédiat en application de l’art. 337c al.1 et 2 CO” (ATF 133 III 659 - 660 c. 3.2 avec
renvoi à la doctrine). Le Tribunal fédéral suisse a donc confirmé que l’article 337c al.1 et 2 CO
s’appliquait par analogie aux cas prévus à l’article 337b CO. Par contre, le Tribunal fédéral suisse a rejeté l’application par analogie à l’article 337b CO de l’article 337c al.3 CO qui permet au juge de condamner l’employeur à verser au travailleur une indemnité en cas de licenciement immédiat injustifiée (ATF 133 III 663 c. 3.4).
45. Les modalités d’indemnisation prévues par le CO, notamment l’imputation prévue par l’art. 337
c alinéa 2 CO, ne prévalent pas nécessairement sur la volonté contractuelle des parties. En effet, si l’art. 337b CO appartient aux dispositions impératives du CO, auxquelles il ne peut être dérogé, l’art. 337c al. 2 CO n’appartient pas à cette catégorie (cf. art. 361 et 362 CO). Les parties peuvent donc expressément prévoir que le travailleur n’aura pas à imputer sur ses prétentions les revenus perçus entre la date de rupture du contrat et son terme.
46. Certains auteurs considèrent l’art. 337c al. 2 CO comme relativement impératif (BRUNNER/
BUHLER/WAEBER/BRUCHEZ, Kommentar zum Arbeitsvertragsrecht, 3ème édition, Bâle 2005, ad art. 337c, p. 275; WYLER R., Droit du travail, Berne 2002, p. 387), ce qui n’interdirait cependant qu’une dérogation en défaveur du travailleur (cf. art. 362 CO).
47. En l’espèce, l’article IX al. 2 du contrat dispose que l’intimée “sera redevable au salarié d’une indemnité
de résiliation correspondante aux salaires qui auraient été versés à ce dernier à [lire: entre] la date effective de la rupture, ou du non respect des obligations sus mentionnées, et le terme du contrat”.
48. L’article IX al. 3 du contrat de travail, qui fait suite à l’article IX al.2 prévoit en outre que
“toutefois, cette indemnité ne serait pas due au cas où la rupture du contrat serait imputable au salarié, du fait d’une faute lourde. Dans ce cas et sous réserve de l’appréciation des tribunaux compétents quant à la charge de la rupture, les indemnités dues seront celles prévues par la législation du travail”.
49. Les parties ont donc spécifiquement prévu de déroger à la législation du travail et de remplacer,
dans les cas de résiliation immédiate du contrat de travail imputables à l’employeur, ce qui est le cas en l’espèce, les méthodes de calcul du dommage prévues par cette législation et la jurisprudence y relative, par l’indemnité prévue à l’article IX al. 2. La volonté de déroger à la règle de l’article 337c al. 2 CO qui s’applique par analogie au cas prévu à l’article 337b CO est donc clairement exprimée.
50. A l’instar de ce qui a été décidé par le Tribunal arbitral du sport dans les cas TAS 2007/A/1267
et TAS 2007/A/1268 où les contrats de travail en cause comprenaient une clause semblable, la
Formation constate que les parties ont donc convenu d’une clause pénale visant à fixer
conventionnellement le montant valant réparation du dommage subi par l’appelant en cas de
résiliation immédiate du contrat de travail par l’appelant en raison d’une faute de l’intimée.
51. Selon les termes de l’article IX al.2 du contrat de travail, ce montant correspond aux salaires dus
entre la date de résiliation et le terme contractuel du contrat.
52. Après une lecture attentive du contrat, rendue difficile par le fait que la terminologie n’a pas été
employée de manière uniforme, la Formation arrive à la conclusion que le terme “salaires”
employé à l’article IX al. 2 vise la rémunération mensuelle, nette d’impôts et de charges, de l’appelant prévue à l’article IV du contrat soit 13’000.- Euros.
53. Dans la mesure où la règle contractuelle mise en place par les parties vaut règlement de toutes
les prétentions de l’appelant, non seulement au titre du salaire mais également des primes et avantages complémentaires, la Formation est tenue d’examiner si ce système contrevient à l’article 337b CO, dont le contenu est absolument impératif et qui prévoit que la partie fautive doit réparer intégralement le dommage subi par l’autre partie.
54. En d’autres termes, l’indemnité prévue contractuellement ne saurait être inférieure au dommage
causé par la résiliation immédiate justifiée. Elle peut toutefois l’excéder comme cela découle de
l’interprétation par analogie d’une décision du Tribunal fédéral (4P.167/1997 du 25 novembre
1997, c. 2c), où le Tribunal fédéral avait admis la validité d’un protocole d’accord prévoyant une
indemnité supérieure à celle prévue à l’article 337c al. 3 CO et ainsi supérieure au dommage
effectivement subi.
55. Le principe de l’admissibilité d’une clause pénale contractuelle en matière de contrat de travail
étant admis, avec les réserves précitées, il sied, à l’instar de ce qui a été décidé par le Tribunal
arbitral du sport dans les cas TAS 2007/A/1267 et TAS 2007/A/1268 d’appliquer la
jurisprudence du Tribunal fédéral suisse en la matière et de fixer le montant de l’indemnité. Il conviendra ensuite de s’assurer que ce montant n’est pas inférieur au dommage subi par l’appelant, conformément à ce qui est prévu à l’article 337b CO.
56. L’institution de la clause pénale est prévue par l’art. 160 al. 1 CO, qui dispose “lorsqu’une peine a
été stipulée en vue de l’inexécution ou de l’exécution imparfaite du contrat, le créancier ne peut, sauf convention contraire, demander que l’exécution ou la peine convenue”.
57. L’art. 162 CO ajoute: “La peine est encourue même si le créancier n’a éprouvé aucun dommage” (al. 1). “Le
créancier dont le dommage dépasse le montant de la peine, ne peut réclamer une indemnité supérieure qu’en
établissant une faute à la charge du débiteur” (al. 2).
58. Enfin, l’art. 163 al. 3 CO prévoit que “le juge doit réduire les peines qu’il estime excessives”.
59. Le Tribunal fédéral a jugé que cette dernière norme faisait partie de l’ordre public et que par
conséquent le juge doit l’appliquer même si le débiteur n’a pas demandé expressément de réduction, tout en observant une certaine retenue, afin de respecter le contrat le plus possible (ATF 133 III 201, c. 5.2).
60. Ainsi, une réduction de la clause pénale par le juge se justifie “lorsqu’il existe une disproportion crasse
entre le montant convenu et l’intérêt du créancier à maintenir la totalité de sa prétention, mesuré concrètement au moment où la violation contractuelle est survenue. Pour juger du caractère excessif de la peine conventionnelle, il ne faut pas raisonner abstraitement, mais, au contraire, prendre en considération toutes les circonstances du cas d’espèce” (ATF 133 III 201, c. 5.2).
61. Le Tribunal fédéral retient donc que divers critères jouent un rôle déterminant, tels que la nature
et la durée du contrat, la gravité de la faute et de la violation contractuelle, la situation économique des parties, ainsi que les éventuels liens de dépendance entre les parties (ATF 133 III 201, ibid.).
62. Lorsqu’il procède à la réduction d’une peine conventionnelle, le juge doit faire usage de son
pouvoir d’appréciation, mais il observera toutefois une certaine réserve, car les parties sont libres
de fixer le montant de la peine (art. 163 al. 1 CO) et les contrats doivent en principe être
respectés. La protection de la partie économiquement faible autorise toutefois davantage une
réduction que si sont concernés des partenaires économiquement égaux et habitués des affaires.
63. Dans un cas portant sur une vente d’avion ayant échoué, le Tribunal fédéral a ainsi jugé qu’une
peine conventionnelle de 21,21% du prix total de l’avion était excessive et l’a réduite à 10% du prix total convenu, sans toutefois ériger cette dernière proportion en principe. Le raisonnement du Tribunal fédéral aboutissant à cette proportion est inspiré des réglementations en matière de vente avec paiements préalables (ATF 133 III 201, c. 5.3 - 5.5).
64. En l’espèce, en application de l’art. IX alinéa 2 du contrat et à la lumière des conclusions prises
par l’appelant, l’indemnité de résiliation due à l’appelant est constituée par la totalité des salaires qui auraient été versés entre la date de résiliation du contrat de travail par l’appelant, soit le 21 janvier 2005, et son terme, nonobstant d’autres revenus éventuellement perçus par l’appelant entre la résiliation et le terme du contrat.
65. Ainsi, le montant total de cette indemnité se détermine de la manière suivante: le salaire de
l’appelant depuis le 1er février 2005 au 28 février 2007, soit EUR 13’000.- x 25 mois- = EUR 325’000.-.
66. A la demande de la Formation, l’appelant a produit des pièces attestant qu’il a perçu des
indemnités de chômage d’un montant total de EUR 16’961.70 pour la période du 1er janvier 2005, au 31 décembre 2005, de EUR 30’622.- pour l’année 2006 et de EUR 10’268.- pour l’année 2007, soit un total de EUR 57’851.70.
67. Ainsi, en proportion avec le salaire total de l’appelant de EUR 325’000.-, objet de la clause
pénale, le montant non imputé de EUR 57’851.70 représente une proportion de 17,80%.
68. La Formation relève que la violation contractuelle et la faute de l’intimée sont particulièrement
graves, puisqu’elle a non seulement violé plusieurs obligations contractuelles essentielles mais
n’a montré aucune volonté d’y remédier de manière satisfaisante. Or, dans le cadre d’un contrat
de travail, les devoirs de l’employeur vis-à-vis de l’employé, qui lui est subordonné, sont accrus
par rapport à d’autres contrats, notamment le contrat de vente évoqué ci-dessus. L’attitude de
l’intimée en est donc d’autant plus condamnable. Nul doute que dans un rapport de travail du
type mis en place entre les parties, l’appelant était la partie faible économiquement et non
l’intimée. Si une réduction en faveur de la partie faible se justifie plus qu’entre des parties
économiquement égaux, la Formation fera preuve d’autant plus de retenue lorsqu’ici il s’agit
d’envisager une réduction au détriment de la partie faible économiquement.
69. En outre, le contrat avait une durée importante, de 31 mois, et sa résiliation est intervenue à
peine 10 mois après son commencement pour des motifs qui se sont réalisés peu de temps après le début du contrat.
70. L’absence de dispositions prises de manière satisfaisante sur place pour l’hébergement et les
déplacements de l’appelant le plaçait dans une situation personnelle et professionnelle difficile. L’appelant était notamment contraint le plus clair du temps à exercer son métier depuis la France en dehors des brèves périodes de stage ou de préparation avant les matchs.
71. Compte tenu de ce qui précède, une différence de 17,80% entre l’application des dispositions
contractuelles et légales n’est pas excessive.
72. Le caractère raisonnable du montant de l’indemnité contractuelle étant établi, la Formation doit
désormais, en raison du caractère impératif de l’article 337b CO, se pencher sur les autres postes du dommage invoqués par l’appelant afin de déterminer le dommage total subi par l’appelant et de s’assurer que celui-ci est entièrement couvert par l’indemnité contractuelle ainsi fixée.
73. La Formation note que cette démarche peut également se justifier sous l’angle de l’art. 161 al.2
CO qui permet une indemnisation additionnelle si le créancier prouve un dommage supplémentaire ainsi qu’une faute de la part du débiteur, nonobstant le montant de la peine conventionnelle: cet article stipule en effet que “le créancier dont le dommage dépasse le montant de la peine, ne peut réclamer une indemnité supérieure qu’en établissant une faute à la charge du débiteur”. Le créancier doit bien entendu en outre prouver le dommage réellement subi.
a) Les primes de match
74. L’appelant demande EUR 74’352.- à titre d’indemnité de résiliation correspondant aux primes
de matchs. “qu’il aurait dû percevoir du 1er février 2005 jusqu’à la date du terme de son contrat, soit le 28 février 2007”.
75. La Formation relève d’abord que l’appelant n’apporte aucune pièce ou information
convaincante de nature à étayer cette prétention. Dans une telle situation, la doctrine recommande “de se livrer à une appréciation et tabler sur ce qui a été obtenu pendant des périodes antérieures comparables” (WYLER R., Droit du travail, Berne 2008, p. 514, avec renvoi aux références citées). Les quelques informations sur les primes passées ne permettent cependant pas d’extrapoler un montant pour l’avenir. La Formation relève que le calcul porte sur les résultats d’une équipe nationale qui évolue irrégulièrement en fonction des campagnes de qualification et est soumise à divers facteurs saisonniers. L’incertitude est trop grande pour fixer le montant hypothétique des primes dues à l’appelant durant la période de résiliation.
76. La Formation retient donc qu’elle ne dispose pas d’éléments suffisants pour considérer que
l’appelant a souffert d’un dommage de EUR 74’352.-, au titre de primes de matchs non perçues durant la période du 1er février 2005 au 28 février 2007.
b) Les avantages complémentaires prévus à l’article VI
77. L’appelant a requis le paiement de EUR 34’300.75 correspondant aux avantages
complémentaires prévus par l’art. VI du contrat, sur la base d’un calcul dont les chiffres ne sont toutefois pas justifiés.
78. En effet, la Formation a entendu l’appelant qui a confirmé être propriétaire de sa maison et de
son véhicule en France. La Formation observe en outre que l’appelant ne réclame rien pour le
passé mais uniquement pour la période suivant la résiliation immédiate du contrat de travail.
79. Compte tenu de ce qui précède, la Formation retient d’abord que l’appelant ne prouve pas à
satisfaction de droit un quelconque dommage causé à ses autres biens en raison de la prestation défectueuse ou inexécutée.
80. La Formation relève ensuite que les avantages complémentaires prévus à l’article VI sont en
relation directe avec l’exécution de son travail au Congo. Du moment que l’exercice de cette activité a été interrompu, les avantages en cause n’avaient plus lieu d’être. Enfin, s’il s’agissait pour l’appelant d’obtenir par ce biais une rémunération supplémentaire, il n’aurait pas manqué de chiffrer également ses prétentions pour la période du 1er mars 2004 au 28 février 2005, puisque l’appelant allègue que durant cette période, aucun logement de fonction ni aucune voiture de fonction ne lui avaient été mis à disposition. Or, il ne l’a pas fait, ce qui démontre qu’à ces yeux ces avantages supplémentaires étaient liés à l’exercice de son activité et ne représentaient pas une forme particulière de rémunération.
81. L’appelant n’invoque pas non plus qu’il espérait tirer un revenu d’une éventuelle location de sa
maison en France durant son séjour au Congo. Il n’évoque pas de revenu locatif lié à sa maison. La Formation n’a donc pas à aborder la question d’un éventuel gain manqué en relation avec la location possible de la demeure de l’appelant.
82. Pour les raisons qui précèdent, la Formation constate que l’appelant n’apporte aucun élément
prouvant l’existence d’un dommage en relation avec les avantages complémentaires prévus à
l’article VI du contrat de travail qui ne lui ont pas été alloués en raison de la résiliation anticipée
du contrat.
c) Le tort moral
83. L’appelant a par ailleurs demandé une compensation de EUR 100’000.-, au titre de réparation
du préjudice moral subi. A l’appui de cette prétention, l’appelant fait valoir l’interruption brutale de sa carrière sportive ainsi que le sentiment de responsabilité vis-à-vis des employés de l’intimée, L. et R. qu’il avait fait venir au Congo et qui ne percevaient aucun salaire.
84. Le Tribunal fédéral suisse a eu l’occasion de se pencher de manière complète sur la question
des conditions auxquelles un salarié peut réclamer à son employeur une indemnité pour tort
moral. A l’ATF 130 III 704 c. 5, ce Tribunal a ainsi retenu qu’en application des conditions
fixées à l’article 49 al. 1 CO, “celui qui subit une atteinte illicite à sa personnalité a droit à une somme
d’argent à titre de réparation morale, pour autant que la gravité de l’atteinte le justifie et que l’auteur ne lui ait
pas donné satisfaction autrement”. Cette disposition est donc également applicable en cas
d’inexécution d’un contrat de travail, de par le jeu des arts. 328 CO et 99 al. 3 CO (cf. ATF. 125
I 170, c. 3a, p. 74).
85. La jurisprudence du Tribunal fédéral suisse prévoit à cet égard que l’ampleur de la réparation
morale dépend avant tout de la gravité des souffrances physiques ou psychiques consécutives à
l’atteinte subie par la victime et de la possibilité d’adoucir sensiblement, par le versement d’une
somme d’argent, la douleur morale qui en résulte (ATF 129 IV 22 c. 7.2 p. 36; ATF 125 III 269,
c. 2a p. 273). N’importe quelle atteinte légère à la réputation professionnelle, économique ou sociale d’une personne ne justifie pas une réparation (ATF 125 III 75 c. 3a).
86. En raison de sa nature, l’indemnité pour tort moral est difficilement quantifiable. L’indemnité
allouée doit toutefois être équitable (ATF 129 IV 22, c. 7.2 p. 36; arrêt du 7 septembre 2004, dans la cause 4C. 116/2004).
87. En l’espèce, les attentes de l’appelant ont certes été déçues. II pensait pouvoir travailler trois
ans au Congo. Il a modifié en conséquence l’organisation de sa vie. Pourtant, il n’était pas sans
savoir que le bon déroulement de son contrat était tributaire de multiples facteurs. La Formation
considère ainsi que l’appelant a lui-même accepté le risque que son engagement par l’intimée ne
se passe pas sans problèmes. En échange du salaire important qui l’attendait au Congo, il a
renoncé à sa vie en France. La Formation relève en outre que le libellé de l’article VI du contrat
démontre que l’appelant était pleinement conscient des risques liés à sa décision, sans quoi il
s’en serait remis à la législation sur le travail et n’aurait pas fait spécifier un cas de résiliation
immédiate et les conséquences financières d’une résiliation par la faute de l’intimée.
88. Si la Formation n’est pas insensible aux sentiments de l’appelant face à la situation de ses
collègues dans les affaires TAS 2007/A/1267 et TAS 2007/A/1268, ce point ne peut toutefois justifier une indemnité pour tort moral, notamment eu égard à la jurisprudence précitée.
89. Tout comme dans les décisions prises par le TAS dans les affaires TAS 2007/A/1267 et TAS
2007/A/1268, la Formation considère aussi que le préjudice de l’appelant ne saurait être qualifié de “moral”, étant donné que l’appelant n’a pas été touché dans son honneur ou sa réputation par les actes de l’intimée. Il n’a subi aucun dommage en dehors du dommage strictement matériel qui lui sera d’ailleurs intégralement remboursé, y compris une peine conventionnelle qui déroge, en sa faveur, aux règles habituelles du droit suisse en la matière.
90. Certes, l’appelant laisse entendre que l’interruption de son contrat de travail ne lui aurait pas
permis de tirer les fruits de son travail auprès de l’intimée ce qui aurait porté atteinte à la suite
de sa carrière, notamment compte tenu de son âge et justifierait une indemnité de EUR 100’000.
La Formation ne peut toutefois retenir cet argument, d’une part parce que cette prétendue
atteinte à l’avenir économique est tout simplement impossible à quantifier et d’autre part parce
que la Formation considère que dans le monde du football professionnel et encore plus dans le
métier d’entraineur, il est très fréquent que les contrats ne viennent pas à terme. Ce risque est
connu et doit être accepté. Le fait que le contrat de travail ait dû être résilié, même par la faute
de l’intimée, ne saurait donc donner droit à un dédommagement supplémentaire au titre du tort
moral.
91. En résumé, la résiliation immédiate justifiée d’un contrat de travail pour une faute de l’autre
partie qui ne relève pas d’une atteinte illicite à la personnalité de l’employé ne peut en tant que
telle générer le droit de percevoir une indemnité pour tort moral nonobstant les conséquences
négatives d’une telle résiliation. Ce sont bien les motifs de la résiliation qui doivent fonder une
prétention en tort moral et non les conséquences de cette résiliation. Or, la Formation ne voit
pas quelle atteinte illicite à la personnalité de l’appelant ou quelle autre atteinte illicite aurait été
commise par l’intimée dans cette affaire. La Formation rejette la plainte sur ce point au double
motif d’une part qu’il n’y a rien de dégradant ou susceptible de porter atteinte à l’honneur dans
le processus qui a conduit à la résiliation du contrat de l’appelant et d’autre part qu’il s’agit d’un
cas typique de désaccord contractuel. Par conséquent, la Formation n’est pas d’avis que le
paiement d’une indemnité pour tort moral soit justifié. En outre, si l’appelant tenait vraiment
au paiement d’une indemnité pour tort moral en cas de rupture contractuelle, indépendamment
des conditions dans lesquelles la rupture a eu lieu, il aurait pu consacrer cette violation par
l’insertion d’une clause ad hoc dans le contrat complétant la clause pénale de l’article IX, ce qu’il
n’a pas fait
92. Compte tenu de ce qui précède, la Formation rejette également la prétention de l’appelant à une
indemnité pour tort moral.
93. L’appelant ne prouve ainsi pas l’existence d’un dommage qui excéderait le montant de
l’indemnité prévue à l’article VI de son contrat de travail. La Formation n’a donc pas à analyser plus loin la question de l’application de l’article 161 al.2 CO et la Formation constate que la peine conventionnelle prévue répare donc intégralement le dommage causé et prouvé de l’appelant de sorte que l’article 337b alinéa 1 CO est respecté.
Le Tribunal Arbitral du Sport prononce:
1. Déclare recevable l’appel déposé par Monsieur Christian Letard, contre la décision de la
Commission du Statut du Joueur notifiée le 7 février 2008.
2. Au fond, annule la décision entreprise.
3. Statuant à nouveau, condamne la Fédération Congolaise de Football (FECOFOOT) à verser à
Monsieur Christian Letard le montant de EUR 325’000.- nets à titre d’indemnité pour résiliation immédiate justifiée du contrat de travail.
4. (…)
5. Rejette toutes autres ou plus amples conclusions des parties.
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