TAS-CAS – Tribunale Arbitrale dello Sport – Corte arbitrale dello Sport (2014-2015)———-Tribunal Arbitral du Sport – Court of Arbitration for Sport (2014-2015) – official version by www.tas-cas.org – Arbitrage TAS 2013/A/3401 Tijani Belaid c. SK Slavia Praha, sentence du 3 décembre 2014

TAS-CAS - Tribunale Arbitrale dello Sport - Corte arbitrale dello Sport (2014-2015)----------Tribunal Arbitral du Sport - Court of Arbitration for Sport (2014-2015) - official version by www.tas-cas.org - Arbitrage TAS 2013/A/3401 Tijani Belaid c. SK Slavia Praha, sentence du 3 décembre 2014 Formation: Me Patrick Lafranchi (Suisse), Arbitre unique Football Convention de dissolution du contrat de travail Pouvoir de cognition du TAS Interprétation d’un contrat Possibilité de convenir d’une peine conventionelle en plus d’intérêts moratoires Principe “in dubio contra stipulatorem” Réduction d’office des peines contractuelles disproportionnées 1. L’article R57 du Code de l’arbitrage en matière de sport prévoit que “la formation revoit les faits et le droit avec plein pouvoir d’examen”. La formation arbitrale n’est ainsi nullement liée par les constatations de faits ou l’appréciation des preuves faites par la première instance et peut soit rendre une nouvelle décision se substituant à la décision attaquée, soit annuler cette dernière et renvoyer la cause à l’autorité qui a statué en dernier. 2. Conformément aux principes généraux d’interprétation d’un contrat la question de la volonté réelle des parties se pose en premier lieu. S’il n’est plus possible de la constater ultérieurement de façon indubitable, il convient de déterminer leur volonté présumée, sur la base d’une interprétation objective du contrat. 3. Les intérêts moratoires se distinguent d’une peine conventionnelle. Les intérêts moratoires visent à compenser une prestation tardive. En revanche, la peine conventionnelle peut être convenue dans le cas où une obligation contractuelle n’a pas ou incorrectement été remplie; la dernière protège donc l’exécution de l’obligation principale. La convention d’une peine conventionnelle en plus d’intérêts moratoires n’est donc pas exclue per se, puisque les deux sanctions poursuivent des objectifs distincts. 4. Des éventuelles incertitudes ou inexactitudes émanant des dispositions d’un contrat sont à interpréter en défaveur de la partie qui a établi et rédigé le contrat, d’après le principe “in dubio contra stipulatorem”. 5. Aussi bien selon le droit tchèque que le droit suisse, les peines conventionnelles disproportionnées doivent être réduites d’office. Les critères déterminants pour l’évaluation de la proportionnalité d’une peine conventionnelle sont les suivants: a) la gravité de la violation du contrat; b) la faute de la partie contractante qui est responsable de la violation du contrat; c) l’expérience commerciale des parties contractantes; d) la situation financière des parties; e) la proportion entre la peine conventionnelle et le dommage subi. I. LES PARTIES 1. Monsieur Tijani Belaid (ci-après “l’Appelant” ou “le joueur”) est un joueur de football professionnel de nationalité tunisienne, né le 6 septembre 1987 à Paris. 2. Le SK Slavia Praha (ci-après “l’Intimé” ou “le club”) est un club de football affilié à la Fédération de la République Tchèque de Football, elle-même affiliée à la FIFA, dont le siège est situé à Prague, République Tchèque. II. LES FAITS 3. Le 24 juin 2008, les parties ont conclu un contrat de joueur professionnel pour la période du 1er juillet 2008 au 30 juin 2012. En novembre 2010, l’Intimé restait redevable à l’Appelant d’une somme de 3 000 000.00 CZK à titre de salaires non payés. Le 20 janvier 2011, les parties ont conclu un contrat de dissolution (cancellation agreement, ci-après “le Contrat”) avec prise d’effet au “14” janvier 2011. 4. Au terme du Contrat, le joueur acceptait de renoncer à 50 % des salaires dus (soit 1 500 000 CZK) et ce afin de recouvrer sa liberté. Selon les termes de l’article V, le joueur n’était, du fait de l’annulation du contrat, plus obligé d’offrir ses services au club et libre de trouver un nouvel employeur. L’Intimé s’engageait ainsi, à l’article VI, à délivrer le certificat international de transfert (ci-après “le CIT») sans délai ni condition dès que ce certificat serait demandé par une fédération. 5. Le club s’engageait en outre à payer les 50% restant dus, à savoir 1 500 000 CZK,selon les modalités de paiement suivantes: “600 000.00” (sic) CZK le 31 mars 2011 500 000.00 CZK le 31 juin 2011 500 000.00 CZK le 30 septembre 2011 6. Le club s’engageait par ailleurs à payer des intérêts (8 %) en cas de retard dans les paiements mentionnés à l’article III du contrat de dissolution. A l’article VII, le club s’engageait également à payer une pénalité de 100 000.00 EUR en cas de non-respect des obligations resultants du Contrat. 7. Malgré ces engagements, le club n’a pas respecté l’échéancier de paiement convenu. L’Intimé a ainsi été mis en demeure de verser à l’Appelant l’intégralité des sommes dues majorées des intérêts de retard sous huit jours, par courrier du 12 décembre 2011. Dans cette lettre, l’Appelant a informé l’Intimé qu’il se verrait dans l’obligation de réclamer la pénalité de 100 000.00 EUR si la somme due (intérêts de 8 % compris) n’était pas payée dans ce délai de huit jours. 8. Le club a versé la somme de 417 550.00 CZK à l’Appelant le 16 novembre 2011. Par la lettre du 13 décembre 2011, l’Intimé a informé l’Appelant qu’il ne serait pas possible pour le club de payer l’intégralité de la somme due dans le délai imparti. 9. Du fait que la somme due n’était pas payée intégralement, l’Appelant a saisi la Chambre de Résolution des Litiges de la FIFA (ci-après “la CRL”) en date du 29 décembre 2011 et a requis la condamnation de l’Intimé au paiement de la somme de 1 082 450.00 CZK (1 500 000.00 CZK moins la somme de 417 550.00 CZK déjà versée), des intérêts de retard à hauteur de 8 % ainsi que de la somme de 100 000.00 EUR correspondant à la clause pénale figurant à l’article VII du contrat de dissolution du 20 janvier 2011. III. DÉCISION DE LA CHAMBRE DE RÉSOLUTION DES LITIGES DE LA FIFA 10. Devant la CRL, l’Intimé a reconnu la dette de 1 082 450.00 CZK, mais a contesté l’obligation de payer la somme de 100 000.00 EUR. L’Intimé a estimé que cette pénalité de 100 000.00 EUR ne serait due que si le club n’avait pas remis le CIT à l’Appelant. Le CIT ayant été délivré le 26 janvier 2012, la pénalité de 100 000.00 EUR ne serait pas due. 11. De son côté, l’Appelant estimait que la peine conventionnelle prévue par l’article VII du Contrat avait été ajoutée pour le cas où l’Intimé manquerait (à nouveau) à ses obligations de paiement. 12. La précédente instance a considéré dans sa décision qu’il serait excessif d’octroyer et la peine conventionnelle convenue à l’article VII et les intérêts de 8 % prévus à l’article X en cas de retard. L’instance précédente a ainsi jugé que soit la peine conventionnelle de 100 000.00 EUR soit les intérêts moratoires de 8 %, mais pas les deux cumulativement, étaient dus. Pour cette raison, il fallait déterminer laquelle de ces pénalités était applicable en tenant compte de leur proportionnalité et de leur but. 13. Par la suite, l’instance précédente a jugé que la peine conventionnelle de l’article VII du Contrat servait à assurer la remise du CIT conformément à l’article VI tandis que les intérêts moratoires de 8 % constituaient une amende conventionnelle accordée en cas de retard de paiement. 14. Pour ces raisons, l’instance précédente a décidé de ne reconnaître à l’Appelant que le droit aux intérêts moratoires de 8 % (dus à partir du 29 décembre 2011 et jusqu’au paiement effectif) mais non à la peine conventionnelle de 100 000.00 EUR. 15. La décision prise par la CRL le 25 avril 2013 était formulée en ces termes: 1. The claim of the Claimant, Tijani Belaid, is partially accepted. 2. The Respondent, SK Slavia Praha, has to pay to the Claimant, within 30 days as from the date of notification of this decision, the amount of Czech Koruna (CZK) 1’082’450.00 plus 8% interest p.a. on said amount as of 29 December 2011 until the date of effective payment. 3. If the aforementioned sum plus interest is not paid within the stated time limit, the present matter shall be submitted, upon request, to the FIFA Disciplinary Committee for consideration and a formal decision. 4. Any further claim lodged by the Claimant is rejected. 5. The Claimant is directed to inform the Respondent immediately and directly of the account number to which the remittance is to be made and to notify the Dispute Resolution Chamber of every payment received. 16. Cette décision fait l’objet du présent appel. IV. LA PROCÉDURE DEVANT LE TRIBUNAL ARBITRAL DU SPORT 17. Le 26 novembre 2013, l’Appelant a déposé au Tribunal Arbitral du Sport (ci-après “TAS”) une déclaration d’appel à l’encontre de la décision de la CRL du 25 avril 2013. 18. Dans sa déclaration d’appel, l’Appelant a demandé à ce que l’appel soit soumis à un arbitre unique. 19. Le 9 décembre 2013, l’Appelant a soumis un mémoire d’appel et pris les conclusions suivantes: À titre principal: Confirmer la décision de la FIFA en ce qu’elle a condamné le Slavia Praha au paiement de CZK 1’082’450, soit € 44’000, outre les intérêts de retard de 8%. Réformer la décision de la FIFA quant à l’applicabilité de la clause pénale de € 100’000 en cas de manquement du Slavia Praha à son obligation de paiement. Dire et juger la clause pénale de € 100’000 applicable à l’obligation de paiement du Slavia Praha. Constater que le Slavia Praha n’a pas respecté son obligation de paiement conformément à l’échéancier convenu et malgré mise en demeure de l’Intimé, puis condamnation par la CRL de la FIFA. Condamner le Slavia Praha au paiement de la somme de € 100’000 pour inexécution de son obligation de paiement. À titre subsidiaire: Constater que la clause de pénalité porte en partie sur la délivrance d’un CIT par le Slavia Praha, clause partiellement illicite et dont l’objet est impossible. Dire et juger la clause pénale nulle mais seulement pour la fraction se rapportant à l’émission d’un CIT et laisser pleine application aux autres dispositions. Condamner le Slavia Praha à payer à Monsieur Belaid la somme de € 100’000. À titre infiniment subsidiaire: Dire et juger le contrat “cancellation agreement” entaché d’un vice du consentement. Prononcer la nullité dudit contrat de résiliation amiable. Condamner le Slavia Praha à payer à Monsieur Belaid la somme de € 218’000. En tout état de cause: Condamner le Slavia Praha au paiement de la somme de € 24’840, soit € 29’708.64 TTC, correspondant aux frais de défense de Monsieur Belaid, outre les dépens exigés par le TAS au nombre desquels figurent notamment les droit de greffe (CHF 1’000.00) et les frais administratifs (Article 7 CO). Condamner le Slavia Praha au paiement de ces sommes sous astreinte de € 500 par jour de retard à compter de la décision à intervenir. 20. Par courrier du 17 décembre 2013, livré à l’Intimé en date du 18 décembre 2013, le Greffe du TAS a initié la présente procédure et a invité l’Intimé à faire part de sa position quant à la désignation d’un arbitre unique dans un délai d’une semaine et à soumettre sa réponse dans un délai de vingt jours. 21. Par courrier du 8 janvier 2014, le Greffe du TAS a informé les parties que vu l’absence d’objection de l’Intimé et les circonstances de la présente affaire, le Président de la Chambre arbitrale d’appel du TAS avait décidé de soumettre cette procédure à un arbitre unique. Une Formation arbitrale constituée de Me Patrick Lafranchi, avocat à Berne, Suisse, a été constituée le 21 février 2014. 22. Les parties ont été interpellées quant au droit applicable au fond par courrier du 16 avril 2014, mais seul l’Appelant, par courrier du 28 avril 2014, s’est exprimé sur ce point. 23. L’Intimé n’a pas non plus déposé de réponse au mémoire d’appel de l’Appelant. 24. Le 4 juin 2014, l’Appelant a signé l’ordonnance de procédure notifiée aux deux parties. L’Intimé n’a pas signé ce document. 25. Par la lettre du 6 juin 2014, le TAS a invité l’Intimité à donner son éventuel accord avec l’application du droit Suisse. L’Intimé n’a fait part d’aucun accord éventuel sur ce point. 26. L’audience s’est tenue le 11 juin 2014 au siège du TAS de Lausanne en présence des personnes suivantes: Monsieur Tijani Belaid, Appelant; Maître Redouane Mahrach, conseil de l’Appelant; Maître Patrick Lafranchi, Arbitre unique; Maître Pauline Pellaux, Conseillère auprès du TAS. 27. Au cours de l’audience, l’Appelant a eu l’occasion de présenter et de défendre sa position. Comme il l’avait précédemment annoncé par courrier du 21 mai 2014, l’Intimé a renoncé à participer aux débats. Il n’a pas non plus fait usage de la possibilité offerte par courrier du TAS du 22 mai 2014 de participer à l’audience par vidéo ou audio conférence. V. POSITIONS DES PARTIES 28. Le résumé suivant ne mentionne que brièvement les principaux arguments des parties. L’arbitre unique a toutefois naturellement étudié attentivement la totalité du dossier en tenant compte de tous les arguments présentés et de toutes les preuves produites. A. ARGUMENTS DE L’APPELLANT 29. Les arguments de l’Appelant à l’appui de ses prétentions peuvent être brièvement résumés comme suit: 30. A l’article VII du Contrat, les parties ont convenu qu’une peine conventionnelle de 100 000.00 EUR serait due en cas de non-respect de ses obligations contractuelles par l’Intimé. Les délais de paiement n’ayant pas été respectés, prevue serait faite que le Contrat ne l’a pas été. La peine conventionnelle serait donc exigible. 31. L’Intimé étant tenu d’honorer ses obligations contractuelles en vertu du principe “pacta sunt servanda”, la peine conventionnelle serait due. 32. L’accord a été rédigé et formulé par l’Intimé. En qualité de rédacteur du Contrat il lui appartenait de le rédiger spécifiquement en ce sens que la clause pénale ne serait due que si le CIT n’était pas établi. 33. La condemnation de l’Intimé à verser des intérêts moratoires et la peine conventionnelle ne seraient par ailleurs pas excessives, en raison des renonciations importantes (équivalentes à la moitié de son salaire) consenties par l’Appelant: du fait que le non-paiement de son salaire aurait justifié la rupture de son contrat de travail avec juste cause et des conséquences du comportement de l’Intimé sur sa santé – le joueur ayant, en raison d’un stress professionnel, souffert de troubles de la thyroïde, lesquels constituent un obstacle important à son engagement par un nouveau club. 34. Concernant le droit applicable, force serait de constater que les droits suisse et tchèque seraient très similaires. L’Appelant souligne par ailleurs que comme toutes les questions ici pertinentes seraient réglées par le Contrat, la question du choix du droit applicable ne se poserait même pas, l’article X ne se référant au droit tchèque que pour combler d’éventuelles lacunes. 35. Si un droit étatique devait être appliqué, ce serait toutefois le droit suisse. Les parties auraient en effet expressément consenti à ce que la procedure soit menée par la FIFA puis, le cas échéant, par le TAS. Les parties auraient donc pour cela expressément reconnu les règlements de la FIFA et du TAS. D’après l’article 66, alinéa 2 des statuts de la FIFA, le TAS appliquerait en premier lieu les règlements de la FIFA et le droit suisse à titre supplétif. Le règlement de l’article 66, alinéa 2 des statuts exclurait en outre également l’application de toutes règles de conflitstelles que celle de l’article 187 alinéa 1 de la loi sur le droit international privé (“LDIP”). Pour cette raison, le droit applicable en l’espèce serait le droit suisse. 36. En résumé, l’Appelant affirme que la peine conventionnelle de 100 000.00 EUR est due au même titre que les intérêts moratoires. B ARGUMENTS DE L’INTIMÉ 37. L’Intimé n’a pas soumis de réponse au mémoire d’appel de l’Appelant et n’a pas participé à l’audience du 11 juin 2014. 38. Au cours de la précédente instance, l’Intimé avait néanmoins soutenu que la peine conventionnelle n’était pas due car le paiement de celle-ci ne serait exigible que si le CIT n’avait pas été remis ou remis trop tardivement. VI. COMPÉTENCE DU TAS, RECEVABILITÉ ET DROIT APPLICABLE A. COMPÉTÉNCE ET POUVOIR D’EXAMENT DU TAS 39. La compétence du TAS est fondée sur l’article R47 du Code de l’arbitrage en matière de sport, version 2013 (“Code”), qui dispose: Un appel contre une décision d’une fédération, association ou autre organisme sportif peut être déposé au TAS si les statuts ou règlements dudit organisme sportif le prévoient ou si les parties ont conclu une convention d’arbitrage particulière et dans la mesure aussi où l’Appelant a épuisé les voies de droit préalables à l’appel dont il dispose en vertu des statuts ou règlements dudit organisme sportif. 40. La décision attaquée en l’espèce a été rendue par la CRL en application des dispositions des statuts de la FIFA. 41. L’article 67, alinéa 1 des statuts de la FIFA dispose: Tout recours contre des décisions prises en dernière instance par la FIFA, notamment les instances juridictionnelles, ainsi que contre des décisions prises par les confédérations, les membres ou les ligues doit être déposé auprès du TAS dans un délai de vingt-et-un jours suivant la communication de la décision. 42. Par conséquent, le TAS est compétent pour connaître du présent litige. 43. L’arbitre unique a en outre un pouvoir d’examen complet, l’article R57 du Code prévoyant que “la formation revoit les faits et le droit avec plein pouvoir d’examen”. La Formation peut ainsi soit rendre une nouvelle décision se substituant à la décision attaquée, soit annuler cette dernière et renvoyer la cause à l’autorité qui a statué en dernier. La jurisprudence du TAS a souligné ce plein pouvoir d’examen dans le cadre de l’instruction de la cause à plusieurs reprises. 44. L’arbitre unique n’est donc nullement lié par les constatations de faits ou l’appréciation des preuves faites par la CRL. Il peut les revoir librement et peut, au besoin, les apprécier à nouveau. B. RECEVABILITÉ 45. L’article 67 des statuts de la FIFA dispose que le recours doit être déposé auprès du TAS dans un délai de 21 jours suivant la communication de la décision. 46. En l’espèce, la décision de la CRL du 25 avril 2013 a été notifiée aux parties le 7 novembre 2013. Envoyée au TAS par télécopie du 26 novembre 2013 et par courrier du 27 novembre 2013, la déclaration d’appel a été déposée dans le délai imparti. 47. Par ailleurs, la déclaration d’appel répond aux exigences formelles des articles R47, R48 et R64.1 du Code. 48. Par conséquent, l’appel est recevable. C. DROIT APPLICABLE 49. Tandis que l’Appelant affirme que le droit applicable à titre supplétif est le droit suisse l’Intimé ne s’est pas exprimé sur ce point. Dans le cadre de l’examen de cette question, il faut tenir compte de différents aspects. 50. Il convient, en premier lieu, d’examiner de plus près les clauses contractuelles. A l’article XI du Contrat, les parties ont convenu ce qui suit: Any amendment or change of the agreement requires a written form. Issues not stipulated in this agreement shall be governed by appropriate provisions of the law of the Czech Republic. 51. On peut donc premièrement constater que les parties ont convenu de l’applicabilité du droit tchèque pour le cas où un point ne serait pas réglé dans le Contrat. 52. De son côté, l’article R58 du Code dispose ce qui suit: Droit applicable au fond La Formation statue selon les règlements applicables et, subsidiairement, selon les règles de droit choisies par les parties, ou à défaut de choix, selon le droit du pays dans lequel la fédération, association ou autre organisme sportif ayant rendu la décision attaquée à son domicile ou selon les règles de droit que la Formation estime appropriées. Dans ce dernier cas, la décision de la Formation doit être motivée. En ce qui concerne le droit applicable, l’article R58 du Code renvoie donc tout d’abord aux règles de la FIFA, et “subsidiairement” aux règles de droit choisies par les parties. 53. Quant à l’article 66, alinéa 2 des statuts de la FIFA, il stipule ce qui suit: La procédure arbitrale est régie par les dispositions du code de l’arbitrage en matière de sport du TAS. Le TAS applique en première lieu les divers règlements de la FIFA ainsi que le droit Suisse à titre supplétif. À leur tour, les statuts de la FIFA renvoient aux dispositions procédurales du Code. En ce qui concerne le droit matériel, il est fait référence aux règles de la FIFA. En cas de lacune dans celles-ci, le droit suisse est applicable. Le but de cette règle de la FIFA est que toutes les procédures devant le TAS (dans la mesure où elles concernent la FIFA) soient soumises au même droit applicable à titre supplétif (le droit suisse)1 . 54. Toutefois l’article 2 du Règlement de la Commission du statut du joueur et de la Chambre de résolution des litiges prévoit: 2. Droit matériel applicable Dans l’exercice de leurs compétences juridictionnelles et l’application du droit, la Commission du Statut du Joueur et la CRL appliquent les Statuts de la FIFA et les règlements de la FIFA en tenant compte de tous les accords, lois et/ou conventions collectives nationaux ainsi que de la spécificité du sport. 55. En plus il convient de tenir compte de l’article 187 de la LDIP, qui stipule ce qui suit: VIII. Décision au fond 1. Droit applicable 1 Le tribunal arbitral statue selon les règles de droit choisies par les parties ou, à défaut de choix, selon les règles de droit avec lesquelles la cause présente les liens les plus étroits. 2 Les parties peuvent autoriser le tribunal arbitral à statuer en équité. En vertu de cette règle, le TAS, en tant que tribunal arbitral, doit donc en principe respecter le choix des parties en ce qui concerne le droit applicable, selon le principe “pacta sunt servanda”. Or, il pourrait être soutenu qu’en soumettant leur litige devant la FIFA, puis devant le TAS, les parties ont, postérieurement au choix effectué au sein de leur contrat, tacitement élu le droit suisse2 . 56. Au vu de ces différentes dispositions, il existe donc une possible contradiction entre le droit qui serait applicable en vertu de l’article R58 du Code et du choix des parties (droit tchèque ou droit suisse si l’ouverture d’une procédure devant la FIFA est considéré comme une élection de droit postérieure au contrat) et le droit qui serait applicable en vertu de l’article 66, alinéa 2 des statuts de la FIFA (droit suisse). 57. L’existence ou non d’une telle contradiction et, dans l’affirmative, la solution qu’il conviendrait d’apporter à un tel conflit ne doivent toutefois être tranchées que si les divergences entre le droit tchèque et le droit suisse ont une incidence sur la présente décision. VII. SUR LE FOND A. LA VOLONTÉ DES PARTIES – CONTENU DU CONTRAT 58. La seule question de fond ici litigieuse est de savoir si la peine conventionnelle prévue à l’article VII du Contrat est exigible en sus des intérêts moratoires mentionnés à l’article X du Contrat ou non. Il 1 TAS 2005/A/983 & 984, para. 24. 2 Voir, par exemple, CAS 2008/A/1517, para. 7. convient en effet de souligner ici que, lors de l’audience, l’Appelant a confirmé que la somme due aux termes du chiffre 2 du dispositif de la décision appelée avait été payée par l’Intimé. 59. Pour pouvoir statuer sur cette question, il convient de prendre soigneusement en considération le texte du Contrat qui stipule: III. The Club owes to the Player remuneration for the past (last calculated month November 2010) amounting to CZK 3’000.000 (in words: Czech Krona three-million). Herewith the Player waives on 50% of this claims against the Club amounting to CZK 1’500’000. The remaining claim (50% of the total claim) of the Player amounting to CZK 1’500.000 (in words: Czech Krona one-million-five-hundred-thousand) has to be paid by the Club to the bank account of the Player in three instalments. The instalments are due as follows: CZK 600’000 on 31 March 2011, CZK 500’000 on 31 June 2011, CZK 500’000 on 30 September 2011. IV. Due to this waiver and due to this agreement the Parties mutually agree on the cancellation of the employment agreement with effect as of 18 January 2011. V. Due to this cancellation, the Player is not anymore obliged to play for the Club. He is entitled to sign a new employment contract with any other professional football club. VI. The Club is obliged to issue, if requested by the Czech Football Federation or any other Football Federation, an International Transfer Certificate for the Player without any provisions or terms. The Club is obliged to issue the International Transfer Certificate immediately and without any hesitation. VII. If the Club breaches the regulations of this contract, especially No. VI., the Club has to pay a penalty amounting to € 100’000 (in words: Euro one-hundred-thousand) to the Player. VIII. This agreement comes into effect on the day of signing by both Parties. IX. With this cancellation agreement any claim of the Parties against each other will be treated as fulfilled, except the open claim regulated in No. III. X. If one of the instalments that the Club owes to the Player according to No. III. of this agreement (50% of the remuneration for the past) will not be paid until the aforementioned respective due date, with effect as of the following day of the agreed due date the Club has to pay interests of 8% (eight percent) per year on the unpaid amount. The interest is due on December 31 of each year. If the Club pays the open amount with a final payment during the year, the interest has to be paid together with the final payment. 60. L’étape suivante tiendra compte du constat fait à la lecture des dispositions contractuelles que les parties ont convenu d’intérêts moratoires à hauteur de 8 % en plus de la peine conventionnelle. Le Contrat ne dit pas explicitement si l’application de chacune de ces deux dispositions est cumulative ou exclusive. 61. En premier lieu et conformément aux principes généraux d’interprétation valables tant en droit suisse qu’en droit tchèque se pose donc la question de la volonté réelle des parties sur ce point. S’il n’est plus possible de la constater ultérieurement de façon indubitable, il convient de déterminer leur volonté présumée, sur la base d’une interprétation objective du contrat. Les faits suivants aident au constat de cette volonté: - Pour commencer, il convient de préciser à ce sujet que les intérêts moratoires se distinguent d’une peine conventionnelle. Les intérêts moratoires visent à compenser une prestation tardive. En revanche, la peine conventionnelle peut être convenue dans le cas où une obligation contractuelle n’a pas ou incorrectement été remplie. La convention d’une peine conventionnelle en plus d’intérêts moratoires n’est donc pas exclue per se, puisque les deux sanctions poursuivent des objectifs distincts. Comme soutenu par l’Appelant, la peine conventionnelle et l’accord sur les intérêts moratoires figurant au Contrat poursuivent différents objectifs. Les intérêts moratoires convenus doivent ainsi compenser un retard de paiement de la dette. La peine conventionnelle de 100 000.00 EUR vise, quant à elle, à garantir que les délais de paiement convenus soient respectés dans tous les cas. Cette interprétation du Contrat donne tout leur sens aux dispositions contractuelles. Si la somme due n’est pas versée sur une longue période, l’Appelant bénéficie des intérêts convenus d’un taux de 8 %. Ces intérêts moratoires sont sensés inciter l’Intimé à régler la dette en cours le plus rapidement possible pour ne pas être tenu à verser des intérêts moratoires supplémentaires. En revanche, la peine conventionnelle per se protège l’Appelant d’un paiement tardif. Si en l’espèce seule la peine conventionnelle était par exemple due et que les intérêts moratoires ne l’étaient pas, il deviendrait ouvertement possible à l’Intimé de ne pas respecter les délais de paiement et de ne s’acquitter que de la peine conventionnelle mais pas des intérêts moratoires de 8 %. Cela pourrait avoir pour conséquence que l’Intimé n’ait plus d’intérêt de régler la dette ouverte aussi rapidement que possible une fois la peine conventionnelle versée. Cet exposé démontre que la peine conventionnelle et les intérêts convenus poursuivent des objectifs distincts, ce qui porte à croire que les parties avaient l’intention d’appliquer la peine conventionnelle et les intérêts moratoires de façon cumulative. - Devant l’instance précédente, l’Intimé avait soutenu que la peine conventionnelle n’avait été convenue que pour le cas où le CIT ne serait pas délivré ou délivré tardivement. En considérant précisément la formule choisie, cette argumentation ne peut cependant pas être retenue. L’article VII du Contrat stipule ainsi que la peine conventionnelle est due si une obligation contractuelle, notamment l’obligation de l’article VI (CIT), n’est pas respectée. D’après cette formulation claire, la peine conventionnelle n’a pas été convenue uniquement pour le cas où le CIT n’aurait pas été délivré ou émis trop tardivement. Au contraire, il faut comprendre que la peine conventionnelle a été convenue pour le cas où l’une ou l’autre obligation contractuelle n’aurait pas été respectée. L’argumentation de l’Intimé sur ce point n’est donc pas convaincante. Ces considérations révèlent que les parties sont parties du principe que l’application de ces clauses était cumulative. - Il convient de préciser que, dans le cas présent, la délivrance du CIT n’aurait pas pu être garantie par une peine conventionnelle. L’article 8 de l’annexe 3 des statuts et du transfert du joueur de la FIFA prévoit en effet que, dans un délai de 7 jours suivant la réception de la demande du CIT, l’ancienne association doit: a) établir le CIT en faveur de la nouvelle association; b) informer la nouvelle association que le CIT ne peut être établi parce que le contrat entre l’ancien club et le professionnel n’a pas expiré ou qu’il n y a pas d’accord réciproque concernant une résiliation prématurée du contrat. Il ressort de cette disposition que ce n’est pas au club mais à la fédération d’émettre le CIT. La garantie de la délivrance de ce document au moyen d’une peine conventionnelle due par le club n’aurait pas de sens dans ces circonstances. Par ailleurs, le contrat de travail a pris fin le «14» janvier 2011 par la signature du contrat de dissolution. Si le contrat est rompu, le club n’est plus en droit d’empêcher un transfert vers un autre club. Cet exposé indique que l’Intimé ne pouvait pas partir du principe que la peine conventionnelle avait été uniquement convenue par rapport à la délivrance du CIT au moment de la signature du Contrat. - Les principes régissant l’intégralité du Contrat en arrière-plan mènent eux aussi à cette interprétation dudit Contrat. L’Intimé est ainsi resté redevable du paiement de son salaire à l’Appelant. En raison de la dette courante, des négociations ont ensuite eu lieu, négociations au cours desquelles l’Appelant s’est déclaré disposé à renoncer de façon conciliante à la moitié du salaire dû. Au vu de cette constellation, l’intérêt de l’Appelant à vouloir assurer contractuellement du mieux possible le paiement dans les délais fixés de la dette ouverte est évident. C’est justement dans la présente situation que le fait de s’assurer du respect des délais de paiement convenus tant par une peine conventionnelle de 100 000.00 EUR que par des intérêts moratoires à hauteur de 8 % en cas de retard de paiement prend tout son sens. Ceci indique également que les parties ont supposé une applicabilité cumulative des deux dispositions. - Par ailleurs, il convient de mentionner que le Contrat a été établi et rédigé par l’Intimé. Les éventuelles incertitudes ou inexactitudes émanant des dispositions contractuelles sont en conséquence à interpréter en défaveur de l’Intimé, d’après le principe “in dubio contra stipulatorem”. Particulièrement dans le cas présent où l’Appelant renonce à la moitié de son salaire et où la situation financière difficile de l’Intimé était connue, il aurait été de l’obligation de l’Intimé de formuler plus précisément la disposition relative à la peine conventionnelle s’il avait supposé qu’il s’agissait d’une peine alternative aux intérêts moratoires. Ceci indique également que les parties ont dès le départ supposé une applicabilité cumulative. Sur la base d’une interprétation objective de la volonté contractuelle, force est de conclure à une application cumulative des deux clauses. 62. Il reste alors à vérifier si l’application cumulative d’intérêts moratoires et d’une peine conventionnelle est permise par le droit applicable. Dans ce contexte et comme évoqué précédemment se pose la question du droit applicable. Comme cela est démontré ci-dessous, cette question ne doit pas être élucidée ici car les droits suisse et tchèque ne divergent pas sur les points pertinents. B. DROIT TCHÈQUE 63. Dans le cadre d’une révision législative complète du droit civil tchèque, le nouveau Code civil (ciaprès nBGB) est entré en vigueur au 1 janvier 2014. D’après la disposition transitoire du § 3028 du nBGB, l’ancien droit est toutefois applicable pour les relations contractuelles ayant vu le jour avant l’entrée en vigueur du nBGB. Le présent Contrat a été signé le 1 janvier 2011. Si le droit tchèque était applicable dans le cas d’espèce, la question de l’admissibilité de l’application cumulative de l’amende conventionnelle se résoudrait donc d’après les anciennes dispositions du droit tchèque. 64. Dans l’ancien droit, l’amende conventionnelle était réglementée par les § 545 et § 546 du Code civil ainsi que par les § 300 à § 312 du Code du commerce. 65. D’après le § 300 du Code du commerce, le tribunal peut réduire une amende conventionnelle disproportionnellement élevée par rapport à la prise en compte de la valeur et de l’importance de l’obligation contractuelle à garantir. 66. Ni le Code civil ni le Code du commerce ne prévoient néanmoins une règlementation quant à l’application cumulative ou alternative de l’amende conventionnelle et des intérêts moratoires. Par conséquent, le droit tchèque n’exclut pas explicitement une application cumulative. 67. En principe, les parties au contrat peuvent convenir d’une peine conventionnelle payable en cas de retard parallèlement à une prestation principale ou secondaire. D’après le § 369, alinéa 1 du Code du commerce, le créancier peut accessoirement légalement prétendre au versement par le débiteur d’intérêts moratoires. Cette prétention est unanimement reconnue par la doctrine comme strictement indépendante de la prétention à une amende conventionnelle. Ceci a pour conséquence que le créancier peut faire valoir son droit aux intérêts moratoires comme son droit à l’amende conventionnelle. Ce n’est cependant pas valable si les intérêts sont des intérêts de pénalité ou punitifs car le débiteur ne doit pas pouvoir être passible d’une amende conventionnelle supplémentaire3 . 3 GIESE et al., dans: Deutsch-tschechische Industrie- und Handelskammer (DTIHK; éditeur), Kreditsicherheiten in der Tschechischen Republik, 2002, consultable sur: http://www.giese.cz/doc/kredit.pdf, (dernière visite en date du 23 septembre 2014). 68. En outre: Le paiement de l’amende conventionnelle ne change aucunement l’obligation d’exécution du contrat. On convient fréquemment depuis peu, dans le cadre d’obligations financières, que l’amende conventionnelle est due en plus d’intérêts moratoires en cas de non-exécution dépendant de la durée de retard de paiement4 . 69. En résumé, on peut en conclure que, d’après le droit tchèque, une application cumulative de l’amende conventionnelle et des intérêts moratoires est permise par la littérature et la jurisprudence. Ce n’est cependant pas valable si les intérêts constituent des intérêts de pénalité ou punitifs. Par ailleurs, le droit tchèque stipule que les peines conventionnelles disproportionnées doivent être raisonnablement réduites. C. DROIT SUISSE 70. La peine conventionnelle est réglementée par le droit suisse à l’article 160 du CO, aux termes duquel: C. Clause pénale I. Droit du créancier 1. Relation entre la peine et l’exécution 1Lorsqu’une peine a été stipulée en vue de l’inexécution ou de l’exécution imparfaite du contrat, le créancier ne peut, sauf convention contraire, demander que l’exécution ou la peine convenue. 2Lorsque la peine a été stipulée en vue de l’inexécution du contrat au temps ou dans le lieu convenu, le créancier peut demander à la fois que le contrat soit exécuté et la peine acquittée, s’il ne renonce expressément à ce droit ou s’il n’accepte l’exécution sans réserves. 71. Le principe d’exécution alternative de l’obligation ou de la clause pénale est ainsi valable en droit suisse. Dans les cas particuliers prévus par la loi en cas d’accord entre les parties sur le sujet, la peine conventionnelle peut néanmoins être faite valoir de manière cumulative en plus de l’exécution ou des dommages et intérêts dus pour la non-exécution ou l’exécution incorrecte de l’obligation principale. Les peines conventionnelles promises pour le non-respect du délai ou du lieu d’exécution peuvent être exigées d’après l’article 160 alinéa 2 du CO de manière cumulative en plus de l’exécution de l’obligation principale5 . Par conséquent le droit suisse n’exclut pas explicitement une application cumulative de l’amende conventionnelle et des intérêts moratoires. 72. L’application cumulative de l’amende conventionnelle et des intérêts moratoires est en outre reconnue par la doctrine du droit suisse. Si la peine est forfaitaire, elle n’évolue pas avec le retard. Elle est ainsi indépendante du dommage subi par le débiteur. Elle exerce principalement une fonction de sanction et ne se confond pas avec l’intérêt moratoire. Dès lors on présume que les 4 HULMAK M., dans Zivil- und Zivilprozessrecht, Allgemeines Schuldrecht, dans: WABNITZ/HOLLÄNDER (éd.), Einführung in das tschechische Recht, 2009, N 31. 5 ATF 122 III 420, E. 2b. parties n’ont pas exclu le droit à l’intérêt moratoire par la stipulation de la clause. Le débiteur peut toutefois apporter la preuve du contraire. S’il n’y parvient pas, le débiteur devra payer, outre le montant de la peine, l’intérêt moratoire6 . 73. En résumé, on peut donc en conclure que la prétention cumulative à la peine conventionnelle et aux intérêts moratoires est également permise par le droit suisse car les intérêts moratoires renvoient à un intérêt temporel et laissent le droit à la prestation principale inchangé. En revanche, le droit suisse pose également pour principe que les peines conventionnelles disproportionnellement élevées doivent être raisonnablement réduites7 . D. CONCLUSION DE LA COMPARAISON 74. L’exigence cumulative d’une peine conventionnelle et d’intérêts moratoires est en principe permise tant par le droit suisse que par le droit tchèque. Comme exposé précédemment, les intérêts moratoires convenus protègent l’intérêt temporel du créancier. Les intérêts moratoires visent à obliger le débiteur à régler ses dettes ouvertes le plus rapidement possible. La peine conventionnelle protège, quant à elle, l’exécution de l’obligation principale. Ces deux règles poursuivant différents objectifs, une peine conventionnelle et des intérêts moratoires peuvent être reconnus cumulativement. 75. Il reste toutefois à mentionner que ce principe connaît des exceptions. Si les intérêts moratoires convenus ne sont pas des intérêts moratoires au sens strict mais un complément à l’amende conventionnelle pour prestation tardive, une peine conventionnelle ne peut plus être prononcée en simultanéité avec des intérêts moratoires. Si les intérêts moratoires sont si élevés que l’intérêt temporel du créancier n’est plus protégé mais qu’ils indiquent un caractère punitif, les intérêts moratoires convenus doivent eux aussi être qualifiés d’amende conventionnelle. L’applicabilité cumulative d’une peine conventionnelle et de tels intérêts moratoires est alors exclue tant par le droit tchèque que par le droit suisse. E. MONTANT DES INTÉRÊTS MORATOIRES 76. Il reste à vérifier ici si les intérêts moratoires convenus entre les parties dans le Contrat, qui sont désignés comme étant des intérêts de retard constituent, ou non, une amende conventionnelle. 77. A l’article X du contrat de dissolution, les parties ont convenu qu’en cas de paiement tardif, des intérêts moratoires à hauteur de 8 % étaient dus. Si les parties n’avaient pas expressément convenu du taux des intérêts moratoires, le taux légal serait, en droit suisse, de 5 %8 . 78. Depuis le 1er juillet 2010, le calcul des intérêts moratoires légaux selon le droit tchèque se base sur le § 1 du Décret Gouvernemental modifié n°142/1994 coll., qui stipule ce qui suit 9 : 6 COUCHEPIN G., La clause pénale, étude générale de l’institution et de quelques applications pratiques en droit de la construction, travaux de la faculté de droit de l’Université de Fribourg, p. 237, N 1184. 7 Art. 163 alinéa 3 CO. 8 Article 104 CO. 9 SIVARA/IVICICOVA, lettre aux clients, édition de mars 2010. Le montant annuel des intérêts moratoires correspond au montant du taux repo qui a été fixé par la Banque nationale tchèque pour le dernier jour de l’année civile qui précède le semestre civil pendant lequel s’est produit le retard, majoré de sept points de pourcentage. Cette disposition montre que les intérêts moratoires légaux selon le droit tchèque s’élèvent en tout cas à 7 % depuis le 1er juillet 2010. 79. Au regard des intérêts moratoires légaux selon les droits suisse (5 %) et tchèque (au moins 7 %), le taux d’intérêt de 8 %, qui a été convenu en l’espèce, ne peut pas être défini comme une amende conventionnelle. Tant en droit tchèque qu’en droit suisse, la peine conventionnelle et les intérêts moratoires convenus peuvent être cumulativement appliqués. F. RÉVISION DU MONTANT DE LA PEINE CONVENTIONNELLE 80. Comme exposé précédemment, l’arbitre unique doit vérifier la proportionnalité du montant de la peine conventionnelle convenue. Ce principe s’applique aussi bien selon le droit tchèque que selon le droit suisse. 81. Toutefois, en l’espèce, il convient de constater que l’Intimé n’a pas explicitement demandé une réduction de la peine conventionnelle dans le cadre de la procédure devant le TAS, ni par écrit, ni de façon orale. L’Intimé n’a pas non plus exposé pour quelle raison le montant de la peine conventionnelle pourrait être disproportionné. On doit donc se poser la question fondamentale de savoir si la proportionnalité d’une peine conventionnelle doit généralement être vérifiée par le tribunal dans un tel cas. 82. Aussi bien selon le droit tchèque que selon le droit suisse, les peines conventionnelles disproportionnées doivent être réduites d’office. Ceci résulte directement des dispositions légales applicables10 . Même si le débiteur n’a présenté aucune demande à ce sujet ou même si le débiteur n’a fourni aucun argument à ce sujet (comme en l’espèce), les peines conventionnelles disproportionnées doivent être réduites d’office. G. CONCLUSION 83. On peut donc conclure qu’aussi bien l’application du droit tchèque que celle du droit suisse donne le même résultat dans le cadre de la présente procédure. Les deux institutions juridiques prévoient l’applicabilité cumulative d’intérêts moratoires et d’une peine conventionnelle dans la mesure où les intérêts moratoires ne constituent pas une amende conventionnelle. Compte tenu du taux d’intérêt légal de 5 % selon le droit suisse et d’au moins 7 % selon le droit tchèque, le taux d’intérêt convenu dans le Contrat, soit 8 %, ne peut pas être défini comme une amende conventionnelle. Par conséquent, l’applicabilité cumulative des intérêts moratoires et de la peine conventionnelle est admissible tant du point de vue du droit tchèque que du droit suisse. En conclusion, il reste à mentionner que les peines conventionnelles disproportionnées doivent être réduites de par la loi tant en droit tchèque qu’en droit suisse, et cela même si le débiteur n’a présenté aucune demande à ce sujet. 10 Article 163 al. 3 CO et ATF 133 III 201, consid. 5.2, ainsi que § 301 du Code du commerce. 84. Ces explications démontrent, qu’en l’espèce, il n’est pas nécessaire de décider entre l’applicabilité du droit tchèque et celle du droit suisse, cette question n’ayant aucune influence sur le résultat de la procédure. 85. Aussi bien selon le droit tchèque que selon le droit suisse, il convient de conclure à une application cumulative des intérêts moratoires et de la peine conventionnelle. Par conséquent, la seule chose qui reste à examiner en l’espèce, c’est la proportionnalité du montant de la peine conventionnelle convenue. H. PROPORTIONALITÉ EN L’ESPÈCE 86. Dans différents cas, le TAS a examiné en détail la proportionnalité des peines conventionnelles11 . Les critères suivants sont déterminants pour l’évaluation de la proportionnalité d’une peine conventionnelle: La gravité de la violation du contrat; La faute de la partie contractante qui est responsable de la violation du contrat; L’expérience commerciale des parties contractantes; La situation financière des parties; La proportion entre la peine conventionnelle et le dommage subi. a.) Contexte de la peine conventionnelle convenue 87. À cet égard, on peut premièrement constater que l’Appelant avait initialement renoncé à une créance salariale de 1 500 000.00 CZK en faveur de l’Intimé, lors de la conclusion du Contrat. En contrepartie, l’Intimé s’était engagé, entre autres, à verser le salaire encore dû d’un montant de 1 500 000.00 CZK dans les délais prévus, sous la forme de trois paiements partiels. Par conséquent, la peine conventionnelle visait à garantir que la créance salariale de l’Appelant, qui restait due après une renonciation consensuelle de 50 % de son salaire, serait en tout état de cause payée aux dates d’échéance convenues dans le Contrat. 88. Le montant de 1 500 000.00 CZK correspond environ à un montant de 54 500.00 EUR. En cas de retard dans le paiement, l’Intimé a donc garanti à l’Appelant environ deux fois le montant auquel celui-ci avait initialement renoncé en faveur de l’Intimé. Ce montant serait majoré des intérêts moratoires dus de 8 %, qui protègent l’intérêt temporel de l’Appelant. Si la peine conventionnelle était attribuée à hauteur du montant convenu, l’Appelant toucherait donc environ deux fois le montant auquel il avait initialement renoncé, et ceci uniquement en raison du paiement tardif du salaire encore dû. À première vue, ce montant paraît relativement élevé. 89. Si l’on compare le montant de la peine conventionnelle au montant initialement impayé par l’Intimé, on arrive à la même conclusion. Ainsi, l’Intimé n’a d’abord payé aucune des trois tranches convenues du montant total de 1 500 000.00 CZK (soit 54 500.00 EUR). Ce montant, qui n’a pas été payé dans 11 Voir, par exemple, CAS 2010/A/2202. les délais fixés, serait environ multiplié par deux par la peine conventionnelle. Également en ce qui concerne le montant du paiement tardif, la peine conventionnelle paraît, pour l’instant, relativement élevée. 90. Mais si l’on examine de plus près le contexte du Contrat, le montant de la peine conventionnelle apparaît sous un jour nouveau. L’Appelant n’a pas seulement renoncé à la moitié du salaire déjà dû (1 500 000.00 CZK), mais également à rompre le contrat de travail qui le liait au club avec juste cause et à réclamer une indemnité de ce fait. La valeur résiduelle de son contrat de travail correspond aux salaires pour les mois de novembre 2010 à juin 2011 (7 mois à 150 000.00 CZK), soit à un montant de 1 050 000.00 CZK, ainsi qu’aux salaires pour les mois de juillet 2011 à juin 2012 (12 mois à 160 000.00 CZK), soit à un montant de 1 920 000.00 CZK (environ 107 800.00 EUR), ce montant ne tenant pas compte des primes éventuellement dues. 91. Si l’on compare donc la peine conventionnelle de 100 000.00 EUR à la valeur de la renonciation totale, susceptible de représenter environ de 160 000.00 EUR (sans les primes éventuelles), le montant de la peine conventionnelle ne paraît plus disproportionné. 92. Enfin, la renonciation au salaire et la résiliation amiable du contrat, ont précisément été motivées par la qualité de mauvais payeur de l’Intimé qui s’était manifestée dans le passé. L’Appelant avait un intérêt important et légitime à assurer contractuellement le paiement du montant restant dû dans les délais fixés, parce que l’Intimé n’avait pas respecté les délais de paiement dans le passé. En l’espèce, ceci est d’autant plus valable que l’Appelant a en même temps renoncé à la moitié des créances salariales impayées et à la totalité de ses créances salariales futures. Dans ces circonstances, le montant de la peine conventionnelle applicable en cas de paiement tardif ne paraît plus disproportionné. b.) Gravité de la violation du Contrat 93. Qui plus est, en l’espèce, nous sommes en présence d’une violation grave du Contrat, qui a été commise par l’Intimé. Le paiement du montant restant dû dans les délais fixés constituait quasiment le but principal de l’accord conclu. L’Intimé n’ignorait certainement pas que l’Appelant renoncerait uniquement à une partie de son salaire si le montant restant dû était payé dans les délais fixés. Par conséquent, l’Intimé a manqué à l’une des obligations principales du Contrat. 94. En outre, il convient de mentionner que les délais de paiement n’ont pas été dépassés seulement de quelques jours. Initialement, aucun (!) des paiements partiels convenus n’a été effectué dans les délais fixés. La dernière tranche est venue à échéance le 30 septembre 2011. Mais un premier acompte de 417 550.00 CZK n’a pas été payé avant le 16 novembre 2011, soit environ 1 ? mois plus tard. Cet acompte ne correspond même pas au montant de la première tranche convenue (600 000.00 CZK). 95. Dans une lettre du 13 décembre 2011, c’est-à-dire plus de deux mois après l’expiration du délai de paiement pour la dernière tranche, l’Intimé a informé l’Appelant, après avoir été mis en demeure, qu’il n’était pas capable de payer le montant complet. Sur ce, l’Appelant s’est vu contraint de demander le paiement du montant impayé par voie de droit. 96. Compte tenu de la durée prolongée du défaut de paiement, la violation du Contrat doit être qualifiée de grave en l’espèce. À son tour, ce fait porte à croire qu’il ne serait pas juste de réduire le montant de la peine conventionnelle. c.) Faute de l’Intimé 97. En l’espèce, la faute de l’Intimé doit aussi être qualifiée de grave. Le motif déterminant pour la conclusion du contrat de dissolution était les difficultés de paiement de l’Intimé. Lors de la conclusion du Contrat, l’Intimé connaissait sa situation financière actuelle. 98. Le Contrat a été signé le 20 janvier 2011. Les délais de paiement pour les tranches dues ont été fixés au 31 mars 2011, au 31 juin 2011 et au 30 septembre 2011. De façon quasi certaine, le 20 janvier 2011, l’Intimé était capable de prévoir ses liquidités pour une période d’environ 8 mois. Le fait qu’ensuite, il n’ait même pas viré en temps voulu la première tranche de 600 000.00 CZK, dont le délai de paiement avait été fixé au 31 mars 2011 – c’est-à-dire seulement 2 ? mois après la signature du Contrat – montre que, lors de la signature du Contrat, l’Intimé savait, ou aurait dû savoir, qu’il ne serait pas en mesure d’honorer les engagements de paiement convenus dans les délais fixés. Toutefois, s’il avait informé l’Appelant de cette possibilité, celui-ci n’aurait probablement pas été prêt à renoncer à 50 % de sa créance salariale. 99. Malgré cette situation de départ, l’Intimé a convenu de dates d’échéance avec l’Appelant, en sachant qu’en contrepartie, celui-ci renoncerait à la moitié du salaire dû et à ses créances salariales futures concernant les prochaines deux années. D’une part, l’Intimé a accepté la renonciation au salaire par l’Appelant, d’autre part, il a au moins accepté son incapacité éventuelle de ne pas pouvoir respecter ses propres engagements de paiement dans les délais fixés. 100. Dans ces circonstances, la faute de l’Intimé doit être qualifiée de particulièrement grave. d.) Expérience commerciale des parties 101. A cet égard, il existe la circonstance aggravante que l’Intimé a beaucoup d’expérience commerciale. SK Slavia Praha est un club riche en traditions qui appartient à la première ligue tchèque. Pour cette raison, il convient de constater que l’Intimé a beaucoup plus d’expérience commerciale que l’Appelant, qui avait 23 ans lors de la conclusion du Contrat (date de naissance: 6 septembre 1987). Dans cette optique, il ne paraît pas non plus juste de réduire la peine conventionnelle. e.) Situation financière des parties 102. Un critère qui est régulièrement utilisé pour la détermination de la proportionnalité d’une peine conventionnelle est la situation financière des parties. Celle de l’Appelant n’est pas particulièrement bonne. En raison du non-paiement des montants dus, il avait des difficultés à payer ses intérêts hypothécaires et a dû emprunter de l’argent à sa mère. Ce fait démontre que l’Appelant avait grand besoin de ces paiements. Une réduction de la peine conventionnelle ne pourrait dès lors pas être justifiée par la situation financière de l’Appelant. 103. Quant à la situation financière de l’Intimé, elle ne paraît pas particulièrement bonne non plus. Toutefois, la peine conventionnelle ne saurait être réduite en raison de la situation financière de l’Intimé, et ce pour deux motifs. 104. D’une part, l’Intimé n’a rien allégué et encore moins établi dans le cadre de la présente procédure. Pour cette raison, sa situation financière peut uniquement faire l’objet de présomptions et le montant de la peine conventionnelle ne saurait être réduit sur la base de présomptions. 105. D’autre part, c’était précisément la situation financière de l’Intimé, qui est probablement précaire, qui a donné lieu à l’intégration de la peine conventionnelle au Contrat. Pour cette raison, il serait inéquitable, et finalement incompréhensible, si cette situation financière précaire aboutissait ensuite à une réduction de la peine conventionnelle. f.) La proportion entre la peine conventionnelle et le dommage subi 106. Qui plus est, l’Appelant a aussi subi un dommage à cause du retard dans le paiement. Il n’était plus capable de payer ses intérêts hypothécaires dans les délais fixés et a dû emprunter de l’argent à sa mère. 107. En outre, selon ses propres déclarations, le retard dans le paiement constituait aussi une lourde charge psychique pour l’Appelant. En l’espèce, ceci est tout à fait crédible parce que c’étaient précisément les difficultés de paiement de l’Intimé qui ont amené l’Appelant à renoncer à la moitié de sa créance salariale. Pour ces raisons, le non-paiement des salaires dus dans les délais fixés a affecté l’Appelant de façon particulièrement grave. 108. Par conséquent, par rapport au dommage subi, la peine conventionnelle d’un montant de 100 000.00 EUR peut aussi être qualifiée de raisonnable. g.) Résumé 109. En résumé, on peut donc en conclure, qu’en l’espèce, il n’existe aucun motif justifiant une réduction de la peine conventionnelle, dont le montant paraît au contraire raisonnable. Pour ce motif, il convient d’approuver la demande de l’Appelant à cet égard. I. LES AUTRES DEMANDES DE L’APPELANT 110. Étant donné que les autres demandes – exception faite des demandes concernant les frais de justice, les dépens et l’imposition d’une astreinte de 500 EUR par jour à compter de la décision à intervenir – sont des demandes subsidiaires de l’Appelant, celles-ci n’ont plus à être examinées après l’acceptation de la demande principale. 111. Quant à la requête de l’Appelant visant à la condamnation de l’Intimé à payer des intérêts de pénalité de 500,00 EUR par jour à compter du prononcé du jugement, en cas de retard dans le paiement du montant dû en vertu du jugement, elle n’a pas été justifiée en détail par l’Appelant, et ne repose sur aucune disposition légale ou contractuelle. Elle ne peut donc qu’être rejetée. PAR CES MOTIFS Le Tribunal Arbitral du Sport: 1. Déclare recevable et admet partiellement l’appel interjeté le 26 novembre 2013 par M. Tijani Belaid. 2. Confirme la décision de la Chambre de Résolutions des Litiges de la FIFA du 25 avril 2013 et la complète comme suit: SK Slavia Praha est condamné à payer à M. Tijani Belaid un montant de 100’000 EUR conformément à la clause pénale convenue entre les parties. (…) 5. Rejette toutes autres ou plus amples conclusions.
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