TAS-CAS – Tribunale Arbitrale dello Sport – Corte arbitrale dello Sport (2014-2015)———-Tribunal Arbitral du Sport – Court of Arbitration for Sport (2014-2015) – official version by www.tas-cas.org – Arbitrage TAS 2014/A/3610 CS Grevenmacher c. Sport Clube Vila Real, sentence du 13 mars 2015

TAS-CAS - Tribunale Arbitrale dello Sport - Corte arbitrale dello Sport (2014-2015)----------Tribunal Arbitral du Sport - Court of Arbitration for Sport (2014-2015) - official version by www.tas-cas.org - Arbitrage TAS 2014/A/3610 CS Grevenmacher c. Sport Clube Vila Real, sentence du 13 mars 2015 Formation: Me François Klein (France), Arbitre unique Football Indemnité de formation Statut du joueur Joueur professionnel Joueur amateur 1. Seule la définition du joueur professionnel donnée par l’article 2 du Règlement du Statut et du Transfert du Joueur (RSTJ) est pertinente pour déterminer si un joueur de football doit être qualifié comme professionnel ou comme amateur. L’article 5 paragraphe 1 alinéa du RSTJ précise qu’un joueur sous contrat joue pour un club soit comme professionnel, soit comme amateur selon les dispositions de l’article 2 (du RSTJ). En d’autres termes, les joueurs sont soit amateurs, soit professionnels et il n’y a pas de place pour une troisième catégorie. 2. Peut être considéré comme professionnel un joueur qui a, d’une part, un contrat écrit avec un club et, d’autre part, qui est payé au-delà des dépenses qu’il supporte effectivement eu égard à son activité en tant que joueur. 3. Un joueur qui a un contrat écrit avec un club et qui reçoit de ce club une indemnité modeste uniquement destinée à couvrir les frais liés à ses déplacements pour jouer au football ne peut généralement pas être qualifié comme joueur professionnel; ceci d’autant moins si la couverture des frais n’est que partielle. Le fait qu’au surplus, le joueur a droit, dans certaines circonstances, à certaines primes d’un montant modique ne permet pas une autre qualification du joueur. I. LES PARTIES 1. Le club sportif luxembourgeois Grevenmacher (ci-après “Grevenmacher” ou “l’Appelant”) a son siège à Grevenmacher; il a été créé en 1909. Il participe au Championnat du Luxembourg de football en division nationale qui est celle du plus haut niveau dans ce pays. Il est affilié à la Fédération luxembourgeoise de football (ci-après “la FIFA”), laquelle est affiliée à la Fédération Internationale de Football Association (ci-après “la FLF”). 2. Le Sport Clube Vila Real (ci-après “Vila Real” ou “l’Intimé”) est un club de football portugais dont le siège est à Vila Real. Le club a été fondé en 1920 et il évolue en troisième division du Championnat du Portugal. Il est affilié à la Fédération portugaise de football, laquelle est affiliée à la FIFA. II. FAITS À L’ORIGINE DU LITIGE 3. Le joueur D. (ci-après “le Joueur”) est né le 3 mai 1992. Il a été enregistré comme joueur amateur dans l’effectif de Vila Real du 24 janvier 2001 au 25 septembre 2005. 4. Il apparaît que le Joueur a également figuré dans l’effectif:  du club Associacao Desportiva e Recreativa Pasteleira du 26 septembre 2005 au 31 août 2006 puis du 29 août 2007 au 30 septembre 2008,  du club Boavista ASAD du 1er octobre 2008 au 5 novembre 2009,  du club Abambres SC du 6 novembre 2009 au 18 janvier 2012. 5. On relève que Vila Real appartenait à la catégorie IV pendant les saisons où le Joueur était dans son effectif. 6. Grevenmacher et le Joueur ont, le 9 janvier 2012, signé un contrat (ci-après le “Contrat”) pour une période courant de janvier 2012 à mai 2012. 7. On relève dans le Contrat les stipulations particulières suivantes: 7.1. Le Contrat stipule, dans sa clause I, qu’il ne s’agit pas d’un contrat de travail. 7.2. La clause III du Contrat prévoit que le Joueur reçoive 300 euros par mois au titre de ses “frais encourus”. Cette clause stipule également que le Joueur bénéficie du règlement de 90 euros complémentaires s’il est amené à commencer un match et de 45 euros complémentaires s’il figure dans l’effectif du club appelé à jouer en championnat ou en coupe. 7.3. Cette même clause III du Contrat prévoit que le Joueur peut être amené à recevoir un bonus équivalent:  à un mois de rémunération si Grevenmacher se qualifie pour la Coupe de l’UEFA ou gagne la Coupe nationale,  à deux mois de rémunération si Grevenmacher gagne le Championnat national. 7.4. Enfin, Grevenmacher s’engage à fournir au Joueur son équipement à l’exception des chaussures à l’occasion des matchs auxquels il est amené à participer. 7.5. La clause IV du Contrat prévoit que si le Joueur ne remplit pas ses obligations pour quelque raison que ce soit (maladie, blessure), les rémunérations prévues seront réduites proportionnellement au nombre d’absences du Joueur aux entraînements et aux matchs dans la mesure où il est déclaré que ses dépenses et ses indemnités ne constituent pas un salaire mais seulement le paiement relatif aux dépenses supportées par le Joueur. 8. Des autres éléments du dossier, il ressort que:  le Joueur a été enregistré par la FLF le 13 février 2012 comme joueur amateur,  Grevenmacher appartenait à la catégorie 3 pendant la période où le Joueur figurait dans ses effectifs. III. LA PROCÉDURE DEVANT LA FIFA A. La demande de l’Intimée 9. Le 4 juin 2012, Vila Real a saisi la FIFA pour réclamer la somme de 19.095,89 euros plus 5 % d’intérêts à compter du 19 février 2012 au titre d’une indemnité de formation. Dans la lettre de saisine de la FIFA, sous la plume de son conseil, Vila Real a fait valoir notamment:  que le 19 janvier 2012, le Joueur a été transféré au Luxembourg et enregistré au Grevenmacher comme professionnel, en ayant acquis ce statut pour la première fois de sa carrière et avant son 23ème anniversaire,  qu’en conséquence, par application de l’article 20 et de l’annexe 4 du Règlement du Statut et du Transfert du Joueur (RSTJ), Vila Real était en droit de recevoir l’indemnité de formation telle que calculée dans sa réclamation auprès de Grevenmacher en date du 25 mai 2012. 10. La saisine par Vila Real de la FIFA est jointe à son mémoire en réponse devant le TAS à laquelle il est expressément fait référence. B. La défense de Grevenmacher 11. Dans sa réponse devant la Chambre de Résolution des Litiges (CRL) de la FIFA saisie de ce sujet, Grevenmacher a fait valoir que:  le Contrat n’était pas un contrat de travail,  la demande de paiement de 50.000 euros (comprenant la demande du club portugais Desportiva e Recreativa Pasteleira) n’était pas raisonnable au regard du budget de Grevenmacher s’élevant à 380.000 euros annuels,  le Contrat avait une validité limitée à cinq mois, de janvier à mai 2012, le montant de 300 euros par mois ne pouvait être considéré comme un salaire comme les autres indemnités prévues au Contrat qui ne constituaient également que des remboursements de frais liés à ses déplacements à l’occasion des matchs,  le Joueur était venu au Luxembourg pour trouver un travail dans une autre profession dans la mesure où il n’avait pas eu de proposition pour un contrat professionnel au Portugal. C. La réplique de l’Intimée 12. Pour sa part, l’Intimé, en réplique, a fait valoir que le certificat international de transfert (CIT) avait été émis par la Fédération Portugaise de Football et adressé à la Fédération Luxembourgeoise de Football au titre d’un joueur professionnel. D. La duplique de Grevenmacher 13. Dans sa duplique, Grevenmacher a réitéré ses arguments, ajoutant que le club portugais n’avait pas offert au Joueur un contrat professionnel, qu’il voulait juste prendre avantage de la situation sachant que le Joueur n’avait pas joué plus d’un seul match dans l’équipe première de Grevenmacher durant les six mois où il avait figuré dans l’effectif du club. E. La décision de la CRL 14. Dans sa décision, en date du 17 janvier 2014, la Chambre de Résolution des Litiges (CRL) de la FIFA a statué dans une décision rendue en langue anglaise; le dispositif de ladite sentence peut être traduit de la manière suivante: “1. La réclamation du demandeur Sport Clube Vila Real est partiellement admise. 2. L’intimé, le club sportif Grevenmacher, doit payer au demandeur, sous trente jours à compter de la date de notification de cette décision, le montant de 19.095,89 euros plus intérêts de 5 % à compter du 14 mars 2012 jusqu’à la date du paiement effectif. 3. Pour le cas où la somme mentionnée ci-dessus plus intérêts n’était pas payée dans le délai indiqué, le présent litige pourra être soumis, sur réquisition, au comité de discipline de la FIFA pour qu’il en prenne connaissance et qu’il rende une décision formelle. 4. Toutes les autres réclamations du demandeur sont rejetées. 5. Le montant définitif des frais de procédure, soit 2.000 francs suisses, doit être payé par l’Intimé dans les trente jours de la notification de la présente décision à la FIFA …”. 15. La CRL a notamment rappelé que les dispositions du RSTJ lui donnaient le pouvoir de fixer le montant de l’indemnité de formation si le montant réclamé apparaissait comme disproportionné au regard des éléments du litige. 16. La même CRL a considéré, dans ce contexte et par application de dispositions du RSTJ, comme le TAS en avait fait application dans sa décision TAS 2006/A/1189, que le premier enregistrement du Joueur comme professionnel qui intervient avant la fin de la saison de son 23ème anniversaire, est un élément suffisant qui permet au club formateur de réclamer une indemnité de formation. 17. La CRL a estimé, en droite ligne avec la décision du TAS précitée, qu’elle avait la possibilité de réduire le montant de l’indemnité de formation réclamée à la fin de la durée des relations contractuelles entre le Joueur et le club lorsqu’il avait signé son premier contrat professionnel. 18. La CRL ajoutait toutefois que le fait que le Joueur n’ait jamais joué en équipe première de Grevenmacher ne pouvait pas être pris en considération comme un argument en faveur de la réduction du montant de l’indemnité de formation. 19. La CRL, au regard de l’ensemble des éléments du dossier et considérant l’absence de documentation convaincante fournie par Grevenmacher pour réduire le montant de l’indemnité de formation, estimait que le montant réclamé par Vila Real était dû et ne pouvait être réduit. 20. Enfin, la CRL, faisant référence à l’article 25 paragraphe 2 du RSTJ en combinaison avec l’article 18 paragraphe 1 de ces règles de procédure, considérait que les frais de celle-ci devaient être fixés en considération du succès obtenu. 21. C’est dans ces circonstances que la décision de la CRL a fixé à 19.095,89 euros le montant de l’indemnité de formation due et a fixé le coût de la procédure à 2.000 francs suisses. IV. LA PROCÉDURE DEVANT LE TAS 22. Grevenmacher a déposé une déclaration d’appel valant mémoire en date du 13 mai 2014 contre Vila Real à l’encontre de la décision rendue par la FIFA le 17 janvier 2014. 23. Par cette déclaration d’appel, l’Appelant a requis la consolidation de la procédure avec la procédure TAS 2014/A/3609 Grevenmacher / Associacao Desportiva e Recreativa Pasteleira. 24. Le 6 juin 2014, Vila Real et Desportiva e Recreativa Pasteleira ont fait part de leur accord avec cette requête de jonction. 25. A la suite à l’accord des parties dans le cadre de ces deux arbitrages, le greffe du TAS a confirmé que ces procédures seront soumises à la même formation arbitrale appelée à se prononcer sur la portée de cette consolidation. 26. Les deux parties étant en désaccord sur la langue de la procédure, le TAS a, par lettre en date du 6 juin 2014 adressée aux conseils des parties, proposé que:  les parties puissent s’exprimer par écrit et oralement lors d’une éventuelle audience en français ou en anglais selon leur préférence,  les correspondances du greffe du TAS soient rédigées en français,  la formation arbitrale déterminera la langue dans laquelle elle conduira l’audience et rédigera la sentence selon sa préférence. 27. L’Appelant étant en désaccord avec les suggestions faites aux parties par le TAS le 6 juin 2014, le président de la Chambre arbitrale d’appel a été amené à se prononcer sur la langue de l’arbitrage ainsi que sur la recevabilité de l’objection des intimés sur cette question. 28. En date du 19 juin 2014, le président de la Chambre arbitrale d’appel a décidé que la langue applicable au litige serait le français et qu’en cas de production de pièces rédigées dans une autre langue que le français, celles-ci devraient être accompagnées d’une traduction en français, sachant qu’à défaut, la formation doit décider de ne pas en tenir compte. 29. Par ailleurs, les parties ayant manifesté leur désaccord quant au nombre des arbitres désignés, la question était soumise au président de la Chambre arbitrale d’appel du TAS qui, en application de l’article R50 du Code de l’arbitrage en matière de sport (ci-après “le Code”), a considéré, au regard de la requête de l’Appelant et de l’opposition des intimés “à cause des valeurs concernées”, mais également des valeurs en litige relativement faibles et du fait que les intimés n’étaient pas amenés à payer leur part des avances de frais, que la procédure Vila Real comme celle relative au Desportiva e Recreativa Pasteleira seraient soumises à un arbitre unique désigné par ses soins. 30. C’est dans ces circonstances que Maître François Klein, avocat à Paris (France), a été désigné comme arbitre unique en date du 21 août 2014. 31. L’Intimé a déposé sa réponse le 8 septembre 2014. 32. A la demande de l’arbitre unique, la FIFA a déposé une copie de son entier dossier le 7 octobre 2014, ledit dossier étant transmis aux parties le 8 octobre 2014. 33. Une ordonnance de procédure a été soumise aux parties le 21 octobre 2014, l’Appelant et l’Intimé ont signé ce document en date du 22 octobre 2014. 34. L’Appelant a déposé des pièces complémentaires en date des 29 et 30 octobre 2014; au cours de l’audience, la recevabilité de ces pièces a été discutée par les parties; l’Appelant a fait observer qu’il s’agissait, notamment, d’une sentence intéressante et récente qui avait été versée aux débats pour faciliter la décision de l’arbitre unique; pour sa part, l’Intimé s’est opposée à la production de ces pièces. L’arbitre unique a indiqué qu’il trancherait sur la recevabilité de ces pièces dans le corps de sa sentence. L’audience devant le TAS 35. L’instruction écrite ainsi terminée, il était convenu d’une audience qui a été fixée le mardi 4 novembre 2014 à 9 heures 30. 36. L’audience s’est tenue le mardi 4 novembre 2014; l’Appelant était représenté par Monsieur Guy Fusenig, vice-président du club, assisté de Maîtres Lynn Frank et Henri Frank, avocats au Luxembourg. L’Intimé était représenté par Maître Gonçalo Almeida, avocat à Lisbonne, lequel a participé à l’audience via Skype. Avec l’accord de l’Intimé, Maître Marc Dietrich, juriste de la FLF, a été autorisé à assister à l’audience. 37. A la demande de l’arbitre unique, les parties ont confirmé qu’elles n’avaient aucune objection concernant la procédure menée et la désignation de l’arbitre unique. 38. Les parties ont été appelées à s’expliquer, à développer leurs arguments et à répondre aux questions de l’arbitre unique; l’avocat de l’Appelant a souhaité déposer ses notes de plaidoirie et l’Intimé s’est opposée à leur dépôt. L’arbitre unique a fait savoir qu’il trancherait sur la recevabilité du dépôt de ces notes de plaidoirie dans le corps de sa sentence. 39. A l’issue de l’audience, les débats ont été clos par l’arbitre unique après que les parties aient déclaré avoir été satisfaites de la tenue de la procédure, de l’audience, ayant chacune déclaré avoir pu exercer son droit d’être entendue. 40. Pour le surplus, les arguments en fait et en droit soulevés par les parties seront, selon si cela apparaît utile, dans la décision développée ci-après. V. LES ARGUMENTATIONS DES PARTIES 41. Ce résumé ne mentionne que les arguments principaux de chacune des parties. L’arbitre unique a toutefois naturellement tenu compte de l’ensemble des soumissions des parties, qu’elles aient été faites par écrit ou au cours de l’audience, y compris de celles auxquelles il n’est pas fait expressément référence dans la présente sentence. A. Pour l’Appelant 42. Dans son acte d’appel valant mémoire devant le TAS en date du 13 mai 2014, l’Appelant a formulé les demandes suivantes: “recevoir le présent appel en la forme, le déclarer fondé et justifié, déclarer le joueur comme amateur, écarter la définition du joueur amateur du RSTJ art. 2.1 faute de transparence et précision, requalifier la convention en convention d’amateur, contrôler le parcours du joueur, appliquer l’article 3 de l’annexe 4 du RSTJ et retenir que les clubs A et B ne sont en droit de demander une indemnité de formation, dire que le droit européen de la libre circulation prime, apprécier ce litige de façon “in concreto” en évaluant la répercussion désastreuse pour le CS Grevenmacher, rejeter l’indemnité de formation réclamée par les clubs A et B, sinon à titre subsidiaire proportionner le montant de ces indemnités en fonction des capacités financières du CS Grevenmacher, réserver à l’Appelant tous droits, dus, moyens et actions”. 43. Sans qu’il soit nécessaire de détailler l’argumentation de l’Appelant, on rappellera que celui-ci sollicitait essentiellement: a) In limine litis, la nullité de la procédure, l’avocat de l’Intimé étant un ancien employé de la FIFA et que “…. des soupçons quant à un éventuel détournement des informations” provenant de la FIFA existent. A l’audience, l’Appelant a toutefois renoncé à ce moyen. b) L’Appelant, à titre subsidiaire, a essentiellement fait valoir, au regard du pouvoir d’interprétation donné à la FIFA et par voie de conséquence au TAS par les dispositions non transparentes de l’article 2 du RSTJ, que le Joueur ne pouvait être qualifié de professionnel alors que les montants prévus au Contrat ne représentaient pas le salaire minimum en vigueur au Luxembourg , couvraient uniquement ses frais de déplacement et étaient réduits en cas d’absence et que les primes, par ailleurs fort modiques et irrégulières, ne sauraient être qualifiées de salaires, le Joueur n’ayant par ailleurs reçu que deux primes de 45 euros. c) L’Appelant faisait également valoir que le RSTJ ne pouvait pas déroger aux dispositions européennes, notamment celles concernant la libre circulation et le libre établissement sur le territoire européen, d’une part, et que, d’autre part, on ne pouvait pas justifier une indemnité de formation quand le niveau du joueur n’était pas pris en compte et qu’il n’avait pas joué un seul match sous les couleurs de l’équipe fanion du club. d) L’Appelant indiquait également que Grevenmacher étant un club amateur, le montant réclamé était en outre disproportionné par rapport à son budget, cette demande devant le mettre en faillite. e) Enfin, l’Appelant a souligné que l’Intimé n’avait pas démontré que le Joueur était amateur alors qu’il évoluait dans son effectif et que le CIT délivré ne mentionnait pas s’il l’était; il soulignait qu’il appartenait à l’Intimé de démontrer que le Joueur était amateur quand il évoluait dans son club, sachant que lui demander de le démontrer constituerait un renversement du fardeau de la preuve. B. Pour l’Intimée 44. Dans son mémoire en réponse intitulé “réponse aux appels” en date du 8 septembre 2014, l’Intimé estimait qu’il n’était pas nécessaire de répondre à chaque argument soulevé par l’Appelant, précisant que “l’absence de toute référence à un argument ou élément de preuve spécifique menée dans la procédure ne pouvait pas être considérée comme une confession”. 45. L’Intimé s’en remettait au contenu de sa demande initiale déposée devant la FIFA telle que déposée le 4 juin 2012 qu’elle annexait à sa réponse avec ses annexes. 46. Au cours de l’audience, l’Intimé a repris l’argumentation développée devant la FIFA et a, pour l’essentiel, soutenu que pour qualifier un joueur comme professionnel ou comme amateur, il importait peu de s’en référer au contrat liant le club et le joueur mais de vérifier si les critères prévus par les règles de la FIFA permettaient de retenir telle ou telle qualification. L’Intimé a également souligné qu’il convenait de prendre en compte l’ensemble des rémunérations prévues et a attiré l’attention de l’arbitre unique sur le fait que si le Joueur avait pris une part active à tous les matchs de l’Appelant pendant la durée de son contrat, il aurait pu bénéficier d’un revenu de 500 € par mois au-delà de l’indemnité de 300,00 €. Enfin, l’Intimé a estimé qu’il importait peu de prendre en considération le nombre de matches auxquels le Joueur avait effectivement participé pour écarter le payement de son indemnité de formation, faute de quoi les dirigeants d’un club pourraient enjoindre un entraîneur de ne plus aligner un joueur dans le seul but d’éluder le paiement de ladite indemnité. 47. En conclusion, l’Intimé demandait: “Compte tenu de tous les arguments factuels et juridiques qui concernent les présents litiges, les intimés demandent à la Formation Arbitrale: 1. de rejeter entièrement les deux appels, 2. de confirmer entièrement les deux décisions portées en appel, 3. de condamner l’Appelant, comme le seul responsable des procédures actuelles, de porter entièrement les frais de la procédure, 4. de condamner l’Appelant à contribuer aux dépenses engagées par les intimés pour un montant encore à déterminer (par exemple, l’hébergement ou les éventuels frais de déplacement, et, surtout, les frais juridiques), mais dans un minimum de CHF 5.000,00 (cinq mille francs suisses)”. VI. COMPÉTENCE DU TAS 48. La compétence du TAS est acceptée par les parties et est confirmée par leurs signatures de l’ordonnance de procédure. Elle résulte en outre de l’article R47 du Code et de l’article 66 des Statuts de la FIFA. 49. L’article R47 du Code stipule notamment: “Un appel contre une décision d’une fédération, association ou autre organisme sportif peut être déposé au TAS si les statuts ou règlements dudit organisme sportif le prévoient ou si les parties ont conclu une convention d’arbitrage particulière et dans la mesure aussi où l’Appelant a épuisé toutes les voies de droit préalables à l’appel dont il dispose en vertu des statuts ou règlements dudit organisme sportif”. 50. L’article 66 des Statuts de la FIFA prévoit une compétence générale du TAS pour les litiges au sein de la FIFA. L’article 67 des mêmes Statuts prévoit que cet appel doit être déposé dans un délai de 21 jours après la notification de la décision. La compétence du TAS résulte en outre des dispositions de l’article 24, alinéa 2 du RSTJ qui énonce: “Les décisions de la Chambre de Résolution des Litiges (…) peuvent faire l’objet d’un recours devant le TAS”. 51. Pour pouvoir faire appel en application de l’article R47 du Code, l’Appelant doit toutefois avoir épuisé les voies de droit préalables dont il dispose. 52. En l’espèce, le présent appel vise la décision du 17 janvier 2014 de la CRL de la FIFA. Il appert que cette décision peut être considérée comme une décision finale ouvrant la voie à un recours auprès du TAS. VII. RECEVABILITÉ DE L’APPEL 53. La recevabilité de l’appel n’a pas été contestée par l’Intimé. 54. La déclaration d’appel était soumise au greffe du TAS le 13 mai 2014 et dans le délai de vingt et un jours fixé par l’article R49 du code: l’appel est donc recevable. 55. Sur le dépôt de pièces complémentaires par l’Appelant en date des 29 et 30 octobre 2014 (voir supra paragraphe 34), l’arbitre unique considère, qu’en raison de leur nature et de leur caractère facilement accessible, les décisions juridictionnelles et les conclusions de l’Avocat général dans l’affaire Bernard sont admissibles, les autres pièces déposées par l’Appelant ne sont toutefois pas admises au dossier en raison de la tardiveté de leur dépôt. Pour ce qui est des notes de plaidoirie que l’Appelant a souhaité déposer à l’issue de l’audience (voir supra paragraphe 38), l’arbitre unique, après avoir noté que l’Intimé s’était opposée à leur dépôt, les a déclarées non admissibles aux débats; il appartenait à l’Appelant de déposer ensemble des écritures dont il souhaitait faire état dans les délais qui lui étaient impartis. VIII. DROIT APPLICABLE 56. Conformément aux dispositions de l’article R58 du code: “La formation statue selon les règlements applicables et, subsidiairement, selon les règles de droit choisies par les parties ou, à défaut de choix, selon le droit du pays dans lequel la fédération, association ou autre organisme sportif ayant rendu la décision attaquée, à son domicile ou selon les règles de droit dont la formation estime une application appropriée. Dans ce dernier cas, la décision de la formation doit être motivée”. En l’espèce, les règlements applicables sont ceux de la FIFA, en particulier le RSTJ dans sa version 2010 en vigueur en 2012. 57. En outre, les parties n’ont pas fait d’élection de droit; le droit du siège de la FIFA, c’est-à-dire le droit suisse, pourrait trouver application à titre subsidiaire. IX. EXAMEN DES QUESTIONS DE FOND 58. L’Appelant ayant renoncé en cours d’audience à son argument in limine litis (voir supra paragraphe 43 a), l’arbitre unique n’a pas à statuer sur ce moyen. 59. Pour résoudre ce litige, l’arbitre unique doit, à titre principal, examiner les questions suivantes: - le Joueur était-il professionnel avant de rejoindre Grevenmacher? - les dispositions du Contrat permettaient-elles de le qualifier comme joueur professionnel? - si le Contrat est ainsi qualifié, l’Intimé est-elle en droit de recevoir une indemnité de formation et quel doit en être le montant? 60. Dans son mémoire en réponse, Vila Real soutient que le Joueur avait la qualité d’amateur alors qu’il figurait dans son effectif. 61. Vila Real fait, dans sa requête devant la FIFA, état de deux pièces jointes à ladite requête: - au “Players’ passport” émis par la Fédération Portugaise de Football, à la lecture duquel il n’apparaît pas que le Joueur soit qualifié de professionnel mais d’amateur, - à un courriel de la FPF qui indique que, en langue portugaise (non traduite), le Joueur était transféré au CS Grevenmacher sous juridiction de la Fédération Luxembourgeoise de Football, comme professionnel, le 19 janvier 2012. 62. L’arbitre unique relève qu’aucune pièce du dossier fournie ne permet de soutenir que le Joueur ait été qualifié de professionnel lorsqu’il jouait au Portugal pour l’Intimé. Le passeport du Joueur tend à confirmer son statut d’amateur, aucun contrat écrit ni aucun élément permettant de supposer qu’il ait été payé au-delà du remboursement de ses frais dans les clubs où il était préalablement n’a été déposé et l’Appelant aurait eu la possibilité de formuler une requête probatoire s’il estimait que ce point avait à être clarifié, de sorte qu’il ne saurait valablement alléguer un renversement du fardeau de la preuve sur ce point. Pour l’arbitre unique, dans ces circonstances, il ne paraît pas que le Joueur pouvait être considéré comme professionnel avant d’avoir signé avec Grevenmacher. 63. L’arbitre unique doit donc examiner la question de savoir si le Contrat signé avec Grevenmacher permet de qualifier le Joueur comme professionnel. L’arbitre unique souligne que le présent litige n’est pas de nature contractuelle comme étant relatif au paiement d’une indemnité de formation que l’Appelant a été condamné à verser à l’Intimé par la CRL. La CRL a pris cette décision en appliquant les règles de la FIFA et seule la définition du joueur professionnel donnée par les règles de la FIFA est pertinente pour régler le présent litige. En aucun cas, le présent litige ne peut ainsi porter atteinte aux droits en vigueur au Luxembourg et qui seraient applicables à la relation entre un employeur et son employé. 64. Ainsi, selon les dispositions de l’article 2 paragraphe 2 du RSTJ, “Est considéré comme un joueur professionnel tout joueur ayant un contrat écrit avec un club et qui perçoit pour son activité footballistique, une rétribution supérieure au montant des frais effectifs qu’il encourt. Tous les autres joueurs sont considérés comme amateurs”. 65. L’article 5 paragraphe 1er alinéa du RSTJ précise qu’un joueur sous contrat joue pour un club soit comme professionnel, soit comme amateur selon les dispositions de l’article 2 (du RSTJ). 66. En d’autres termes, les joueurs sont soit amateurs, soit professionnels et il n’y a pas de place pour une troisième catégorie (CAS 2006/A/1177 paragraphe 7.4.3; CAS 2009/A/1781 paragraphe 8.13). La définition d’un joueur professionnel dans le RSTJ est précise et il convient de se référer aux commentaires de la FIFA sur ce sujet; peut être considéré comme professionnel un joueur qui a, d’une part, un contrat écrit avec un club et, d’autre part, qui est payé au-delà des dépenses qu’il supporte effectivement eu égard à son activité en tant que joueur (TAS 2009/A/1895). 67. Il n’est pas discutable que le Contrat ait été enregistré par la Fédération Luxembourgeoise de Football, faute de quoi le Joueur n’aurait pas pu être licencié et n’aurait pas pu jouer avec son club; cet élément n’est pas contesté par Grevenmacher quand bien même il n’a été produit aucune pièce dans le cadre de la procédure. 68. L’arbitre unique constate bien l’existence d’un contrat écrit entre le Joueur et l’Appelant et une des conditions prévues par l’article 2 paragraphe 2 du RSTP est ainsi remplie. 69. Il reste donc à l’arbitre unique à déterminer si les montants fixés par le Contrat au bénéfice du Joueur et les montants effectivement versés au Joueur permettent de considérer qu’elles sont au-delà des dépenses effectivement supportées pour son activité footballistique et permettent de qualifier le Joueur de professionnel au sens du RSTJ. 70. L’Appelant soutient que le Joueur percevait une indemnité pour frais encourus de 300 euros, ayant pour objet de couvrir les dépenses du Joueur en relation avec l’exécution de ses engagements. L’Appelant souligne que le Joueur devait se présenter environ une vingtaine de fois aux entraînements et habitait à 23,1 kilomètres du lieu de l’entraînement et considérant le nombre d’entraînements que ses frais de déplacement kilométriques calculés à 18,48 euros par trajet faisaient ressortir une charge de 369,69 euros par mois. Il en concluait que l’indemnité de 300 euros par mois était uniquement due pour couvrir les frais de transport exposés pour jouer au football. 71. Devant le TAS, dans sa réponse, l’Intimé n’a pas contesté le calcul fait par l’Appelant. Toutefois, lors de l’audience, il a émis une contestation verbale mais non documentée sur le calcul, laquelle ne figure ni dans son dossier devant la CRL de la FIFA, ni dans son dossier devant le TAS. 72. L’arbitre unique considère ainsi que les calculs faits par l’Appelant, et vérifiés par l’arbitre unique, qui se fondent sur une attestation de résidence, d’une part, d’autre part, sur une distance confirmée par une recherche sur internet et, de troisième part, sur le montant raisonnablement et communément admis du prix de 0,4 centime d’euro par kilomètre auquel on applique une moyenne de 21 trajets par mois, ne sont pas valablement contestés par l’Intimé. 73. Il apparaît à la lecture du Contrat qu’il est prévu, au-delà de l’indemnité pour les frais encourus telle que définie par l’Appelant, le versement de petites primes pour le Joueur, différenciées selon qu’il soit titulaire ou remplaçant, ainsi qu’une indemnité mensuelle si le club se qualifiait pour une coupe de l’UEFA ou était vainqueur de la coupe du Luxembourg mais également si le club obtenait le titre de champion du Luxembourg. L’Appelant estime qu’il serait inexact de prendre en compte les primes prévues par le Contrat pour déterminer si le Joueur avait un contrat professionnel, et ce d’autant plus qu’il n’a en fait reçu que deux primes de 45 euros pour avoir figuré deux fois sur les feuilles de match (et alors même que les primes prévues étaient d’un montant extrêmement modique), ne représentaient pas un droit acquis et qu’un supplément qui n’est pas régulier ne peut être qualifié de salaire. 74. L’Intimé, pour sa part, relevait, comme indiqué supra, le fait que si le Joueur avait activement prit part à tous les matchs de l’Appelant, il aurait pu avoir un revenu de 500 euros en sus de l’indemnité de 300 euros et que le petit nombre de matchs auquel le Joueur a participé ne saurait faire obstacle au paiement d’une indemnité de formation, un club pouvant sinon éviter le paiement d’une indemnité de formation en enjoignant à son entraîneur de ne plus aligner un Joueur dans ce seul but et non en raison des performances sportives du Joueur. 75. L’arbitre unique relève que le critère relatif à l’exigence d’un contrat écrit pourrait permettre de qualifier le Joueur comme professionnel. Toutefois, l’arbitre unique relève qu’au vu du Contrat et de son esprit, de son application, d’une part, et, d’autre part, du montant extrêmement modique des primes prévues qui ne constituent pas un droit acquis pour le Joueur, ces éléments viennent contredire la possibilité de qualifier le Joueur de professionnel. Il apparaît à l’arbitre unique que la rémunération régulière du Joueur est très clairement destinée à couvrir ses frais et seulement le montant de ceux-ci et qu’au regard du calcul effectué, cette couverture n’est en outre que partielle et que même en ajoutant les primes effectivement reçues, le Joueur n’a fort vraisemblablement pas été intégralement défrayé. 76. En outre, on ne saurait ici soupçonner l’Appelant d’avoir cherché à contourner les règles de la FIFA. En effet, aucun élément du dossier ne permet de douter de sa bonne foi: rien ne laisse supposer que le Joueur ait pu ne pas avoir été aligné afin d’éviter le paiement d’indemnités de formation ou que les modiques primes ou bonus susceptibles de lui être versés aient eu pour but de constituer une rémunération fixe déguisée. L’arbitre unique rappelle enfin que le TAS a déjà reconnu qu’un bonus prévu ne saurait, en tant que tel, faire obstacle à l’application du statut amateur pour un joueur (voir TAS 2006/A/1027). Il apparaît que la décision rendue par la CRL le 8 octobre 2014 et produite par l’Appelant a attribué le statut d’amateur à un joueur ayant un montant fixe mensuel de 400 euros, des primes de matchs et des primes de victoire. Bien que, comme relevé par l’Intimé, chaque cas doit être jugé sur la base des faits le caractérisant, ces jurisprudences renforcent néanmoins la position de l’arbitre unique. 77. Dès lors, au regard des critères fixés par le RSTJ en vigueur et des circonstances particulières du cas d’espèce, l’arbitre unique considère que le Joueur doit être qualifié comme amateur. 78. En conséquence, l’arbitre unique décide d’admettre l’appel interjeté par Grevenmacher et de réformer en toutes ses dispositions la décision de la CRL de la FIFA en date du 17 janvier 2014. PAR CES MOTIFS Le Tribunal Arbitral du Sport statuant contradictoirement 1. Déclare recevable l’appel interjeté par Grevenmacher en date du 13 mai 2014. 2. Annule la décision rendue par la CRL de la FIFA en date du 17 janvier 2014. 3. Dit qu’aucune indemnité de formation n’est due par le SC Grevenmacher au Sport Clube Vila Real. (…) 6. Rejette toutes les autres conclusions des parties.
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