F.I.F.A. – Players’ Status Committee / Commissione per lo Status dei Calciatori – players’ and match agents disputes / controversie agenti di calciatori – fifa.com – atto non ufficiale – Decision of the Single Judge of the Players’ Status Committee passed in Zurich, Switzerland, on 28 février 2017
Décision du juge unique de la
Commission du Statut du Joueur
rendue le 28 février 2017 à Zurich, Suisse,
par
M. Geoff Thompson (Angleterre)
Juge unique de la Commission du Statut du Joueur
au sujet d’une plainte soumise par l’Agent de joueurs
Agent A, Pays B
ci-après, « la demanderesse »
à l’encontre du joueur
Joueur C, Pays D
ci-après, « le défendeur »
concernant un litige contractuel entre les parties
I. En fait
1. Le 4 janvier 2014, l’agent de joueurs licencié auprès de la Fédération de Football du Pays B, Agent A (ci-après: la demanderesse), et le joueur du Pays D, Joueur C (ci-après: le défendeur), ont signé un contrat exclusif de médiation (ci-après : le contrat), valable du 4 janvier 2014 jusqu’au 31 janvier 2016.
2. Selon l’article IV du contrat, la demanderesse, « en contrepartie » de ses services, et « en cas de négociation / de conclusion d’un nouveau contrat (y compris, lors de la reconduction / la prolongation de son ancien contrat) », était en droit de recevoir du défendeur « 10% de la rémunération brute lui pro méritée globalement par contrat. Cette rétribution est versée à l’Agent par échelonnements, saison par saison et ce, au plus tard le 1er juillet de l’année de chaque nouvelle saison sportive ».
3. De plus, il était convenu que « si le Joueur négocie et/ou conclut/ prolonge lui-même ou avec l’aide d’un tiers un contrat de travail avec un club quelconque pendant l’exécution de la présente convention, l’indemnité précitée ci-dessus équivaut forfaitairement, en sus du remboursement des frais et avances de l’Agent, à la rétribution visée au point IV du présent contrat de médiation” (ci-après : la clause de pénalité).
4. Le 15 mars 2014, le défendeur a signé un nouveau contrat de travail (ci-après : le renouvellement de contrat) avec le club du Pays D du Club L (ci-après : le club), valable du 17 mars 2014 au 30 juin 2018 et selon lequel le défendeur avait le droit de recevoir du club, entre autres, une prime de signature de EUR 1,200,000 avant le 21 mars 2013 ainsi qu’une indemnité mensuelle brute de EUR 30,000.
5. Le renouvellement de contrat signé par le défendeur et le club « annule et remplace (..) le contrat de travail (..) signé le 17 juillet 2011 qui a pris course le 18 juillet 2011 pour se terminer (..) le 30 juin 2015».
6. En date du 31 mars 2015, la demanderesse a déposé une requête devant la FIFA à l’encontre du défendeur et a accusé celui-ci de n’avoir pas respecté le contrat.
7. À ce sujet, la demanderesse a d’abord expliqué avoir aidé le défendeur à conclure le renouvellement de contrat avec l’aide de son partenaire, l’Agent de joueurs licencié auprès de la Fédération de Football du Pays D, M. E (ci-après : M. E), et a apporté au dossier plusieurs emails échangés entre le joueur et M. E.
8. De plus, la demanderesse a allégué avoir négocié un précontrat (ci-après : le précontrat) entre le défendeur et le club Club F (ci-après : Club F) et a apporté au dossier des emails apparemment échangés entre le défendeur et M. E à ce sujet.
Selon le précontrat, le défendeur avait droit de recevoir du club Club F EUR 1,500,000 pendant la saison 2014/2015 ; EUR 1,500,000 pendant la saison 2015/2016 ; EUR 1,500,000 pendant la saison 2016/2017 ; EUR 1,500,000 pendant la saison 2017/2018 et EUR 1,500,000 pendant la saison 2018/2019.
9. Selon la demanderesse, le défendeur lui aurait suggéré en date du 9 janvier 2015 de mettre un terme au contrat « en lui proposant une convention libellée [Termination Agreement] (..) », proposition qu’elle aurait rejeté.
10. Par la suite, la demanderesse et le défendeur auraient échangé plusieurs courriers sans arriver à une résolution à l’amiable de leur relation contractuelle.
11. En outre, la demanderesse a affirmé que le défendeur aurait conclu un contrat de travail avec le Club H du pays G (ci-après : Club H) en janvier 2015. Selon le contrat en question, le défendeur avait le droit de recevoir du club du pays G EUR 81,000 brut, c’est-à-dire EUR 45,000 net pendant la saison 2014/2015 (du 02.02.2015 au 30.06.2015) ; EUR 1,800,000 brut, c’est-à-dire EUR 988,000 net pendant la saison 2015/2016 ; EUR 1,800,000 brut, c’est-à-dire EUR 988,000 net pendant la saison 2016/2017 et EUR 1,800,000 brut, c’est-à-dire EUR 988,000 net pendant la saison 2017/2018.
12. Au vu de ce qui précède et en tenant compte du contenu du contrat ainsi que de la clause de pénalité, la demanderesse considérait être en droit de recevoir du défendeur les paiements suivants :
EUR 276,000, en raison du renouvellement de contrat, correspondant à 10 % de EUR 2,760,000, c’est-à-dire : EUR 1,200,000 « valant prime de signature » + EUR 120,000 « saison 2013/2014 : 4 x 30.000,00 € pour les mois de mars, avril mai et juin 2004 » + EUR 360,000 « saison 2014/2015 : 12 x 30.000,00 € » + 360,000 « saison 2015/2016 : 12 x 30.000,00 € » + 360,000 « saison 2016/2017 : 12 x 30.000,00 € » + 360,000 « saison 2017/2018 : 12 x 30.000,00 » ;
EUR 750,000 concernant le précontrat, correspondant à 10% de : EUR 1,500,000 « rémunération garantie durant la saison 2014/2015 » + EUR 1,500,000 « rémunération garantie durant la saison 2015/2016 » + EUR 1,500,000 « rémunération garantie durant la saison 2016/2017 » + EUR 1,500,000 « rémunération garantie durant la saison 2017/2018 » + EUR 1,500,000 « rémunération garantie durant la saison 2018/2019 » ;
EUR « 648,100 » concernant le contrat de travail que le défendeur aurait conclu avec Club H, correspondant à 10% de : EUR 81,000 pour la saison 2014/2015 + EUR 1,800,000 pour la saison 2015/2016 + EUR 1,800,000 pour la saison 2016/2017 + EUR 1,800,000 pour la saison 2017/2018.
13. De plus, la demanderesse a demandé le paiement d’un intérêt de 5% par année sur la somme d’EUR 132,000 depuis le 15 janvier 2015 et sur la somme d’EUR 648,000 à partir du 2 février 2015, « sur base du principe d’échelonnement du paiement de la commission tel qu’il est établi à l’art. IV al. 2 du contrat de médiation ».
14. Le 10 août 2015, le défendeur a envoyé ses commentaires quant à la requête de la demanderesse et l’a rejetée dans sa totalité.
15. À ce sujet, le défendeur a premièrement affirmé avoir conclu lui-même le renouvellement de contrat. Dans ce contexte, le défendeur a apporté au dossier une déclaration de M. I qui aurait apparemment été le représentant du club du 23 juin 2011 au 24 Juin 2014 et qui a confirmé la non-participation de l’Agent dans la transaction en question.
16. De plus, le défendeur a expliqué que les négociations menées avec Club F n’avaient pas abouti à la conclusion d’un contrat de travail et que, depuis le 1er février 2015, il avait été prêté à Club H sans l’intervention de l’Agent « ou tout autre Agent exerçant son activité chez l’Agence J ». Le défendeur a ajouté qu’il était encore enregistré auprès du club.
17. Le défendeur a aussi contesté la compétence de la FIFA à prendre une décision dans la présente affaire en alléguant que selon « l’art. 23/2 du Règlement du Statut et Transfert des Joueurs, édition 2015, le Commission du statut du joueur n’a pas la juridiction de statuer sur des litiges contractuels entre un Agent et un joueur. (..) la FIFA Commission du statut du joueur est uniquement compétent à statuer sur des litiges concernant des Agents qui ont une licence valide de l’association compétente (..). Cependant, Madame Dubois ne dispose point des licences nécessaires à l’exercice d’activités d’Agent sportif. (..) Madame Dubois ne dispose ni d’un enregistrement auprès du Gouvernement Wallon (..) ni de la licence requise par le Règlement FIFA des Agents de joueurs en ce qui concerne le territoire du Pays D ».
18. Le défendeur a également invoqué l’irrecevabilité de la requête de la demanderesse en accusant cette dernière de n’avoir pas respecté l’art. 9. al. 1 h) du Règlement de la Commission du Statut du Joueur et de la Chambre de Résolution des Litiges.
19. Par la suite, et vu que, selon lui, la demanderesse ne disposait aucunement d’une licence nécessaire « à l’exercice d’activités d’Agent sportif », le défendeur a contesté la validité du contrat.
20. De même, le défendeur a contesté la validité « des clauses d’exclusivité comme reprises dans le Contrat de Médiation [i.e. le contrat] (..) selon le droit suisse » sur la base de l’art. 8 al. 2 de la « Loi suisse fédérale sur le service de l’emploi et la location de service ».
21. Selon le défendeur, le contrat était aussi en « contradiction avec la Règlementation de la FIFA » et plus spécifiquement l’art. 19 al. 7 du Règlement des Agents de joueurs puisqu’il lui interdisait de négocier lui-même avec d’autres clubs potentiels.
22. En outre, le défendeur a contesté le droit de la demanderesse de recevoir une quelconque commission sur la base du fait qu’elle n’aurait pas été impliquée dans la conclusion du renouvellement de contrat ni du contrat signé avec Club H.
23. Finalement, le défendeur a contesté le « mode de calcul des commissions » utilisé par la demanderesse qui est « contraire aux règlements et à la jurisprudence de la FIFA » et indiqué que son droit à la défense aurait été bafoué.
24. Dans sa réplique du 18 octobre 2015 la demanderesse a rejeté les allégations du défendeur et insisté sur sa plainte initiale.
25. À ce sujet, la demanderesse a premièrement insisté sur la compétence de la FIFA à prendre une décision dans la présente affaire ainsi que sur la recevabilité de sa requête.
26. De plus, la demanderesse a contesté la nullité du contrat et expliqué qu’elle « disposait et dispose toujours », au travers de sa société, « de l’agrément et de l’enregistrement pour pratiquer le métier d’intermédiaire de sportifs rémunérés sur le territoire de la Région X au Pays D ».
27. La demanderesse a aussi mentionné que le contrat avait été conclu en respectant les règlements de la FIFA et a précisé que le droit suisse s’appliquait seulement à titre subsidiaire.
28. En outre, la demanderesse a souligné qu’elle était intervenue dans le cadre du contrat de travail et que même si la FIFA estimait le contraire « quod non (..) la commission est due par l’application de l’article IV in fine du contrat de médiation [c’est-à-dire la clause de pénalité] ».
29. Dans ce contexte, la demanderesse a indiqué avoir « toujours respecté l’obligation de moyen lui incombant en vertu du contrat de médiation [i.e. le contrat] », aussi avec l’aide de M. E.
30. En se référant au précontrat, la demanderesse a, par la suite, allégué que ce document constituait un « contrat de travail en bonne et due forme puisqu’il emporte les éléments essentiels d’un contrat de travail ». D’après la demanderesse, sa commission ne dépendait « (..) pas du transfert du joueur C [i.e. le défendeur] mais de la conclusion d’un contrat de travail ».
31. La demanderesse a aussi ajouté que le club aurait déposé une plainte à la FIFA à l’encontre du Club F « en réclamant 4,9 millions d’Euros (..) pour non-paiement de l’indemnité de transfert du joueur˝ et qu’il a publié sur son site internet le fait que le défendeur aurait dû être transféré au Club F après avoir été prêté à Club H.
32. Finalement, la demanderesse a accusé le défendeur d’avoir aussi conclu un contrat avec le Club K du pays G (ci-après : Club K) sans son intervention de telle sorte que celui-ci aurait dû également lui payer une commission sur ce transfert et ce, sur la base de la clause de pénalité.
33. En dernier lieu, en tenant compte des objections faites par le défendeur quant au calcul de sa commission, la demanderesse, à titre subsidiaire, a demandé de celui-ci les paiements suivants :
EUR 132,000 « c’est-à-dire 10% de (..) 1.320.00,00 € équivalent à : prime de signature de 1.200.000,00 € (..) + 120.000,00 € (soit, 4 x 30.000 € à titre de rémunération fixe garantie (..)) », plus un intérêt de 5% par année depuis le 16 janvier 2015 ;
« 10% des revenus (..) » que le défendeur a « perçus réellement des contrats de travail » avec le club et Club H « (à supposer que [le défendeur] n’ait été rémunéré de quelque façon par Club F) et dont paiement dû depuis le 1er juillet 2015 (..) » le joueur « étant invité à fournir toutes les fiches sociales de paiement de la rémunération effectivement perçue durant la saison 2014/2015 », plus un intérêt de 5% par année depuis le 2 juillet 2015 ;
« 10% des revenus (..) » que le défendeur « aura perçu « réellement des contrats de travails conclus » avec le club et/ou Club K « (à supposer que [le joueur] n’ait été rémunéré de quelque façon par Club F) et ce, saison par saison, la date d’exigibilité étant le 1er juillet de la saison suivante. [Le joueur] étant invité à fournir tous les documents ayant trait aux revenus découlant de ses contrats avec » le club et/ou Club K.
34. Dans sa position finale du 2 décembre 2015, le défendeur a réitéré ses commentaires.
35. En outre, le défendeur a expliqué avoir été prêté au Club K depuis le 13 juillet 2015 et a ajouté que ce prêt avait également été réalisé sans l’intervention de la demanderesse.
36. De plus, et quant aux emails qu’il « aurait échangé avec M. E », le défendeur a souligné n’avoir jamais conclu de contrat de médiation avec celui-ci et ne lui avoir jamais donné un mandat de représentation. Selon le défendeur, « ces pièces ne fournissent (..) aucune preuve pour la prétendue intervention » de la demanderesse.
37. Finalement, le défendeur insiste sur le fait que la demanderesse ne peut pas réclamer le paiement des commissions pour toute la durée des contrats de travail.
38. Selon les dires du défendeur, « une commission de 10% ne pourra qu’être réclamée sur les montants suivants :
Pour la saison 2013/2014 :
En vertu du contrat de travail avec le Club L [i.e. le club] :
o 4 x 30.000 euro de salaire mensuel (mars ; avril ; mai ; juin)
o 300.000 (échelon 1 de la prime de fidélité (total de 1.200.000 euro à payer en quatre ans conformément à l’article 6.7. du contrat de travail avec le Club L).
Total : 420.000 euro – commission de 42.000 euro Pour la saison 2014/2015 :
En vertu du contrat de travail avec le Club L :
o 7 x 30.000 euro salaire mensuel (juillet ; août ; septembre ; octobre ; novembre ; décembre ; janvier 2014)
o 150.000 (échelon 2 de la prime de fidélité (total de 1.200.000 euro à payer en quatre ans conformément à l’article 6.7. du contrat de travail avec le Club L).
En vertu du contrat de travail avec Club H à partir du 1 février 2015 :
o 81.000 euro salaire mensuel (Février ; mars ; avril ; mai ; juin 2015)
Total : 441.000 euro – commission de 44.100 euro ».
39. Selon les informations contenues dans le système de régulation des transferts (TMS), le défendeur aurait été engagé par Club H du 1er février 2015 au 30 juin 2018 pour le salaire fixe suivant : EUR 81,000 brut, c’est-à-dire EUR 45,000 net du 2 février 2015 au 30 juin 201; EUR 1,800,000 brut, c’est-à-dire EUR 988,000 net pendant la saison 2015/2016 ; EUR 1,800,000 brut, c’est-à-dire EUR 988,000 net pendant la saison 2016/2017 ; EUR 1,800,000 brut, c’est-à-dire EUR 988,000 net pendant la saison 2017/2018.
40. De plus, selon les informations contenues dans le TMS, le défendeur aurait conclu un contrat de travail avec Club K le 13 juillet 2015, valable depuis la date de signature jusqu’au 30 juin 2019, prévoyant le salaire fixe suivant : EUR 1,385,000 pendant la saison 2015 – 2016 ; EUR 87,000 pendant la saison 2016 – 2017 ; EUR 87,000 pendant la saison 2017 – 2018 ; EUR 87,000 pendant la saison 2018 – 2019.
II. Considérants du juge unique de la Commission du Statut du Joueur
1. En premier lieu, le juge unique de la Commission du Statut du Joueur (ci-après également dénommé : juge unique) a examiné quel règlement procédural est applicable dans la présente affaire. Le présent litige ayant été soumis à la FIFA le 31 mars 2015, le juge unique en a déduit que l’édition 2014 du Règlement de la Commission du Statut du Joueur et de la Chambre de Résolution des Litiges (ci-après : les Règles de Procédure) est applicable au présent litige (cf. art. 21 des Règles de Procédure).
2. Deuxièmement, le juge unique de la Commission du Statut du Joueur a analysé quelle édition du Règlement des Agents de Joueurs devrait être appliquée quant au droit matériel. À cet égard, le juge unique s’est référé, d’une part, à l’art. 39 al. 1 du Règlement des Agents de Joueurs (édition 2008) en relation avec l’al. 4 de ce même art. 39, et d’autre part au fait que la requête de la demanderesse a été déposée auprès de la FIFA le 31 mars 2015. Au vu de ce qui précède, le juge unique a conclu que l’édition 2008 du Règlement des Agents de Joueurs (ci-après : le Règlement) est applicable au présent litige quant au droit matériel.
3. Troisièmement, le juge unique de la Commission du Statut du Joueur a abordé la question de sa compétence à traiter de la présente affaire. A cet égard, il a souhaité souligner que sur la base des dispositions règlementaires du Règlement des Agents de Joueurs, il peut être établi que la FIFA est compétente pour traiter des litiges impliquant des Agents de joueurs dûment licenciés par leurs associations respectives dans la mesure où le litige en question a une dimension internationale (cf. article 30 alinéa 2 du Règlement).
4. Le juge unique de la Commission du Statut du Joueur a continué ses délibérations en mentionnant que la présente affaire opposait un Agent de joueurs licencié auprès de la Fédération de Football du Pays B et un joueur du Pays D concernant une prétendue commission impayée.
5. Par conséquent, le juge unique de la Commission du Statut du Joueur est compétent pour décider de la présente affaire qui a une dimension internationale conformément à l’art. 30 al. 2 du Règlement.
6. À ce sujet et pour le bon ordre, en tenant compte de l’application de l’édition 2014 des Règles de Procédure ainsi que du Règlement des Agents de Joueurs au présent litige, le juge unique a ajouté que l’allégation du défendeur quant à la non-compétence de la FIFA à prendre une décision dans la présente affaire du fait de la modification de l’article 6 de l’édition 2015 des Règles de Procédure, devait être rejetée. Par conséquent, la demande de la demanderesse est admissible.
7. La réglementation en vigueur et sa compétence ayant été établies, le juge unique a tout d’abord soigneusement pris en considération et analysé les arguments ainsi que l’ensemble des documents contenus dans le dossier relatif à la présente affaire. En particulier, le juge unique a rappelé qu’en application de l’art. 6 par. 3 de l’Annexe 3 du Règlement du Statut et du Transfert des Joueurs (édition 2014), la FIFA peut utiliser tout document ou toute preuve générés ou contenus dans le système de régulation des transferts (ci-après : TMS).
8. Ce faisant, le juge unique a commencé par analyser le contenu du contrat conclu entre les parties au litige le 4 janvier 2014. En particulier, le juge unique a remarqué que selon les termes dudit contrat, la demanderesse, en contrepartie de ses services, était en droit de recevoir du défendeur « 10% de la rémunération brute lui pro méritée globalement par contrat. Cette rétribution est versée à l’Agent par échelonnements, saison par saison et ce, au plus tard le 1er juillet de l’année de chaque nouvelle saison sportive ». En outre, le juge unique a pris note du fait que, selon le contrat, si le défendeur « négocie et/ou conclut/ prolonge lui-même ou avec l’aide d’un tiers un contrat de travail avec un club quelconque pendant l’exécution de la présente convention, l’indemnité précitée ci-dessus équivaut forfaitairement, en sus du remboursement des frais et avances de l’Agent, à la rétribution visée au point IV du présent contrat de médiation ».
9. De plus, le juge unique a pris note du fait que le défendeur avait conclu un nouveau contrat de travail avec le club le 15 mars 2014, valable du 17 mars 2014 au 30 juin 2018, selon lequel celui-ci avait droit de recevoir une prime de signature d’EUR 1,200,000 avant le 21 mars 2013 et une indemnité mensuelle brute d’EUR 30,000. De même, le juge unique a remarqué que, selon les informations contenues dans le TMS, le défendeur aurait signé un contrat de travail avec Club H, valable du 1er février 2015 au 30 juin 2018, pour le salaire fixe suivant : EUR 81,000 brut, c’est-à-dire EUR 45,000 net du 2 février 2015 au 30 juin 2016; EUR 1,800,000 brut, c’est-à- dire EUR 988,000 net pendant la saison 2015/2016 ; EUR 1,800,000 brut, c’est-à-dire EUR 988,000 net pendant la saison 2016/2017 ; EUR 1,800,000 brut, c’est-à-dire EUR 988,000 net pendant la saison 2017/2018. Le juge unique a également noté que, selon les informations contenues dans le TMS, le défendeur avait conclu un contrat de travail avec Club K le 13 juillet 2015, valable depuis la date de signature jusqu’au 30 juin 2019, prévoyant le salaire fixe suivant : EUR 1,385,000 pendant la saison 2015 – 2016 ; EUR 87,000 pendant la saison 2016 – 2017 ; EUR 87,000 pendant la saison 2017 – 2018 ; EUR 87,000 pendant la saison 2018 – 2019.
10. Par la suite, le juge unique a pris acte des déclarations faites par la demanderesse dans sa requête, selon lesquelles elle aurait aidé le défendeur à conclure le renouvellement de contrat ainsi qu’un précontrat avec Club F mais que celui-ci ne lui aurait pas payé la commission due. En outre, le juge unique a pris note du fait, que selon la demanderesse, le défendeur aurait conclu, sans son intervention, les contrats avec Club H et Club K et ce, alors que le contrat liant la demanderesse et le défendeur était toujours valable, ce qui, toujours selon la demanderesse, lui permettait d’être dédommagé conformément à la clause de pénalité du contrat.
11. Le juge unique a remarqué que le défendeur, pour sa part, tout en admettant que le contrat de travail avait été conclu sans l’intervention de la demanderesse, a accusé celle-ci de n’avoir pas rempli ses obligations contractuelles. De plus, le juge unique a aussi observé que le défendeur considérait la commission et la clause de pénalité contenues dans le contrat comme abusives, nulles et non avenues.
12. Au vu de ce qui précède, le juge unique a tout d’abord tenu à rappeler que selon le principe légal de base universellement accepté de « pacta sunt servanda », toute convention en vigueur lie les parties et doit être exécutée par celles-ci de bonne foi.
13. De plus et quant aux allégations du défendeur selon lesquelles la demanderesse n’aurait pas rempli ses obligations contractuelles, le juge unique a souhaité rappeler que selon l’art. 12 al. 3 des Règles de Procédure, la charge de la preuve incombe à la partie qui invoque un droit découlant d’un fait qu’elle allègue. En l’espèce et tenant en compte du fait que le défendeur n’avait apporté aucune preuve à ce sujet, le juge unique a établi que, in casu, les allégations du défendeur doivent être rejetées faute d’élément probant.
14. Cela étant dit, le juge unique a rappelé que, de manière générale, l'activité des Agents de joueurs est une fonction destinée à rassembler les joueurs et les clubs afin d'établir des relations de travail, à savoir que les négociations menées par les Agents de joueurs doivent aboutir à la conclusion d'un contrat de travail entre un joueur et un club. Dans ce contexte, le juge unique renvoyé à une lettre adressée en juin 1999 à tous les Agents de joueurs licenciés, dans laquelle le Bureau de la Commission du Statut du Joueur a déclaré qu'il avait discuté lors de sa réunion du 27 août 1998 à Zürich des cas dans lesquels un Agent de joueurs demande une commission à un joueur, même si le contrat de travail pertinent a été conclu entre le joueur en question et un club sans la participation de l’Agent de joueurs. À cet égard, le Bureau a conclu que l’activité d’un Agent de joueurs doit être causale à la conclusion de contrats de travail et que, en règle générale, si un contrat de travail est signé sans la participation d’un Agent de joueurs particulier, le joueur concerné ne doit pas rémunérer l'Agent de joueurs en question. Cela dit, le juge unique a rappelé que cette interprétation juridique du Bureau de la Commission du Statut du Joueur est toujours applicable et a été confirmé depuis par la Commission du Statut du Joueur dans sa jurisprudence constante.
15. Nonobstant ce qui précède, et en se référant à nouveau à la lettre mentionnée ci-dessus, le juge unique a ensuite souligné que le Bureau a également convenu que les Agents de joueurs peuvent, néanmoins, réclamer une commission même s’ils n’ont pas été impliqués directement dans un transfert, si une clause à cet effet est explicitement et sans équivoque stipulée dans l'accord de représentation pertinent.
16. A cet égard, dans la mesure où le contrat contenait une clause de pénalité claire, spécifique et univoque permettant à la demanderesse de recevoir une indemnité équivalente « forfaitairement, en sus du remboursement des frais et avances de l’Agent, à la rétribution visée au point IV du présent contrat de médiation » (i.e., « 10 % de la rémunération brute lui pro méritée globalement par contrat »), et ce même si la demanderesse n’était pas intervenue dans la transaction, le juge unique de la Commission du Statut du Joueur a conclu que ladite clause de pénalité trouve à s’appliquer dans le cas d’espèce.
17. Cela étant dit et compte tenu des circonstances du cas d’espèce et de la situation financière du défendeur, le juge unique a décidé qu’il était plus équitable de calculer la somme due à la demanderesse en vertu de l’application de la clause de pénalité en prenant en compte uniquement la rémunération effectivement perçue par le défendeur.
18. Dès lors, le juge unique a établi que le défendeur avait incontestablement signé en date du 14 mars 2014 un renouvellement de contrat de travail avec le club Club L, selon lequel le défendeur avait droit de recevoir du club, entre autres, une prime de signature de EUR 1,200,000 avant le 21 mars 2013 ainsi qu’une indemnité mensuelle brute de EUR 30,000.
19. De plus, le juge unique a également constaté que le défendeur avait entrepris des négociations avec Club F en vue de la signature d’un contrat de travail mais qu’aucun contrat de travail n’avait été finalement signé. En conséquence, le juge unique a conclu que la demande de la demanderesse doit être rejetée sur ce point.
20. Par la suite, le juge unique a relevé que, selon les documents contenus dans le dossier et selon les informations contenues dans le TMS, le défendeur avait signé un contrat de travail avec Club H du 1er février 2015 au 30 juin 2018 pour le salaire fixe suivant : EUR 81,000 brut, c’est-à-dire EUR 45,000 net du 2 février 2015 au 30 juin 2016; EUR 1,800,000 brut, c’est-à-dire EUR 988,000 net pendant la saison 2015/2016 ; EUR 1,800,000 brut, c’est-à-dire EUR 988,000 net pendant la saison 2016/2017 ; EUR 1,800,000 brut, c’est-à-dire EUR 988,000 net pendant la saison 2017/2018. De plus, le défendeur avait conclu un contrat de travail avec Club K le 13 juillet 2015, valable depuis la date de signature jusqu’au 30 juin 2019, prévoyant le salaire fixe suivant : EUR 1,385,000 pendant la saison 2015 – 2016 ; EUR 87,000 pendant la saison 2016 – 2017 ; EUR 87,000 pendant la saison 2017 – 2018 ; EUR 87,000 pendant la saison 2018 – 2019.
21. Dès lors, considérant le contenu du contrat et, plus particulièrement, le contenu de la clause de pénalité ainsi qu’en tenant compte du fait que le défendeur avait incontestablement signé un renouvellement de contrat de travail avec le club Club L ainsi qu’un contrat de travail avec les clubs de Club H et Club K et alors que le contrat exclusif de médiation liant les parties était toujours valide, le juge unique a établi qu’afin de remplir ses obligations contractuelles, le défendeur devait payer à la demanderesse une somme correspondant à 10% de sa rémunération effective en lien avec ses engagements contractuels avec les clubs Club L, Club H et Club K.
22. En conséquence, le juge unique a calculé que la somme due à la demanderesse par le défendeur correspondait à :
a. 10% des salaires effectivement perçus par le défendeur du Club L, i.e. EUR 33,000 ([11 x EUR 30,000] x 10%), ainsi que 10% de la prime de signature, i.e. EUR 120,000 (1,200,000 x 10%) ;
b. 10% des salaires effectivement perçus par le défendeur du Club H, i.e. EUR 8,100 (EUR 81,000 x 10%) ;
c. 10% des salaires effectivement perçus par le défendeur du Club K, i.e. EUR 138,500 (EUR 1,385,000 x 10%).
23. Par conséquent, le juge unique a décidé que la demande de la demanderesse est partiellement acceptée et que le défendeur est tenu de payer à la demanderesse la somme totale de EUR 299,600 plus 5% d’intérêt par année à partir du 31 mars 2015, date de la requête de la demanderesse.
24. Par la suite, le juge unique s’est référé à l’article 25 al. 2 du Règlement ainsi qu’à l’article 18 al. 1 des Règles de Procédure, selon lesquels les frais de procédure devant la Commission du Statut du Joueur seront fixés au maximum à CHF 25,000 et seront payables en principe par la partie déboutée.
25. À cet égard, le juge unique a énoncé le fait que la requête de la demanderesse est partiellement acceptée. Par conséquent, le juge unique a établi que les frais de la procédure devant la FIFA devraient être supportés tant par la demanderesse que par le défendeur. Conformément à l’Annexe A des Règles de Procédure, les frais de procédure sont fixés en fonction de la valeur litigieuse. Dans la requête initiée par la demanderesse, la somme qu’il convient de considérer est de plus de CHF 200,001. Sur la base de cette somme, le juge unique a conclu que le montant maximal des frais de procédure équivaut à CHF 25,000.
26. Compte tenu du volume considérable des échanges de correspondances entre les parties ainsi que de la complexité de la présente affaire et considérant que le litige a été soumis au juge unique et non pas à la Commission du Statut du Joueur, le juge unique a décidé que les frais de procédure s’élèvent à CHF 20,000.
27. En conclusion, la demanderesse et le défendeur, doivent verser, respectivement, la somme de CHF 15,000 et CHF 5,000 afin de couvrir les frais de procédure inhérents à la présente affaire.
***
III. Décision du juge unique de la Commission du Statut du Joueur
1. La demande de la demanderesse, Agent A, est admissible.
2. La demande de la demanderesse, Agent A, est partiellement acceptée.
3. Le défendeur, Joueur C, est tenu de payer à la demanderesse, Agent A, dans les prochains 30 jours courants à compter de la date de notification de la présente décision, la somme d’EUR 299,600 majorée d’un intérêt de 5% p.a. à compter du 31 mars 2015.
4. Toute autre demande de la demanderesse, Agent A, est rejetée.
5. Si la somme due ainsi que les intérêts y afférant ne sont pas payés dans le délai imparti, la présente affaire sera soumise, sur requête, à la Commission de Discipline de la FIFA pour considération et décision formelle.
6. Les frais de procédure d’un montant de CHF 20,000 doivent être payés par la demanderesse, Agent A, ainsi que par le demandeur, Joueur C, à la FIFA dans un délai de 30 jours à compter de la notification de la présente décision de la manière suivante :
6.1. Le montant de CHF 5,000 doit être payé par le défendeur, Joueur C.
6.2. Le montant de CHF 15,000 doit être payé par la demanderesse, Agent A. Cette dernière ayant déjà versé la somme de CHF 5,000 à titre d’avance de frais au début de la procédure, la demanderesse, Agent A, doit ainsi encore verser la somme de CHF 10,000.
6.3. Les montants en question doivent être payés sur le compte bancaire suivant en mentionnant la référence du cas XXXXXX:
UBS Zurich
Numéro de compte 366.677.01U (Statut du Joueur de la FIFA)
N° Clearing 230
IBAN : CH27 0023 0230 3666 7701U
SWIFT : UBSWCHZH80A
7. La demanderesse, Agent A, s’engage à communiquer au défendeur, Joueur C, le numéro de compte bancaire sur lequel le défendeur devra verser la somme allouée sous le point 3. De même, la demanderesse s’engage à informer la Commission du Statut du Joueur de tous paiements effectués par le défendeur.
*****
Note concernant la décision motivée (Voie de droit) :
Conformément à l’article 58 alinéa 1 des Statuts de la FIFA, cette décision est susceptible d’un appel au Tribunal Arbitral du Sport (TAS). L’appel devra être interjeté dans un délai de 21 jours à compter de la notification de la décision et devra comprendre tous les éléments figurant au point 2 des directives émanant du TAS, dont copie est jointe à la présente. L’appelant dispose de 10 jours supplémentaires à compter de l’expiration du délai de recours pour déposer son mémoire d’appel contenant une description des faits et des arguments légaux fondant le recours (cf. point 4 des directives annexées).
L'adresse complète du Tribunal Arbitral du Sport est la suivante :
Avenue de Beaumont 2
1012 Lausanne, Suisse
Tél : +41 21 613 50 00
Fax : +41 21 613 50 01
info@tas-cas.org
Au nom du juge unique de la
Commission du Statut du Joueur :
Omar Ongaro
Directeur de la sous-division
Réglementation du Football
Annexe : Directives du TAS
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