F.I.F.A. – Players’ Status Committee / Commissione per lo Status dei Calciatori – coach disputes / controversie allenatori (2016-2017) – fifa.com – atto non ufficiale – Decision 28 juin 2017

Décision du juge unique de la
Commission du Statut du Joueur
rendue le 28 juin 2017 à Zurich, Suisse,
par
M. Geoff Thompson (Angleterre)
Juge unique de la Commission du Statut du Joueur
concernant une plainte déposée par l’entraîneur
Entraîneur A, Pays B
ci-après, « le demandeur / défendeur reconventionnel »
à l’encontre du club
Club C, Pays D
0ci-après, « le défendeur / demandeur reconventionnel »
concernant un litige contractuel entre les parties
I. En fait
1. En date du 27 juillet 2012, l’entraîneur de nationalité du Pays B, Entraîneur A (ci-après : le demandeur / défendeur reconventionnel) et le Club du Pays D, Club C (ci-après : le défendeur / demandeur reconventionnel) ont signé un contrat de travail (ci-après : le contrat) valide du 1er août 2012 au 30 juin 2014, à teneur duquel le demandeur / défendeur reconventionnel a été engagé par le défendeur / demandeur reconventionnel en qualité d’ « Entraîneur de l’équipe première de la section Professionnelle ».
2. Selon les articles 6.1 et 7.1 du contrat, pour la saison sportive 2012/2013, le demandeur / défendeur reconventionnel avait droit de recevoir du défendeur / demandeur reconventionnel un salaire mensuel net de EUR 10 000, payable par virement bancaire le 30 de chaque mois.
3. Le contrat en question prévoyait également en faveur du demandeur / défendeur reconventionnel une prime de EUR 15 000 en cas d’obtention du titre de champion national du Pays D, une prime de EUR 10 000 en cas d’obtention du titre de vainqueur de la Coupe du Pays D, le double des primes de résultats figurant au règlement intérieur de l’équipe professionnelle en Championnat J, de qualification pour la Coupe du Pays D et de qualification pour la Coupe du Continent E ainsi que le double des primes de résultats attribuées à titre exceptionnel aux joueurs pour le Championnat J, de la Coupe du Pays D et de la Coupe du Continent E.
4. L’article 10 du contrat stipulait aussi, outre certaines primes de matches, des avantages en nature comme :
- « un logement standing sécurisé suivant les normes de confort moderne, bénéficiant par ailleurs de toutes les commodités de communication (satellite, internet), meubles, électro-ménager, gardiennage et charges locatives prises en charge par le [défendeur / demandeur reconventionnel], (…) il est précisé que dans l’attente de ce logement référencé, le [défendeur / demandeur reconventionnel] prendra en charge la totalité des frais d’hébergement et de restauration pour le [demandeur / défendeur reconventionnel] dans l’Hôtel F – (Pays D) » ;
- la mise à disposition pour le demandeur / défendeur reconventionnel d’« une voiture 4x4 pendant toute la durée de son contrat avec une assurance tous risques souscrite par le [défendeur / demandeur reconventionnel] » ;
- un montant mensuel de EUR 1 000 à titre de dédommagement pour les frais de nourriture et d’intendance pendant la période du contrat du demandeur / défendeur reconventionnel ;
- la prise en charge par le défendeur / demandeur reconventionnel de « l’abonnement téléphonique (mobile et fixe) et l’abonnement internet » du demandeur / défendeur reconventionnel ;
- le remboursement par le défendeur / demandeur reconventionnel des frais liés à « l’excédent de bagages sur les vols aller-retour (Ville G – Ville H et Ville H – Ville G) » du [demandeur / défendeur reconventionnel] ; ainsi que
- la prise en charge par le défendeur / demandeur reconventionnel de « 4 billets d’avion (classe affaire) aller-retour (Ville G – Ville H et Ville H – Ville G) par saison pour le [demandeur / défendeur reconventionnel] et son épouse ».
5. De plus, l’alinéa 9 de l’article précité imposait au demandeur / défendeur reconventionnel à la fin de son contrat la restitution de « l’ensemble des matériels qui auront pu lui être confiés pour l’exercice de ses fonctions ».
6. Conformément à l’article 9 du contrat, en cas de rupture anticipée de celui-ci, « [l]e retrait par le [défendeur / demandeur reconventionnel] de tout ou partie de la définition de fonction prévue aux articles 3.1, 3.2, 3.3, 3.4, 3.5, 3.6, 3.7 et 3.8 donnée au [demandeur / défendeur reconventionnel] ou l’inexécution par l’employeur de ses obligations visées aux articles 7.1, 7.2, 7.3 et 7.4, seront considérés comme une rupture unilatérale du présent contrat. Cette rupture aura pour effet :
- de rendre nuls et non avenus les termes du contrat
- de rendre le [défendeur / demandeur reconventionnel] redevable de dommages et intérêts comme suit :
- Indemnités correspondantes à 6 mois de salaire.
- Prise en charge du billet d’avion retour via Ville G pour le salarié et sa famille.
9.2 Application de l’article 5.3
9.3 Application de l’article 8.2 ».
7. Enfin, l’article 12 du contrat précisait que « préalablement à toutes procédures relevant des juridictions nationales, pour la formation, l’exécution et l’éventuelle rupture du présent contrat, les parties conviennent expressément que la commission compétente est la commission du statut de l’Entraîneur de la Fifa et/ou le tribunal arbitral du sport (…) ».
8. Le 12 décembre 2014, le demandeur / défendeur reconventionnel a déposé une requête à la FIFA à l’encontre du défendeur / demandeur reconventionnel dans laquelle il expose avoir été licencié par ce dernier par courrier écrit daté du 27 décembre 2012 et sans justes motifs.
9. La lettre datée du 27 décembre 2012 mentionnait que,
« OBJET : Résiliation de Contrat
(…)
C’est avec beaucoup de regrets que nous [i.e. le défendeur / demandeur reconventionnel] portons à votre [i.e. demandeur / défendeur reconventionnel] connaissance la décision du Comité Directeur du [défendeur / demandeur reconventionnel] de résilier le Contrat qui vous lie au [défendeur / demandeur reconventionnel].
En effet, au terme de la 11ème journée de notre Championnat J, il est tout à fait établi et fort regrettable que les objectifs escomptés ne sont pas du tout atteints, reléguant le [défendeur / demandeur reconventionnel] à une 9ème place inacceptable sur 14. (…).
Fort de ce qui précède, le [défendeur / demandeur reconventionnel], son Comité Directeur et enfin ses Actionnaires ont pris la regrettable et triste décision de se séparer de vos Services. Mais Le Président Fondateur et son Comité Directeur ont, malheureusement, des comptes à rendre et surtout des obligations de résultats envers les Actionnaires qui permettent au [défendeur / demandeur reconventionnel] de pouvoir s’attacher les services de Professionnels comme vous.
(…), nous vous [i.e. demandeur / défendeur reconventionnel] prions de bien vouloir vous rapprocher de nos services comptables pour que nous fassions un état de ce que le [défendeur / demandeur reconventionnel] doit vous reverser comme compensation ».
10. A l’appui de sa requête, le demandeur / défendeur reconventionnel a allégué avoir contesté la résiliation anticipée de son contrat par courrier écrit daté du 14 février 2013 et engagé à cet effet des pourparlers avec le défendeur / demandeur reconventionnel aux fins de parvenir à un accord à l’amiable sur le montant de l’indemnité conformément à l’article 9 du contrat.
11. Selon les dires du demandeur / défendeur reconventionnel, malgré plusieurs allers et retours oraux et écrits entre les parties, elles ne sont pas parvenues à trouver un règlement amiable quant à l’indemnité due au demandeur / défendeur reconventionnel.
12. Au vu de ce qui précède et en raison du comportement du défendeur / demandeur reconventionnel à la suite de la résiliation unilatérale de son contrat, le demandeur / défendeur reconventionnel a expliqué n’avoir pas eu d’autre choix que de déposer une requête à la FIFA à l’encontre du défendeur / demandeur reconventionnel et a, par conséquent, réclamé de ce dernier la somme globale de EUR 247 000 comme suit :
a. le montant de EUR 180 000 au titre de la valeur résiduelle de son contrat, i.e. salaire de EUR 10 000 x 18 mois ;
b. le montant de EUR 30 000 au titre de primes de résultats prévues contractuellement et primes régulières ;
c. la somme de EUR 18 000 au titre de contrevaleur de la mise à disposition du véhicule 4x4 jusqu’au 30 juin 2014, i.e. EUR 1 000 x 18 mois;
d. le montant de EUR 18 000 au titre de contrevaleur des frais de nourriture et d’intendance jusqu’au 30 juin 2014, i.e. EUR 1 000 x 18 mois ;
e. la somme unique de EUR 1 000 représentant la contrevaleur pour la mise à disposition de l’abonnement de téléphone et d’internet.
13. Dans sa réponse datée du 13 juillet 2015, le défendeur / demandeur reconventionnel a premièrement admis la conclusion du contrat entre les parties en date du 27 juillet 2012.
14. Par la suite, ce dernier a contesté tant sur la forme que sur le fond l’intégralité des allégués, des griefs et des prétentions du demandeur / défendeur reconventionnel.
15. De plus, le défendeur / demandeur reconventionnel a demandé reconventionnellement la somme totale de EUR 28 152 en alléguant le remboursement des frais engagés pour les prétendues réparations des biens mis à disposition et prétendument endommagés par le demandeur / défendeur reconventionnel ainsi que les pertes subies pour la non-restitution du matériel, soit la somme de EUR 10 692 pour la maison, le montant de EUR 13 720 pour le véhicule 4x4 ainsi que la somme de EUR 3 740 pour le matériel prétendument non restitué.
16. Quant à la forme, le défendeur / demandeur reconventionnel a premièrement contesté la compétence de la FIFA en invoquant le non-épuisement des voies de recours internes existantes au Pays D avant la saisine des instances de la FIFA ainsi que la recevabilité de la requête quant à la condition temporelle de prescription.
17. Quant au fond, le défendeur / demandeur reconventionnel a allégué les critiques et les reproches à l’encontre du comportement du demandeur / défendeur reconventionnel, ses méthodes de travail et les critiques de l’équipe technique à son égard, motifs qui auraient prétendument conduit à créer une mauvaise ambiance et une certaine tension au sein du défendeur / demandeur reconventionnel.
18. Deuxièmement, à l’appui de la rupture de leur relation contractuelle, le défendeur / demandeur reconventionnel a invoqué comme motif les résultats catastrophiques de l’équipe lors du championnat.
19. Troisièmement, selon les dires du défendeur / demandeur reconventionnel, les parties auraient décidé de mettre fin à leur relation contractuelle d’un commun accord. À cet effet, le défendeur / demandeur reconventionnel a allégué avoir déjà versé au demandeur / défendeur reconventionnel une somme de EUR 40 000 à titre d’indemnité pour dommages et intérêts conformément à l’article 9.1 du contrat ainsi que d’avoir maintenu la jouissance de la maison et de la voiture à disposition de ce dernier jusqu’au jour de son départ.
20. Enfin, le défendeur / demandeur reconventionnel a contesté le fait que le demandeur / défendeur reconventionnel se serait opposé formellement par la suite, par courrier écrit, à la résiliation unilatérale de son contrat et a allégué en contrepartie que ce dernier aurait détérioré les biens (logement et voiture) mis à sa disposition par le défendeur / demandeur reconventionnel pendant son séjour au Pays D. Selon les dires du défendeur / demandeur reconventionnel, les frais qu’il a supportés à ce titre s’élèveraient à EUR 10 692 pour la maison, à EUR 13 720 pour le véhicule et une perte de EUR 3 740 pour le matériel conservé par le demandeur / défendeur reconventionnel au moment de son départ.
21. Dans sa réplique datée du 15 février 2016, le demandeur / défendeur reconventionnel a maintenu l’intégralité de ses conclusions, rejeté l’entier des griefs du défendeur / demandeur reconventionnel tant sur la forme que sur le fond de l’affaire et confirmé la résiliation anticipée de son contrat en date du 27 décembre 2012.
22. Premièrement, le demandeur / défendeur reconventionnel a confirmé sa position au motif que selon lui son licenciement ne serait dû qu’en raison des mauvais résultats obtenus du défendeur / demandeur reconventionnel lors du Championnat J et contesté tout commun accord qui serait intervenu entre les parties relatif à la fin de son contrat.
23. Deuxièmement, le demandeur / défendeur reconventionnel a allégué que «…[c]ontrairement aux affirmations totalement mensongères du [défendeur / demandeur reconventionnel], [le demandeur / défendeur reconventionnel] n’a jamais perçu le moindre centime au titre de l’indemnisation prévue même contractuellement » et remis en cause l’impartialité des témoignages produits par le défendeur / demandeur reconventionnel dans sa réponse ainsi que la véracité des pièces annexées relatives aux prétendues dégradations commises par le demandeur / défendeur reconventionnel.
24. Enfin, le demandeur / défendeur reconventionnel a rejeté la demande reconventionnelle du défendeur / demandeur reconventionnel.
25. Dans sa duplique datée du 29 juillet 2016, le défendeur / demandeur reconventionnel a maintenu l’intégralité des conclusions de sa demande reconventionnelle et réitéré les griefs exposés dans sa réponse.
26. Dans ce sens, le défendeur / demandeur reconventionnel a confirmé sa position et allégué que « bien que la rupture soit intervenue d’un commun accord, le [défendeur / demandeur reconventionnel] a tenu à respecter ses engagements et a versé une indemnité au [demandeur / défendeur reconventionnel] ».
27. Enfin, le défendeur / demandeur reconventionnel a amendé sa demande reconventionnelle en sollicitant un montant additionnel de EUR 1 192 (182 000) à titre des frais d’hôtel engagés par le demandeur / défendeur reconventionnel en plus de la mise à disposition de la maison, soit une somme totale à titre reconventionnel de EUR 29 344.
II. Considérants du juge unique de la Commission du Statut du Joueur
1. En premier lieu, le juge unique de la Commission du Statut du Joueur (ci-après également : le juge unique) a analysé s’il était compétent pour traiter le présent litige. À cet égard, il s’est référé à l’article 21 du Règlement de la Commission du Statut du Joueur et de la Chambre de Résolution des Litiges (éditions 2014, 2015 et 2017). Le présent litige a été soumis à la FIFA le 12 décembre 2014. Par conséquent, le juge unique a conclu que l’édition 2014 du Règlement de la Commission du Statut du Joueur et de la Chambre de Résolution des Litiges (ci-après : les Règles de Procédure) est applicable à la présente affaire.
2. Par la suite, sur la base de l’article 3 alinéas 1 et 2 dudit Règlement en conjonction avec les articles 23 alinéas 1 et 3 et 22 lit. c) du Règlement du Statut et du Transfert des Joueurs (édition 2017), le juge unique a conclu qu’il relève de sa compétence d’examiner le présent litige, puisqu’il s’agit d’un litige de dimension internationale opposant un entraîneur de nationalité du Pays B à un club affilié à la Fédération de Football du Pays D.
3. En outre, le juge unique a analysé quelle édition du Règlement du Statut et du Transfert des Joueurs devrait être appliquée quant au droit matériel. À cet égard, le juge unique s’est référé, d’une part, à l’article 26 alinéas 1 et 2 du Règlement du Statut et du Transfert des Joueurs (éditions 2014, 2015 et 2016) et, d’autre part, au fait que la plainte a été déposée auprès de la FIFA le 12 décembre 2014. Au vu de ce qui précède, le juge unique a conclu que l’édition 2014 du Règlement du Statut et du Transfert des Joueurs (ci-après : le Règlement) est applicable au présent litige quant au droit matériel.
4. À titre préliminaire, le juge unique a pris note du fait que, dans sa réponse, le défendeur / demandeur reconventionnel a contesté la compétence de la FIFA en invoquant d’une part, le fait que la condition « ratione temporis » ne serait en l’espèce plus remplie ainsi que d’autre part, le non-épuisement des voies de recours internes existantes au Pays D avant la saisine des instances de la FIFA.
5. À cet égard, le juge unique s’est référé à l’article 25 alinéa 5 du Règlement à teneur duquel « le juge unique ou le juge de la CRL (selon le cas) ne traitent pas les affaires soumises au présent règlement si plus de deux ans se sont écoulés depuis l’événement ayant occasionné le litige. Le respect de ce délai doit être examiné d’office dans chaque affaire ». Pour le surplus, le juge unique a également rappelé la teneur de l’article 12 du contrat que les parties du présent litige ont signé le 27 juillet 2012, lequel stipule que « préalablement à toutes procédures relevant des juridictions nationales, pour la formation, l’exécution et l’éventuelle rupture du présent contrat, les parties conviennent expressément que la commission compétente est la commission du statut de l’Entraîneur de la Fifa et/ou le tribunal arbitral du sport (…) ».
6. Cela étant dit, le juge unique a précisé qu’aux fins d’examiner la condition temporelle de la prescription et de ce fait, la recevabilité de la présente plainte, il convient premièrement de déterminer quel est l’événement dans la présente affaire à l’origine du litige entre les parties devant être considéré comme le point de départ qui fait courir la période de deux ans en vertu de l’article 25 alinéa 5 du Règlement.
7. Ainsi, le juge unique a examiné la date exacte à laquelle le demandeur / défendeur reconventionnel a déposé sa requête à l’encontre du défendeur / demandeur reconventionnel auprès de la FIFA, soit le 12 décembre 2014, et a rappelé que la rupture anticipée du contrat de travail sur laquelle repose cette plainte date du 27 décembre 2012, soit la date de l’événement faisant courir le délai de prescription de deux ans, lequel échoit ainsi le 27 décembre 2014.
8. En conclusion, le juge unique a confirmé que la condition temporelle de la prescription est en l’espèce remplie et que, par conséquent, la requête du demandeur / défendeur reconventionnel est admissible et recevable. Quant à l’argument de l’épuisement des voies de droit internes au Pays D invoqué par le défendeur / demandeur reconventionnel, le juge unique a confirmé que ce dernier devait en l’espèce être rejeté, étant donné la clause d’attribution de compétence explicite à la FIFA émanant de l’article 12 du contrat précité. Par conséquent, la FIFA est en l’espèce l’instance compétente pour statuer sur le présent litige.
9. Les règles applicables et sa compétence ayant été établies, le juge unique a ensuite procédé à l’analyse des arguments ainsi que de l’ensemble des documents présentés par les parties et contenus dans le dossier lors de l’instruction de la présente affaire.
10. À cet égard, le juge unique a tout d’abord retenu que le 27 juillet 2012, les parties ont conclu un contrat à teneur duquel le demandeur / défendeur reconventionnel était engagé à titre d’ « Entraîneur de l’équipe première de la section Professionnelle » du défendeur / demandeur reconventionnel pour la période du 1er août 2012 au 30 juin 2014. Dans ce contexte, le juge unique a relevé que le demandeur / défendeur reconventionnel a déposé plainte à l’encontre du défendeur / demandeur reconventionnel pour rupture anticipée unilatérale du contrat et sans juste cause, alléguant qu’il a été licencié sans raison valable, ayant reçu une lettre datée du 27 décembre 2012 lui signifiant son licenciement en raison des mauvais résultats obtenus par le défendeur / demandeur reconventionnel. À cette fin, le demandeur / défendeur reconventionnel s’estime en droit de réclamer du défendeur / demandeur reconventionnel la somme totale de EUR 247 000 à titre de compensation.
11. De même, le juge unique a pris note des arguments présentés par le défendeur / demandeur reconventionnel et a, en particulier, remarqué que ce dernier avait au contraire, allégué que les parties auraient décidé de mettre fin prématurément à leur relation contractuelle d’un commun accord. À cet effet, le défendeur / demandeur reconventionnel a également prétendu avoir déjà versé une somme de EUR 40 000 au demandeur / défendeur reconventionnel à titre d’indemnité pour dommages et intérêts conformément à l’article 9 alinéa 1 du contrat ainsi que maintenu la jouissance de la maison et de la voiture à disposition de ce dernier jusqu’au jour de son départ.
12. Mais encore, le juge unique a principalement retenu que le défendeur / demandeur reconventionnel a invoqué comme unique motif à l’appui de la rupture de la relation contractuelle des parties, les « résultats catastrophiques » obtenus par le défendeur / demandeur reconventionnel lors du championnat tel que communiqué dans la lettre datée du 27 décembre 2012 que ce dernier a adressé au demandeur / défendeur reconventionnel.
13. De plus, le juge unique a relevé que le défendeur / demandeur reconventionnel a contesté le fait que le demandeur / défendeur reconventionnel se serait opposé formellement par la suite, par courrier écrit, à la résiliation unilatérale de son contrat et a allégué en contrepartie que ce dernier aurait prétendument détérioré les biens (logement et voiture) mis à sa disposition par le défendeur / demandeur reconventionnel pendant son séjour au Pays D et que les frais qu’il aurait supportés à ce titre s’élèveraient à EUR 10 692 pour la maison, à EUR 13 720 pour le véhicule et une perte de EUR 3 740 pour le matériel conservé par le demandeur / défendeur reconventionnel au moment de son départ.
14. Enfin, le juge unique a pris note du fait que le demandeur / défendeur reconventionnel avait démenti l’intégralité des allégations formulées par le défendeur / demandeur à son encontre et avait ainsi rejeté la plainte reconventionnelle de ce dernier, en confirmant que la résiliation anticipée de son contrat avait eu lieu le 27 décembre 2012 par écrit et ce, en raison des mauvais résultats obtenus de la part du défendeur / demandeur reconventionnel lors du championnat. Pour le surplus, le demandeur / défendeur reconventionnel contestait avoir reçu une quelconque somme de la part du défendeur / demandeur reconventionnel à titre de compensation.
15. Au vu des allégations et arguments présentés par chacune des parties, le juge unique a tout d’abord pris en compte le fait que les parties présentent des opinions divergentes concernant la question de la résiliation du contrat de travail conclu entre elles ainsi que les circonstances à l’origine de celle-ci. En effet, le juge unique a remarqué que le demandeur / défendeur reconventionnel allègue que le défendeur / demandeur reconventionnel a rompu unilatéralement et abusivement le contrat, tandis que le défendeur / demandeur reconventionnel estime au contraire que les parties ont mis fin au contrat d’un commun accord. Ainsi, le juge unique a estimé qu’il lui fallait tout d’abord se prononcer sur le point de savoir qui, du demandeur / défendeur reconventionnel ou du défendeur / demandeur reconventionnel, avait mis fin de façon unilatérale et anticipée au contrat liant les parties.
16. À cet effet, le juge unique a tout d’abord relevé que le demandeur / défendeur reconventionnel avait porté au dossier une lettre du défendeur / demandeur reconventionnel datée du 27 décembre 2012 laquelle établit que :
« C’est avec beaucoup de regrets que nous [i.e. le défendeur / demandeur reconventionnel] portons à votre [i.e. demandeur / défendeur reconventionnel] connaissance la décision du Comité Directeur du [défendeur / demandeur reconventionnel] de résilier le Contrat qui vous lie au [défendeur / demandeur reconventionnel].
En effet, au terme de la 11ème journée de notre Championnat J, il est tout à fait établi et fort regrettable que les objectifs escomptés ne sont pas du tout atteints, reléguant le [défendeur / demandeur reconventionnel] à une 9ème place inacceptable sur 14. (…).
Fort de ce qui précède, le [défendeur / demandeur reconventionnel], son Comité Directeur et enfin ses Actionnaires ont pris la regrettable et triste décision de se séparer de vos Services. Mais Le Président Fondateur et son Comité Directeur ont, malheureusement, des comptes à rendre et surtout des obligations de résultats envers les Actionnaires qui permettent au [défendeur / demandeur reconventionnel] de pouvoir s’attacher les services de Professionnels comme vous.
(…), nous vous [i.e. demandeur / défendeur reconventionnel] prions de bien vouloir vous rapprocher de nos services comptables pour que nous fassions un état de ce que le [défendeur / demandeur reconventionnel] doit vous reverser comme compensation ».
17. Dans ces circonstances, le juge unique a affirmé qu’il ne pouvait que conclure que le défendeur / demandeur reconventionnel avait mis fin unilatéralement au contrat, en envoyant au demandeur / défendeur reconventionnel une lettre qui, selon ses termes, constitue une notification de la résiliation unilatérale du contrat par ladite contrepartie.
18. Sur la base de cette observation, le juge unique a également souhaité se référer au contenu de l’article 12 alinéa 3 des Règles de Procédure, selon lequel la charge de la preuve incombe à la partie qui invoque un droit découlant d’un fait qu’elle allègue. En l’espèce et en tenant compte du fait que le défendeur / demandeur reconventionnel n’a pu apporter au dossier la preuve concrète de l’existence d’un accord mutuel entre parties quant à la fin de leur rapport contractuel, le juge unique a conclu que le défendeur / demandeur reconventionnel avait failli à la charge de la preuve selon l’article 12 alinéa 3 et que, par conséquent, cet argument doit être d’emblée rejeté.
19. Ceci ayant été établi, le juge unique s’est penché sur les motifs de la résiliation anticipée du contrat invoqués par le défendeur / demandeur reconventionnel. Dans ce contexte, il s’est référé au contenu de la lettre de résiliation ainsi qu’aux arguments présentés par le défendeur / demandeur reconventionnel durant la procédure et a relevé qu’il ressort expressément de cette correspondance l’échec dans l’atteinte des résultats sportifs escomptés du défendeur / demandeur reconventionnel.
20. À ce propos, en ce qui concerne la raison invoquée par le défendeur / demandeur reconventionnel, le juge unique a souhaité rappeler que conformément à la jurisprudence bien établie de la Commission du Statut du Joueur, l’absence de résultats sportifs ne peut, en règle générale, constituer un juste motif de résiliation du rapport contractuel entre les parties. Par conséquent, le juge unique ne peut retenir la raison exposée par le défendeur / demandeur reconventionnel dans sa lettre datée du 27 décembre, soit « l’obligation de résultat » n’ayant pas été atteinte, comme juste motif de résiliation unilatérale et anticipée du contrat.
21. Par conséquent, le juge unique est arrivé à la conclusion que le défendeur / demandeur reconventionnel a résilié le contrat conclu avec le demandeur / défendeur reconventionnel de manière unilatérale sans juste cause le 27 décembre 2012.
22. Par la suite, le juge unique a poursuivi ses délibérations en évaluant les conséquences financières de cette résiliation prématurée et abusive.
23. Dans ce contexte, le juge unique s’est tout d’abord référé à la plainte du demandeur / défendeur reconventionnel et a observé que ce dernier réclamait, entre autres, le paiement de la somme de EUR 180 000 représentant la valeur résiduelle du contrat, soit 18 mois de salaires à titre de compensation, soit jusqu’au 30 juin 2014.
24. De plus, le juge unique a relevé que le demandeur / défendeur reconventionnel réclamait également les montants de EUR 30 000 au titre de primes de résultats et primes irrégulières ; EUR 18 000 au titre de contrevaleur de la mise à disposition du véhicule jusqu’au 30 juin 2014 ; EUR 18 000 au titre de contrevaleur des frais de nourriture et d’intendance jusqu’au 30 juin 2014 ; EUR 1 000 au titre de contrevaleur pour la mise à disposition de l’abonnement de téléphone et d’internet jusqu’au 30 juin 2014.
25. À ce stade, le juge unique a tenu à rappeler la teneur de l’article 12 alinéa 3 des Règles de Procédure, selon lequel il revient à la partie alléguant un fait, d’en apporter la preuve pour en déduire un droit.
26. Dans son analyse, bien qu’en considérant le contenu clair de l’article 10 du contrat quant aux avantages financiers que ce dernier prévoyait en faveur du demandeur / défendeur reconventionnel pendant la relation contractuelle des parties, le juge a constaté que seule la clause relative aux frais de nourriture et d’intendance prévoyait un montant contractuel fixe et déterminé de EUR 1 000 par mois, et ce jusqu’au 30 juin 2014.
27. En outre, le juge unique a également remarqué qu’aucune preuve documentaire n’avait été apportée au dossier par le demandeur / défendeur reconventionnel attestant de quelconque frais que ce dernier aurait eu à supporter et que, conformément à l’article 12 précité, ce dernier a, de ce fait, failli à produire les documents et preuves dans ce sens aux fins d’en réclamer le remboursement.
28. Par conséquent, le juge unique a décidé que le défendeur / demandeur reconventionnel devait payer au demandeur / défendeur reconventionnel la somme de EUR 180 000 à titre de compensation ainsi que la somme de EUR 18 000 à titre de remboursement de frais de nourriture et d’intendance. Pour le surplus, toute autre demande relative aux montants précités est rejetée.
29. Enfin, le juge unique a estimé le dommage subi par le demandeur / défendeur reconventionnel du fait de la résiliation unilatérale du contrat de travail le liant au défendeur / demandeur reconventionnel. À ce sujet, et se référant à la jurisprudence constante de la Commission du Statut du Joueur, le juge unique a tenu à rappeler que la compensation financière due à la partie victime de la rupture abusive de contrat est, en règle générale, calculée en tenant compte de la valeur résiduelle du contrat depuis la date de la résiliation jusqu’à la date d’expiration initiale du contrat. De même, le juge unique a constaté qu’en vertu du principe d’atténuation du dommage subi, la valeur résiduelle est réduite en tenant compte des salaires qu’aurait perçus le demandeur / défendeur reconventionnel avec un nouvel employeur durant la période initiale de validité du contrat conclu avec le défendeur / demandeur reconventionnel.
30. Ayant rappelé la jurisprudence applicable en matière de compensation pour rupture abusive du contrat, le juge unique a relevé qu’en l’espèce, la résiliation unilatérale du contrat était intervenue le 27 décembre 2012, lequel devait initialement expirer le 30 juin 2014. Par conséquent, il demeurait dix-huit mois de contrat au moment de la résiliation de celui-ci par le défendeur / demandeur reconventionnel, ce qui correspond, si l’on considère le salaire mensuel de EUR 10 000 en vertu du contrat, à une valeur résiduelle de EUR 180 000. De plus, le juge unique a retenu que le demandeur / défendeur reconventionnel avait perçu des prestations financières de Pôle Emploi à hauteur de EUR 7 462,50 pendant la période du 1er janvier 2013 au 30 juin 2014. Ainsi, le juge unique a décidé qu’il convient de soustraire à la valeur résiduelle du contrat conclu avec le défendeur / demandeur reconventionnel, le montant de EUR 7 462,50.
31. Compte tenu des considérations susmentionnées, le juge unique a donc décidé que la plainte du demandeur / défendeur reconventionnel est partiellement admise en ce que le défendeur / demandeur reconventionnel doit verser au demandeur / défendeur reconventionnel la somme totale de EUR 190 537.50 à titre de compensation financière pour rupture abusive et anticipée du contrat. Toute autre demande du demandeur / défendeur reconventionnel est rejetée.
32. Enfin et pour le bon ordre, le juge unique s’est référé à la demande reconventionnelle de défendeur / demandeur reconventionnel et a estimé que celle-ci ne pouvait être que rejetée au vu des considérations précédentes, puisqu’il est établi que c’est le défendeur / demandeur reconventionnel qui a rompu unilatéralement et abusivement le contrat liant les parties et que les arguments à l’appui de celle-ci ne peuvent être considérés comme bien fondés.
33. Par la suite, le juge unique s’est référé à l’article 25 alinéa 2 du Règlement ainsi qu’à l’article 18 alinéa 1 des Règles de Procédure, selon lesquels les frais de procédure devant la Commission du Statut du Joueur – y compris ceux devant le juge unique – seront fixés au maximum à CHF 25 000. Les frais sont calculés en fonction du degré de succès des parties et sont en principe pris en charge par la partie déboutée.
34. À cet égard, le juge unique a énoncé, à nouveau, que la plainte du demandeur / défendeur reconventionnel est partiellement admise. Le juge unique conclut donc que les frais de la procédure en cours devant la FIFA devaient être partagés entre les deux parties.
35. Conformément à l’Annexe A des Règles de Procédure, les frais de procédure sont fixés en fonction de la valeur litigieuse. Dans la plainte que le demandeur / défendeur reconventionnel a initiée, la somme en jeu qu’il convient de considérer est de plus de CHF 200 000. Par conséquent, le juge unique a conclu que le montant maximal des frais de procédure équivaut à CHF 25 000.
36. Considérant que la procédure du présent litige n’était pas spécialement complexe juridiquement mais compte tenu des circonstances du cas d’espèce, le juge unique a évalué les coûts de la procédure actuelle à CHF 18 000.
37. En conclusion, le montant de CHF 18 000 doit être payé à hauteur de CHF 13 000 par le défendeur / demandeur reconventionnel et de CHF 5 000 par le demandeur / défendeur reconventionnel afin de couvrir les frais de procédure. Le demandeur / défendeur reconventionnel ayant déjà versé CHF 5 000 à titre d’avance de frais conformément à l’article 17 des Règles de Procédure, il en résulte qu’il ne doit plus rien payer à titre de frais de procédure.
III. Décision du juge unique de la Commission du Statut du Joueur
1. La demande du demandeur / défendeur reconventionnel, Entraîneur A, est admise.
2. La demande du demandeur / défendeur reconventionnel, Entraîneur A, est partiellement acceptée.
3. La demande reconventionnelle du défendeur / demandeur reconventionnel, Club C, est inadmissible.
4. Le défendeur / demandeur reconventionnel, Club C, est tenu de payer au demandeur / défendeur reconventionnel, Entraîneur A, dans les prochains 30 jours courants à compter de la date de notification de la présente décision, la somme de EUR 190 537.50.
5. Toute autre demande du demandeur / défendeur reconventionnel, Entraîneur A, est rejetée.
6. Si la somme susmentionnée n’est pas payée dans le délai imparti tel qu’indiqué ci-avant, des intérêts à hauteur de 5% par année seront appliqués et ce dès l’échéance du délai mentionné précédemment et le cas sera soumis, sur demande, à la Commission de Discipline de la FIFA pour considération et décision.
7. Les frais de procédure d’un montant de CHF 18 000 doivent être payés par le demandeur / défendeur reconventionnel, Entraîneur A, ainsi que par le défendeur / demandeur reconventionnel, Club C, à la FIFA dans un délai de 30 jours à compter de la notification de la présente décision de la manière suivante :
7.1 Le montant de CHF 13 000 doit être payé par le défendeur / demandeur reconventionnel, Club C.
7.2 Le montant de CHF 5 000 doit être payé par le demandeur / défendeur reconventionnel, Entraîneur A. Dans la mesure où ce dernier a déjà versé la somme de CHF 5 000 en tant qu’avance de frais au début de la présente procédure, le demandeur / défendeur reconventionnel ne doit plus rien payer.
7.3 Les montants en question doivent être payés sur le compte bancaire suivant en mentionnant la référence du cas: XXX
UBS Zurich
Numéro de compte 366.677.01U (Statut du Joueur de la FIFA)
N° Clearing 230
IBAN : CH27 0023 0230 3666 7701U
SWIFT : UBSWCHZH80A
8. Le demandeur / défendeur reconventionnel, Entraîneur A, s’engage à communiquer au défendeur / demandeur reconventionnel, Club C, le numéro de compte bancaire sur lequel le défendeur / demandeur reconventionnel devra verser les sommes allouées sous le point 3. De même, le demandeur / défendeur reconventionnel s’engage à informer le juge unique de la Commission du Statut du Joueur de tous paiements effectués par le défendeur.
*****
Note concernant la décision motivée (Voie de droit) :
Conformément à l’article 58 alinéa 1 des Statuts de la FIFA, cette décision est susceptible d’un appel au Tribunal Arbitral du Sport (TAS). L’appel devra être interjeté dans un délai de 21 jours à compter de la notification de la décision et devra comprendre tous les éléments figurant au point 2 des directives émanant du TAS, dont copie est jointe à la présente. L’appelant dispose de 10 jours supplémentaires à compter de l’expiration du délai de recours pour déposer son mémoire d’appel contenant une description des faits et des arguments légaux fondant le recours (cf. point 4 des directives annexées).
L'adresse complète du Tribunal Arbitral du Sport est la suivante :
Avenue de Beaumont 2
1012 Lausanne
Suisse
Tél : +41 21 613 50 00
Fax : +41 21 613 50 01
e-mail : info@tas-cas.org
Pour le juge unique de la
Commission du Statut du Joueur
Omar Ongaro
Directeur de la sous-division
Réglementation du football
Annexe: Directives du TAS
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