F.I.F.A. – Players’ Status Committee / Commissione per lo Status dei Calciatori – coach disputes / controversie allenatori (2017-2018) – fifa.com – atto non ufficiale – Decision of the Single Judge of the Players’ Status Committee passed in Zurich, Switzerland, 6 mars 2018
Décision du juge unique de la
Commission du Statut du Joueur
rendue le 6 mars 2018 à Zurich, Suisse,
par
M. Geoff Thompson (Angleterre)
Juge unique de la Commission du Statut du Joueur
concernant une plainte déposée par l’entraîneur
Entraîneur A, Pays B
ci-après, « le demandeur »
à l’encontre de la
Fédération de Football du Pays C
ci-après, « le défendeur »
concernant un litige contractuel entre les parties.
I. Faits
1. Le 22 décembre 2015, l’entraîneur du Pays B, Entraîneur A (ci-après: le demandeur) et la Fédération de Football du Pays C (ci-après : le défendeur) ont signé un contrat de travail (ci-après: le contrat) courant à compter du 1er janvier 2016 jusqu’au 31 décembre 2017, pour le poste d’ «entraîneur et sélectionneur exclusif de l’Equipe Nationale A (senior) de Football du Pays C ».
2. Le contrat stipule à l’art. 3.2 qu’ « En cas de qualification à la Copa America 2016 ou au Mondial 2018, la fédération s’engage à proposer une prolongation de deux (2) années avec une revalorisation salariale au minimum de 50%. [Le demandeur] donnera sa réponse dans un délai de 15 jours ».
3. Conformément à l’article 5 du contrat, le demandeur a droit à un salaire fixe trimestriel de 60 000 USD nets (« soit une base mensuelle de USD 20,000 »), exigible à échoir le 1er janvier (pour le 1er trimestre civil), le 1er avril (pour le 2ème trimestre civil), le 1er juillet (pour le 3ème trimestre civil) et le 1er octobre (pour le 4ème trimestre civil). Par exception, le salaire fixe du 1er trimestre civil 2016, soit 60 000 USD, est dû à la signature du contrat.
4. L’article 6 du contrat dispose entre autres que le défendeur « prendra en charge tous les frais d’hébergement (loyer, gaz, eau, électricité…) et toutes les charges et taxes inhérentes à l’hébergement du [demandeur]. […] Tous les logements ainsi mis à disposition du [demandeur] doivent être pourvu d’une climatisation et d’une installation et connexion active à la Télévision par satellite (avec les Chaines du Pays B) et à l’Internet à haut débit. »
L’article 6 prévoit également que le défendeur doit prendre en charge « deux voyages aériens par an en classe « Business » aller/retour Capitale D / Capitale E – Capitale E / Ville F afin que [le demandeur] puisse rendre visite à sa famille, ou inversement ».
5. En vertu de l’article 7 du contrat, « 7.1 L’inexécution par [le défendeur] d’une seule de ses obligations contractuelles pourra entraînera la résiliation du contrat aux torts du [défendeur], 15 (quinze) jours après une mise en demeure restée sans effet.
7.2 Pour le cas où [le défendeur] romprait unilatéralement et par anticipation le présent contrat, pour quelque motif et cause que ce soit, sauf faute lourde, et sous quelque forme que ce soit, il s’oblige à indemniser [le demandeur] sur la base de la totalité des sommes et avantages que ce dernier aurait pu percevoir jusqu’à la fin du contrat.
7.3 À cette indemnité, nette de toutes charges sociales et fiscales, s’ajoutera une indemnité réparatrice du préjudice moral subi, égale à six mois de la base mensuelle fixe de rémunération. Cette indemnité sera également nette de toutes charges sociales et fiscales ».
6. Le 28 août 2016, le demandeur fait notamment savoir au défendeur que « face aux reports des échéances de versement de [ses] salaires, [ses] difficultés accroissent. ».
7. Le 5 novembre 2016, le demandeur évoque au défendeur que « [sa] situation contractuelle étant fort complexe à ce jour ».
8. Le 12 novembre 2016, le demandeur souligne le non-paiement des salaires ainsi que les problèmes sécuritaires intervenus à la suite du match perdu contre Pays G le 10 novembre 2016, et requiert du défendeur son retour en Pays B.
9. Le 15 novembre 2016, le demandeur, de retour en Pays B « suite à la mise à disposition par Monsieur K d’un billet avion », demande au défendeur de lui donner une date et un billet d’avion pour son retour en Pays C.
10. Le 23 novembre 2016, le demandeur et le Président de la fédération s’entretiennent au cours d’une réunion à Capitale E.
11. Le 24 novembre 2016, le demandeur met en demeure le défendeur de payer son salaire depuis le 1er septembre 2016. Il souligne également le manquement du défendeur à son obligation de proposer une prolongation de contrat ainsi qu’une revalorisation salariale, survenue du fait de la qualification du Pays C à la Copa America 2016.
12. Le 25 novembre 2016, le défendeur accuse réception de la mise en demeure du demandeur.
13. Le 14 décembre 2016, le demandeur confirme son retour à Pays C pour le 18 décembre 2016 ainsi que la poursuite de ses fonctions.
14. Le 23 décembre 2016, le demandeur résilie le contrat avec le défendeur.
15. Le 3 janvier 2017, le défendeur accuse réception de la lettre de résiliation du demandeur et soutient que « comme convenu tacitement depuis Août 2016, nous vous réitérons que le processus engagé depuis Juillet 2016 est en cours auprès de la FIFA à travers le programme ‘’Forward’’ et dans notre projet « d’appui aux équipes nationales » nous attendons le virement afin de faire le nécessaire ».
16. Le 16 janvier 2017, le demandeur insiste sur les manquements allégués du défendeur à ses obligations contractuelles et propose à ce dernier un « règlement à l’amiable sous quinzaine », à défaut de quoi, le demandeur saisira la FIFA.
17. Le 1er février 2017, à la suite d’une prétendue conversation téléphonique entre les parties deux jours auparavant, le défendeur requiert du demandeur, une proposition concrète pour un arrangement à l’amiable en ce sens. En réponse, le jour même, le demandeur souligne que le délai imparti dans son courrier précédant prendra fin le 6 février 2017 et qu’en l’absence de proposition et d’accord, la FIFA sera saisie du litige.
18. Le 23 février 2017, le demandeur dépose une plainte contre le défendeur auprès de la FIFA, affirmant que le défendeur a rompu la relation contractuelle sans juste cause.
19. Tout d’abord, le demandeur se réfère aux arriérés de paiement du défendeur à son égard depuis septembre 2016 (cf. paragraphes I.6, I.7, I.8 et I.11 ci-dessus). Le demandeur souligne également que les salaires en souffrance ont fait l’objet d’une reconnaissance publique par voie de presse par les représentants du défendeur.
20. Sur ce point, le demandeur tient à préciser qu’aucun accord ni exprès ni tacite n’a été conclu avec le défendeur afin de modifier les conditions contractuellement convenues de sa rémunération.
21. Par ailleurs, le demandeur soutient que ses frais de téléphone et d’internet ont cessé d’être réglés par le défendeur et qu’il a apparemment dû en faire l’avance. À cet égard, le demandeur verse au dossier un « reçu de paiement » daté du 21 décembre 2016 pour un montant payé en espèces de 120 USD.
22. Par conséquent, le demandeur réclame du défendeur les montants suivants, auxquels s’ajoute un intérêt au taux de 5% p.a. à compter du 28 août 2016 :
80,000 USD à titre d’arriérés de salaire pour la période de septembre à décembre 2016;
240,000 USD à titre de salaires restant dus jusqu’au terme du contrat, en application de l’article 7.2 du contrat ;
120,000 USD nets pour réparation du préjudice moral, en application de l’article 7.3 du contrat ;
720,000 USD pour réparation du « préjudice professionnel complémentaire », en application de l’art. 3.2 du contrat ;
120 USD à titre de remboursement des frais d’internet.
23. Le demandeur requiert également l’exclusion du défendeur de toute compétition officielle et le paiement de la somme de 10 000 EUR à titre « de frais irrépétibles ».
24. En réponse à la requête déposée par le demandeur, le défendeur admet avoir une dette en faveur du demandeur jusqu’au mois de décembre 2016, qu’elle entend payer dès que les fonds promis par la FIFA seront versés.
25. Le défendeur prétend à cet égard que les salaires du demandeur devaient être garantis jusqu’à fin 2017 à travers le programme FIFA « Forward » et que le demandeur aurait assuré au défendeur qu’il attendrait le décaissement desdits fonds. Le défendeur tient également à souligner que les autres frais hebdomadaires et mensuels ont continué à être honorés sans retard.
26. En outre, le défendeur certifie que lors de sa réunion à Capitale E avec le demandeur en date du 23 novembre 2016 (cf. paragraphe I.10 ci-dessus), les parties ont apparemment discuté d’une séparation à l’amiable, dont le demandeur devait en faire la proposition écrite.
27. À cet égard, le défendeur soumet un courriel additionnel daté du 14 décembre 2016 du demandeur mentionnant notamment « [qu’il avait] énormément réfléchis et souhaite que l’on reprenne notre conversation de Capitale E pour une entente ».
28. Le défendeur soutient également que c’est sur la base de cette prétendue « entente trouvée » entre les parties que le demandeur est retourné à Pays C le 18 décembre 2016 (cf. point I.13 ci-dessus), après avoir quitté ses fonctions à la suite du match à Pays H le 14 novembre 2016.
29. Selon le défendeur, à son retour, le demandeur suggéra un stage avec les joueurs à Pays J, dont le départ était fixé au 26 décembre 2016. Toutefois, le défendeur insiste sur le fait que le demandeur ne s’est jamais présenté à l’aéroport et qu’il aurait quitté le pays pour regagner Pays B le 25 décembre 2016, sans autorisation.
30. Sur ce point, le défendeur soumet les billets d’avion qu’il avait réservés pour le demandeur du 26 décembre 2016 au 9 janvier 2017 pour Pays J.
31. Par la suite, le défendeur tient à accentuer le fait que le contrat de travail a été signé en dépit des clauses léonines stipulées en faveur de son auteur, à savoir le demandeur lui-même. Le défendeur se réfère en particulier à l’art. 7 du contrat qui traite de la rupture unilatérale avec des sanctions prévues seulement en cas de faute du défendeur.
32. Pour conclure, le défendeur insiste sur le fait que la rupture du contrat doit être imputée au demandeur et que dès lors, aucune des sanctions disciplinaires et pécuniaires réclamées à son encontre n’est justifiée. Le défendeur ajoute qu’il reste ouvert à une résolution à l’amiable du différend en question.
33. Dans sa réplique, le demandeur maintient essentiellement sa position initiale. Il insiste également sur le fait qu’il n’a jamais accepté d’attendre d’être payé sur réception par le défendeur des fonds du projet « Forward » et que ces allégations n’ont pas été corroborées par le défendeur.
34. Le défendeur met en exergue qu’il a repris le travail en décembre 2016 après sa mise en demeure du 24 novembre 2017 « parce que les dispositions de l’article 7 prévoyaient un certain délai de mise en oeuvre, et d’autre part, pour ne pas se mettre en faute contractuelle ». De plus, il soutient qu’il entendait « donner une dernière chance [au défendeur] de régulariser sa situation salariale ».
35. Dans sa duplique, le défendeur réitère principalement que les salaires du demandeur auraient été honorés via le programme « Forward » dont les fonds étaient censés arriver avant la fin de l’année 2016 et que l’ensemble des arriérés de salaire aurait été payé d’un seul coup. Le défendeur souligne que le demandeur n’a jamais objecté à cette proposition.
36. Le défendeur considère également que le demandeur est de mauvaise foi, se référant notamment à sa réplique, et déplore le fait qu’il ne semble pas enclin à trouver un arrangement à l’amiable. De surcroît, le défendeur soutient que le demandeur a quitté son poste sans autorisation le 14 novembre 2016 quand il est rentré en Pays B après le match à Pays H (cf. point I.28 ci-dessus).
37. Après y avoir été invité, le demandeur a informé la FIFA que depuis décembre 2016, il n’a signé aucun contrat de travail avec un nouveau club à ce jour.
II. Considérants du juge unique de la Commission du Statu du Joueur
1. En premier lieu, le juge unique de la Commission du Statut (ci-après : le juge unique) du Joueur a analysé s’il était compétent pour traiter du présent litige. À cet effet, le juge unique a tout d’abord examiné quelle édition du Règlement de la Commission du Statut du Joueur et de la Chambre de Résolution des Litiges était applicable au présent litige. À cet égard, le juge unique a constaté que la requête en question avait été déposée à la FIFA le 23 février 2017. Par conséquent, l’édition 2017 du Règlement de la Commission du Statut du Joueur et de la Chambre de Résolution des Litiges (ci-après : les Règles de procédure) est applicable au présent litige (cf. art. 21 des Règles de procédure).
2. Par la suite, et quant au fond du présent litige, le juge unique s’est référé à l’art. 26 al. 1 et al. 2 du Règlement du Statut et du Transfert des Joueurs (éditions 2016 et 2018), ainsi qu’à la date de dépôt de la demande en question, à savoir le 23 février 2017, et a conclu que l’édition 2016 dudit Règlement (ci-après : le Règlement) était applicable au présent litige quant au droit matériel.
3. De surcroît, le juge unique s’est référé à l’art. 3 al. 2 et al. 3 des Règles de procédure et a confirmé qu’en application de l’art. 23 al. 1 et al. 3 et de l’art. 22 let. c) du Règlement, il était l’organe décisionnel compétent pour connaître du présent litige contractuel de dimension internationale entre un Entraîneur du Pays B et la Fédération de Football du Pays C.
4. Une fois sa compétence et la réglementation applicable établies, le juge unique a statué sur le fond de l’affaire. Ce faisant, il a commencé par reconnaître les faits mentionnés ci-dessus ainsi que la documentation contenue dans le dossier. Toutefois, le juge unique a souligné que dans les considérants qui suivent, il ne se référerait qu’aux faits, arguments et documents pertinents pour l’analyse de la présente affaire.
5. En premier lieu, le juge unique a noté qu’en date du 22 décembre 2015, les parties avaient conclu un contrat de travail courant à compter du 1er janvier 2016 jusqu’au 31 décembre 2017, aux termes duquel le demandeur était inter alia en droit de recevoir un salaire fixe trimestriel de USD 60,000, (« soit une base mensuelle de USD 20,000 »), exigible à échoir le 1er janvier (pour le 1er trimestre civil), le 1er avril (pour le 2ème trimestre civil), le 1er juillet (pour le 3ème trimestre civil) et le 1er octobre (pour le 4ème trimestre civil) tout en étant précisé que le salaire fixe du 1er trimestre civil était dû par exception à la signature du contrat.
6. Le juge unique a également noté que les parties avaient contractuellement prévu, à l’art. 6 du contrat que le défendeur « prendra en charge tous les frais d’hébergement (loyer, gaz, eau, électricité…) et toutes les charges et taxes inhérentes à l’hébergement [du demandeur]. […] Tous les logements ainsi mis à disposition [du demandeur] doivent être pourvu d’une climatisation et d’une installation et connexion active à la télévision par satellite (avec les Chaines du Pays B) et à l’internet à haut débit ».
7. Par ailleurs, le juge unique a observé qu’en date du 23 février 2017, le demandeur a déposé une plainte à l’encontre du défendeur devant la FIFA affirmant que le défendeur avait rompu le contrat sans juste cause dès lors qu’il avait, d’une part, manqué à son obligation de lui verser son salaire pour la période de septembre 2016 à décembre 2016 et, d’autre part, qu’il avait manqué à son obligation de proposer une prolongation de contrat ainsi qu’une revalorisation salariale suite à la qualification du Pays C à la Copa America 2016, et ce, conformément à l’art. 3.2 du contrat.
8. Dans ce contexte, le juge unique a observé qu’en date du 23 décembre 2016, le demandeur avait résilié par écrit le contrat qui le liait au défendeur conformément à l’art. 7 du contrat. Le juge unique a également noté qu’en date du 24 novembre 2016, le demandeur avait mis en demeure le défendeur de régulariser sa situation contractuelle sous quinzaine. Par ailleurs, le juge unique a noté qu’ultérieurement à sa mise en demeure du 24 novembre 2016, le demandeur avait confirmé son retour à Pays C pour le 18 décembre 2016 et la poursuite de ses fonctions. Selon le demandeur, il avait repris le travail en décembre 2016 après sa mise en demeure du 24 novembre 2016 afin « d’éviter de se mettre en faute contractuelle » et du fait que « les dispositions de l’article 7 prévoyaient un certain délai de mise en oeuvre ».
9. Le juge unique a ensuite pris note des arguments du défendeur, lequel admettait avoir une dette envers le demandeur jusqu’au mois de décembre 2016. Dans ce contexte, le défendeur soutenait que les salaires du demandeur devaient être garantis jusqu’à la fin 2017 à travers le programme FIFA « Forward » dont les fonds étaient, selon le défendeur, censés arriver avant la fin de l’année 2016. De plus, le défendeur arguait que le demandeur lui aurait assuré qu’il attendrait le versement desdits fonds par la FIFA.
10. Par ailleurs, le juge unique a observé que le défendeur déclarait qu’une réunion avait eu lieu à Capitale E le 23 novembre 2016 lors de laquelle les parties auraient prétendument discuté d’une séparation à l’amiable dont le demandeur devait en faire la proposition écrite. A cet égard, le juge unique a noté que suite à son e-mail daté du 14 décembre 2016 (cf. point I.27 ci-dessus), le demandeur souhaitait reprendre les négociations en vue d’une entente.
11. A cet égard, le défendeur affirmait que sur la base de cette « entente trouvée », le demandeur était retourné à Pays C le 18 décembre 2016 après avoir quitté son poste sans autorisation le 14 novembre 2016 à la suite du match à Pays H.
12. Par ailleurs, le défendeur affirmait que le comportement du demandeur a rendu caduc sa mise en demeure puisqu’il avait repris ses relations contractuelles sans soulever la moindre réserve.
13. Enfin, le défendeur soulignait que le demandeur aurait par la suite quitté le pays le 25 décembre 2016 sans autorisation, alors qu’il était convenu qu’il devait se rendre à Pays J pour un stage avec les joueurs à partir du 26 décembre 2016.
14. Le défendeur estimait ainsi que la rupture du contrat devait être imputée au demandeur.
15. Au vu des allégations et arguments présentés par chacune des parties, le juge unique a considéré qu’en l’espèce, il convenait d’établir dans un premier temps si la résiliation unilatérale du contrat par le demandeur le 23 décembre 2016 était fondée ou non sur une juste cause.
16. A ce sujet, le juge unique a noté qu’il est établi et non contesté par le défendeur, que les salaires des mois de septembre 2016 à décembre 2016 n’ont pas été réglés au demandeur. En effet, le juge unique a pris note que le défendeur admettait avoir une dette envers le demandeur jusqu’au mois de décembre 2016.
17. A ce stade, le juge unique a souhaité rappeler le contenu de l’art. 12 par. 3 des Règles de procédure, selon lequel « la charge de la preuve incombe à la partie qui invoque un droit découlant d’un fait qu’elle allègue ». En application de ce principe, le juge unique a établi qu’en l’espèce, la charge de la preuve incombe au défendeur, à qui il appartient dès lors d’établir qu’il disposait d’une juste cause de nature à justifier le non-paiement des salaires précités.
18. A cet égard, le juge unique a souligné que l’argumentation du défendeur, affirmant que le demandeur lui aurait assuré qu’il attendrait le versement des fonds issus du programme FIFA « Forward » ne peut être suivie. En effet, le juge unique a considéré qu’aucune preuve suffisante n’avait été amenée au dossier par le défendeur afin de démontrer que le demandeur avait accepté un tel arrangement et le report du paiement des salaires que cela engendrerait.
19. Par ailleurs, le juge unique a constaté qu’aucun accord ou règlement à l’amiable dûment signé par les parties n’avait été amené au dossier, de sorte que l’argument du défendeur, alléguant que le comportement du demandeur aurait rendu caduc sa mise en demeure, ne peut être suivi.
20. Cependant, le juge unique a jugé pertinent de constater l’attitude contradictoire du demandeur, lequel avait décidé de revenir à Pays C le 18 décembre 2016 « afin de laisser une dernière chance » au défendeur avant de quitter inopinément et définitivement le pays en date du 25 décembre 2016.
21. Au vu de ce qui précède, le juge unique a estimé que le manquement répété du défendeur de payer le salaire du demandeur au cours de la période allant de septembre 2016 à décembre 2016 avait fait naître dans le chef du demandeur la crainte légitime que le défendeur persisterait à ne pas honorer ses obligations contractuelles dans le futur, de sorte qu’il était devenu impossible pour le demandeur de croire en la continuation de la relation contractuelle.
22. Par conséquent, le juge unique a conclu que le demandeur avait eu une juste cause pour résilier le contrat le liant au défendeur le 23 décembre 2016 et que le défendeur devait être tenu pour responsable de ce qui précède.
23. La responsabilité du défendeur concernant la rupture du contrat ayant été établie, le juge unique a focalisé son attention sur les conséquences de la rupture avec juste cause par le demandeur.
24. Le juge unique a premièrement reconnu que le défendeur devait d’abord s’acquitter de ses obligations contractuelles, conformément au principe juridique général de pacta sunt servanda. Par conséquent, le juge unique a décidé que le défendeur devait verser au demander la rémunération arriérée à la date de la résiliation, à savoir le 23 décembre 2016.
25. Dans ce contexte, le juge unique a tenu à rappeler qu’en application de l’art. 5 du contrat, le demandeur était inter alia en droit de recevoir un salaire fixe trimestriel de USD 60,000 (« soit une base mensuelle de USD 20,000 »), exigible à échoir le 1er janvier (pour le 1er trimestre civil), le 1er avril (pour le 2ème trimestre civil), le 1er juillet (pour le 3ème trimestre civil) et le 1er octobre (pour le 4ème trimestre civil) tout en étant précisé que le salaire fixe du 1er trimestre civil était dû par exception à la signature du contrat.
26. Le juge unique a également rappelé que les parties avaient contractuellement prévu, à l’art. 6 du contrat que le défendeur « prendra en charge tous les frais d’hébergement (loyer, gaz, eau, électricité…) et toutes les charges et taxes inhérentes à l’hébergement [du demandeur]. […] Tous les logements ainsi mis à disposition [du demandeur] doivent être pourvu d’une climatisation et d’une installation et connexion active à la télévision par satellite (avec les Chaines du Pays B) et à l’internet à haut débit ».
27. A cet égard, le juge unique a tout d’abord fait référence à ses considérations antérieures et a souligné qu’il n’était pas contesté que les salaires du demandeur pour les mois de septembre 2016 à décembre 2016 demeuraient en souffrance, soit la somme totale de USD 80,000.
28. Par la suite, le juge unique a noté que le demandeur sollicitait également le remboursement de la somme de USD 120 « à titre de remboursement des frais d’internet » dont le montant aurait prétendument été avancé par le demandeur. A cet égard, le juge unique a pris note que le demandeur avait soumis un « reçu de paiement » au nom du défendeur daté du 21 décembre 2016 pour une somme de USD 120 payé « en cash » mais a cependant souligné que ledit reçu ne constituait pas une preuve suffisante pour établir l’auteur du paiement en espèces. En conséquence, le juge unique a décidé de rejeter la demande de remboursement de la somme de USD 120 à titre de remboursement des frais d’internet.
29. Au vu de ce qui précède, le juge unique a conclu que le défendeur était redevable du paiement de la somme de USD 80,000 à titre d’arriérés de rémunération.
30. De plus, conformément à la demande d’intérêt du demandeur et dans le respect de la jurisprudence constante de la Commission du Statut du Joueur, le juge unique a accordé au demandeur un intérêt au taux de 5% l’an sur ladite somme et ce, à compter du 23 février 2017, date de la requête du demandeur.
31. Par la suite, le juge unique a décidé qu’eu égard à la jurisprudence constante de la Commission du Statut du Joueur, le demandeur avait droit à une indemnité pour rupture abusive du contrat par le défendeur.
32. En application de la jurisprudence pertinente, le juge unique a estimé qu'il fallait d'abord préciser si le contrat de travail en question contenait une clause, au moyen de laquelle les parties avaient préalablement convenu d'une compensation payable par celles-ci en cas de violation des termes contractuels.
33. Sur ce point, le juge unique a reconnu que le contrat établi à l’art. 7 que « 7.2 Pour le cas où [le défendeur] romprait unilatéralement et par anticipation le présent contrat, pour quelque motif et cause que ce soit, sauf faute lourde, et sous quelque forme que ce soit, il s’oblige à indemniser [le demandeur] sur la base de la totalité des sommes et avantages que ce dernier aurait pu percevoir jusqu’à la fin du contrat.
7.3 À cette indemnité, nette de toutes charges sociales et fiscales, s’ajoutera une indemnité réparatrice du préjudice moral subi, égale à six mois de la base mensuelle fixe de rémunération. Cette indemnité sera également nette de toutes charges sociales et fiscales ».
34. Dans ce contexte, le juge unique, se référant à la jurisprudence constante de la Commission du Statut du Joueur y compris son juge unique, a conclu qu’une telle clause unilatérale, laquelle n’était qu’au bénéfice du demandeur, était de nature potestative et ne pouvait dès lors être prise en considération. Le juge unique a donc décidé de rejeter les demandes du demandeur relatives au paiement des sommes de i) USD 240,000 à titre des salaires restant dus jusqu’au terme du contrat en application de l’article 7.2 du contrat, et ii) USD 120,000 pour réparation du préjudice moral, en application de l’art. 7.3 du contrat.
35. Dans ces circonstances, le juge unique est d’avis que le calcul de l’indemnité pour rupture de contrat doit être effectué en tenant compte des critères habituels selon la jurisprudence de la Commission du Statut du Joueur.
36. Ce faisant, le juge unique s’est attelé dans un premier temps à la rémunération et autres avantages dus au demandeur en vertu du contrat conclu entre les parties. Le juge unique a souligné que le contrat signé entre le demandeur et le défendeur devait durer encore 12 mois, soit jusqu’au 31 décembre 2017, quand la rupture unilatérale a eu lieu. En outre, le juge unique a observé que pour la période en question, le demandeur avait droit à un salaire total de USD 240,000. Par conséquent, le juge unique a conclu que le montant de USD 240,000 constituait la base de calcul pour déterminer le montant dû à titre de compensation.
37. Le juge unique a ensuite vérifié si le demandeur avait signé un nouveau contrat de travail durant la période mentionnée précédemment, au moyen duquel il aurait pu réduire l’étendue de son dommage. En effet, conformément à la jurisprudence constante de la Commission du Statut du Joueur, la rémunération perçue dans le cadre de ce nouveau contrat doit être prise en considération afin de fixer le montant de la compensation payable et ce, en vertu de l’obligation qu’a tout joueur de limiter son préjudice.
38. De ce point de vue, le juge unique a observé qu’il ressortait de la documentation versée au dossier que le demandeur demeurait sans emploi depuis la résiliation du contrat par le défendeur.
39. De plus, le juge unique a tenu compte des circonstances du cas d’espèce et l’attitude générale des parties, en particulier celle du demandeur qui était retourné à Pays C le 18 décembre 2016 et avait suggéré dans son e-mail daté du 14 décembre 2016 que les négociations en vue d’une « entente » pouvaient reprendre avant de quitter définitivement et de manière inopinée le pays en date du 25 décembre 2016. Le juge unique a estimé que ces circonstances constituaient des circonstances atténuantes et qu’ainsi le montant dû à titre de compensation devait être réduit, de sorte que le défendeur doit payer la somme de USD 120,000 à titre de compensation, somme qui semble raisonnable et justifiée eu égard aux circonstances particulières ci-dessus énoncées.
40. De plus, conformément à la demande d’intérêt du demandeur et dans le respect de la jurisprudence constante de la Commission du Statut du Joueur, le juge unique a accordé au demandeur un intérêt au taux de 5% l’an sur ladite somme et ce, à compter du 23 février 2017, date de la requête du demandeur.
41. De plus, pour ce qui est de la demande de « préjudice professionnel complémentaire » réclamée par le demandeur sur la base de l’art. 3.2 du contrat (cf. point I.22 ci-dessus), le juge unique a non seulement considéré que la demande en question n’était pas suffisamment spécifiée pour pouvoir être considérée par le juge unique mais également qu’elle devait être rejetée car les conséquences juridiques telles que décrites à l’art. 3.2 du contrat sont conditionnelles à une offre du défendeur, laquelle n’a jamais été faite en l’espèce.
42. Enfin, en ce qui concerne les frais irrépétibles demandés, le juge unique s’est référé à l’art. 18 al. 4 des Règles de procédure ainsi qu’à la jurisprudence de longue date de la Commission du Statut du Joueur, selon lesquels les procédures devant la Commission du Statut du Joueur ne donnent lieu à aucune compensation procédurale. Le juge unique a donc décidé de rejeter la demande du demandeur en ce sens.
43. Le juge unique de la Commission du Statut du Joueur s’est ensuite référé à l’article 25 al. 2 du Règlement ainsi qu’à l’article 18 al. 1 des Règles de Procédure, selon lesquels les frais de procédure devant la Commission du Statut du Joueur ou le juge unique seront fixés au maximum à 25,000 CHF et seront payables normalement par la partie déboutée.
44. À cet égard, le juge unique a énoncé le fait que la requête du demandeur est partiellement acceptée et a donc conclu que chaque partie devra supporter les frais de la procédure en cours devant la FIFA. Conformément à l’Annexe A des Règles de Procédure, les frais de procédure sont fixés en fonction de la valeur litigieuse. Dans la requête initiée par le demandeur, la somme qu’il convient de considérer est supérieure à 200,000 CHF. En conséquence, le juge unique de la Commission du Statut du Joueur a conclu que le montant maximal des frais de procédure équivalait à 25,000 CHF.
45. Étant donné le différend en question et ses circonstances particulières, le juge unique de la Commission du Statut du Joueur a évalué les coûts de la procédure actuelle à 24 000 CHF, répartis entre les parties comme suit : 12,000 CHF à la charge du défendeur et 12,000 CHF à la charge du demandeur.
46. Le juge unique a conclu ses délibérations dans la présente affaire en établissant que toute autre demande formulée par le demandeur est rejetée.
III. Décision du juge unique de la Commission du Statut du Joueur
1. La demande du demandeur, Entraîneur A, est partiellement acceptée.
2. Le défendeur, Fédération de Football du Pays C, doit payer au demandeur, dans un délai de 30 jours à compter de la date de notification de la présente décision, le montant de 80 000 USD à titre d’arriérés de rémunération, plus un intérêt de 5% par année à compter du 23 février 2017 jusqu’à la date du paiement effectif.
3. Le défendeur doit payer au demandeur, dans un délai de 30 jours à compter de la date de notification de la présente décision, le montant de 120 000 USD à titre de compensation pour rupture de contrat, plus un intérêt de 5% par année à compter du 23 février 2017 jusqu’à la date du paiement effectif.
4. Toute autre demande du demandeur est rejetée.
5. En l’absence de paiement des sommes susmentionnées dans le délai imparti, le cas sera soumis, sur demande, à la Commission de Discipline de la FIFA pour considération et décision.
6. Les frais de procédure d’un montant de 24 000 CHF doivent être payés, dans un délai de 30 jours à compter de la notification de la présente décision, comme suit :
6.1. Le montant de 12 000 CHF doit être payé par le demandeur à la FIFA. Étant donné que le demandeur a déjà payé 5 000 CHF correspondant à l’avance des frais de procédure, le demandeur doit payer le montant restant dû de 7 000 CHF à titre de frais de procédure.
6.2. Le montant de 12 000 CHF doit être payé par le défendeur à la FIFA.
6.3. Les montants susmentionnés aux points 6.1 et 6.2 doivent être payés sur le compte bancaire suivant en mentionnant la référence de cas XXX:
UBS Zurich
Numéro de compte 366.677.01U (Statut du Joueur de la FIFA)
N° Clearing 230
IBAN : CH27 0023 0230 3666 7701U
SWIFT : UBSWCHZH80A
7. Le demandeur s’engage à communiquer au défendeur le numéro de compte bancaire sur lequel le défendeur devra verser les montants alloués aux points 2. et 3. De même, le demandeur s’engage à informer la Commission du Statut du Joueur de tous les paiements effectués par le défendeur.
*****
Entraîneur A, Pays B / Fédération de Football du Pays C
15
Note concernant la décision motivée (Voie de droit) :
Conformément à l’article 58 alinéa 1 des Statuts de la FIFA, cette décision est susceptible d’un appel au Tribunal Arbitral du Sport (TAS). L’appel devra être interjeté dans un délai de 21 jours à compter de la notification de la décision et devra comprendre tous les éléments figurant au point 2 des directives émanant du TAS, dont copie est jointe à la présente. L’appelant dispose de 10 jours supplémentaires à compter de l’expiration du délai de recours pour déposer son mémoire d’appel contenant une description des faits et des arguments légaux fondant le recours (cf. point 4 des directives annexées).
L'adresse complète du Tribunal Arbitral du Sport est la suivante :
Avenue de Beaumont 2
1012 Lausanne, Suisse
Tél : +41 21 613 50 00
info@tas-cas.org
Au nom du juge unique
de la Commission du Statut du Joueur :
Omar Ongaro
Directeur de la sous-division
Réglementation du Football
Annexe : Directives du TAS
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