F.I.F.A. – Players’ Status Committee / Commissione per lo Status dei Calciatori – coach disputes / controversie allenatori (2018-2019) – fifa.com – atto non ufficiale – Decision of the Single Judge of the Players’ Status Committee passed in Zurich, Switzerland19 juin 2019
Décision du juge unique de la
Commission du Statut du Joueur
rendue à Zurich, Suisse, le 19 juin 2019,
par
M. Vitus Derungs (Suisse),
Juge unique de la Commission du Statut du Joueur
dans l’affaire opposant l’entraineur,
Entraineur A, Pays B
ci-après, le demandeur
au club,
Club C, Pays D
ci-après, le défendeur
concernant un litige contractuel survenu entre
les parties
I. Faits
1. Le 19 juillet 2017, l’entraîneur du Pays B, Entraineur A (ci-après : le demandeur), et le Club du Pays D, Club C (ci-après : le défendeur), ont conclu un contrat de travail (ci-après : le contrat), valable à compter du 18 juillet 2017 jusqu’au 17 juillet 2019.
2. Selon l’art. 4 du contrat, le demandeur était en droit de recevoir du défendeur, inter alia, la rémunération suivante:
a. EUR 300,000 pour la saison 2017-2018, payable « mensuellement chaque fin de mois à raison de EUR 25,000 par mois » ;
b. EUR 300,000 pour la saison 2018-2019, payable « mensuellement chaque fin de mois à raison de EUR 25,000 par mois » ;
c. des « primes de titre » définies comme suit :
i. « Vainqueur de la coupe de Pays D : EUR 25,000 ;
ii. Vainqueur du Championnat de Pays D : EUR 40,000 ;
iii. Vainqueur de la coupe de la CAF : EUR 30,000 ;
iv. Vainqueur de la ligue des champions : EUR 100,000 ».
3. En outre, l’art. 4 b) dispose que le demandeur était en droit de recevoir, inter alia, les avantages en nature suivants :
a. « Un logement situé à Ville E ;
b. La mise à disposition d’une voiture sous réserve de sa détention d’un permis de conduire reconnu par les autorités de Pays D ».
4. L’art. 1 du contrat stipule que « le présent contrat lie le club à l’entraineur titulaire d’un diplôme lui permettant l’encadrement d’une activité physique et sportive contre rémunération ».
5. L’art. 6 du contrat stipule que « l’exécution du présent contrat reste titulaire de son homologation par la Fédération de Football du Pays D [ci-après : la Fédération de Football F] conformément à la règlementation sportive de la Fédération de Football F […] ».
6. Selon l’art. 8 du contrat, « [E]n cas de résiliation unilatérale du contrat par l’entraîneur pendant la première saison 2017-2018 donne droit à une indemnité forfaitaire de résiliation, une somme définitive et non révocable équivalente à 24 mois de salaire (EUR 600,000).
En cas de résiliation unilatérale du contrat par l’entraineur pendant la deuxième saison 2018-2019 donne droit à une indemnité forfaitaire de résiliation, une somme définitive et non révocable équivalente à 12 mois de salaire (EUR 300,000) […].
7. En date du 2 novembre 2017, le demandeur a expliqué avoir envoyé une mise en demeure au défendeur, par laquelle il demandait à ce dernier de procéder au paiement de ses deux salaires impayés pour les mois de septembre et octobre 2017.
8. Le 7 novembre 2017, le défendeur a adressé un courrier électronique au demandeur, par le biais duquel il lui transmettait une copie d'une lettre de la Fédération de Football F rédigée en langue arabe. Selon le défendeur, ladite lettre de la Fédération de Football F indiquait prétendument que le contrat du demandeur ne pouvait être homologué puisque (i) le diplôme du demandeur n'était pas certifié par l’ambassade du Pays B en Pays D et (ii) le contrat ne respectait pas la réglementation de Pays D sur le fair-play financier, en particulier concernant la limite salariale autorisée. De plus, le défendeur invitait le demandeur dans le même courriel à fournir une copie de son diplôme d'entraîneur certifié par l'Ambassade du Pays B.
9. Le même jour, le demandeur répondait à l’email du défendeur et indiquait avoir été étonné d’apprendre que « cette décision intervient alors que depuis plusieurs mois j’exerce normalement mes fonctions d’entraîneur découlant de mon contrat de travail rédigé par vos soins. Il en est par ailleurs de même de la part de mon staff ». Le demandeur indiquait en outre que le défendeur « savait obligatoirement qu’en me proposant ce contrat, qu’il contrevenait aux obligations et dispositions de la loi régissant le football professionnel en Pays D, ce qui bien évidemment n’a jamais été porté à ma connaissance. Je ne saurais en être tenu pour responsable, ni à en devoir subir les conséquences ».
10. Selon le défendeur, en date du 23 novembre 2017, le demandeur lui aurait adressé une lettre de résiliation du contrat.
11. Le 1er juin 2018, le demandeur a déposé une plainte auprès de la FIFA contre le défendeur affirmant que le contrat avait été rompu sans juste cause par celui-ci en raison « de ses nombreux et graves manquements (et notamment un défaut de paiement de salaire, son remplacement sans aucune procédure) et ce dès le mois de novembre 2017 ». Le demandeur réclamait par conséquent, un montant total de EUR 609,000, ventilé comme suit :
- EUR 525,000, au titre des « salaires et accessoires de salaires échus et non payés d’octobre 2017 à juillet 2019 inclus, correspondant aux salaires dus en application du contrat » (i.e. soit EUR 25,000 x 21) ;
- EUR 40,000 au titre de « la non prise en charge et de la perte des avantages en nature prévus à l’article 4 du contrat » ;
- EUR 40,000 à titre de « dommages et intérêts complémentaires en réparation du préjudice professionnel, moral, d’image et de la résistance manifestement abusive et dolosive du [défendeur] » ;
- EUR 4,000, correspondant au « remboursement des frais engagés par lui pour assurer sa défense ».
Par ailleurs, le demandeur demandait à ce que des sanctions sportives soient prononcées à l’encontre du défendeur.
12. Dans sa plainte, le demandeur affirmait que le défendeur avait continuellement manqué à ses obligations contractuelles et ce, « dès le début des relations contractuelles ». A cet égard, le demandeur alléguait que ses salaires des mois de juillet et août 2017 ont été payés en retard et qu’il n’avait pas reçu ses salaires pour les mois de septembre et octobre 2017 en dépit du fait d’avoir respecté tous ses engagements contractuels envers le défendeur.
13. Par ailleurs, le demandeur affirmait que le défendeur avait remplacé le demandeur par un nouvel entraîneur, tel que prétendument rapporté dans les médias locaux.
14. Compte tenu de ce qui précède, le demandeur considérait qu’il était libre de signer un nouveau contrat de travail avec un autre club « à compter de la date du mois de novembre 2017, date de la prise d’acte de la rupture ».
15. Dans sa réponse, le défendeur a rejeté les allégations du demandeur et affirmait que le demandeur « a reçu tous ses salaires depuis son recrutement (juillet, août, septembre 2017) sauf le mois d’octobre 2017 ». A cet égard, le défendeur soumettait un reçu de paiement en date du 23 novembre 2017, signé par le demandeur et portant la mention « salaire septembre 2017 ».
16. Par ailleurs, le défendeur reconnaissait avoir reçu la mise en demeure du demandeur datée du 2 novembre 2017 et alléguait avoir reçu du demandeur un « acte de résiliation du contrat » daté du 23 novembre 2017 (cf. point I./10. ci-dessus).
17. Dans ce contexte, le défendeur constatait « l’absence de juste cause dans sa résiliation unilatérale du contrat » puisque, selon le défendeur, seul le salaire du mois d’octobre 2017 demeurait en souffrance à la date de la résiliation du contrat par le demandeur, i.e. le 23 novembre 2017.
18. En outre, le défendeur se référait à l’art. 6 du contrat et déclarait que le contrat devait être homologué par la Fédération de Football F et que le demandeur « n’a pu intégrer le banc lors des matchs officiels du club que grâce à des autorisations spéciales accordées par la Fédération jusqu’à la régularisation finale de l’homologation du contrat ».
19. De plus, le défendeur soulignait que son email daté du 7 novembre 2017 (cf. point I./8. ci-dessus) était « une preuve en elle-même que le [défendeur] n’avait jamais envisagé de résilier le contrat. Au contraire c’était une invitation claire et sans équivoque pour que ce dernier nous présente une copie certifiée conforme de sa licence ».
20. Enfin, le défendeur affirmait que les articles de presse présentés par le demandeur au soutien de ses allégations que le défendeur l’avait remplacé par un nouvel entraineur, n’étaient que des « spéculations journalistiques ».
21. Dans sa réplique, le demandeur réitérait ses demandes et déclarait que le paiement daté du 23 novembre 2017 correspondait au salaire du mois de septembre 2017, lequel a été payé avec plus de deux mois de retard par le défendeur.
22. En outre, le demandeur affirmait avoir présenté dès le début de son engagement son diplôme d’entraineur UEFA Pro lui permettant d’entrainer au plus haut niveau dans le monde entier. Enfin, en ce qui concerne l’approbation du contrat par la Fédération de Football F, le demandeur déclarait que « le manquement de la soi-disant non homologation du contrat ne peut être que du fait de la responsabilité du [défendeur] ».
23. Enfin, le demandeur soulignait que la correspondance de la Fédération de Football F annexée à l’email du défendeur du 7 novembre 2017, était rédigée en langue arabe et n’était pas accompagnée d’une traduction dans l’une des langues officielles de la FIFA et ne pouvait par conséquent pas être pris en compte.
24. Dans sa duplique, le défendeur déclarait une nouvelle fois que seul le salaire du mois d’octobre 2017 demeurait en souffrance et affirmait que le demandeur avait reçu « tous ses salaires depuis son recrutement (juillet, aout septembre 2017) sauf le mois d’octobre 2017, payable à la fin du mois ou au maximum au 5 du mois suivant, c’est-à-dire, le 5 novembre 2017, alors que la mise en demeure a été émise en date du 2 novembre 2017, et tout de suite après, c’est-à-dire le 23 novembre 2017, l’acte de résiliation de contrat ».
25. Enfin, le défendeur déclarait « avoir continué à payer les salaires du demandeur et avoir réussi à obtenir lors de chaque match les autorisations nécessaires de la Fédération de Football F pour que le demandeur s’assoit sur le banc et exerce son travail » et ce, malgré le refus d’homologation du contrat de la Fédération de Football F.
26. Après y avoir été dûment invité par la FIFA, le demandeur a indiqué avoir signé un contrat avec le Club du Pays G, Club H, valable à compter du 25 mars 2019 jusqu’au 31 octobre 2019, en vertu duquel le demandeur était en droit de recevoir un salaire mensuel de USD 20,000.
II. Considérants du juge unique de la Commission du Statut du Joueur
1. En premier lieu, le juge unique de la Commission du Statut (ci-après : le juge unique) du Joueur a analysé s’il était compétent pour traiter du présent litige. À cet effet, le juge unique a tout d’abord examiné quelle édition du Règlement de la Commission du Statut du Joueur et de la Chambre de Résolution des Litiges était applicable au présent litige. À cet égard, le juge unique a constaté que la requête en question avait été déposée à la FIFA le 1er juin 2018. Par conséquent, l’édition 2018 du Règlement de la Commission du Statut du Joueur et de la Chambre de Résolution des Litiges (ci-après : les Règles de procédure) est applicable au présent litige (cf. art. 21 des Règles de procédure).
2. Par la suite, le juge unique s’est référé à l’art. 3 al. 1 et al. 2 des Règles de procédure et a confirmé qu’en application de l’art. 23 al. 1 et al. 4 et de l’art. 22 let. c) du Règlement du Statut et du Transfert des Joueurs (édition juin 2019), il était l’organe décisionnel compétent pour connaître du présent litige contractuel de dimension internationale entre un entraîneur du Pays B et un Club du Pays D.
3. De plus, le juge unique a analysé quelle édition du Règlement du Statut et du Transfert des Joueurs (ci-après : le Règlement) est applicable quant au droit matériel. A cet égard, le juge unique s’est référé à l’art. 26 al. 1 et al. 2 du Règlement (édition juin 2019) et, d’autre part, au fait que la plainte ait été déposée auprès de la FIFA le 1er juin 2018. Au vu de ce qui précède, le juge unique a conclu que l’édition juin 2018 du Règlement est applicable au présent litige quant au droit matériel.
4. Une fois sa compétence et la réglementation applicable établies, le juge unique a statué sur le fond de l’affaire. Ce faisant, il a commencé par reconnaître les faits mentionnés ci-dessus ainsi que la documentation contenue dans le dossier. Toutefois, le juge unique a souligné que dans les considérants qui suivent, il ne se référerait qu’aux faits, arguments et documents pertinents pour l’analyse de la présente affaire.
5. En premier lieu, le juge unique a noté qu’en date du 19 juillet 2017, les parties avaient conclu un contrat de travail valable à compter du 18 juillet 2017 jusqu’au 17 juillet 2019, aux termes duquel le demandeur était, inter alia, en droit de recevoir la rémunération suivante :
a. EUR 300,000 pour la saison 2017-2018, payable « mensuellement chaque fin de mois à raison de EUR 25,000 par mois » ;
b. EUR 300,000 pour la saison 2018-2019, payable « mensuellement chaque fin de mois à raison de EUR 25,000 par mois ».
6. Le juge unique a également noté que les parties avaient contractuellement prévu, à l’art. 4 b) du contrat que le demandeur serait en droit de percevoir, inter alia, les avantages en nature suivants :
a. « Un logement situé à Ville E ;
b. La mise à disposition d’une voiture sous réserve de sa détention d’un permis de conduire reconnu par les autorités de Pays D ».
7. En outre, le juge unique a observé qu’en date du 2 novembre 2017, le demandeur expliquait avoir envoyé une mise en demeure au défendeur, par laquelle il demandait à ce dernier de procéder au paiement de ses deux salaires impayés pour les mois de septembre et octobre 2017.
8. Par ailleurs, le juge unique a observé qu’en date du 1er juin 2018, le demandeur a déposé une plainte à l’encontre du défendeur affirmant que le contrat avait été rompu sans juste cause par celui-ci en raison « de ses nombreux et graves manquements (et notamment un défaut de paiement de salaire, son remplacement sans aucune procédure) et ce dès le mois de novembre 2017 ».
9. En outre, le juge unique a noté que le demandeur affirmait que le défendeur avait continuellement manqué à ses obligations contractuelles et que ses salaires des mois de juillet et août 2017 avaient été payés en retard. De plus, le juge unique a noté que le demandeur affirmait qu’il n’avait pas reçu ses salaires pour les mois de septembre et octobre 2017 en dépit du fait d’avoir respecté tous ses engagements contractuels envers le défendeur. Par ailleurs, le demandeur considérait qu’il était libre de signer un nouveau contrat de travail avec un autre club « à compter de la date du mois de novembre 2017, date de la prise d’acte de la rupture ».
10. Le juge unique a par la suite pris note des arguments du défendeur, lequel reconnaissait avoir reçu la mise en demeure du demandeur datée du 2 novembre 2017 ainsi qu’un « acte de résiliation du contrat » du demandeur en date du 23 novembre 2017.
11. Par ailleurs, le juge unique a noté que le défendeur rejetait les allégations du demandeur et affirmait que celui-ci avait reçu « tous ses salaires depuis son recrutement (juillet, août, septembre 2017) sauf le mois d’octobre 2017 ». A cet égard, le juge unique a observé que le défendeur soumettait au dossier un reçu de paiement daté du 23 novembre 2017 signé par le demandeur et portant la mention « salaire septembre 2017 ».
12. En outre, le juge unique a noté que le défendeur alléguait que le demandeur n’avait pas de juste cause pour résilier le contrat puisque, selon le défendeur, seul le salaire du mois d’octobre 2017 demeurait en souffrance à la date de la résiliation du contrat par le demandeur, i.e. le 23 novembre 2017.
13. Dans ce contexte, le juge unique a observé que le demandeur déclarait que le paiement daté du 23 novembre 2017 correspondait au salaire du mois de septembre 2017, lequel a été payé avec plus de deux mois de retard par le défendeur.
14. Au vu des allégations et arguments présentés par chacune des parties, le juge unique a considéré qu’en l’espèce, il convenait d’établir dans un premier temps à quelle date et par quelle partie le contrat avait été rompu et d’établir par la suite, si le contrat avait été rompu pour juste cause ou non.
15. A cet égard, le juge unique a noté que le défendeur admettait avoir reçu du demandeur un « acte de résiliation du contrat » en date du 23 novembre 2017 et relevait que le demandeur ne contestait pas avoir adressé ladite lettre de résiliation. Dans ce contexte, le juge unique a noté qu’il demeure incontesté par les parties que le contrat de travail a été résilié par le demandeur en date du 23 novembre 2017.
16. Compte tenu des considérations qui précèdent, le juge unique a considéré que le contrat avec été rompu par le demandeur le 23 novembre 2017, date à laquelle le demandeur a envoyé une lettre de résiliation au défendeur.
17. La date de la rupture du contrat ayant été établie, le juge unique a ensuite été amené à déterminer si la résiliation unilatérale du contrat par le demandeur était fondée ou non sur une juste cause.
18. Ainsi, le juge unique a été amené à déterminer si les arguments et preuves avancés par le demandeur pour justifier la résiliation unilatérale du contrat pouvaient constituer une juste cause pour rompre le contrat avant le terme contractuellement établi par les parties.
19. A ce stade, le juge unique a souhaité rappeler aux parties le principe de la charge de la preuve, tel qu’établi par l’art. 12 par. 3 des Règles de procédure, selon lequel la charge de la preuve incombe à la partie qui invoque un droit découlant d’un fait qu’elle allègue.
20. Dans ce contexte, le juge unique a analysé les allégations du défendeur selon lesquelles le demandeur n’avait pas de juste cause pour résilier le contrat puisque, selon le défendeur, seul le salaire du mois d’octobre 2017 demeurait en souffrance à la date de la résiliation du contrat par le demandeur, i.e. le 23 novembre 2017.
21. En particulier, le juge unique a pris bonne note du reçu de paiement daté du 23 novembre 2017 et portant la mention « salaire septembre 2017 » soumis par le défendeur au soutien de ses allégations.
22. A cet égard, le juge unique s’est référé à l’art. 12 par. 3 des Règles de procédure et a noté que le défendeur n’avait soumis aucune preuve documentaire permettant d’établir que la résiliation du contrat par le demandeur était survenue après réception dudit paiement par le demandeur.
23. Par conséquent, le juge unique a conclu qu’au moment de la résiliation du contrat en date du 23 novembre 2017, les salaires du mois de septembre 2017 et octobre 2017 demeuraient toujours en souffrance.
24. Par ailleurs, le juge unique a souligné qu’il était établi et non contesté par le défendeur que les salaires pour les mois de juillet et août 2017 avaient été payé en retard par le défendeur.
25. Au vu de ce qui précède, le juge unique a estimé que les retards persistants dans le paiement de la rémunération due au demandeur ainsi que le manquement du défendeur de payer les salaires des mois de septembre et octobre 2017 avaient fait naître dans le chef du demandeur la crainte légitime que le défendeur persisterait à ne pas honorer ses obligations contractuelles dans le futur, de sorte qu’il était devenu impossible pour le demandeur de croire en la continuation de la relation contractuelle.
26. Par conséquent, le juge unique a conclu que le demandeur avait eu une juste cause pour résilier le contrat le liant au défendeur le 23 novembre 2017 et que le défendeur devait être tenu pour responsable de ce qui précède.
27. Par la suite, le juge unique a poursuivi ses délibérations en évaluant les conséquences financières de cette résiliation prématurée et abusive.
28. Le juge unique a tout d’abord reconnu que le défendeur devait s’acquitter de ses obligations contractuelles, conformément au principe juridique général de pacta sunt servanda. Par conséquent, le juge unique a décidé que le défendeur devait verser au demandeur ses arriérés de rémunération jusqu’à la date de la résiliation du contrat, à savoir le 23 novembre 2017.
29. Dans ce contexte, le juge unique a tenu à rappeler qu’en application de l’art. 4 du contrat, le demandeur était, inter alia, en droit de recevoir pour la saison sportive 2017-2018 un salaire mensuel de EUR 25,000, tout en étant précisé que le salaire était payable « chaque fin de mois ».
30. A ce sujet, le juge unique a tout d’abord fait référence à ses considérations antérieures et a souligné qu’il était établi et non contesté par le défendeur que le salaire du demandeur pour le mois d’octobre 2017 demeurait encore en souffrance, soit la somme de EUR 25,000. A cet égard, le juge unique a souligné que le défendeur n’avait invoqué aucun argument pouvant valablement justifier le non-paiement du salaire du mois d’octobre 2017 en faveur du demandeur.
31. Compte tenu de ce qui précède, le juge unique a établi que le défendeur a omis de verser au demandeur la somme de EUR 25,000, correspondant au salaire du demandeur pour le mois d’octobre 2017.
32. Au vu de ce qui précède, et en vertu du principe juridique « pacta sunt servanda », lequel dispose que les conventions entre parties doivent être respectées, le juge unique a décidé que le défendeur était redevable du paiement de la somme de EUR 25,000 à titre d’arriérés de rémunération.
33. Par la suite, et après avoir établi que le défendeur devait être tenu responsable de la résiliation du contrat de travail pour juste cause par le demandeur, le juge unique a décidé qu’eu égard à la jurisprudence constante de la Commission du Statut du Joueur, le demandeur avait le droit de recevoir du défendeur une indemnité pour rupture de contrat.
34. En application de la jurisprudence pertinente, le juge unique a estimé qu'il fallait d'abord préciser si le contrat de travail en question contenait une clause, au moyen de laquelle les parties avaient préalablement convenu d'une compensation payable par celles-ci en cas de violation des termes contractuels.
35. Sur ce point, le juge unique s’est référé à l’art. 8 du contrat qui stipule qu’« [E]n cas de résiliation unilatérale du contrat par l’entraîneur pendant la première saison 2017-2018 donne droit à une indemnité forfaitaire de résiliation, une somme définitive et non révocable équivalente à 24 mois de salaire (EUR 600,000).
En cas de résiliation unilatérale du contrat par l’entraineur pendant la deuxième saison 2018-2019 donne droit à une indemnité forfaitaire de résiliation, une somme définitive et non révocable équivalente à 12 mois de salaire (EUR 300,000) […].
36. Dans ce contexte, le juge unique, se référant à la jurisprudence constante de la Commission du Statut du Joueur y compris son juge unique, a conclu qu’une telle clause unilatérale, laquelle n’était qu’au bénéfice de l’une des parties au contrat, était de nature potestative et ne pouvait dès lors être prise en considération.
37. Dans ces circonstances, le juge unique est d’avis que le calcul de l’indemnité pour rupture de contrat doit être effectué en tenant compte des critères habituels selon la jurisprudence de la Commission du Statut du Joueur.
38. Ce faisant, le juge unique s’est attelé à déterminer la valeur résiduelle du contrat conclu entre les parties. Le juge unique a souligné que le contrat signé entre le demandeur et le défendeur devait durer encore 21 mois (soit jusqu’au 17 juillet 2019), quand la rupture unilatérale a eu lieu. En outre, le juge unique a observé que pour la période en question, le demandeur avait droit à un salaire total de EUR 525,000. Par conséquent, le juge unique a conclu que le montant de EUR 525,000 constituait la base de calcul pour déterminer le montant dû à titre de compensation.
39. Le juge unique a ensuite vérifié si le demandeur avait signé un nouveau contrat de travail durant la période mentionnée précédemment, au moyen duquel il aurait pu réduire l’étendue de son dommage. En effet, conformément à la jurisprudence constante de la Commission du Statut du Joueur, la rémunération perçue dans le cadre de ce nouveau contrat doit être prise en considération afin de fixer le montant de la compensation payable et ce, en vertu de l’obligation qu’a tout joueur de limiter son préjudice.
40. De ce point de vue, le juge unique a observé qu’il ressortait de la documentation versée au dossier que le demandeur avait conclu un contrat de travail couvrant la période du 25 mars 2019 au 17 juillet 2019, en application duquel le demandeur était amené à percevoir une rémunération totale équivalente à EUR 71,000 au cours de la période précitée.
41. En conséquence, le juge unique a décidé que le défendeur doit payer la somme de EUR 454,000 au demandeur à titre de compensation pour rupture de contrat, somme qui apparait raisonnable et justifiée.
42. De plus, pour ce qui est de la demande de compensation pour « non prise en charge et de la perte des avantages en nature prévus à l’article 4 du contrat » et de la demande de « dommages et intérêts complémentaires en réparation du préjudice professionnel, moral et d’image », le juge unique a non seulement considéré que les deux demandes en question n’étaient pas suffisamment spécifiées pour pouvoir être considérées par le juge unique mais également qu’elles devaient être rejetées car elles n’avaient aucun fondement contractuel. En outre, le juge unique a souligné qu’aucun élément de preuve quantifiant le préjudice subi n’avait été présenté par le demandeur à cet égard.
43. Enfin, en ce qui concerne les « frais engagés pour assurer la défense des intérêts » du demandeur, le juge unique s’est référé à l’art. 18 al. 4 des Règles de procédure ainsi qu’à la jurisprudence de longue date de la Commission du Statut du Joueur, selon lesquels les procédures devant la Commission du Statut du Joueur ne donnent lieu à aucune compensation procédurale. Le juge unique a donc décidé de rejeter la demande du demandeur en ce sens.
44. Le juge unique de la Commission du Statut du Joueur s’est ensuite référé à l’article 25 al. 2 du Règlement ainsi qu’à l’article 18 al. 1 des Règles de Procédure, selon lesquels les frais de procédure devant la Commission du Statut du Joueur ou le juge unique seront fixés au maximum à 25,000 CHF et seront payables normalement par la partie déboutée.
45. À cet égard, le juge unique a énoncé le fait que la requête du demandeur est partiellement acceptée et a donc conclu que chaque partie devra supporter les frais de la procédure en cours devant la FIFA. Conformément à l’Annexe A des Règles de Procédure, les frais de procédure sont fixés en fonction de la valeur litigieuse. Dans la requête initiée par le demandeur, la somme qu’il convient de considérer est supérieure à 200,000 CHF. En conséquence, le juge unique de la Commission du Statut du Joueur a conclu que le montant maximal des frais de procédure équivalait à 25,000 CHF.
46. Étant donné le différend en question et ses circonstances particulières, le juge unique de la Commission du Statut du Joueur a évalué les coûts de la procédure actuelle à 20,000 CHF, répartis entre les parties comme suit : 15,000 CHF à la charge du défendeur et 5,000 CHF à la charge du demandeur.
47. Le juge unique a conclu ses délibérations dans la présente affaire en établissant que toute autre demande formulée par le demandeur est rejetée.
III. Décision du juge unique de la Commission du Statut du Joueur
1. La demande du demandeur, Entraineur A, est partiellement acceptée.
2. Le défendeur, Club C, doit payer au demandeur la somme de EUR 25.000 à titre d’arriérés de rémunération dans un délai de 30 jours à compter de la date de notification de la présente décision.
3. Le défendeur doit payer au demandeur la somme de EUR 454.000 à titre de compensation pour rupture de contrat dans un délai de 30 jours à compter de la date de notification de la présente décision.
4. Si les sommes mentionnées ne sont pas payées dans le délai imparti tel qu’indiqué ci-avant, des intérêts à hauteur de 5% par année seront appliqués et ce dès l’échéance du délai mentionné précédemment et le cas sera, sur requête, transmis à la Commission de Discipline de la FIFA pour considération et décision.
5. Toute autre demande déposée par le demandeur est rejetée.
6. Les frais de procédure d’un montant total de CHF 20.000 doivent être payés, dans un délai de 30 jours à compter de la notification de la présente décision, de la manière suivante:
6.1 Le montant de CHF 5.000 doit être payé par le demandeur à la FIFA. Étant donné que le demandeur a déjà payé CHF 5.000 correspondant à l’avance des frais de procédure, le demandeur ne doit pas payer ledit montant.
6.2 Le montant de CHF 15.000 doit être payé par le défendeur à la FIFA, sur le compte bancaire suivant en mentionnant le numéro de référence du dossier XXX:
UBS Zurich
Numéro de compte 366.677.01U (Statut du Joueur de la FIFA)
N° Clearing 230
IBAN : CH27 0023 0230 3666 7701U
SWIFT : UBSWCHZH80A
7. Le demandeur s’engage à communiquer au défendeur le numéro de compte bancaire sur lequel le défendeur devra verser les sommes allouées sous les points 2. et 3. De même, le demandeur s’engage à informer la Commission du Statut du Joueur de tous paiements effectués par le défendeur.
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Note concernant la décision motivée (Voie de droit) :
Conformément à l’article 58 alinéa 1 des Statuts de la FIFA, cette décision est susceptible d’un appel au Tribunal Arbitral du Sport (TAS). L’appel devra être interjeté dans un délai de 21 jours à compter de la notification de la décision et devra comprendre tous les éléments figurant au point 2 des directives émanant du TAS. L’appelant dispose de 10 jours supplémentaires à compter de l’expiration du délai de recours pour déposer son mémoire d’appel contenant une description des faits et des arguments légaux fondant le recours (cf. point 4 des directives mentionnées).
L'adresse complète du Tribunal Arbitral du Sport est la suivante :
Avenue de Beaumont 2
1012 Lausanne, Suisse
Tél : +41 21 613 50 00
info@tas-cas.org
Au nom du juge unique
de la Commission du Statut du Joueur :
Emilio García Silvero
Directeur Juridique et Conformité
Entraîneur A, Pays B / Club C, Pays D
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