F.I.F.A. – Players’ Status Committee / Commissione per lo Status dei Calciatori – club vs club disputes / controversie tra società – (2016-2017) – fifa.com – atto non ufficiale – Decision 22 novembre 2016

Décision du juge unique de la
Commission du Statut du Joueur
rendue le 22 novembre 2016 à Zurich, Suisse,
par
M. Geoff Thompson (Angleterre)
Juge unique de la Commission du Statut du Joueur
concernant une plainte déposée par le club
Club A, pays B,
ci-après, « le demandeur »
à l’encontre du club
Club C, pays D,
ci-après, « le défendeur »
concernant un litige contractuel entre les parties relatif au transfert du
Joueur E
I. Faits
1. Le 15 juin 2011, le Club A du pays B (ci-après : le demandeur), représenté par M. F en qualité de directeur général, et le Club C du pays D (ci-après : le défendeur) ont conclu une « convention de mutation définitive » (ci-après : la convention), selon laquelle le défendeur s’engageait à payer au demandeur une indemnité de transfert de 50 000 EUR pour le transfert définitif du Joueur E du pays B (ci-après : le joueur) en tant que « joueur stagiaire ».
2. Conformément à l’art. III.2 de la convention, « Si le Joueur signe un contrat de joueur Professionnel avec le [défendeur], ce dernier versera une indemnité complémentaire de 150 000 EUR HT (cent cinquante mille euros hors taxes) [au demandeur].
En cas de prolongation du premier contrat de joueur Professionnel du Joueur, le [défendeur] versera une indemnité complémentaire de 50 000 EUR HT (cinquante mille euros hors taxes) [au demandeur] ».
3. Le 27 mai 2015, un avenant à la convention (ci-après : l’avenant) a été signé par le défendeur et M. F, supprimant l’intégralité de l’art. III.2 de la convention (voir point 2 ci-dessus) et le substituant comme suit :
« Si le [défendeur] accède sportivement, administrativement et financièrement à la Ligue premier du pays D à l’issue de la saison 2015/2016, le [défendeur] s’engage à verser [au demandeur] une indemnité complémentaire de 20 000 EUR (vingt mille euros hors taxes) payable dans les 30 (trente) jours suivant l’homologation par la Ligue du classement final du championnat de pays D».
4. Le 29 juillet 2015, en réponse à la requête du demandeur quant au paiement de l’indemnité complémentaire de 50 000 EUR liée à la prolongation du contrat du joueur avec le défendeur, ce dernier a rappelé au demandeur le contenu de l’avenant ayant supprimé l’art. III.2 originel de la convention, et a ainsi rejeté la requête du demandeur.
5. Le 15 août 2015, le demandeur a contesté la validité de l’avenant, alléguant l’avoir reçu seulement le 29 juillet 2015 avec la lettre du défendeur, et dont la signature par M. F au nom du demandeur devait être considérée comme nulle étant donné que M. F n’avait plus qualité pour agir au nom du demandeur depuis le 1er septembre 2014, conformément à sa lettre de renonciation à son mandat d’administrateur.
6. Entre le 21 août et le 29 septembre 2015, le demandeur a relancé à plusieurs reprises par écrit le défendeur, insistant sur l’invalidité de l’avenant sur le fondement du faux et usage de faux, et exhortant le défendeur à procéder au paiement de la somme de 50 000 EUR conformément à l’art. III.2 originel de la convention, à défaut de quoi le demandeur aurait recours à la FIFA.
7. Le 5 octobre 2015, le demandeur a déposé une requête auprès de la FIFA à l’encontre du défendeur, expliquant que ce dernier n’avait toujours pas payé l’indemnité complémentaire de 50 000 EUR conventionnellement prévue par les parties en cas de prolongation du premier contrat de joueur professionnel dudit joueur. À cet égard, le demandeur soutient que le contrat du joueur en question a été prolongé le 1er juillet 2015.
8. Par conséquent, le demandeur a sollicité la condamnation du défendeur au paiement de la somme de 50 000 EUR.
9. Le défendeur a, pour sa part, soutenu n’avoir jamais été informé par le demandeur ou par quiconque à la date de signature de l’avenant, ou préalablement, que M. F n’avait plus qualité pour signer ledit avenant pour le compte du demandeur. Apparemment, c’est seulement par la correspondance du 15 août 2015 (voir point I.5 ci-dessus), soit postérieurement à la signature de l’avenant, que le défendeur aurait été informé de ce que M. F ne pouvait pas signer cet avenant au nom du demandeur.
10. Le défendeur a, en particulier, souligné sa bonne foi dans la mesure où à la date de signature de l’avenant, à savoir le 27 mai 2015, M. F présentait en apparence toutes les qualités et capacités requises, comme il en disposait auparavant, pour signer l’avenant puisque c’est ce dernier qui a signé pour le compte du demandeur la convention originelle.
11. Dès lors, le défendeur a estimé qu’il appartenait au demandeur de rechercher la responsabilité personnelle de M. F, si ledit club considérait avoir subi un préjudice. Par conséquent, le défendeur a demandé qu’il soit considéré que l’avenant soit réputé valable à son égard en raison de sa bonne foi.
12. En outre, le défendeur a allégué que le demandeur n’avait plus qualité pour agir dans le cas d’espèce. En effet, le défendeur s’est référé au contrat de cession de créances conclu le 1er septembre 2014 entre le demandeur, la société du demandeur, et deux autres actionnaires, par lequel le demandeur a opéré une cession de ses créances relatives aux « droits économiques des différents joueurs de football formés à son académie, aussi bien que l’Indemnité de Formation et Mécanisme de Solidarité et toutes les prestations non encore payés par le transfert des joueurs » au profit de la société du demandeur.
13. Par conséquent, selon le défendeur, la plainte du demandeur devrait être rejetée.
14. Dans sa réplique, le demandeur a considéré qu’étant donné qu’il ignorait que le défendeur prévoyait de prolonger le contrat professionnel du joueur, il n’était donc pas en mesure d’informer le défendeur le 27 mai 2015. Le demandeur a également souligné la négligence du défendeur de ne pas avoir vérifié auprès de lui si M. F agissait toujours pour le compte du demandeur. Par ailleurs, le demandeur s’est référé aux quatre lettres de rappel envoyées entre le 15 août et le 8 septembre 2015 qui n’ont fait l’objet d’aucune réponse formelle du défendeur.
15. Ainsi, le demandeur a réitéré sa demande.
16. Dans sa duplique, le défendeur a tenu à mettre en exergue qu’il était de la responsabilité du demandeur d’aviser le défendeur de ce que M. F n’avait plus qualité pour représenter le demandeur.
17. De plus, le défendeur a maintenu être de bonne foi au vu des éléments susmentionnés mais aussi et d’autant plus qu’il avait établi et négocié ledit avenant courant mai 2015, sollicité à la fois par M. F de concert avec l’agent du joueur. À cet égard, le défendeur a fourni un courriel du supposé agent du joueur envoyé audit club, par lequel l’agent en question se réfère à une conversation téléphonique avec M. F pour le demandeur concernant une somme de « 20 000 EUR en cas d’accession en Ligue premier du pays D pendant la durée du contrat ».
18. En conclusion, le défendeur a maintenu sa position initiale.
II. Considérants du juge unique de la Commission du Statu du Joueur
1. En premier lieu, le juge unique de la Commission du Statut du Joueur a analysé s’il était compétent pour traiter du présent litige. À cet effet, le juge unique a tout d’abord examiné quelle édition du Règlement de la Commission du Statut du Joueur et de la Chambre de Résolution des Litiges était applicable au présent litige. À cet égard, le juge unique a constaté que la requête en question avait été déposée à la FIFA le 5 octobre 2015. Par conséquent, l’édition 2015 du Règlement de la Commission du Statut du Joueur et de la Chambre de Résolution des Litiges (ci-après : les Règles de procédure) est applicable au présent litige (cf. art. 21 des Règles de procédure).
2. Par la suite, et quant au fond du présent litige, le juge unique s’est référé à l’art. 26 al. 1 et al. 2 du Règlement du Statut et du Transfert des Joueurs (édition 2016), ainsi qu’à la date de dépôt de la demande en question, à savoir le 5 octobre 2015, et a conclu que l’édition 2015 dudit Règlement (ci-après : le Règlement) était applicable au présent litige quant au droit matériel.
3. De surcroît, le juge unique s’est référé à l’art. 3 al. 2 et al. 3 des Règles de procédure et a confirmé qu’en application de l’art. 23 al. 1 et al. 3 et de l’art. 22 let. f) du Règlement, il était l’organe décisionnel compétent pour connaître du présent litige contractuel entre deux clubs affiliés à des associations différentes.
4. Une fois sa compétence et la réglementation applicable établies, le juge unique a statué sur le fond de l’affaire. Ce faisant, il a commencé par reconnaître les faits mentionnés ci-dessus ainsi que la documentation contenue dans le dossier. Toutefois, le juge unique a souligné que dans les considérants qui suivent, il ne se référerait qu’aux faits, arguments ainsi qu’à la documentation pertinents pour l’analyse de la présente affaire.
5. En premier lieu, le juge unique de la Commission du Statut du Joueur a souhaité souligner le contenu de la convention conclue entre les parties le 15 juin 2011. En particulier, le juge unique a noté que les parties avaient contractuellement convenu, à l’article III.2 de la convention, une indemnité complémentaire s’élevant à 50 000 EUR « en cas de prolongation du premier contrat de joueur Professionnel du Joueur ».
6. Le juge unique a également constaté qu’un avenant à la convention avait été conclu, en vue de modifier le contenu dudit art. III.2 de la convention, et le substituant comme suit : « Si le [défendeur] accède sportivement, administrativement et financièrement à la Ligue premier du pays D à l’issue de la saison 2015/2016, le [défendeur] s’engage à verser [au demandeur] une indemnité complémentaire de 20 000 EUR (vingt mille euros hors taxes) payable dans les 30 (trente) jours suivant l’homologation par la Ligue du classement final du championnat de pays D».
7. Par ailleurs, le juge unique a rappelé d’une part que, d’après les allégations du demandeur, le défendeur lui était redevable de l’indemnité complémentaire s’élevant à 50 000 EUR, conformément à la convention conclue le 15 juin 2011 et compte tenu de la prorogation du contrat de travail du joueur avec le défendeur le 1er juillet 2015.
8. Le juge unique a également noté que, de son côté, le défendeur a refusé de procéder au paiement dudit montant, invoquant l’avenant à la convention qui a substitué le contenu de l’art. III.2 de la convention originelle.
9. À ce stade, le juge unique a estimé qu’il devait d’abord se prononcer sur la validité de l’avenant à la convention pour traiter substantiellement la présente affaire. Pour ce faire, le juge unique a décidé qu’il devait déterminer si le défendeur était de bonne foi lorsque ledit avenant a été conclu le 27 mai 2015.
10. À cet égard, le juge unique a noté que selon les allégations du demandeur, l’avenant avait été signé par M. F qui n’avait plus qualité pour agir au nom du demandeur depuis le 1er septembre 2014.
11. D’autre part, le juge unique a observé que le défendeur a, quant à lui, soutenu n’avoir été informé de la renonciation de M. F à son mandat d’administrateur que par le biais de la correspondance du demandeur datée du 15 août 2015 et donc, qu’au moment de la signature dudit avenant par le défendeur, M. F présentait en apparence toutes les qualités et capacités pour signer ledit document puisque c’était ce dernier qui avait signé pour le compte du demandeur la convention originelle.
12. Eu égard à ce qui précède, le juge unique a tenu à se référer à la documentation fournie par les parties. À cet effet, le juge unique a, dans un premier temps, mis en exergue le fait que l’avenant revêt la signature de M. F, sans mention de sa soi-disant qualité de directeur général ou d’une quelconque autre fonction au sein du demandeur. Le juge unique a également tenu à souligner que ledit document a été conclu le 27 mai 2015, soit quatre ans après la signature de la convention. Dès lors, le juge unique a considéré qu’il relevait de la responsabilité du défendeur de vérifier que le signataire de l’acte était habilité à conclure ledit avenant pour le compte du demandeur.
13. Qui plus est, en s’attachant à la chronologie des événements, le juge unique a souhaité mettre en lumière l’opportunité de conclure l’avenant en question pour le défendeur. En effet, le juge unique a rappelé que, d’après les allégations du demandeur, incontestées par le défendeur, le contrat de travail du joueur a été prolongé le 1er juillet 2015. Or, l’avenant à la convention aurait été conclu le 27 mai 2015, soit environ 1 mois avant la conclusion du contrat de travail du joueur avec le défendeur. Le juge unique en a donc déduit que l’avenant semble avoir été conclu par le défendeur dans le simple dessein de contourner son obligation de paiement de l’indemnité complémentaire d’un montant de 50 000 EUR résultant de la reconduction imminente du contrat de travail du joueur avec le défendeur, comme prévu par l’art. III.2 de la convention.
14. Compte tenu de ce qui précède, le juge unique de la Commission du Statut du Joueur a jugé l’avenant non valable dans la mesure où il avait été signé par une personne n’ayant pas la qualité pour agir au nom du demandeur et a ainsi décidé que seule la convention était légalement valable entre les parties.
15. Ceci étant dit, le juge unique a ensuite analysé la requête du demandeur sur le fondement de l’art. III.2 de la convention. À cet égard, le juge unique a constaté que le demandeur prétend que le contrat du joueur a été reconduit par le défendeur le 1er juillet 2015, lui donnant droit à la somme de 50 000 EUR conformément à l’art. III.2 de la convention, allégation qui ne semble pas avoir été remise en cause par le défendeur.
16. Sous ce rapport, le juge unique a tenu à rappeler le principe légal universellement accepté de « pacta sunt servanda », qui veut que toute convention en vigueur lie les parties et soit exécutée par celles-ci de bonne foi.
17. Gardant ce principe légal de base à l’esprit, le juge unique a conclu que la somme de 50 000 EUR devait être payée par le défendeur au demandeur, conformément à l’art. III.2 de la convention. Ainsi, la demande du demandeur a été entièrement acceptée par le juge unique.
18. Par la suite, le juge unique de la Commission du Statut du Joueur s’est référé à l’article 25 al. 2 du Règlement ainsi qu’à l’article 18 al. 1 des Règles de Procédure, selon lesquels les frais de procédure devant la Commission du Statut du Joueur ou le juge unique seront fixés au maximum à 25 000 CHF et seront payables normalement par la partie déboutée.
19. À cet égard, le juge unique a énoncé le fait que la requête du demandeur est entièrement acceptée et a donc conclu que le défendeur devait supporter l’intégralité des frais de la procédure en cours devant la FIFA. Conformément à l’Annexe A des Règles de Procédure, les frais de procédure sont fixés en fonction de la valeur litigieuse. Dans la requête initiée par le demandeur, la somme qu’il convient de considérer oscille entre 50 000 et 100 000 CHF. En conséquence, le juge unique de la Commission du Statut du Joueur a conclu que le montant maximal des frais de procédure équivalait à 10 000 CHF.
20. Étant donné que le différend n’a pas présenté de difficultés juridiques particulières, le juge unique de la Commission du Statut du Joueur a évalué les coûts de la procédure actuelle à CHF 8 000.
21. En conclusion, le montant de CHF 8 000 doit être versé par le défendeur afin de couvrir les frais de procédure inhérents à la présente affaire.
III. Décision du juge unique de la Commission du Statut du Joueur
1. La demande du demandeur, Club A, est acceptée.
2. Le défendeur, Club C, doit payer au demandeur, Club A, dans un délai de 30 jours à compter de la date de notification de la présente décision, le montant arriéré de 50 000 EUR.
3. Dans l’hypothèse où le montant susmentionné n’est pas réglé dans le délai imparti, un intérêt à hauteur de 5% par année sera appliqué et ce dès l’échéance du délai mentionné précédemment, et le cas sera soumis, sur demande, à la Commission de Discipline de la FIFA pour considération et décision.
4. Les frais de procédure d’un montant de 8 000 CHF doivent être payés par le défendeur, Club C, dans un délai de 30 jours à compter de la notification de la présente décision de la manière suivante :
4.1 Le montant de 6 000 CHF doit être payé à la FIFA sur le compte bancaire suivant en mentionnant la référence du cas XXXX:
UBS Zurich
Numéro de compte 366.677.01U (Statut du Joueur de la FIFA)
N° Clearing 230
IBAN : CH27 0023 0230 3666 7701U
SWIFT : UBSWCHZH80A
4.2 Le montant de 2 000 CHF doit être payé au demandeur, Club A.
5. Le demandeur, Club A, s’engage à communiquer au défendeur, Club C, le numéro de compte bancaire sur lequel le Club C devra verser les montants alloués aux points 2. et 4.2. De même, le demandeur, Club A, s’engage à informer la Commission du Statut du Joueur de tous les paiements effectués par le demandeur.
*****
Note concernant la décision motivée (Voie de droit) :
Conformément à l’article 58 alinéa 1 des Statuts de la FIFA, cette décision est susceptible d’un appel au Tribunal Arbitral du Sport (TAS). L’appel devra être interjeté dans un délai de 21 jours à compter de la notification de la décision et devra comprendre tous les éléments figurant au point 2 des directives émanant du TAS, dont copie est jointe à la présente. L’appelant dispose de 10 jours supplémentaires à compter de l’expiration du délai de recours pour déposer son mémoire d’appel contenant une description des faits et des arguments légaux fondant le recours (cf. point 4 des directives annexées).
L'adresse complète du Tribunal Arbitral du Sport est la suivante :
Avenue de Beaumont 2
1012 Lausanne, Suisse
Tél : +41 21 613 50 00
Fax : +41 21 613 50 01
info@tas-cas.org
Au nom du juge unique
de la Commission du Statut du Joueur :
Marco Villiger
Secrétaire Général adjoint
Annexe : Directives du TAS
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