F.I.F.A. – Players’ Status Committee / Commissione per lo Status dei Calciatori – club vs club disputes / controversie tra società – (2018-2019) – fifa.com – atto non ufficiale – Decision 23 octobre 2018

Décision du Juge Unique d
e la
Commission du Statut du Joueur
rendue le 23 octobre 2018 à Zurich, Suisse,
par
Geoff Thompson (Angleterre)
Juge Unique de la Commission du Statut du Joueur,
au sujet d’une plainte soumise par le club
Club A, Pays B
ci-après « le demandeur »
à l’encontre du club
Club C, Pays D
ci-après « le défendeur »
concernant un litige contractuel entre les parties
I. En fait
1. Le 6 juillet 2015, le Club du Pays B, Club A (ci-après: le demandeur) et le Club du Pays D, Club C (ci-après : le défendeur) ont conclu une convention de mutation temporaire (ci-après : la convention) en vertu de laquelle le demandeur acceptait de transférer temporairement au défendeur le joueur, Joueur E (ci-après: le joueur), et ce, à titre gratuit.
2. L’article 4 de la convention stipule que, « [le demandeur] s’engage à reconnaître au [défendeur] le droit de conclure avec le Joueur un contrat de travail de footballeur professionnel devant prendre effet le 1er juillet 2015 et fin le 30 juin 2016. Il lui reconnaît donc, sur cette seule période de temps, le droit exclusif d’utiliser les prestations sportives du Joueur à son profit, de l’inscrire dans son effectif professionnel pour toutes compétitions officielles ou non, nationales ou internationales ».
3. Conformément à l’article 8 de la convention, « [le demandeur] par la présente convention, consent au [défendeur], de manière ferme et irrévocable, un droit potestatif d’option (l’Option) pour la mutation définitive du Joueur dans les rangs du [demandeur] au cours de la saison 2015/2016. [Le demandeur] s’engage à maintenir ce droit d’Option jusqu’au 31 mai 2016 (…) ».
4. L’article 18 de la convention stipule :
« 18.1 - Prix. - Le [défendeur] s’engage, s’il lève l’Option qui lui est consentie, à payer [le demandeur] la somme de EUR 700 000 hors taxes (sept cent mille euros HT) nette de Contribution de Solidarité FIFA qui sera due en sus et en intégralité par le Club C aux clubs qui en seraient bénéficiaires.
Ce prix est payable en 3 (trois) échéances comme suit :
- 300.000 EUR HT [trois cent mille Euros Hors taxes] nets au 31 mai 2016,
- 200.000 EUR HT [deux cent mille Euros hors taxes] nets au 31 juillet 2016,
- 200.000 EUR HT [deux cent mille Euros hors taxes] nets au 31 décembre 2016.
18.6. – Conditions juridiques de la mutation définitive. – En cas de levée de l’Option, la mutation définitive du Joueur sera soumise aux conditions suspensives suivantes qui sont regardées par les parties comme cumulatives :
- à l’accord donné par le Joueur pour la résiliation du contrat de travail le liant [au demandeur ;
- à la régularisation, l’enregistrement et/ou l’homologation de cette résiliation par la fédération [du demandeur] et/ou toute autre instance compétente, au plus tard le 15 juin 2016 étant entendu que ces formalités devront être sollicitées par [l’OM] ;
- à la signature entre le Joueur et le [défendeur] d’un contrat de travail de footballeur professionnel dûment enregistré, régularisé et/ou homologué avant le 15 juin 2016 par la fédération ou toute autre instance compétente du [défendeur] ;
- à l’enregistrement, la régularisation et/ ou l’homologation de la mutation définitive du Joueur par la fédération du [défendeur], ou toute autre instance compétente, au plus tard le 1er juin 2016, étant entendu que cette formalité devra être sollicitée par le [défendeur].
Si une seule de ces conditions n’était pas réalisée à la date du 15 juin 2016, et dans l’hypothèse où les parties ont pleinement respecté leurs engagements respectifs, la mutation définitive du Joueur n’opérera pas et les étapes déjà engagées seront considérées comme rétroactivement anéanties. Dans cette hypothèse, ni l’une ni l’autre des parties n’auront un quelconque droit à indemnisation pas même pour perte de chance.
Le Joueur réintégrera alors, dans ce cas, l’effectif [du demandeur] pour la saison 2016/2017 à compter du 1er juillet 2016.
18.7. – Intérêts de retard. Tout retard de paiement à l’échéance entraînera de plein droit et sans mise en demeure préalable la facturation d’un intérêt moratoire dont le taux sera égal au taux d’intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente, majoré de 15 points de pourcentage. Les sommes dues par le [défendeur] porteront intérêt jusqu’à complet paiement. La stipulation de cet intérêt moratoire ne saurait être interprété comme valant accord de [l’OM] au sujet d’un quelconque délai de paiement au bénéfice du [demandeur] ».
5. Enfin, en vertu de l’article 19 de la convention, « la mutation définitive du Joueur dans les rangs du [défendeur] sera irrévocablement acquise en cas de réalisation de l’un et/ou l’autre quelconque des événements décrits aux articles 19.1 et/ou 19.2 ci-dessous :
19.1 Dans la limite stricte de la période de validité de l’Option, le [défendeur] pourra lever l’Option si bon lui semble en respectant toutefois les modalités suivantes :
- la levée d’Option doit être rédigée en français exclusivement et parvenir au siège [du demandeur] par fax, LRAR, ou mail avant le 31 mai 2016, 23h59, heure française étant entendu que cette date est stricte, les parties s’interdisant d’évoquer une quelconque cause de suspension ou d’interruption du délai ; après cette date, si l’Option n’est pas valablement levée par le [défendeur], elle sera caduque.
19.2 Dans la limite stricte de la période de validité de l’Option, il est entendu entre les parties que l’Option sera considérée comme automatiquement levée, sans notification aucune, dès lors que le Joueur aura disputé un (1) match officiel au minimum.
(…)
En cas de réalisation de l’un et/ou l’autre quelconque des événements décrits aux articles 19.1 et/ou 19.2 ci-dessous, la mutation définitive du Joueur dans les rangs du [défendeur] opérera alors à la fin de la saison 2015/2016 ».
6. Le 15 mars 2017, le demandeur a déposé une requête devant la FIFA à l’encontre du défendeur et accusé ce dernier de n’avoir pas respecté ses obligations contractuelles découlant de la convention.
7. Le demandeur a expliqué avoir conclu le 9 août 2013 un contrat de travail avec le joueur expirant au 30 juin 2017. Par le biais de la convention, le demandeur et le défendeur ont convenu d’une option d’achat du joueur à l’issue de sa mutation temporaire contre paiement d’une indemnité. Selon le demandeur, l’option, soumise à la participation du joueur à un match avec l’équipe professionnelle au cours de la saison 2015/2016, s’est trouvée réalisée par la participation du joueur dès la première journée du Championnat du Pays D. Le demandeur estime donc que l’option a été levée par le défendeur et qu’en conséquence la mutation définitive du joueur a été opérée à l’expiration de la saison sportive 2015/2016, soit à compter du 1er juillet 2016.
8. Par conséquent, le demandeur réclame de la part du défendeur la somme de 700 000 EUR relative à la levée de l’option de mutation définitive conformément à la convention, ainsi qu’un intérêt moratoire de 15% par année comme suit :
a) sur la somme de 300 000 EUR à compter du 12 décembre 2016 (date de la première mise en demeure adressée au demandeur) ;
b) sur la somme de 200 000 EUR à compter du 12 décembre 2016 ;
c) sur la somme de 200 000 EUR à compter du 1er février 2017.
De plus, le demandeur a demandé à ce que l’intégralité des frais de procédure de la présente affaire soient mis à la charge du défendeur.
9. En réponse à la plainte déposée à son encontre, le défendeur a rejeté l’intégralité des allégations du demandeur. Premièrement, quant à la forme, le défendeur a contesté la compétence de la Commission du Statut du Joueur en invoquant l’irrecevabilité de la requête en raison de son envoi à la Chambre de Résolution des Litiges, laquelle aurait dû être adressée au Secrétariat Général de la FIFA. Selon le défendeur, la requête ne remplit pas les conditions de l’article 9 du Règlement du Statut du Joueur et doit par conséquent être déclarée irrecevable.
10. Quant au fond, le défendeur allègue que, conformément à l’article 8 de la convention, il avait consenti au demandeur un droit potestatif d’option pour la mutation définitive du joueur, droit qui devait être exercé jusqu’au 31 mai 2016, 23h59, heure française. Or, selon le défendeur, celui-ci n’a pas levé cette option conformément aux formalités prévues à l’article 19.1 de la convention (cf. point 5. ci-avant) et par conséquent il aurait renoncé à l’exercice de ce droit.
11. De plus, le défendeur invoque la nullité de l’article 19 par. 2 de la convention, soit la nullité de la clause de levée automatique de l’option, car elle serait contraire aux articles 18 et 19 al. 1 de la convention. Le défendeur avance, entre autres, les raisons suivantes pour conclure à la nullité de l’article 19 par. 2 :
- « L’application littérale de cette clause entraine le déclenchement automatique de l’option à partir du premier match de la saison 2015/2016, ce qui enlève tout son sens au droit accordé au club d’exercer l’option, à la période de l’exercice de ce droit et à l’option elle-même.
- L’article 8 du contrat prévoit que dans le cadre d’une promesse unilatérale, le [demandeur] consent au club emprunteur un droit potestatif d’option. Ce droit ne peut légalement dépendre que de la volonté expresse du Club C, il ne peut en aucun cas dépendre d’un fait ou d’un événement.
- La promesse unilatérale engage seulement le [demandeur] pendant la période de validité de l’option, en dehors de cette période et en l’absence de levée explicite de l’option, la promesse unilatérale ne peut avoir des suites ni engager en quelque manière que ce soit le Club C. »
12. Le défendeur prétend par ailleurs qu’à la fin de la saison 2015/2016, le joueur aurait informé ce dernier club de ce que le demandeur n’avait plus besoin de ses services. Le joueur était donc devenu libre de s’engager avec le défendeur.
13. Le défendeur souligne également que la position du demandeur est entachée de contradictions, dans la mesure où, puisque le contrat de prêt conclu entre les parties était conclu pour la saison 2015/2016, le déclenchement de la levée automatique de l’option ne pouvait être soumis à la participation du joueur à un match officiel au cours de la saison 2015/2016, alors que sa participation est autorisée légalement par le contrat. Dans le même sens, la participation du joueur au match disputé le 13 septembre 2015 ne peut être considérée comme une levée automatique de l’option puisque ce match concerne la saison 2015/2016 couverte par la mutation temporaire.
14. Enfin, le Club C maintient que le demandeur aurait agi de mauvaise foi, « étant en connaissance parfaite que le Club C n’a pas levé l’option (…) en l’absence d’un quelconque projet de transfert du joueur avec d’autres clubs (…) l’OM a mis terme à ce contrat d’une manière amiable avec le joueur lui permettant ainsi de s’engager librement avec n’importe quel autre club de son choix. Voyant que le joueur a évolué sportivement avec le Club C et que son rendement s’est amélioré, l’OM a regretté sa faute d’appréciation technique du potentiel sportif du joueur et a crié à la fraude (…) ».
15. Dans ses conclusions en réplique, le demandeur a rejeté l’intégralité des allégations du défendeur et maintenu ses prétentions. En particulier, le demandeur a souligné que le défendeur avait librement conclu la convention et que le principe de pacta sunt servanda doit s’appliquer en l’espèce.
16. Selon le demandeur, le défendeur n’avait émis aucune réserve lors de la conclusion de la convention. Le demandeur précise par ailleurs que le joueur avait déjà été prêté au défendeur la saison précédente (2014/2015) et que la volonté de ce dernier club était d’acquérir le joueur.
17. Le demandeur insiste par ailleurs sur le fait que la levée d’option n’était pas automatique, puisque le défendeur avait le choix d’aligner le joueur ou pas lors d’un match officiel, et que par conséquent elle doit être vue comme licite.
18. Dans sa duplique, le défendeur a rejeté l’intégralité des arguments du demandeur et maintenu sa position. Il souligne en particulier que l’application littérale de la clause de levée de l’option entraîne le déclenchement automatique de l’option à partir du premier match de la saison 2015/2016, ce qui enlève tout sens au droit accordé au club d’exercer l’option, à la période d’exercice de ce droit et à l’option elle-même.
II. En droit
1. En premier lieu, le juge unique de la Commission du Statut du Joueur (ci-après : le juge unique) a analysé s’il était compétent pour traiter du présent litige. À cet effet, le juge unique a tout d’abord examiné quelle édition du Règlement de la Commission du Statut du Joueur et de la Chambre de Résolution des Litiges était applicable au présent litige. À cet égard, le juge unique a constaté que la requête en question avait été déposée à la FIFA le 15 mars 2017. Par conséquent, l’édition 2017 du Règlement de la Commission du Statut du Joueur et de la Chambre de Résolution des Litiges (ci-après : les Règles de procédure) est applicable au présent litige (cf. art. 21 des Règles de procédure).
2. Quant à sa compétence pour traiter du présent litige, le juge unique s’est référé à l’art. 3 al. 2 et 3 des Règles de procédure et a confirmé qu’en application de l’art. 23 al. 1 et al. 3 et de l’art. 22 let. d) du Règlement, il est en principe compétent pour connaître du présent litige contractuel entre deux clubs appartenant à des associations différentes.
3. Toutefois, le juge unique a noté l’exception d’irrecevabilité de la demande telle que soulevée par le défendeur. Celui-ci indique en effet que la Commission du Statut du Joueur (ou son juge unique) devrait se dessaisir de la présente affaire au motif que la requête aurait été envoyée à la Chambre de Résolution des Litiges et non au secrétariat général de la FIFA.
4. A cet égard, le juge unique s’est référé à l’art. 16 al. 4 des Règles de procédure et a relevé que selon cette disposition, les requêtes adressées en temps utile par erreur à un service inadéquat de la FIFA sont réputées soumises dans le délai imparti. Elles sont transmises d’office au service compétent. En l’occurrence, le juge unique a estimé qu’au vu de cette disposition, il lui était possible de se déclarer d’office compétent pour traiter la demande du demandeur.
5. Quant au fond du présent litige, le juge unique s’est référé à l’art. 26 al. 1 et al. 2 du Règlement du Statut et du Transfert des Joueurs (éditions 2016 et 2018), ainsi qu’à la date de dépôt de la demande en question, à savoir le 20 février 2017, et a conclu que l’édition 2016 dudit Règlement (ci-après : le Règlement) était applicable au présent litige quant au droit matériel.
6. Une fois sa compétence et la réglementation applicable établies, le juge unique a statué sur le fond de l’affaire. Ce faisant, il a commencé par reconnaître les faits mentionnés ci-dessus ainsi que la documentation contenue dans le dossier. Toutefois, le juge unique a souligné que dans les considérants qui suivent, il ne se référerait qu’aux faits, arguments et documents les plus pertinents pour l’analyse de la présente affaire.
7. Le juge unique a ainsi rappelé que les parties ont conclu un contrat de prêt du joueur avec une option d’achat. Ladite convention contient plusieurs clauses se référant à la possibilité pour le défendeur d’acquérir de manière définitive les services du joueur, à savoir, plus particulièrement :
 Concernant le prix de la levée d’option :
« 18.1 - Prix. - Le [défendeur] s’engage, s’il lève l’Option qui lui est consentie, à payer [le demandeur] la somme de EUR 700 000 hors taxes (sept cent mille euros HT) nette de Contribution de Solidarité FIFA (…) »
 Concernant les conditions juridiques de la mutation définitive :
« 18.6 - Conditions juridiques de la mutation définitive, - En cas de levée de l’Option, la mutation définitive du Joueur sera soumise aux conditions suspensives suivantes qui sont regardées par les parties comme cumulatives :
- à l’accord donné par le Joueur pour la résiliation du contrat de travail le liant [au demandeur ;
- à la régularisation, l’enregistrement et/ou l’homologation de cette résiliation par la fédération [du demandeur] et/ou toute autre instance compétente, au plus tard le 15 juin 2016 étant entendu que ces formalités devront être sollicitées par [l’OM] ;
- à la signature entre le Joueur et le [défendeur] d’un contrat de travail de footballeur professionnel dûment enregistré, régularisé et/ou homologué avant le 15 juin 2016 par la fédération ou toute autre instance compétente du [défendeur] ;
- à l’enregistrement, la régularisation et/ ou l’homologation de la mutation définitive du Joueur par la fédération du [défendeur], ou toute autre instance compétente, au plus tard le 1er juin 2016, étant entendu que cette formalité devra être sollicitée par le [défendeur].
Si une seule de ces conditions n’était pas réalisée à la date du 15 juin 2016, et dans l’hypothèse où les parties ont pleinement respecté leurs engagements respectifs, la mutation définitive du Joueur n’opérera pas et les étapes déjà engagées seront considérées comme rétroactivement anéanties. Dans cette hypothèse, ni l’une ni l’autre des parties n’auront un quelconque droit à indemnisation pas même pour perte de chance.
Le Joueur réintégrera alors, dans ce cas, l’effectif [du demandeur] pour la saison 2016/2017 à compter du 1er juillet 2016. »
 Concernant la levée automatique de l’option :
« la mutation définitive du Joueur dans les rangs du [défendeur] sera irrévocablement acquise en cas de réalisation de l’un et/ou l’autre quelconque des événements décrits aux articles 19.1 et/ou 19.2 ci-dessous :
19.1 Dans la limite stricte de la période de validité de l’Option, le [défendeur] pourra lever l’Option si bon lui semble en respectant toutefois les modalités suivantes :
- la levée d’Option doit être rédigée en français exclusivement et parvenir au siège [du demandeur] par fax, LRAR, ou mail avant le 31 mai 2016, 23h59, heure française étant entendu que cette date est stricte, les parties s’interdisant d’évoquer une quelconque cause de suspension ou d’interruption du délai ; après cette date, si l’Option n’est pas valablement levée par le [défendeur], elle sera caduque.
19.2 Dans la limite stricte de la période de validité de l’Option, il est entendu entre les parties que l’Option sera considérée comme automatiquement levée, sans notification aucune, dès lors que le Joueur aura disputé un (1) match officiel au minimum.
(…)
En cas de réalisation de l’un et/ou l’autre quelconque des événements décrits aux articles 19.1 et/ou 19.2 ci-dessous, la mutation définitive du Joueur dans les rangs du [défendeur] opérera alors à la fin de la saison 2015/2016 ».
8. Le juge unique a ensuite relevé que le présent litige est principalement basé sur une différence d’interprétation des diverses clauses mentionnées ci-avant par les parties. Le demandeur estime en effet que la levée de l’option d’achat a automatiquement eu lieu dès lors que le joueur a disputé un match officiel avec le défendeur, conformément à l’art. 19.2 de la convention. Le défendeur, cependant, est de l’avis que l’art. 19.2 de la convention est incompatible avec les autres clauses de cette convention, qui spécifient de manière détaillée les conditions pratiques et juridiques de la levée d’option. De ce fait, le défendeur insiste sur le fait que l’art. 19.2 de la convention devrait être déclarée nulle et sans effet. En somme, le défendeur nie toute possibilité d’une levée automatique de l’option, et souligne qu’il n’a pas fait usage de l’option d’achat prévue à la convention. Enfin, le défendeur allègue que le demandeur, n’ayant pas proposé de nouveau contrat au joueur à l’issue de la saison 2015-2016, tente de récupérer un profit auquel il n’aurait supposément pas droit.
9. Ayant pris note des arguments présentés par les parties, le juge unique a tout d’abord analysé la question de la validité de l’art. 19.2 de la convention. Ledit article est, de l’avis du juge unique, tout à fait clair dans sa lecture et ne donne place à aucune autre interprétation que celle d’une levée automatique de l’option dès lors que le joueur aurait disputé un match officiel avec le défendeur. Il demeure incontesté que le joueur a bel et bien disputé un match officiel avec le défendeur, et par conséquent, la levée d’option serait, selon les termes de l’art. 19.2 de la convention, automatiquement levée. De plus, il demeure incontesté par les parties que celles-ci ont librement inséré cette clause dans la convention, de sorte qu’il n’y ait pas eu de possible erreur commise en incluant ladite clause.
10. Au vu de ce qui précède, le juge unique a estimé que rien ne lui permet de conclure à l’invalidité en soi de l’art. 19.2 de la convention.
11. Toutefois, le juge unique a tenu à adresser la question de l’incompatibilité alléguée de la clause litigieuse en rapport avec les autres clauses de la convention prévoyant les conditions et modalités de la levée d’option, en particulier les art. 18.6 et 19.1 de la convention.
12. Le juge unique a noté que selon les articles précités, les parties avaient, d’une part, convenu d’une possibilité pour le demandeur de lever l’option d’ici la date butoir du le 31 mai 2016, 23h59, heure française. De plus, selon l’art. 18.6 de la convention, la réalisation de la levée d’option était soumise aux formalités administratives suivantes :
- à l’accord donné par le Joueur pour la résiliation du contrat de travail le liant [au demandeur ;
- à la régularisation, l’enregistrement et/ou l’homologation de cette résiliation par la fédération [du demandeur] et/ou toute autre instance compétente, au plus tard le 15 juin 2016 étant entendu que ces formalités devront être sollicitées par [l’OM] ;
- à la signature entre le Joueur et le [défendeur] d’un contrat de travail de footballeur professionnel dûment enregistré, régularisé et/ou homologué avant le 15 juin 2016 par la fédération ou toute autre instance compétente du [défendeur] ;
- à l’enregistrement, la régularisation et/ ou l’homologation de la mutation définitive du Joueur par la fédération du [défendeur], ou toute autre instance compétente, au plus tard le 1er juin 2016, étant entendu que cette formalité devra être sollicitée par le [défendeur].
13. Ayant pris pleine connaissance des diverses clauses de la convention traitant de la levée d’option, le juge unique a conclu que l’art. 19.2 n’était pas incompatible avec les autres clauses précitées. En effet, d’une part, la levée d’option serait réputée automatiquement levée dès lors que le joueur aurait disputé un match officiel avec le défendeur, entrainant naturellement l’enregistrement définitif du joueur avec le défendeur. D’autre part, les parties avaient convenu, en tout état de cause, de la possibilité pour le demandeur de notifier au défendeur sa décision de lever l’option. En d’autres termes, soit la condition prévue à l’art. 19.2 de la convention se trouvait réalisée et il n’était pas nécessaire au demandeur de procéder aux formalités de notification d’une levée de l’option tel que prévu à l’art. 19.1, soit la condition de l’art. 19.2 ne se trouvait pas réalisée et dans ce cas le demandeur aurait dû se conformer aux dispositions de l’art. 19.1 de la convention.
14. Par conséquent, le juge unique a déterminé qu’il n’existait pas en soi d’incompatibilité entre l’art. 19.2 et les autres clauses de la convention relatives à la levée de l’option. De plus, le juge unique a souligné que le joueur a effectivement signé un contrat de travail avec le défendeur à l’issue de la saison 2015/2016, signalant ainsi sa volonté d’être définitivement transféré vers le défendeur.
15. En conclusion, le juge unique a décidé que le transfert définitif se trouvait réalisé en l’espèce du fait de la mise en application de l’art. 19.2 de la convention et qu’ainsi le montant du transfert définitif tel que prévu à l’art. 18.1 était dû.
16. Le défendeur doit donc régler la somme de 700 000 EUR au demandeur en vertu du principe de pacta sunt servanda. Cette somme est assortie d’un intérêt annuel de 15% comme suit et conformément à la requête du demandeur :
a) sur la somme de 300 000 EUR à compter du 12 décembre 2016 (date de la première mise en demeure adressée au demandeur) ;
b) sur la somme de 200 000 EUR à compter du 12 décembre 2016 ;
c) sur la somme de 200 000 EUR à compter du 1er février 2017.
17. La demande du demandeur est donc acceptée dans sa totalité.
18. Enfin, le juge unique s’est référé à l’art. 25 al. 2 du Règlement ainsi qu’à l’article 18 alinéa 1 des Règles de procédure, selon lesquels les frais de procédure devant la Commission du Statut du Joueur - y compris celles devant le juge unique – s’élèvent à la somme de CHF 25 000 au maximum. Les frais sont calculés en fonction du degré de succès des parties et sont en principe pris en charge par la partie déboutée.
19. A cet égard, le juge unique a de nouveau énoncé que la demande du demandeur est acceptée et a donc conclu que le défendeur doit supporter les frais de la procédure devant la FIFA. En outre, conformément à l’Annexe A du Règlement Procédural, les frais de procédure sont fixés en fonction de la somme à la base du litige. Selon la plainte initiée par le demandeur, la valeur du litige qu’il convient de considérer est de 700 000 EUR. Sur la base de cette somme, le juge unique a conclu que le montant maximal des frais de procédure équivaut à CHF 25 000.
20. Considérant que la procédure du présent litige fut relativement simple mais que l’affaire présentait une certaine complexité factuelle et juridique, que le différend a été soumis au juge unique et non à la Commission du Statut du Joueur plénière, le juge nique a décidé que les frais de la procédure s’élèvent à 20 000 CHF. Le défendeur doit donc rembourser la somme de 5 000 CHF au demandeur, somme qui fut versé par ce dernier à titre d’avance de frais de procédure, ainsi que la somme de 15 000 CHF à la FIFA.
*****
Décision du Juge Unique de la Commission du Statut du Joueur
1. La demande du demandeur, Club Club A, est acceptée.
2. Le défendeur, Club C, doit payer au demandeur, Club A, dans un délai de 30 jours à compter de la date de notification de la présente décision, la somme de EUR 700 000, majorée d’un intérêt annuel au taux de 15% jusqu’à la date de paiement effectif, calculé comme suit :
a. 15% p.a. sur la somme de EUR 500 000 à compter du 12 décembre 2016 ;
b. 15% p.a. sur la somme de EUR 200 000 à compter du 1er février 2017.
3. Si la somme susmentionnée, majorée des intérêts, n’est pas payée dans le délai imparti tel qu’indiqué ci-avant, le cas sera soumis, sur demande, à la Commission de Discipline de la FIFA pour considération et décision.
4. Les frais de procédure s’élevant à un montant total de CHF 20 000 doivent être réglés par le défendeur, Club C, dans un délai de 30 jours à compter de la date de notification de la présente décision, comme suit :
4.1. Le défendeur, Club C, doit payer la somme de CHF 15 000 réglés à la FIFA au compte bancaire suivant, avec la référence du cas nr. XXX:
UBS Zurich
Account number 366.677.01U (FIFA Players’ Status)
Clearing number 230
IBAN: CH27 0023 0230 3666 7701U
SWIFT: UBSWCHZH80A
4.2. Le défendeur, Club C, doit payer la somme de CHF 5 000 au demandeur, Club Club A.
5. Le demandeur s’engage à communiquer immédiatement et directement au défendeur le numéro de compte bancaire sur lequel le virement des sommes mentionnées aux points 2. et 4.2. ci-dessus doit être effectué et à informer la Commission du Statut du Joueur de chaque paiement reçu.
*****
Note concernant la décision motivée (Voie de droit) :
Conformément à l’article 58 alinéa 1 des Statuts de la FIFA, cette décision est susceptible d’un appel au Tribunal Arbitral du Sport (TAS). L’appel devra être interjeté dans un délai de 21 jours à compter de la notification de la décision et devra comprendre tous les éléments figurant au point 2 des directives émanant du TAS, dont copie est jointe à la présente. L’appelant dispose de 10 jours supplémentaires à compter de l’expiration du délai de recours pour déposer son mémoire d’appel contenant une description des faits et des arguments légaux fondant le recours (cf. point 4 des directives annexées).
L'adresse complète du Tribunal Arbitral du Sport est la suivante :
Avenue de Beaumont 2
1012 Lausanne, Suisse
Tél : +41 21 613 50 00
Fax : +41 21 613 50 01
info@tas-cas.org
Pour le Juge Unique
de la Commission du Statut du Joueur
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Emilio García Silvero
Directeur Juridique et Conformité
Annexe: Directives du TAS
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