F.I.F.A. – Dispute Resolution Chamber / Camera di Risoluzione delle Controversie – labour disputes / controversie di lavoro (2016-2017) – fifa.com – atto non ufficiale – Decision 24 novembre 2016

Décision du juge
de la Chambre de Résolution des Litiges
(
rendue à Zurich, Suisse, le 24 novembre 2016,
par Philippe Diallo (France), juge de la CRL,
au sujet d’une plainte soumise par le joueur,
Joueur A, pays B
ci-après, le demandeur
à l’encontre du club,
Club C, pays D
ci-après, le défendeur
concernant un litige contractuel entre les parties
I. Faits
1. Le 28 juillet 2015, le joueur du pays B, Joueur A (ci-après: le demandeur), et le club du pays D, Club C (ci-après: le défendeur), ont signé un contrat de travail (ci-après : le contrat) prenant effet à compter du 28 juillet 2015 et expirant en "fin de saison 2019".
2. Le même jour, les parties signaient un avenant au contrat, aux termes duquel il était indiqué que ”si le rendement du joueur (…) donne satisfaction à la phase aller de la saison sportive 2015/2016, la direction (…) lui accordera une augmentation de 100%. Dans le cas contraire, la direction peut aussi résilier le contrat à l’amiable avec paiement d’un salaire net.”
3. En application des dispositions de l’article 4 du contrat, le demandeur devait percevoir un salaire brut mensuel de 1 040 000 "payable à terme échu".
4. Le 15 janvier 2016, le demandeur déposait une plainte devant la FIFA aux fins de voir enjoindre le défendeur à lui régler la somme totale de 60 000 EUR ventilée comme suit :
 15 000 EUR correspondant à la prime de signature ;
 15 000 EUR à titre d’indemnités ;
 "30 000 EUR" correspondant à six mois de salaires de juillet 2015 à décembre 2015.
5. Dans sa plainte, le demandeur indiquait que lors de son arrivée au club le 8 août 2015, le défendeur lui aurait indiqué oralement qu’une prime de signature d’un montant de 15 000 EUR lui serait remise. Le demandeur soutenait cependant n’avoir jamais perçu cette prime ni aucun salaire, alors-même qu’il était présent au club jusqu’au 15 décembre 2015, date à laquelle il était rentré au pays B pour des congés. Le demandeur ajoutait avoir perçu uniquement la somme de 1 000 EUR vers le 15 décembre 2015, ainsi qu’un billet d’avion ville E/ville F/ville E. Le demandeur soutenait ne pas être retourné au club après ses congés, souhaitant rompre le contrat en raison du non-paiement de ses salaires.
6. Malgré la demande faite au défendeur, ce dernier n’a pas adressé de correspondance en réponse à la plainte du demandeur.
7. Le demandeur indiquait avoir signé un nouveau contrat le 19 janvier 2016 avec le Club G du pays H, valide à compter de la date de la signature jusqu’au 30 juin 2017, en application duquel le demandeur était amené à percevoir une rémunération mensuelle de 566 EUR outre 134 EUR mensuels pour son logement.
8. Selon les informations contenues dans Transfer Matching System (ci-après : TMS), le demandeur a signé un nouveau contrat avec le Club I du pays J, valide à compter du 4 août 2016 jusqu’à la fin de la saison 2017/2018, en application duquel le demandeur est amené à percevoir une rémunération mensuelle de 4 000 USD payable uniquement à compter du début de la saison jusqu’à la fin de chaque saison, ainsi que deux primes de 15 000 USD chacune. Selon les informations contenues dans TMS, les saisons 2016/2017 et 2017/2018 à pays J commencent le 17 septembre et se terminent le 23 mai suivant.
II. Considérants du juge de la CRL
1. En premier lieu, le juge de la Chambre de Résolution des Litiges (ci-après : le juge ou le juge de la CRL) a analysé si sa compétence à traiter le présent litige était acquise. À cet égard, le juge a pris note que la présente demande a été soumise à la FIFA le 15 janvier 2016. Par conséquent, le juge de la CRL a conclu que l’édition 2015 du Règlement de la Commission du Statut du Joueur et de la Chambre de Résolution des Litiges (ci-après: les Règles de procédure) était applicable au présent litige (cf. art. 21 des Règles de procédure).
2. Par la suite, le juge s’est référé à l’art. 3 al. 2 et al. 3 des Règles de procédure et a confirmé qu’en application de l’art. 24 al. 1 et al. 2 et de l’art. 22 let. b) du Règlement du Statut et du Transfert des Joueurs (édition 2016), il était l’organe décisionnel compétent pour connaître du présent litige contractuel de dimension internationale entre un joueur du pays B et un club du pays D dont la valeur n’excède pas 100 000 CHF.
3. De plus, le juge de la CRL a analysé quelle édition du Règlement du Statut et du Transfert des Joueurs devrait être appliquée quant au droit matériel. A cet égard, le juge s’est référé à l’art. 26 al. 1 et al. 2 du Règlement (édition 2016), en considérant que la présente demande a été introduite le 15 janvier 2016. Le juge de la CRL a dès lors conclu que l’édition 2015 du Règlement était applicable au présent litige quant au droit matériel (ci-après: le Règlement).
4. Une fois sa compétence et la réglementation applicable établies, le juge a analysé le fond du dossier. Le juge de la CRL a soigneusement pris en considération et analysé les arguments ainsi que tous les documents présentés lors de l’instruction du présent dossier. Toutefois, il a souligné que dans les considérants qui suivent, il ne se réfèrerait qu’aux faits, arguments et à la documentation pertinents pour l’analyse de la présente affaire.
5. Prenant en compte les considérations mentionnées précédemment, le juge de la CRL a noté que le demandeur a déposé une plainte contre le défendeur, soutenant que ce dernier s’était abstenu de procéder au paiement de ses salaires depuis le début de l’exécution du contrat et qu’en conséquence, il avait quitté le club le 15 décembre 2015 pour des congés et n’était par la suite plus retourné au club. En conséquence, le demandeur sollicite le paiement de ses arriérés de rémunération ainsi que le paiement d’une compensation pour rupture du contrat.
6. Le juge de la CRL a par ailleurs noté que le défendeur, bien qu’y ayant été invité, n’a pas adressé de réponse à la plainte du demandeur. Le juge a considéré qu’en renonçant à répondre à la plainte du demandeur, le défendeur avait renoncé à son droit de se défendre dans le cadre du présent litige et ne s’opposait pas à l’argumentation du demandeur. Par ailleurs, au vu des considérations qui précèdent, le juge de la CRL a décidé que conformément à l’art. 9 al. 3 des Règles de procédure, il rendrait sa décision sur la base des documents disponibles, soit en l’espèce sur la base des arguments et documents présentés par le demandeur.
7. Prenant en compte les considérations mentionnées précédemment, le juge de la CRL a noté que les parties avaient conclu un contrat de travail prenant effet à compter du 28 juillet 2015 et expirant en "fin de saison 2019", aux termes duquel le demandeur était en droit de percevoir un salaire brut mensuel de 1 040 000.
8. Le juge a ensuite noté que le demandeur avait quitté le club et était rentré au pays B le 15 décembre 2015 pour des congés. Le juge de la CRL a également noté qu’il ressort des documents disponibles qu’il n’y a eu aucun échange de correspondance entre le demandeur et le défendeur. Compte tenu des considérations qui précèdent et du fait que le demandeur n’est plus retourné au club après son départ le15 décembre 2015, le juge de la CRL a considéré que le contrat avait été unilatéralement résilié par le demandeur le 15 décembre 2015.
9. La date de la rupture du contrat ayant été établie, le juge a ensuite été amené à déterminer si les arguments avancés par le demandeur pouvaient constituer une juste cause pour procéder à la résiliation unilatérale du contrat. A ce stade, le juge de la CRL a souhaité rappeler aux parties le principe de la charge de la preuve, tel qu’établi par l’art. 12 par. 3 des Règles de procédure, aux termes duquel la charge de la preuve incombe à la partie qui invoque un droit découlant d’un fait qu’elle allègue. En application de ce principe, le juge a noté qu’en l’espèce, la charge de la preuve incombe au demandeur, à qui il appartient dès lors d’établir qu’il disposait d’une juste cause de nature à justifier la rupture unilatérale du contrat. A cet égard, le juge, après avoir observé qu’à la date du 15 décembre 2015, aucun des salaires dus au demandeur n’avait été réglé par le défendeur, ce qui représente un arriéré de salaires de quatre mois de salaires, a considéré que le demandeur disposait d’une juste cause pour résilier unilatéralement le contrat et que la responsabilité de cette rupture devait être imputée au défendeur.
10. La responsabilité du défendeur quant à la rupture du contrat ayant été établie, le juge de la CRL a focalisé son attention sur les conséquences de la rupture avec juste cause par le demandeur. A cet égard, et conformément à l’art. 17 al. 1 du Règlement, le juge a considéré que le demandeur était en droit de recevoir une indemnité à titre de compensation en sus des montants dus à titre d’arriérés de rémunération.
11. Néanmoins, et avant d’entrer dans la détermination de ladite compensation, le juge a déterminé le montant exact des arriérés de rémunération. Dans ce contexte, le juge a tenu à rappeler qu’en application de l’art. 4 du contrat, le demandeur était en droit de recevoir 1 040 000 à titre de salaire brut mensuel.
12. Puis, le juge de la CRL a porté son attention sur le montant exact des arriérés de salaires dus à la date de la rupture du contrat. Le juge a rappelé que le joueur sollicitait la somme de 30 000 EUR correspondant à ses ”salaires sur six mois” à titre de rappel de salaires. A cet égard, le juge de la CRL a constaté que le salaire dû pour la période du 1er au 15 décembre 2015 n’était pas encore échu à la date de résiliation du contrat, dans la mesure où le salaire est payable à terme échu en application de l’art. 4 du contrat. Le juge de la CRL a dès lors conclu que le salaire du mois de décembre 2015 devait être pris en compte dans la détermination de la somme due au titre de la compensation pour rupture du contrat.
13. Par ailleurs, bien que les sommes réclamées par le demandeur soient établies en euros, le juge s’est référé à l’art. 4 du contrat, aux termes duquel le salaire est établi en monnaie du pays D. Dès lors, compte tenu de la demande du demandeur, le montant total des arriérés de salaires dus par le défendeur est évalué à la somme de 3 277 440.
14. Le juge a par ailleurs noté que le demandeur sollicitait également le paiement d’une prime de 15 000 EUR que le défendeur se serait oralement engagé à lui régler lors de la signature du contrat. A cet égard, le juge, se fondant sur le principe de la charge de la preuve établi par l’art. 9 par. 3 des Règles de procédure, a noté qu’en l’espèce, aucune disposition contractuelle ne prévoyait l’allocation d’une telle prime au bénéfice du demandeur. Le juge de la CRL a dès lors considéré que cette demande devait être rejetée.
15. Le juge a ensuite procédé à la détermination de la somme due à titre de compensation pour rupture du contrat. A ce titre, le juge a rappelé que conformément à l’art. 17 al. 1 du Règlement, l’indemnité pour rupture de contrat est calculée, sous réserve de l’existence de stipulations contractuelles s’y rapportant, en tenant compte du droit en vigueur dans le pays concerné, de la spécificité du sport et de tout critère objectif inhérent au cas. Ces critères comprennent notamment la rémunération et autres avantages dus au joueur en vertu du contrat en cours et/ou du nouveau contrat, la durée restante du contrat en cours jusqu’à cinq ans au plus, de même que la question de savoir si la rupture intervient pendant la période protégée.
16. Revenant au contenu du contrat, le juge de la CRL a noté que celui-ci ne contient pas de stipulation établissant une compensation financière applicable en cas de rupture du contrat avec juste cause par le joueur. Par conséquent, le juge a considéré qu’il convenait de se référer aux autres éléments mentionnés à l’al. 1 de l’art. 17 du Règlement. A cet égard, le juge a rappelé que cette disposition contient une énumération non-exhaustive de critères pouvant être pris en compte dans le cadre du calcul du montant de l’indemnité devant être payée et que, de ce fait, il avait toute discrétion pour se baser sur tout autre critère objectif pour calculer le montant de ladite indemnité.
17. Dans ce contexte, le juge a tenu compte du fait que le contrat devait initialement expirer en "fin de saison 2019" et que le demandeur était en droit de recevoir un salaire mensuel de 1 040 000. Dans le cadre de l’obligation générale du demandeur de mitiger ses dommages, le juge a ensuite pris en considération les conditions financières des nouveaux contrats de travail que le joueur avait conclus postérieurement à la résiliation unilatérale du contrat avec le défendeur.
18. Ayant à l’esprit les considérations qui précèdent, le juge a cependant observé que le demandeur sollicitait la somme totale de 15 000 EUR à titre de compensation. Le juge a en outre rappelé que conformément à l’art. 4 du contrat, la rémunération est établie en monnaie du pays D.
19. Par conséquent, compte tenu de ce qui précède et compte tenu notamment de la demande du demandeur, le juge de la CRL a établi que le défendeur doit payer la somme de 1 755 930 au demandeur à titre de compensation pour rupture du contrat.
20. Le juge de la CRL a enfin déclaré que toute autre demande formulée par le demandeur était rejetée.
III. Décision du juge de la CRL
1. La demande du demandeur, Joueur A, est partiellement acceptée.
2. Le défendeur, Club C, doit payer au demandeur, dans un délai de 30 jours à compter de la date de notification de la présente décision, la somme de 3 277 440 à titre d’arriérés de rémunération.
3. Le défendeur doit payer au demandeur, dans un délai de 30 jours à compter de la date de notification de la présente décision, la somme de 1 755 930 à titre de compensation pour rupture de contrat.
4. Si les sommes susmentionnées ne sont pas payées dans les délais impartis tel qu’indiqués ci-avant, des intérêts à hauteur de 5% par année seront appliqués et ce dès l’échéance des délais mentionnés précédemment et le cas sera soumis, sur demande, à la Commission de Discipline de la FIFA pour considération et décision.
5. Toute autre demande formulée par le demandeur est rejetée.
6. Le demandeur s’engage à communiquer immédiatement et directement au défendeur le numéro de compte bancaire sur lequel le virement des sommes précitées doivent être effectués et à informer le juge de la CRL de tout paiement effectué par le demandeur.
*****
Note concernant la décision motivée (Voie de droit) :
Conformément à l’article 58 alinéa 1 des Statuts de la FIFA, cette décision est susceptible d’un appel au Tribunal Arbitral du Sport (TAS). L’appel devra être interjeté dans un délai de 21 jours à compter de la notification de la décision et devra comprendre tous les éléments figurant au point 2 des directives émanant du TAS, dont copie est jointe à la présente. L’appelant dispose de 10 jours supplémentaires à compter de l’expiration du délai de recours pour déposer son mémoire d’appel contenant une description des faits et des arguments légaux fondant le recours (cf. point 4 des directives annexées).
L'adresse complète du Tribunal Arbitral du Sport est la suivante :
Avenue de Beaumont 2, 1012 Lausanne, Suisse
Tél : +41 21 613 50 00
Fax : +41 21 613 50 01
e-mail : info@tas-cas.org
Au nom du juge de la CRL :
__________________________
Marco Villiger
Secrétaire Général adjoint
Annexe : Directives du TAS
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