F.I.F.A. – Dispute Resolution Chamber / Camera di Risoluzione delle Controversie – labour disputes / controversie di lavoro (2017-2018) – fifa.com – atto non ufficiale – Decision 30 novembre 2017
Décision de la
Chambre de Résolution des Litiges
ayant siégé à Zurich, Suisse, le 30 novembre 2017,
dans la composition suivante :
Thomas Grimm (Suisse), Vice-président
Roy Vermeer (Pays-Bas), membre
Stefano Sartori (Italie), membre
Pavel Pivovarov (Russie), membre
Jérôme Perlemuter (France), membre
au sujet d’une plainte soumise par le joueur,
Joueur A, Pays B
ci-après, le demandeur / défendeur reconventionnel
à l’encontre du club,
Club C, Pays D
ci-après, le défendeur / demandeur reconventionnel
concernant un litige contractuel survenu entre les parties
I. Faits
1. Le 27 juillet 2015, le joueur Joueur A du Pays B (ci-après : le demandeur / défendeur reconventionnel), et le club du Pays D, Club C (ci-après : le défendeur / demandeur reconventionnel), ont signé un contrat de travail (ci-après : le contrat) valable du 1er juillet 2015 jusqu’au 31 mai 2018.
2. L’art. 6 du contrat stipule inter alia que le demandeur / défendeur reconventionnel recevra la rémunération suivante, « si le joueur fait partie du cadre de l’équipe fanion » :
a. Pour la saison sportive 2015/2016, un total de EUR 10,000 (10 mensualités de EUR 1,000) ;
b. Pour la saison sportive 2016/2017, un total de EUR 10,000 (10 mensualités de EUR 1,000) ;
c. Pour la saison sportive 2017/2018, un total de EUR 10,000 (10 mensualités de EUR 1,000) ;
d. « Ainsi qu’un forfait de EUR 200 pour frais de trajet pendant les 10 mois ».
3. En outre, l’art. 6 précise que « cette indemnité mensuelle n’est due au joueur que sous condition d’une présence d’au moins 80% aux entrainements mensuels du cadre de l’équipe fanion et/ou aux entrainements d’un cadre national de la Fédération de Football du Pays D ».
4. L’art. 5 du contrat prévoit également que « lorsque le joueur ne respectera pas les engagements, en particulier les présences et participations aux manifestations sportives, qu’il a pris et qui sont décrits aux articles 2 à 4, respectivement aura contrevenu au Règlement interne du club, le club aura le droit de retenir en tout ou en partie et sans autre mise en demeure, le paiement des indemnités prévues à l’art. 6 de la présente ».
5. L’art. 10 du contrat prévoit également que « le présent contrat pourra être résilié d’un commun accord entre les deux parties, en cours de saison ou à la fin d’une saison ». Toujours selon cet article, « le club recevra dans ce cas et au plus tard au moment de la signature de la résiliation d’un commun accord du présent contrat du joueur et/ou de l’agent du joueur et/ou du club acquérant national ou international une indemnité min. forfaitaire de 12.500 .- € en ajoutant en sus le montant de l’indemnité de transfert fixé par la Fédération de Football du Pays D ».
6. L’art. 12 du contrat stipule enfin que « tout différent découlant du présent contrat sera tranché en dernier ressort par les instances instituées auprès de la Fédération de Football du Pays D ».
7. Le 21 avril 2016, des suites d’une sanction disciplinaire prise à l’encontre du demandeur / défendeur reconventionnel par le défendeur / demandeur reconventionnel (cf. point 15 ci-dessous), le demandeur / défendeur reconventionnel mettait le défendeur / demandeur reconventionnel en demeure de « réintégrer le joueur dans le noyau de l’équipe » et de payer son salaire du mois de mars 2016 resté apparemment impayé. Le 10 mai 2016, le demandeur / défendeur reconventionnel mettait une dernière fois le défendeur / demandeur reconventionnel en demeure de payer la moitié de son salaire du mois de mars 2016 et celui du mois d’avril 2016.
8. Le 31 mai 2016, le demandeur / défendeur reconventionnel notifiait au défendeur / demandeur reconventionnel la résiliation de son contrat de travail et constatait qu’il n’avait pas d’autre choix « que de constater la rupture implicite de [s]on contrat de travail de la part de l’employeur pour raison de non-paiement du salaire et le refus de [l]e laisser travailler ».
9. En date du 13 juin 2016, le demandeur / défendeur reconventionnel déposait une requête devant la FIFA, affirmant avoir rompu son contrat de travail pour juste cause et demandant à ce qu’il lui soit versé un montant total de EUR 22,500, « majoré des intérêts légaux » comme suit :
a. EUR 2,500 à titre d’arriérés de salaires (i.e. la moitié du salaire de mars 2016, ainsi que les salaires pour les mois d’avril et de mai 2016) ;
b. EUR 20,000 à titre « d’indemnité de rupture de contrat jusqu’à la fin du contrat ».
10. Dans sa réponse en date du 21 juillet 2016, le défendeur / demandeur reconventionnel contestait à titre liminaire la compétence de la FIFA pour juger de l’affaire. Selon le défendeur / demandeur reconventionnel, « les Statuts de la Fédération de Football du Pays D prévoient une procédure de médiation obligatoire devant un tribunal arbitral national reconnu ».
11. En effet, le défendeur / demandeur reconventionnel se référait à l’art. 21 des Statuts de la Fédération de Football du Pays D, lequel prévoit qu’ « il est institué une Commission de Conciliation qui a pour mission de concilier les intérêts de deux ou plusieurs parties dans un litige actuel ou à venir en vue d’obtenir un arrangement. La Commission de Conciliation connait également des litiges dévolus à la connaissance du Tribunal Arbitral du Sport du Pays D. La saisine de la Commission de Conciliation est un préalable obligatoire à la saisine du Tribunal Arbitral du Sport du Pays D ».
12. Le défendeur / demandeur reconventionnel se référait également à l’art. 22 des Statuts de la Fédération de Football du Pays D, lequel stipule que « dans le but de faciliter la solution de litiges entre fédérations et associations sportives, clubs et licenciés (sportifs, entraineurs, arbitres et dirigeants), il est créé une institution d’arbitrage dénommée Tribunal Arbitral du Sport du Pays D. Toutes les personnes physiques et morales visées à l’alinéa ci-dessus peuvent saisir le Tribunal Arbitral du Sport du Pays D. La Tribunal Arbitral du Sport du Pays D est compétente pour connaître des litiges : a) entre personnes et associations visées à l’alinéa 1er qui se trouvent directement concernées par le litige ; b) qui portent sur les droits dont les parties ont la libre disposition ; c) à condition qu’il s’agisse de faits ou actions relatifs au domaine du sport.
Sont toutefois exclus les litiges et recours portant uniquement sur le taux d’une sanction disciplinaire, exception faite des sanctions illégales ou contraires aux statuts ou règlements. Le Tribunal Arbitral du Sport du Pays D se prononce sur les cas qui lui sont soumis par une sentence arbitrale qui s’impose aux parties et clôt définitivement le litige, sous réserve d’une éventuelle saisine par les parties du Tribunal Arbitral du Sport (TAS) à Lausanne selon les formes prévues par les dispositions correspondantes des Statuts de la FIFA et de l’UEFA.
La Tribunal Arbitral du Sport du Pays D ne peut être saisie qu’après épuisement des voies de recours internes de la Fédération de Football du Pays D. La saisine de la Commission de Conciliation est un préalable obligatoire à la saisine de la Tribunal Arbitral du Sport du Pays D. En pareil cas, la compétence du Tribunal Arbitral du Sport du Pays D est limitée aux questions de droit, à l’exclusion de toute constatation et appréciation des faits. Elle peut également être saisie de litiges ne rentrant pas dans les compétences des juridictions fédérales. Elle peut encore être saisie dans les cas où il n’existe pas d’organes juridictionnels fédéraux ou dans les cas où ceux-ci ne sont pas à même de fonctionner normalement ».
13. Selon le défendeur / demandeur reconventionnel, le demandeur / défendeur reconventionnel était licencié en tant que joueur auprès de la Fédération de Football du Pays D, « ce qui lui confère la qualité de membre affilié à la Fédération de Football du Pays D ». Le défendeur / demandeur reconventionnel constatait que conformément à l’art. 13 des Statuts de la Fédération de Football du Pays D, qui énonce que « les Clubs et leurs membres licenciés peuvent être sanctionnés en cas de non-respect des statuts, règlement et décisions de la Fédération de Football du Pays D ainsi que des associations visées à l’article 4 », le demandeur / défendeur reconventionnel était soumis au respect des Statuts et des Règlements de la Fédération de Football du Pays D et qu’il était donc tenu de saisir la Commission de Conciliation puis le Tribunal Arbitral du Sport du Pays D.
14. Le défendeur / demandeur reconventionnel contestait subsidiairement les prétentions du demandeur / défendeur reconventionnel sur le fond. D’après le défendeur / demandeur reconventionnel, le demandeur / défendeur reconventionnel « a manifestement et en toute connaissance de cause violé son contrat de louage d’ouvrage » en ne respectant pas les consignes données par son entraineur lors d’un match de championnat.
15. Selon le défendeur / demandeur reconventionnel, ce manquement a conduit celui-ci à exclure provisoirement le demandeur / défendeur reconventionnel « du cadre de l’équipe fanion » (cf. point 7 ci-dessus). S’agissant de la décision d’exclusion, le défendeur / demandeur reconventionnel relève que « M. E [i.e. l’entraîneur] a contacté le Conseil d’administration et plus précisément, les Messieurs F, président, et G, vice-président, afin de leur rapporter les faits et de les informer qu’il avait exclu provisoirement [le joueur] du cadre de l’équipe fanion. Il a justifié cette exclusion provisoire par le non-respect des consignes et par la trahison dont [le joueur] s’est rendu coupable, impliquant nécessairement une perte de confiance en sa personne ».
16. Toujours selon le défendeur / demandeur reconventionnel, le comportement du demandeur / défendeur reconventionnel « constitue une faute professionnelle qualifiée ne pouvant être tolérée par aucun club. A cela viennent s’ajouter ses performances sportives insatisfaisantes » et « le fait de ne plus avoir été dans le cadre a nécessairement impliqué la perte du droit au paiement de son indemnité mensuelle telle qu’elle est prévue à l’art. 6 de son contrat ».
17. De plus, le défendeur / demandeur reconventionnel affirmait qu’il était dès lors « parfaitement en droit » de supprimer le paiement de l’indemnité mensuelle du demandeur / défendeur reconventionnel, étant donné que celui-ci ne faisait plus partie du cadre de l’équipe fanion et ce, conformément à l’art. 5 du contrat (cf. point 4 ci-dessus).
18. Par conséquent, le défendeur / demandeur reconventionnel rejetait dans son ensemble la demande du demandeur / défendeur reconventionnel et constatait « qu’aucun montant ne saurait être dû à ce titre faute d’avoir rapporté la preuve d’avoir fait partie du cadre de l’équipe fanion » et déposait une demande reconventionnelle à l’encontre de celui-ci.
19. Dans sa demande reconventionnelle, le défendeur / demandeur reconventionnel constatait que « malgré sa suspension provisoire, prononcée quasiment à la fin de la saison, le joueur aurait pu reprendre les entraînements à partir du 11 juillet 2016, ce qu’il a cependant omis de faire ». Le défendeur / demandeur reconventionnel affirmait que le demandeur / défendeur reconventionnel a résilié son contrat sans juste cause et demandait à ce que ce dernier soit condamné à payer la somme de EUR 12,500 « à titre d’indemnité pour résiliation abusive du contrat de louage d’ouvrage » (cf. point 5 ci-dessus).
20. Dans sa réplique, le demandeur / défendeur reconventionnel affirmait que suite à sa suspension, le défendeur / demandeur reconventionnel a refusé de le laisser travailler par la suite. Selon le demandeur / défendeur reconventionnel, il aurait « essayé de contacter la direction du club via divers canaux afin d’être à nouveau autorisé à prendre part aux entrainements et aux matchs ». Le demandeur / défendeur reconventionnel notait que le défendeur / demandeur reconventionnel n’avait jamais répondu à ses lettres de mise en demeure (cf. point 7) et qu’il n’avait dès lors « pas d’autre option que, à défaut d’une réponse quelconque de la part du club, de constater le 31 mai 2016, la rupture unilatérale du contrat dans le chef du club pour juste cause ».
21. Sur la question de la compétence de la FIFA, le demandeur / défendeur reconventionnel constatait qu’ « aucune clause n’a été reprise dans le contrat prévoyant une procédure obligatoire devant le Tribunal Arbitral du Sport du Pays D » et affirmait qu’aucune preuve n’était apportée « que cette instance est composée d’une représentation égale entre les représentants de joueurs et de clubs, avec un président indépendant ».
22. Dans sa réponse à la demande reconventionnelle du défendeur / demandeur reconventionnel, le demandeur / défendeur reconventionnel rejetait dans son ensemble les conclusions de ce dernier et constatait que « le club n’a jamais mis le joueur au courant d’une quelconque sanction disciplinaire, et que la durée de cette suspension imposée par le club n’était a fortiori pas claire » (cf. point.15 ci-dessus).
23. Dans sa duplique, le défendeur / demandeur reconventionnel affirmait que le contrat contenait « une clause attributive de juridiction attribuant compétence exclusive aux instances de la Fédération de Football du Pays D » et renvoyait à l’art. 12 du contrat (cf. point 6 ci-dessus). Le défendeur / demandeur reconventionnel notait que le demandeur / défendeur reconventionnel aurait ainsi dû s’adresser à le Tribunal Arbitral du Sport du Pays D avant de s’adresser à la CRL de la FIFA. Le défendeur / demandeur reconventionnel soulevait ainsi encore une fois l’incompétence de la CRL de la FIFA dans ce présent litige. De plus, le défendeur / demandeur reconventionnel soulignait qu’ « en tant que membre affilié à la Fédération de Football du Pays D », le demandeur / défendeur reconventionnel était soumis au respect des Statuts et Règlements de la Fédération de Football du Pays D.
24. Enfin, le défendeur / demandeur reconventionnel soulignait que le Tribunal Arbitral du Sport du Pays D « constitue d’ailleurs un tribunal arbitral national émanant du Comité Olympique Sportif National du Pays D et répond parfaitement aux critères repris dans l’article 22 du Règlement du Statut et du Transfert des Joueurs. La Tribunal Arbitral du Sport du Pays D est également expressément reconnue par les juridictions ordinaires au Pays D ».
25. Le défendeur / demandeur reconventionnel ajoutait que le demandeur / défendeur reconventionnel « a été suspendu provisoirement pour le reste de la saison 2015/2016 et a été informé qu’il pouvait à nouveau participer aux entrainements à partir du 11 juillet 2016 » et notait qu’ « à aucun moment, la participation aux entrainements à partir du 11 juillet 2016 a été refusée » au demandeur / défendeur reconventionnel. Finalement, le défendeur / demandeur reconventionnel réaffirmait toutes ses conclusions.
26. En date du 21 août 2017, le demandeur / défendeur reconventionnel (né le 01.10.1986) déclarait qu’il n’avait signé aucun nouveau contrat de travail depuis la fin de son contrat avec le défendeur / demandeur reconventionnel.
II. Considérants de la Chambre de Résolution des Litiges
1. En premier lieu, la Chambre de Résolution des Litiges (ci-après : la Chambre ou la CRL) a analysé si elle était compétente pour traiter le présent litige. A cet égard, elle a pris note que la présente demande a été soumise à la FIFA le 13 juin 2016. Par conséquent, la CRL a conclu que l’édition 2015 du Règlement de la Commission du Statut du Joueur et de la Chambre de Résolution des Litiges (ci-après : les Règles de procédure) était applicable au présent litige (cf. art. 21 des Règles de procédure).
2. Par la suite, les membres de la Chambre se sont référés à l’art. 3 al. 1 des Règles de procédure, lu avec l’art. 24 al. 1 et l’art. 22 let. b) de l’édition 2016 du Règlement du Statut et du Transfert des Joueurs, et ont relevé que la CRL est l’organe décisionnel compétent pour connaître des litiges contractuels entre un joueur et un club comportant une dimension internationale.
3. Par conséquent, la CRL devrait en principe être compétente pour statuer sur le présent litige qui implique un joueur du Pays B et un club du Pays D relatif à un litige lié au contrat de travail.
4. Néanmoins, la Chambre a constaté que le défendeur / demandeur reconventionnel a contesté la compétence de la CRL en se fondant sur l’art. 12 du contrat et allègue que seules les instances de règlement des litiges de la Fédération de Football du Pays D sont compétentes en cas de différend contractuel entre les parties en cause. Selon le défendeur / demandeur reconventionnel, l’article 12 du contrat exclut apparemment la compétence de la CRL pour se prononcer sur le cas en question.
5. Compte tenu de ce qui précède, la Chambre a d’abord souligné que, conformément à l'art. 22 let. b) de l'édition 2016 du Règlement du Statut et du Transfert des Joueurs, elle est compétente pour connaître d'une telle affaire, à moins qu’au niveau national, un tribunal arbitral indépendant garantissant une procédure équitable et respectant le principe de la représentation paritaire des joueurs et des clubs, ait été établi au niveau national dans le cadre de l'association et / ou d’une convention collective. En ce qui concerne les règles imposées à un tribunal arbitral indépendant garantissant une procédure équitable, la Chambre s'est référée à la circulaire de la FIFA no. 1010 en date du 20 Décembre 2005. De même, les membres de la Chambre de Résolution des Litiges ont évoqué les principes contenus dans le Règlement Standard de la Chambre Nationale de Résolution des Litiges qui est entré en vigueur le 1er Janvier 2008.
6. Revenant à la question relative à la compétence de la CRL pour se prononcer sur la présente affaire, celle-ci a tout d’abord considéré essentiel de vérifier si le contrat de travail conclu entre les parties au litige contenait effectivement une clause de juridiction, attribuant à un organe spécifique de la Fédération de Football du Pays D la compétence exclusive pour trancher le présent litige. A cet égard, la Chambre s’est référée à l'art. 12 du contrat sur le fondement duquel le défendeur / demandeur reconventionnel a contesté la compétence de la CRL. Les membres de la Chambre ont alors souligné que les termes dudit article s’avèrent assez vagues et que l’article en question ne se réfère pas expressément à un organe spécifique de résolution des litiges national au sens de l'art. 22 let. b) du Règlement FIFA. Plus précisément, il peut être noté que l’article 12 du contrat ne désigne aucunement auprès de quel organe spécifique de la Fédération de Football du Pays D les parties devraient déposer une demande, et ne fait référence qu’aux « instances instituées auprès de la Fédération de Football du Pays D «.
7. Par conséquent, l’argumentation du défendeur / demandeur reconventionnel relative à la compétence des organes décisionnels de la Fédération de Football du Pays D ne peut être retenue et, de par ce fait, la CRL se déclare compétente pour juger du présent litige. Ainsi, la demande du demandeur / défendeur reconventionnel est recevable.
8. En outre, la CRL a analysé quelle édition du Règlement du Statut et du Transfert des Joueurs (ci-après : le Règlement) est applicable quant au droit matériel. A cet égard, elle s’est référée, d’une part, à l’article 26 alinéas 1 et 2 du Règlement (édition 2016) et, d’autre part, au fait que la plainte ait été déposée auprès de la FIFA le 13 juin 2016. Au vu de ce qui précède, la CRL a conclu que l’édition 2016 du Règlement est applicable au présent litige quant au droit matériel.
9. Une fois sa compétence et la réglementation applicable établies, la CRL a statué sur le fond du litige. Ce faisant, elle a tout d’abord rappelé les faits mentionnés ci-dessus et étudié la documentation apportée au dossier. Toutefois, la Chambre a souligné que dans les considérants qui suivent, elle ne se référera qu’aux faits, arguments et à la documentation pertinents pour l’analyse de la présente affaire.
10. A cet égard, les membres de la CRL ont reconnu que les parties au litige ont signé un contrat de travail valable du 1er juillet 2015 jusqu’au 31 mai 2018, en vertu duquel le défendeur / demandeur reconventionnel paierait au demandeur / défendeur reconventionnel inter alia une rémunération totale de EUR 10,000 pour la saison sportive 2015/2016, EUR 10,000 pour la saison sportive 2016/2017 et EUR 10,000 pour la saison sportive 2017/2018.
11. La Chambre a ensuite observé qu’il est établi que le demandeur / défendeur reconventionnel a mis fin au contrat par écrit le 31 mai 2016 avec effet immédiat après avoir préalablement mis en demeure à deux reprises le défendeur / demandeur reconventionnel en date du 21 avril 2016 et 10 mai 2016.
12. La CRL a ensuite pris note des arguments du demandeur / défendeur reconventionnel selon lesquels le défendeur / demandeur reconventionnel aurait refusé de le réintégrer dans le noyau de l’équipe première à la suite d’une sanction disciplinaire imposée à son encontre, laquelle ne lui aurait pas été formellement notifiée et dont la durée de suspension n’était pas clairement définie.
13. La Chambre a également noté que le demandeur / défendeur reconventionnel soutenait que le défendeur / demandeur reconventionnel aurait manqué à son obligation de payer la moitié de son salaire de mars 2016 ainsi que ses salaires d’avril et mai 2016, manquements qui, selon le joueur, constitueraient une juste cause pour mettre un terme au contrat. Le demandeur / défendeur reconventionnel indiquait en outre que le défendeur / demandeur reconventionnel n’avait jamais répondu à ses lettres de mise en demeure.
14. Par ailleurs, la CRL a observé dans un deuxième temps que d’après le défendeur / demandeur reconventionnel, le demandeur / défendeur reconventionnel aurait violé son contrat en ne respectant pas les consignes données par son entraîneur lors d’un match de championnat, ce qui a conduit, selon le défendeur / demandeur reconventionnel, à exclure provisoirement le demandeur / défendeur reconventionnel du noyau de l’équipe.
15. Le défendeur / demandeur reconventionnel indiquait également que l’exclusion du demandeur / défendeur reconventionnel du noyau de l’équipe première justifiait la suppression du paiement de son salaire au regard de l’article 5 du contrat.
16. Les membres de la CRL ont enfin noté que le défendeur / demandeur reconventionnel soutenait que le joueur aurait pu reprendre les entraînements à partir du 11 juillet 2016 et prétendait que le demandeur / défendeur reconventionnel avait en conséquence résilié son contrat sans juste cause.
17. Au vu des allégations et arguments présentés par chacune des parties, la Chambre a considéré qu’en l’espèce, il convenait d’établir dans un premier temps si la résiliation du contrat par le demandeur / défendeur reconventionnel était fondée ou non sur une juste cause.
18. Ainsi, la Chambre a été amenée à déterminer si les arguments et preuves avancés par le demandeur / défendeur reconventionnel pour justifier la résiliation unilatérale du contrat pouvaient constituer une juste cause pour rompre le contrat avant le terme contractuellement établi par les parties.
19. Compte tenu des considérations qui précèdent, la Chambre a noté qu’il est établi et non contesté par le défendeur / demandeur reconventionnel que la moitié du salaire de mars 2016 ainsi que les salaires des mois d’avril et mai 2016 n’ont pas été réglés au demandeur / défendeur reconventionnel.
20. A ce stade, la Chambre a souhaité rappeler aux parties le principe de la charge de la preuve, tel qu’établi par l’art. 12 par. 3 des Règles de procédure, selon lequel la charge de la preuve incombe à la partie qui invoque un droit découlant d’un fait qu’elle allègue. En application de ce principe, la Chambre a noté qu’en l’espèce, la charge de la preuve incombe au défendeur / demandeur reconventionnel, à qui il appartient dès lors d’établir qu’il disposait d’une juste cause de nature à justifier le non-paiement des salaires précités.
21. Prenant en considération les arguments du défendeur / demandeur reconventionnel, la Chambre a observé que celui-ci soutenait que l’exclusion du demandeur / défendeur reconventionnel du noyau de l’équipe première justifiait la suppression du paiement de ses salaires et ce, conformément à l’article 5 du contrat.
22. A ce stade, la Chambre a estimé qu’il lui revenait de déterminer si le défendeur / demandeur reconventionnel dispose d’éléments de nature à justifier son argumentation. A cet égard, la Chambre a constaté que le défendeur / demandeur reconventionnel n’avait apporté aucune preuve suffisante pour établir que le demandeur / défendeur reconventionnel avait effectivement commis une violation disciplinaire, qu’il avait participé à un procès disciplinaire relatif à cette violation ou qu’il avait été dûment notifié de la sanction disciplinaire imposée à son encontre, notamment s’agissant de la durée effective de son exclusion du noyau de l’équipe première.
23. Dès lors, la Chambre a estimé que la durée indéterminée de l’exclusion du noyau de l’équipe première du demandeur / défendeur reconventionnel, le manquement du défendeur / demandeur reconventionnel de payer le salaire du joueur pendant cette même période, ainsi que l’absence de réponse du défendeur / demandeur reconventionnel aux mises en demeures du joueur avaient fait naître dans le chef du demandeur / défendeur reconventionnel la crainte légitime que le défendeur / demandeur reconventionnel persisterait à ne pas honorer ses obligations contractuelles dans le futur, de sorte qu’il était devenu impossible pour le demandeur de croire en la continuation de la relation contractuelle.
24. Par conséquent, la Chambre a conclu que le demandeur / défendeur reconventionnel avait eu une juste cause pour résilier le contrat le liant au défendeur / demandeur reconventionnel le 31 mai 2016 et que le défendeur / demandeur reconventionnel devait être tenu responsable de ce qui précède. La Chambre a par ailleurs conclu au rejet de la demande reconventionnelle du défendeur / demandeur reconventionnel.
25. La responsabilité du défendeur / demandeur reconventionnelle ayant été établie, la CRL a focalisé son attention sur les conséquences de la résiliation du contrat avec juste cause. A cet égard, et conformément à l’article 17 al. 1 du Règlement, la CRL a décidé que le demandeur / défendeur reconventionnel était en droit de recevoir du défendeur / demandeur reconventionnel un certain montant à titre de compensation, en sus des sommes dues à titres d’arriérés de rémunération.
26. Néanmoins, et avant d’entrer dans le calcul de ladite compensation, la Chambre a déterminé le montant exact des arriérés de rémunération. Dans ce contexte, la CRL a tenu à rappeler qu’en application de l’art. 6 du contrat, le demandeur / défendeur reconventionnel était en droit de percevoir EUR 1 000 à titre de salaire mensuel pour la saison 2016/2017.
27. Dans ce contexte, la Chambre a tout d’abord fait référence à ses considérations antérieures et souligné qu’il n’était pas contesté que les salaires du demandeur / défendeur reconventionnel pour la moitié du mois de mars 2016 ainsi que pour les mois d’avril et mai 2016 demeuraient en souffrance, soit la somme totale de EUR 2,500.
28. Dès lors, et conformément au principe pacta sunt servanda, la Chambre a conclu que la somme totale de EUR 2,500, correspondant à la moitié du salaire de mars 2016 et aux salaires d’avril et mai 2016 du demandeur / défendeur reconventionnel était due à titre d’arriérés de rémunération, majorée d’un intérêt de 5% par année et jusqu’à parfait paiement, dû à compter du 13 juin 2016, selon la demande du joueur.
29. La Chambre s’est ensuite attelée à déterminer le montant dû à titre de compensation. A ce titre, la Chambre a rappelé que conformément à l’art. 17 al. 1 du Règlement, l’indemnité pour rupture de contrat sera calculée, sous réserve de l’existence de stipulations contractuelles s’y rapportant, conformément au droit en vigueur dans le pays concerné, à la spécificité du sport et en tenant compte de tout critère objectif inhérent au cas. Ces critères comprennent notamment la rémunération et autres avantages dus au joueur en vertu du contrat en cours et/ou du nouveau contrat, la durée restante du contrat en cours jusqu’à cinq ans au plus, de même que la question de savoir si la rupture intervient pendant la période protégée.
30. Revenant au contenu du contrat, la Chambre a noté que celui-ci ne contient aucune stipulation spécifique établissant une indemnité applicable en cas de rupture du contrat sans juste cause par l’une des parties. Par conséquent, la Chambre a considéré qu’il convenait de se référer aux autres éléments mentionnés à l’al. 1 de l’art. 17 du Règlement. A cet égard, la Chambre a rappelé que cette disposition contient une énumération non-exhaustive de critères pouvant être pris en compte dans le cadre du calcul du montant de l’indemnité devant être payée et que, de ce fait, il avait toute discrétion pour se baser sur tout autre critère objectif pour calculer le montant de ladite indemnité.
31. Ayant à l’esprit les considérations qui précèdent, la CRL a rappelé que le contrat devait initialement expirer le 31 mai 2018 et a observé que dans le cadre de sa demande relative à la valeur résiduelle du contrat, le demandeur / défendeur reconventionnel sollicitait la somme totale de EUR 20,000 à titre de compensation. Ainsi, compte tenu de la durée résiduelle du contrat du 1er juin 2016 au 31 mai 2018, la Chambre a établi que la somme de EUR 20,000 devait constituer la base de calcul pour déterminer le montant dû à titre de compensation pour rupture du contrat.
32. La CRL a ensuite vérifié si le demandeur / défendeur reconventionnel avait signé un nouveau contrat de travail durant la période en question, au moyen duquel il aurait pu réduire l’étendue de son dommage. En effet, conformément à la jurisprudence constante de la CRL, la rémunération perçue dans le cadre de ce nouveau contrat doit être prise en considération afin de fixer le montant de la compensation payable et ce, en vertu de l’obligation qu’a tout joueur de limiter son préjudice. En l’espèce, la Chambre a observé qu’il ressortait de la documentation au dossier que le demandeur / défendeur reconventionnel n’avait conclu aucun nouveau contrat au cours de la période concernée. Dans ce contexte, la Chambre a souligné qu’il n’y a aucune indication dans le TMS d’un nouveau contrat de travail.
33. En conséquence, la CRL a décidé que le défendeur / demandeur reconventionnel doit payer la somme de EUR 20,000 au demandeur / défendeur reconventionnel à titre de compensation pour la rupture du contrat sans juste cause par le défendeur / demandeur reconventionnel, plus 5% d’intérêt par année à partir du 13 juin 2016 jusqu’au paiement effectif.
III. Décision de la Chambre de Résolution des Litiges
1. La demande du demandeur / défendeur reconventionnel, Joueur A, est admissible.
2. La demande du demandeur / défendeur reconventionnel, Joueur A, est acceptée.
3. Le défendeur / demandeur reconventionnel, Club C, doit payer au demandeur / défendeur reconventionnel, dans un délai de 30 jours à compter de la date de notification de la présente décision, la somme de EUR 2,500 à titre d’arriérés de rémunération, majorée d’un intérêt de 5% par année et jusqu’à parfait paiement, dû à compter du 13 juin 2016.
4. Le défendeur / demandeur reconventionnel doit payer au demandeur / défendeur reconventionnel comme compensation pour rupture de contrat, dans les 30 jours à compter de la notification de la présente décision, le montant de EUR 20,000 plus 5% d’intérêt par année à partir du 13 juin 2016 jusqu’au paiement effectif.
5. Si les sommes susmentionnées ainsi que les intérêts y afférant ne sont pas payés dans le délai imparti tel qu’indiqué ci-avant, le cas sera soumis, sur demande, à la Commission de Discipline de la FIFA pour considération et décision.
6. La demande reconventionnelle du défendeur / demandeur reconventionnel est rejetée.
7. Le demandeur / défendeur reconventionnel s’engage à communiquer immédiatement et directement au défendeur / demandeur reconventionnel le numéro de compte bancaire sur lequel le virement de la somme précitée sera effectué et d’informer la Chambre de Résolution des Litiges de chaque paiement reçu.
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Note concernant la décision motivée (Voie de droit) :
Conformément à l’article 58 alinéa 1 des Statuts de la FIFA, cette décision est susceptible d’un appel au Tribunal Arbitral du Sport (TAS). L’appel devra être interjeté dans un délai de 21 jours à compter de la notification de la décision et devra comprendre tous les éléments figurant au point 2 des directives émanant du TAS, dont copie est jointe à la présente. L’appelant dispose de 10 jours supplémentaires à compter de l’expiration du délai de recours pour déposer son mémoire d’appel contenant une description des faits et des arguments légaux fondant le recours (cf. point 4 des directives annexées).
L'adresse complète du Tribunal Arbitral du Sport est la suivante :
Avenue de Beaumont 2, 1012 Lausanne, Suisse
Tél : +41 21 613 50 00
Fax : +41 21 613 50 01
e-mail : info@tas-cas.org
Au nom de la
Chambre de Résolution des Litiges
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Omar Ongaro
Directeur de la sous-division
Réglementation du Football
Annexe : Directives du TAS