F.I.F.A. – Dispute Resolution Chamber / Camera di Risoluzione delle Controversie – labour disputes / controversie di lavoro (2017-2018) – fifa.com – atto non ufficiale – Decision 30 novembre 2017

Décision de la
Chambre de Résolution des Litiges
ayant siégé à Zurich, Suisse, le 30 novembre 2017,
dans la composition suivante :
Thomas Grimm (Suisse), Vice-président
Roy Vermeer (Pays-Bas), membre
Pavel Pivovarov (Russie), membre
au sujet d’une plainte soumise par le joueur,
A, Pays A,
représenté par
ci-après, le demandeur
à l’encontre du club,
B, Pays B
ci-après, le défendeur
concernant un litige contractuel survenu entre les parties
I. Faits
1. Le 29 janvier 2015, le joueur A (ci-après : le demandeur), né le xxx, et le club B (ci-après : le défendeur) ont signé un contrat de travail (ci-après : le contrat) courant à compter du 29 janvier 2015 jusqu’à la fin de la saison 2017/2018.
2. L’article 1 du contrat stipule que « le joueur déclare exercer l’activité de joueur de football au sein du club durant les saisons suivantes : 2015/2016, 2016/2017, 2017/2018 » et que « le joueur exerce cette activité à titre accessoire et en toute indépendance ».
3. L’article 2 du contrat énonce qu’« au début de chacune des saisons, la direction du club, ensemble avec ses entraineurs, proposera aux joueurs un programme sportif en fonction de l’équipe dans laquelle ils seront sélectionnés. Ce programme comprend les manifestations sportives de la saison, càd séances d’entrainement, stages, matches de Championnat et de Coupe de Pays B, matches amicaux et autres évènements sportifs. Lorsque les joueurs de l’équipe en question adhèrent (tacitement ou expressément) à ce programme, le joueur s’engage individuellement à participer à toutes les manifestations sportives décrites ci-avant. En cas d’impossibilité de participer à une des manifestations définies, le joueur devra présenter une excuse valable au plus tard quatre jours ouvrables après l’évènement ».
4. Selon l’article 5 du contrat, le demandeur était inter alia en droit de recevoir du défendeur les sommes suivantes :
a. Pour la saison 2015/2016 : « un fixe mensuel de EUR 2,000/mois sur 11 mois » ;
b. Pour la saison 2016/2017 :
a. « un fixe mensuel de EUR 2,400/mois sur 11 mois si plus de 17 matchs joués lors de la saison 2015/2016 » ;
b. « un fixe mensuel de EUR 2,000/mois sur 11 mois si moins de 17 matchs joués lors de la saison 2015/2016 » ;
c. Pour la saison 2017/2018 :
a. « un fixe mensuel de EUR 2,600/mois sur 11 mois si plus de 34 matchs joués lors des saisons 2015/2016 et 2016/2017 » ;
b. « un fixe mensuel de EUR 2,000/mois sur 11 mois si moins de 34 matchs joués lors des saisons 2015/2016 et 2016/2017 » ;
d. Une prime de « EUR 150 par point obtenu en match de championnat équipe A » ;
e. Une prime de « EUR 50 de présence sur feuille de match équipe A ».
5. Selon l’article 9 du contrat, « le contrat peut être résilié en cours de saison par chacune des parties dans le cas et, conformément aux conditions qui suivent : 1) d’un commun accord entre les parties ; 2) avec effet immédiat pour faute grave ; 3) en cas de résiliation du contrat signé entre parties, la partie à laquelle incombe la ruptures’engage à payer à l’autre à titre d’indemnité forfaitaire un montant de 50.000,00 euros. Cette clause 3) est frappée de caducité à partir du moment où le joueur aura signé les documents de transfert de l’Association du Pays B ».
6. En outre, l’article 11 du contrat prévoit que « tous différends découlant du présent contrat seront définitivement tranchés par une commission d’arbitrage constituée par un délégué nommé par chaque partie et présidée par un tiers arbitre nommé de commun accord par les deux délégués, conformément aux articles xxx du Code de Procédure Civile. La Commission d’arbitrage essaiera de concilier les parties si faire se peut, sinon elle tranchera le litige en dernier lieu ».
7. Le 12 juin 2017, le demandeur a notifié le défendeur par courrier électronique de la rupture unilatérale du contrat en invoquant une juste cause sportive du fait qu’il n’aurait, au cours de la saison précédente, pris part à « aucune rencontre officielle de l’équipe première » et qu’il n’aurait pas disputé « la moindre minute de compétition, malgré [son] professionnalisme et [son] assiduité au travail ».
8. En date du 17 juin 2017, le défendeur a accusé réception de la correspondance du demandeur tout en affirmant qu’il n’acceptait pas la rupture unilatérale de son contrat et en sommant celui-ci de « respecter les termes du contrat du 29 janvier 2015 jusqu’à échéance prévue le 30 juin 2018 ».
9. Le 13 juin 2017, le demandeur a déposé une plainte à l’encontre du défendeur devant la FIFA (modifiée par la suite le 22 juin 2017), demandant « de juger la rupture intervenue à son initiative comme rupture pour juste cause sportive » ainsi que « de condamner le club à lui verser des dommages et intérêts venant réparer le préjudice subi, correspondant à un mois de salaire, soit la somme de 2.000 euros net ». De plus, le demandeur a également demandé à la FIFA de constater que le défendeur « l’a totalement négligé » et que « cette négligence justifiera l’absence d’indemnisation à l’égard du club ». Enfin le demandeur a par ailleurs demandé à ce qu’aucune sanction sportive ne soit prononcée à son encontre.
10. Dans sa plainte, le demandeur soutenait que le défendeur l’a totalement négligé lors de la saison 2016/2017 et considérait, par conséquent, que toutes les conditions de l’article 15 du Règlement du Statut et du Transfert des Joueurs (ci-après : le Règlement) étaient réunies pour résilier son contrat de travail pour juste cause sportive.
11. Le demandeur affirmait avoir signé un contrat de travail professionnel avec le défendeur et soutenait que les sommes reçues chaque mois à titre de salaire étaient largement supérieures aux frais effectifs encourus par le demandeur, ce qui permettait de le qualifier de « joueur professionnel ». De plus, le joueur indiquait que « peu importe la qualification retenue par l’employeur ou même la rédaction de certaines clauses du contrat [cf. point I.2 ci-dessus], excluant la qualification de contrat de travail il ne fait aucun doute qu’[il] a bien été engagé par le club pour exercer l’activité de joueur de football, à titre exclusif, contre rémunération ».
12. Le demandeur déclarait par ailleurs qu’il répondait bien à la qualification de « joueur professionnel accompli » puisqu’il était âgé de 32 ans à la date de la saisine de la FIFA et « qu’il a été formé en pays A, dans un célèbre club de première division, avant de poursuivre sa carrière de joueur professionnel en Europe ».
13. Le demandeur arguait en outre qu’il « n’a pris part à aucune rencontre officielle au cours de la saison 2016/2017 » et que, dès lors et conformément à l’article 15 du Règlement, il avait effectivement pris part à moins de 10% des matchs officiels joués par son club au cours d’une saison.
14. Le demandeur affirmait également que « le dernier match officiel du club a eu lieu le 28 mai 2017, avec la victoire en finale de la Coupe du pays B » et que sa résiliation du contrat, datée du 12 juin 2017, était survenue dans les quinze jours suivant le dernier match officiel de la saison du club.
15. Par ailleurs, le demandeur indiquait que sa requête remplissait toutes les conditions prévues à l’article 15 du Règlement et qu’il « n’a jamais fait l’objet de la moindre sanction disciplinaire de la part de son employeur et qu’il a toujours fait preuve de respect à l’égard de celui-ci ». Le demandeur a également ajouté qu’il « n’a jamais été blessé au cours de la saison 2016-2017 » et que le défendeur « a maintenu une position bloquante à son égard, sans aucune justification, l’empêchant de poursuivre sa carrière de joueur professionnel ».
16. En réponse à la plainte déposée par le demandeur, le défendeur a contesté à titre préliminaire la compétence de la Chambre de Résolution des Litiges de la FIFA en arguant que la présente affaire avait une dimension nationale en raison du fait que le demandeur était licencié auprès de l’Association de Football du pays B (ci-après : Association B). Le défendeur soulignait que ce litige devait être traité « par les autorités du pays B conformément aux statuts de l’Association B et des dispositions législatives applicables en la matière ».
17. Le défendeur a également soulevé dans un deuxième temps une exception d’irrecevabilité de la requête en question pour non-respect par le demandeur du mode de règlement des litiges convenu à l’article 11 du contrat. En effet, le défendeur affirmait que le demandeur aurait dû soumettre le présent litige à une commission d’arbitrage indépendante prévue par l’Association B et non à la Chambre de Résolution des Litiges dans la mesure où le défendeur estimait que le mode de règlement des litiges sportifs en vigueur au Pays B garantissait toutes les conditions d’indépendance et de représentation équitable des joueurs et des clubs.
18. A cet égard, le défendeur a relevé que l’article 11 en question « se réfère à l’ancien article xxx du Code de Procédure Civile, code qui a été entre temps remplacé par le Nouveau Code de Procédure Civile et notamment par les articles xxx et xxx de ce code » mais que « la référence dans un contrat à une disposition qui a été remplacée par le législateur par une autre disposition ne rend pas l’article contractuel concerné nul, mais le remplace par la nouvelle disposition si l’équilibre contractuelle n’est pas modifiée ».
19. De plus, le défendeur affirmait que « les parties ont opté dans l’article 11 de manière explicite et par écrit que tout litige en relation avec l’exécution dudit contrat soit tranché par une commission d’arbitrage indépendante » et que « la procédure d’arbitrage est clairement définie à l’article 11 du contrat de sorte qu’elle reste parfaitement valable, même sans référence à une disposition législative ».
20. Le défendeur soulignait que le demandeur, en obtenant une licence auprès de l’Association B, « a implicitement accepté les articles xx et xx des statuts de l’Association B qui accordent compétence exclusive à la chambre de conciliation et à la C pour connaitre des litiges opposant un joueur de football à un club de football ».
21. En effet, le défendeur se référait à l’art. xxx des Statuts de l’Association B, lequel prévoit qu’ « Il est institué une Commission de Conciliation qui a pour mission de concilier les intérêts de deux ou plusieurs parties dans un litige actuel ou à venir en vue d’obtenir un arrangement. La Commission de Conciliation connait également des litiges dévolus à la connaissance de la C. La saisine de la Commission de Conciliation est un préalable obligatoire à la saisine de la C ».
22. Le défendeur se référait également à l’art. xxx des Statuts de l’Association B, lequel stipule que « Dans le but de faciliter la solution de litiges entre fédérations et associations sportives, clubs et licenciés (sportifs, entraineurs, arbitres et dirigeants), il est créé une institution d’arbitrage dénommée C. Toutes les personnes physiques et morales visées à l’alinéa ci-dessus peuvent saisir la C. La C est compétente pour connaître des litiges : a) entre personnes et associations visées à l’alinéa 1er qui se trouvent directement concernées par le litige ; b) qui portent sur les droits dont les parties ont la libre disposition ; c) à condition qu’il s’agisse de faits ou actions relatifs au domaine du sport.
Sont toutefois exclus les litiges et recours portant uniquement sur le taux d’une sanction disciplinaire, exception faite des sanctions illégales ou contraires aux statuts ou règlements. Le C se prononce sur les cas qui lui sont soumis par une sentence arbitrale qui s’impose aux parties et clôt définitivement le litige, sous réserve d’une éventuelle saisine par les parties du Tribunal Arbitral du Sport (TAS) à Lausanne selon les formes prévues par les dispositions correspondantes des Statuts de la FIFA et de l’UEFA.
La C ne peut être saisie qu’après épuisement des voies de recours internes de l’Association B. La saisine de la Commission de Conciliation est un préalable obligatoire à la saisine de la C. En pareil cas, la compétence de la C est limitée aux questions de droit, à l’exclusion de toute constatation et appréciation des faits. Elle peut également être saisie de litiges ne rentrant pas dans les compétences des juridictions fédérales. Elle peut encore être saisie dans les cas où il n’existe pas d’organes juridictionnels fédéraux ou dans les cas où ceux-ci ne sont pas à même de fonctionner normalement ».
23. A titre subsidiaire et au cas où la Chambre de Résolution des Litiges se déclarerait compétente, le défendeur a fait part de ses commentaires quant aux allégations du demandeur sur le fond du litige. Tout d’abord, le défendeur prétendait que l’article 15 du Règlement ne trouvait pas application au cas d’espèce puisque le demandeur aurait participé à plus de 10% des matchs officiels du club au cours d’une saison.
24. A cet égard, le défendeur affirmait que le contrat du joueur ne se limitait pas « à la seule équipe A » mais prévoyait l’exercice de l’activité de joueur de football « en général pour toutes les équipes du club pour lesquelles le joueur est éligible de jouer ; en ce qui concerne le club B, il s’agit de deux équipes : l’équipe A et l’équipe réserve sénior ». Le défendeur considérait que le demandeur a participé durant la saison 2016/2017 à 8 matchs officiels avec l’équipe réserve sénior du club. De plus, le défendeur affirmait que 57 matchs officiels ont été joués par le club au cours de la saison (i.e. matchs de l’équipe A, de l’équipe réserve sénior, des autres compétitions et des coupes compris) et soulignait que le demandeur ne pouvait pas invoquer l’article 15 du Règlement puisqu’il a « participé largement à plus de 10% des matchs officiels ».
25. Finalement, le défendeur a réaffirmé que le demandeur « est lié par contrat valable au club jusqu’à la fin de la saison 2017/2018 » et que la résiliation unilatérale du contrat par le joueur « n’est pas valable ».
26. Dans sa réplique, le demandeur a insisté une nouvelle fois sur la compétence de la CRL pour juger de la présente affaire. En particulier, le demandeur estimait que le litige a une dimension internationale compte tenu de la nationalité du demandeur et de l’affiliation du défendeur à la l’Association B.
27. Le demandeur affirmait en outre que la rédaction de l’article 11 du contrat n’était « manifestement pas explicite » et qu’elle ne renvoyait « manifestement pas à un tribunal établi au niveau de l’association et/ou d’une convention collective ». Le demandeur notait également que « l’article XXX du Code de Procédure Civile du Pays B mentionné dans l’article 11 ne renvoie absolument pas à la moindre procédure d’arbitrage » et soulignait « qu’il n’est aucunement fait mention du type de Chambre d’arbitrage et encore moins de son nom ».
28. Dans ce contexte, le demandeur a réitéré la totalité de sa demande sur la forme et sur le fond et a affirmé une nouvelle fois avoir fait l’objet manifeste d’une « mise à l’écart sans aucun fondement disciplinaire ou médical au cours de l’ensemble de la saison 2016/2017 ».
29. Le demandeur a tenu à souligner également qu’il était affecté à l’équipe A et ce, d’une part, conformément à l’article 2 du contrat (cf. point I.3 ci-dessus) et, d’autre part, du fait qu’il avait pris part à tous les entrainements de l’équipe A au cours de la saison. Dans ce contexte, le demandeur affirmait que « la rédaction du contrat conforte l’analyse selon laquelle il convient de ne prendre en compte que le nombre de matchs réalisés avec une seule équipe, l’équipe première ».
30. Dans sa duplique, le défendeur a renouvelé son argumentation relative à la compétence des organes de décision de l’Association B et a affirmé que le demandeur, en signant le contrat, « a explicitement accepté le recours à une commission d’arbitrage nationale en cas de litige ».
31. Enfin, le défendeur a indiqué une nouvelle fois que le contrat du demandeur prévoyait « explicitement » à son article 1er que le joueur exercera l’activité de joueur de football auprès du club « sans spécifier qu’il serait automatiquement affecté à l’équipe A du club ». Par conséquent, le défendeur affirmait que tous les matchs de l’équipe réserve sénior devaient être pris en compte dans le cas d’espèce.
II. Considérants de la Chambre de Résolution des Litiges
1. En premier lieu, la Chambre de Résolution des Litiges (ci-après : la Chambre ou la CRL) a analysé si elle était compétente pour traiter le présent litige. A cet égard, elle a pris note que la présente demande a été soumise à la FIFA le 13 juin 2017. Par conséquent, la CRL a conclu que l’édition 2017 du Règlement de la Commission du Statut du Joueur et de la Chambre de Résolution des Litiges (ci-après : les Règles de procédure) était applicable au présent litige (cf. art. 21 des Règles de procédure).
2. Par la suite, les membres de la Chambre se sont référés à l’art. 3 al. 1 des Règles de procédure, lu avec l’art. 24 al. 1 et l’art. 22 let. b) de l’édition 2016 du Règlement du Statut et du Transfert des Joueurs, et ont relevé que la CRL est l’organe décisionnel compétent pour connaître des litiges contractuels entre un joueur du pays A et un club du pays B comportant clairement une dimension internationale.
3. Par conséquent, la CRL devrait en principe être compétente pour statuer sur le présent litige qui implique un joueur du pays A et un club du pays B relatif à un litige lié au contrat de travail.
4. Néanmoins, la Chambre a constaté que le défendeur a contesté la compétence de la CRL en se fondant sur l’art. 11 du contrat et allègue que seules les instances de règlement des litiges de l’Association B sont compétentes en cas de différend contractuel entre les parties en cause. Selon le défendeur, l’article 11 du contrat exclut apparemment la compétence de la CRL pour se prononcer sur le cas en question.
5. Compte tenu de ce qui précède, la Chambre a d’abord souligné que, conformément à l'art. 22 let. b) du Règlement FIFA (édition 2016), elle est compétente pour connaître d'une telle affaire, à moins qu’au niveau national, un tribunal arbitral indépendant garantissant une procédure équitable et respectant le principe de la représentation paritaire des joueurs et des clubs, ait été établi au niveau national dans le cadre de l'association et / ou d’une convention collective. En ce qui concerne les règles imposées à un tribunal arbitral indépendant garantissant une procédure équitable, la Chambre s'est référée à la circulaire de la FIFA no. 1010 en date du 20 Décembre 2005. De même, les membres de Chambre de Résolution des Litiges ont évoqué les principes contenus dans le Règlement Standard de la Chambre Nationale de Résolution des Litiges qui est entré en vigueur le 1er Janvier 2008.
6. Revenant à la question relative à la compétence de la CRL pour se prononcer sur la présente affaire, celle-ci s’est référée à l'art. 11 du contrat sur le fondement duquel le défendeur a contesté la compétence de la CRL. Les membres de la Chambre ont alors souligné que les termes dudit article s’avèrent assez vagues et que l’article en question ne se réfère pas explicitement à un organe spécifique de résolution des litiges national au sens de l'art. 22 let. b) du Règlement FIFA. Plus précisément, il peut être noté de l’article 11 du contrat ne désigne aucunement auprès de quel organe les parties devraient déposer une demande.
7. Par conséquent, l’argumentation du défendeur relative à la compétence des organes décisionnels de l’Association B ne peut être retenue et, de par ce fait, la CRL se déclare compétente pour juger du présent litige. Ainsi, la demande du demandeur est recevable.
8. Par ailleurs, la CRL a tenu à souligner que contrairement aux informations contenues dans la lettre de la FIFA datée du 24 novembre 2017 par laquelle les parties étaient informées de la composition de la Chambre, M. xxx ainsi que M. xxx n’ont pas pris part aux délibérations dans la présente affaire et ce, d’une part, en raison du fait que M. xxx possède la même nationalité que le demandeur, et, d’autre part, pour respecter le principe de la représentation paritaire des joueurs et des clubs. En conséquence, et conformément à l’art. 24 al. 2 du Règlement, la CRL a décidé en présence de trois membres.
9. En outre, la CRL a analysé quelle édition du Règlement du Statut et du Transfert des Joueurs (ci-après : le Règlement) est applicable quant au droit matériel. A cet égard, elle s’est référée, d’une part, à l’article 26 alinéas 1 et 2 du Règlement (édition 2016) et, d’autre part, au fait que la plainte ait été déposée auprès de la FIFA le 13 juin 2017. Au vu de ce qui précède, la CRL a conclu que l’édition 2016 du Règlement est applicable au présent litige quant au droit matériel.
10. Une fois sa compétence et la réglementation applicable établies, la CRL a statué sur le fond du litige. Ce faisant, elle a tout d’abord rappelé les faits mentionnés ci-dessus et étudié la documentation apportée au dossier. Toutefois, la Chambre a souligné que dans les considérants qui suivent, elle ne se référera qu’aux faits, arguments et à la documentation pertinents pour l’analyse de la présente affaire.
11. A cet égard, les membres de la CRL ont reconnu que les parties au litige ont signé un contrat de travail à compter du 29 janvier 2015 jusqu’à la fin de la saison 2017/2018.
12. De plus, la Chambre a souligné qu’il demeure incontesté que le demandeur a mis fin au contrat par écrit le 12 juin 2017.
13. La CRL a ensuite pris note des arguments du demandeur selon lesquels le défendeur l’aurait négligé d’un point de vue sportif en l’écartant du cadre de l’équipe première et en lui refusant toute participation à une rencontre officielle de l’équipe première durant toute la saison sportive 2016/2017 sans aucune raison valable. De plus, le demandeur soutient avoir résilié son contrat dans les quinze jours suivant le dernier match officiel de la saison du club défendeur et prétend répondre à la qualification de « joueur professionnel accompli ». Dès lors, le demandeur estime avoir eu une juste cause sportive pour résilier prématurément le contrat avec le défendeur et ce, conformément à l’article 15 du Règlement.
14. Par ailleurs, la CRL a observé dans un deuxième temps que d’après le défendeur, le contrat de travail ne limitait pas l’exercice de l’activité de joueur de football du demandeur à la seule équipe première du club défendeur mais prévoyait également la possibilité d’exercer cette activité pour toutes les équipes du club défendeur, notamment l’équipe première ainsi que l’équipe réserve sénior. Dès lors, le défendeur estime que tous les matchs auxquels le demandeur a pris part avec l’équipe réserve sénior du club doivent être pris en compte dans la notion de « match officiel joué » au sens de l’article 15 du Règlement. En conséquence, le défendeur rejette en intégralité la plainte du demandeur.
15. Au vu des arguments présentés par chacune des parties, la Chambre a tout d’abord analysé les conditions prévues à l’article 15 du Règlement. A cet égard, la CRL a relevé que trois conditions cumulatives doivent être remplies afin de considérer une rupture de contrat pour juste cause sportive : 1) le joueur doit être un joueur professionnel accompli ; 2) le joueur doit avoir pris part à moins de 10% des matchs officiels joués par son club au cours d’une saison ; 3) la résiliation du contrat sur la base d’une juste cause sportive doit intervenir dans les quinze jours suivant le dernier match officiel de la saison du club auprès duquel il est enregistré.
16. Dans ce contexte, la CRL a souligné que l’article 15 du Règlement prévoit expressément que l’existence d’une juste cause sportive sera établie au cas par cas et suivant les circonstances spécifiques de chaque affaire.
17. En outre, la CRL s’est référée au principe de la charge de la preuve tel que prévu à l’art. 12 al. 3 des Règles de procédure, en vertu duquel la charge de la preuve incombe à la partie qui invoque un droit découlant d’un fait qu’elle allègue.
18. La Chambre a en particulier analysé la documentation fournie par le demandeur au soutien de ses allégations ainsi que les circonstances propres au cas d’espèce pour déterminer si le demandeur avait effectivement rempli toutes les conditions de l’article 15 du Règlement.
19. Dans ce contexte, la Chambre a conclu qu’au vu de la documentation présentée par le joueur dans le présent dossier, le demandeur remplissait la qualification de « joueur professionnel accompli », considérant notamment l’ensemble de son expérience professionnelle en tant que footballeur.
20. Par la suite, la Chambre a examiné si la deuxième condition prévue à l’article 15 du Règlement était remplie dans le cas d’espèce. En particulier, la Chambre a relevé qu’elle devait déterminer si les matchs de l’équipe réserve sénior joués par le demandeur devaient être pris en compte dans le calcul du pourcentage des matchs officiels joués par le club au cours de la saison 2016-2017.
21. A cet égard, la Chambre a considéré qu’il était nécessaire de prendre en considération toutes les circonstances spécifiques du cas d’espèce, notamment la compétitivité et le niveau sportif de l’équipe réserve sénior pour laquelle a joué le demandeur au cours de la saison 2016-2017, afin de déterminer si ces matchs devaient être pris en compte dans le calcul susmentionné. En conséquence, la Chambre a conclu que les matchs de l’équipe réserve sénior ne pouvaient être considérés comme étant d’un niveau sportif suffisant pour être pris en compte dans le calcul des matchs officiels au sens de l’article 15 du Règlement, d’autant plus compte tenu de l’âge du demandeur (32 ans au début de la saison 2016-2017) et de sa carrière sportive.
22. Par conséquent, et au vu du fait qu’il est établi que le demandeur n’a participé à aucun match de l’équipe première du défendeur au cours de la saison 2016-2017, la Chambre a conclu que le demandeur avait disputé moins de 10% des matchs officiels du défendeur au cours de ladite saison. Ainsi, la deuxième condition mentionnée à l’article 15 du Règlement est bel et bien remplie en l’espèce.
23. Par la suite, la Chambre a également analysé si la troisième condition était remplie et a conclu que le demandeur avait effectivement résilié le contrat de travail avec le défendeur dans les quinze jours suivant le dernier match officiel de la saison.
24. Au vu de ce qui précède, la Chambre a conclu que le demandeur avait rempli toutes les conditions de l’article 15 du Règlement et avait, en conséquence, valablement résilié son contrat de travail pour juste cause sportive le 12 juin 2017.
25. Cela étant dit, il est à noter que du fait de la position irréconciliable des membres de la Chambre représentant les intérêts des joueurs et des clubs, et conformément à l’article 14 al. 1 des Règles de procédure, la voix du vice-président de la Chambre, M. Grimm, a été prépondérante dans la prise de décision.
26. La résiliation pour juste cause sportive ayant été établie, la CRL a focalisé son attention sur les conséquences de la résiliation du contrat pour juste cause sportive. A cet égard et conformément à l’art. 15 du Règlement, la CRL a décidé, en prenant en compte toutes les circonstances du cas d’espèce, qu’aucune indemnité n’était due au défendeur.
27. De plus, pour ce qui est de la demande de dommages et intérêts pour préjudice subi réclamée par le demandeur (cf. point I.9 ci-dessus), la Chambre a non seulement considéré que les demandes en question n’étaient pas suffisamment spécifiées pour pouvoir être considérées par la Chambre mais également qu’elles devaient être, de toute manière, rejetées pour défaut de base légale.
28. La CRL a enfin déclaré que la demande du demandeur était partiellement acceptée et que toute autre demande formulée par le demandeur était rejetée.
III. Décision de la Chambre de Résolution des Litiges
1. La demande du demandeur, A, est recevable.
2. La demande du demandeur, A, est partiellement acceptée.
3. Toute autre demande formulée par le demandeur est rejetée.
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Note concernant la décision motivée (Voie de droit) :
Conformément à l’article 58 alinéa 1 des Statuts de la FIFA, cette décision est susceptible d’un appel au Tribunal Arbitral du Sport (TAS). L’appel devra être interjeté dans un délai de 21 jours à compter de la notification de la décision et devra comprendre tous les éléments figurant au point 2 des directives émanant du TAS, dont copie est jointe à la présente. L’appelant dispose de 10 jours supplémentaires à compter de l’expiration du délai de recours pour déposer son mémoire d’appel contenant une description des faits et des arguments légaux fondant le recours (cf. point 4 des directives annexées).
L'adresse complète du Tribunal Arbitral du Sport est la suivante :
Avenue de Beaumont 2, 1012 Lausanne, Suisse
Tél : +41 21 613 50 00
e-mail : info@tas-cas.org
Au nom de la
Chambre de Résolution des Litiges
__________________________
Omar Ongaro
Directeur de la sous-division
Réglementation du Football
Annexe : Directives du TAS
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