F.I.F.A. – Dispute Resolution Chamber / Camera di Risoluzione delle Controversie – labour disputes / controversie di lavoro (2018-2019) – fifa.com – atto non ufficiale – Decision 7 mars 2019
Décision de la
Chambre de Résolution des Litiges
ayant siégé, le 7 mars 2019 à Zurich, en Suisse,
composée comme suit :
Geoff Thompson (Angleterre), President
Stijn Boeykens (Belgique), membre
Tomislav Kasalo (Croatie), membre
Daan de Jong (Pays-Bas), membre
Elvis Chetty (Seychelles), membre
dans l’affaire opposant le joueur,
Joueur A, Pays B
ci-après, le demandeur
au club,
Club C, Pays D
ci-après, le défendeur
concernant un litige contractuel survenu entre les parties
I. Faits
1. Le 10 juillet 2017, le joueur du Pays B, Joueur A (ci-après : le joueur ou le demandeur) et le club du Pays D, Club C (ci-après : le club ou le défendeur) ont signé un contrat de travail (ci-après : le contrat) valable à compter de la date de signature jusqu'au 30 juin 2019.
2. Selon l’art. 3 du contrat, « le club bénéficie d’une saison optionnelle supplémentaire définie par le présent contrat pour la saison 2019/2020, pour en bénéficier, le club devra dûment notifier au joueur par lettre recommandée avec accusé de réception avant le 31 mars 2019 sa volonté de lever l’option ».
3. En application de l’art. 4 du contrat, le demandeur était, inter alia, en droit de recevoir la rémunération suivante :
Pour la saison sportive 2017/2018, le montant total de USD 500,000 ainsi qu’une « prime de signature » de USD 100,000, le tout payable comme suit :
- USD 150,000 à la signature du contrat ;
- USD 150,000 dans un délai de 20 jours à compter de la signature du contrat ;
- USD 300,000 payable en 12 versements mensuels d’une valeur de USD 25,000 chacun, de juillet 2017 à juin 2018 ;
Pour la saison sportive 2018/2019, le montant total de USD 500,000 payable comme suit :
- USD 25,000 au plus tard le 5 août 2018 ;
- USD 25,000 au plus tard le 5 septembre 2018 ;
- USD 200,000 au plus tard le 16 septembre 2018 ;
- USD 250,000 payable en 10 versements d’une valeur de USD 25,000 chacun, de septembre 2018 à juin 2019 ;
Pour la saison sportive 2019/2020, le montant total de USD 500,000 « si le club lève l’option de renouvellement pour une troisième saison » payable comme suit :
- USD 25,000 au plus tard le 5 août 2019 ;
- USD 25,000 au plus tard le 5 septembre 2019 ;
- USD 200,000 au plus tard le 16 septembre 2019 ;
- USD 250,000 payable en 10 versements d’une valeur de USD 25,000 chacun, de septembre 2019 à juin 2020.
4. Le contrat prévoyait en outre que le demandeur avait droit à un appartement fourni par le défendeur.
5. Conformément à l’art. 4.1 du contrat, « tout retard de paiement, et plus particulièrement les échéances de juillet 2017 (conditionnée à la réception du CIT sous 20 jours), du 16 septembre 2018 et du 16 septembre 2019, entraineront la rupture immédiate du contrat entre les parties aux torts exclusifs du club et le paiement de l’ensemble des salaires dû au joueur si le contrat avait été exécuté jusqu’à son terme, années optionnelles incluses, sur simple notification du joueur ou de son représentant au club, par fax, ou par mail, le club confirme l’exactitude de l’adresse mail et du numéro de télécopie ci-dessus ».
6. Selon l’art. 5 du contrat, « Le non-respect par le joueur de l’une de ces conditions entraine la résiliation du contrat par le club sans que le joueur puisse prétendre à une quelconque indemnité, tout en préservant le droit du club de demander un dédommagement ».
7. Le 4 octobre 2017, le demandeur et le défendeur ont signé un document intitulé « Avenant de suspension de contrat d’engagement professionnel » (ci-après : l’avenant), lequel prévoit de suspendre temporairement le contrat en raison d’une blessure subit par le joueur pendant un match avec son équipe nationale. Selon l’article 3 de l’avenant, « le présent avenant prend effet à la signature et expire immédiatement au retour du joueur à l’activité sportive et à la compétition », mais pas avant le 30 juin 2018.
8. Selon l’avenant, le demandeur a subi une grave blessure lors d’un match avec son équipe nationale du Pays B e le 6 septembre 2017, laquelle nécessitait une intervention chirurgicale et l’empêchait de jouer pour le club d’ici la fin de la saison sportive 2017/2018.
9. Conformément à l’avenant, « Le club s'engage à prendre en charge l'opération chirurgicale, le suivie, et la rééducation du joueur. Le club s'engage, durant toute la période de suspension, à verser au joueur les salaires mensuels fixés à l'article 4 du contrat d'engagement, ainsi que son logement ».
10. Le 22 novembre 2017, le demandeur envoyait une mise en demeure au défendeur par laquelle il lui réclamait le paiement de la somme totale de USD 350,000, correspondant i) aux deux versements de USD 150,000 chacun, dus respectivement à la date de signature du contrat ainsi que 20 jours après cette date et ii) aux salaires de juillet et août 2017, à hauteur de USD 25,000 chacun. Le demandeur a donné un délai de 10 jours au défendeur pour payer ladite somme. Dans sa mise en demeure, le demandeur a également soutenu qu'en raison de la faute du défendeur, il n'a pas pu bénéficier du programme “FIFA’s club protection program” et qu'il n'a pas pu recevoir sa rémunération depuis sa blessure.
11. Le 2 décembre 2017, le défendeur a donné suite à la mise en demeure du demandeur, faisant valoir qu'il subissait des difficultés financières.
12. Le 4 décembre 2017, le demandeur a répondu au défendeur en faisant valoir que les deux versements d'un montant total de USD 300,000 ainsi que les salaires de juillet et août 2017 étaient dus avant sa blessure
13. Par lettre datée du 5 janvier 2018, le demandeur a résilié le contrat par écrit en faisant valoir qu'il n'avait reçu aucun des montants qui lui étaient prétendument dus et pour lesquels il avait mis le défendeur en demeure. En outre, il a ajouté qu'en raison du fait que le défendeur n'avait pas rempli les formalités administratives auprès de la FIFA, le demandeur n'avait jamais reçu aucune rémunération pendant sa période d'incapacité.
14. Le 8 janvier 2018, le demandeur a déposé une plainte contre le défendeur devant la FIFA, demandant la somme totale de USD 2,000,000, ventilée comme suit :
USD 1,600,000 à titre de rupture du contrat, « conformément à l’art. 4-1 du contrat » ;
USD 400,000 « au titre des préjudices financiers, matériels, sportifs et moraux subis du fait du comportement fautif du défendeur » ;
Le demandeur a également demandé « qu’à défaut de paiement de l’ensemble des condamnations dans les 30 jours suivant la notification de la décision à intervenir, les sommes porteront intérêt au taux de 5% l’an ».
15. Dans sa demande, le demandeur a réaffirmé qu'au moment de sa blessure, le défendeur lui devait la somme totale de USD 350,000, correspondant à i) deux primes de signature de USD 150,000 chacune et ii) deux salaires de USD 25,000 chacun. Par ailleurs, le demandeur a soutenu qu'il n'avait reçu aucune rémunération depuis le début du contrat et que, selon lui, sept salaires lui étaient dus à la date du dépôt de la présente plainte.
16. En réponse à la plainte du demandeur, le défendeur a allégué qu’il avait prétendument conclu un accord oral avec le demandeur, se mettant d’accord pour lui payer la somme de USD 82,000 comme suit :
- i) USD 30,000, payable en monnaie du Pays D le 9 mars 2018 et ii) USD 52,000, payable d’ici la fin du mois de mars 2018 au retour du joueur en Pays D. A cet égard, le club a fourni un reçu de paiement daté du 9 mars 2018 signé par le joueur, dans lequel ce dernier reconnaissait avoir reçu la somme de 75,000 « à titre d’avance sur deux mois de salaires qui s’élèvent à USD 82,000 » ;
- « et par la suite, le versement du reste des montants dus au joueur suivant un échéancier de paiement ».
Le défendeur ayant précisé qu’un accord écrit serait établi et transmis à la FIFA sous peu.
17. Dans sa réplique, le demandeur reconnaît avoir reçu la somme de 75,000 mais précise que cette somme ne couvre pas tous ses arriérés de rémunération. Le demandeur a en outre précisé qu’aucun accord n’avait été signé entre les parties. Enfin, le demandeur maintient sa demande, déduction faite des 75,000 payés par le défendeur, qui d’après le demandeur, correspondrait à la somme de USD 30,873.
18. Dans sa duplique, le défendeur réaffirme que les parties sont en pleine négociation en vue de la conclusion d’un accord à l’amiable.
19. A cet égard, le demandeur a confirmé qu’aucun accord n’avait été signé entre les parties et nie avoir reçu tout autre somme que les 75,000 de la part du défendeur.
20. Par la suite, le défendeur a soumis au dossier une correspondance non-sollicitée dans laquelle il affirme que le demandeur était toujours sous contrat avec le défendeur puisqu’il recevait un suivi médical de la part du club et que depuis le début du contrat, le demandeur avait reçu des paiements de la part du défendeur. Le défendeur a par ailleurs affirmé avoir fourni au demandeur un appartement meublé ainsi qu’une voiture.
21. Tableau récapitulatif des preuves de paiements fournies par le défendeur :
Date
Dénomination du document
Montant et devise
Motif du paiement
Document prétendûment signé par le joueur?
Pas de date
Bon de caisse
3,000
Avance / salaire août 2017
oui
04.08.2017
Reçu
1,000
avance
oui
24.08.2017
Reçu
1,500
Avance sur salaire
non
30.08.2017
Dépenses en espèces
49,000 « équivalant à USD 20,000 »
Avance sur salaire
non
06.10.2017
Dépenses en espèces
12,500 (« équivalant à USD 5,000 »)
Reste salaire
oui
09.03.2018
Reçu de paiement
75,000
Avance sur deux mois de salaires s’élevant à USD 82,000
oui
11.04.2018
Dépenses en espèces
5,000
Avance sur salaire
oui
19.04.2018
Dépenses en
3,000
Avance sur
oui espèces
salaire
01.05.2018
Dépenses en espèces
2,000
Avance sur salaire
oui
03.05.2018
Dépenses en espèces
17,205
Complément 2 mois de salaires
oui
No Date
chèque
26,000
aucun
oui
20.06.2018
Dépenses en espèces
15,000
Avance sur salaire
oui
28.06.2018
Reçu de paiement
40,000
2 chèques de 35,000 et 5,000 comme avance sur le salaire de mai 2018
oui
24.07.2018
Reçu de paiement
20,000
Avance sur salaire
oui
03.08.2018
Reçu de paiement
15,000
Avance sur salaire
oui
18.08.2018
Dépenses en espèces
500
Avance sur le salaire d’août 2018
oui
Montant total:
285,705 (approximativement USD 94,367)
22. Dans ce contexte, et en raison des nouveaux documents fournis par le défendeur, l’administration de la FIFA a donc demandé au demandeur de fournir ses commentaires sur les nouveaux documents transmis par le défendeur.
23. En réponse aux nouveaux documents soumis par le défendeur, le demandeur a fait valoir qu'en supposant que les preuves de paiement soumises étaient réelles, le montant total payé au joueur serait de139,205, ce qui, selon lui, correspondrait à USD 50,000. En conséquence, le demandeur a affirmé que jusqu'au 5 septembre 2018, la somme de USD 550,0000 était encore due depuis le début du contrat.
24. Le demandeur a par la suite ajouté qu'il n'était pas revenu au club pour jouer, mais pour essayer de régler la dette due par le défendeur. En outre, le demandeur allègue qu'il s'est inscrit à une salle de gym indépendante et prétend que le défendeur ne l'a pas aidé à se remettre en forme. Par ailleurs, le demandeur a également souligné que son suivi médical devait se faire au Pays E et non avec le défendeur.
25. En ce qui concerne l'appartement et la voiture fournis par le défendeur, le demandeur a fait valoir que la mise à disposition de l’appartement était une obligation contractuelle du défendeur et qu'une voiture avait été fournie à tous les joueurs.
26. Enfin, le demandeur a souhaité modifier sa demande d'indemnisation pour un montant total de USD 1,550,000 en application de l'art. 4.1 du contrat.
27. Dans ses commentaires finaux, le défendeur a soutenu que le demandeur avait manqué plusieurs examens médicaux et n'avait pas suivi les plans du médecin du club. Le défendeur a enfin réitéré ses arguments précédents.
28. Selon les informations contenues dans le système de régulation des transferts (ci-après : TMS), le demandeur et le club du Pays E, club F, ont signé un contrat de travail, valable du 2 janvier 2019 jusqu’au 30 juin 2019, prévoyant une rémunération mensuelle de 10,000.
II. Considérants de la Chambre de Résolution des Litiges
1. En premier lieu, la Chambre de Résolution des Litiges (ci-après : la Chambre ou la CRL) a analysé si elle était compétente pour traiter le présent litige. A cet égard, elle a pris note que la présente demande a été soumise à la FIFA le 8 janvier 2018. Par conséquent, la CRL a conclu que l’édition 2018 du Règlement de la Commission du Statut du Joueur et de la Chambre de Résolution des Litiges (ci-après : les Règles de procédure) était applicable au présent litige (cf. art. 21 des Règles de procédure).
2. Par la suite, la Chambre s’est référée à l’art. 3 al. 1 des Règles de procédure et a confirmé qu’en application de l’art. 24 al. 1 et de l’art. 22 let. b) du Règlement du Statut et du Transfert des Joueurs (édition juin 2018), elle est l’organe décisionnel compétent pour connaître du présent litige contractuel à dimension internationale entre un joueur du Pays B et un club du Pays D.
3. En outre, la CRL a analysé quelle édition du Règlement du Statut et du Transfert des Joueurs (ci-après : le Règlement) est applicable quant au droit matériel. A cet égard, elle s’est référée, d’une part, à l’article 26 al. 1 et 2 du Règlement (édition juin 2018) et, d’autre part, au fait que la plainte ait été déposée auprès de la FIFA le 8 janvier 2018. Au vu de ce qui précède, la CRL a conclu que l’édition 2018 du Règlement est applicable au présent litige quant au droit matériel.
4. Une fois sa compétence et la réglementation applicable établies, la CRL a statué sur le fond du litige. Ce faisant, elle a tout d’abord rappelé les faits mentionnés ci-dessus et étudié la documentation apportée au dossier. Toutefois, la Chambre a souligné que dans les considérants qui suivent, elle ne se référera qu’aux faits, arguments et à la documentation pertinents pour l’analyse de la présente affaire. En particulier, la Chambre a tenu a rappelé qu’en application de l’art. 6 par. 3 de l’Annexe 3 du Règlement, la FIFA peut utiliser, dans le cadre des procédures relatives à l'application du Règlement, tout document ou toute preuve générées ou contenue dans le Système de Régulation des Transferts (TMS).
5. Cela étant, la CRL a observé qu’en date du 10 juillet 2017, les parties au litige ont signé un contrat de travail, valable de la date de signature jusqu’au 30 juin 2019, en vertu duquel le joueur était, inter alia, en droit de recevoir la rémunération suivante :
Pour la saison sportive 2017/2018, le montant total de USD 500,000 ainsi qu’une « prime de signature » de USD 100,000, le tout payable comme suit :
- USD 150,000 à la signature du contrat ;
- USD 150,000 dans un délai de 20 jours à compter de la signature du contrat ;
- USD 300,000 payable en 12 versements mensuels d’une valeur de USD 25,000 chacun, de juillet 2017 à juin 2018 ;
Pour la saison sportive 2018/2019, le montant total de USD 500,000 payable comme suit :
- USD 25,000 au plus tard le 5 août 2018 ;
- USD 25,000 au plus tard le 5 septembre 2018 ;
- USD 200,000 au plus tard le 16 septembre 2018 ;
- USD 250,000 payable en 10 versements d’une valeur de USD 25,000 chacun, de septembre 2018 à juin 2019 ;
6. Par ailleurs, la Chambre a observé que le joueur avait également droit en vertu du contrat, à la mise à disposition d’un appartement par le défendeur.
7. La Chambre a ensuite observé que le 4 octobre 2017, le demandeur et le défendeur avait signé un document intitulé « avenant de suspension de contrat d’engagement professionnel », lequel prévoyait de suspendre temporairement le contrat du joueur en raison d’une blessure subit par ce dernier pendant un match avec son équipe nationale. La CRL a également noté que selon l’art. 3 de l’avenant, « le présent avenant prend effet à la signature et expire immédiatement au retour du joueur à l’activité sportive et à la compétition », mais pas avant le 30 juin 2018.
8. Par la suite, la Chambre a pris note que conformément à l’avenant, « Le club s'engage à prendre en charge l'opération chirurgicale, le suivie, et la rééducation du joueur. Le club s'engage, durant toute la période de suspension, à verser au joueur les salaires mensuels fixés à l'article 4 du contrat d'engagement, ainsi que son logement ».
9. La chambre a ensuite observé que le 5 janvier 2018, le demandeur avait résilié unilatéralement et prématurément le contrat par écrit, après avoir mis en demeure le défendeur le 22 novembre 2017, considérant n’avoir reçu aucune rémunération depuis le début de son contrat.
10. La Chambre a également noté qu’en date du 8 janvier 2018, le demandeur a déposé une plainte à l’encontre du défenseur devant la FIFA affirmant avoir mis fin au contrat le 5 janvier 2018, dès lors que le club avait manqué à son obligation de lui verser toute sa rémunération due depuis le début du contrat jusqu’à sa blessure. En outre, le demandeur estimait qu’à la date du dépôt de la plainte, sept salaires lui étaient dus.
11. La Chambre a observé dans un deuxième temps que d’après le club, les parties avaient prétendument conclu un accord oral en vertu duquel le défendeur s’était engagé à verser au demandeur la somme de USD 82,000 (cf. point I.16 ci-dessus). En outre, la Chambre a noté que le défendeur aurait versé au demandeur, en vertu de ce prétendu accord, la somme de 75,000.
12. La Chambre a ensuite observé que le demandeur avait reconnu avoir reçu la somme de 75,000, équivalant selon les calculs du demandeur à USD 30,873, mais qu’aucun accord n’avait été signé entre les parties.
13. Par la suite, la Chambre a pris note que le défendeur avait soumis au dossier une correspondance non-sollicitée dans laquelle ce dernier affirmait que le demandeur était toujours sous contrat avec le défendeur puisqu’il recevait un suivi médical de la part du club et que depuis le début du contrat, le demandeur continuait de recevoir des paiements de sa part. Par ailleurs, le défendeur affirmait avoir fourni au demandeur un appartement meublé ainsi qu’une voiture. A cet égard, la Chambre a noté que le défendeur joignait à sa correspondance diverses preuves de paiement (cf. point I.21 ci-dessus).
14. En réponse à la demande de prise de position supplémentaire sur les nouveaux documents transmis par le défendeur, la CRL a pris note que le demandeur déclarait ne pas être revenu dans le club pour y jouer mais pour tenter de régler la dette due par le défendeur. Par ailleurs, la Chambre a noté que le demandeur alléguait qu’en supposant que les preuves de paiement soumises par le défendeur étaient réelles, le montant total payé au demandeur ne serait que de 139,205, équivalant selon le demandeur à la somme de USD 50,000.
15. La CRL a par ailleurs pris note de l’argumentation du demandeur, lequel alléguait que la mise à disposition de l’appartement était une obligation contractuelle du défendeur et qu’une voiture avait également été fournie à tous les autres joueurs de l’équipe.
16. Au vu des allégations et arguments présentés par chacune des parties, la Chambre a considéré qu’en l’espèce, il convenait d’établir, dans un premier temps, si le demandeur avait réellement mis fin au contrat qui le liait au défendeur en date du 5 janvier 2018.
17. La Chambre a tenu à rappeler que par lettre datée du 5 janvier 2018, le joueur avait unilatéralement et prématurément résilié le contrat qui le liait au défendeur. Toutefois, la Chambre a également tenu compte des allégations du défendeur, lequel affirmait d’une part, que le joueur était revenu au sein du club, et d’autre part, que le joueur avait continué à être soigné, rémunéré et logé par celui-ci et avait également utilisé la voiture mise à disposition par le club, après la prétendue résiliation du contrat en date du 5 janvier 2018.
18. La Chambre a également pris note que le demandeur niait être revenu dans le club pour y jouer et que celui-ci ne contestait pas formellement avoir reçu les montants payés par le défendeur, tels que mentionnés au point I.21 ci-dessus. En outre, la CRL a noté que le demandeur considérait que la mise à disposition de l’appartement et de la voiture était une obligation contractuelle du club envers tous les joueurs.
19. A ce stade, la Chambre a souhaité rappeler aux parties le principe de la charge de la preuve, tel qu’établi par l’art. 12 par. 3 des Règles de procédures, selon lequel la charge de la preuve incombe à la partie qui invoque un droit découlant d’un fait qu’elle allègue. En application de ce principe, la Chambre a noté qu’en l’espèce, la charge de la preuve incombe au défendeur, à qui il appartient dès lors d’établir les allégations précitées.
20. Dans ce contexte, la Chambre a tout d’abord pris note de l’ensemble de la documentation soumise au dossier par les parties ainsi que des preuves de paiements présentées par le défendeur au soutien de ses allégations.
21. Dans ce contexte, la Chambre a tout d’abord souhaité relever l’attitude contradictoire et confuse des parties dans l’établissement des faits dans la présente affaire. La Chambre a par ailleurs noté que les paiements prétendument effectués par le défendeur ont été effectués d’une manière chaotique, rendant impossible pour les membres de la Chambre de pouvoir rattacher chacun de ces paiements aux montants dus au demandeur selon le contrat de travail. En outre, la Chambre a relevé que le demandeur s’était montré particulièrement évasif dans ses explications, ne contestant pas formellement les paiements effectués par le défendeur et ne contestant pas avoir fait usage et avoir profité des avantages en nature accordés par le défendeur, en particulier la mise à disposition d’un appartement et d’une voiture.
22. Au vu de ce qui précède, tout en prenant en considération l’attitude générale des parties, en particulier celle du demandeur, la Chambre a considéré que de par son comportement, le demandeur a agi comme s’il était toujours sous contrat avec le défendeur après la prétendue résiliation du contrat en date du 5 janvier 2018. En particulier, la Chambre a considéré que sur la base de la documentation présentée par le défendeur, le joueur était apparemment retourné au club, avait reçu un suivi médical du club suite à sa blessure, avait reçu certains paiements du club et avait profité des avantages en nature accordés par le club, après la prétendue résiliation du contrat en date du 5 janvier 2018.
23. En prenant en compte les éléments précédents, la Chambre en est venue à la conclusion qu’elle ne pouvait établir avec certitude que le contrat de travail conclu entre les parties avait été résilié le 5 janvier 2018.
24. La Chambre a donc par la suite cherché à établir si et à quelle date le contrat avait été rompu et le cas échéant, par qui.
25. A cet égard, le CRL s’est premièrement appuyée sur les éléments disponibles dans le dossier mais aussi sur les éléments disponibles dans le TMS. Dès lors, la CRL a pris note que, selon les informations disponibles dans le TMS, le demandeur et le club du Pays E, club F, avaient signé un contrat de travail valable du 2 janvier 2019 au 30 juin 2019.
26. Compte tenu des considérations qui précèdent, la Chambre a considéré que le contrat avait été rompu de facto par le demandeur le 2 janvier 2019, date à laquelle le demandeur a signé un nouveau contrat de travail avec le club du Pays E, club F.
27. Dans ce contexte, la CRL a observé que sur la base de toute la documentation disponible, il apparaissait que le demandeur avait quitté le défendeur à la fin du mois de décembre 2018 sans aucun préavis. En outre, la CRL a noté que le demandeur n’avait pas contesté être revenu au club après la date du 5 janvier 2018 et avoir reçu du défendeur les paiements tels qu’indiqués par le défendeur (cf. point I.21. ci-dessus). En outre, la Chambre a également noté que le demandeur n’avait pas contesté avoir continué à profiter des avantages en nature accordés par le défendeur après la date du 5 janvier 2018 et ce, jusqu’à son départ du club à la fin du mois de décembre 2018.
28. Par conséquent, les membres de la CRL ont conclu que de par son départ du club et de par la signature du nouveau contrat avec le club du Pays E, club F, le demandeur avait perdu tout intérêt dans la poursuite de sa relation contractuelle avec le défendeur. Par ailleurs, la Chambre a souligné que le demandeur n’avait pas adressé de nouvelle mise en demeure au défendeur après celle qui fut envoyée le 22 novembre 2017.
29. En conséquence, la Chambre a conclu que pour toutes les raisons précitées, et en tenant compte du fait que le demandeur ait mis fin au contrat de travail, sans aucun préavis, près d’un an après sa prétendue lettre de résiliation datée du 5 janvier 2018, la demande de compensation du demandeur pour rupture de contrat devait être rejetée.
30. Cela étant dit, la Chambre a toutefois observé qu’il apparaissait que le demandeur était resté au club jusqu’à la fin du mois de décembre 2018, puisqu’en date du 2 janvier 2019, celui-ci avait signé un nouveau contrat de travail avec le club du Pays E, club F. Par ailleurs, la Chambre a souligné que le défendeur ne niait pas avoir des arriérés de salaires envers le demandeur. Dès lors, la Chambre s’est attelée à déterminer le montant exact des arriérés de ré
31. Dans ce contexte, la CRL a tenu à rappeler qu’en application du contrat, le demandeur était, inter alia, en droit de recevoir pour la saison sportive 2017-2018 une rémunération totale de USD 600,000, et pour la saison sportive 2018-2019 une rémunération totale de USD 500,000 payable comme suit :
USD 25,000 au plus tard le 5 août 2018 ;
USD 25,000 au plus tard le 5 septembre 2018 ;
USD 200,000 au plus tard le 16 septembre 2018 ;
USD 250,000 payable en 10 versements d’une valeur de USD 25,000 chacun, de septembre 2018 à juin 2019.
32. Par la suite, et afin de calculer le montant exact des arriérés de salaires dus au demandeur, la Chambre a décidé de prendre en considération tous les montants dus au demandeur en vertu du contrat à compter de la date de signature dudit contrat jusqu’à la fin du mois de décembre 2018 (i.e. lorsque le joueur a quitté le club et a signé un nouveau contrat avec le club du Pays E, club F), déduction faite des montants que le défendeur prétend avoir payé au demandeur durant cette même période et que le demandeur n’a pas formellement contesté.
33. Dans ce contexte, la CRL a estimé que le club aurait dû payé au demandeur le montant totale de USD 950,000 à compter de la date de signature du contrat, jusqu’au départ effectif du joueur, à la fin du mois de décembre 2018.
34. La Chambre a par la suite analysé les preuves de paiements fournies par le défendeur, lesquelles non pas été formellement contestées par le demandeur. En ce sens, et en l’absence de contestation formelle du demandeur, la CRL en a donc déduit que le montant total de 285,705 avait été payé au demandeur et a déterminé que ce montant correspondait approximativement à USD 94,000.
35. Dès lors et conformément au principe pacta sunt servanda, la Chambre a conclu que sur la somme totale de USD 950,000 qui était due au demandeur pour la période concernée, seul le montant de USD 94,000 lui avait été payé et que par conséquent la différence était due au demandeur à titre d’arriérés de rémunération, soit un montant total de USD 856,000. Par conséquent, la demande du demandeur est partiellement acceptée.
36. Enfin, s’agissant de la demande du demandeur de déclarer « qu’à défaut de paiement de l’ensemble des condamnations dans les 30 jours suivant la notification de la décision à intervenir, les sommes porteront intérêt aux taux de 5% l’an », la Chambre a considéré que la demande du demandeur n’était pas une demande d’intérêt de retard et, par conséquent, ne devait pas être prise en compte.
37. La Chambre a enfin déclaré que toute autre demande formulée par le demandeur est rejetée.
III. Décision de la Chambre de Résolution des Litiges
1. La demande du demandeur, Joueur A, est partiellement acceptée.
2. Le défendeur, le Club C, doit payer au demandeur, dans un délai de 30 jours à compter de la date de notification de la présente décision, la somme de USD 856,000 à titre d’arriérés de rémunération.
3. Si la somme susmentionnée n’est pas payée dans le délai imparti tel qu’indiqué ci-avant, des intérêts à hauteur de 5% par année seront appliqués et ce dès l’échéance du délai mentionné précédemment et le cas sera soumis, sur demande, à la Commission de Discipline de la FIFA pour considération et décision.
4. Toute autre demande formulée par le demandeur est rejetée.
5. Le demandeur s’engage à communiquer immédiatement et directement au défendeur le numéro de compte bancaire sur lequel le virement des sommes précitées doit être effectué et à informer la Chambre de Résolution des Litiges de tous paiements effectués par le demandeur.
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Note concernant la décision motivée (Voie de droit) :
Conformément à l’article 58 alinéa 1 des Statuts de la FIFA, cette décision est susceptible d’un appel au Tribunal Arbitral du Sport (TAS). L’appel devra être interjeté dans un délai de 21 jours à compter de la notification de la décision et devra comprendre tous les éléments figurant au point 2 des directives émanant du TAS, dont copie est jointe à la présente. L’appelant dispose de 10 jours supplémentaires à compter de l’expiration du délai de recours pour déposer son mémoire d’appel contenant une description des faits et des arguments légaux fondant le recours (cf. point 4 des directives annexées).
L'adresse complète du Tribunal Arbitral du Sport est la suivante :
Tribunal Arbitral du Sport
Avenue de Beaumont 2
1012 Lausanne
Suisse
Tél : +41 21 613 50 00
e-mail : info@tas-cas.org
Au nom de la
Chambre de Résolution des Litiges :
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Emilio García Silvero
Directeur Juridique et Conformité
Pièces jointes : Directives du TAS