F.I.F.A. – Dispute Resolution Chamber / Camera di Risoluzione delle Controversie – labour disputes / controversie di lavoro (2019-2020) – fifa.com – atto non ufficiale – Decision 10 février 2020

Décision
du juge de la
Chambre de Résolution des Litiges
Rendue à Zurich, Suisse, le 10 février 2020,
par Daan de Jong (Pays-Bas),
Juge de la CRL
au sujet d’une plainte soumise par le joueur,
Serigne Fall Mourtada, Sénégal
représenté par M. Thomas Spee
ci-après, le demandeur
à l’encontre du club,
Maghreb Atletic de Tétouan, Maroc
ci-après, le défendeur
concernant un litige contractuel entre les parties
I. Faits
1. Le demandeur et le défendeur (ci-après : les parties) ont conclu un contrat de travail, valable du 20 septembre 2017 au 30 juin 2018 (ci-après : le contrat).
2. En vertu de l’art. 5 du contrat, le demandeur était en droit de recevoir un salaire mensuel net de 25,000 Dirhams Marocains (MAD), ainsi qu’une prime de signature de MAD 1,100,000, payable comme suit :
 MAD 550,000 lors de la signature du contrat ;
 MAD 550,000 au mois de février 2018.
3. Par ailleurs, le demandeur était également en droit de recevoir une prime de match. Selon l’art. 5 al. C. du contrat, « le montant de prime est fixé par le barème établi par le club et qui est fonction de la participation du joueur et des résultats obtenus lors de chacune des rencontres officielles des compétitions suivantes :
 Championnat du Maroc ;
 Coupe du Trône ;
 Compétitions CAF, UAFA, FIFA ».
4. Enfin, le contrat disposait que le demandeur « se verrait attribuer un logement par le club (…) ».
5. En date du 10 janvier 2019, le demandeur a mis le défendeur en défaut de payer dans un délai de 10 jours ouvrables le montant total de MAD 625,000, correspondant à la deuxième tranche de la prime de signature et aux salaires des mois d’avril, mai et juin 2018.
6. Par une deuxième mise en demeure datée du 15 mai 2019, le demandeur a réitéré sa demande et a octroyé un nouveau délai de 10 jours au défendeur pour le paiement de MAD 625,000.
7. Dans un courrier daté du 28 mai 2019, le défendeur a soulevé les difficultés financières rencontrées par ce dernier et a invité le demandeur à débuter « des négociations avec nous afin de trouver une solution qui permettrait de garantir les droits de Mr Fall et de préserver l’équilibre financier du club. »
8. Le 5 juillet 2019, le demandeur a porté plainte contre le défendeur devant la FIFA pour arriérés de paiements, réclamant le montant total de MAD 625,000, se décomposant comme suit :
 MAD 550,000 correspondant à la deuxième tranche de la prime de signature, payable en février 2018 en vertu de l’art. 5 du contrat ;
 MAD 75,000 correspondant aux salaires d’avril, mai et juin 2018.
9. Le demandeur a par ailleurs demandé des intérêts à hauteur de 5% par année sur le paiement des arriérés de rémunération, applicable à partir des différentes échéances de paiement respectives. Enfin, le demandeur a demandé l’imposition de sanctions sportives à l’encontre du défendeur.
10. Dans sa plainte, le demandeur a soutenu que, bien que le contrat ait été entièrement exécuté, le défendeur a manqué à ses obligations financières en ne lui payant pas le montant total de MAD 625,000, et ce malgré les deux mises en demeure adressées au défendeur.
11. Dans sa réponse à la plainte, le défendeur a estimé pour sa part, qu'il avait tenté en vain de trouver un accord à l'amiable avec le demandeur.
12. En outre, le défendeur a affirmé qu'une sanction disciplinaire avait été imposée au demandeur en raison d'absences injustifiées entre le 7 et le 13 janvier 2018 ainsi que le 15 janvier 2018. A cet égard, le défendeur a fourni des feuilles de présence des sessions d’entrainement aux dates susmentionnées.
13. Dans ce contexte, le défendeur a fait valoir qu'une amende de MAD 200,000 avait été imposée au demandeur et a demandé que cette amende soit déduite du montant restant dû au demandeur. A cet égard, le défendeur a présenté un document intitulé « Rapport de réunion du conseil de discipline et de l’esprit collectif », stipulant qu’à la suite de réunions tenues les 22 janvier et 3 février 2018 auxquelles le demandeur avait assisté, il avait été décidé d’infliger une amende de MAD 200,000 au demandeur pour absences injustifiées.
14. Dans sa réplique, le demandeur a catégoriquement nié avoir été informé de la procédure disciplinaire engagée contre lui et a affirmé qu'il n'avait pas été invité à l'audience disciplinaire. Par ailleurs, le demandeur a affirmé qu'il n'avait jamais été absent sans l'autorisation du défendeur.
15. Enfin, le demandeur a affirmé qu'il n'avait jamais reçu de communication ou d’avertissement de la part du défendeur concernant ses prétendues absences.
16. Dans sa duplique, le défendeur a réitéré le contenu de sa réponse et a tenu à préciser que la convocation avait été remise au demandeur par le biais d’un huissier et que le demandeur avait bien assisté à l’audience disciplinaire.
17. Le défendeur a en outre précisé que le demandeur avait invoqué une obligation « de prolonger son séjour au Sénégal pour des raisons familiales » comme motif de son absence.
II. Considérants du juge de la Chambre de Résolution des Litiges
1. En premier lieu, le juge de la Chambre de Résolution des Litiges (ci-après : le juge ou le juge de la CRL) a analysé s’il était compétent pour traiter le présent litige. A cet égard, il a pris note que la présente demande a été soumise à la FIFA le 5 juillet 2019. Par conséquent, le juge a conclu que l’édition 2018 du Règlement de la Commission du Statut du Joueur et de la Chambre de Résolution des Litiges (ci-après : les Règles de procédure) était applicable au présent litige (cf. art. 21 des Règles de procédure).
2. Par la suite, le juge s’est référé à l’art. 3 al. 1 des Règles de procédure et a confirmé qu’en application de l’art. 24 al. 1 et 2 et de l’art. 22 let. b) du Règlement du Statut et du Transfert des Joueurs (édition 2020), il constitue l’organe décisionnel compétent pour connaître des litiges contractuels entre un joueur sénégalais et un club marocain comportant une dimension internationale.
3. En outre, le juge a analysé quelle édition du Règlement du Statut et du Transfert des Joueurs (ci-après : le Règlement) est applicable quant au droit matériel. A cet égard, le juge s’est référé, d’une part, à l’art. 26 al. 1 et 2 du Règlement (édition 2020) et, d’autre part, au fait que la plainte ait été déposée auprès de la FIFA le 5 juillet 2019. Au vu de ce qui précède, le juge de la CRL a conclu que l’édition de juin 2019 du Règlement est applicable au présent litige quant au droit matériel.
4. Une fois sa compétence et la réglementation applicable établies, le juge a statué sur le fond du litige. Ce faisant, il a tout d’abord rappelé les faits mentionnés ci-dessus et étudié la documentation apportée au dossier. Toutefois, le juge a souligné que dans les considérants qui suivent, il ne se référera qu’aux faits, arguments et à la documentation pertinents pour l’analyse de la présente affaire.
5. Prenant en compte les considérations mentionnées précédemment, le juge a noté que les parties au litige ont signé un contrat de travail valable du 20 septembre 2017 au 30 juin 2018, en vertu duquel le demandeur était, inter alia, en droit de recevoir du défendeur un salaire mensuel net de MAD 25,000, ainsi qu’une prime de signature de MAD 1,100,000, payable en deux fois. Le juge a également noté que le demandeur était en droit de recevoir des primes de matchs et des avantages en nature.
6. Le juge a observé que le demandeur a mis le défendeur en défaut de paiement à deux reprises, pour le montant total de MAD 625,000. Le juge a également noté que le défendeur a invoqué ses difficultés financières pour justifier le non-paiement dudit montant.
7. Par ailleurs, le juge a noté que le demandeur a déposé une plainte à l’encontre du défendeur devant la FIFA, affirmant que le défendeur avait manqué à son obligation de lui verser sa rémunération due, pour une valeur de MAD 625,000, correspondant à la moitié de la prime de signature et à trois mois de salaire. A cet égard, le juge a rappelé que le demandeur exige uniquement le paiement de la deuxième tranche de la prime de signature, i.e. MAD 550,000, due en février 2018 en vertu de l’art. 5 du contrat.
8. Tout d’abord, le juge a observé que le défendeur n’a ni contesté, ni fourni d’éléments permettant de prouver que lesdits montants avaient été versés au demandeur.
9. Le juge a ensuite souhaité rappeler aux parties le principe de la charge de la preuve, tel qu’établi par l’art. 12 al. 3 des Règles de procédure, selon lequel la charge de la preuve incombe à la partie qui invoque un droit découlant d’un fait qu’elle allègue. En application de ce principe, le juge a tenu à préciser qu’en l’espèce, la charge de la preuve incombe au défendeur, à qui il appartient dès lors d’établir qu’il disposait d’une raison valable de nature à justifier le non-paiement des montants précités.
10. A cet égard, le juge a noté les arguments du défendeur, lequel invoque des difficultés financières et affirme qu’une amende disciplinaire de MAD 200,000 a été imposée au demandeur en raison d'absences injustifiées entre le 7 et le 13 janvier 2018 ainsi que le 15 janvier 2018. Dans ce contexte, le juge a observé que, selon le défendeur, la convocation à l’audience a été remis au demandeur par le biais d’un huissier et que le demandeur était présent à ladite audience.
11. D’autre part, le juge a observé que le demandeur a contesté les absences soulevées par le défendeur et a nié avoir été convoqué à l’audience disciplinaire. Dans ce contexte, le juge a également pris note de la position du demandeur, selon lequel le défendeur ne l’aurait jamais informé ou averti desdites absences avant l’ouverture d’une procédure disciplinaire.
12. Au vu de ce qui précède, le juge a considéré que le défendeur n’avait pas fourni de raisons valables pouvant justifier le non-paiement des salaires et de la prime de signature. Par ailleurs, le juge a souligné que les éléments présentés par le défendeur en lien avec l'amende infligée au demandeur, ne permettaient pas de démontrer si une procédure régulière avait réellement été suivie. En particulier, le juge a insisté sur le fait qu’il n’avait pas été démontré que le demandeur avait eu la possibilité de présenter sa position dans le cadre de ladite procédure.
13. En outre, le juge a tenu à rappeler que l'imposition d'une amende, ou de toute autre sanction financière, ne doit pas être utilisée par les clubs comme un moyen de compenser les obligations financières non réglées envers les joueurs.
14. Ainsi, au vu de ce qui précède, le juge de la CRL a considéré que le défendeur avait manqué à ses obligations financières. Dès lors et conformément au principe pacta sunt servanda, le juge a conclu que la moitié de la prime de signature, ainsi que les salaries du demandeur pour les mois d’avril, mai et juin 2018 étaient dus à titre d’arriérés de rémunération, soit un montant total de MAD 625,000.
15. Compte tenu de la demande du demandeur, le juge a décidé que le défendeur devait verser au demandeur des intérêts de 5 % par année sur le montant de MAD 625,000 à compter des différentes échéances jusqu'à la date effective de paiement.
16. En outre, le juge a fait référence à l'art. 24bis al. 1 et 2 du Règlement, qui stipule que, dans sa décision, l'organe de décision compétent de la FIFA statue également sur les conséquences découlant du défaut de paiement dans les délais impartis, par la partie concernée, des montants de la rémunération et/ou de l'indemnité due.
17. À cet égard, le juge a souligné que, à l'encontre des clubs, la conséquence du défaut de paiement des montants dus dans les délais impartis, consiste en l'interdiction de recruter des nouveaux joueurs, que ce soit au niveau national ou international, jusqu'au paiement des montants dus et pour la durée maximale de trois périodes d'enregistrement complètes et consécutives.
18. Par conséquent, compte tenu de ce qui précède, le juge de la CRL a décidé que, dans le cas où le défendeur ne paie pas les montants dus au demandeur dans un délai de 45 jours à compter de la date de notification par le demandeur des informations bancaires permettant au défendeur de procéder au paiement, le défendeur se verra interdit de recruter des nouveaux joueurs, au niveau national ou international, jusqu’à ce que les sommes dues soient payées, et pour une durée maximale de trois périodes d’enregistrement entières et consécutives, conformément à l'art. 24bis al. 2 et 4 du Règlement.
19. Enfin, le juge a rappelé que l'interdiction susmentionnée sera levée immédiatement, dès le paiement du montant dû, conformément à l'art. 24bis al. 3 du Règlement.
III. Décision du juge de la Chambre de Résolution des Litiges
1. La demande du demandeur, Serigne Fall Mourtada, est acceptée.
2. Le défendeur, Maghreb Atletic de Tétouan, doit payer au demandeur la somme de MAD [Dirhams marocains] 625,000 à titre d’arriérés de rémunération, majorée d’un intérêt de 5% par année et jusqu’à parfait paiement, dû à compter des dates suivantes :
a. 5% p.a. à compter du 1er mars 2018 sur la somme de MAD 550,000 ;
b. 5% p.a. à compter du 1er mai 2018 sur la somme de MAD 25,000 ;
c. 5% p.a. à compter du 1er juin 2018 sur la somme de MAD 25,000 ;
d. 5% p.a. à compter du 1er juillet 2018 sur la somme de MAD 25,000 ;
3. Le demandeur s’engage à communiquer immédiatement et directement au défendeur, de préférence à l’adresse e-mail indiquée dans la lettre de couverture de la présente décision, les informations bancaires pour permettre au défendeur de procéder au paiement mentionné au point 2. ci-dessus.
4. Le défendeur s’engage à envoyer à la FIFA la preuve de paiement des montants dus en accord avec le point 2. ci-dessus, à l’adresse e-mail psdfifa@fifa.org, dûment traduite dans l’une des langues officielles de la FIFA (anglais, espagnol, français ou allemand).
5. Si le montant dû en accord avec le point 2. ci-dessus n’est pas payé par le défendeur dans un délai de 45 jours à compter de la date de notification par le demandeur des informations bancaires permettant au défendeur de procéder au paiement, le défendeur se verra interdit de recruter des nouveaux joueurs, au niveau national ou international, jusqu’à ce que les sommes dues soient payées, et pour une durée maximale de trois périodes d’enregistrement entières et consécutives (cf. art. 24bis du Règlement du Statuts et du Transfert des Joueurs).
6. L’interdiction mentionnée au point 5. ci-dessus sera levée dès que la somme totale due aura été payée.
7. Si les sommes susmentionnées ne sont toujours pas payées d’ici la fin de l’interdiction d’enregistrement pour les trois périodes d’enregistrement entières et consécutives, le cas sera soumis, sur demande, à la Commission de Discipline de la FIFA pour considération et décision.
*****
Note relative à la publication :
L'administration de la FIFA peut publier les décisions de la Commission du Statut du Joueur ou de la CRL. Lorsque ces décisions contiennent des informations confidentielles, la FIFA peut décider, à la demande d'une partie dans les cinq jours suivant la notification de la décision motivée, de publier une version anonymisée ou une version expurgée (cf. art. 20 du Règlement de la Commission du Statut du Joueur et de la Chambre de Résolution des Litiges).
Note concernant la procédure d’appel :
Conformément à l’article 58 alinéa 1 des Statuts de la FIFA, cette décision est susceptible d’un appel au Tribunal Arbitral du Sport (TAS). L’appel devra être interjeté dans un délai de 21 jours à compter de la notification de la décision et devra comprendre tous les éléments figurant au point 2 des directives émanant du TAS. L’appelant dispose de 10 jours supplémentaires à compter de l’expiration du délai de recours pour déposer son mémoire d’appel contenant une description des faits et des arguments légaux fondant le recours.
L'adresse complète du Tribunal Arbitral du Sport est la suivante :
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Avenue de Beaumont 2
1012 Lausanne
Suisse
Tél : +41 21 613 50 00
Fax : +41 21 613 50 01
e-mail : info@tas-cas.org
Au nom du juge de la CRL :
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Emilio García Silvero
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