F.I.F.A. – Dispute Resolution Chamber / Camera di Risoluzione delle Controversie – labour disputes / controversie di lavoro (2020-2021) – fifa.com – atto non ufficiale – Decision7 avril 2021
Décision du Juge de la
Chambre de Résolution des Litiges
Prise le 7 avril 2021
concernant un litige contractuel relatif au joueur Abdoul Azize Mahamadou Hourba
COMPOSITION:
Jon Newman (États-Unis), Juge de la CRL
DEMANDEUR:
Abdoul Azize Mahamadou Hourba, Niger
DÉFENDEUR:
Futuro Kings, Guinée Équatoriale
I. FAITS
1. Le 28 septembre 2020, les parties ont conclu un contrat de travail valable pour deux années sportives».
2. Le contrat stipulait les conditions économiques suivantes:
«QUATRIEME: Pendant la durée de cet accord, le Club promet de payer au joueur la quantité de (600. 000 F. Cfas), en franchise de toutes sortes d'impôts en Guinée équatoriale y compris les locaux, d'emploi et de sécurité sociale, dont ils sera payé dans son intégralité le 5 de chaque mois. » (note : traduction libre de l’anglais et de l’espagnol).
3. De plus, l’Art 9. Par. 2 du contrat stipulait ce qui suit:
«NEUVIÈME: Si le Club procédait à la résiliation unilatérale du présent accord sans raison justifiée, le Joueur aura le droit de percevoir la totalité de la redevance économique rappelée dans le présent accord. Cette clause s'appliquera même en cas de blessure, de maladie ou de décès du joueur pendant la saison.
De même, le club pourra résilier le contrat unilatéralement si le joueur n'accomplit pas les attentes du club, c'est-à-dire si le joueur cède de manière inefficace sur les entraînements ou les jeux. » (note : traduction libre de l’anglais et de l’espagnol).
4. Le 6 novembre 2020, le club a adressé une lettre au président de la FEGUIFUT indiquant ce qui suit:
“Conformément aux dispositions réglementaires de la Fédération Equatoguinéène de Football (FEGUIFUT), nous avons l'honneur de venir par la présente, porter à votre connaissance que nous donnons notre accord pour la libération du joueur MAHAMADOU HOURBA ABDOUL AZIZE. »
5. Le 24 mars 2021, le joueur a déclaré que qu’il est resté sans club depuis la résiliation du contrat.
6. Le 10 novembre 2020, le joueur a déposé une plainte auprès de la FIFA pour rupture de contrat sans juste motif et a demandé le paiement des sommes suivantes:
- 13 200 000 CFA (soit 600 000 * 22) à titre de compensation, majorée de 5% d'intérêts par an à compter du 6 novembre 2020;
- 1 800 000 CFA à titre d'indemnité complémentaire en raison du «caractère abusif et particulièrement grave de la violation», majoré de 5% d'intérêts par an à compter du 6 novembre 2020.
7. Le joueur a expliqué que le club avait résilié le contrat sans aucune raison le 6 novembre 2020 et n’a donc pas respecté le principe de stabilité contractuelle.
8. Dans sa réponse à la réclamation, le club a signalé qu’il essaiera de trouver une solution à l’amiable.
9. Le club a en outre expliqué que le contrat avait été résilié conformément à l'art. 9 par. 2 du contrat.
II. CONSIDÉRANTS DU JUGE DE LA CHAMBRE DE RÉSOLUTION DES LITIGES
1. En premier lieu, le Juge de la Chambre de Résolution des Litiges (ci-après : le Juge) a analysé si elle était compétente pour traiter le présent litige. A cet égard, le Juge de la CRL s’est référé à l’art 21. des Règles de Procédure. Par conséquent, la CRL a conclu que l’édition janvier 2021 du Règlement de la Commission du Statut du Joueur et de la Chambre de Résolution des Litiges (ci-après : les Règles de procédure) était applicable au présent litige (cf. art. 21 des Règles de procédure).
2. Par la suite, le Juge s’est référé à l’art. 3 al. 1 des Règles de procédure et a confirmé qu’en application de l’art. 24 al. 1 et de l’art. 22 let. b) du Règlement du Statut et du Transfert des Joueurs (édition 2020), il est l’organe décisionnel compétente pour connaître des litiges contractuels entre un joueur du Niger et un club de Guinée Equatoriale comportant une dimension internationale.
3. En outre, le Juge a analysé quelle édition du Règlement du Statut et du Transfert des Joueurs (ci-après : le Règlement) est applicable quant au droit matériel. A cet égard, elle s’est référée, d’une part, à l’article 26 al. 1 et 2 du Règlement (édition 2020) et, d’autre part, à la date du dépôt de la plainte devant la FIFA. Au vu de ce qui précède, le Juge a conclu que l’édition juin 2020 du Règlement est applicable au présent litige quant au droit matériel.
4. Une fois sa compétence et la réglementation applicable établies, le Juge a statué sur le fond du litige. Ce faisant, elle a tout d’abord rappelé les faits mentionnés ci-dessus et étudié la documentation apportée au dossier. Toutefois, la Chambre a souligné que dans les considérants qui suivent, elle ne se référera qu’aux faits, arguments et à la documentation pertinents pour l’analyse de la présente affaire.
5. Dans ce sens, le Juge a pris note du fait que les parties ont conclu un contrat de travail valable à compter du 28 septembre 2020 et pour « deux années sportives » (c’est-à-dire, jusqu’au 28 septembre 2022).
6. Par la suite, le Juge a pris note que le joueur a déposé une plainte contre le club pour rupture de contrat sans motif valable, en constatant que le club a résilié unilatéralement le contrat le 6 novembre 2020 et sur la base de la clause 9 du contrat.
7. A l'inverse, le Juge a relevé que le défendeur a reconnu avoir résilié le contrat en application de la clause précitée.
8. Au vu de ce qui précède, le Juge a compris que la principale question juridique en jeu consiste à déterminer si le club avait un motif valable pour résilier le contrat le 6 novembre 2020.
9. À cet égard, le Juge tenu à souligner que seule un manquement ou une faute d'une certaine gravité justifie la résiliation d'un contrat. En d'autres termes, ce n'est que lorsqu'il existe des critères objectifs qui ne permettent pas raisonnablement de s'attendre à la poursuite de la relation de travail entre les parties qu'un contrat peut être résilié prématurément. Par conséquent, si des mesures plus indulgentes peuvent être prises pour permettre à l'employeur de s'assurer que l'employé s'acquitte de ses obligations contractuelles, ces mesures doivent être prises avant de mettre fin au contrat de travail. La résiliation prématurée d'un contrat de travail ne peut jamais être qu'une mesure d'ultima ratio.
10. À cet égard, le Juge a observé que la résiliation du contrat a été effectuée sur la base de la clause 9 du contrat, selon laquelle « le club pourra résilier le contrat unilatéralement si le joueur n'accomplit pas les attentes du club, c'est-à-dire si le joueur cède de manière inefficace sur les entraînements ou les jeux »
11. En analysant le contenu de ladite clause, le Juge a compris qu'il était relativement clair.
12. Cependant, le Juge a souhaité souligner qu'en général, les clauses potestatives, c'est-à-dire les clauses qui contiennent des obligations dont l'exécution est conditionnée par un événement qu'une partie contrôle entièrement, ne peuvent pas être prises en considération car elles limitent les droits de l'autre partie contractuelle de manière excessive et conduisent à un désavantage injustifié de ces derniers envers l'autre. En l'espèce, le défendeur était la seule partie qui pouvait décider de mettre fin au contrat selon une décision unilatérale.
13. En raison de tout ce qui précède, le Juge a établi que la clause 9 al. 2 du contrat est clairement de nature potestative et doit être considérée comme nulle.
14. Par souci d'exhaustivité, le Juge a également souligné que, conformément à la jurisprudence bien établie de la CRL, une prétendue mauvaise performance d'un joueur ne peut justifier la résiliation prématurée d'un contrat de travail par un club, car l'évaluation de la performance d'un joueur est une perception subjective qui ne peut être mesurée sur une échelle objective et doit donc être considérée comme un motif inadmissible de résiliation prématurée d'un contrat de travail.
15. Le Juge s’est ensuite attelé à déterminer le montant dû à titre d’indemnité. A ce titre, le Juge a rappelé que conformément à l’art. 17 al. 1 du Règlement, l’indemnité pour rupture de contrat sera calculée, sous réserve de l’existence de stipulations contractuelles s’y rapportant, conformément au droit en vigueur dans le pays concerné, à la spécificité du sport et en tenant compte de tout critère objectif inhérent au cas. Ces critères comprennent notamment la rémunération et autres avantages dus au joueur en vertu du contrat en cours et/ou du nouveau contrat, la durée restante du contrat en cours jusqu’à cinq ans au plus, de même que la question de savoir si la rupture intervient pendant la période protégée.
16. Revenant au contenu du contrat, le Juge a noté que celui-ci ne contient aucune stipulation spécifique établissant une indemnité applicable en cas de rupture du contrat sans juste cause dans les circonstances susmentionnées. Par conséquent, le Juge a considéré qu’il convenait de se référer aux autres éléments mentionnés à l’al. 1 de l’art. 17 du Règlement. A cet égard, le Juge a rappelé que cette disposition contient une énumération non-exhaustive de critères pouvant être pris en compte dans le cadre du calcul du montant de l’indemnité devant être payée et que, de ce fait, il avait toute discrétion pour se baser sur tout autre critère objectif pour calculer le montant de ladite indemnité
17. Ayant à l’esprit les considérations qui précèdent, le Juge a rappelé que le contrat devait initialement être valable pour deux saisons sportives et que le joueur aurait droit à un salaire mensuel de 600 000 XAF. De plus, le Juge a observé compte tenu de la durée résiduelle du contrat depuis la date de rupture prématurée jusqu’au 28 septembre 2022, que la somme de 13 200 000 XAF (c’est-à-dire, 600 000 XAF*23) devait constituer la base de calcul pour déterminer le montant dû à titre de compensation pour rupture du contrat.
18. Le Juge a ensuite vérifié si le joueur avait signé un nouveau contrat de travail durant la période en question, au moyen duquel il aurait pu réduire l’étendue de son dommage. En effet, conformément à la jurisprudence constante de la CRL, la rémunération perçue dans le cadre de ce nouveau contrat doit être prise en considération afin de fixer le montant de la compensation payable et ce, en vertu de l’obligation qu’a tout joueur de limiter son préjudice. En l’espèce, le Juge a bien noté que le joueur n’avait pas conclu de nouveau contrat avec un autre club.
19. En conséquence, la CRL a décidé que le défendeur doit payer la somme de 13 200 000 XAF au demandeur à titre de compensation pour la rupture du contrat sans juste cause par le défendeur, somme qui apparait raisonnable et justifiée dans le cadre des circonstances susmentionnées.
20. De plus, prenant en compte la demande du joueur ainsi que la jurisprudence constante de la CRL, le Juge a attribué un intérêt de 5% p.a. sur la compensation pour rupture du contrat, à partir de la date de la plainte, jusqu’à la date de paiement effectif.
21. En outre, le Juge a fait référence à l'art. 24bis al. 1 et 2 du Règlement, qui stipule que, dans sa décision, l'organe de décision compétent de la FIFA statue également sur les conséquences découlant du défaut de paiement dans les délais impartis, par la partie concernée, des montants de la rémunération et/ou de l'indemnité due.
22. À cet égard, le Juge a souligné que, à l'encontre des clubs, la conséquence du défaut de paiement des montants dus dans les délais impartis, consiste en l'interdiction de recruter des nouveaux joueurs, que ce soit au niveau national ou international, jusqu'au paiement des montants dus et pour la durée maximale de trois périodes d'enregistrement complètes et consécutives.
23. Par conséquent, compte tenu de ce qui précède, le Juge a décidé que, dans le cas où le défendeur ne paie pas les montants dus au demandeur dans un délai de 45 jours à compter de la date de notification par le demandeur des informations bancaires permettant au défendeur de procéder au paiement, le défendeur se verra interdit de recruter des nouveaux joueurs, au niveau national ou international, jusqu’à ce que les sommes dues soient payées, et pour une durée maximale de trois périodes d’enregistrement entières et consécutives, conformément à l'art. 24bis al. 2 et 4 du Règlement.
24. Enfin, le Juge a rappelé que l'interdiction susmentionnée sera levée immédiatement, dès le paiement du montant dû, conformément à l'art. 24bis al. 3 du Règlement.
III. DÉCISION DU JUGE DE LA CHAMBRE DE RÉSOLUTION DES LITIGES
1. La demande du demandeur, Abdoul Azize Mahamadou Hourba, est partiellement acceptée.
2. Le défendeur, Futuro Kings, doit payer au demandeur la somme de 13 200 000 XAF à titre d’indemnité pour résiliation de contrat sans juste cause, majorée d’un intérêt annuel au taux de 5% à compter du 10 novembre 2020 jusqu’à la date du complet paiement.
3. Toute autre demande formulée par le demandeur est rejetée.
4. Le demandeur est prié de transmettre immédiatement et directement au défendeur les coordonnées bancaires auxquelles le défendeur doit payer la somme due.
5. Le défendeur est tenu d’envoyer la preuve de paiement du montant dû conformément à la présente décision à l’adresse psdfifa@fifa.org, accompagnée, le cas échéant, d’une traduction dans l’une des langues officielles de la FIFA (anglais, français, allemand, espagnol).
6. Si le montant dû ainsi que les intérêts tel que mentionné ci-dessus n’est/ne sont pas payé(s) par le défendeur dans un délai de 45 jours à compter de la date de notification par le demandeur des informations bancaires permettant au défendeur de procéder au paiement, il en découlera les conséquences suivantes :
A.
Le défendeur se verra imposer une interdiction de recruter des nouveaux joueurs – au niveau national ou international – d’ici à ce que les sommes dues soient payées. La durée totale maximale de cette interdiction d’enregistrement–incluant de possibles sanctions sportives – est de trois périodes d’enregistrement entières et consécutives. L'interdiction sera levée avant son échéance dès que les sommes dues auront été payées (cf. art. 24bis du Règlement du Statut et du Transfert des Joueurs).
B.
Si la somme susmentionnée ainsi que les intérêts n’est toujours pas payée d’ici la fin de l'interdiction décrite au point précédent, le cas sera soumis, sur demande, à la Commission de Discipline de la FIFA pour considération et décision.
Pour la Chambre de Résolution des Litiges:
Emilio García Silvero
Chief Legal & Compliance Officer
NOTE RELATIVE À LA PROCÉDURE D’APPEL:
Conformément à l’article 58 al. 1 des Statuts de la FIFA, la présente décision est susceptible d’appel devant le Tribunal Arbitral du Sport (TAS) dans un délai de 21 jours à compter de la notification de la présente décision.
NOTE RELATIVE À LA PUBLICATION:
La FIFA est en droit de publier la présente décision. Pour des raisons de confidentialité, la FIFA peut décider, sur requête d’une partie formulée dans les cinq jours suivants la notification de la décision motive, de publier une version anonymisée ou éditée (cf. article 20 du Règlement de Procédure).
CONTACT:
Fédération Internationale de Football Association
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