F.I.F.A. – Dispute Resolution Chamber / Camera di Risoluzione delle Controversie – labour disputes / controversie di lavoro (2020-2021) – fifa.com – atto non ufficiale – Decision 14 janvier 2021
Décision de la
Chambre de Résolution des Litiges
le 14 janvier 2021
concernant un litige contractuel relatif au joueur Karime Benjamin Makongo
COMPOSITION:
Geoff Thompson (Angleterre), Président
Michele Colucci (Italie), membre
Mohamed Muzammil (Singapour), membre
DEMANDEUR:
Karime Benjamin Makongo, Cameroun
Représenté par M. Christian Mbongo
DÉFENDEUR:
Club Maghreb Association Sportive de Fès, Maroc
Représenté par M. Guy San Bartolome Sarrey
I. EN FAIT
1. Le 14 janvier 2019, le joueur camerounais, Karime Benjamin Makongo, (ci-après :
demandeur ou joueur) et le club marocain, Maghreb Association Sportive de Fès, (ci-après
: défendeur ou club) ont signé un contrat de travail valable à compter du 15 janvier 2019
jusqu’au 30 juin 2023.
2. Conformément au contrat de travail, le défendeur devait verser au demandeur les sommes
suivantes (art. 4.1 du contrat):
« a) un salaire mensuel dont l’indemnité de logement, payable chaque fin de mois selon les
modalités suivantes :
SALAIRE
Année Saison sportive Salaire mensuel en
chiffres
Salaire mensuel en lettres
1ère S/S Du 07/01/2019 au
30/06/2019
10.000 DHS Dix mille dirhams
2ème S/S Du 01/07/2019 au
30/06/2020
10.000 DHS Dix mille dirhams
3ème S/S Du 01/07/2020 au
30/06/2021
10.000 DHS Dix mille dirhams
4ème S/S Du 01/07/2021 au
30/06/2022
10.000 DHS Dix mille dirhams
5ème S/S Du 01/07/2022 au
30/06/2023
10.000 DHS Dix mille dirhams
Cette rémunération représente la totalité de ce qui est due au joueur en contrepartie de son travail
à l’exception des primes et avantages en nature mentionnés ci-dessous.
B. Une prime de signature du contrat de la première saison d’un montant total de : 30 000,00
MAD Dirhams (Quarante mille dirhams), payable lors de la signature.
C-2) Un prime annuelle de rendement, définie comme suit :
PRIME ANNUELLE DE RENDEMENT
Année Saison sportive Salaire mensuel en chiffres Conditions de paiement
1ère S/S 2018-2019 70 000 DHS Échéance du 30/03/2019
Échéance du 30/06/2019
2ème S/S 2019-2020 150 000 DHS Payable en 3 acomptes
3ème S/S 2020-2021 200 000 DHS Payable en 3 acomptes
4ème S/S 2021-2022 250 000 DHS Payable en 3 acomptes
5ème S/S 2022-2023 250 000 DHS Payable en 3 acomptes
C. Une prime de performance :
La prime de performance dont le montant est fixé selon le barème des primes du club et
qui est calculé en fonction de la participation du joueur et des résultats obtenus lors des
matches officiels disputés par le joueur.
Elle est composée de la prime de match et de la prime annuelle de rendement :
C-1) Une prime de match dont le montant est fixé par le barème des primes établi par le club et
qui est fonction de la participation du jouer et des résultats obtenus lors de chacune des rencontre
officielles des compétitions suivantes :
Championnat du Maroc ;
Coupe du Trône,
Compétitions CAF, UAFA, FIFA.
Rémunération en nature : en plus du salaires et des primes éventuelles, le joueur bénéficie, tout
au long de la durée du contrat, des avantages en nature ci-après :
Un logement conformément au barème établi par le club
un billet d’avion A/R Yaoundé-Casablanca lors de la saison 18/19
deux billets d’avions A/R Yaoundé-Casablanca lors des autres saisons
en cas de montée en D1 à la fin de la saison 2018/19, le joueur percevra une prime
d’objectif supplémentaire de 60 000 dhs (soixante mille dirhams).
Conformément à l’article G-2 alinéa 5 de l’annexe G du Règlement sur le statut et le
transfert des joueurs de la FRMF, en cas de relégation du club dans une division inférieure
à celle dans laquelle il évoluait au moment de la signature du présent contrat, ce dernier
est en droit de réduire de 50% le montant de la prime de rendement restant due à la date
de la relégation »
3. L’article 7 du contrat stipule :
« Le présent contrat peut être résilié avant son terme :
en cas d’accord entre les parties ;
en cas de force majeure ;
en cas de faute grave de l’une ou l’autre des parties ou pour une juste cause au sens du
Règlement sur le statut et le transfert des joueurs de la FRMF et de la FIFA.
Le présent contrat peut être résilié avant terme d’un commun accord entre les parties ou
à l’initiative de l’une des parties (exprimé d’un commun accord sans causer de préjudices) ;
En cas de résiliation unilatérale avant terme non motivée par la faute grave de l’autre
partie ou par un cas de force majeure, et dans ce cas uniquement, des dommages-intérêts
dont le montant équivaut au montant des rémunérations correspondant à la période allant
de la date de la résiliation jusqu’au terme fixé par le présent contrat, seront dus à la partie
qui n’est pas à l’origine de la résiliation ».
4. L’article 14 du contrat stipule :
« En cas de contestation et/ou de litige né de l’exécution et/ou de l’interprétation des clauses du
présent contrat, les parties sont tenue de recourir à tous les moyens et procédures en vue d’un
règlement amiable du litige.
En cas d’échec, le différend est soumis, par l’une ou l’autre partie, à la chambre de résolution des
litiges de la Fédération Royale Marocaine de Football. Les décions de la chambre de résolution des
litiges de la FRMF sont susceptibles de recours conformément aux dispositions des statuts et
règlements de la FRMF. »
5. Le 12 septembre 2019, la Chambre de résolution des litiges de la FRMF a rendu une
sentence qui dispose :
1. « La CNRL a pris acte de la demande du club et du joueur concernant la résiliation de
contrat et ce, dans la mesure que la partie qui a failli à ses obligations contractuelles est tenue
d’assumer les conséquences de la rupture unilatérale du contrat.
2. La CNRL déclare que le joueur KARIME MAKONGO BENJAMIN est considéré comme étant
désormais un joueur libre ;
3. La CNRL sursoie de se prononcer sur le volet financier, pour complément d’information. »
6. Le 29 novembre 2019, la Chambre de résolution des litiges de la FRMF a rendu une autre
sentence qui dispose :
1. « La CNRL déclare son incompétence de trancher le présent litige au motif de l’existence
d’un procès parallèle. »
7. Suite à la résiliation anticipée du contrat liant les parties, le demandeur a conclu un contrat
avec le club camerounais, AS Fortuna, valable du 2 janvier 2020 jusqu’au 2 janvier 2021.
Ce contrat a été renouvelé jusqu’au 2 janvier 2022. Selon lesdits contrats, le joueur devait
percevoir une rémunération de 100 000 FCFA par mois (environ 1 641 DHS à la date du 2
janvier 2020).
II. PROCÉDURE DEVANT LA FIFA
8. Le 6 septembre 2019, le demandeur a déposé une plainte devant la FIFA. Un résumé des
positions respectives des parties est retranscrit ci-dessous.
a. La plainte du demandeur
9. Selon le demandeur, le 4 mai 2019, le club a disputé son dernier match de la saison et le
17 mai 2019, l’équipe a été autorisée à partir en vacances. Le joueur explique qu’il est resté
quelques jours de plus au Maroc, jusqu’au 24 mai 2019, car ses salaires pour avril et mai
2019, ainsi qu’une partie de la prime de rendement sont restés impayés.
10. Le 17 juillet 2019, le joueur a reçu un billet d’avion du club pour un vol le 19 juillet 2019
de Youandé, Cameroun à Casablanca, Maroc, ainsi que pour un vol de retour de
Casablanca, Maroc à Yaoundé, Cameroun le 9 août 2019. Le joueur a utilisé le billet d’avion
fourni par le club et est finalement arrivé à Fés le 21 juillet 2019.
11. Le 22 juillet 2019, le joueur s’est rendu dans les locaux du club pour le début de la
préparation de la prochaine saison. Toutefois, selon le joueur, le nouvel entraîneur du club
n’a pas souhaité l’intégrer dans l’équipe première, et ne l’a pas sélectionné pour les deux
matches amicaux joués les 24 et 25 juillet 2019. Par ailleurs, le joueur n’a pas été invité au
camp d’entraînement du club entre le 27 juillet et le 9 août 2019.
12. Le 26 juillet 2019, le joueur a mis le club en demeure concernant le paiement de 50 000
MAD correspondant à une partie du prime de rendement et a donné 10 jours au club pour
remédier à son défaut. Il a réitéré sa mise en demeure le 5 août 2019 en réclamant en plus
de MAD 50 000, MAD 20 000 pour un salaire impayé.
13. Après avoir tenté de trouver un accord avec les représentants du club pour leur réintégration
dans l’équipe première du club, le joueur et un autre joueur, Alexis Yougoudo Kada, ont
été informés de que le club souhaitait résilier leurs contrats.
14. Le 1er août 2019, le club a répondu à la lettre du joueur datée du 26 juillet 2019, informant
le joueur qu’il était rentré au Maroc avec 12 jours de retard au Maroc et qu’il était absent
sans raison valable à nouveau à partir du 26 juillet 2019.
15. Le 5 août 2019, le joueur a répondu à la lettre du club datée du 1er août 2019, contestant
son contenu.
16. Entre le 5 et le 8 août 2019, le joueur est resté à l’hôtel « La Paix », jusqu’à ce qu’on lui
demande de quitter cet hôtel, car le club n’a pas payé la facture du séjour du joueur. En
conséquence, le joueur a passé une nuit supplémentaire, du 8 au 9 août 2019, dans un
hôtel proche de l’aéroport de Casablanca.
17. Enfin, le 10 août 2019, le joueur souhaitait rentrer au Cameroun, mais à l’aéroport, il a
constaté que son billet de retour avait été annulé par l’agence qui avait réservé le billet, sur
instruction du club.
18. Au final, l’ancien coéquipier du joueur, Alexis Yougoudo Kada, a payé son billet d’avion et
il a pu regagner le Cameroun.
19. Au vu de ce qui précède, le demandeur a formulé la requête suivante :
Pour la saison 2018/2019:
o 70 000 MAD correspondant à une partie de la prime de rendement,
Pour les saisons suivantes :
480 000 MAD correspondant à l’intégralité des salaires dus,
850 000 MAD au titre des primes de rendement.
b. Réponse du défendeur
20. Pour sa part, le défendeur a indiqué que le défendeur était absent pendant douze jours au
début de la saison 2019/2020. En effet, alors que le joueur était censé arriver le 8 juillet
2019, il ne s’est présenté au club que le 20 juillet 2019 et cela sans explication. Par
conséquent, en application du Règlement intérieur du club, la commission de discipline du
club a décidé en date du13 août 2019 de sanctionner le joueur d’une amende de 200 000
MAD.
21. Le club, le 26 juillet 2019, a invité le joueur à se soumettre à un test d’aptitude physique de
pré-saison prévu le 29 juillet 2019.
22. Le 1er août 2019, le club a invité le joueur à assister à l’examen se soumettre à un test
médical de pré-saison, prévu le 5 août 2019.
23. En outre, concernant les arriérés de rémunération réclamés par le joueur, le club a fourni
une « décharge » au moyen de laquelle l’agent présumé du joueur a reconnu avoir reçu
30 000 MAD comme salaires et allocation de loyer du joueur pour avril, mai et juin 2019.
24. En raison de l’attitude du demandeur, le défendeur n’a eu d’autre choix que de déposer
une plainte le 26 août 2019 devant la Chambre de résolution des litiges de la Fédération
Royale Marocaine de Football (ci-après: FRMF). La décision de ladite instance a été notifiée
au joueur le 17 septembre 2019. Selon cette décision, le joueur avait été dûment informé
de la réclamation déposée à son encontre. De plus, le joueur aurait demandé à la Chambre
de résolution des litiges de la FRMF de prendre acte de la résiliation du contrat liant les
parties. Enfin, le joueur aurait demandé à recevoir la valeur résiduelle du contrat.
c. Position du joueur concernant l’admissibilité de la plainte
25. Le demandeur a insisté pour que l’affaire soit entendue par la FIFA malgré la décision de la
Chambre de résolution des litiges de la FRMF puisqu’il a conclu que sa demande à la FIFA
était antérieure à celle de la FRMF.
26. Il a en outre affirmé qu’il n’avait pas participé à la procédure et qu’il n’avait pas été notifiée
en temps utile de la conduite de celle-ci.
III. CONSIDÉRANTS DE LA CHAMBRE DE RÉSOLUTION DES LITIGES
a. Compétence et réglementation applicable
27. En premier lieu, la Chambre de Résolution des Litiges (ci-après : la CRL ou la Chambre) a
analysé si elle était compétente pour traiter du présent litige. À cet égard, la CRL a constaté
que la demande du joueur a été déposée à la FIFA le 6 septembre 2019. Par conséquent,
l’édition de janvier 2018 du Règlement de la Commission du Statut du Joueur et de la
Chambre de Résolution des Litiges (ci-après : les Règles de procédure) est applicable au
présent litige (cf. art. 21 des Règles de procédure).
28. Par la suite, la CRL s’est référée à l’art. 3 al. 2 et al. 3 des Règles de procédure et a confirmé
qu’en application de l’art. 24 al. 1 et al. 2 et de l’art. 22 let. b) du Règlement du Statut et
du Transfert des Joueurs (édition janvier 2021), elle est en principe compétente pour traiter
de litiges relatifs au travail présentant une dimension internationale telle que le présent
litige.
29. Toutefois, la Chambre a adressé l’exception d’incompétence soulevée par le défendeur, qui
a indiqué que le présent litige avait déjà fait l’objet d’une décision de la Chambre nationale
de résolution des litiges de la FRMF (ci-après : la CNRL) en date du 12 septembre 2019. A
cet égard, le défendeur a affirmé que le demandeur avait dûment été notifié de la plainte
déposée à son encontre par le club, et que le demandeur avait eu l’occasion de présenter
sa défense.
30. Le demandeur, pour sa part, a insisté sur la compétence de la CRL pour traiter le présent
litige. En particulier, le demandeur a allégué n’avoir été notifié que de la sentence de la
CNRL, tandis qu’il n’avait formulé aucune prétention devant ladite instance.
31. Au vu des positions respectives des parties concernant la recevabilité de la plainte déposée
par le joueur, la Chambre a constaté que, bien qu’une décision avait bien été prononcée
par la CNRL en date du 12 septembre 2019, celle-ci se bornait à constater la demande de
résiliation par les parties du contrat et confirmait ainsi que le joueur était libre. De plus,
ladite sentence indiquait que la CNRL sursoyait à statuer sur le volet financier du litige.
32. En outre, la CRL a constaté qu’ultérieurement, soit le 29 novembre 2019, la CNRL avait
rendu une seconde décision en relation avec le litige opposant les parties, au moyen de
laquelle elle se déclarait incompétente pour juger l’affaire du fait de l’existence d’un procès
parallèle. La CRL a donc conclu que la CNRL avait estimé qu’il existait une litispendance du
fait que le joueur avait déposé une plainte devant la FIFA en date du 6 septembre 2019.
33. Au vu ce qui précède, la Chambre a unanimement décidé que la CNRL s’étant déclarée
incompétente, il revient à la présente instance de traiter le litige contractuel entre les parties.
34. Par conséquent, la Chambre s’est jugée compétente pour traiter du présent litige
conformément à l’art. 22 b) du Règlement du Statut et du Transfert des Joueurs. La plainte
du demandeur est donc recevable.
35. Par la suite, la Chambre a déterminé l’édition du Règlement du Statut et du Transfert des
Joueurs applicable à la présente affaire. A cet égard, la CRL s’est référée à l’art. 26 al. 1 et
al. 2 du Règlement du Statut et du Transfert des Joueurs (édition janvier 2021), ainsi qu’à
la date de dépôt de la demande, à savoir le 6 septembre 2019, et a conclu que l’édition de
juin 2019 dudit règlement (ci-après : le Règlement) était applicable au présent litige quant
au fond.
b. Charge de la preuve
36. La Chambre a rappelé le principe fondamental de la charge de la preuve, tel que stipulé à
l’art. 12 par. 3 des Règles de procédure, selon lequel La charge de la preuve incombe à la
partie qui invoque un droit découlant d’un fait qu’elle allègue. De même, la CRL a souligné
qu’en vertu de l’art. 12 par. 4 des règles de procédure, elle peut également prendre en
compte d’autre moyens de preuve que ceux présentés par les parties.
37. À cet égard, la Chambre a également rappelé que, conformément à l’article 6 par. 3 de
l’annexe 3 du Règlement, les organes décisionnaires de la FIFA peuvent utiliser, dans le
cadre d’une procédure relative à l’application du Règlement, toute documentation ou
preuve produite ou contenue dans le Système de régulation des transferts (TMS).
c. Considérants quant au fond de l’affaire
38. Une fois sa compétence et la réglementation applicable établies, la CRL a statué sur le fond
du litige. Ce faisant, elle a commencé par rappeler les faits mentionnés ci-dessus ainsi que
prendre connaissance de la documentation contenue dans le dossier. Toutefois, la CRL a
souligné que dans les considérants qui suivent, il ne sera fait mention qu’aux faits,
arguments et à la documentation pertinents pour l’analyse de la présente affaire.
i. Considérants principaux et discussion juridique
39. La Chambre a tout d’abord établi qu’il lui revenait de déterminer à quel point la relation
contractuelle entre les parties avait cessé. En effet, il semble que ni l’une ni l’autre des
parties n’ait formalisé par écrit leur décision de résilier le contrat. Une fois ce fait établi, la
Chambre devra se prononcer sur le point de savoir qui est responsable de la résiliation
anticipée du contrat ainsi que sur les conséquences de ladite résiliation.
40. Ce faisant, la Chambre a constaté que selon le demandeur, le défendeur ne lui avait pas
réglé une partie de la prime de rendement pour la saison 2018/2019.
41. De plus, le demandeur a affirmé que le défendeur l’a écarté de l’équipe en ne le
sélectionnant pas pour des matches amicaux, tandis qu’il n’aurait pas été convoqué au
camp de préparation de la saison 2019/2020. Cette décision aurait été motivée par le fait
que le nouvel entraîneur du club aurait décidé de ne pas recourir aux services du joueur.
42. Le défendeur, pour sa part, a nié l’ensembles des allégations du joueur en affirmant, en
résumé, qu’il avait dûment rempli ses obligations contractuelles envers le demandeur et que
le joueur était absent au début de la saison. De plus, le défendeur a sanctionné le joueur
d’une amende d’un montant de 200 000 MAD pour son absence présumée.
43. Au vu des allégations des parties, et se référant aux éléments de preuve versées au dossier,
la Chambre s’est tout d’abord penchée sur la question de l’existence d’arriérés de
rémunération envers le joueur.
44. A ce sujet, la Chambre a noté que selon le défendeur, le demandeur avait reçu l’intégralité
de la prime de rendement qui lui était due pour la saison 2018/2019 et ce en fonction de
sa participation lors de matches officiels durant ladite saison. La Chambre a toutefois
souligné que selon le contrat, le montant de la prime de rendement pour la saison
2018/2019 était fixée à 70 000 DHS et qu’il n’est nullement indiqué que ce montant est
fonction de la participation du joueur lors de matches officiels.
45. Par conséquent, le défendeur s’est trouvé en défaut de paiement dès lors qu’il n’a pas
procédé au paiement de l’intégralité de la prime de rendement d’un montant de 70 000
DHS à l’issue de la saison 2018/2019.
46. Ceci ayant été établi, la Chambre a analysé l’allégation du défendeur selon laquelle le
demandeur aurait été absent en début de saison et le fait que le club aurait imposé une
amende au joueur de 200 000 MAD en raison de cette absence.
47. A cet égard, la Chambre a pris note des diverses constatations par voie d’huissier versées
au dossier, et a estimé qu’en dépit de celles-ci, il semblerait, d’une part, que le club n’ait
contacté le joueur pour se plaindre de son absence qu’une fois que celui-ci avait adressé
une mise en demeure réclamant le paiement de la prime de rendement. D’autre part, le
club n’a pas contesté l’allégation du joueur selon laquelle il serait rentré à la date fixée par
le club, ce dernier lui ayant fourni le billet d’avion pour retourner au Maroc pour démarrer
la saison 2019/2020.
48. En outre, la Chambre a tenu à remarquer que le club n’avait pas fourni de preuve de ce que
le joueur avait été en mesure de présenter sa défense avant que la commission de discipline
ne lui impose une amende d’un montant important, alors que le club se trouvait déjà en
défaut de paiement envers le joueur. La Chambre a donc conclu que l’amende avait été
imposée en violation des droits de défense du joueur.
49. Tous ces éléments réunis, notamment l’imposition d’une amende importante (par rapport
au salaire mensuel du joueur) lorsque des montants lui étaient dus, ont mené la CRL à la
conclusion que le joueur était légitimement en droit de penser que ses services n’étaient
plus requis par le club et que la relation contractuelle ne pouvait pas continuer.
50. Il ressort des faits relatés ci-dessus que le joueur a mis fin unilatéralement au contrat liant
les parties en date du 10 août 2019 en quittant le pays et que cette résiliation anticipée
était pourvue d’une juste cause conformément à l’art. 14 du Règlement.
51. Ayant conclu que le joueur avait rompu le contrat avec juste cause, la CRL a continué à
statuer sur les conséquences de ladite résiliation.
52. La Chambre a tout d’abord déterminé que le défendeur doit verser au demandeur les
arriérés de rémunération correspondant à la partie impayée de la prime de rendement, à
savoir, la somme de 50 000 MAD.
53. En outre, la Chambre a déterminé que le joueur est en droit de recevoir une compensation
du fait de la résiliation anticipée du contrat avec juste cause.
54. En ce qui concerne le calcul de l’indemnité pour rupture abusive de contrat, la Chambre a
rappelé que conformément à l’art. 17 al. 1 du Règlement, l’indemnité pour rupture de
contrat sera calculée, sous réserve de l’existence de stipulations contractuelles s’y
rapportant, conformément au droit en vigueur dans le pays concerné, aux spécificités du
sport et en tenant compte de tout critère objectif inhérent au cas. Ces critères comprennent
notamment la rémunération et autres avantages dus au joueur en vertu du contrat en cours
et/ou du nouveau contrat, la durée restante du contrat en cours jusqu’à cinq ans au plus,
le montant de tous les frais et dépenses occasionnés ou payés par l’ancien club (amortis sur
la période contractuelle) de même que la question de savoir si la rupture intervient pendant
les périodes protégées.
55. La Chambre a dûment constaté que les parties s’étaient accordées au préalable sur le
montant de l’indemnité pour rupture du contrat pour juste cause. En effet, l’article 7 du
contrat prévoit de manière très explicite que dans un tel cas, la partie victime de la résiliation
anticipée du contrat sera en droit de recevoir les sommes dues en vertu du contrat à
compter de la date de la résiliation jusqu’au terme du contrat prévu initialement.
56. En conclusion, la Chambre a décidé que ladite compensatoire trouve pleine application dans
le cas d’espèce et que par conséquent, le défendeur doit verser au joueur la somme totale
de 1 330 000 MAD qui correspond à l’intégralité des sommes fixes dues au joueur (salaires
et primes de rendement à compter du mois d’août 2019 jusqu’au mois de juin 2023), dont
ventilation comme suit :
Saison 2019/2020: 10,000 x 12 = MAD 120,000 + MAD 150,000 (prime de rendement)
Saison 2020/2021: 10,000 x 12 = MAD 120,000 + MAD 200,000 (prime de rendement)
Saison 2021/2022 : 10,000 x 12 = MAD 120,000 + MAD 250,000 (prime de rendement)
Saison 2022/2023 : 10,000 x 12 = MAD 120,000 + MAD 250,000 (prime de rendement)
57. La CRL a conclu ses délibérations établissant que la plainte du demandeur est acceptée.
ii. Conformité aux décisions d’ordre monétaire
58. Enfin, compte tenu du considérant no. 36 ci-dessus, la Chambre s’est référée au par. 1 et
2 de l’art. 24bis du Règlement, qui stipule que dans sa décision, l’organe décisionnel
compétent de la FIFA devra aussi décider des conséquences qu’aurait un non-paiement par
la partie concernée des sommes dues à titre d’arriérés de rémunération et/ou de
compensation dans le délai imparti.
59. À cet égard, la CRL a souligné que, contre les clubs, la conséquence du non-paiement de la
somme due dans le délai imparti consistera en une interdiction de recruter des nouveaux
joueurs – au niveau national ou international – jusqu’à ce que la somme due soit payée et
pour une durée maximale de trois périodes d’enregistrement entières et consécutives.
60. Par conséquent, compte tenu de ce qui précède, la Chambre a décidé que dans l’hypothèse
où le défendeur ne paierait pas les sommes dues au demandeur conformément à le
présente décision dans un délai de 45 jours à compter de la date de notification par le
demandeur des informations bancaires permettant au défendeur de procéder au paiement,
une interdiction de recruter des nouveaux joueurs – au niveau national ou international –
sera imposée au défendeur en conformité avec l’art. 24bis par. 2 et 4 du Règlement.
61. Enfin, la Chambre a rappelé que l’interdiction d’enregistrement susmentionnée sera levée
avant son échéance dès que les sommes dues auront été payées, en conformité avec l’art.
24bis par. 3 du Règlement.
IV. DÉCISION DE LA CHAMBRE DE RÉSOLUTION DES LITIGES
1. La demande du demandeur, Karime Benjamin Makongo, est recevable.
2. La demande du demandeur est acceptée.
3. Le défendeur, Club Maghreb Association Sportive de Fès, doit payer au demandeur les
sommes suivantes:
- 50,000 MAD à titre d’arriérés de rémunération;
- 1,330,000 MAD à titre de compensation pour rupture de contrat.
4. Le demandeur est prié de transmettre immédiatement et directement au défendeur les
coordonnées bancaires auxquelles le défendeur doit payer la somme due.
5. Le défendeur est tenu d’envoyer la preuve de paiement du montant dû conformément à la
présente décision à l’adresse psdfifa@fifa.org, accompagnée, le cas échéant, d’une
traduction dans l’une des langues officielles de la FIFA (anglais, français, allemand,
espagnol).
6. Si le montant dû ainsi que les intérêts tel que mentionné ci-dessus n’est/ne sont pas payé(s)
par le défendeur dans un délai de 45 jours à compter de la date de notification par le
demandeur des informations bancaires permettant au défendeur de procéder au paiement,
il en découlera les conséquences suivantes :
A. Le défendeur se verra imposer une interdiction de recruter des nouveaux joueurs – au
niveau national ou international – d’ici à ce que les sommes dues soient payées. La
durée totale maximale de cette interdiction d’enregistrement – incluant de possibles
sanctions sportives – est de trois périodes d’enregistrement entières et consécutives.
L'interdiction sera levée avant son échéance dès que les sommes dues auront été
payées (cf. art. 24bis du Règlement du Statut et du Transfert des Joueurs).
B. Si les sommes susmentionnées ainsi que les intérêts n’est toujours pas payée d’ici la fin
de l'interdiction décrite au point précédent, le cas sera soumis, sur demande, à la
Commission de Discipline de la FIFA pour considération et décision.
Pour la Chambre de Résolution des Litiges:
Emilio García Silvero
Chief Legal & Compliance Officer