F.I.F.A. – Dispute Resolution Chamber / Camera di Risoluzione delle Controversie – labour disputes / controversie di lavoro (2020-2021) – fifa.com – atto non ufficiale – Decision 25 février 2021
Décision de la
Chambre de Résolution des Litiges
le 25 février 2021
concernant un litige contractuel relatif au joueur Mokhtar Belkhiter
COMPOSITION:
Geoff Thompson (USA), Président
Stefano Sartori (Italie), membre
Joseph Antoine Bell (Cameroun), membre
DEMANDEUR / DÉFENDEUR RECONVENTIONNEL:
Mokhtar Belkhiter, Algérie
DÉFENDEUR / DEMANDEUR RECONVENTIONNEL:
Club Africain, Tunisie
PARTIE INTERVENANTE:
CR Belouizdad, Algérie
I. FAITS
1. Le 8 mars 2016, le joueur algérien, Mokhtar Belkhiter et le club Tunisien, Club Africain, ont conclu un contrat de travail, valable à compter du 1er juillet 2016 jusqu’au 30 juin 2020.
2. L’art. 4 du contrat stipulait les conditions financières suivantes
« 4.1.1- Pour la première saison sportive allant du 01 Juillet 2016 au 30 Juin 2017
- L'équivalent de deux cent mille euros (200 000 €) au titre de prime et salaires payable comme suit :
- L'équivalent de soixante douze mille euros (72 000 €) au titre de salaire avec
une mensualité de six mille euros (6 000 €) chacune.
- L'équivalent de cent vingt huit mille euro (128 000€) au titre de prime payable
sur quatre tranches dont l'équivalant est de trente deux milles euros (32 000
E) de chacune des tranche payable trimestriellement.
4.1.2- Pour la deuxième saison sportive allant du 01 Juillet 2017 au 30 Juin 2018:
- L'équivalent de deux cent mille euros (200 000 €) au titre de prime et salaires payable comme suit :
- L'équivalent de soixante douze mille euros (72 000 €) au titre de salaire avec une mensualité de six mille euros (6 000 €) chacune.
- L'équivalent de cent vingt huit mille euro (128 000€) au titre de prime payable sur quatre tranches dont l'équivalant est de trente deux milles euros (32 000 E) de chacune des tranches payable trimestriellement.
4.1.43- Pour la troisième saison sportive allant du 1 Juillet 2018 au 30 Juin 2019:
- L'équivalent de deux cent mille euros (200 000 €) au titre de prime et salaires payable comme suit :
- L'équivalent de soixante douze mille euros (72 000 €) au titre de salaire avec une mensualité de six mille euros (6 000 €) chacune.
- L'équivalent de cent vingt huit mille euro (128 000€) au titre de prime payable sur quatre tranches dont l'équivalant est de trente deux milles euros (32 000 E) de chacune des tranche payable trimestriellement.
4.1.43- Pour la troisième saison sportive allant du 01 Juillet 2019 au 30 Juin 2020 et en cas de non levée de l'option stipulée par l'article 2 (2) des présentes
- L'équivalent de deux cent mille euros (200 000 €) au titre de prime et salaires payable comme suit
- L'équivalent de soixante douze mille euros (72 000 €) au titre de salaire avec une mensualité de six mille euros (6 000 €) chacune.
- L'équivalent de cent vingt huit mille euro (128 000€) au titre de prime payable sur quatre tranches dont l'équivalant est de trente deux milles euros (32 000 E) de chacune des tranche payable trimestriellement.
4.3 Commodités:
Le joueur bénéficiera, à la charge du club, durant la période du présent contrat, des commodités suivantes:
- Un logement de haut standing situé à Tunis
- La mise à sa disposition d'une voiture, sous réserve de sa détention d'un permis de conduire reconnue par les autorités tunisiennes. »
3. L’art. 11 du contrat stipulait ce qui suit :
« ARTICLE 11 Clause résolutoire :
Le présent contrat peut être résilié par le club unilatéralement et avant terme, pour faute grave commise par le joueur. La résiliation lui est notifié au moyen d'une lettre recommandée avec accusé de réception ou par toutes autres moyens à son adresse contractuelle ou élu, après la clôture de la procédure disciplinaire diligentée par le club. Outre la résiliation, le club se réserve le droit de réclamer les indemnités conséquentes au préjudice, qu'il a subi.
A titre non limitatif et outre le non respect des obligations énoncées l'article 5 des présentes, il est entendu par faute:
a) L'absence sans juste motif ou la désertion du lieu des activités du club (entraînement. stage. matchs )
b) Se présenter lors des activités et manifestations du club en état inconvenant ponant une atteinte à la réputation et à la bonne image du club.
c) Frire l'auteur d'actes ou de paroles déplacés, violents ou menaçants à l'égard des personnes (sportifs. officiels, partenaires, employés ) relevant du club et ou des instances fédérales, arbitres et autres instances officielles ainsi qu'a l'égard des médias.
d) Et plus généralement, tous faits, actes ou agissement incompatibles avec le statut de joueur professionnel et avec l'image du club. »
4. Le 18 janvier 2018, les parties ont signé un avenant au contrat de travail (« l’Avenant 1 »), portant, entre autres, modification des conditions de rémunération (salaire et primes) et autres avantages pour la saison 2019/2020 comme suit :
Salaire mensuel
- Un salaire mensuel de 3500 EUR;
Primes et avantages
- 78 000 EUR de primes, payables en quatre tranches de 19 500 EUR chacune
- 2 500 TND au titre de commodités (logement et mise à disposition d’une voiture)
5. Le 13 janvier 2020, les parties ont conclu un deuxième avenant prolongeant la relation contractuelle pour une nouvelle saison sportive, à savoir jusqu’au 30 juin 2021.
6. Le 11 février 2020, le Joueur, par le biais son représentant légal, a mis le club en demeure de payer dans les 15 jours les sommes suivantes :
* 10 500 EUR au titre des salaires impayés de novembre 2019, décembre 2019 et janvier 2020;
* 27 804 EUR au titre des primes impayées du premier et du deuxième trimestre 2019 et 8304 EUR au titre du reliquat pour le premier trimestre ;
* 6 000 TND au titres des commodités impayées pour les mois d’octobre 2019, novembre 2019, décembre 2019 et janvier 2020.
7. Le 26 février 2020, le Club a répondu à la mise en demeure du Joueur, en indiquant que le joueur aurait reçu le montant total de TND 103,000, ainsi que la « prise en charge de loyer », pour un montant de TND 16,200.
8. Dans ce contexte, le club a exprimé que « Si on prend en considération le taux de change du dinar Tunisien utilisé par le demandeur, les sommes d'argent reçues par M. Belkhither au cours de la 1 ère moitié de la saison en cours seraient de 103.000,000+3.126= 32 949, 45 Euros.
9. En ce qui concerne la prime de rendement, le club a considéré qu’elle doit être calculée selon l’annexe 1 de la Règlementation FTF, selon la formule suivante :
𝑥𝑥=(𝑋𝑋𝑋𝑋𝑋𝑋)∗𝑛𝑛′4 (x)𝑛𝑛
n : nombre de matchs que le club doit jouer lors du 1er trimestre.
n' : nombre de matchs joués par le joueur (XDt) : Valeur de la prime de rendement arrêtée entre le club et le joueur à la signature du contrat.
10. Par conséquent, le club a considéré que, en appliquant la formule susvisée, le joueur aurait droit aux sommes suivantes :
« - Base de calcul de la prime : 1 9500,00 Euros ou équivalents DTN ;
- Nombre des matchs joués par le Club Africain : 04 Matchs ;
- Nombre des matchs joués par M. Belkhither : 01 Match ;
1 9500.00 Euros x ¼ = 4875 Euros ou équivalents en DTN.
- Pour le 2ème trimestre de la saison 201 9/2020 (du 1 8r/1 0/20 1 9 au 31/12/201 9) :
- Base de calcul de la prime : 1 9500,00 Euros ou équivalents DTN ;
- Nombre des matchs joués par le Club Africain : 07 Matchs ;
- Nombre des matchs joués par M. Belkhither : 04 Matchs ;
1 9500.00 Euros x 4/7 = 1 1142, 86 Euros ou équivalents en DTN.
Cela donne un total de 16 017, 86 Euros ou équivalents en DTN. »
11. Le 11 mai 2020, le joueur a remis une nouvelle lettre de mis en demeure au club, et a demandé le paiement des sommes suivantes dans les dix jours suivant à sa réception :
Salaires
• Salaire de décembre : 200 EUR
• Salaire de janvier : 3 500 EUR
• Salaire de février : 3 500 EUR
• Salaire de mars : 3 500 EUR
• Salaire d’avril: 3 500 EUR
Prime de rendement
• Première tranche : 8300 EUR. Une somme de 35 000 dinars a été payée, soit environ 11 200 EUR.
• Second tranche : 19 500 EUR (deuxième trimestre)
• Troisième tranche : 19 500 EUR (troisième trimestre)
Loyers
• Loyers d’octobre 2019 à avril 2020 : 10 500 DTN
12. Le 22 mai 2020, le club a remis une correspondance au joueur avec les points suivants :
« En ce qui concerne les loyers
(…)
Afin de tirer cette situation au clair, nous vous demandons de nous fournir une copie certifiée conforme et répondant à toutes les conditions légales, du bail de M. Belkhither.
En ce qui concerne la prime de rendement :
(…)
le Club, tout comme le joueur, sont obligés de respecter scrupuleusement ces dispositions et notamment les critères et méthodes de calcul de la prime de rendement.
En ce qui concerne le paiement en espèces du 17 mars 2020
(…)
M. Belkhither est résident en Tunisie, et tire ses revenus de Tunisie, la loi impose qu'il soit payé en Dinar Tunisien. Autrement, il y aura commission d'une infraction de change, qui est punie pénalement.
4. En ce qui concerne les demandes du Club Africain
(…)
Enfin, nous vous rappelons que [le joueur] a, depuis le 17 mars 2020, quitté la Tunisie, sans autorisation préalable et écrite du Club, en violation manifeste de l'article 5 lettre m de son Contrat d'engagement, et sans avoir reçu l'aval du médecin du Club pour éviter tout risque sanitaire. »
13. Le 25 mai 2020, le joueur a procédé à résilier son contrat de travail par le biais d’une lettre avec le contenu suivant:
« (…)le club n’a toujours pas rempli ses obligations contractuelles.
À ce jour, les sommes suivantes demeurent impayées :
Salaires
• Salaire de décembre : 200 EUR
• Salaire de janvier : 3 500 EUR
• Salaire de février : 3 500 EUR
• Salaire de mars : 3 500 EUR
• Salaire d’avril: 3 500 EUR
Prime de rendement
• Première tranche : 8300 EUR. Une somme de 35 000 dinars a été payée, soit environ 11 200 EUR.
• Second tranche : 19 500 EUR (deuxième trimestre)
• Troisième tranche : 19 500 EUR (troisième trimestre)
Loyers
• Loyers d’octobre 2019 à avril 2020 : 10 500 DTN
Résiliation
Par conséquent, à ce jour, le club n’a procédé au paiement d’aucune des sommes clairement détaillées dans la mise en demeure du 12 mai 2020, manquant ainsi à son obligation essentielle alors que le joueur a lui continué d’honorer toutes ses obligations contractuelles et fourni au Club Africain l’opportunité de se conformer au contrat et ce, à plusieurs repiuses.
Pour ces raison et suite aux violations répétées de la relation contractuelle :
1/ Le joueur notifie formellement par la présente la résiliation unilatérale du contrat qui le lie au club tunisien le Club Africain pour juste cause dont la responsabilité de la rupture incombe entièrement au club. »
14. Le 1er septembre 2020, le joueur a conclu un contrat avec le club algérien, CR Belouizdad, valable à partir de la date de signature jusqu’au 30 juin 2021, pour un salaire de 300 883.33 dinars algériens (environ 1 882 EUR)
15. Le 5 juin 2020, le demandeur a déposé une demande à l’encontre du club, pour rupture contractuelle sans juste cause, et a demandé les sommes suivantes :
- 61.500 EUR et 17.500 TND d’arriérés de paiements, plus 5% d’intérêts p.a. à compter de la date d’échéance de chacun des paiements, composé comme suit:
- 14.200 EUR au titre de salaires impayés, c’est-à-dire 200 EUR comme reliquat de décembre 2019, plus 3,500*4 pour les salaires complets de janvier 2020 jusqu’à avril 2020;
- 47.300 EUR au titre des tranches impayées de la prime de rendement (8,300 comme reliquat de la première tranche, plus 19,500*2 pour la seconde et troisième tranche);
- 17.500 TND au titre des commodités de loyers impayées.
- 146,500 EUR et 35,000 TND d’indemnité pour la rupture sans juste cause par le Club, plus 5% d’intérêts p.a. à compter de la date de résiliation le 25 mai 2020.
- 5 000 EUR de frais de justice
16. Le demandeur a considéré qu’il avait une juste cause pour résilier le contrat, dans la mesure où le club n’avait pas payé son salaire pendant au moins 4 mois. Selon le joueur « le comportement du Club illustre le désintérêt quant au maintien de la relation contractuelle puisque le Joueur a envoyé plusieurs courriers de mise en demeure, offrant plusieurs opportunités et plusieurs mois au Club afin de remédier à la situation. Au lieu d’engager des discussions constructives, le Club a préféré envoyer des courriers dans lesquels il a tenté de faire diversion en soumettant une liste de paiements sans justificatifs et non réclamés par le Joueur tout en invoquant des éléments contraires aux clauses contractuelles et donc au principe central de la stabilité contractuelle et de pacta sunt servanda »
17. Dans sa réponse à la plainte, le club a rejeté les arguments du joueur et a déposé une demande reconventionnelle à son encontre.
18. Dans ce sens, le club a considéré que le joueur a rompu le contrat de façon abusive le contrat, dans la mesure où, depuis le 17 mars 2020, il a quitté la Tunisie sans autorisation préalable du club.
19. En ce qui concerne la monnaie de règlement, le club a souligné que l’art 2 de l’avenant du 18 janvier 2018 utilise l’expression «équivalent » en TND.
20. En ce qui concerne les « commodités », le club a expliqué selon l’avenant du 18 janvier 2018, la valeur des « commodités » dont bénéficiera le joueur, soit un logement de haut standing et la mise à sa disposition d’une voiture, est de 2500 TND.
21. Cependant, dans ce sens, le club a expliqué que le joueur n’a pas fourni une copie de son bail.
22. Par rapport aux salaire impayés, le club a expliqué qu’il a effectué les paiements suivants :
- un chèque de 15000 DTN en date du 14 novembre 2019;
- Le 20 novembre 2019, le Joueur a reçu du Club un autre chèque de 35000 TND;
- Le 26/12/2019, le Joueur a reçu du Club 1000 DTN, ;
- Le 16 janvier 2020, le joueur a reçu du club un paiement en espèces de 15000 TND selon reçu contresigné par le joueur;
- Le 17 mars 2020, le joueur a retiré la somme de 21400 DTN sur chèque émis sur le compte du Club.
23. Le club a donc conclu que, du 14 novembre 2019 au 17 mars 2020, le joueur a reçu la somme de 77400 TND, « soit l’équivalent de 25800 Euros à raison d’une parité TND/EURO nette, sans commissions, de 1 EURO=3,00 DTN. »
24. En ce qui concerne la prime de rendement, le club a expliqué que, selon le règlement tunisien, et en se référant à sa lettre adressée au club, le joueur aurait droit à une somme total de 16 017.86 ou équivalent en TND.
25. D’autre part, le club a considéré que les mises en demeure adressées par le joueur se caractérisent par leur caractère confus, et que le joueur s’est référé uniquement aux sommes qui lui conviennent.
26. Par conséquent, le club a demandé le paiement d’une indemnité pour la somme de la contrevaleur de 138 000 EUR en TND.
27. Le club a calculé la somme précitée sur la base de l’art. 7 du contrat, selon lequel le joueur devrait payer une amende de 2 000 EUR par jour d’absence (c’est-à-dire, du 17 mars 2020 au 25 mai 2020, soit 69 jours*2 000).
28. Dans sa réplique, le joueur a souligné que, cela soit en EUR ou en TND, le club a manqué à son obligation de rémunération.
29. Par rapport aux « commodités », le joueur a considéré que le versement de TND 2 500 n’était pas soumis à aucune condition.
30. Cependant, le club a adapté ses demandes dans ce sens, et à demandé le paiement de TND 7 390 au lieu de 17 500 TND, comme suit :
- 1.390 TND pour le mois de décembre 2019, + 5% d'interets p.a. a partir du 1er janvier 2020;
- 1.500 TND pour le mois de janvier 2020, + 5% d'interets p.a. a partir du 1er février 2020 ;
- 1.500 TND pour le mois de fevrier 2020, + 5% d'interets p.a. a partir du 1er mars 2020;
- 1.500 TND pour le mois de mars 2020, + 5% d'interets p.a. a partir du 1er avril 2020 ;
- 1.500 TND pour le mois d'avril 2020, + 5% d'interets p.a. a partir du 1er mai 2020.
31. Le nouveau club du joueur, CR Belouizdad, a été invité à présenter sa position et a demandé le rejet de la demande.
32. Dans ce sens, le nouveau club a souligné que le joueur avait résilié son contrat après l’existence de plus de deux mois de salaires.
II. CONSIDÉRANTS DE LA CHAMBRE DE RÉSOLUTION DES LITIGES
1. En premier lieu, la Chambre de Résolution des Litiges (ci-après : la Chambre ou la CRL) a analysé si elle était compétente pour traiter le présent litige. A cet égard, la CRL s’est référé à l’art 21 dudit règlement. Dans ce sens, la CRL a conclu que l’édition de juin 2020 du Règlement de la Commission du Statut du Joueur et de la Chambre de Résolution des Litiges (ci-après : les Règles de procédure) était applicable au présent litige (cf. art. 21 des Règles de procédure).
2. Par la suite, la Chambre s’est référée à l’art. 3 al. 1 des Règles de procédure et a confirmé qu’en application de l’art. 24 al. 1 et de l’art. 22 let. b) du Règlement du Statut et du Transfert des Joueurs, elle est l’organe décisionnel compétente pour connaître des litiges contractuels entre un joueur et un club comportant une dimension internationale, comme il s’agit dans le cas d’espèce, lequel concerne un joueur algérien, un club tunisien, et un club algérien.
3. En outre, la CRL a analysé quelle édition du Règlement du Statut et du Transfert des Joueurs (ci-après : le Règlement) est applicable quant au droit matériel. A cet égard, elle s’est référée, d’une part, à l’article 26 al. 1 et 2 du Règlement et, d’autre part, au fait de la date à laquelle la plainte ait été déposée auprès de la FIFA. Au vu de ce qui précède, la CRL a conclu que l’édition juin 2020 du Règlement est applicable au présent litige quant au droit matériel.
4. Une fois sa compétence et la réglementation applicable établies, la CRL a statué sur le fond du litige. Ce faisant, elle a tout d’abord rappelé les faits mentionnés ci-dessus et étudié la documentation apportée au dossier. Toutefois, la Chambre a souligné que dans les considérants qui suivent, elle ne se référera qu’aux faits, arguments et à la documentation pertinents pour l’analyse de la présente affaire.
5. Dans ce contexte, la Chambre a pris note du fait que les parties ont conclu un contrat valable en principe du 1er juillet 2016 jusqu’au 30 juin 2020 et que ledit contrat avait été prolongé pour une année supplémentaire.
6. Par la suite, la Chambre a observé que le joueur a déposé une plainte devant la FIFA à l’encontre du club, dans laquelle il a affirmé avoir résilié ledit contrat en date du 25 mai 2020. Dans ce sens, la Chambre a remarqué que, dans sa plainte et dans sa lettre de résiliation, le joueur a allégué, entre autres éléments, ne pas avoir perçu la totalité de son salaire depuis décembre 2019. En particulier, la Chambre a bien noté que le joueur a affirmé qu’à la date de résiliation du contrat, il n’avait pas perçu les sommes suivantes :
Salaires
• Salaire de décembre : 200 EUR
• Salaire de janvier : 3 500 EUR
• Salaire de février : 3 500 EUR
• Salaire de mars : 3 500 EUR
• Salaire d’avril: 3 500 EUR
Prime de rendement
• Première tranche : 8300 EUR. Une somme de 35 000 dinars a été payée, soit environ 11 200 EUR.
• Second tranche : 19 500 EUR (deuxième trimestre)
• Troisième tranche : 19 500 EUR (troisième trimestre)
Loyers
• Loyers d’octobre 2019 à avril 2020 : 10 500 DTN
7. D’autre part, la Chambre a bien noté que le club a rejeté les arguments présentés par le joueur.
8. Par conséquent, la Chambre a entendu que la question juridique qu’elle devrait résoudre est celle de déterminer si le joueur avait une juste cause pour résilier unilatéralement le contrat de travail.
9. À cet égard, la Chambre a tenu à souligner que seule une atteinte ou une faute d'une certaine gravité justifie la résiliation d'un contrat. En d'autres termes, ce n'est que lorsqu'il existe des critères objectifs, qui ne peuvent raisonnablement permettent d'espérer une poursuite de la relation de travail entre le les parties, un contrat peut être résilié prématurément. Par conséquent, s'il y a des mesures indulgentes qui peuvent être prises afin qu'un employeur l'accomplissement par le salarié de ses obligations contractuelles, ces mesures doivent être prises avant de mettre fin à un contrat de travail. Une résiliation prématurée d'un contrat de travail ne peut être qu'une mesure d’ultima ratio.
10. Dans ce contexte, la Chambre a bien noté que, selon l’Avenant 1 au contrat, le joueur avait droit, entre autres aspect, à un salaire mensuel de 3 500 EUR.
11. Dans ce contexte, et par rapport aux salaires réclamés par le joueur, la Chambre a observé que le Club Africain a répondu en fournissant une série de documents prouvant certains paiements.
12. Pour ce qui concerne les documents fournis par le club, la Chambre s’est référé à l’art. 12 des règles de procédure, selon lesquelles « 3. La charge de la preuve incombe à la partie qui invoque un droit découlant d’un fait qu’elle allègue» et «le juge apprécie les preuves selon sa libre appréciation. Il prend notamment en considération l’attitude des parties au cours du procès, par exemple le défaut d’obtempérer à une convocation personnelle, le refus de répondre à une question du juge ou de produire des moyens de preuve requis. »
13. Après avoir examiné soigneusement les preuves fournies par le club, la Chambre a finalement conclu que les documents présentés ne prouvent pas que le joueur ait été rémunéré comme convenu depuis décembre 2019. En particulier, la Chambre a considéré que les documents fournis par le club se composent de chèques et de retraits en espèces qui ne prouvent aucun transfert d’argent.
14. Par conséquent, la Chambre a compris que, dans la mesure où le joueur n’avait pas été rémunéré comme convenu depuis décembre 2019, il avait des raisons valables de mettre fin au contrat de travail. Notamment, la Chambre a remarqué que le club avait sérieusement négligé ses obligations pécuniaires envers le joueur.
15. Par conséquent, la CRL a déterminé de manière unanime que le joueur avait eu juste cause pour résilier unilatéralement et prématurément le contrat le 25 mai 2020, et que le Club Africain devait être tenu responsable de ce qui précède.
16. La responsabilité du club concernant la rupture du contrat ayant été établie, la Chambre a focalisé son attention sur les conséquences de la rupture avec juste cause par le joueur. A cet égard et conformément à l’art. 17 al. 1 du Règlement, la Chambre a jugé que le joueur était en droit de recevoir une indemnité à titre de compensation en sus d’éventuels montants dus à titre d’arriérés de rémunération.
17. Cela étant établi, la Chambre a considéré que, avant procéder au calcul du montant dû en tant qu’indemnité, il serait nécessaire d’établir au préalable, les sommes dues au joueur en tant qu’arriérés de rémunération.
18. Dans ce sens, et après vérifier les pièces versées au dossier, ainsi que le contrat signé entre les parties, la Chambre a observé que le club ne s’est pas acquitté de la somme de 14 200 EUR en tant que salaires arriérés, composés par le reliquat du mois de décembre 2019 (200 EUR), ainsi que son salaire complet pour la période comprise entre janvier 2020 à avril 2020 (3,500*4).
19. Par conséquent, en application du principe de pacta sunt servanda, la Chambre a établi que le Club Africain doit payer au joueur, la somme de 14 200 EUR, correspondant aux salaires décrits dans le paragraphe précédent.
20. D’autre part, la Chambre aussi observé que, selon le contrat, le joueur avait droit à percevoir, entre autres, l'équivalent de 128 000 EUR au titre de prime payable sur quatre tranches entre le 1 juillet 2019 au 30 juin 2020
21. Par rapport à ladite « prime », la Chambre a considéré l’argument du club, selon lequel elle devrait être calculée de façon proportionnelle.
22. Cependant, et après avoir analysé le contenu du contrat, le contrat ne stipulait aucun élément particulier quant à la proportionnalité de la "prime" et, par conséquent, ledit montant doit être payé intégralement, en stricte application du principe de pacta sunt servanda.
23. Par conséquent, après considérer la demande du joueur ainsi que les autres pièces versées au dossier, la Chambre a décidé que le Club Africain doit payer au joueur la somme de 47 300 EUR en tant que reliquat de la « prime » convenue entre les parties.
24. En outre, la Chambre a aussi observé que le joueur a réclamé le paiement de 7 390 TND, conformément à l’Avenant 1 contrat et en tant que commodités, pour les mois de décembre 2019 jusqu’à mai (1 390 TND pour le mois de décembre 2019, 1 500 TND pour le mois de janvier 2020, 1 500 TND pour le mois de février 2020, 1 500 TND pour le mois de mars 2020 et 1 500 TND pour le mois d'avril 2020).
25. Dans ce sens, la Chambre a observé que, en effet, l’Avenant 1 au contrat, stipulait avec clarté que le joueur avait droit à la somme de 2 500 TND par mois au titre de commodités (logement et mise à disposition d’une voiture)
26. Par conséquent, et dans la mesure où le club n’a pas démontré avoir payé les sommes réclamées et auxquelles le joueur avait droit, en application du principe de pacta sunt servanda, la Chambre a décidé que le joueur avait droit à percevoir la somme de 7 390 TND en tant que commodités.
27. En somme, la Chambre a conclu que le Club Africain est débiteur d’une somme totale de 61 500 EUR (14 200 EUR + 47 300 EUR et 7 390 TND) en tant qu’arriérés de rémunération.
28. De plus, compte tenu de la demande du demandeur ainsi que de la jurisprudence de longue date à cet égard, la Chambre a décidé d'accorder un intérêt de 5 % par an sur lesdits montants à compter des dates d'échéance.
29. Dans un souci d'exhaustivité, la Chambre a observé que, selon le club, le joueur était absent depuis le 17 mars 2020. Bien que non explicitement mentionnée, la Chambre a compris que cette absence était susceptible de résulter de l'interruption de la saison en raison de la pandémie COVID-19. En tout état de cause, le Club Africain n'a fourni aucune preuve quant à ces absences et a donc rejeté que ledit argument puisse avoir une quelconque conséquence juridique.
30. Par la suite, la Chambre s’est attelée à déterminer le montant dû à titre de compensation. A ce titre, la Chambre a rappelé que conformément à l’art. 17 al. 1 du Règlement, l’indemnité pour rupture de contrat sera calculée, sous réserve de l’existence de stipulations contractuelles s’y rapportant, conformément au droit en vigueur dans le pays concerné, à la spécificité du sport et en tenant compte de tout critère objectif inhérent au cas. Ces critères comprennent notamment la rémunération et autres avantages dus au joueur en vertu du contrat en cours et/ou du nouveau contrat, la durée restante du contrat en cours jusqu’à cinq ans au plus, de même que la question de savoir si la rupture intervient pendant la période protégée.
31. Revenant au contenu du contrat, la Chambre a noté que celui-ci ne contient aucune stipulation spécifique établissant une indemnité applicable en cas de rupture du contrat sans juste cause par l’une des parties. Par conséquent, la Chambre a considéré qu’il convenait de se référer aux autres éléments mentionnés à l’al. 1 de l’art. 17 du Règlement. A cet égard, la Chambre a rappelé que cette disposition contient une énumération non-exhaustive de critères pouvant être pris en compte dans le cadre du calcul du montant de l’indemnité devant être payée et que, de ce fait, elle avait toute discrétion pour se baser sur tout autre critère objectif pour calculer le montant de ladite indemnité.
32. Ayant à l’esprit les considérations qui précèdent ainsi que la demande du joueur, la Chambre a rappelé que le contrat devait expirer, suite à sa prolongation accordée entre les parties, le 30 juin 2021 (cf. point I.5) et a procédé au calcul de la valeur résiduelle du contrat. Ainsi la CRL a établi que la somme de 120 000 EUR (c’est à dire, 42 000 EUR correspondant à 12 mensualités de 3 500 EUR, et à 78 000 EUR en tant que prime de rendement) correspondant à la rémunération totale due au joueur à compter de la date de résiliation au 30 juin 2021, constituait la base de calcul pour déterminer le montant dû à titre d’indemnité.
33. La CRL a ensuite vérifié si le joueur avait signé un nouveau contrat de travail durant la période en question, au moyen duquel il aurait pu réduire l’étendue de son dommage. En effet, conformément à la jurisprudence constante de la CRL, la rémunération perçue dans le cadre de ce nouveau contrat doit être prise en considération afin de fixer le montant de la compensation payable et ce, en vertu de l’obligation qu’a tout joueur de limiter son préjudice
34. En l’espèce, la Chambre a observé qu’il ressortait des informations contenues dans le TMS, avait conclu un contrat avec le club Algérien, CR Belouizdad, avec lequel il percevrait jusqu’au 30 juin 2021, la somme équivalente de 18 820 EUR (c’est-à-dire, DZD 300 883.33 (environ 1 882 EUR)*10) (cf. point I. 10).
35. À ce stade, la Chambre a donc estimé que l’indemnité réduite correspondrait à 101 180 EUR (120 000-18 820).
36. Par la suite, la Chambre s’est référé à l’art 17 par. 1 ii du Règlement, selon lequel « de plus, et sous réserve que la résiliation prématurée du contrat soit due à des impayés, le joueur sera en droit de percevoir, en plus de l’indemnité réduite, une somme correspondant à trois mois de salaire »
37. En conséquence, la CRL a décidé d’ajouter la somme de EUR 30,000, équivalente à trois mois de salaire, à l’indemnité réduite (c’est-à-dire, EUR 3,500*12+EUR 78,000/12=120,000/12=EUR 10,000, somme qui comprend le salaire mensuel ainsi que la prime de rendement). Cependant, dans la mesure où l’article susmentionné dispose que « . L’indemnité totale ne pourra jamais dépasser la valeur résiduelle du contrat prématurément résilié », la Chambre a compris que l’indemnité finale ne peut pas dépasser la somme de 120 000 EUR.
38. Au vu de ce qui précédé, la Chambre a établi que le club doit payer la somme de 120 000 EUR à titre de compensation pour la rupture du contrat sans juste cause, somme qui apparaît raisonnable, justifiée et cohérente avec la jurisprudence et règlements applicable.
39. En outre, compte tenu de la demande du demandeur ainsi que de la jurisprudence de longue date à cet égard, la Chambre a décidé d'accorder un intérêt de 5 % par an sur ledit montant à compter de la date de la demande.
40. De plus, comme conséquence logique de tout ce qui précédé, la Chambre a rejeté la demande reconventionnelle du club.
41. De même, en ce qui concerne les frais de procédure, la Chambre s’est référé à l’art. 18 du Règlement de Procédure, qui dispose que « 2. Les procédures devant la CRL sont gratuites pour les litiges entre clubs et joueurs en relation avec le maintien de la stabilité contractuelle ainsi que pour les litiges internationaux relatifs au droit du travail entre clubs et joueurs » et que « 4. Les procédures devant la Commission du Statut du Joueur et la CRL ne donnent lieu à aucun frais de procédure. »
42. En outre, la Chambre a fait référence à l'art. 24bis al. 1 et 2 du Règlement, qui stipule que, dans sa décision, l'organe de décision compétent de la FIFA statue également sur les conséquences découlant du défaut de paiement dans les délais impartis, par la partie concernée, des montants de la rémunération et/ou de l'indemnité due.
43. À cet égard, la Chambre a souligné que, à l'encontre des clubs, la conséquence du défaut de paiement des montants dus dans les délais impartis, consiste en l'interdiction de recruter des nouveaux joueurs, que ce soit au niveau national ou international, jusqu'au paiement des montants dus et pour la durée maximale de trois périodes d'enregistrement complètes et consécutives.
44. Par conséquent, compte tenu de ce qui précède, la CRL a décidé que, dans le cas où le défendeur ne paie pas les montants dus au demandeur dans un délai de 45 jours à compter de la date de notification par le demandeur des informations bancaires permettant au défendeur de procéder au paiement, le défendeur se verra interdit de recruter des nouveaux joueurs, au niveau national ou international, jusqu’à ce que les sommes dues soient payées, et pour une durée maximale de trois périodes d’enregistrement entières et consécutives, conformément à l'art. 24bis al. 2 et 4 du Règlement.
45. Enfin, la Chambre a rappelé que l'interdiction susmentionnée sera levée immédiatement, dès le paiement du montant dû, conformément à l'art. 24bis al. 3 du Règlement.
III. DÉCISION DE LA CHAMBRE DE RÉSOLUTION DES LITIGES
1. La demande du demandeur, Mokhtar Belkhiter, est partiellement acceptée.
2. Le défendeur, Club Africain, doit payer au demandeur les sommes suivantes:
- 61 500 EUR et 7 390 TND à titre d’arriérés de rémunération majorée d’un intérêt annuel au taux de 5% à compter des dates respectives d’échéance jusqu’à la date du complet paiement ;
- 120 000 EUR à titre d’indemnité pour résiliation du contrat sans juste cause, majorée d’un intérêt annuel au taux de 5% à compter du 5 juin 2020 jusqu’à la date du complet paiement.
3. Toute autre demande formulée par le demandeur est rejetée.
4. La demande reconventionnelle du Club Africain est rejetée.
5. Le demandeur est prié de transmettre immédiatement et directement au défendeur les coordonnées bancaires auxquelles le défendeur doit payer la somme due.
6. Le défendeur est tenu d’envoyer la preuve de paiement du montant dû conformément à la présente décision à l’adresse psdfifa@fifa.org, accompagnée, le cas échéant, d’une traduction dans l’une des langues officielles de la FIFA (anglais, français, allemand, espagnol).
7. Si le montant dû ainsi que les intérêts tel que mentionné ci-dessus n’est/ne sont pas payé(s) par le défendeur dans un délai de 45 jours à compter de la date de notification par le demandeur des informations bancaires permettant au défendeur de procéder au paiement, il en découlera les conséquences suivantes :
A.
Le défendeur se verra imposer une suspension (de matches officiels) d'ici à ce que les sommes soient payées. La durée totale maximale de cette restriction – incluant de possibles sanctions sportives – est de six mois. L'interdiction sera levée avant son échéance dès que les sommes dues auront été payées (cf. art. 24bis du Règlement du Statut et du Transfert des Joueurs).
B.
Si la somme susmentionnée ainsi que les intérêts n’est toujours pas payée d’ici la fin de l'interdiction décrite au point précédent, le cas sera soumis, sur demande, à la Commission de Discipline de la FIFA pour considération et décision.
Pour la Chambre de Résolution des Litiges:
Emilio García Silvero
Chief Legal & Compliance Officer
NOTE RELATIVE À LA PROCÉDURE D’APPEL:
Conformément à l’article 58 al. 1 des Statuts de la FIFA, la présente décision est susceptible d’appel devant le Tribunal Arbitral du Sport (TAS) dans un délai de 21 jours à compter de la notification de la présente décision.
NOTE RELATIVE À LA PUBLICATION:
La FIFA est en droit de publier la présente décision. Pour des raisons de confidentialité, la FIFA peut décider, sur requête d’une partie formulée dans les cinq jours suivants la notification de la décision motive, de publier une version anonymisée ou éditée (cf. article 20 du Règlement de Procédure).
CONTACT:
Fédération Internationale de Football Association
FIFA-Strasse 20 P.O. Box 8044 Zurich Switzerland
www.fifa.com | legal.fifa.com | psdfifa@fifa.org | T: +41 (0)43 222 7777