F.I.F.A. – Dispute Resolution Chamber / Camera di Risoluzione delle Controversie – labour disputes / controversie di lavoro (2020-2021) – fifa.com – atto non ufficiale – Decision 16 juillet 2020

Décision de la
Chambre de Résolution des Litiges
le 16 juillet 2020
concernant un litige contractuel relatif au joueur Muhamed Maudo Keita
COMPOSITION:
Geoff Thompson (Angleterre), Président Michele Colucci (Italie), membre
Abu Nayeem Shohag (Bengladesh), membre
DEMANDEUR:
Muhamed Maudo Keita, Norvège
Représenté par M. Guy San Bartolome Sarrey
DÉFENDEUR:
Ohod FC, Arabie Saoudite
Représenté par M. Ali Abbes & M. Mohamed Rokbani
I. FAITS
1. Le 21 décembre 2019, le joueur norvégien,Muhamed Maudo Keita (ci-après : le joueur ou le demandeur) et le club saoudien, Ohod FC (ci-après : le club ou le défendeur) ont signé un contrat de travail (ci-après : le contrat) valide à compter du 1ier janvier 2020 jusqu’au 30 juin 2020.
2. Conformément au contrat dont la valeur totale s’élevait à 105,000 USD, le joueur avait le droit, entre autres, aux rémunérations et avantages suivants :
 15,000 USD au titre de « fournisseur de contrat » ;
 15,000 USD au titre de salaire mensuel ;
 Un logement et une voiture ;
 Un congé annuel sur accord des parties ;
 Une assurance médicale ;
 La possibilité de rejoindre son équipe nationale et de suivre les entraînements en accord avec les règlements ;
 Un billet d’avion pour le joueur et un « billet famille » ;
 Des primes de matchs comme suit :
- 5,000 USD si le joueur marque 13 buts et fait 7 passes décisives ;
- 5,000 USD si l’équipe parvient à rejoindre la Ligue professionnelle saoudienne en 2020/2021 ;
- 600,000 USD si l’équipe est promue automatiquement en Ligue professionnelle saoudienne en 2020/2021.
3. De plus, l’article IX du contrat traitant du « règlement des litiges » prévoyait notamment que :
1. Les parties s'efforceront de résoudre leurs différends concernant l'exécution du contrat à l'amiable ;
2. En cas de litige entre les parties sur les termes du contrat, s'adresser au Tribunal Arbitral du Sport (TAS) et suivre les règlements de l'UEFA et de la FIFA en vigueur au moment d'un éventuel litige.
(traduction libre de l’anglais, version originale : « Article IX: Settlement of Disputes ; 1- The parties will seek to resolve their differences on the implementation of the contract amicable settlement ; 2 - In the case of dispute between the parties on the terms of the contract go to the court of arbitration for sports (cas) and will follow the UEFA and FIFA regulations enforced at the time of any possible Disputes»)
4. Par ailleurs, l’article X du contrat prévoyait les modalités d’amendement et de résiliation du contrat suivantes :
1- Le contrat peut être modifié par consentement mutuel par l’ajout ou la suppression de tout élément ;
2- Le contrat ne pourra être résilié durant le cours de la saison sportive ;
3- Les parties peuvent s’accorder sur la résiliation du contrat préalablement à son terme ;
4- Si le contrat est résilié par l’une des parties avant son terme, l’autre partie est dans l’obligation de payer une pénalité s’élevant à un salaire mensuel.
(traduction libre de l’anglais)
5. Le 25 janvier 2020, à la suite d'une prétendue rencontre entre les parties, le joueur a envoyé une proposition de résiliation amiable au club.
6. Le même jour, le club a résilié le contrat avec le joueur par une lettre envoyée par courrier électronique, qui se lit comme suit :
« Merci pour votre temps avec le club. Le club souhaite résilier le contrat conclu avec vous pour la période à compter du 1ier janvier 2020 au 30 juin 2020. Nous sommes disposés à régler la pénalité contractuelle convenue (si le contrat est résilié par l’une des parties avant son terme, l’autre partie est dans l’obligation de payer une pénalité s’élevant à un salaire mensuel). Nous sommes également disposés à vous payer votre salaire pour le temps passé avec nous du 21.12.2019 au 25.01.2020 (35 jours) ».
(traduction libre de l’anglais)
7. Par la suite, le joueur a expliqué qu'il avait reçu un billet d’avion pour son pays d'origine, payé par le club et daté du 27 janvier 2020.
8. De plus, après que le club ait demandé la radiation du joueur auprès de la Saudi Arabian Football Federation le 26 janvier 2020, cette dernière a pris la décision le 28 janvier 2020 d’approuver la résiliation du contrat par le club qui en a notifié le joueur par courrier électronique le 31 janvier 2020.
9. Le 31 mars 2020, le joueur a porté plainte contre le club devant la FIFA pour arriérés de salaires et compensation pour rupture du contrat en réclamant les montants suivants :
- 5,025 USD au titre de reliquat de la « prime de signature » ;
- 15,000 USD au titre du salaire impayé du mois de janvier 2020 ;
- 75,000 USD au titre de compensation pour rupture de contrat, correspondant à la valeur résiduelle du contrat ;
- 4,075.30 Riyals au titre de remboursement de frais d’hébergement ;
- 605,000 USD au titre des bonus contractuellement convenus.
10. De plus, le joueur a demandé à ce que les sommes susmentionnées soit majorées d’un intérêt annuel au taux de 5% à compter des dates d’échéance respectives.
11. Dans sa plainte, le joueur a tout d’abord soutenu que la FIFA était compétente pour traiter la présente affaire au motif que l’article IX du contrat prévoyait une clause de compétence qui n’était pas exclusive mais plutôt facultative.
12. Ensuite, le joueur a expliqué que le club avait, à ses yeux, résilié le contrat sans juste cause.
13. De plus, selon le joueur, il avait droit à une « prime de signature » de 15,000 USD ainsi qu'à 6 salaires mensuels de 15,000 USD chacun, à savoir un total de 105,000 USD.
14. À cet égard, le joueur a accusé réception d'un paiement de 9,975 USD de la part du club le 27 décembre 2019.
15. En outre, le joueur s'est référé à l'article X du contrat et a déclaré que les paragraphes 2 et 4 sont contradictoires, dans la mesure où le paragraphe 4 est unilatéral étant uniquement favorable au club et, de ce fait, doit être ignoré.
16. Enfin, le joueur a indiqué avoir droit à une indemnisation pour rupture de contrat à hauteur de la valeur résiduelle du contrat, soit 75,000 USD, ainsi que le remboursement de ses frais d'hébergement et de voyage.
17. Pour sa part et en réponse à la requête du joueur, le club a tout d’abord contesté la compétence de la FIFA pour se prononcer sur le fond de la présente affaire. En effet, le club a soutenu que la clause d'arbitrage prévue à l’article IX du contrat faisait référence à la compétence du Tribunal Arbitral du Sport (ci-après : le TAS).
18. A cet égard, le club a estimé que ladite clause d'arbitrage reflétait la volonté commune des parties de soumettre la présente procédure à l'arbitrage du TAS.
19. De plus et quant au fond de l’affaire, le club a expliqué, sur la base des éléments de preuve fournis par ses soins quant à de prétendus paiements, qu'en réalité, le joueur a reçu le 23 décembre 2019 un chèque d'un montant de 22,500 Riyals (environ 6,000 USD) et le 24 décembre 2019 un virement bancaire d'un montant de 10,000 USD, soit un total de 16,000 USD qui était équivalent aux frais d'inscription du joueur et à une avance de 1,000 USD sur son salaire pour le mois de janvier 2020.
20. En outre, le club s'est référé à la proposition d’accord amiable du joueur envoyée le 25 janvier 2020, qui faisait suite à l'intention commune des parties de résilier le contrat à l'amiable avant la période de transferts d'hiver en Arabie Saoudite. A cet égard, le club a soutenu que ladite offre étant en contradiction avec le contrat et qu’il n'avait pas eu d'autre choix que de résilier le contrat conformément à l'article X paragraphe 4 du contrat.
21. En outre, le club a estimé que l'article X paragraphe 4 du contrat est réciproque, proportionnel et équilibré, car ladite clause de résiliation / d’indemnisation a été convenue d'un commun accord et était à la disposition des deux parties.
22. Par conséquent, le club a demandé à ce que la requête du joueur soit déclarée comme irrecevable, à défaut de quoi, que sa requête soit rejetée.
23. Suite à la requête de l’administration de la FIFA invitant le joueur à commenter exclusivement les éléments apportés au dossier par le club quant aux paiements prétendument effectués, le joueur a soutenu ne pas avoir reçu le montant de 22,500 Riyals (environ 6,000 USD) le 23 décembre 2019 et a indiqué que le chèque, non-signé par ce dernier, ne lui aurait jamais été remis, à défaut de quoi il l'aurait encaissé ou du moins aurait essayé de le faire. De plus, le joueur a confirmé une nouvelle fois avoir reçu un montant de 9,975 USD le 27 décembre 2019 par virement et non un montant 10,000 USD comme soutenu par le club, ceci compte tenu des frais bancaires.
24. Enfin, le joueur a informé la FIFA qu’il n’avait pas retrouvé d’emploi depuis la résiliation du contrat.
II. CONSIDERANTS DE LA CHAMBRE DE RESOLUTION DES LITIGES
1. En premier lieu, la Chambre de Résolution des Litiges (ci-après : la Chambre ou la CRL) a analysé si elle était compétente pour traiter le présent litige. A cet égard, elle a pris note que la présente demande a été soumise à la FIFA le 31 mars 2020. Par conséquent, la CRL a conclu que l’édition 2019 du Règlement de la Commission du Statut du Joueur et de la Chambre de Résolution des Litiges (ci-après : les Règles de procédure) était applicable au présent litige (cf. art. 21 des Règles de procédure).
2. Par la suite, la Chambre s’est référée à l’art. 3 al. 1 des Règles de procédure et a confirmé qu’en application de l’art. 24 al. 1 et al. 2 et de l’art. 22 let. b) du Règlement du Statut et du Transfert des Joueurs (édition de juin 2020 ; ci-après: Règlement), elle serait, en principe, l’organe décisionnel compétent pour connaître d’un litige contractuel relatif au travail de dimension internationale entre un joueur norvégien et un club saoudien.
3. Ensuite, la Chambre a pris note du fait que le défendeur avait contesté la compétence de la FIFA pour traiter la présente affaire, en invoquant la compétence exclusive du TAS, sur la base de la clause d’arbitrage prévue à l’article IX du contrat qui reflétait, selon ce dernier, la volonté commune des parties de soumettre la présente procédure à l'arbitrage du TAS.
4. En outre, la CRL a noté que, pour sa part, le joueur estimait que la FIFA était compétente pour traiter la présente affaire au motif que l’article IX du contrat prévoyait une clause de compétence qui n’était pas exclusive mais plutôt facultative. Par conséquent, le demandeur soutenait que la FIFA devrait être compétente pour se prononcer sur le fond de la présente affaire.
5. A cet égard, dans un souci de bon ordre, la Chambre a souhaité rappeler le libellé de la clause pertinente du contrat, à savoir l’article IX :
« Article IX :Règlement des litiges
1. Les parties s'efforceront de résoudre leurs différends concernant l'exécution du contrat à l'amiable ;
2. En cas de litige entre les parties sur les termes du contrat, s'adresser au Tribunal Arbitral du Sport (TAS) et suivre les règlements de l'UEFA et de la FIFA en vigueur au moment d'un éventuel litige.
(traduction libre de l’anglais, version originale : « Article IX: Settlement of Disputes ; 1- The parties will seek to resolve their differences on the implementation of the contract amicable settlement ; 2 - In the case of dispute between the parties on the terms of the contract go to the court of arbitration for sports (cas) and will follow the UEFA and FIFA regulations enforced at the time of any possible Disputes»)
6. Dans ce contexte, la CRL a dûment analysé la clause susmentionnée et a souhaité souligner que la clause IX.2. du contrat établit sans équivoque la compétence du Tribunal Arbitral du Sport « en cas de litige entre les parties sur les termes du contrat (…) ». A cet égard, la CRL a également tenu à souligner que la clause arbitrale, telle que rédigée dans le contrat, entend bien qu’à défaut de règlement à l'amiable entre les parties, ladite clause enjoint aux parties de s’adresser au TAS en vue d’y soumettre le litige et ne se limite pas uniquement à en offrir la faculté comme soutenu par le joueur. En effet, les membres de la Chambre ont rappelé le contenu de l’art. 12. paragraphe 3 des Règles de procédure, selon lequel toute partie tirant un droit d'un fait allégué doit supporter la charge de la preuve respective et ont convenu que l'argumentation du demandeur ne peut être suivie car ce dernier n'a pas fourni de preuve concluante qui pourrait prouver que ladite clause n’était que facultative quant à l’attribution de compétence.
7. De plus, la CRL a estimé que ladite clause était bien claire et exclusive quant à la compétence du TAS qui, en vertu de la même clause, appliquerait le règlement pertinent, c'est-à-dire les règlements de la FIFA et de l’UEFA, considérés par la clause uniquement comme lois applicables et non comme organes décisionnaires.
8. Compte tenu de ce qui précède, la CRL a établi que la clause de compétence contenue à l’article IX du contrat est spécifique, claire et fait littéralement référence à tous les litiges liés à la relation de travail entre les parties, comme celui-ci.
9. Par ailleurs, après avoir exposé ce qui précède, les membres de la Chambre ont souligné que le choix du forum est un droit fondamental des parties à un contrat qui, par principe, doit être respecté. Dans ce contexte, les membres de la CRL se sont référés à la première phrase de l'art. 22 du Règlement, qui établit que "Sans préjudice du droit de tout joueur ou club de demander réparation devant un tribunal civil pour des litiges relatifs au travail (...)". Par conséquent, la Chambre a souligné qu'un joueur et un club ont donc le droit de soumettre un conflit de travail à un tribunal autre que la FIFA, la seule limite à cette liberté étant que le forum choisi respecte les principes fondamentaux d'une procédure régulière, notamment la pratique à suivre d’un tribunal ordinaire.
10. Dans ce sens, la Chambre a tenu à souligner qu'il est incontestable que le TAS garantit le respect des droits procéduraux fondamentaux des parties, à savoir le principe de parité lors de la constitution du tribunal, le droit à un tribunal indépendant et impartial, le principe du contradictoire, le droit à une procédure contentieuse et le principe de l'égalité de traitement.
11. En effet, les membres de la CRL ont tenu à rappeler que le Tribunal Fédéral Suisse a reconnu le TAS comme un véritable tribunal arbitral dont les décisions ont le même effet qu'un jugement de droit commun.
12. En gardant ces considérations à l'esprit, la CRL a tenu compte du fait que, comme indiqué ci-dessus, selon la première phrase de l'art. 22 du Règlement, en règle générale, tout joueur ou club peut demander réparation devant un tribunal civil pour des litiges liés à l'emploi et, à cet égard, a décidé de suivre les critères établis par le Tribunal Fédéral Suisse selon lesquels le TAS est considéré comme ayant le même niveau d'indépendance et d'impartialité qu'un tribunal ordinaire et qu'une décision du premier produit exactement les mêmes effets juridiques qu'un jugement du second. En d'autres termes, la CRL est arrivée à la conclusion que l'objectif principal de la première phrase de l'art. 22 est de donner aux parties la liberté de choisir un autre forum que la FIFA pour résoudre leurs litiges en matière de droit du travail, la seule limite étant, comme établi ci-dessus, le respect des principes fondamentaux du droit procédural, ce que le TAS remplit sans aucun doute.
13. Après voir établi tout ce qui précède, les membres de la CRL ont conclu qu'il n'y a aucune raison de ne pas respecter le choix du forum explicitement établi par les parties dans le contrat et que, par conséquent, l'objection du club à la compétence de la FIFA pour traiter la présente affaire doit être retenue. En conséquence, la CRL a décidé qu'elle n'est pas compétente, sur la base de la clause IX du contrat, pour examiner la présente affaire quant au fond.
14. Compte tenu de ce qui précède, la CRL a décidé que la demande du demandeur est irrecevable.
III. DECISION DE LA CHAMBRE DE RESOLUTION DES LITIGES
1. La demande du demandeur, Muhamed Maudo Keita, est irrecevable.
Pour la Chambre de Résolution des Litiges:
Emilio García Silvero
Directeur juridique et conformité
NOTE CONCERNANT LA PROCEDURE D’APPEL:
Conformément à l’article 58 alinéa 1 des Statuts de la FIFA, cette décision est susceptible d’un appel au Tribunal Arbitral du Sport (TAS). L’appel devra être interjeté dans un délai de 21 jours à compter de la notification de la décision et devra comprendre tous les éléments figurant au point 2 des directives émanant du TAS..
NOTE RELATIVE A LA PUBLICATION:
L'administration de la FIFA peut publier les décisions de la Commission du Statut du Joueur ou de la CRL. Lorsque ces décisions contiennent des informations confidentielles, la FIFA peut décider, à la demande d'une partie dans les cinq jours suivant la notification de la décision motivée, de publier une version anonymisée ou une version expurgée (cf. art. 20 du Règlement de la Commission du Statut du Joueur et de la Chambre de Résolution des Litiges).
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