F.I.F.A. – Dispute Resolution Chamber / Camera di Risoluzione delle Controversie – labour disputes / controversie di lavoro (2020-2021) – fifa.com – atto non ufficiale – Decision 2 juillet 2020
Décision de la
Chambre de Résolution des Litiges
rendue le 2 juillet 2020
dans le cadre d’un litige contractuel concernant le joueur Yaly Mohammed DELLAH
COMPOSITION:
Clifford J. Hendel (USA/France), Président Adjoint
Michelle Colucci (Italie), membre
Todd Durbin (USA), membre
DEMANDEUR:
Yaly Mohammed DELLAH, Mauritanie
Représenté par M. Slim Boulasnem
DÉFENDEUR:
DIFAA RIADHI TADJENANET, Algérie
I. FAITS
1. Le joueur mauritanien, Yaly Mohammed Dellah (ci-après : le joueur ou le demandeur) et le club
algérien, Difaa Riadhi Tadjenanet (ci-après : le club ou le défendeur) ont signé un contrat de travail
(ci-après : le contrat) valide à compter du 1er janvier 2019 jusqu’au 31 mai 2021.
2. Selon le contrat, le joueur était en droit de recevoir un salaire mensuel brut de 1,500,000 dinars
algériens (DZD).
3. En date du 7 juin 2019, le joueur a mis le club en demeure de lui payer les salaires des mois d’avril
et mai 2019 dans un délai de 15 jours. Le joueur a adressé sa mise en demeure à l’attention du
club et l’a envoyé par email au bureau du Secrétaire Général de la Fédération Algérienne de
Football.
4. En date du 1er juillet 2019, le joueur a unilatéralement résilié le contrat, estimant avoir une juste
cause suite au défaut de paiement de deux mois de salaires et au fait que le club n’était pas en
mesure d’enregistrer le joueur pour la saison 2019/2020 suite à sa relégation la saison précédente.
Une nouvelle fois, le joueur a adressé la résiliation du contrat à l’attention du club et l’a envoyé
par email au bureau du Secrétaire Général de la Fédération Algérienne de Football.
5. Le même jour, i.e. 1er juillet 2019, le joueur a porté plainte contre le club devant la FIFA.
6. Le 28 juillet 2019, le joueur et le club ont conclu un accord de résiliation mutuelle (ci-après :
l’accord) selon lequel les parties acceptent de résilier le contrat et le joueur « reconnaît qu'il n'y a
pas de différend financier entre les parties » (traduction libre de l’anglais).
7. Dans sa plainte, le joueur a tout d’abord soutenu que le club avait manqué à lui payer ses salaires
pour les mois d’avril et mai 2019.
8. Par ailleurs, le joueur a fourni les règlements de la Fédération Algérienne de Football, selon lesquels
seuls les clubs de première division sont en droit d’enregistrer des joueurs étrangers. A cet égard,
le joueur a expliqué qu’il n’était plus en mesure de jouer pour le club suite à la relégation de ce
dernier à la fin de la saison précédente.
9. Au vu de ce qui précède, le joueur a estimé qu’il avait résilié le contrat avec juste cause.
10. S’agissant de la conclusion de l’accord, le joueur a tout d’abord affirmé n’avoir jamais signé ledit
document. Selon le joueur, il était absent le 28 juillet 2019, i.e. date de la conclusion de l’accord,
et il serait seulement revenu en Algérie en date du 31 juillet 2019.
11. Le joueur a ensuite indiqué qu’il avait conclu un contrat de travail avec le club algérien, NAHD, en
date du 1er août 2019, valable du 30 juillet 2019 jusqu’au 29 juillet 2021. Selon le contrat de
travail, le joueur est en droit de recevoir un salaire mensuel de DZD 1,669,480.22. Le joueur a
toutefois indiqué avoir résilié le contrat unilatéralement en date du 25 décembre 2019 à la suite
de salaires impayés.
12. Dans une correspondance ultérieure, le joueur a affirmé avoir signé l’accord avec le club.
Toutefois, le joueur a indiqué l’avoir signé involontairement, l’accord étant dans une pile de
documents à signer, en particulier avec son nouveau contrat de travail avec le club NAHD.
13. Le joueur a ensuite avancé que le défendeur et le club algérien, NAHD, avait mis au point un
mécanisme selon lequel le défendeur n’aurait pas besoin de payer au joueur ses arriérés de
rémunération en échange du paiement d’une indemnité de transfert, alors même que le joueur
était libre. A cet égard, le joueur a maintenu avoir signé le contrat de travail avec le club NAHD
en date du 1er août 2019, mais que ce dernier aurait indiqué une date antérieure.
14. En outre, le joueur a insisté sur le fait qu'il n'avait aucun intérêt à signer l’accord. Dans ce contexte,
le joueur a indiqué que, conformément à la législation suisse, il ne pouvait renoncer aux salaires
des mois durant lesquels il avait effectivement travaillé pour le club. De plus, le joueur a déclaré
que la signature du document ayant eu lieu 28 jours après la résiliation unilatérale du contrat, et
que, conformément au droit suisse et à la jurisprudence du TAS, une renonciation aux droits
financiers signée moins de 30 jours après une résiliation unilatérale est réputée non valable. Ainsi,
le joueur a formellement exigé que l’accord ne soit pas pris en considération dans le cadre de la
présente procédure.
15. Enfin, le joueur a souligné qu'il y avait un manque évident de réciprocité dans l’accord, car le
joueur renonçait à ses arriérés de salaire ainsi qu'à une compensation et ne recevait rien en retour,
tandis que le club économisait ces montants et recevait une indemnité de transfert en retour,
tournant la situation à son propre avantage financier.
16. Au vu de ce qui précède, le joueur a réclamé les montants suivants :
DZD 4,500,000 à titre d’arriérés de paiement, i.e. salaires d’avril, mai et juin 2019 + 5%
d’intérêts p.a. à compter des dates d’échéance;
DZD 34,652,599 à titre de compensation pour rupture de contrat + 5% d’intérêts p.a. à
compter du 1er juillet 2019. A cet égard, il convient de préciser que le joueur a estimé la
valeur résiduelle du contrat à un montant total de DZD 34,500,000, auquel il a déduit la
valeur de son nouveau contrat avec le club NAHD, DZD 8,347,401 et ajouté le montant
de DZD 9,000,000 correspondant à une indemnité supplémentaire équivalente à six mois
de salaire en vertu de l’art. 17 al. 1 par. ii) du Règlement du Statut et du Transfert des
Joueurs.
17. Dans sa réponse, le club a tout d’abord affirmé que les parties avaient bel et bien signé l’accord,
selon lequel il est confirmé qu’il n’existe aucun différend financier entre les parties.
18. Le club a ensuite indiqué que le joueur devait signer ce document pour pouvoir être enregistré
avec un autre club, i.e. NAHD.
19. Le club a également déclaré que l'accord avait effectivement été signé par le joueur, et a souligné
que les signatures et les empreintes digitales de ce dernier constituaient une preuve de
l'authenticité du document.
20. Ensuite, le club a contredit le joueur, en affirmant que ce dernier était bel et bien présent en
Algérie le 30 juillet 2019 lorsqu’il a signé son contrat de travail avec le club NAHD. Toutefois, le
club a précisé que le joueur avait quitté l’Algérie le 25 juillet 2019 puisqu’il avait été absent pour
le premier match officiel de la saison du club le 26 juillet 2019.
21. A cet égard, le club a expliqué que le joueur avait été condamné, conformément à son règlement
disciplinaire, à une amende de DZD 2,000,000 correspondant à deux mois de salaires, pour
absence injustifiée le 10 juin 2019. Le club a également indiqué que sur la base de son règlement
disciplinaire, trois mois de salaires supplémentaires avaient été retenus compte tenu du fait que le
club avait été relégué à la fin de la saison 2018/2019.
22. S’agissant de la résiliation unilatérale par le joueur pour salaires impayés, le club a fait remarquer
que les salaires de janvier, février et mars 2019 avaient été payés. Evoquant l'amende
susmentionnée, le club est parvenu à la conclusion que moins de deux salaires mensuels étaient
dus lorsque le joueur a prétendument résilié le contrat.
23. De plus, le club a souligné que le joueur était parti le 25 mai 2019 pour rejoindre son équipe
nationale en vue de la préparation de la Coupe d’Afrique des Nations 2019 qui a débuté le
21 juin 2019, et que lui et son équipe nationale avaient agi en violation du Règlement FIFA à cet
égard. En outre, le défendeur a souligné que le joueur a continué à violer le contrat en ne revenant
que le 1er août 2019, alors que le dernier match joué par son équipe nationale a eu lieu le 2 juillet
2019.
24. Compte tenu de ce qui précède, le club a demandé que la résiliation du contrat du joueur en date
du 1er juillet 2019 soit déclarée nulle et non avenue. Ainsi, le club a conclu que le joueur, ayant
réalisé qu'il n'était plus en mesure de faire valoir qu'il avait résilié le contrat pour arriérés de salaire
en raison de son comportement, a signé la résiliation mutuelle afin de pouvoir signer avec un
nouveau club.
25. Dans ce contexte, le club a confirmé qu’il avait perçu une indemnité de transfert de la part de
NAHD pour le joueur, d’un montant de DZD 3,000,000.
II. CONSIDERANTS DE LA CHAMBRE DE RESOLUTION DES LITIGES
1. En premier lieu, la Chambre de Résolution des Litiges (ci-après : la Chambre ou la CRL) a analysé
si elle était compétente pour traiter le présent litige. A cet égard, elle a pris note que la présente
demande a été soumise à la FIFA le 1er juillet 2019. Par conséquent, la Chambre a conclu que
l’édition de 2018 du Règlement de la Commission du Statut du Joueur et de la Chambre de
Résolution des Litiges (ci-après : les Règles de procédure) était applicable au présent litige (cf. art.
21 des Règles de procédure).
2. Par la suite, la Chambre s’est référée à l’art. 3 al. 1 des Règles de procédure et a confirmé qu’en
application de l’art. 24 al. 1 et de l’art. 22 let. b) du Règlement du Statut et du Transfert des
Joueurs (édition de juin 2020), elle est l’organe décisionnel compétent pour connaître des litiges contractuels entre un joueur mauritanien et un club algérien comportant une dimension
internationale.
3. En outre, la Chambre a analysé quelle édition du Règlement du Statut et du Transfert des Joueurs
(ci-après : le Règlement) est applicable quant au droit matériel. A cet égard, elle s’est référée,
d’une part, à l’article 26 al. 1 et 2 du Règlement (édition de juin 2020) et, d’autre part, au fait que
la plainte ait été déposée auprès de la FIFA le 1er juillet 2019. Au vu de ce qui précède, la Chambre
a conclu que l’édition de juin 2019 du Règlement est applicable au présent litige quant au droit
matériel.
4. Une fois sa compétence et la réglementation applicable établies, la Chambre a statué sur le fond
du litige. Ce faisant, elle a tout d’abord rappelé les faits mentionnés ci-dessus et étudié la
documentation apportée au dossier. Toutefois, la Chambre a souligné que dans les considérants
qui suivent, elle ne se référera qu’aux faits, arguments et à la documentation pertinents pour
l’analyse de la présente affaire.
5. À titre de remarque préliminaire, la Chambre a observé que les parties n'avaient cessé de présenter
de nouveaux arguments (parfois contradictoires) à différents stades de la procédure.
6. Prenant en compte les considérations mentionnées précédemment, la Chambre a noté que les
parties au présent litige ont signé un contrat de travail valide à compter du 1er janvier 2019
jusqu’au 31 mai 2021, en valeur duquel le joueur était en droit de percevoir un salaire mensuel
brut de DZD 1,500,000.
7. Par ailleurs, la Chambre a observé que le joueur a résilié le contrat en date du 1er juillet 2019,
invoquant deux mois de salaires impayés et le fait que le club n’ait pas été en mesure d’enregistrer
le joueur pour la saison 2019/2020 suite à sa relégation la saison précédente.
8. En outre, la Chambre a également pris note du fait que les parties ont signé l’accord, selon lequel
les parties ont accepté de résilier le contrat et le joueur « reconnaît qu'il n'y a pas de différend
financier entre les parties » (traduction libre de l’anglais).
9. A cet égard, la Chambre a observé que le présent litige s'articule autour de deux questions, à
savoir d'une part, le joueur fait valoir qu'il a résilié le contrat le 1er juillet 2019 sur la base de
salaires impayés, conformément à l'art. 14bis du Règlement et qu'il a ensuite été amené à signer
une renonciation, i.e. l’accord, tandis que d'autre part, le club estime que le joueur a signé un
contrat de travail avec un nouveau club le 1er août 2019 après avoir quitté le club le 25 mai 2019
et avoir réalisé qu'il n'avait pas de motif valable pour résilier le contrat le 1er juillet 2019. Dans ces
circonstances, la Chambre a également noté que le joueur a dans un premier temps affirmé ne
pas avoir signé l’accord, puis a reconnu l’avoir signé tout en soutenant qu’il l’avait fait
involontairement et que de toute manière ledit document devait être considéré comme nul dans
la mesure où le joueur ne pouvait légalement renoncer à des salaires pour un travail qu’il avait
effectué et que ledit accord est non-réciproque. Par ailleurs, la Chambre a noté que d’autre part,
le club a estimé que l’accord était valide puisque le joueur l’avait bel et bien signé, sa signature et
son empreinte constituant une preuve d’authenticité.
10. Dès lors, la Chambre a mis en avant que le point principal de cette affaire était de déterminer si
un accord avait bel et bien été conclu entre les parties et le cas échéant, d’en établir les
conséquences. Par ailleurs, la Chambre a soulevé que dans l’éventualité contraire, il lui
appartiendrait de se prononcer sur la validité de la résiliation unilatérale du contrat par le joueur
en date du 1er juillet 2019 et ses éventuelles conséquences.
11. A cet égard, la Chambre a jugé opportun de rappeler le principe de base de la charge de la preuve,
tel que stipulé à l'art. 12 par. 3 des Règles de procédure, selon lequel la partie qui fait valoir un
droit sur la base d'un fait allégué supporte la charge de la preuve correspondante.
12. Dans ce contexte, la Chambre a tout d’abord observé que le joueur a dans un premier temps
contesté avoir signé l’accord puis a reconnu dans un second temps l’avoir signé. Toutefois, le
joueur a indiqué avoir signé l’accord involontairement, ce dernier se trouvant dans une pile
d’autres documents à signer, et a contesté la validité de l’accord, estimant qu’il n’a pu légalement
renoncer à des salaires pour des prestations rendues et que l’accord n’est pas réciproque.
13. Dans ce contexte, la Chambre a observé qu’il est incontestable que le demandeur a signé l’accord
en date du 28 juillet 2019.
14. En outre, la Chambre a noté que le contenu de l’accord est clair et spécifique, dans la mesure où
il mentionne explicitement que les parties ont accepté de résilier le contrat et le joueur « reconnaît
qu'il n'y a pas de différend financier entre les parties » (traduction libre de l’anglais).
15. A cet égard, la Chambre a insisté sur le fait que le joueur a, en signant l’accord, expressément
reconnu que le club n’avait aucune dette en sa faveur en date du 28 juillet 2019. Ainsi, la Chambre
a estimé que le joueur ne pouvait ignorer les conséquences de la signature de l’accord,
particulièrement au vu des salaires impayés réclamés par le joueur depuis le 7 juin 2019 et de la
résiliation unilatérale du contrat notifiée au club le 1er juillet 2019.
16. Par ailleurs, la Chambre a considéré que le contenu de l’accord ne pouvait être remis en cause par
les événements allégués qui ont eu lieu entre les mois de mai et juillet 2019.
17. La CRL a également souhaité se référer à sa jurisprudence constante, selon laquelle une partie qui
signe un document le fait à sa propre connaissance et supporte les conséquences juridiques qui
peuvent en découler.
18. En conséquence, la CRL a estimé que l’accord signé par les parties en date du 28 juillet 2019 était
valide et que le joueur avait ainsi consenti à la résiliation mutuelle du contrat et à l’absence de
tout différend financier avec le club.
19. Ainsi, au vu de ce qui précède, la CRL a conclu que la demande du joueur est rejetée.
III. DECISION DE LA CHAMBRE DE RESOLUTION DES LITIGES
1. La demande du demandeur, Yaly Mohammed Dellah, est rejetée.
Au nom de la CRL:
Emilio García Silvero
Directeur juridique et conformité
NOTE CONCERNANT LA PROCEDURE D’APPEL:
Conformément à l’article 58 alinéa 1 des Statuts de la FIFA, cette décision est susceptible d’un appel
au Tribunal Arbitral du Sport (TAS). L’appel devra être interjeté dans un délai de 21 jours à compter de
la notification de la décision et devra comprendre tous les éléments figurant au point 2 des directives
émanant du TAS..
NOTE RELATIVE A LA PUBLICATION:
L'administration de la FIFA peut publier les décisions de la Commission du Statut du Joueur ou de la
CRL. Lorsque ces décisions contiennent des informations confidentielles, la FIFA peut décider, à la
demande d'une partie dans les cinq jours suivant la notification de la décision motivée, de publier une
version anonymisée ou une version expurgée (cf. art. 20 du Règlement de la Commission du Statut du
Joueur et de la Chambre de Résolution des Litiges).
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