F.I.F.A. – Dispute Resolution Chamber / Camera di Risoluzione delle Controversie – labour disputes / controversie di lavoro (2020-2021) – fifa.com – atto non ufficiale – Decision 24 septembre 2020

Décision de la
Chambre de Résolution des Litiges
prise le 24 septembre 2020
concernant un conflit de travail relatif au joueur Jacques Bessan
COMPOSITION:
Geoff Thompson (Angleterre), Président
Mohamed Muzammil (Singapour), membre
Tomislav Kasalo (Croatie), membre
DEMANDEUR / DÉFENDEUR RECONVENTIONNEL:
Jacques Bessan, Bénin
Représenté par M. Taoufik Khaled
DÉFENDEUR / DEMANDEUR RECONVENTIONNEL:
Tout Puissant Mazembe, RD Congo
Représenté par Atfield
I. FAITS
1. Le 11 juin 2019, le joueur béninois, Jacques Bessan (ci-après le joueur, le demandeur ou le défendeur reconventionnel) et le club congolais Tout Puissant Mazembe (ci après, le club, TP Mazembe, le défendeur ou le défendeur reconventionnel) ont conclu un contrat de travail (ci-après: le contrat), valable du 1er juillet 2019 au 30 juin 2022.
2. L’art. 3 du contrat stipule ce qui suit :
« 3. OBLIGATIONS DU CLUB
3.1 Le Club paiera un salaire mensuel pour la durée de la saison de football équivalant à Six mille dollars américains (US $6,000).
3.2 Le joueur perçoit une prime de signature de Quarante mille dollars américains (40,000 US$) payable dans les trente jours après réception du certificat de transfert international. »
3. L’art 5.10 du contrat stipule, en outre, ce qui suit :
« 5.10 Conformément aux dispositions de l'article 17 du Règlement de la FIFA sur le statut et le transfert des joueurs, la somme de 1 million de dollars est due à titre de compensation en cas de violation et/ ou de cessation unilatérale. »
4. Le 14 janvier 2020, le demandeur a envoyé la lettre suivante au club :
« Objet : Mise en demeure (Madame, Monsieur),
En dépit de plusieurs relances restées jusqu'à ce jour infructueuses, je constate qu'à la date de la présente, à savoir le 14/01/2020, vous me devez toujours la somme de 12.000$ de salaires à savoir moi de Novembre et Décembre et la somme de 40.000$ de prime de signature qui devrai êtres payer depuis la signature du contrat en juillet 2019. Cette situation peu confortable m'impose la rédaction de la présente afin de vous signifier votre mise en demeure de me régler ladite somme. Vous disposez pour cela d'un délai de 15 jours à compter de la date de ce courrier, soit jusqu'au 28/01/2020 pour procéder au paiement des sommes qui me sont dues. Dans le cas contraire, je m'autorise une action en justice afin de faire valoir mes droits. »
5. Le 27 janvier 2020, le demandeur a envoyé la lettre suivante au club:
Objet : lettre de résiliation
(…)
Par la présente, je vous fais part de ma volonté de résilier mon contrat avec le TP Mazembe signé le 01/07/2019 jusqu'au 30/06/2022.
Je souhaite résilier pour les raison suivante : Pour juste cause
• Non Paiement des salaires depuis mois de Octobre mon dernier salaire reçu du club 2 mois sans salaire Novembre 2019 et Décembre 2019.
• Non Paiement de la Prime de signature de 40.000$ au plus tard 1 mois âpres avoir reçu la libération du joueur
• Non participation a aucun match officiel du club (raison pour la quelle je ne suis pas qualifier par le club pour pouvoir jouer)
Vu l'article 14 Bis sur le règlement du statut et du transfert des joueurs
Vu l'article 5 Disposition Générales de mon contrat
5.10 Conformément aux dispositions de l'article 17 du Règlement de la FIFA sur le statut et transfert des joueurs, la somme de 1 million dollars est due à titre de compensation en cas de violation et/ou de cessation unilatéral. Je résilie mon contrat ce jour pour non respect du contrat nous liant et je transmets le reste du dossier au Tribunal Arbitral du sport TAS comme mentionné su mon contrat (en cas de différend entre les parties le contenu du présent contrat et ses obligations, ce litige sera réglée conformément aux Règles du Tribunal Arbitrage sportif TAS). »
6. Le joueur a declare ne pas avoir signé de nouevau contrat avec un autre club.
7. Le 20 avril 2020, le joueur a déposé une plainte à l’encontre du club devant la FIFA pour rupture de contrat sans juste, et a demandé ce qui suit :
1) Salaires impayés: 18000.00 $
Par contrat signé entre le club et le joueur, un salaire de 6000 Dollars doit êtres payé tous les mois durant la période contractuelle à savoir du 01/07/2019 au 30/06/2022.
*Mois impayés: Novembre 2019 / Decembre 2019 / Janvier 2020 demande de résiliation envoyer au club TP Maezmbe le 27/01/2020 àpres une lettre de mise en demeur avec un delait de 15 jours envoyer au club le 14/01/2020.
2) Salaires demandée du reste du contrat: 174.000.00$
Par contrat signé entre le club TP Mazmebe et Jacques Bessan le 01/07/2019 pour une durée de 3 ans à savoir jusqu'au 30/06/2022 je demande le paiement du reste du contrat d'un montant totale de 174.000.00$.
2) Prime de signature: 40.000.00$
Par contrat signé entre le club TP Mazembe et le joueur Jacques Bessan l'article 3.2 du contrat (Obligation du club ) prévois une prime de signature de 40.000$ payable dans les 30 jours apres reception du certificat de transfert international.
3) Compensation en cas de violation du contrat: 1.000.000.00$
Par contrat signé entre les deux partie l'article 5.10 prévois le paiement de la somme de 1 Million de dollars à titre de compensation en cas de violation ou de cessation unilatérale
8. Dans sa demande, le demandeur a expliqué que « depuis la prise d'effet du contrat soit le 01/07/2019 il y'a eu lieu de noter que n'ai perçu que quatre mois (04) de salaire à savoir Juillet, Aout, Septembre, Octobre. »
9. De plus, le joueur a précisé qu’après « avoir reçu le certificat international de transfert [le club] n'a pas fait les démarches pour [le] qualifier. »
10. Par conséquent, le demandeur a considéré que le «défaut de paiement de quatre mois de salaire et ma prime de signature à caractère transgressif génère une rupture de contrat pour juste cause conformément au règlement du transfert des joueurs
11. Le club a répondu à la plainte du joueur en date du 17 juin 2020.
12. Dans ce sens, le club a exprimé son rejet aux arguments du joueur et, dans ce contexte, il a déposé une demande reconventionnelle à son encontre.
13. En particulier, le club affirmé que, « le 1er juillet 2019, le joueur ne s’est pas présenté au Club pour commencer l’exécution du contrat de travail », si bien qu’après « avoir été rappelé à l’ordre, il a finalement rejoint la République Démocratique du Congo à la fin du mois de juillet 2019. »
14. En conséquence, le club a affirmé que, le 8 septembre 2019, en raison des absences répétées du Joueur et de son manque de professionnalisme évident, il a déposé une plainte à son encontre auprès de la police de Lubumbashi.
15. Selon le club, le 10 septembre 2020, le Club a adressé une première mise en demeure au Joueur, l’invitant à faire preuve de professionnalisme.
16. De plus, le club a affirmé avoir envoyé une deuxième lettre de mise en demeure en date du 15 novembre 2019, tout en affirmant qu’ «aucune réaction n’a été donnée à cette seconde mise en demeure. »
17. En l’absence de toute réaction positive du joueur aux lettres du club, le club a affirmé qu’il « ’a eu d’autre choix que de suspendre l’exécution du contrat de travail le 2 décembre 2019 ».
18. Le club affirme qu’il n’a plus reçu aucune nouvelle du joueur jusqu’à réception de la correspondance de la FIFA du 14 mai 2020, l’informant d’une plainte déposée le 13 mars 2020.
19. Le club a rejeté formellement avoir reçu la mise datée du 14 janvier 2020 et a precisé qu’à cet égard, « la Chambre notera que bien que ladite mise en demeure aurait prétendument été envoyée par courrier recommandé avec accusé de réception, le Joueur est incapable de produire la preuve de cet envoi, ainsi que l’accusé de réception. »
20. De plus, le club a affirmé que, « outre l’absence de mise en demeure, il apparait également que le Joueur n’a pas procédé à la résiliation formelle du contrat. En effet, le courrier de résiliation daté du 27 janvier 2020 n’a jamais été reçu par le Club. A nouveau, la Chambre observera que le Joueur n’a fourni aucune preuve en ce qui concerne l’envoi et la réception du courrier en question. »
21. Par rapport aux salaires arriérés, le club a considéré qu’en raison de l’absence du Joueur, « le Club a valablement suspendu le paiement du salaire du Joueur à compter de novembre 2019. Aucun salaire ne peut être considéré comme arriéré à compter de cette date. »
22. Au vu de l’ensemble de ce qui précède, « et en particulier considérant les manquements contractuels répétés commis par le Joueur et l’attitude raisonnable et diligente du Club », le club a consideré qu’il apparait « qu’au jour de la résiliation du contrat, soit le 13 mars 2020, le Joueur n’avait pas juste cause justifiant cette résiliation. »
23. Par conséquent, le club a demandé « de condamner le premier défendeur au paiement de la somme de 1.000.000 USD à titre d’indemnité, plus un intérêt de 5% par an à compter de la date de la rupture contractuelle; », selon la disposition de l’art. 5.10 du contrat.
24. Dans sa réponse à la demande reconventionnelle du club, le joueur a nié avoir été rappelé à l’ordre par le club.
25. Par rapport à son professionnalisme, le joueur a déclaré qu’il « possède une grande expérience professionnelle avec des grands clubs [et qu’il à] toujours été exemplaire sur le terrain et en dehors avec ces collègues et avec les staffs technique du club, [qu’il n'a jamais eu le moindre problème avec une direction du club ou les instances du football, [et qu’il] n'a jamais eu un carton rouge dans toute sa carrière. »
26. Par rapport à la plainte déposée devant la police, le joueur a considéré qu’il s’agit d’une « chose totalement fausse », dans la mesure où « pour commencer le joueur jamais n'a eu une convocation devant la police de la ville comme le dit les responsables du club, le club possède mon adresse et il peuvent m'envoyer les convocations à mon domicile ou par émail, chose pas faite, et concernant les absences répétées la direction du club doit me convoqué pour un conseille de discipline pour m’entendre et ne pas ce diriger vert la police ou je ne vois pas le rapport entre un joueur professionnelle et sont club ».
27. Le jouer a nié avoir reçu une mise en demeure le 15 novembre 2019.
28. En outre le joueur a affirmé que, « le 14/12/2019 une mise en demeure à été envoyée au club par email et en main propre au secrétaire générale du club dans sont bureau et une copie envoyer à la fédération congolaise du football et une copie au responsable du club ».
29. De plus, le joueur a affirmé que « la lettre de résiliation à été reçue par les responsables du club dans leur bureau en réunion avec le joueur le 29/01/2020. »
30. Par conséquent, le joueur a insisté sur ses arguments initiaux, et a notamment demandé ce qui suit :
« 1. De considérer le contrat ayant été résilié pour juste cause par le joueur
2. De condamner le club TP Mazembe au paiement de :
• 40.000$ Prime de signature, plus un intérêt de 5% par an à compter de la date de la rupture de contrat.
• 3 Mois de salaire (Novembre 2019, Décembre 2019, jusqu'à le 29 Janvier 2020) 3 x 6000$, plus un intérêt de 5% par an à compter de la date de la rupture de contrat.
• De condamner le club TP Mazembe au paiement de la somme de 1.000.000 USD à titre d'indemnité, plus un intérêt de 5% par an à compter de la date de la rupture de contrat. »
II. CONSIDÉRANTS DE LA CHAMBRE DE RÉSOLUTION DES LITIGES
1. En premier lieu, la Chambre de Résolution des Litiges (ci-après : la Chambre ou la CRL) a analysé si elle était compétente pour traiter le présent litige. A cet égard, la CRL s’est referé à l’art 21 du Règlement de Procédure. Par conséquent, la CRL a conclu que l’édition de juin 2020 du Règlement de la Commission du Statut du Joueur et de la Chambre de Résolution des Litiges (ci-après : les Règles de procédure) était applicable au présent litige (cf. art. 21 des Règles de procédure).
2. Par la suite, la Chambre s’est référée à l’art. 3 al. 1 des Règles de procédure et a confirmé qu’en application de l’art. 24 al. 1 et de l’art. 22 let. b) du Règlement du Statut et du Transfert des Joueurs, elle est l’organe décisionnel compétente pour connaître des litiges contractuels comportant une dimension internationale, comme celui qui nous occupe et qui concertne un joueur béninois et un club congolais
3. En outre, la CRL a analysé quelle édition du Règlement du Statut et du Transfert des Joueurs (ci-après : le Règlement) est applicable quant au droit matériel. A cet égard, elle s’est référée, d’une part, à l’article 26 al. 1 et 2 du Règlement (édition 2020) et, d’autre part, au fait que la plainte ait été déposée auprès de la FIFA le 20 avril 2020. Au vu de ce qui précède, la CRL a conclu que l’édition Mars 2020 du Règlement est applicable au présent litige quant au droit matériel.
4. Une fois sa compétence et la réglementation applicable établies, la CRL a statué sur le fond du litige. Ce faisant, elle a tout d’abord rappelé les faits mentionnés ci-dessus et étudié la documentation apportée au dossier. Toutefois, la Chambre a souligné que dans les considérants qui suivent, elle ne se référera qu’aux faits, arguments et à la documentation pertinents pour l’analyse de la présente affaire.
5. Prenant en compte les considérations mentionnées précédemment, la CRL a noté que le 11 juin 2019, les parties ont conclu un contrat de travail, valable du 1er juillet 2019 au 30 juin 2022.
6. La Chambre a observé que, dans ce sens, le joueur a déposé une plainte à l’encontre du club, dans laquelle il affirmé qu’il a résilié le contrat pour juste cause en date du 27 janvier 2019.
7. D’autre part, la Chambre a pris en compte la réponse de TP Mazembe, selon lequel le joueur n’a pas procédé à la résiliation formelle du contrat et que, en tout état de cause, il a fait preuve de manque de professionnalisme. En particulier, la Chambre a bien noté que, selon TP Mazembe, le courrier de résiliation daté du 27 janvier 2020 n’a jamais été reçu par ledit club. De plus, la Chambre a observé que TP Mazembe a déposé une demande reconventionnelle à l’encontre du joueur.
8. Cela étant établi, la Chambre a donc centré son attention sur les motifs avancés par le joueur pour résilier le contrat de façon unilatérale et anticipée.
9. À cet égard, la Chambre a tenu à souligner que seule une faute ou une inconduite d'une certaine gravité justifie la résiliation unilatérale et prématurée d'un contrat. En d'autres termes, un contrat ne peut être résilié prématurément que lorsqu'il existe des critères objectifs qui permettent d’établir de façon raisonnable que la poursuite de la relation de travail entre les parties devient impossible. Par conséquent, si des mesures plus conciliantes peuvent être prises afin que l’une ou toutes les parties assurent l'accomplissement de leurs obligations contractuelles, ces mesures doivent être prises avant de mettre fin à un contrat de travail. Une résiliation prématurée d'un contrat de travail ne peut être qu'une mesure d’ultima ratio.
10. En premier lieu, la Chambre a considéré que la première question juridique qu’elle devait analyser concerne la date de résiliation du contrat.
11. En effet, par rapport à la résiliation du contrat, la Chambre a observé que, selon TP Mazembe, le courrier de résiliation daté du 27 janvier 2020 n’a jamais été reçu par ledit club.
12. Dans ce contexte, la Chambre de résolution des litiges a considéré pertinent de rappeler aux parties le contenu de l'art. 12 par. 3 des règles de procédure, selon lequel "toute partie faisant valoir un droit sur la base d'un fait allégué supporte la charge de la preuve".
13. Dans ce sens, la Chambre a observé que le joueur n’a pas fourni de preuves suffisantes qui puissent établir que le courrier du 27 janvier 2020 avait été envoyé.
14. Par contre, cela étant dit, la Chambre a observé les pièces supplémentaires versées au dossier, elle a pris note que le joueur indique avoir quitté la République Démocratique du Congo le 2 mars 2020. Dans ce sens, la Chambre a confirmé que le joueur à fourni une preuve suffisante par rapport à son départ.
15. Dès lors, la Chambre a établi que, bien que le contrat n'a été formellement résilié par aucune des parties, le joueur a résilié de fait le contrat avec le club le 2 mars 2020.
16. Cela étant établi, la Chambre a continué son examen sur la deuxième question juridique fondamentale dans ce cas, et, en particulier, si le joueur avait une juste cause pour résilier le contrat le 2 mars 2020.
17. Dans ce sens, après avoir analysé les pièces versées au dossier ainsi que les arguments des parties, la Chambre a remarqué que le club ne conteste pas avoir omis de payer au joueur sa prime de signature d'un montant de 40 000 USD et ses salaires mensuels à partir de novembre 2019.
18. Par rapport à ce défaut de paiement, la Chambre a pris note de l’argument du club, qui affirme avoir été en droit de retenir ces paiements en raison de ses fautes et de son absence présumée aux entraînements et de son comportement non professionnel.
19. À cet égard, la Chambre s’est référé une nouvelle fois à l'art. 12 par. 3 des règles de procédure, et a remarqué que, dans ce contexte, le club n’a pas fourni de preuve suffisante d’avoir mis le joueur en demeure.
20. En outre, la Chambre a observé, comme l'a indiqué le joueur, qu’aucune procédure disciplinaire concernant une prétendue rupture de contrat n'a été engagée par le club et que, en tout état de cause, le fait d’adresser un rapport à la police ne semble pas être la mesure la plus appropriée pour résoudre un problème de « manque de professionnalisme » de la part du joueur.
21. Dans ce contexte, la Chambre a considéré que le club disposait des coordonnées du joueur et aurait pu l'avertir de façon moins sévère.
22. Par conséquent, la Chambre a considéré que le club n'a pas réagi de manière appropriée aux fautes prétendues du joueur, dans la mesure où il ne l’a pas correctement mis en demeure et n’avait pas engagé une procédure disciplinaire juste et équitable à cet égard.
23. En somme, la Chambre a considéré que le club n’a pas suffisamment démontré les absences prétendues du joueur.
24. D’autre part, la Chambre a observé que le joueur a réussi à démontrer qu'il avait effectivement reçu un visa et un billet d'avion pour rejoindre le club à partir du 25 juillet 2019 et qu'il ne l'avait quitté que le 2 mars 2020.
25. Par conséquent, la Chambre a considéré que le joueur avait un motif valable pour résilier le contrat à cette date, dans la mesure où, en date du 2 mars 2020, 4 salaires mensuels (de novembre 2019 à février 2020) ainsi qu'une indemnité de signature n’avaient pas été payés, sans que le club puisse fournir une explication raisonnable.
26. Compte tenu de ce qui précédé, la Chambre a estimé que la résiliation est conforme à l’art. 14 du Règlement, dans la mesure où le club a manifestement négligé ses obligations pécuniaires envers le joueur.
27. Par conséquent, la CRL a déterminé de manière unanime que le demandeur avait eu juste cause pour rompre unilatéralement et prématurément le contrat le 2 mars 2020 en accord avec l’art. 14bis du Règlement du Statut et du Transfert des Joueurs et que le défendeur doit être tenu responsable de ce qui précède.
28. La responsabilité du défendeur concernant la rupture du contrat ayant été établie, la Chambre a focalisé son attention sur les conséquences de la rupture avec juste cause par le demandeur. A cet égard et conformément à l’art. 17 al. 1 du Règlement, la Chambre a jugé que le demandeur était en droit de recevoir une indemnité à titre de compensation en sus des montants dus à titre d’arriérés de rémunération.
29. Néanmoins, et avant d’entrer dans le calcul de ladite compensation, la Chambre a déterminé le montant exact des arriérés de rémunération. Dans ce contexte, la Chambre a tout d’abord fait référence à ses considérations antérieures et a souligné qu’il était établi que les salaires du joueur de novembre à février 2020 (c’est-à-dire, 6 000 USD *4=24,000) ainsi que la prime de signature pour un montant de 40 000 USD, demeuraient en souffrance.
30. Dès lors, et conformément au principe pacta sunt servanda, la Chambre a conclu que la somme de USD 64 000 était dû à titre d’arriérés de rémunération, et qui correspond au montant total des sommes citées dans le paragraphe précédent.
31. La Chambre s’est ensuite attelée à déterminer le montant dû à titre de compensation. A ce titre, la Chambre a rappelé que conformément à l’art. 17 al. 1 du Règlement, l’indemnité pour rupture de contrat sera calculée, sous réserve de l’existence de stipulations contractuelles s’y rapportant, conformément au droit en vigueur dans le pays concerné, à la spécificité du sport et en tenant compte de tout critère objectif inhérent au cas. Ces critères comprennent notamment la rémunération et autres avantages dus au joueur en vertu du contrat en cours et/ou du nouveau contrat, la durée restante du contrat en cours jusqu’à cinq ans au plus, de même que la question de savoir si la rupture intervient pendant la période protégée.
32. Revenant au contenu du contrat, la Chambre a noté que le contrat dispose ce qui suit, par rapport au paiement d’une compensation hypothétique :
« 5.10 Conformément aux dispositions de l'article 17 du Règlement de la FIFA sur le statut et le transfert des joueurs, la somme de 1 million de dollars est due à titre de compensation en cas de violation et/ ou de cessation unilatérale. »
33. Après avoir examiné ladite clause, la Chambre a considéré que la somme visée de 1.000.000 USD est clairement disproportionnée compte tenu de la valeur du contrat.
34. Par conséquent, la Chambre a considéré que ladite clause ne peut pas être prise en considération, et qu’il convenait de se référer aux autres éléments mentionnés à l’al. 1 de l’art. 17 du Règlement. A cet égard, la Chambre a rappelé que cette disposition contient une énumération non-exhaustive de critères pouvant être pris en compte dans le cadre du calcul du montant de l’indemnité devant être payée et que, de ce fait, il avait toute discrétion pour se baser sur tout autre critère objectif pour calculer le montant de ladite indemnité.
35. Ayant à l’esprit les considérations qui précèdent, la CRL a rappelé que le contrat devait initialement expirer 30 juin 2022. A ce titre, la CRL a observé que compte tenu de la durée résiduelle du contrat depuis la date de rupture prématurée, le 2 mars 2020, la Chambre a établi que la somme de 168 000 USD devait constituer la base de calcul pour déterminer le montant dû à titre de compensation pour rupture du contrat.
36. La CRL a ensuite vérifié si le joueur avait signé un nouveau contrat de travail durant la période en question, au moyen duquel il aurait pu réduire l’étendue de son dommage. En effet, conformément à la jurisprudence constante de la CRL, la rémunération perçue dans le cadre de ce nouveau contrat doit être prise en considération afin de fixer le montant de la compensation payable et ce, en vertu de l’obligation qu’a tout joueur de limiter son préjudice. En l’espèce, la Chambre a observé qu’il ressortait de la documentation amenée au dossier que le joueur était resté sans emploi et n’avait pas signé de nouveau contrat de travail.
37. En conséquence, la CRL a décidé que le défendeur doit payer la somme de 168 000 USD au demandeur à titre de compensation pour la rupture du contrat sans juste cause par le défendeur, somme qui apparait raisonnable et justifiée compte tenu de la valeur du contrat applicable ainsi que cohérente avec la jurisprudence de la Chambre dans ce sens, ainsi que par rapport au Règlement.
38. La Chambre a enfin déclaré que toute autre demande formulée par le demandeur est rejetée.
39. En outre, la Chambre a fait référence à l'art. 24bis al. 1 et 2 du Règlement, qui dispose que, dans sa décision, l'organe de décision compétent de la FIFA statue également sur les conséquences découlant du défaut de paiement dans les délais impartis, par la partie concernée, des montants de la rémunération et/ou de l'indemnité due.
40. À cet égard, la Chambre a souligné que, à l'encontre des clubs, la conséquence du défaut de paiement des montants dus dans les délais impartis, consiste en l'interdiction de recruter des nouveaux joueurs, que ce soit au niveau national ou international, jusqu'au paiement des montants dus et pour la durée maximale de trois périodes d'enregistrement complètes et consécutives.
41. Par conséquent, compte tenu de ce qui précède, la CRL a décidé que, dans le cas où le défendeur ne paie pas les montants dus au demandeur dans un délai de 45 jours à compter de la date de notification par le demandeur des informations bancaires permettant au défendeur de procéder au paiement, le défendeur se verra interdit de recruter des nouveaux joueurs, au niveau national ou international, jusqu’à ce que les sommes dues soient payées, et pour une durée maximale de trois périodes d’enregistrement entières et consécutives, conformément à l'art. 24bis al. 2 et 4 du Règlement.
42. Enfin, la Chambre a rappelé que l'interdiction susmentionnée sera levée immédiatement, dès le paiement du montant dû, conformément à l'art. 24bis al. 3 du Règlement.
III. DÉCISION DE LA CHAMBRE DE RÉSOLUTION DES LITIGES
1. La demande du demandeur / défendeur reconventionnel, M. Jacques Bessan, est partiellement acceptée.
2. Le défendeur / demandeur reconventionnel, Tout Puissant Mazembe, doit payer au demandeur/défendeur reconventionnel les sommes suivantes:
- 64 000 USD à titre d’arriérés de rémunération ;
- 168 000 USD à titre d’indemnité pour rupture de contrat sans juste cause.
3. Toute autre demande formulée par le demandeur / défendeur reconventionnel est rejetée.
4. La demande reconventionnelle du défendeur / demandeur reconventionnel est rejetée.
5. Le demandeur / défendeur reconventionnel est prié de transmettre immédiatement et directement au défendeur / demandeur reconventionnel les coordonnées bancaires auxquelles le défendeur/demandeur reconventionnel doit payer la somme due.
6. Le défendeur / demandeur reconventionnel est tenu d’envoyer la preuve de paiement du montant dû conformément à la présente décision à l’adresse psdfifa@fifa.org, accompagnée, le cas échéant, d’une traduction dans l’une des langues officielles de la FIFA (anglais, français, allemand, espagnol).
7. Si le montant dû ainsi que les intérêts tel que mentionné ci-dessus n’est / ne sont pas payé(s) par le défendeur / demandeur reconventionnel dans un délai de 45 jours à compter de la date de notification par le demandeur / défendeur reconventionnel des informations bancaires permettant au défendeur / demandeur reconventionnel de procéder au paiement, il en découlera les conséquences suivantes :
A.
Le défendeur/demandeur reconventionnel se verra imposer une interdiction de recruter des nouveaux joueurs – au niveau national ou international – d’ici à ce que les sommes dues soient payées. La durée totale maximale de cette interdiction d’enregistrement – incluant de possibles sanctions sportives – est de trois périodes d’enregistrement entières et consécutives. L'interdiction sera levée avant son échéance dès que les sommes dues auront été payées (cf. art. 24bis du Règlement du Statut et du Transfert des Joueurs).
B.
Si la somme susmentionnée ainsi que les intérêts n’est toujours pas payée d’ici la fin de l'interdiction décrite au point précédent, le cas sera soumis, sur demande, à la Commission de Discipline de la FIFA pour considération et décision.
Pour la Chambre de Résolution des Litiges:
Emilio García Silvero
Chief Legal & Compliance Officer
NOTE RELATIVE À LA PROCÉDURE D’APPEL:
Conformément à l’article 58 al. 1 des Statuts de la FIFA, la présente décision est susceptible d’appel devant le Tribunal Arbitral du Sport (TAS) dans un délai de 21 jours à compter de la notification de la présente décision.
NOTE RELATIVE À LA PUBLICATION:
La FIFA est en droit de publier la présente décision. Pour des raisons de confidentialité, la FIFA peut décider, sur requête d’une partie formulée dans les cinq jours suivants la notification de la décision motive, de publier une version anonymisée ou éditée (cf. article 20 du Règlement de Procédure).
CONTACT:
Fédération Internationale de Football Association
FIFA-Strasse 20 P.O. Box 8044 Zurich Switzerland
www.fifa.com | legal.fifa.com | psdfifa@fifa.org | T: +41 (0)43 222 7777
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