TAS-CAS – Tribunal Arbitral du Sport/Tribunale Arbitrale dello Sport – Court of Arbitration for Sport/Corte Arbitrale dello Sport (2016-2017) – tas-cas.org – atto non ufficiale – Arbitrage TAS 2016/A/4452 Mohamed Youssef Belaili c. Confédération Africaine de Football (CAF), sentence du 4 novembre 2016

Tribunal Arbitral du Sport Court of Arbitration for Sport
Arbitrage TAS 2016/A/4452 Mohamed Youssef Belaili c. Confédération Africaine de Football (CAF), sentence du 4 novembre 2016
Formation: M. le Juge Jean-Paul Costa (France), Président; M. le Juge Chedli Rahmani (Tunisie); Me Michel Brizoua-Bi (Côte d’Ivoire)
Football
Dopage (cocaïne)
Formalisme excessif
Caractère non intentionnel du dopage
Faute ou négligence significative
1. Si une partie n’a été informée que dans des termes très incomplets et partiellement erronés de son obligation de paiement des frais d’appel et des conséquences d’un non-versement, et qu’elle n’a pas bénéficié d’une opportunité de régulariser son appel, le rejet de celui-ci pour cause d’irrecevabilité constitue un cas de formalisme excessif.
2. En vertu de l’article 19 du Règlement anti-dopage de la FIFA, la durée de la suspension sera de quatre ans lorsque la violation des règles antidopage n’implique pas une substance spécifiée, à moins que le joueur ou l’autre personne ne puisse établir que cette violation n’était pas intentionnelle. La charge de la preuve, en matière de caractère non intentionnel de la violation, est lourde et difficile à rapporter pour le sportif concerné. Si toutefois il ressort de l’examen de l’ensemble du dossier, procédure écrite et audience confondues, que le joueur ou l’autre personne n’a pas eu l’intention de violer les règles antidopage, il se justifie alors de réduire la sanction en vertu tant des règles applicables que du principe de proportionnalité.
3. Le joueur, qui, en compétition, a fumé une chicha sans préalablement s’enquérir de son contenu, n’a pas établi avoir agi en l’absence de toute faute ou négligence significative.
I. PARTIES
1. L’appelant, M. Mohamed Youssef Belaïli, est un joueur de football professionnel, né le 14 mars 1992, de nationalité algérienne.
2. L’intimée est la Confédération africaine de football (CAF), qui est la confédération regroupant les fédérations de football du continent africain. Elle a son siège au Caire, Egypte.
II. FAITS
A. Faits à l’origine du litige
3. Le 7 août 2015, à l’occasion d’un match à Alger avec son club, l’USMA, dans le cadre de la compétition de l’Orange League, l’appelant a été tiré au sort en vue d’un contrôle anti-dopage. L’analyse de son urine révéla la présence de cocaïne et d’un de ses métabolites, substances interdites (non spécifiées), classées comme stimulants (SGa) en vertu du Code mondial antidopage.
4. L’appelant signa le formulaire de procès-verbal du contrôle de dopage; il renonça ultérieurement à l’examen d’un échantillon B.
5. Le 19 septembre 2015, la CAF notifia à la Fédération de l’appelant, la Fédération algérienne de football (FAF), une suspension provisoire de deux ans du joueur, sur la base des articles 6 à 8 de son règlement antidopage.
6. Le 20 octobre 2015, le jury disciplinaire de la CAF prononça la suspension de l’appelant pour quatre ans à compter du 19 septembre 2015, en application de l’article 19 de son règlement antidopage.
7. Le 26 octobre 2015, cette décision fut notifiée par la FAF à l’appelant.
B. Procédure devant la FAF
8. Le 31 octobre 2015, l’appelant par le biais de son club fit appel de cette décision devant la CAF; cependant ni lui ni son club ne versa les frais de paiement de l’appel, d’un montant de 3.000 dollars.
9. Le 6 novembre 2015, la CAF adressa à la FAF une demande de confirmation du paiement de ses frais; la FAF ne transféra cette sommation ni à l’appelant ni à son club.
10. Le 17 janvier 2016, en se renseignant sur le sort fait à son affaire, l’appelant découvrit qu’il était en défaut de paiement de ces frais.
11. Il demanda avec son avocat, les 18 et 25 janvier 2016, une prolongation des délais pour lui permettre de procéder au paiement des frais. Il ne fut pas répondu à ces demandes.
12. L’un des avocats de l’appelant, Maître Ali Abbes, se rendit le 7 février 2016 au Caire, au siège de la CAF. Sur son insistance, il y découvrit alors que, dès le 31 janvier, avait été prise par la CAF une décision de refus d’appel, pour irrecevabilité tirée du non-paiement des frais d’appel. Cette décision comportait la mention “aucune procédure d’appel n’a été initiée” et a été étendue par la FIFA au niveau mondial par décision du 15 décembre 2015.
III. PROCÉDURE DEVANT LE TAS
13. Le 10 février 2016, une déclaration d’appel fut formulée devant le TAS contre la décision du 31 janvier 2016. L’appelant soutenait que son appel était recevable en la forme, et demandait l’annulation de la décision du 31 janvier 2016 et de sa suspension pour quatre ans. Au sein de sa déclaration d’appel, l’appelant a désigné M. Chedli Rahmani, comme arbitre.
14. Dans un mémoire d’appel devant le TAS en date du 16 février 2016, l’appelant développait son argumentation (voir ci-dessous).
15. Par courrier du 29 février 2016, l’intimée désigna Me Augustin Senghor comme arbitre.
16. L’intimée présenta le 20 mars 2016 un mémoire en réponse concluant au rejet de l’appel au TAS en y développant ses propres arguments et conclusions (voir ci-dessous).
17. Le 31 mars 2016, l’appelant envoya au TAS deux témoignages écrits.
18. Le 14 avril 2016, l’intimée demanda d’écarter ces témoignages comme tardifs.
19. Le 3 juin 2016 et après avoir dûment consulté les parties et arbitres concernés, le Bureau du Conseil International de l’Arbitrage en matière de Sport accepta la demande de récusation déposée par l’appelant à l’encontre de Me Augustin Senghor.
20. Le 5 juillet 2016, le Greffe du TAS informa les parties que la Formation était composée de M. Jean-Paul Costa, juge à Strasbourg, France, Président, et de M. Chedli Rahmani, juge à Tunis, Tunisie, arbitre désigné par l’appelant ainsi que de Me Michel Brizoua-Bi, avocat à Abidjan, Côte d’Ivoire, arbitre désigné par l’intimée.
21. Par la suite, les parties furent informées, en date du 24 août 2016, qu’en application des articles R44.3 et R56 du Code de l’arbitrage en matière de sport (le Code), les témoignages tardifs de l’appelant étaient acceptés au dossier, l’intimée se vit octroyer la possibilité de déposer des observations strictement limitées à ces derniers dans un délai au 29 août et une ordonnance de procédure fut notifiée aux parties par le secrétariat du TAS. Cette ordonnance fut dûment signée par les deux parties. L’audience était fixée au 1er septembre.
22. L’intimée, à laquelle le Greffe du TAS avait demandé le 25 août de communiquer une copie de son dossier avant l’audience, répondit que le cas était couvert par les annexes de son mémoire en réponse ci-dessus visé.
23. L’audience eut lieu le 1er septembre au matin, au siège du TAS, en présence de l’appelant, de ses représentants, Maître Ali Abbes et Maître Mohamed Rokbani, d’un interprète (français-arabe) accompagnant l’appelant et d’un témoin cité par l’appelant (un autre fut interrogé par Skype durant l’audience). Le Président de la Formation autorisa aussi le père de l’appelant à assister à l’audience sans qu’il puisse prendre la parole. L’intimée, à laquelle il avait été proposé de participer à l’audience par audio ou vidéo conférence, avait, pour sa part, prévenu qu’elle ne serait pas présente ou représentée à l’audience, et elle ne l’a pas été.
24. Le Président de la Formation, avant l’interrogation de chacun des deux témoins, les invita solennellement à dire la vérité, conformément aux dispositions de l’article R44.3 du Code.
IV. ARGUMENTS ET CONCLUSIONS DES PARTIES
25. Les arguments des parties, développés tant dans leurs écritures respectives que lors de l’audience du 1er septembre 2016, seront résumés ci-dessous. Si seuls les arguments essentiels sont exposés ci-après, toutes les soumissions ont naturellement été prises en compte par la Formation, y compris celles auxquelles il n’est pas expressément fait référence.
Arguments de l’appelant
26. En ce qui concerne le défaut de paiement des frais d’appel, le droit du sport doit être appliqué de façon plus souple que d’autres branches du droit. Au surplus, ayant quitté l’école très jeune, l’appelant est peu instruit et il n’est pas au fait des questions procédurales. En outre, la jurisprudence du TAS, qui insiste sur le principe de bonne foi, exige que l’obligation de payer des frais d’appel soit portée à la connaissance des intéressés, ainsi que les conséquences du défaut de paiement, ce qui n’a pas été le cas en l’espèce, faute de toute notification effective en ce sens. Enfin, la somme à verser était modeste au regard de ses revenus de joueur professionnel, sélectionné pour jouer en équipe nationale, ce qui montre bien qu’il n’entendait pas éluder le paiement.
27. Sur le fond, il est avéré, et confirmé par les témoins, que si l’appelant a fumé la chicha, lors d’un fête d’anniversaire, deux jours avant le match, il ne savait pas que de la cocaïne avait été mélangée au tabac, et il a cessé de fumer dès qu’un ami le lui a révélé. Il n’avait pas l’intention de se doper et cela n’avait aucun intérêt, puisque son club était déjà qualifié avant le match pour la suite de la compétition.
28. L’appelant renonce expressément à sa demande et à ses conclusions formulées dans ses écritures et tendant à ordonner un prélèvement d’ADN aux fins de vérifier si l’urine analysée était bien la sienne, mais il plaide l’absence d’intention de se doper. Il ne s’est d’ailleurs jamais dopé auparavant. C’est un sportif jeune (24 ans), en phase ascendante de sa carrière, en pleine possession de ses moyens physiques, et la nécessité de se doper dans son cas serait quasi-nulle.
29. Ainsi, même si la responsabilité en cas de dopage est “objective”, la sanction, dans les circonstances de l’espèce, est particulièrement sévère au regard du caractère non intentionnel de la violation des règles antidopage.
30. En vertu de l’article 13 du Code mondial antidopage, et de la jurisprudence pertinente du TAS, ce dernier est compétent pour statuer complètement sur l’affaire. Ce n’est qu’à titre très subsidiaire que l’appelant avait pensé à un renvoi devant les instances de la CAF, mais il préfère une décision du TAS sur le fond de l’affaire, la réglant ainsi définitivement, et il renonce expressément à sa demande, en tout état de cause, très subsidiaire de renvoi de l’affaire.
31. Les conclusions de l’appelant sont donc les suivantes:
- A titre principal: accepter son recours sur le plan formel; considérer la décision attaquée de la CAF comme excessivement formaliste et traiter de ce fait le dossier en tenant compte de tous les éléments contenus dans ce dossier et tous les éléments nouvellement apportés en application de l’article 13.1. du code mondial d’antidopage; procéder à l’audition de ses témoins ou donner l’autorisation d’envoyer leurs témoignages écrits; autoriser une audience de plaidoirie.
- A titre subsidiaire: constater l’absence de tout élément intentionnel, le contexte extra sportif des faits, le jeune âge du joueur, son ignorance et le défaut d’antécédent en la matière; infliger au joueur une sanction de moindre degré lui permettant de réexercer sa profession et sa passion.
- A titre très subsidiaire: renvoyer le dossier de nouveau devant le jury d’appel de la CAF pour examen au fond après régularisation du paiement des frais d’appel (voir le point 30 ci-dessus).
32. L’appelant avait demandé que le TAS ordonne un test d’ADN de nature à le disculper, mais il a renoncé à ces prétentions à l’audience (voir le point 28 ci-dessus), si bien que le TAS n’a pas eu à les examiner.
Arguments de l’intimée
33. L’appelant a signé le formulaire antidopage le jour du match en présence du médecin de son club et de l’officier médical de la CAF, ce qui montre qu’il y a eu aveu de sa part.
34. Tout test ADN est injustifié, et serait inutile.
35. La FAF a dit à l’intimée qu’elle avait soumis sa décision à l’appelant et à son club.
36. L’intimée a informé la FAF que le cas de l’appelant serait soumis au jury disciplinaire le 20 octobre 2015; or il ne s’est pas présenté, pour des raisons qui le regardent.
37. Le 27 octobre 2015, la FAF a informé l’intimée de l’intention de l’appelant de faire appel et a joint un courrier de l’appelant daté du 27 octobre 2015 dans lequel il mentionnait avoir reçu la décision du jury disciplinaire en date du 26 octobre 2015. Mais, faute de paiement des frais, cet appel, pour l’intimée, était irrecevable.
38. L’intimée estime, en effet, que comme l’appelant a envoyé son intention d’appel et son appel dans les délais, il avait connaissance des voies de recours et elle souligne que la décision du jury disciplinaire indique clairement que faute de versement des frais, l’appel est irrecevable. L’intimée se réfère ici au dernier paragraphe de la décision du jury disciplinaire qui précise notamment que “[l]e dépôt prévu à l’art. 53 CDC doit être payé dans le délai prescrit. Faute de ce versement l’appel est irrecevable”.
39. Le 6 novembre 2015, l’intimée a cependant demandé à la FAF la confirmation du paiement des frais d’appel dus par l’appelant, demande restée sans réponse.
40. S’il y a eu défaillance dans la communication entre la Fédération et l’appelant (ou son club), l’intimée ne saurait en être responsable. Elle est tenue de communiquer avec les Fédérations nationales, et c’est ce qu’elle a fait en l’espèce.
41. Les témoignages écrits envoyés par l’appelant le 31 mars sont irrecevables car ils ont été produits après le mémoire en réponse de l’intimée, contrairement aux dispositions de l’article R56 du Code.
42. Quant au fond, l’intimée souligne que lors de son audience avec la commission fédérale médicale le joueur avait simplement avoué la consommation de cocaïne sous forme de chicha, mais qu’il n’avait alors jamais fait mention de l’introduction de cette substance à son insu.
43. Les conclusions de l’intimée sont donc les suivantes:
- Confirmer que l’appel du joueur Youssef Mohamed Belaïli contre la décision du jury d’appel de la CAF est rejeté dans la forme, et ce au vu du non-respect des dispositions du code disciplinaire de la CAF.
- Confirmer la décision du jury disciplinaire de la CAF et la suspension de quatre (4) ans infligée audit joueur.
- Accessoirement, en vertu de l’article R56 du Code, rejeter comme inadmissibles car tardifs les témoignages produits par l’appelant.
V. COMPETENCE
44. L’article R47 du Code dispose que:
“Un appel contre une décision d’une fédération, association ou autre organisme sportif peut être déposé au TAS si les statuts ou règlements dudit organisme sportif le prévoient ou si les parties ont conclu une convention d’arbitrage particulière et dans la mesure aussi où l’appelant a épuisé les voies de droit préalables à l’appel dont il dispose en vertu des statuts et règlements dudit organisme sportif”.
45. L’article 55 des Statuts de la CAF prévoit la compétence du TAS pour “statuer sur les recours contre toutes les décisions ou sanctions disciplinaires prises en dernier ressort par tout organe juridictionnel de la CAF, de la FIFA, d’une association nationale, d’une ligue ou d’un club”, à l’exclusion notamment des suspensions inférieures ou égales à quatre (4) matches ou à trois (3) mois. L’appel est dirigé contre une décision de la CAF suspendant un sportif, en l’occurrence pour quatre ans, pour violation des règles antidopage. En vertu de l’article R47 et de l’article 55 ci-dessus cités du Code, respectivement des Statuts de la CAF, le TAS est compétent pour statuer sur cet appel.
46. La Formation considère par suite qu’elle a compétence au nom du TAS pour statuer. L’intimée n’a d’ailleurs pas contesté compétence du TAS, qui est par ailleurs confirmée par la signature de l’ordonnance de procédure.
VI. RECEVABILITÉ
47. L’article R49 du Code dispose que:
“En l’absence de délai d’appel fixé par les statuts ou règlements de la fédération, de l’association ou de l’organisme sportif concerné ou par une convention préalablement conclue, le délai d’appel est de vingt-et-un jours dès la réception de la décision faisant l’objet de l’appel. Le/la Président(e) de Chambre n’ouvre pas de procédure si la déclaration d’appel est manifestement tardive et doit notifier cette décision à la personne qui l’a déposée. Lorsqu’une procédure est mise en oeuvre, une partie peut demander au/à la Président(e) de Chambre ou au/à la Président(e) de la Formation, si une Formation a déjà été constituée, de la clôturer si la déclaration d’appel est tardive. Le/la Président(e) de Chambre ou le/la Président(e) de la Formation rend sa décision après avoir invité les autres parties à se déterminer”.
48. En l’espèce, les Statuts de la CAF prévoient, à l’alinéa 3 de leur article 55, que “[l]e recours doit être déposé auprès du TAS dans les dix(10) jours suivant la notification de la décision”. L’appelant a formé sa déclaration d’appel le 9 février 2016 contre la décision du jury d’appel de la CAF du 31 janvier 2016, donc dans le délai de dix jours prescrit par les dispositions de l’article 55 des Statuts de la CAF ci-dessus cité. Le délai d’appel ayant été respecté, l’appel est recevable ratione temporis.
49. Par ailleurs, la Formation n’a relevé aucun autre motif d’irrecevabilité; l’intimée n’en a d’ailleurs pas soulevé, se bornant à soutenir que l’appel devant le jury d’appel avait été irrecevable, faute de paiement des frais d’appel, ce que la Formation a examiné au fond (voir ci-dessous les points 55 et suivants).
50. La Formation considère par suite l’appel comme recevable.
VII. DROIT APPLICABLE
51. L’article R58 du Code dispose que:
“La Formation statue selon les règlements applicables et, subsidiairement, selon les règles de droit choisies par les parties, ou, à défaut de choix, selon le droit du pays dans lequel la fédération, association ou autre organisme sportif ayant rendu la décision attaquée a son domicile ou selon les règles de droit que la Formation estime appropriée. Dans ce dernier cas, la décision de la Formation doit être motivée”.
L’article 55 al. 2 des Statuts de la CAF dispose que:
“La procédure arbitrale est régie par la Code de l’Arbitrage en Matière du Sport. [sic]
Sur le fond, le TAS applique les diverses règles édictées par la CAF et la FIFA, et le cas échéant par les associations nationales, les membres, les ligues, les clubs et à titre supplétif, le droit suisse”.
52. La Formation considère, en vertu des dispositions ci-dessus cité que le droit applicable est celui des règlements applicables en la matière, et notamment du Code mondial antidopage, des règles de la CAF, plus particulièrement du CDC et de ses Statuts et du Règlement anti-dopage de la FIFA. Le cas échéant, le droit suisse serait également applicable en tant que de besoin.
53. Les parties n’ont d’ailleurs pas soulevé de questions concernant les articles ci-dessus cités, ni discuté celle du droit applicable, qui n’a posé aucune difficulté.
VIII. AU FOND
54. La Formation s’est penchée sur les trois questions suivantes: d’abord la légalité de la décision attaquée du jury d’appel de la CAF, en date du 31 janvier 2016, ensuite la portée de son propre examen de l’affaire, enfin le fond de celle-ci.
55. La Formation considère tout d’abord que les circonstances dans lesquelles l’appelant n’a pas payé les frais d’appel révèlent qu’il n’a pas été mis en mesure de le faire. En effet, si la décision du jury disciplinaire indique bien les voies de droit, l’obligation de paiement et les conséquences d’un non-versement, elle le fait dans des termes très incomplets et partiellement erronés. Ainsi, la décision du jury disciplinaire se réfère au “dépôt prévu à l’art. 53 du CDC” qui “doit être payé dans le délai prescrit”, alors que l’article 53 CDC, que la Formation a consulté sur le site de la CAF, traite des décisions sujettes à appel, le dépôt étant traité à l’article 58.
56. La Formation relève, en outre, qu’il aurait été à tout le moins souhaitable que la CAF, qui avait connaissance de l’appel déposé par le joueur à l’encontre d’une suspension de quatre ans, lui donne l’opportunité de régulariser son appel avant de le déclarer irrecevable. La Formation relève ici qu’indépendamment des discussions relatives à sa notification, le courrier de la CAF du 6 novembre 2015 n’octroyait en tout état de cause pas un délai de grâce à l’appelant pour effectuer le dépôt requis, mais demandait simplement la confirmation de ce paiement.
57. Faute d’information correcte sur cette obligation et sur les conséquences d’un éventuel défaut de paiement, le rejet de l’appel de M. Belaïli pour cause d’irrecevabilité prononcé par la CAF constitue un cas de formalisme excessif. Dès lors, il y a lieu d’annuler la décision attaquée, qui constitue, au vu des circonstances susmentionnées, une violation du principe du droit d’accès à un tribunal, lequel fait partie des règles du procès équitable, rappelées notamment à l’article 8 du Code mondial antidopage.
58. En second lieu, la Formation considère qu’il y a lieu, non de renvoyer l’affaire devant le jury disciplinaire auteur de cette décision, mais de statuer au fond.
59. En effet l’article R57 du Code dispose notamment que “[l]a Formation revoit les faits et le droit avec plein pouvoir d’examen. Elle peut soit rendre une nouvelle décision se substituant à la décision attaquée, soit annuler cette dernière et renvoyer la cause à l’autorité qui a statué en dernier” et donne ainsi clairement à la Formation le pouvoir de rendre une nouvelle décision se substituant à la décision attaquée
60. En outre, en l’espèce, ni l’appelant, ni l’intimée n’ont sollicité le renvoi de la cause au jury d’appel de la CAF et la suspension de l’appelant court déjà depuis septembre 2015, ce qui impose que son sort soit fixé le plus rapidement possible. Il s’agit d’un joueur de 24 ans, pour lequel les conséquences de la sanction qu’il conteste peuvent être professionnellement, sportivement et financièrement lourdes.
61. En troisième lieu, au fond, selon la Formation, il est établi que l’appelant, joueur professionnel de football, a bien consommé des substances non spécifiées interdites en vertu du Code mondial antidopage, la cocaïne (un de ses métabolites), classées dans ses listes comme “stimulant” (SGa). Il l’a fait deux jours avant le match de football, au cours d’une fête d’anniversaire à laquelle il a participé le 5 août 2015 (ce qui explique très probablement que l’analyse d’urine pratiquée à titre de contrôle antidopage à l’occasion du match ait révélé la présence de cette substance). L’appelant ne conteste d’ailleurs pas cette violation par lui des règles antidopage, et il l’a notamment admise à l’audience, se limitant à en nier le caractère intentionnel.
62. Les témoignages recueillis par la Formation tant par écrit que durant l’audience confirment également cette violation, et ont aussi souligné le défaut d’intention de la part de l’appelant.
63. La Formation considère que l’appelant n’avait pas l’intention de se doper, pour plusieurs raisons.
64. Tout d’abord, il est plausible et il peut même être considéré comme établi qu’il ne savait pas que ce qu’il fumait dans la chicha contenait de la cocaïne mélangée au tabac. Il pensait qu’il n’y avait que du tabac.
65. En outre, les explications suivant lesquelles le dopage de ce joueur n’avait pas d’intérêt, le match prévu deux jours après cette fête étant sans véritable enjeu, paraissent également sinon décisives, du moins convaincantes.
66. Enfin l’appelant a affirmé sans être contredit par aucune pièce du dossier (ni d’ailleurs par l’intimée) ne s’être jamais dopé auparavant.
67. En vertu de l’article 19 du Règlement anti-dopage de la FIFA, “la durée de la suspension sera de quatre ans lorsque … la violation des règles antidopage n’implique pas une substance spécifiée, à moins que le joueur ou l’autre personne ne puisse établir que cette violation n’était pas intentionnelle”.
68. La Formation est convaincue que l’appelant a violé les règles antidopage, mais elle a aussi conscience que la charge de la preuve, en matière de caractère non intentionnel de la violation, est lourde pour le sportif concerné. Cette preuve est difficile à rapporter; toutefois l’examen de l’ensemble du dossier, procédure écrite et audience confondues, est de nature à faire considérer par la Formation qu’elle l’a été en l’espèce: l’appelant doit être regardé comme n’ayant pas eu l’intention de violer les règles antidopage.
69. La Formation relève par ailleurs qu’aucune circonstance ni aggravante ni atténuante n’a été établie en l’espèce et estime plus particulièrement que le joueur, qui, en compétition, a fumé une chicha sans préalablement s’enquérir de son contenu, n’a pas établi avoir agi en l’absence de toute faute ou négligence significative.
70. Au vu de ce qui précède, la Formation estime qu’une sanction de deux ans est conforme tant aux règles applicables qu’au principe de proportionnalité.
71. Tout bien pesé, la Formation juge ainsi qu’il faut réduire de quatre ans à deux ans, à compter de la suspension de l’appelant, à savoir le 19 septembre 2015, la durée de la suspension infligée à l’appelant, et de rejeter le surplus de ses conclusions.
PAR CES MOTIFS
Le Tribunal Arbitral du Sport:
1. Admet partiellement l’appel déposé par M. Mohammed Youssef Belaïli en date du 9 février 2016;
2. Annule la décision en date du 31 janvier 2016 du jury d’appel de la CAF;
3. Constate que le joueur Mohammed Youssef Belaïli a commis une violation du règlement anti-dopage et fixe la durée de sa suspension à deux ans à compter du 19 septembre 2015;
4. (…).
5. (…).
6. Rejette toutes autres ou plus amples conclusions des parties.
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