TAS-CAS – Tribunal Arbitral du Sport/Tribunale Arbitrale dello Sport – Court of Arbitration for Sport/Corte Arbitrale dello Sport (2016-2017) – tas-cas.org – atto non ufficiale – Arbitrage TAS 2016/A/4778 Mohamed Ali Maalej c. Fédération d’Arabie Saoudite de Football (SAFF), sentence du 6 avril 2017
Tribunal Arbitral du Sport Court of Arbitration for Sport
Arbitrage TAS 2016/A/4778 Mohamed Ali Maalej c. Fédération d’Arabie Saoudite de Football (SAFF), sentence du 6 avril 2017
Formation: Prof. Ulrich Haas (Allemagne), Arbitre unique
Football
Sanction disciplinaire contre un entraîneur
Conditions matérielles de l’existence d’une convention d’arbitrage
Conditions formelles de l’existence d’une convention d’arbitrage
Principes d’interprétation d’une convention d’arbitrage
Conséquences du défaut d’une partie au regard du principe du contradictoire
1. Pour qu’il y ait une convention d’arbitrage, les parties ne doivent pas avoir impérativement convenu de soumettre un litige donné à l’arbitrage. Il suffit à cet égard qu’elles se soient accordées par écrit sur une clause d’arbitrage par référence, c’est-à-dire que l’accord des parties se réfère à un document externe contenant la clause d’arbitrage. En application du principe de bonne foi, le consentement à une clause d’arbitrage contenue dans les règles et règlements d’une fédération peut être valablement déduit de la demande faite par un athlète ou un coach d’être admis à une compétition organisée sous les auspices réglementaires de la fédération ou lorsqu’un(-e) sportif/-ve se soumet sans réserve au mécanisme de résolution des litiges d’une fédération (qui prévoit un recours à l’arbitrage en dernière instance) en introduisant un appel devant les organes judiciaires internes de cette fédération.
2. Les conditions formelles de la convention d’arbitrage au sens de l’article 178 (1) de la Loi sur le droit international privé (LDIP) ne doivent être examinées que si leur respect est contesté par les parties. S’il n’est pas contesté qu’une partie est tenue par les Statuts d’une fédération nationale, la formation arbitrale est dispensée d’analyser de manière détaillée si et dans quelle mesure la partie est liée par les règles et règlements de la fédération nationale et si la convention d’arbitrage y contenue remplit les conditions de forme énoncées à l’article 178 (1) LDIP.
3. La loi applicable à l’interprétation d’une convention d’arbitrage est déterminée par l’article 178 (2) LDIP. En vertu de cette disposition, la formation arbitrale applique – d’abord et avant tout – les principes de droit suisse régissant l’interprétation d’une convention d’arbitrage. Conformément à la jurisprudence constante du Tribunal fédéral suisse, les règles matérielles régissant l’interprétation d’un acte juridique sont applicables par analogie à une convention d’arbitrage même si cette dernière est de nature procédurale. Les statuts et règlements d’une fédération sont, en principe, interprétés conformément aux principes applicables à l’interprétation d’un texte de loi plutôt que des contrats. La jurisprudence du
4. Les questions de fond doivent être examinées à la lumière des faits présentés à la formation arbitrale. Celle-ci n’a pas l’obligation d’enquêter sur les faits ex officio. En vertu d’une jurisprudence constante, la procédure d’arbitrage devant le TAS est conduite de manière contradictoire. Partant, si une partie choisit de ne pas participer (ou de participer partiellement) à la procédure, il ne revient pas à la formation arbitrale de compenser le défaut de coopération et de diligence de la partie concernée. Dès lors, la formation arbitrale ne peut baser sa décision, en principe, que sur les faits tels que présentés par l’autre partie et qui n’ont pas été contestés.
I. PARTIES
1. M. Mohamed Ali Maalej (ci-après: “l’Appelant”), de nationalité tunisienne, était entraîneur professionnel de l’équipe de football du club saoudien Al Mujazzal (ci-après: “Al Mujazzal” ou “Al Mjazel”).
2. La Fédération d’Arabie Saoudite de Football (ci-après: “SAFF” ou “l’Intimée”) est l’instance dirigeante du football au niveau de l’Arabie saoudite.
II. FAITS A L’ORIGINE DU LITIGE
3. L’Appelant était l’entraîneur professionnel du club de football saoudien Al Mujazzal, lorsque celui-ci a accédé, à la fin de la saison sportive 2015-2016, à la ligue professionnelle saoudienne, à la suite d’un match gagné contre le club saoudien Al-Jeel (ci-après “Al-Jeel” ou “Al Jil”). La date du match n’est pas tout à fait claire. La décision de la Commission de Discipline de la SAFF mentionne le 24 avril 2016. La décision de la Commission d’Appel de la SAFF se réfère au 23 avril 2016. En outre, l’Intimée mentionne dans ses écritures que le match a eu lieu le 23 avril 2016.
4. Suite à des soupçons de trucage du match susmentionné, l’Appelant a été convoqué auprès du Ministère saoudien des Sports, où il a été interrogé sur les faits en cause. Au terme de son interrogatoire, l’Appelant a signé des aveux de participation dans une opération de trucage du match en cause.
5. La SAFF par la suite a saisi la Commission de Discipline de la SAFF pour qu’elle procède à une enquête des faits et prenne une décision disciplinaire. Dans sa décision du 21 juillet 2016, la Commission de Discipline de la SAFF a jugé que l’Appelant, parmi d’autres personnes, avait participé à une opération de trucage du match du 23 (ou 24) avril 2016. La Commission de Discipline de la SAFF a dès lors condamné l’Appelant à une radiation à vie de toute activité relative au football ainsi qu’à une amende de 300.000 rayals.
6. Les passages les plus pertinents de la décision de la Commission de Discipline de la SAFF en ce qui concerne la situation de l’Appelant sont les suivants:
“(…)
Les Instructions
(…)
Seizièmement: La prise de déclaration de l’entraîneur du club Al Hajr, Mohamed Ali Maalej, l’entraîneur du club AL MAJZEL durant le match comme suit:
1.) Que le directeur de professionnalisme du club AL MAZJEL, MOUTAAB OUTAYBI lui a demandé de chercher une personne du club AL JIL ou ayant une relation avec le club AL JIL étant donné que le match est un match de destin.
2.) Et a proposé l’entraîneur tunisien NOUREDDINE YOUSSEF CHERIF parce que ce dernier connaît le joueur HASAN GHAWAS, le capitaine du club AL JIL qui a joué auparavant avec lui au club d’ALKALAA au championnat de la montée.
3.) Il a indiqué que l’entraîneur NOUREDDINE a interagi et a été en contact avec le joueur GHAWAS (…), l’accord a été réalisé, (…) l’entraîneur MAALEJ a confirmé n’avoir reçu de son côté aucune contrepartie. (…)
Les résultats
(…)
4.) L’entraîneur de l’équipe du club AL MJAZEL MOHAMED MAALEJ.
L’intermédiaire par la conspiration et l’influence sur le résultat du match du club AL MJAZEL et le club AL JIL et l’entente avec la demande du directeur de professionnalisme et l’agent administratif de l’équipe MOUTAAB OUTAYBII afin qu’il trouve une partie leur emmenant au club d’AL JIL en vue qu’il coopère par l’influence sur le résultat du match du club AL MJAZEL et le club AL JIL et ce par les preuves et présomptions suivantes:
- Première preuve: son aveu qu’il a été en contact avec l’entraîneur NOUREDDINE CHERIF et lui a exposé qu’il avait contacté le joueur HASAN GHAWAS en vue d’influencer sur le résultat du match.
- Deuxième preuve: le témoignage de l’entraîneur NOUREDDINE CHERIF sur sa réception d’un contrat de l’entraîneur d’AL MJAZEL MOHAMED MAALEJ en vue de demander d’être en contact avec le joueur HASAN EL GHAWAS en vue d’influencer sur le résultat du match. (…)
Et à la date du 13/07/2016, la comité a envoyé au club HAJR (…) la demande de charger l’entraîneur de l’équipe (…) MAALEJ pour se présenter personnellement au comité pour son instruction et audition; et à la date du 13/07/2016, le comité a reçu le discours du club HAJR (…) comme suit: “…On vous informe que l’entraîneur est en Tunisie comme il a été indiqué dans notre discours précédent… Mohamed Ali MAALEJ (…) nous a indiqué (…) une indication manuscrite (…) dont le texte: (…) j’étais invité par le département général sportif pour l’instruction à la date du 29 RAMADHAN, je me suis présenté à l’heure, et ce qui est passé est le suivant:
A. Le comité d’instruction a mal usé le pouvoir, et j’étais menacé de m’apporter la police et m’interdire de voyager le jour de l’Aïd (fête religieuse islamique) sauf pour accepter leur désir.
B. Je n’avais pas eu d’eux l’opportunité à révéler les réalités (…). Ceci étant, l’ensemble de ce qui a été indiqué aux papiers d’instruction est considéré comme nul au motif que cette partie n’est pas de sa compétence d’investiguer dans des affaires relevant de la compétence de la fédération de football et ses comités. (…)
Les motifs
(…)
Quatrièmement: L’entraîneur de l’équipe du club d’ALMJAZEL au moment du match: Mohamed Ali MAALEJ.
1- Ce qu’a contenu le procès verbal de son instruction joint au dossier de l’action qu’il a dit que Mutaab OUTAYBI lui a demandé la recherche d’une personne au club AL JIL ou ayant une relation avec l’un des individus du club d’ALJIL en vue d’organiser l’opération de conspiration et d’influence sur le résultat du match du club ALMJAZEL et le club d’AL JIL.
2- Son aveu au procès verbal d’instruction joint au dossier de l’action de se mettre en contact avec l’entraîneur Noureddine CHERIF en lui proposant de contacter le joueur du club d’ALJIL Hsan GHAWAS pour exposer l’idée d’influencer sur le résultat du match du club d’ALMJAZEL et le club d’ALJIL.
3- Ce que contenait le procès verbal d’instruction avec l’entraîneur Noureddine CHERIF joint au dossier de l’action qu’il a contacté un coup de fil de l’entraîneur du club d’ALMJAZEL Mohamed MAALEJ lui demandant de se mettre en contact avec le joueur du club ALJIL Hsan GHAWAS en vue d’influencer sur le résultat du match.
4- Son refus de comparaître devant le comité pour son instruction et l’audition de ses propos en dépit qu’il s’est attribué aussi bien l’opportunité que les délais suffisants pour se défendre, ce que le comité a considéré une renonciation de lui à son droit de se défendre. (…)
Pour ces raisons, et suite à la délibération, le comité a décidé ce qui suit:
Quatrièmement: Qu’il est bien confirmé la violation par l’entraineur du club ALHAJR – MOHAMED ALI MAALEJ, tunisien, de l’article 75 paragraphe premier de la loi disciplinaire et lui punir par les sanctions suivantes:
1- Sa privation de participer dans toute activité relative au football toute la vie sans être concerné par n’importe quelle amnistie sportive
2- L’obligation de payer une amende de (300.000) trois cent mille rayals pour le compte de la fédération arabe saoudienne de football (…)”1.
7. Suite à l’appel interjeté par l’Appelant ainsi que par une autre partie condamnée en première instance contre la décision de la Commission de Discipline de la SAFF, la Commission d’Appel de la SAFF a été saisie. Le 3 août 2016, la Commission d’Appel de la SAFF rend une décision confirmant celle de la Commission de Discipline. Au terme de sa décision, la Commission d’Appel se prononce comme suit:
“(…)
Par conséquence, le comité a décidé ce qui suit:
Premièrement: sur la forme:
L’acceptation des deux appels du club ALMJAZEL et l’entraîneur du club HAJR Mohamed MAALEJ en la forme (…).
1 Traduction fournie par l’Appelant.
Deuxièmement: sur l’objet:
1- Le refus de l’appel du club d’ALMJAZEL et l’entraîneur du club HAJR Mohamed MAALEJ sur le fond.
2- La confirmation de la décision du comité de discipline (…) daté du 21 juillet 2016.
3- La confiscation des titres d’appel du club ALMJAZEL et l’entraîneur du club HAJR Mohamed MAALEJ à l’intérêt de la caisse de la fédération arabe saoudienne de football (…)
4- Décision définitive susceptible d’exécution et n’admettant aucune sollicitation ou opposition.
5- Cette décision est signifiée par écrit (…)”2.
III. PROCEDURE DEVANT LE TRIBUNAL ARBITRAL DU SPORT
8. Le 15 août 2016, l’Appelant a déposé une déclaration d’appel auprès du Tribunal arbitral du Sport (ci-après “TAS”) à l’encontre de la décision du 3 août 2016 de la Commission d’Appel de la SAFF confirmant celle de la Commission de Discipline ayant décidé la radiation à vie de l’Appelant de toute activité liée au football et au paiement d’une amende. Cette déclaration d’appel contenait toutefois une description erronée de la décision attaquée, même si, en annexe, était jointe la décision rendue le 3 août 2016 par la Commission d’Appel en langue arabe.
9. Le 16 août 2016, l’Appelant a déposé un rectificatif de sa déclaration d’appel et y a également joint une traduction de la décision attaquée du 3 août 2016 ainsi que celle rendue en premier ressort le 21 juillet 2016.
10. Suite à la demande du TAS, par courrier en ce sens du 19 août 2016, le conseil de l’Appelant a adressé au TAS le 22 août 2016 “copie des dispositions statutaires ou réglementaires ou de la convention particulière prévoyant l’appel au TAS” conformément à l’article R48 Code de l’arbitrage en matière de sport (ci-après le “Code”).
11. Le 25 août 2016, l’Appelant a déposé au TAS son mémoire d’appel.
12. Par courrier du 9 septembre 2016, le TAS a adressé à l’Intimée copie des pièces de procédure reçues jusque-là avec une invitation à produire une réponse dans un délai de vingt jours conformément à l’article R55 du Code et à lui faire savoir son éventuelle opposition quant à l’utilisation du français comme langue de procédure. Dans son courrier, le TAS a par ailleurs invité l’Intimée, en langue anglaise, à le contacter ou à contacter un interprète sans délai si elle ne comprenait pas le courrier rédigé en français.
13. Le 20 septembre 2016, l’Intimée a réagi au courrier du TAS du 9 septembre 2016, en sollicitant, en anglais, que celui-ci lui soit produit en anglais.
14. Le 21 septembre 2016, le TAS a adressé un courrier aux Parties, dans lequel il résume exceptionnellement la lettre du 9 septembre 2016 en anglais invitant l’Intimée à réagir dans les
2 Traduction fournie par l’Appelant.
divers délais indiqués notamment aux questions relatives à la langue de procédure et à la nomination d’un arbitre unique.
15. N’ayant pas reçu de réaction de la part de l’Intimée dans les délais indiqués, le TAS a, dans sa lettre du 30 septembre 2016, notamment confirmé que la langue de la procédure est le français et que toute pièce envoyée et rédigée dans une autre langue devrait être accompagnée d’une traduction en français conformément à l’article R29 Code.
16. De même, le 5 octobre 2016, le TAS a confirmé que la Présidente de la Chambre d’appel avait décidé que l’affaire devrait être portée devant un arbitre unique.
17. A la suite d’une demande de traduction envoyée par l’Intimée le 8 octobre 2016, le TAS, dans son courrier du 12 octobre 2016, rappelle aux Parties, et ce, tant en français qu’en anglais, que la procédure étant en français, les prochaines communications ne seront plus traduites.
18. Dans sa lettre du 18 octobre 2016, le TAS prend note du fait que l’Intimée n’a pas déposé de réponse auprès du TAS dans les délais impartis et invite par ailleurs les Parties à se prononcer, d’ici au 25 octobre 2016, sur la nécessité de tenir une audience, ce à quoi l’Intimée n’a pas répondu et l’Appelant a répondu positivement par lettre du même jour.
19. Par courriel du 20 octobre 2016, l’Intimée a sollicité en anglais que la lettre du TAS du 18 octobre 2016 ainsi que toute future correspondance lui soit adressée en anglais.
20. Par lettre du 25 octobre 2016, le TAS a rappelé, tant en français qu’en anglais, que la procédure était en langue française et qu’elle ne produirait plus de traduction en anglais, invitant l’Intimée à prendre les mesures qu’elle jugera utiles à cet effet.
21. Par courrier du 30 novembre 2016, le TAS a confirmé que l’arbitre unique désigné pour décider de la procédure d’appel était Prof. Ulrich Haas, Professeur à Zürich, Suisse; le TAS a également indiqué que l’arbitre unique sera assisté de Me Stéphanie De Dycker, conseillère juridique à Lausanne, en tant que greffière ad hoc.
22. Se référant à l’article 55 (3) des Statuts de la SAFF (ci-après également: “Statuts SAFF”) prévoyant que “disputes shall be submitted to the CAS – until a National Arbitration/Center has been established”, le TAS a sollicité de la FIFA, par lettre du 2 décembre 2016, qu’elle indique si un centre d’arbitrage national avait ou non été mis en place en Arabie Saoudite. Par courrier du même jour aux Parties, le TAS a invité celles-ci à se prononcer sur la même question ainsi que sur les moyens de conciliation qui étaient à leur disposition et le recours à ces derniers dans le cas présent; il a également sollicité que les Parties se prononcent d’ici au 8 décembre 2016 sur leur éventuelle indisponibilité à participer à l’audience devant se tenir le 20 ou le 21 décembre 2016 et souligné qu’en cas de silence une audience serait fixée à l’une de ces dates; il a enfin invité l’Intimée à ce qu’elle communique le dossier découlant de la procédure qui s’est tenue devant ses organes juridictionnels.
23. Par lettre du 5 décembre 2016, l’Appelant a sollicité auprès du TAS que l’audience soit fixée au 21 décembre 2016 et, le 6 décembre 2016, il a déposé ses observations en réponse à la requête de l’arbitre unique aux Parties du 2 décembre 2016.
24. Par courrier du 9 décembre 2016, le TAS a confirmé que l’audience se tiendrait le 21 décembre 2016 à Lausanne et a invité les Parties à indiquer les personnes qui y seront présentes.
25. Le 12 décembre 2016, l’Appelant a sollicité que M. Noureddine Youssef Cherif soit autorisé à témoigner par vidéo-conférence.
26. Le 13 décembre 2016, l’Intimée a adressé un courrier au TAS rédigé en anglais. Dans ce courrier, l’Intimée conteste la compétence du TAS pour décider de la présente procédure et en donne ses raisons; l’Intimée relève en outre que le Centre d’Arbitrage du Sport d’Arabie Saoudite est en place depuis le 1er novembre 2016; enfin, l’Intimée indique qu’il n’est pas disponible pour assister à l’audience du 21 décembre 2016 et sollicite que le TAS propose une autre date. Aux termes de son courrier en anglais, l’Intimée annonce qu’il adressera au TAS une traduction en français de sa lettre.
27. Par courrier du 14 décembre 2016, le TAS a indiqué que l’arbitre unique avait, exceptionnellement et au vu de l’urgence, accepté de traiter le courrier de l’Intimée du 13 décembre 2016 qui était rédigé en anglais, bien que le TAS ait précisé, dans ses courriers du 30 septembre, 12 octobre et 25 octobre 2016, que la langue de la procédure était le français et que toute pièce adressée dans une autre langue devrait être accompagnée d’une traduction. Quant au contenu de la lettre de l’Intimée, le TAS indique qu’il ne peut prendre en compte les objections de celle-ci quant aux dates possibles de l’audience du fait qu’elles ont été communiquées après le délai précisé du 8 décembre 2016, et invite l’Intimée à participer à l’audience par vidéoconférence. Enfin, le TAS communique aux Parties l’Ordonnance de Procédure, laquelle a été signée, le même jour, par l’Appelant.
28. Le 15 décembre 2016, la FIFA a répondu à la demande formulée par le TAS dans son courrier du 9 décembre 2016, indiquant que la SAFF avait modifié ses statuts en date du 31 octobre 2016 mettant ce faisant en place un centre national d’arbitrage du sport, mais que la date à compter de laquelle ce centre était compétent restait inconnue.
29. Par courriel du 19 décembre 2016, l’Intimée a annoncé qu’elle serait représentée dans la présente procédure par son conseil qui sera présent à l’audience fixée au 21 décembre 2016 à Lausanne. Dans son courrier, le conseil de l’Intimée indique qu’il sollicitera en début d’audience le report de celle-ci à une date ultérieure afin de lui permettre de préparer une défense; à titre subsidiaire, le conseil de l’Intimée annonce qu’il sollicitera le droit de soumettre au TAS un mémoire écrit, après l’audience, pour assurer le respect du droit fondamental de leur cliente à être entendu en défense. Enfin, il fait part de son opposition à l’audition du témoin de l’Appelant, M. Nourreddine Youssef Cherif par vidéo-conférence, ce témoin ayant fui l’Arabie saoudite avant son audition par la Commission de Discipline de la SAFF.
30. Par lettre du 19 décembre 2016, le conseil de l’Appelant s’est opposé à la demande de report d’audience ainsi qu’à la possibilité de soumettre un mémoire après l’audience.
31. Dans son courrier du 20 décembre 2016, le TAS a indiqué aux Parties que l’arbitre unique traitera des requêtes relatives au report d’audience et au dépôt d’un mémoire écrit en début d’audience, mais que les Parties devront être prêtes à plaider sur le fond; en outre, l’arbitre unique confirme que M. Noureddine Youssef Cherif pourra témoigner par vidéo-conférence en application de l’article R44.2 (4) du Code.
32. Le 21 décembre 2016, une audience s’est déroulée à Lausanne, Suisse. En plus de l’arbitre unique, la greffière ad hoc et la conseillère juridique du TAS, étaient présents:
Pour l’Appelant:
M. Mohammed Ali Maalej, Appelant;
Me Mohamed Rokbani;
Me Ali Abbes.
Pour l’Intimée:
Me Antoine Adeline;
Me Laure Perrin.
33. En début d’audience, l’arbitre unique a fait savoir qu’il rejetait la demande de report d’audience et a invité les Parties à plaider le dossier dans son entièreté. A l’appui de sa décision, l’arbitre unique a rappelé que l’Intimée n’avait pas respecté plusieurs délais au cours de la procédure écrite et qu’il y avait une pression économique importante sur l’une des Parties. Quant à la requête de l’Intimée de soumettre un mémoire écrit après l’audience, l’arbitre unique a fait savoir aux Parties qu’il communiquerait sa décision peu après l’audience. Pendant l’audience, l’arbitre unique a entendu le témoignage de M. Noureddine Youssef Cherif.
34. Lors de l’audience, l’Intimée a signé l’Ordonnance de Procédure.
35. Par courrier du 23 décembre 2016, le TAS a fait savoir aux Parties que l’arbitre unique avait accepté la possibilité de soumettre un mémoire écrit limité aux questions définies par lui. Les passages pertinents de la lettre sont les suivants:
“(…) L’Arbitre unique a décidé d’autoriser la production de mémoires postérieurs à l’audience strictement limités à certaines questions (voir ci-dessous) liées à la compétence du TAS.
Les alinéas 1 et 2 de l’article 178 de la Loi suisse sur le droit international privé (…), consacré à la convention d’arbitrage, disposent que:
1 Quant à la forme, la convention d’arbitrage est valable si elle est passée par écrit, télégramme, télex, télécopieur ou tout autre moyen de communication qui permet d’en établir la preuve par un texte.
2 Quant au fond, elle est valable si elle répond aux conditions que pose soit le droit choisi par les parties, soit le droit régissant l’objet du litige et notamment le droit applicable au contrat principal, soit encore le droit suisse.
L’Arbitre unique invite les parties à prendre connaissance de la doctrine et de la jurisprudence relatives à cette disposition et:
- à expliquer sur quels faits précis serait établi le consentement entre les parties de soumettre le présent litige à l’arbitrage selon l’un des droits applicables en vertu de l’article 178 (2) LDIP;
- à déposer leurs observations quant au respect par leur éventuel consentement des exigences formelles prescrites par l’article 178 (1) LDIP;
- à indiquer si le présent cas pourrait, ou non, être considéré comme un cas dans lequel le consentement à l’arbitrage pourrait ne pas être soumis aux conditions formelles de l’article 178 (1) LDIP, le Tribunal fédéral ayant, dans certaines situations exceptionnelles, renoncé à l’exigence de la forme écrite.
Les parties sont invitées à fournir tout moyen de preuve ainsi que toutes références doctrinales ou jurisprudentielles à l’appui de leur avis.
L’intimée est invitée à déposer son mémoire postérieur à l’audience strictement limité à ces questions dans un délai de 15 jours dès réception de la présente correspondance par DHL. Un délai identique sera ensuite imparti à l’appelant.
L’Arbitre unique souligne qu’aucune observation allant au-delà des trois points susmentionnés ne sera prise en considération. Il justifiera son refus d’autoriser le dépôt de toutes autres observations ou moyens de preuves dans sa sentence”.
36. Le 10 janvier 2016, l’Intimée a adressé au TAS son mémoire postérieur à l’audience, accompagné de ses pièces. L’Appelant en a fait de même par courrier du 23 janvier 2016.
IV. POSITION DES PARTIES
37. Les arguments des Parties, développés tant dans leurs écritures respectives que lors de l’audience du 21 décembre 2016, seront résumés ci-dessous. Si seuls les arguments essentiels sont exposés ci-après, toutes les soumissions ont naturellement été prises en compte par l’arbitre unique, y compris celles auxquelles il n’est pas fait expressément référence.
A) Les arguments développés par l’Appelant
38. Au terme de son mémoire d’appel, l’Appelant formule les demandes suivantes:
“1. Principalement
Nous vous demandons de casser et annuler la décision de la commission d’appel de la fédération saoudienne de football numéro 35 en date du 03/08/2016
2. Subsidiairement
Nous nous réservons de formuler d’autres demandes après examen du dossier d’instruction”.
39. Au cours de l’audience et dans son mémoire postérieur à l’audience, l’Appelant n’a pas formulé d’autre demande. Les arguments que l’Appelant fournit à l’appui de sa demande peuvent être résumés comme suit:
1. Sur la compétence du TAS
a) L’Appelant fonde la compétence du TAS pour décider de son appel sur l’article 55 des Statuts de la SAFF dont la version anglaise, telle que publiée sur le site internet officiel de la SAFF, dispose que:
“All disputes involving SAFF, members, officials, players and their agents, match agents, intermediaries, other organs and persons are subject to the provisions of SAFF Statutes. Dispute shall be submitted to the CAS – until a National Sport Arbitration Board / Center has been established – provided that all means of cordial internal reconciliation have been exhausted unless there is a special arbitration agreement between the concerned parties” (nous soulignons).
b) L’Appelant précise que le Centre national d’arbitrage du sport n’étant pas encore en place au jour de l’introduction de la présente procédure d’arbitrage, il est bien fondé à introduire son appel devant le TAS. L’Appelant indique aussi que s’il a sollicité auprès de l’Intimée la signature d’une convention d’arbitrage, c’est uniquement pour s’assurer que toutes les voies de recours internes étaient épuisées, notamment au vu de l’incertitude qui existait quant à la mise en place du Centre national d’arbitrage du sport.
c) L’Appelant précise encore que le fait que la décision attaquée fait mention dans son dispositif du fait qu’elle est “définitive susceptible d’exécution et n’admettant aucune sollicitation ou opposition”, n’implique en aucun cas qu’un recours devant le TAS est impossible.
d) Enfin, l’Appelant relève que tout espoir de conciliation en l’espèce est perdu étant donné que la décision attaquée mentionne, de manière expresse, que la décision de priver à vie l’Appelant de participation dans toute activité relative au football, telle que confirmée devant la Commission d’appel de la SAFF, exclut toute possibilité d’amnistie sportive, et que, par ailleurs, la SAFF ne prévoit pas de procédure de conciliation.
e) Dans son mémoire postérieur à l’audience, l’Appelant indique que le consentement des Parties à la présente procédure d’arbitrage est contenu dans la clause compromissoire qui est écrite et contenue à l’article 55 (3) des Statuts de la SAFF, tel que publié sur le site internet officiel de la SAFF en version anglaise, et que cette clause fait référence expresse au fait que les litiges tels que celui faisant l’objet de la présente procédure sont soumis à la compétence du TAS jusqu’à la mise en place du Centre national d’arbitrage du sport; l’Appelant indique encore que si un doute devait subsister quant au sens de cette disposition, il conviendrait d’interpréter cette clause pathologique conformément aux articles 10 et13 des Statuts de la SAFF, 63-64 des Statuts de l’AFC et 58-59 des Statuts de la FIFA qui renvoient à la nécessité pour les clubs de reconnaître la compétence du TAS. Enfin, concernant la troisième question, l’Appelant indique que, suivant la jurisprudence du Tribunal fédéral, le fait que le club ayant engagé l’Appelant est membre de la SAFF et que la SAFF reconnaît la compétence du TAS dans ses Statuts devrait suffire à ôter tout doute quant à l’existence d’une convention d’arbitrage valide entre les Parties à la présente procédure d’arbitrage.
2. Sur le fond
a) Sur le fond, l’Appelant sollicite que le TAS décide que la procédure devant les organes juridictionnels de la SAFF de manière générale a violé les droits de la défense de l’Appelant, eu égard notamment à l’absence de convocation de l’Appelant informant celui-ci des faits qui lui ont été reprochés, lui communiquant le dossier d’instruction et lui octroyant la possibilité de se défendre.
b) En outre, l’Appelant estime que la décision attaquée est fondée sur des preuves insuffisantes puisque les seuls éléments ayant conduit à la conclusion de la culpabilité de l’Appelant sont une accusation par une tierce personne, M. Noureddine Youssef Cherif, devant la commission du Ministère des Sports en charge de l’instruction et les aveux de l’Appelant devant cette même commission, et ce, alors que, en particulier, (i) la commission en charge de l’instruction du dossier a été réalisée par une autorité étatique incompétente car non reconnue par la SAFF et la FIFA, (ii) les aveux de l’Appelant ont été obtenus sous la menace, et (iii) M. Noureddine Youssef Cherif s’est rétracté de ses aveux par écrit et lors de l’audience devant le TAS dans son témoignage par vidéo-conférence.
B) Les arguments développés par l’Intimée
40. Des courriers de l’Intimée au TAS avant l’audience ainsi que de ses déclarations à l’audience, il ressort que l’Intimée sollicite que le TAS se déclare incompétent pour décider de la présente affaire. Avant l’audience et au cours de celle-ci, l’Intimée a en outre sollicité le report de l’audience et, à titre subsidiaire, la possibilité de déposer un mémoire écrit postérieur à l’audience; le report d’audience a été rejeté en début d’audience par décision de l’arbitre unique pour les motifs exposés ci-dessus (voir ci-dessus par. 33) mais celui-ci a accepté la possibilité de déposer un mémoire écrit postérieur à l’audience sur des questions précises relatives à la compétence du TAS (voir ci-dessus par. 35).
1. Sur la compétence du TAS
a) L’Intimée relève d’abord que le TAS n’a pas compétence pour connaître de la présente procédure d’arbitrage du fait de l’absence de convention d’arbitrage écrite entre les Parties, et ce, conformément à l’article 55 (3) des Statuts de la SAFF, dont la traduction en français de la version officielle arabe, se lit comme suit:
“Tous les litiges qui impliquent des membres de la SAFF, des représentants officiels, des joueurs et leurs agents sportifs, des agents de matches, des intermédiaires, d’autres organes et personnes sont soumis aux dispositions des statuts de la SAFF. Les litiges seront soumis au TAS - jusqu’à ce qu’un Centre d’arbitrage national du sport soit établi – à condition que tous les moyens internes de règlement à l’amiable des différends aient été épuises et qu’une convention d’arbitrage spécifique soit conclue entre les parties concernées” (nous soulignons).
Cette traduction, proposée par l’Intimée, correspond aussi à la traduction en anglais du même article telle que fournie au TAS par la FIFA à sa demande dans son courrier du 15 décembre 2016, qui se lit comme suit:
“All disputes involving members, officials, players and their agents, match agents, intermediaries, other bodies and persons are subject to the provisions of SAFF Statutes. Dispute files shall be submitted to the CAS – until a Saudi Center for Sports Arbitration is established, provided that all means of cordial internal reconciliation have been made and that there is a special arbitration agreement between the concerned parties” (nous soulignons).
b) L’Intimée précise que cette version de l’article 55 (3) des Statuts de la SAFF correspond à la correcte traduction de sa version arabe, qui, en application de l’article 8 des Statuts, doit primer en cas de doute. L’Intimée indique en outre que, indépendamment de l’article précité, l’Appelant a reconnu la nécessité d’une convention d’arbitrage spéciale puisqu’elle en a fait la demande auprès de l’Intimée qui l’a refusée. Ainsi, aux yeux de l’Intimée, l’absence de convention d’arbitrage spécifique entre les Parties doit conduire le TAS à se reconnaître incompétent pour décider dans la présente procédure.
c) L’Intimée expose encore que la décision attaquée rendue le 3 août 2016 par la Commission d’Appel de la SAFF est définitive et n’est pas susceptible d’appel, ce qui est confirmé, selon elle, par le dispositif de la décision elle-même de même que par les articles 50 (4), 52 et 56 des Statuts de la SAFF et 134 (1) du Code disciplinaire de la SAFF.
d) Dans son mémoire postérieur à l’audience, l’Intimée rappelle, quant à la première question posée par l’arbitre unique, que, du fait que l’article 55 (3) Statuts de la SAFF ne prévoit pas un droit de recours automatique auprès du TAS, il n’y a en l’espèce pas de consentement entre les Parties de soumettre leur litige à l’arbitrage, et ce, quelque soit le droit applicable à cette question. A la deuxième question, l’Intimée répond également qu’au vu de l’absence de tout consentement entre les Parties sur l’arbitrage, les conditions formelles de celui-ci ne peuvent pas non plus avoir été respectées. Enfin, à la dernière question posée par l’arbitre unique, l’Intimée précise qu’il n’existe aucune circonstance exceptionnelle justifiant une dérogation aux conditions de fond ou de forme posées par l’article 178 de la loi suisse sur le droit international privé.
2. Sur le fond
41. Pour le reste, l’Intimée a sollicité le dépôt d’un mémoire postérieur à l’audience, et avancé plusieurs arguments à l’appui de sa demande. Ceux-ci ont en particulier trait au respect des droits de la défense de l’Intimée, au fait que les faits de la présente affaire sont graves et requièrent que toute la lumière soit faite, y compris par la communication du dossier de l’affaire auprès de la SAFF et à des problèmes de traduction des décisions rendues par les organes juridictionnels de la SAFF.
V. COMPETENCE
1. Le cadre juridique applicable
42. La Loi suisse sur le droit international privé (“LDIP”) est applicable en l’espèce compte tenu du siège de l’arbitrage en Suisse et du fait que les Parties sont toutes deux domiciliées hors de Suisse et n’y ont pas de résidence habituelle.
43. Conformément à l’article 186 (1) LDIP qui consacre le principe Kompetenz-Kompetenz, le TAS statue sur sa propre compétence.
44. D’après l’article R27 du Code:
“Le présent Règlement de procédure s’applique lorsque les parties sont convenues de soumettre au TAS un litige relatif au sport. Une telle soumission peut résulter d’une clause arbitrale figurant dans un contrat ou un règlement ou d’une convention d’arbitrage ultérieure (procédure d’arbitrage ordinaire), ou avoir trait à l’appel d’une décision rendue par une fédération, une association ou un autre organisme sportif lorsque les statuts ou règlements de cet organisme ou une convention particulière prévoient l’appel au TAS (procédure arbitrale d’appel). (…)”.
45. L’article R47 du Code stipule quant à lui que:
“Un appel contre une décision d’une fédération, association ou autre organisme sportif peut être déposé au TAS si les statuts ou règlements dudit organisme sportif le prévoient ou si les parties ont conclu une convention d’arbitrage particulière et dans la mesure aussi où la partie appelante a épuisé les voies de droit préalables à l’appel dont il dispose en vertu des statuts ou règlements dudit organisme sportif”.
46. Les conditions matérielles de la convention d’arbitrage n’étant pas précisées plus avant par le Code, il convient de se référer à l’article 178 (2) LDIP qui prévoit à cet égard:
“Quant au fond, [la convention d’arbitrage] est valable si elle répond aux conditions que pose soit le droit choisi par les parties, soit le droit régissant l’objet du litige et notamment le droit applicable au contrat principal, soit encore le droit suisse”.
47. De plus, il convient d’avoir égard à l’article 178 (1) LDIP qui porte sur les conditions de forme:
“Quant à la forme, la convention d’arbitrage est valable si elle est passée par écrit, télégramme, télex, télécopieur ou tout autre moyen de communication qui permet d’en établir la preuve par un texte. (…)”.
2. Les conditions matérielles de la convention d’arbitrage
48. Aux fins pour le TAS de se déclarer compétent, les Parties doivent avoir conclu une convention d’arbitrage. La question de savoir si les Parties en l’espèce ont conclu une convention d’arbitrage doit être examinée à la lumière de l’article 178 (2) LDIP, c’est-à-dire en application du droit suisse.
49. Pour qu’il y ait une convention d’arbitrage, les parties ne doivent pas avoir impérativement convenu de soumettre un litige donné à l’arbitrage. Il suffit à cet égard qu’elles se soient accordées par écrit sur une clause d’arbitrage par référence, c’est-à-dire que l’accord des parties se réfère à un document externe contenant la clause d’arbitrage (ATF, 4P. 230/2000/md, 07.02.2001, par. 2.a; voir également: MAVROMATI/REEB, The Code of the Court of Arbitration for Sport: Commentary, Cases and Materials (2015), p. 34-35, nos. 51 et s.; BERGER/KELLERHALS, International and Domestic Arbitration in Switzerland, 3ième ed., p. 151, n. 451 et s.). L’arbitre unique est en particulier guidé à cet égard par un arrêt du Tribunal fédéral suisse (ATF 4P.230/2000/md, 07.02.2001, par. 2), dans lequel le Tribunal décide comme suit:
“Gemäss Art. 178 Abs. 2 IPRG ist die Schiedsvereinbarung im Übrigen, d.h. materiell (fr. “quant au fond”, it. “materialmente”) gültig, wenn sie dem von den Parteien gewählten, dem auf die Streitsache, insbesondere dem Hauptvertrag anwendbaren oder dem schweizerischen Recht entspricht. Die Prüfung der materiellen Gültigkeit der Schiedsvereinbarung kann daher zunächst nach schweizerischem Recht erfolgen. Danach beurteilt sich nach dem Vertrauensprinzip unter Berücksichtigung der Umstände des Einzelfalles, ob auf Grund einer Globalverweisung auf ein Dokument, welches eine Schiedsklausel enthält, auf die Zustimmung der Parteien zu dieser Klausel geschlossen werden kann … Allgemein ist anzunehmen, dass eine Partei, welche eine Globalverweisung vorbehaltlos akzeptiert und dabei die im verwiesenen Dokument enthaltene Schiedsklausel kennt, dieser zustimmt”.
[“Selon l’article 178 alinéa 2 LDIP une convention d’arbitrage est en outre, c’est-à-dire matériellement (“quant au fond”) valable, si elle est compatible avec le droit choisi par les parties, le droit applicable au fond, en particulier avec le droit applicable au contrat principal, ou le droit suisse. L’examen de la convention d’arbitrage quant au fond peut donc intervenir en premier lieu selon le droit suisse. En vertu du droit suisse, il convient d’évaluer si, à la lumière du principe de confiance compte tenu des particularités du cas d’espèce, le consentement des parties à une clause d’arbitrage peut être déduit d’une référence globale à un document contenant la clause d’arbitrage … Il faut, de manière générale, considérer qu’une partie qui a accepté sans réserve une référence globale, et par là-même la clause d’arbitrage contenue dans le document auquel il est référé, se soumet à cette clause d’arbitrage”].
50. En application du principe de bonne foi, le Tribunal fédéral suisse a décidé que le consentement à une clause d’arbitrage contenue dans les règles et règlements d’une fédération pouvait être valablement déduit de la demande faite par un athlète ou un coach d’être admis à une compétition organisée sous les auspices réglementaires de la fédération (ATF, 4P. 230/2000/md, 07.02.2001, par. 2.a) ou lorsqu’un(-e) sportif/-ve se soumet sans réserve au mécanisme de résolution des litiges d’une fédération (qui prévoit un recours à l’arbitrage en dernière instance) en introduisant un appel devant les organes judiciaires internes de cette fédération (ATF, 4P.230/2000/md, 7.02.2001, par. 2.b).
51. Dans le cas d’espèce, il n’est pas contesté que l’article 55 (3) Statuts de la SAFF prévoie une clause d’arbitrage. Ce qui est en revanche contesté est la mesure dans laquelle cette disposition s’applique et quel est le contenu de cette disposition (voir ci-après, par. 57 à 76). En outre, il est également incontesté que l’Appelant soit tenu par les règles et règlements de la SAFF. En effet, dans leur mémoire postérieur à l’audience, aucune des Parties n’a contesté le fait que les Statuts SAFF soient applicables à l’Appelant. L’Intimée, en particulier, a examiné de manière extensive le fait de savoir si les conditions de l’article 55 (3) des Statuts SAFF étaient en l’espèce remplies. Cependant, une telle question ne se pose qu’une fois qu’il est établi que les Statuts SAFF sont applicables à l’Appelant dans leur entièreté. Ceci découle également du libellé de l’article 55 (3) Statuts SAFF qui détermine son champ d’application ratione personae comme suit: “[t]ous les litiges qui impliquent la SAFF, ses membres, représentants officiels, des joueurs et leurs agents sportifs, des agents de matchs, des intermédiaires, d’autres organes et personnes sont soumis aux dispositions des Statuts de la SAFF” (nous traduisons).
52. L’arbitre unique accepte le point de départ commun des Parties selon lequel l’Appelant est lié par les Statuts SAFF. Cette position est corroborée par le fait que l’Appelant était employé en tant qu’entraîneur du club Al Mujazzal qui, lui, est membre de la SAFF, et donc tenu par les règles de cette dernière. En tant qu’employé du club, l’entraîneur était tenu de respecter les règles et règlements qui s’imposent à son employeur, le club. Le fait que l’Appelant ait accepté et soit lié par les règles de la SAFF est également démontré par le fait que l’Appelant, avec l’assistance de ses conseils, a introduit un appel contre la décision de première instance de la Commission de Discipline de la SAFF devant la Commission d’Appel de la SAFF. Ce faisant, l’Appelant a clairement indiqué non seulement qu’il se soumettait à l’autorité réglementaire et disciplinaire de la SAFF, mais en outre qu’il acceptait le mécanisme de résolution des litiges contenu dans les Statuts SAFF (en ce compris l’article 55 (3) Statuts SAFF), et ce, sans réserve. Cette position est également défendue par l’Intimée qui expose dans son mémoire postérieur à l’audience comme suit (par. 32 – 38):
“L’Appelant n’as pas contesté la compétence du Comité disciplinaire de la SAFF pas plus que celle du Comité d’appel. Il a en outre eu l’opportunité de faire valoir ses éléments, de sorte qu’il ne saurait être autorisé à contester de nouveau la sanction”.
“En l’espèce, l’article 55(3) du règlement de la SAFF est clairement rédigé et il n’existe aucune ambiguïté dans sa rédaction. … La volonté expresse des parties était donc de prévoir un recours devant le TAS uniquement dans le cas où existerait une convention spéciale entre les parties à cet effet. … La rédaction de l’article 55(3) est claire en ce qu’il ne prévoit aucun autre cas dans lequel un litige pourrait être soumis à l’arbitrage”.
53. La volonté de la SAFF que ses règles s’imposent dans ses relations avec l’Appelant, est, quant à elle, démontrée par le fait qu’elle a saisi la Commission de Discipline de la SAFF pour qu’elle procède à une enquête des faits et prenne une décision disciplinaire à l’égard de l’Appelant. En outre, la décision de la Commission d’Appel, un organe de l’Intimée, en vertu de laquelle la SAFF a accepté l’exercice d’une autorité disciplinaire et réglementaire sur l’Appelant, constitue une preuve supplémentaire que la SAFF est tenue par ses règles vis-à-vis de l’Appelant. Enfin, la demande faite par l’Intimée – au moins implicitement – de ne pas examiner la décision rendue par la Commission d’Appel à l’encontre de l’Appelant au fond et ainsi de la laisser intacte, est de nature à démontrer que l’Intimée ne conteste pas l’exercice d’un pouvoir réglementaire et disciplinaire à l’encontre de l’Appelant sur la base des Statuts SAFF, étant donné que toute décision des instances juridictionnelles internes de la SAFF à l’égard de l’Appelant présuppose que l’Appelant soit tenu et ait accepté les règles de l’Intimée.
54. Eu égard à ce qui précède, l’arbitre unique décide que les Parties ont accepté, de manière inconditionnelle et sans restriction, l’application des Statuts SAFF, qui contiennent une clause d’arbitrage. En conséquence, les Parties ont conclu une convention d’arbitrage valable quant au fond en vertu du droit suisse.
3. Les conditions formelles
55. L’arbitre unique est tenu d’examiner les conditions formelles de la convention d’arbitrage au sens de l’article 178 (1) LDIP si leur respect est contesté par les parties. Il est à cet égard renvoyé à un arrêt du Tribunal fédéral suisse (18.4.2011 – 4A_640/2010, E. 3.3) qui dispose comme suit:
“Wenn der Beschwerdeführer in seiner Replik in Bezug auf das Formerfordernis von Art. 178 Abs. 1 IPRG vorbringt, das TAS habe in seinem Schiedsurteil nirgends festgestellt, dass er eine schriftliche Erklärung abgegeben hätte, der CFA beizutreten oder den Statuten der CFA zu unterstehen, so zeigt er damit keine Verletzung von Zuständigkeitsvorschriften auf. Das Schiedsgericht sah es als erwiesen an, dass sich der Beschwerdeführer als Trainer des Fussballclubs Y.________ bei der CFA registriert und im Rahmen dieser Registrierung zugestimmt habe, die Statuten und Reglemente (einschliesslich der Anti-Doping-Bestimmungen) der CFA einzuhalten. Zwar trifft es zu, dass der angefochtene Schiedsentscheid nicht auf die Einzelheiten dieser Registrierung eingeht. Das Schiedsgericht hatte jedoch keinen Anlass dazu, deren Umstände weiter abzuklären, nachdem der Beschwerdeführer die mit Einleitung des Schiedsverfahrens erhobene Behauptung einer förmlichen Bindungserklärung vor dem TAS nicht in tatsächlicher Hinsicht bestritten hatte, sondern sich lediglich - wie sich gezeigt hat, zu Unrecht - auf den Standpunkt stellte, der in den massgebenden Regeln der CFA enthaltene Verweis auf die FIFA-Statuten reiche nicht aus, sondern es sei ein in den Statuten der CFA ausdrücklich verankertes Recht zur Anfechtung von Entscheiden des Judicial Committee beim TAS erforderlich. Angesichts dieser fehlenden Bestreitung ist dem Schiedsgericht keine Verletzung von Art. 178 Abs. 1 IPRG vorzuwerfen, wenn es mit der festgestellten Registrierung die erforderliche Schriftform im Ergebnis als erfüllt erachtete. Soweit der Beschwerdeführer mit seinem Vorbringen in Abrede stellen wollte, jemals eine schriftliche bzw. durch Text nachweisbare Erklärung abgegeben zu haben, den Statuten der CFA zu unterstehen, wäre diese erstmals vor Bundesgericht erhobene Behauptung neu und damit unzulässig (Art. 99 Abs. 1 BGG)”.
[“Lorsque le plaignant avance dans sa réponse concernant les conditions formelles de l’art. 178 al. 1er LDIP, que le TAS n’a jamais fait état dans sa sentence d’une déclaration écrite d’affiliation à la CFA ou de soumission aux statuts de la CFA, il ne démontre pas la violation d’une règle relative à la compétence. Le tribunal arbitral a décidé qu’il était démontré que l’Appelant en tant qu’entraîneur d’un club de football Y. ________ était affilié auprès de la CFA et, dans ce cadre, avait accepté de respecter les Statuts et règlements (en ce compris les dispositions de lutte contre le dopage) de la CFA. Il est vrai que la sentence dont recours n’examine pas de manière détaillée cette affiliation. Cependant, le tribunal arbitral n’avait pas de raison de clarifier plus avant ces circonstances étant donné que l’Appelant n’a pas contesté dans le cadre de la procédure arbitrale qu’il y avait une déclaration de soumission valable du point de vue formel mais a uniquement – et erronément comme il a été démontré – fait valoir que la référence aux Statuts de la FIFA, telle que contenue dans les règles de la CFA, était insuffisante et qu’il était nécessaire que les Statuts de la CFA prévoient un droit explicite d’introduire un recours contre les décisions du Judicial Committee devant le TAS. Compte tenu du défaut de contestation, le tribunal arbitral n’a pas violé l’art. 178 (1) LDIP lorsqu’il a décidé que l’affiliation remplissait la condition de la forme écrite. Dans la mesure où l’Appelant souhaiterait nier dans ses arguments qu’il a effectué une déclaration écrite, pouvant être démontrée par son texte, de soumission aux Statuts de la CFA, ceci constituerait un nouvel argument soulevé pour la première fois devant le Tribunal fédéral suisse et, partant, irrecevable (art.99 al. 1er LTF)” (nous traduisons)].
56. A la lumière de la décision susmentionnée du Tribunal fédéral suisse et compte tenu du fait qu’il n’est en l’espèce pas contesté entre les Parties que l’Appelant est tenu par les Statuts SAFF, l’arbitre unique est dispensé d’analyser de manière détaillée si et dans quelle mesure l’Appelant est lié par les règles et règlements de l’Intimée et si la convention d’arbitrage y contenue remplit les conditions de forme énoncées à l’article 178 (1) LDIP. Il est en tout état de cause incontesté entre les Parties que l’appel déposé par l’Appelant auprès de l’organe juridictionnel interne de la SAFF (la Commission d’Appel) l’a été par écrit et que la décision rendue par cet organe à la demande de l’Appelant – et qui constitue d’ailleurs l’objet de la présente procédure – l’a également été par écrit. Il n’y a donc rien dans le dossier qui puisse mettre en doute le fait que l’accord entre les Parties d’appliquer le mécanisme de résolution des litiges dans les Statuts SAFF— en ce compris l’article 55(3) – remplisse les conditions formelles énoncées à l’article 178 (1) LDIP.
4. Le champ d’application objectif de l’article 55 (3) Statuts SAFF
57. La question de savoir si l’article 55 (3) Statuts SAFF est applicable à la décision dont l’Appelant a fait appel, est contestée entre les Parties à la présente procédure.
a) La position des Parties
58. Selon l’Intimée, la décision est définitive et insusceptible d’appel. L’Intimée déduit le caractère contraignant et définitif de la décision attaquée des articles 50, 52 et 56 du Statuts SAFF. L’article 50 (4) Statuts SAFF prévoit expressément – selon l’Intimée –que les décisions de la Commission de Discipline de la SAFF sont susceptibles d’appel devant la Commission d’Appel. L’article 52 Statuts SAFF en revanche reste – selon l’Intimée – silencieux quant aux appels des décisions rendues par la Commission d’Appel. Si l’article 56 Statuts SAFF prévoit expressément le droit de faire appel devant le TAS, il s’agit – selon l’Appelant – uniquement d’une possibilité ouverte contre les décisions contraignantes et définitives de la FIFA en vertu des articles concernés insérés dans les statuts de la FIFA. Selon l’Intimée, aucune des dispositions légales ou réglementaires de la SAFF ne prévoient de droit d’appel devant le TAS contre des décisions du Comité d’appel.
59. L’Appelant accepte que la décision attaquée soit une décision définitive prise par la Commission d’Appel de la SAFF. Toutefois, selon l’Appelant, cela n’empêche pas que cette décision soit attaquable par voie de recours devant le TAS. Selon l’Appelant, l’article 52 Statuts SAFF ne cite pas le caractère contraignant et insusceptible d’appel de la décision de la Commission d’Appel de la SAFF. Selon l’Appelant, cette démarche serait logique puisque le recours au TAS se fait généralement contre les décisions définitives. Ceci résulte – selon l’Appelant – de plusieurs articles, notamment des articles 55 et 58 Statuts FIFA.
b) La position de l’arbitre unique
60. L’arbitre unique relève tout d’abord que le libellé de l’article 55 (3) Statuts SAFF n’exclut d’emblée aucun type de décision de son champ d’application. Au contraire, la disposition précise qu’elle s’applique, en principe, à “All disputes” (“tous les litiges”). Par conséquent, sur la base d’une lecture littérale de l’article 55 (3) Statuts SAFF, un recours contre la décision de la Commission d’Appel n’est pas exclu du champ d’application de la disposition.
61. En outre, l’arbitre unique précise qu’il n’y a pas d’autre raison pour exclure des “décisions définitives” du champ d’application de l’article 55 (3) Statuts SAFF. Cet article prévoit en effet que l’arbitrage est valable uniquement “provided that all means of cordial internal reconciliation have been exhausted” (“à condition que tous les moyens internes de règlement à l’amiable des différends aient été épuisés”). Une telle disposition est généralement contenue dans les mécanismes de résolution des litiges dans le secteur du sport organisé. L’article 55 (3) Statuts SAFF pose comme condition pour qu’un litige soit résolu par l’arbitre que la décision en cause soit finale, c’est-à-dire que la décision soit l’expression, finale et obligatoire, de la volonté de l’organisation sportive et que celle-ci ne puisse faire l’objet d’un appel devant un autre organe de ladite organisation sportive. Il n’est pas contesté en l’espèce que la décision de la Commission d’Appel ne puisse pas faire l’objet d’un recours devant un autre organe de la SAFF et que, partant, cette condition soit remplie en l’espèce. Contrairement à ce que prétend l’Intimée, le simple fait qu’une décision ne soit plus susceptible de recours interne ne signifie aucunement qu’elle ne peut pas être sujette à un contrôle externe, que celui-ci soit judiciaire ou arbitral. Les Statuts SAFF ne comprennent aucune disposition en vertu de laquelle les Parties auraient expressément exclu toute possibilité de révision externe des décisions finales rendues par les organes de la SAFF. Il n’y a pas non plus de disposition de laquelle une telle exclusion pourrait être déduite implicitement. Le fait que l’article 52 Statuts SAFF est silencieux sur la question de savoir devant quelle instance il peut être recouru contre les décisions de la Commission d’Appel, tend uniquement à indiquer qu’il n’y a pas d’autre recours interne possible, mais en aucun cas que tout contrôle externe, judiciaire ou arbitral, soit exclu.
62. Ceci est d’autant plus vrai qu’un mécanisme de résolution des litiges interdisant toute possibilité de contrôle externe serait en manifeste contradiction avec les statuts de la Confédération de football asiatique (ci-après l’“AFC”). En application de ces Statuts, les fédérations membres (en ce compris la SAFF) doivent:
“insert a clause in their statutes or regulations stipulating that it is prohibited to take disputes within the Member Association or disputes affecting Leagues, Clubs, members of Clubs, Players, Officials and other Member Association Officials to ordinary courts of law, unless FIFA regulations, AFC regulations or binding legal provisions specifically provide for or stipulate recourse to ordinary courts of law. Such disputes in the last instance shall be referred to an independent and duly constituted arbitration tribunal recognised under the rules of the Member Association or to the CAS”.
[“…introduire une disposition dans leur Statuts ou Règlements interdisant de porter des litiges au sein des Associations membres ou des litiges impliquant des Ligues, Clubs, membres de Club, Joueurs, Représentants et autres représentants d’associations membres devant des juridictions ordinaires de l’ordre judiciaire, sauf si les règlements FIFA, les règlements AFC ou les dispositions juridiques contraignantes le prévoient de manière spécifique. De tels litiges seront renvoyés devant un tribunal arbitral, indépendant et dûment constitué, tel que reconnu par les règles de l’association membre ou devant le TAS” (nous traduisons)].
63. Une disposition similaire figure dans les Statuts FIFA. L’article 59 (3) des Statuts FIFA prévoit l’obligation pour les associations membres, dont la SAFF:
“… d’intégrer dans leurs statuts ou leur règlementation une disposition qui, en cas de litiges au sein de l’association ou en cas de litiges concernant les ligues, les membres des ligues, les clubs, les membres des clubs, les joueurs, les officiels et autres membres de l’association, interdit le recours à des tribunaux ordinaires dans la mesure où la règlementation de la FIFA ainsi que des dispositions juridiques contraignantes ne prévoient pas ni ne stipulent expressément la saisine de tribunaux ordinaires. Une juridiction arbitrale doit ainsi être prévue en lieu et place des tribunaux ordinaires. Les litiges susmentionnés devront être adressés soit au TAS, soit à un tribunal arbitral ordinaire et indépendant reconnu par la règlementation d’une association ou d’une confédération”.
64. Par conséquent, tant les Statuts AFC que ceux de la FIFA contraignent leurs membres à prévoir une possibilité de révision externe des décisions rendues à l’interne, par le biais de l’arbitrage. Ce qui précède ne laisse aucune place pour interpréter l’article 55 (3) Statuts SAFF dans un sens qui différerait de sa formulation claire et sans ambigüité et, ce faisant, pour accepter un mécanisme de résolution des litiges qui se trouverait en contradiction avec les obligations de membre de la SAFF.
65. Enfin, l’arbitre unique relève que le mécanisme de résolution des litiges de la SAFF est similaire à celui de la FIFA. Cette dernière prévoit l’intervention en première instance d’une Commission de Discipline (article 53 Statuts FIFA) et d’une Commission de Recours (article 55 Statuts FIFA) en deuxième instance. Les décisions rendues par la Commission de Recours “sont définitives et contraignantes pour toutes les parties intéressées”. Indépendamment de leur “finalité” du point de vue interne, ces décisions peuvent – bien entendu – faire l’objet d’un appel devant le TAS. Le cas des décisions rendues dans le cadre des Statuts SAFF n’est pas différent.
66. En conclusion, l’arbitre unique décide que la décision en cause de la Commission d’Appel entre dans le champ d’application de l’article 55 (3) Statuts SAFF. Elle n’est par conséquent pas exclue de tout contrôle externe.
5. La nécessité d’une “convention d’arbitrage spécifique”
67. La question de savoir si l’article 55 (3) Statuts SAFF exige la conclusion d’une “convention d’arbitrage spécifique” supplémentaire est contestée entre les Parties.
a) La position des Parties
68. L’Appelant fonde la compétence du TAS sur la traduction en anglais de l’article 55 (3) Statuts SAFF telle que publiée sur le site internet de la SAFF. Suivant cette traduction, la disposition est rédigée comme suit:
“All disputes involving SAFF, members, officials, players and their agents, match agents, intermediaries, other organs and persons are subject to the provisions of SAFF Statutes. Dispute flies shall be submitted to the CAS - until a National Sport Arbitration Board/Center has been established - provided that all means of cordial internal reconciliation have been exhausted, unless there is a special arbitration agreement between the concerned parties” (nous soulignons).
69. L’Intimée, en revanche, se fonde sur la version en langue arabe de l’article 55 (3) Statuts SAFF, dont la traduction en français se lit comme suit:
“Tous les litiges qui impliquent des membres de la SAFF, des représentants officiels, des joueurs et leurs agents sportifs, des agents de matches, des intermédiaires, d’autres organes et personnes sont soumis aux dispositions des statuts de la SAFF. Les litiges seront soumis au TAS – jusqu’à ce qu’un Centre d’arbitrage national du sport soit établi – à condition que tous les moyens internes de règlement à l’amiable des différends aient été épuises et qu’une convention d’arbitrage spécifique soit conclue entre les parties concernées” (nous soulignons).
70. Cette traduction, proposée par l’Intimée, correspond aussi à la traduction en anglais du même article telle que fournie au TAS par la FIFA à sa demande dans son courrier du 15 décembre 2016, qui se lit comme suit:
“All disputes involving members, officials, players and their agents, match agents, intermediaries, other bodies and persons are subject to the provisions of SAFF Statutes. Dispute files shall be submitted to the CAS – until a Saudi Center for Sports Arbitration is established, provided that all means of cordial internal reconciliation have been made and that there is a special arbitration agreement between the concerned parties” (nous soulignons).
71. La différence entre les deux versions réside essentiellement dans la seconde phrase de l’article 55 (3) Statuts SAFF. Tandis que selon l’Appelant, la conclusion d’une “convention d’arbitrage spécifique” est requise uniquement si les Parties souhaitent se passer du mécanisme interne de résolution des litiges, une telle “convention d’arbitrage spécifique” est au contraire – d’après l’Intimée – une condition préalable qui doit être remplie en toutes circonstances.
b) La position de l’arbitre unique
72. L’arbitre unique relève tout d’abord qu’en vertu de l’article 8 Statuts SAFF, la version arabe prévaut. La traduction française telle que fournie par l’Intimée de la version arabe de l’article 55 (3) Statuts SAFF n’a pas été contestée par l’Appelant. L’interprétation de l’article 55 (3) Statuts SAFF doit donc se baser sur la traduction française fournie par l’Intimée.
73. La loi applicable à l’interprétation d’une convention d’arbitrage est déterminée par l’article 178 (2) LDIP (MAVROMATI/REEB, The Code of the Court of Arbitration for Sport: Commentary, Cases and Materials (2015), p. 31-32, nos. 38-40; ATF 4P.253/2003, 25.03.2004). En vertu de cette disposition, l’arbitre unique applique – d’abord et avant tout – les principes de droit suisse régissant l’interprétation d’une convention d’arbitrage. Conformément à la jurisprudence constante du Tribunal fédéral suisse, les règles matérielles régissant l’interprétation d’un acte juridique sont applicables par analogie à une convention d’arbitrage même si cette dernière est de nature procédurale. Les statuts et règlements d’une fédération sont, en principe, interprétés conformément aux principes applicables à l’interprétation d’un texte de loi plutôt que des contrats (voir: BSK-ZGB/HEINI/SCHERRER, Art. 60 SCC no. 22; BK-ZGB/RIEMER, Systematischer Teil no. 331; ATF 114 II 193, E. 5a). La jurisprudence du TAS va dans le même sens. Dans l’affaire CAS 2010/A/2071, le Panel a décidé comme suit:
“The interpretation of the statutes and rules of a sport association has to be rather objective and always to start with the wording of the rule, which falls to be interpreted. The adjudicating body - in this instance the Panel - will have to consider the meaning of the rule, looking at the language used, and the appropriate grammar and syntax. In its search, the adjudicating body will have further to identify the intentions (objectively construed) of the association which drafted the rule, and such body may also take account of any relevant historical background which illuminates its derivation, as well as the entirely regulatory context in which the particular rule is located (…)” (para. 46).
[“L’interprétation des statuts et des règles d’une association sportive se fait plutôt de manière objective et commence avec le libellé de la disposition à interpréter. L’instance judiciaire – dans le présent cas, la Formation – doit déterminer le sens de la règle, ayant égard à son langage ainsi qu’à sa construction grammaticale et sa syntaxe. Dans cet examen, la Formation devra aussi identifier les intentions (interprétées de manière objective) de l’association qui a rédigé la règle; et la Formation peut aussi prendre en considération tout contexte historique pertinent qui illumine sa déduction ainsi le contexte régulatoire tout entier dans lequel la règle s’inscrit (…)” (para. 46) (nous traduisons)].
74. Ayant égard à l’origine historique de la disposition, en particulier, l’arbitre unique relève que la disposition qui a précédé l’actuel libellé de l’article 55 (3) Statuts SAFF n’exigeait pas de manière générale la conclusion d’une “convention d’arbitrage spécifique” supplémentaire. L’ancien article 62 Statuts SAFF (intitulé “Arbitrage”) se lisait comme suit:
“(1) Il est impératif pour la fédération arabe saoudienne de football, ses membres, les joueurs, les officiels, les agents de joueurs, les agents de matchs de ne pas soumettre tout litige aux tribunaux ordinaires sauf si cela est stipulé précisément dans les présents statuts ou les règlements de la FIFA.
(2) Tout litiges entre les membres, officiels, joueurs ou autres structures ou personnes soumises aux statuts de la fédération ou tout litiges entre la fédération et ses membres, officiels, joueurs et autres structures ou personnes soumises aux statuts de la fédération seront soumis au comité sportif d’arbitrage en Arabie saoudite sauf ce qui est inclus aux conventions d’arbitrage manuscrites spéciales …”.
75. L’idée sous-jacente de cet article 62 Statuts SAFF (ancienne version) était qu’en principe, tous les litiges sont automatiquement couverts par la convention d’arbitrage reprise dans cette disposition et qu’une “convention d’arbitrage spécifique” supplémentaire n’était pas requise pour porter un litige à l’arbitrage. L’Intimée n’a pas soutenu que l’intention de l’amendement porté à cet article et de l’adoption du “nouvel” article 55 (3) Statuts SAFF était de modifier le système juridique existant à cet égard. Ainsi, une interprétation historique de l’article 55 (3) Statuts SAFF plaide en faveur de l’interprétation avancée par l’Appelant
76. En outre, l’objectif de l’article 55 (3) Statuts SAFF plaide en faveur de l’interprétation avancée par l’Appelant. Si – comme le soutient l’Intimée – une “convention d’arbitrage spécifique” était requise (en plus du fait d’être lié par les Statuts SAFF), les juridictions ordinaires seraient compétentes pour décider de l’appel déposé contre les décisions des organes internes de la SAFF si une des Parties refusait de conclure une telle “convention d’arbitrage spécifique”. Un tel résultat irait à l’encontre de l’article 55 (6) Statuts SAFF qui prévoit:
“La SAFF, ses membres, les joueurs, les représentants officiels, les agents de matches et les intermédiaires sont liés par l’obligation de ne pas porter un litige sportif devant les juridictions ordinaires sauf si les statuts ou les règlementations de la FIFA en disposent autrement”.
77. Conformément à cette disposition, il convient d’éviter à tout prix que le recours contre les décisions de la SAFF soit porté devant les juridictions étatiques. Si, au contraire, une “convention d’arbitrage spécifique” était requise en toutes circonstances – comme soutenu par l’Intimée – le recours aux juridictions étatiques deviendrait la règle et non l’exception. Ainsi, même le cadre régulatoire dans lequel l’article 55 (3) Statuts SAFF intervient plaide en faveur de l’interprétation proposée par l’Appelant. Enfin, l’Intimée a manqué d’exposer l’objectif que poursuivrait l’exigence d’une “convention d’arbitrage spécifique”, c’est-à-dire en interdisant que l’arbitrage puisse se baser sur une convention d’arbitrage par référence. Cette position n’est pas contredite par le fait que l’Appelant ait offert à l’Intimée, dans sa déclaration d’appel, de conclure une “convention d’arbitrage spécifique”. Il a en effet fourni une explication très plausible de son comportement. Il a indiqué que compte tenu de la description ambigüe des voies de recours internes dans les Statuts SAFF ainsi que l’urgence qui ne permettait pas (vu les délais très courts) de déterminer avec certitude si des voies de recours internes étaient encore ouvertes, l’Appelant a choisi d’adresser à toutes fins une demande de conclure une convention d’arbitrage spécifique pour soumettre le litige à l’arbitrage devant le TAS.
6. Le Centre d’arbitrage national du sport
78. Conformément à l’article 55 (3) Statuts SAFF, l’accès au TAS n’existe que par défaut, c’est-à-dire aussi longtemps qu’un Centre d’arbitrage national du sport n’a pas été mis en place. La question de savoir si oui ou non un tel Centre d’arbitrage national du sport est opérationnel aujourd’hui, est contestée entre les Parties. Cependant, les Parties ne contestent pas qu’au jour où la déclaration d’appel a été déposée au TAS – le 11 août 2016 (ou le rectificatif de la déclaration d’appel le 16 août 2016) – un tel Centre d’arbitrage national du sport n’était pas encore opérationnel. Par conséquent, l’Appelant était bien fondé, au moment où la déclaration d’appel a été faite, à saisir le TAS de son recours. La question est donc de savoir si la compétence du TAS devrait être évaluée de manière différente pour le cas où le Centre d’arbitrage national du sport était devenu opérationnel au cours de la présente procédure d’arbitrage. Aux yeux de l’arbitre unique, une telle question doit être répondue par la négative. Ce faisant, l’arbitre unique prend inspiration de l’article 64 du Code de procédure civile suisse. Cette disposition prévoit – dans sa partie pertinente – comme suit:
“La litispendance déploie en particulier les effets suivants:
a. la même cause, opposant les mêmes parties, ne peut être portée en justice devant une autre autorité;
b. la compétence à raison du lieu est perpétuée”.
79. L’arbitre unique décide que ce principe s’applique par analogie aux faits de la présente affaire avec pour conséquence que la compétence du TAS est maintenue, même si le Centre national d’arbitrage du sport était devenu opérationnel après le dépôt de la déclaration d’appel.
7. Absence de conciliation
80. L’arbitre unique relève enfin qu’au vu de la soumission du litige entre les Parties devant deux instances internes au sein de la SAFF, de l’absence de tout élément attestant de moyens de résiliation amiable ou moyens internes de résolution du litige qui aurait été à la disposition de l’Appelant, des conséquences de la décision attaquée pour l’Appelant (“privation de participer dans toute activité relative au football toute la vie sans être concerné par n’importe quelle amnistie sportive”), du chiffre 4 du dispositif de la décision appelée aux termes duquel cette décision serait “définitive susceptible d’exécution et n’admettant aucune sollicitation ou opposition” et du contenu des écritures échangées entre les Parties dans cette procédure, il n’y avait aucune possibilité de conciliation en l’espèce et que l’arbitre unique est dès lors compétent pour décider du présent litige.
8. Conclusion sur la compétence
81. Eu égard à ce qui précède, le TAS a compétence pour décider du présent litige.
VI. RECEVABILITE
82. L’article R49 du Code prévoit que:
“En l’absence de délai d’appel fixé par les statuts ou règlements de la fédération, de l’association ou de l’organisme sportif concerné ou par une convention préalablement conclue, le délai d’appel est de vingt-et-un (21) jours dès la réception de la décision faisant l’objet de l’appel. […]”.
83. Le 3 août 2016, la Commission d’Appel de la SAFF a rendu une décision confirmant celle de la Commission de Discipline. Le 11 août 2016, l’Appelant a déposé une déclaration d’appel auprès du TAS et le 16 août 2016 un rectificatif de sa déclaration d’appel. Il résulte de ces faits que le délai d’appel prévu à l’article R49 du Code a bien été respecté et que l’appel est recevable.
VII. AUTRES QUESTIONS PROCEDURALES
84. L’Intimée a manqué de déposer son mémoire de réponse dans le délai prescrit. Conformément à l’article R55, al. 2 du Code, si la partie intimée ne dépose pas sa réponse dans le délai imparti, la Formation peut néanmoins poursuivre la procédure d’arbitrage et rendre une sentence. En outre, l’article R56, al. 1 du Code prévoit que sauf accord contraire des parties ou décision contraire du/de la Président(e) de la Formation commandée par des circonstances exceptionnelles, les parties ne sont pas admises à compléter ou modifier leurs conclusions ou leur argumentation, ni à produire de nouvelles pièces, ni à formuler de nouvelles offres de preuves après la soumission de la motivation d’appel et de la réponse. La demande de l’Intimée de déposer un mémoire postérieur à l’audience a été rejetée sur cette base, aucune des raisons invoquées par l’Intimée (raisons linguistiques, bureaucratiques et incompétence manifeste du TAS) n’étant des circonstances exceptionnelles à même de justifier sa demande. Toutefois, l’arbitre unique a jugé utile d’appeler les Parties à répondre, après l’audience, à certaines questions spécifiques liées à la compétence du TAS.
85. En effet, par courrier du 23 décembre 2016, le TAS a invité les Parties à soumettre un mémoire écrit postérieur à l’audience limité aux questions définies par lui et souligné qu’aucune observation allant au-delà des trois points susmentionnés ne serait prise en considération. Les Parties ont répondu aux questions de l’arbitre unique par courrier du 10 et 23 janvier 2016 respectivement. Dans son mémoire postérieur à l’audience, l’Appelant s’est opposé à une partie des observations déposées par l’Intimée parce que celles-ci outrepassaient la délimitation des questions posées par l’arbitre unique. L’arbitre unique est du même avis. Par conséquent, les observations allant au-delà des réponses aux questions posées sont rejetées en application de l’article R56 al. 1 du Code.
VIII. DROIT APPLICABLE
86. L’article 187 al. 1ede la LDIP prévoit: “le tribunal arbitral statue selon les règles de droit choisies par les parties ou, à défaut de choix, selon les règles de droit avec lesquelles la cause présente les liens les plus étroits”.
87. Conformément à l’article R58 du Code: “la Formation statue selon les règlements applicables et, subsidiairement, selon les règles de droit choisies par les parties, ou à défaut de choix, selon le droit du pays dans lequel la fédération, association ou autre organisme sportif ayant rendu la décision attaquée a son domicile ou selon les règles de droit que la Formation estime appropriées. Dans ce dernier cas, la décision de la Formation doit être motivée”.
88. Eu égard à ce qui précède, l’arbitre unique appliquera d’abord et avant tout les règles et règlements de la SAFF. C’est uniquement à titre subsidiaire qu’il se référera au droit d’Arabie Saoudite, pays où la SAFF a son domicile.
IX. AU FOND
89. La demande de l’Appelant de casser la décision de la Commission d’Appel est justifiée si elle souffre d’irrégularités. La question de savoir si de telles irrégularités existent ou non en l’espèce doit être examinée à la lumière des faits présentés à l’arbitre unique. Dans ce contexte, il est important de relever que l’Intimée n’a pas déposé de réponse. Par conséquent, l’arbitre unique ne peut baser sa décision, en principe, que sur les faits tels que présentés par l’Appelant et qui n’ont pas été contestés. L’arbitre unique n’a pas l’obligation d’enquêter sur les faits ex officio. En vertu d’une jurisprudence constante, la procédure d’arbitrage devant le TAS est conduite de manière contradictoire. Partant, si une partie choisit de ne pas participer (ou de participer partiellement) à la procédure, il ne revient pas à l’arbitre unique de compenser le défaut de coopération et de diligence de la partie concernée.
90. L’Appelant a soutenu que les aveux signés par lui avaient été obtenus sous la menace, et constituaient donc des aveux forcés. L’Appelant a ainsi exposé qu’il avait été convoqué auprès du Ministère saoudien des Sports, en pleine nuit, sans savoir le sujet de cette audition. Une fois sur place, il aurait été interrogé par plusieurs personnes qui se sont présentées comme relevant de ce Ministère, sur les faits de suspicion de trucage du match du 23 avril 2016 entre le club Al Mujazzal, qu’il entraînait, et le club Al Jeel. D’après les dires de l’Appelant, on l’a menacé, d’une part, de transmettre le dossier pour une procédure devant les juridictions civiles, et d’autre part, de lui interdire de quitter le pays le lendemain afin de rejoindre ses proches en Tunisie pour les fêtes de l’Aïd, s’il ne reconnaissait pas son implication dans le trucage du match en cause. Sous la pression, l’Appelant aurait signé des aveux pré-écrits par les soins du Ministère saoudien des Sports.
91. En outre, l’Appelant prétend qu’il a été dépourvu de présenter sa défense devant les organes juridictionnels internes de la SAFF. En effet, l’Appelant a exposé qu’il était en stage à l’étranger avec son nouveau club quand la Commission de Discipline de la SAFF l’a convoqué dans le cadre de la présente affaire, et qu’en l’absence de visa – sachant que l’invitation à retirer ledit visa aurait dû être envoyée à l’ambassade saoudienne à l’étranger par les soins de la SAFF – il était dans l’impossibilité de se rendre à l’audience en personne; l’Appelant expose aussi qu’il a expliqué dans plusieurs courriers à la Commission de Discipline son impossibilité de se rendre en personne à l’audience ainsi que sa version des faits à la cause; l’Appelant précise qu’il a, dans ses courriers à la Commission de Discipline, également sollicité de reporter l’audience de quelques jours afin de lui permettre de se rendre en personne à l’audience à l’issue de son séjour professionnel à l’étranger ainsi que, à titre subsidiaire, d’être entendu par vidéo conférence, mais que ces deux demandes ont été refusées sans motifs. L’Appelant a également relevé que, suite à son appel devant la Commission d’Appel de la SAFF le 28 juillet 2016, la Commission d’Appel a rendu sa décision le 3 août 2016 en moins d’une semaine sans avoir entendu de témoin ou examiné à nouveau les éléments servant de preuves présents dans le dossier.
92. De plus, l’Appelant affirme qu’il n’avait pas de motifs pour le trucage du match. En effet, il a indiqué à l’audience du TAS que, comme il l’avait mentionné à M. Noureddine Youssef Cherif lors du refus de son offre de participer au trucage du match, l’entraîneur avait déjà “assuré la saison” et n’avait donc aucun intérêt à participer dans un trucage de match.
93. L’arbitre unique a eu l’opportunité d’écouter le témoignage de M. Noureddine Youssef Cherif. Ses déclarations étaient un des fondements de la condamnation de l’Appelant. D’après les dires de ce témoin à l’audience du 21 décembre 2016, celui-ci aurait également fait l’objet d’un interrogatoire au Ministère saoudien des Sports, et même s’il y a d’abord nié que l’Appelant était impliqué dans le trucage du match, il aurait déclaré, sous la pression, que l’Appelant avait joué un rôle dans le trucage de match. La décision de la Commission de Discipline, telle que confirmée par la Commission d’Appel, fait état des déclarations de M. Noureddine Youssef Cherif comme l’un des éléments de preuve de la culpabilité de l’Appelant, à côté des propres aveux de ce dernier et de sa non-participation à la procédure. Le 10 août 2016, dans de nouveaux aveux écrits, joints à la présente procédure, le témoin a retiré toutes ses accusations. Il expose en effet dans cet aveu qu’il a:
“… appelé le joueur du club Al Jil, Hassan Ghawass, en lui disant qu’il devrait être nonchalant dans le match de son équipe Al Jil contre l’équipe d’Al Mjazel. Le joueur a répondu qu’il peut garantir la complicité de trois autres joueurs s’ils trouvent une contrepartie financière importante.
[Il a] alors appelé l’entraîneur du club Al Mjazel M. Mohamed Ali Maalej sur Messenger qui n’a pas répondu et [l]’a rappelé ensuite. [Il lui] a raconté le sujet et l’offre du joueur Hassan Ghawass, il a refusé catégoriquement d’en discuter, me disant qu’il est plutôt préférable au club d’Al Mjazel de payer ses joueurs et son staff que de gaspiller son argent dans la corruption. (…)
Par la suite, j’ai essayé d’appeler de nouveau l’entraîneur du club d’Al Mjazel M. Mohamed Ali Maalej plusieurs fois, mais il n’a pas décroché.
Je confirme que toute version, autre que celle-ci, n’est pas véridique et ne reflète pas la réalité des faits, puisque ma version initiale m’a été soutirée sous la pression et les menaces des membres de l’Administration Générale du Sport Saoudien, dont j’étais victime”.
94. Lors de son témoignage par vidéo conférence lors de l’audience du 21 décembre 2016, M. Noureddine Youssef Cherif a confirmé ses aveux écrits du 10 août 2016.
95. L’arbitre unique décide que le témoignage de l’Appelant ainsi que celui de M. Noureddine Youssef Cherif apparaissent crédibles. En outre, mis à part le fait qu’ils sont tous deux de la même nationalité, ils ne semblent pas avoir d’autres liens. Enfin, l’arbitre unique n’a pas eu l’impression que l’Appelant et le témoin se soient préalablement consultés ou aient arrangé leur témoignage.
96. Compte tenu du fait que la présente procédure est une procédure de novo et que les décisions de la Commission de Discipline et de la Commission d’Appel étaient essentiellement fondées sur l’aveu de l’Appelant et le témoignage de M. Noureddine Youssef Cherif, l’arbitre unique n’est pas convaincu, selon le seuil de preuve requis, qu’il y ait des éléments de preuve suffisants pour considérer que l’Appelant a manipulé le match du 23 (ou 24) avril 2016 entre le club Al Jil et le club Al Mujazzal. Par conséquent, l’arbitre unique décide d’annuler la décision de la Commission d’Appel du 3 août 2016.
PAR CES MOTIFS
Le Tribunal arbitral du sport, statuant contradictoirement:
1. Déclare que le TAS est compétent pour connaître du présent appel et que celui-ci est recevable;
2. Annule la décision du 3 août 2016 de la Commission d’Appel de la Fédération de football de l’Arabie Saoudite;
(…).
Share the post "TAS-CAS – Tribunal Arbitral du Sport/Tribunale Arbitrale dello Sport – Court of Arbitration for Sport/Corte Arbitrale dello Sport (2016-2017) – tas-cas.org – atto non ufficiale – Arbitrage TAS 2016/A/4778 Mohamed Ali Maalej c. Fédération d’Arabie Saoudite de Football (SAFF), sentence du 6 avril 2017"