TAS-CAS – Tribunal Arbitral du Sport/Tribunale Arbitrale dello Sport – Court of Arbitration for Sport/Corte Arbitrale dello Sport (2017-2018) – tas-cas.org – atto non ufficiale – Arbitrage TAS 2017/A/5290 Florent Malouda c. Confédération de football d’Amérique du Nord, d’Amérique centrale et des Caraïbes (CONCACAF), sentence du 19 avril 2018
Tribunal Arbitral du Sport Court of Arbitration for Sport
Arbitrage TAS 2017/A/5290 Florent Malouda c. Confédération de football d’Amérique du Nord, d’Amérique centrale et des Caraïbes (CONCACAF), sentence du 19 avril 2018
Formation: Prof. Petros Mavroidis (Grèce), Président; M. Bernard Foucher (France); Me Michele Bernasconi (Suisse)
Football
Sanctions imposées à un joueur inéligible pour avoir participé à un match
Prérogative du Comité de Discipline d’ouvrir une enquête ex officio
Exigences plus élevées envers une partie représentée par un avocat en termes de protection de la bonne foi
Inéligibilité d’un joueur
Pas d’égalité dans l’illégalité
1. Parmi les prérogatives et obligations du Comité de Discipline de la CONCACAF, il y a celle d’ouvrir spontanément (ex officio) une enquête disciplinaire en présence d’une infraction au Règlement de la Gold Cup. Une telle saisine n’est pas conditionnée par le dépôt préalable d’un protêt valable. En effet, le Comité de Discipline est responsable de la mise en application du Règlement de la Gold Cup (article IX.1) et est appelé à sanctionner toute violation dudit Règlement ainsi que des “règles applicables” (article IX.2). Parmi ces dernières figure le Règlement de la FIFA relatif à l’éligibilité des joueurs, auquel renvoie expressément le Règlement de la Gold Cup (article V.2 lit. j).
2. En vertu du principe de la protection de bonne foi, le justiciable qui se fie à une indication erronée de l’autorité, ne doit en principe subir aucun préjudice. Une partie ne peut toutefois se prévaloir de cette protection si elle s’est aperçue de l’erreur, ou aurait dû s’en apercevoir en prêtant l’attention commandée par les circonstances. Ne mérite pas de protection la partie qui eût pu déceler l’erreur affectant l’indication de la voie de droit par la seule lecture du texte légal. Les exigences envers les parties représentées par un avocat sont naturellement plus élevées: on attend dans tous les cas des avocats qu’ils procèdent à un contrôle sommaire des indications relatives à la voie de droit. En revanche, il n’est pas attendu d’eux qu’outre les textes de loi, ils consultent encore la jurisprudence ou la doctrine y relatives.
3. Le renvoi de l’article V.2 du Règlement de la Gold Cup à l’article 5.2 du Règlement d’application des Statuts de la FIFA ne peut être raisonnablement compris que dans le sens qu’un joueur ayant déjà pris part, pour une association, à un match international (en tout ou partie) d’une compétition officielle de quelque catégorie que ce soit ou de toute discipline de football que ce soit, ne peut pas être aligné à la Gold Cup par une autre association. Un joueur ayant été sélectionné à de nombreuses reprises en équipe de France ne peut donc pas être aligné lors de cette compétition pour le compte de la Ligue de Football de la Guyane Française, membre titulaire de la CONCACAF.
4. Un joueur ne peut pas se prétendre victime d’une inégalité de traitement devant la réglementation applicable lorsque celle-ci est correctement appliquée à son cas. Il ne peut revendiquer une égalité dans l’illégalité que s’il y a lieu de prévoir que le législateur persévérera dans l’inobservation de sa réglementation, c’est-à-dire ne respectera pas sa réglementation selon une pratique constante, et non pas dans un ou quelques cas isolés.
I. LES PARTIES
1. M. Florent Malouda est un joueur de football professionnel de nationalité française, né le 13 juin 1980 en Guyane française.
2. La Confédération de football d’Amérique du Nord, d’Amérique centrale et des Caraïbes (la “Confederation of North, Central American and Caribbean Association Football”, CONCACAF) est un organisme, dont le siège statutaire est à Nassau, Bahamas, mais dont le quartier général est en Floride, aux Etats-Unis d’Amérique. Elle constitue l’une des six confédérations continentales reconnues par la Fédération Internationale de Football Association (FIFA). La CONCACAF a pour but de traiter toutes les questions qui concernent le football en Amérique du Nord, Amérique Centrale et dans les Caraïbes. Elle organise des compétitions et tournois internationaux de football, dont la Gold Cup.
II. LES FAITS
3. Cette section comprend un résumé des faits pertinents à l’origine du litige, établi sur la base des pièces de procédure écrite déposées par les Parties ainsi que de leurs plaidoiries. D’autres faits et allégations peuvent également y être mentionnés dans la mesure de leur pertinence en vue de la discussion sur le fond dans la présente sentence arbitrale. Si la Formation arbitrale a pris en compte l’ensemble des faits de la cause, assertions, arguments de droit et éléments de preuve avancés par les Parties durant la procédure, elle se réfère dans la présente sentence arbitrale aux seuls éléments de fait et de droit qui lui sont nécessaires pour l’exposé de son raisonnement.
II.1 La Gold Cup, Edition 2017
4. La Gold Cup est une compétition officielle organisée par la CONCACAF.
5. La phase finale de l’édition 2017 de la Gold Cup a eu lieu du 7 au 26 juillet 2017 aux Etats-Unis d’Amérique.
6. Selon le règlement applicable à la Gold Cup, Edition 2017 (“Règlement Gold Cup”), les caractéristiques principales de cette compétition sont les suivantes:
- Il s’agit d’une compétition disputée en deux phases, la Compétition Préliminaire et la Compétition Finale (article I.4).
- L’organisation des Compétitions Préliminaires est assignée aux Unions, conformément aux Statuts de la CONCACAF (article II.1).
- La Gold Cup est ouverte à l’ensemble des associations membres affiliées à la CONCACAF (article I.3). Sont membres de la CONCACAF les fédérations nationales du continent nord-américain, de l’Amérique centrale, des Caraïbes (article 9.1 des Statuts de la CONCACAF) ainsi que du Suriname, du Guyana et de la Guyane française, en dépit du fait que ces trois dernières instances (en anglais, dans les Statuts de CONCACAF, appelées “Unions”) sont géographiquement situées en Amérique du Sud.
- Les associations membres doivent participer à la Gold Cup avec leur équipe nationale “A” (article I.3).
- Cette compétition sert de tournoi de qualification à la Coupe des Confédérations organisée par la FIFA (article I.5). Toutefois, si le vainqueur de la Gold Cup 2017 n’est pas membre de la FIFA, l’équipe en deuxième place sera qualifiée. De même, si le vainqueur et l’équipe en deuxième place ne sont pas membres de la FIFA, l’équipe en troisième ou quatrième place sera qualifiée si nécessaire (article I.5).
- “Le présent Règlement (…) régit les droits, les devoirs et les responsabilités de tous ceux prenant part à la Compétition. Le Règlement, les Statuts de la CONCACAF et l’ensemble des autres règles, règlements, circulaires, directives et décisions de la CONCACAF en vigueur s’appliqueront à et seront contraignantes pour l’ensemble des Associations Membres participantes, leurs équipes nationales respectives, et l’ensemble des personnes impliquées dans la préparation, l’organisation et l’accueil de la Compétition” (article I.7).
- En vertu de l’article V.2 du Règlement Gold Cup, “Les Associations Membres et leurs joueurs et officiels participant à la Compétition devront:7
Consentir à se conformer à et pleinement respecter:
a. Les Lois du Jeu et les principes du Fair-Play;
b. Les Statuts de la CONCACAF et l’ensemble des règlements, règles, codes, protocoles, circulaires, directives et décisions de la CONCACAF (y compris le présent Règlement);
c. L’ensemble des décisions et des directives du Conseil de la CONCACAF;
d. Le Code Disciplinaire de la FIFA, et, dès son entrée en vigueur, le Code Disciplinaire de la CONCACAF; (…)
j. Le Règlement de la FIFA relatif à l’éligibilité des joueurs”.
- “Les Associations Membres participantes sélectionneront leur équipe nationale représentative parmi les meilleurs joueurs qui sont des nationaux de leur pays et sont soumis à sa juridiction, et qui sont sélectionnables conformément aux dispositions des Règlements de la FIFA” (article XV. a).
II.2 La titularisation de M. Florent Malouda à la Gold Cup, Edition 2017
7. Il n’est pas contesté qu’entre 2004 et 2012 M. Florent Malouda a été sélectionné à de nombreuses reprises en équipe de France, avec laquelle il a participé notamment à plusieurs Championnats d’Europe de football (EURO) et de Coupes du Monde.
8. En date du 19 avril 2013, le congrès ordinaire de la CONCACAF a attribué la qualité de Membre Titulaire de la CONCACAF à la Ligue de Football de La Guyane Française (la “LFG”). Cette dernière n’est toutefois pas, en tant que telle, membre de la FIFA. Ce statut de Membre Titulaire (en anglais, “associate member”) est prévu dans les Statuts de CONCACAF (Article 9 des Statuts).
9. La LFG s’est qualifiée pour l’Edition 2017 de la Gold Cup. En cette qualité, en date du 25 février 2017, elle a reçu diverses informations liées à cet événement sportif, dont celle liée à l’obligation de soumettre à la CONCACAF une liste provisoire de 40 joueurs au début du mois de juin 2017.
10. En date du 2 juin 2017, la LFG a envoyé la liste provisoire de ses 40 joueurs, sur laquelle figurait M. Florent Malouda.
11. Par courriel du 6 juin 2017 et en référence au cas de M. Florent Malouda, M. Cristian Cubillas, l’Event Manager de la CONCACAF, a attiré l’attention de M. Berhane Montgénie, Directeur de la LFG, sur l’article 5.2 du Règlement d’application des Statuts de la FIFA, applicable en l’espèce, par renvoi de l’article V.2 du Règlement Gold Cup, et en vertu duquel “Tout joueur qui a déjà pris part, pour une association, à un match international (en tout ou partie) d’une compétition officielle de quelque catégorie que ce soit ou de toute discipline de football que ce soit ne peut plus être aligné en match international par une autre association, sauf en cas d’exceptions comme stipulé ci-après à l’art. 8”. M. Cubillas a recommandé à M. Montgénie de respecter cette disposition et l’a invité à interpeller la FIFA pour vérifier le statut de M. Florent Malouda, tout en soulignant qu’il était de la responsabilité de la LFG de s’assurer qu’elle alignât des joueurs éligibles, sous peine de suspension et d’amendes.
12. En date du 15 juin 2017 et dans le cadre de la réservation des billets d’avion, M. Montgénie a adressé à la CONCACAF une liste de 23 joueurs et officiels, sur laquelle figurait encore M. Florent Malouda.
13. Le lendemain, M. Carlos Fernandez, le Directeur des compétitions auprès de la CONCACAF, a demandé à la LFG si elle avait bien vérifié l’éligibilité de M. Florent Malouda, à défaut de laquelle, son équipe pouvait faire l’objet de sanctions disciplinaires.
14. Le 19 juin 2017, M. Cristian Cubillas a rappelé à M. Berhane Montgénie que la CONCACAF était toujours dans l’attente de la confirmation de la LFG selon laquelle elle avait bien vérifié l’éligibilité de tous ses joueurs. A cette occasion, il a rappelé le principe contenu à l’article 5.2 du Règlement d’application des Statuts de la FIFA.
15. Malgré ce qui précède, la LFG a choisi de maintenir M. Florent Malouda sur la liste des joueurs sélectionnés pour la Gold Cup, édition 2017.
16. Le 29 juin 2017, le secrétaire Général de la CONCACAF, M. Philippe Moggio, a informé son homologue de la LFG, M. Antoine Nelson, a) du fait que la LFG était un membre de la CONCACAF et que, en tant que tel, elle avait les mêmes droits et obligations que toutes les autres fédérations membres, b) que les communications précédentes relatives à la sélection de
M. Florent Malouda étaient destinées à protéger la LFG des conséquences possibles liées à l’alignement d’un joueur non-éligible, c) du contenu et de l’application à la Gold Cup, édition 2017, de l’article 5.2 du Règlement d’application des Statuts de la FIFA et d) des sanctions relatives à la violation de cette disposition.
17. Le 30 juin 2017, M. Antoine Nelson a répondu à M. Philippe Moggio que la LFG n’était pas une “association” au sens de la réglementation de la FIFA, laquelle ne pouvait dès lors pas lui être applicable. En outre, il s’est prévalu du fait que M. Florent Malouda se trouvait dans la même situation que, précédemment, un autre joueur, M. Jocelyn Angloma, lequel, bien que sélectionné en équipe de France, avait pu jouer pour la Guadeloupe, lors de la Gold Cup, édition 2007. Au vu de ce précèdent et selon lui, M. Florent Malouda ne devait pas faire l’objet d’un traitement différent. Enfin, M. Nelson a relevé que M. Malouda avait pu participer sous les couleurs de la LFG dans la phase préliminaire de la Gold Cup, édition 2017, sans que cela n’eût soulevé de réserves.
18. Le 3 Juillet 2017, la CONCACAF a interpelé la FIFA en lui demandant de bien vouloir confirmer qu’en vertu du Règlements d’application des Statuts de la FIFA, tout joueur ayant déjà joué un match dans une compétition internationale officielle “A” pour une association ne pouvait plus représenter une autre association.
19. Le 4 juillet 2017 et sans nommer expressément M. Florent Malouda, la FIFA a répondu à l’interpellation de la CONCACAF en se référant au cas particulier d’un joueur ayant déjà évolué dans l’équipe “A” de la Fédération Française de Football (“FFF”) et souhaitant jouer pour la LFG lors de la prochaine édition de la Gold Cup. Après avoir souligné le fait que la LFG n’était pas l’un de ses membres et ne tombait dès lors pas sous son autorité, la FIFA a mis en évidence les aspects suivants:
- La Gold Cup était un événement organisé par la CONCACAF, qui était dès lors compétente pour décider de l’éligibilité des joueurs pouvant évoluer au sein de l’équipe représentant la LFG.
- L’application conjuguée des articles 8.1 a) et 5.2 du Règlement d’application des Statuts de la FIFA impliquait qu’un joueur ayant déjà joué un match dans une compétition internationale officielle “A” pour une association ne pouvait plus représenter une autre association. Il n’avait pas non plus le droit de requérir un changement d’association.
- Tenant compte du fait que a) le Règlement Gold Cup faisait explicitement référence à la règlementation de la FIFA en matière d’éligibilité des joueurs et b) que ce Règlement Gold Cup liait toutes les associations participantes à la compétition, indépendamment de savoir si ces dernières étaient membres de la FIFA, la FIFA était d’avis qu’un joueur qui avait déjà joué un match dans une compétition internationale officielle “A” pour une association ne pouvait plus représenter une autre association.
20. Le 4 juillet 2017, la CONCACAF a fait suivre le courrier de la FIFA à la LFG.
21. En date du 7 juillet 2017, M. Antoine Nelson a écrit à la FIFA pour se déterminer sur son courrier du 4 juillet 2017. Il a reproché à la CONCACAF de ne pas avoir réglementé la situation spécifique de la LFG et de combler ses propres lacunes réglementaires en se fondant sur les textes de la FIFA, dont la LFG n’était pas membre. M. Nelson a regretté pour le surplus l’absence de positionnement de la FIFA quant au précédent constitué par le cas du joueur Jocelyn Angloma. En outre, M. Nelson s’est prévalu d’une autorisation délivrée par la FFF en date du 19 juin 2017, permettant formellement à M. Florent Malouda d’évoluer au sein de l’équipe représentative de la LFG. Enfin, il a contesté le fait que la LFG pût être qualifiée d’association au sens de la règlementation de la FIFA, laquelle ne pouvait donc pas lui être opposable.
22. Le 11 juillet 2017, M. Antoine Nelson a interpelé M. Philippe Moggio sur les différents points mis en évidence dans son courrier du 7 juillet 2017. En particulier, il a estimé que la FIFA n’avait pas à intervenir dans l’affaire liée à l’éligibilité de M. Florent Malouda, la responsabilité en incombant à la CONCACAF. M. Nelson a réitéré encore une fois les divers points mis en avant jusqu’à ce moment, en particulier le fait que M. Malouda devait pouvoir bénéficier du même traitement que le joueur Jocelyn Angloma.
23. Le 14 juillet 2017, la FIFA a adressé à M. Antoine Nelson un courrier au contenu similaire à sa lettre envoyée le 4 juillet 2017 à la CONCACAF, tout en précisant encore ce qui suit:
“Nonobstant ce qui précède, et sans quelconque préjudice, nous comprenons que le Règlement de la 2017 CONCACAF Gold Cup renvoie expressément à la règlementation de la FIFA en ce qui concerne l’éligibilité des joueurs et que ladite règlementation de la 2017 CONCACAF Gold Cup est valable pour toutes les associations participantes, indépendamment du fait qu’elles soient membres ou non de la FIFA. Par conséquent, il semblerait que la situation concernant la [LFG] concerne plutôt l’article 6 du Règlement d’application des Statuts de la FIFA (ci-après: le Règlement) qui ne s’applique que si un joueur est éligible à représenter plus d’une association en raison de sa nationalité (une seule), c’est-à-dire que le joueur détient une soi-disant «nationalité partagée». Par souci d’exhaustivité, il existe six nationalités de ce type: française, britannique, néerlandaise, chinoise, danoise et américaine (Etats-Unis d’Amérique).
Par conséquent, ii apparait qu’un joueur détenant une soi-disant «nationalité partagée» fondée sur l’article 6 du Règlement et qui aurait, le cas échéant, joué un match international “A” dans le cadre d’une compétition officielle pour une association ne pourrait représenter une autre association participante conformèrent à l’article 8 dudit Règlement”.
II.3 Les procédures devant le Comité de Discipline de la CONCACAF
a) Les décisions du 13 et du 26 juillet 2017
24. Le 7 juillet 2017, l’équipe représentant la LFG a effectué son entrée en lice dans le Gold Cup et disputé son premier match contre l’équipe du Canada. M. Florent Malouda n’a pas participé à cette rencontre.
25. Le 11 juillet 2017, à l’occasion de son deuxième match disputé dans le cadre de la Gold Cup, l’équipe représentant la LFG a été opposée à celle du Honduras. M. Florent Malouda a été titularisé par la LFG et a débuté cette rencontre en qualité de capitaine de l’équipe.
26. Le Comité de Discipline de la CONCACAF (le “Comité de Discipline”) a initié une procédure disciplinaire sur la base des faits reportés dans la feuille de match. Il ressort de ce document qu’avant le début de la rencontre opposant l’équipe représentant la LFG à celle du Honduras, M. Alfonso Mondelo, Coordinateur Général de la CONCACAF, avait rappelé à M. Jair Karam, entraineur de l’équipe de la LFG, que M. Florent Malouda n’était pas éligible à participer à ce match. De même, il est fait état d’un protêt déposé quelques minutes après la fin du match par l’équipe du Honduras, laquelle contestait la titularisation de M. Florent Malouda.
27. Le 12 juillet 2017, la CONCACAF a dûment informé la LFG de l’ouverture d’une procédure disciplinaire et invité cette dernière ainsi que M. Florent Malouda à présenter leurs moyens de défense avant le 13 juillet 2017 à 10:00 heures du matin.
28. En date du 13 juillet 2017 et dans le cadre de cette procédure disciplinaire, M. Florent Malouda a fait valoir le fait qu’il était né en Guyane et qu’il était légitime pour lui de vouloir représenter cette région après avoir porté plus de 70 fois le maillot de l’équipe de France. Il s’est prévalu du précédent créé par le joueur M. Jocelyn Angloma, dont la situation était, selon lui, identique à la sienne. En outre, il a mis en avant le fait que “lors de la récente édition de la Caribbean Cup en Martinique [il] a pu évoluer avec sa sélection et ce malgré les pressions et menaces exercées sur sa délégation sans qu’il n’y ait eu de la part de ses adversaires ou de la CONCACAF une quelconque réclamation ou sanction”. Enfin, il insiste sur sa “totale confiance en l’action menée par la Ligue de Football de Guyane et plus généralement par les ligues Françaises d’Outre-Mer pour obtenir les mêmes droits sportifs que toutes les autres Associations participant à la Gold Cup et plus généralement de la FIFA”.
29. Dans une décision rendue le 13 juillet 2017, le Comité de Discipline a écarté de manière motivée les divers arguments présentés par M. Florent Malouda. Elle a retenu que ce dernier avait enfreint les articles V.2 du Règlement Gold Cup, 5.1 et 5.2 du Règlement d’application des Statuts de la FIFA, se rendant ainsi coupable d’infractions sanctionnées par les articles IX.2 et IX.4 du Règlement Gold Cup. Elle a reproché au joueur d’avoir participé au match litigieux contre l’équipe du Honduras, alors que la FIFA, la CONCACAF et divers officiels de match avaient informé la LFG à plusieurs reprises de son inéligibilité.
30. En date du 13 juillet 2017 et à la lumière de ce qui précède, le Comité de Discipline a rendu la décision suivante (la “Décision du 13 juillet 2017”):
“1. Le Comite ayant dûment établi que le joueur a enfreint l’article V par. 2 du Règlement et le Titre III. art. 5 par. 1 et 2 du Règlement d’Application des Statuts de la FIFA, et conformément à l’art. IX par. 2. dudit Règlement et à l’art. 57 et 11 du Code Disciplinaire de la FIFA, le joueur est suspendu pour les deux (2) prochains matchs officiels, conformément au Règlement du tournoi et au Code Disciplinaire de la FIFA. Ladite Suspension prend effet immédiatement.
2. Le Comité ayant dûment établi que le joueur a enfreint l’article V par. 2 du Règlement, et conformément à l’art. 11 par. e et à l’art. 21 - Interdiction de Stade du Code Disciplinaire de la FIFA, le joueur est sanctionné d’une interdiction de stade. Ladite interdiction de stade prend effet immédiatement pour la durée de ses deux (2) suspensions de match.
3. Soyez avisés que des pénalités plus fortes seront imposées en cas d’incident répété du joueur”.
31. Dans une décision distincte, également rendue le 13 juillet 2017, le Comité de Discipline a sanctionné la LFG par une amende de USD 10,000 ainsi que par la perte du match contre l’équipe du Honduras sur un score de 3 - 0.
32. Le moment de la notification effective à M. Florent Malouda de la décision le concernant est litigieux. En revanche, les événements suivants ne sont pas contestés:
- Les sanctions imposées à la LFG ainsi qu’à M. Florent Malouda ont fait l’objet de nombreuses publications dans la presse, dès le 13 juillet 2017.
- Le 14 juillet 2017, à 7:48 du matin, la CONCACAF a notifié par courriel la version anglaise de la décision concernant M. Florent Malouda à la LFG, laquelle était invitée à communiquer “immédiatement à M. Florent Malouda la décision prise à son encontre (…)”. M. Philippe Malouda, père du joueur et Administrateur de l’équipe de la LFG, a été mis en copie de cet envoi.
- Le même jour, à 9:31 du matin, la CONCACAF a notifié la version française de la décision concernant M. Florent Malouda à la LFG. M. Philippe Malouda faisait également partie des destinataires de ce courrier.
- Le 14 juillet 2017, peu après le repas de midi, une délégation de la CONCACAF (composée notamment de M. Cristian Cubillas ainsi que de M. Manolo Zubiria, Chief of Football Officer) a rendu une “visite de courtoisie” (selon les termes de ces deux personnes) à MM. Philippe et Florent Malouda afin de s’assurer que la portée de la sanction prononcée à l’égard du joueur avait été bien comprise. Lors de l’audience du 10 janvier 2017 devant le Tribunal Arbitral du Sport (“TAS”), MM. Cubillas et Zubiria ont expliqué que cette visite se justifiait en raison du statut de joueur de classe internationale de M. Florent Malouda et du fait que l’équipe représentant la LFG allait disputer un match le même soir. Lors de ladite audience au TAS, les Parties ont confirmé que a) M. Florent Malouda avait bien compris les sanctions prises à son encontre, et b) qu’un exemplaire écrit de la décision n’avait pas été remis à l’occasion de cette rencontre.
- Le 14 juillet 2017, à 16:39 de l’après-midi, M. Philippe Malouda a envoyé un courriel à M. Carlos Fernandez et M. Cristian Cubillas, intitulé “Sanction contre MALOUDA Florent”. Par ce document, M. Philippe Malouda a exposé ce qui suit:
“We are well aware on the Disciplinary Committee’s decision to give us forfeit against Honduras, to ban Florent Malouda 2 games, to fine us $ 10,000 USD. However we deplore their decision of denying Mr. Malouda access to the stadium (…)”.
Traduction proposée par la CONCACAF:
“Nous sommes bien au courant de la décision de la Commission de Discipline de nous donner un forfait contre le Honduras, de suspendre Florent Malouda pour 2 matches, d’imposer une amende de us $ 10,000 USD. Nous regrettons toutefois leur décision d’interdire M. Malouda d’accès au stade (…)”.
- Le 16 juillet 2017, M. Florent Malouda a adressé un courriel à la CONCACAF ayant la teneur suivante: “Suite à la décision de votre comité de discipline de la Gold Cup notifiée le 13 juillet 2017, je tiens à vous transmettre une lettre de recours vous faisant part de mon intention de faire appel de votre décision”.
33. Le 15 juillet 2017, M. Florent Malouda a déposé auprès de la CONCACAF un recours à l’encontre de la décision du 13 juillet 2017. Il a annoncé qu’il adresserait la motivation de son recours ultérieurement.
34. Le 18 juillet 2017 et comme annoncé, l’avocat de M. Florent Malouda a envoyé aux membres du Comité de recours de la CONCACAF la motivation à l’appui de l’appel déposé le 15 juillet 2017. Se basant sur l’article 120 du Code disciplinaire de la FIFA (“CDF”), il a estimé le recours recevable et demandé “l’annulation de la décision rendue par le Comité de Discipline de la CONCACAF et ce, pour plusieurs motifs:
- L’irrecevabilité du protêt présenté le 11 juillet 2017, par la Fédération Nationale du Honduras de Football (Titre liminaire);
- L’absence de preuve de l’inéligibilité du joueur Florent MALOUDA (I);
- La preuve de l’éligibilité du joueur Florent MALOUDA (II).
- Il sollicite également l’annulation de toute décision prise par la suite et ayant pour support la décision du 13 juillet 2017 (…)”.
35. Le 26 juillet 2017, la CONCACAF, par l’intermédiaire de son Secrétaire Général, M. Philippe Moggio, a informé M. Florent Malouda que son recours avait été considéré comme irrecevable “en raison du non-respect des frais d’appel d’USD 3 000, qui n’ont pas été transférés au compte en banque de la CONCACAF conformément à l’art. X du Règlement de la Gold Cup et à l’art. 123 par. 1 et 2 du Code Disciplinaire de la FIFA (…)”. (ci-après la Décision du 26 juillet 2017).
36. Le 2 août 2017, M. Florent Malouda a déposé une déclaration d’appel auprès du TAS contre la Décision du 26 juillet 2017. L’affaire a été enregistrée sous TAS 2017/A/5290 Florent Malouda c/ CONCACAF.
b) La décision du 16 Juillet 2017
37. Malgré l’interdiction de stade prononcée par décision du 13 juillet 2017, M. Florent Malouda a assisté au match opposant son équipe à celle du Costa Rica, depuis les tribunes. Cette rencontre a eu lieu le 14 juillet 2017 en fin d’après-midi. Lors de l’audience tenue le 10 janvier 2017 devant le TAS, les témoignages liés au déroulement des événements ont été, en substance, les suivants:
- M. Cristian Cubillas: À l’occasion de la visite de courtoisie qui a eu lieu quelques heures avant la tenue du match contre le Costa Rica, M. Florent Malouda a confirmé avoir connaissance des sanctions qui lui ont été infligées la veille par le Comité de Discipline. Dans une ambiance très respectueuse, M. Florent Malouda a déclaré ne pas vouloir prétériter son équipe et s’est engagé à ne pas jouer avec elle. Il a toutefois émis le souhait de pouvoir encourager ses co-équipiers en étant à leurs côtés. Il lui a alors été répondu que sa présence au stade pourrait engendrer de nouvelles sanctions. Toutefois, si malgré tout, il devait se rendre sur place, des dispositions seraient prises pour assurer sa sécurité. M. Malouda est arrivé dans le bus de l’équipe. Une fois ses co-équipiers débarqués, il est sorti du bus et a été escorté jusqu’à la section VIP des tribunes, en passant par les vestiaires, de manière à éviter tout contact avec des tiers. 15 minutes avant la fin de match, M. Malouda a été raccompagné jusqu’à un véhicule dédié à la LFG, distinct du bus de l’équipe.
- M. Florent Malouda: Lors de la visite de courtoisie, il a fait savoir qu’il trouvait l’interdiction de stade comme étant une sanction excessive. M. Manolo Zubiria a partagé son point de vue et lui a assuré qu’il prendrait des dispositions lui permettant de se rendre sur place et d’assister au match sans être inquiété. Dans ce contexte et en raison des assurances reçues de M. Zubiria, M. Malouda a été très surpris d’apprendre qu’il avait été sanctionné pour une violation d’interdiction de stade. S’il avait su qu’il s’exposait à une telle sanction, il serait resté à l’hôtel. Il a relevé que chaque étape de son déplacement au stade avait été organisée spontanément et avait fait l’objet de consignes spécifiques: le “Travel Liaison Officer” de la CONCACAF (dont il ne connaît pas le nom) l’avait appelé dans sa chambre pour lui dire que le bus de son équipe allait partir et qu’il lui fallait la rejoindre. Arrivé au stade, il avait été prié de rester dans le bus jusqu’au débarquement complet de son équipe. Il avait alors été pris en charge jusqu’aux tribunes. Enfin et peu avant la fin du match, il avait été prié de quitter le stade et avait été conduit jusqu’à un véhicule dédié à la LFG, distinct du bus de l’équipe. Selon sa compréhension, ces dispositions avaient été prises par la CONCACAF et étaient compatibles avec l’interdiction de stade.
- M. Manolo Zubiria: Lors de la visite de courtoisie, chaque aspect de la décision du 13 juillet 2017 a été abordé avec M. Florent Malouda qui l’a très bien comprise. Il n’y a pas eu de malentendu pouvant notamment découler d’une éventuelle barrière linguistique. Lorsque M. Malouda a exprimé le souhait de se rendre au stade, il lui a été indiqué qu’il pouvait s’exposer à des sanctions disciplinaires supplémentaires. M. Zubiria lui a néanmoins confirmé que s’il choisissait de prendre ce risque, il n’allait pas l’empêcher d’accéder au stade et que des mesures seraient prises pour assurer sa sécurité. Il ne s’est jamais engagé envers M. Malouda à prendre des dispositions lui permettant d’assister au match sur place, sans être inquiété. Une telle promesse aurait été impossible à tenir, dès lors qu’il n’avait aucun moyen a) d’empêcher le Comité de Discipline (organe indépendant) de se pencher sur l’éventuelle infraction commise par M. Malouda et b) de faire en sorte que M. Malouda passe inaperçu. Selon M. Zubiria, l’interdiction de stade empêchait M. Malouda d’accéder au stade, au terrain et aux tribunes. La présence du joueur sur le parking du stade enfreignait déjà l’interdiction et M. Malouda en était bien conscient.
38. Dans une décision rendue le 16 juillet 2017, le Comité de Discipline a retenu que “Florent MALOUDA (…) est arrivé au Toyota Stadium le 14 juillet 2017 avec la délégation de la Guyane Française dans le bus de l’équipe. Le joueur est entré dans les vestiaires de la Guyane Française et a regardé le match contre le Costa Rica dans la suite assignée à la Guyane Française”. Le Comité de Discipline en a déduit que M. Malouda avait violé l’interdiction de stade imposée le 13 juillet 2017, enfreignant ainsi les articles V. 2 du Règlement Gold Cup, et 64 par. 1 a) CDF.
39. En date du 16 juillet 2017, le Comité de Discipline a rendu la décision suivante (la “Décision du 16 juillet 2017”):
“1. Le Comité ayant dûment établi que le joueur a enfreint l’article V par. 2 du Règlement et l’Art. 64 par. 1 a) - Non-respect de décisions du Code Disciplinaire de la FIFA, et conformément à l’art. IX par. 2. dudit Règlement, le joueur est sommé de payer une amende d’un montant d’USD 3 500.
2. L’amende doit être payée dans les 60 jours suivant la réception de la présente notification, au plus tard le 16 septembre 2017, au compte bancaire suivant de la CONCACAF (…)”.
40. Dans ses écritures déposées devant le TAS, M. Florent Malouda confirme que la Décision du 16 juillet 2017 lui a été notifiée en date du 17 juillet 2017.
41. Le 28 juillet 2017, M. Florent Malouda a saisi directement le TAS par une déclaration d’appel. L’affaire a été enregistrée sous TAS 2017/A/5278 Florent Malouda c/ CONCACAF.
III. RÉSUMÉ DE LA PROCÉDURE DEVANT LE TAS
42. Le 2 août 2017, M. Florent Malouda a déposé une déclaration d’appel auprès du TAS contre la Décision du 26 juillet 2017.
43. Le 22 août 2017, le Greffe du TAS a accusé réception de la déclaration d’appel déposée par M. Florent Malouda. En outre, il a pris note que ce dernier avait fait le nécessaire pour le paiement du droit de Greffe et qu’il nommait M. Bernard Foucher en qualité d’arbitre.
44. Le 22 août 2017, M. Florent Malouda a déposé son mémoire d’appel.
45. Le 23 août 2017, la CONCACAF a informé le Greffe du TAS qu’elle nommait Me Michele Bernasconi en qualité d’arbitre, qu’elle acceptait la proposition de M. Florent Malouda de procéder en français, qu’elle demandait à ce que les preuves soumises à l’appui de ses écritures puissent être produites indifféremment en français ou en anglais et requérait que les procédures TAS 2017/A/5278 et TAS 2017/A/5290 soient jointes.
46. Le 25 août 2017, après avoir interpellé M. Florent Malouda et tenant compte de l’accord de ce dernier, le Greffe du TAS a confirmé aux Parties que les preuves soumises par la CONCACAF pouvaient l’être indifféremment en français ou en anglais et que les procédures TAS 2017/A/5278 et TAS 2017/A/5290 seraient soumises à la même Formation arbitrale, conformément à l’article R50 du Code de l’arbitrage en matière de sport (le “Code”).
47. Le 31 août 2017, les Parties ont été informées du fait que la Formation arbitrale appelée à se prononcer sur le litige était constituée de la manière suivante: Prof. Petros C. Mavroidis, Président, M. Bernard Foucher et Me Michele A.R. Bernasconi, Arbitres.
48. Le 7 Septembre 2017, la CONCACAF a demandé à ce que le délai pour déposer sa réponse soit repoussé jusqu’au 6 octobre 2017, ce qui fut accepté par la Formation arbitrale, en dépit du désaccord de M. Florent Malouda.
49. Le 29 septembre 2017, la CONCACAF a requis une nouvelle prolongation du délai pour déposer sa réponse jusqu’au 13 octobre 2017. Dans le délai imparti pour se prononcer, M. Florent Malouda s’y est opposé.
50. Le 6 octobre 2017, le Greffe du TAS a informé la CONCACAF que sa requête avait été partiellement acceptée et que son délai pour le dépôt de la réponse était prolongé au 9 octobre 2017.
51. Le 9 octobre 2017, la CONCACAF a déposé une seule et même réponse, tant pour la procédure TAS 2017/A/5278 que pour la procédure TAS 2017/A/5290.
52. Le 10 octobre 2017, le Greffe du TAS a invité les Parties à lui confirmer si elles souhaitaient la tenue d’une audience. Tant M. Florent Malouda que la CONCACAF ont répondu par l’affirmative à cette interpellation.
53. Le 27 octobre 2017, les Parties ont été convoquées à une audience de jugement fixée d’entente entre elles au 10 janvier 2018.
54. Le 21, respectivement le 23 novembre 2017, M. Florent Malouda et la CONCACAF ont retourné l’ordonnance de procédure, dûment datée et signée.
55. En date du 10 janvier 2018, une audience a été tenue à Lausanne, au siège du TAS, en présence de tous les membres de la Formation arbitrale, assistés par Me William Sternheimer, Secrétaire général adjoint auprès du TAS, et par Me Patrick Grandjean, greffier ad hoc.
56. A l’ouverture de l’audience, les Parties ont expressément confirmé qu’elles n’avaient pas d’objection à formuler quant à la composition de la Formation arbitrale.
57. Les personnes suivantes étaient présentes à l’audience:
M. Florent Malouda était présent et assisté par son conseil, Me Jérémy Stanislas.
La CONCACAF était représentée par son conseil, Me Marc Cavaliero.
58. La Formation arbitrale a entendu le témoignage de M. Cristian Cubillas et de M. Manolo Zubiria. Avant leur audition, l’attention de ces deux témoins a été attirée sur les conséquences possibles d’un faux témoignage.
59. A la fin de l’audience, les Parties ont reconnu que leur droit d’être entendu avait été respecté par le TAS et qu’elles étaient satisfaites de la manière dont elles avaient été traitées au cours de la présente procédure arbitrale.
IV. LES POSITIONS DES PARTIES
a) La position de M. Florent Malouda
60. Dans son mémoire d’appel du 22 août 2017, M. Florent Malouda a pris les conclusions suivantes:
“Il est demandé au Tribunal Arbitral du Sport:
1. Annuler la décision en date du 26 Juillet 2017 rendue par la CONCACAF qui considère comme non-admissible son recours contre la décision 13 Juillet 2017 du Comité de Discipline de la CONCACAF;
2. Et, conformément aux dispositions de l’article R57 du Code du Tribunal Arbitral du Sport,
3. Annuler la décision du 13 Juillet 2017 rendue par le Comité de Discipline contre Monsieur MALOUDA
4. De mettre les frais du présent arbitrage, dont le montant sera arrêté et communique séparément aux parties par le greffe du TAS, entièrement à la charge de la CONCACAF.
5. A titre de contribution pour les frais d’avocats et pour les autres frais encourus pour les besoins du présent arbitrage, la CONCACAF versera une somme de CHF 5’000 à Monsieur Florent MALOUDA”.
61. En substance, les arguments de M. Florent Malouda peuvent être résumés de la manière suivante:
- La Décision du 26 juillet 2017 souffre de vices de forme: a) rien n’indique qu’elle a été prise par le Comité de recours de la CONCACAF, dès lors qu’elle a été signée par M. Philippe Moggio, Secrétaire général, b) le fait que ce dernier signe la décision de première et de deuxième instances fait douter de l’existence d’une procédure de recours, c) en vertu de l’article 125.2 CDF, la décision aurait dû être signée par le secrétaire du Comité de recours, distinct de M. Moggio.
- Le fait de nier la recevabilité du recours contre la Décision du 13 juillet 2017 au motif que l’avance de frais n’a pas été faite, relève du formalisme excessif. Cela est d’autant plus vrai que la décision en cause n’indique ni les voies de droit ni leur modalités d’application. En particulier, l’attention de M. Florent Malouda n’a jamais été attirée sur l’obligation de l’avance de frais, laquelle ne figure pas expressément dans le Règlement Gold Cup. Devant une telle situation et selon une jurisprudence récente du TAS, la décision fondée sur l’irrecevabilité faute d’avance de frais est constitutive de formalisme excessif.
- La Décision du 13 Juillet 2017 doit être annulée en raison des nombreux vices qui l’affectent:
Elle n’a jamais été notifiée directement à M. Florent Malouda, qui ne l’a reçue que le 15 juillet 2017 par M. Philippe Malouda. Les dispositions prévues en la matière par le CDF n’ont pas été respectées.
Elle n’indique pas les voies de droit ni n’a été signée, contrairement à ce que prévoit l’article 115 CDF.
Elle a été prise dans le cadre d’une procédure disciplinaire qui a été initiée suite au protêt déposé par le Honduras à la fin du match disputé le 11 juillet 2017 en raison de la titularisation de M. Florent Malouda. Or, selon le Règlement Gold Cup, pour être valable, un protêt lié à l’inéligibilité d’un joueur doit être déposé au plus tard 48 heures avant le premier match de la compétition. “En conséquence, le protêt déposé (…) n’est pas recevable et le Comité de Discipline de la CONCACAF n’a pas été valablement saisi”.
- Quant au fond, la Décision du 13 juillet 2017 doit être écartée. M. Florent Malouda ne peut faire l’objet de mesures disciplinaires que si une faute peut lui être reprochée, ce qui n’est pas le cas.
Le Comité de Discipline a assimilé à tort la LFG à une association. La LFG n’est qu’une ligue subordonnée à la FFF, laquelle l’a autorisé à titulariser M. Florent Malouda.
L’article 5.2 du Règlement d’application des Statuts de la FIFA n’est contraignant que pour un joueur ayant déjà joué un match dans une compétition internationale officielle “A” pour une association et souhaitant représenter une autre association et non pas une autre ligue, telle que la LFG.
Le Comité de Discipline part du principe que la LFG a les mêmes droits et obligations que les autres membres de la CONCACAF, alors qu’elle n’est pas membre de la FIFA et ne peut dès lors participer à la Coupe des Confédérations même si elle venait à remporter la Gold Cup. Il y a une différence de traitement entre les associations et les ligues, qui implique que ces dernières ne sont pas soumises aux mêmes règles, en particulier à l’article 5.2 du Règlement d’application des Statuts de la FIFA.
Les réglementations de la CONCACAF et de la FIFA sont lacunaires et ne régissent pas le cas particulier de la LFG ni de M. Florent Malouda. La sécurité du droit interdit d’interpréter extensivement de telles réglementations, dont l’application doit s’en tenir strictement au texte.
- Dans le passé, d’autres joueurs qui avaient été titularisés dans l’équipe de France ont pu jouer pour leur sélection régionale sans que ne leur soit opposée leur inéligibilité à cause de leur participation antérieure à des matchs avec l’équipe nationale de la France. M. Florent Malouda devrait donc pouvoir bénéficier du même traitement.
b) La Position de la CONCACAF
62. Dans sa réponse déposée le 9 octobre 2017, la CONCACAF a pris les conclusions suivantes:
“Conclusion 1: Déclarer irrecevable l’Appel interjeté contre la décision de la Commission de Recours du 26 juillet 2017 Subsidiairement à la conclusion 1
Conclusion 1a: Rejeter l’Appel interjeté contre la décision de la Commission de Recours du 26 juillet 2017
Conclusion 2: Confirmer dans son intégralité la décision de la Commission de Recours du 26 juillet 2017
Conclusion 3: Rejeter l’Appel interjeté contre la décision de la Commission de Discipline du 16 juillet 2017, pour autant qu’il soit considéré recevable
Conclusion 4: Confirmer dans son intégralité la décision de la Commission de Discipline du 16 juillet 2017
Conclusion 5: Condamner l’Appelant, Monsieur Florent Malouda, à la totalité des frais d’arbitrage et à une contribution aux frais d’avocat de l’Intimée dans le cadre des deux procédures CAS 2017/A/5278 & TAS 2017/A/5290 d’un montant minimum de CHF 20,000”.
63. En substance, les arguments de la CONCACAF peuvent être résumés comme suit:
- Le fait que la LFG ne soit pas une “association” au sens des Statuts de la FIFA est sans pertinence. La CONCACAF est compétente pour l’organisation de la Gold Cup et, par conséquent, pour décider des questions liées à l’éligibilité des joueurs. En l’occurrence et dans le contexte de la Gold Cup, tous les participants à ce championnat sont qualifiés “d’association”, quel que soit leur statut (association ou ligue) et indifféremment de savoir s’ils sont membres de la FIFA ou non. Ainsi, l’article 5.2 du Règlement d’application des Statuts de la FIFA (auquel renvoie le Règlement Gold Cup) s’applique à tous les participants de la Gold Cup, y compris à la LFG et à M. Florent Malouda.
- En sa qualité de membre de la CONCACAF, la LFG a en principe les mêmes droits et obligations que tous les autres participants de la Gold Cup. En décidant de prendre part à ce championnat, la LFG a accepté de se soumettre à la règlementation mise en place par la CONCACAF, laquelle s’applique de manière uniforme à chaque participant.
- En vertu de la règlementation applicable et des nombreux matchs internationaux “A” qu’il a disputés au sein de l’équipe de France, M. Florent Malouda ne pouvait pas être aligné dans l’équipe représentative de la LFG. L’attention de la LFG a été attirée à de nombreuses reprises sur l’absence d’éligibilité de M. Florent Malouda, que cela soit au cours de workshops, de multiples courriers ou d’avertissements oraux.
- M. Florent Malouda tente de se prévaloir du fait que d’autres joueurs qui ont été titularisés dans l’équipe de France ont pu jouer pour leur sélection nationale sans que leur soit opposée leur inéligibilité. M. Florent Malouda n’a toutefois pas établi en quoi la situation de ces joueurs était identique à la sienne. En outre et en vertu du principe “pas d’égalité dans l’illégalité”, il ne peut pas profiter “d’un traitement en violation des règles applicables accordé à une autre partie dans une situation apparemment similaire”.
- Le fait que M. Florent Malouda ait été titularisé par la LFG lors de la Compétition Préliminaire de la Gold Cup sans être inquiété n’est pas opposable à la CONCACAF, qui n’assume pas la responsabilité de l’organisation de cette phase préliminaire du championnat.
- Le recours formé par M. Florent Malouda à l’encontre de la Décision du 13 juillet 2017 est irrecevable en ce qui concerne les deux matchs de suspension. En effet, selon la réglementation en la matière, une suspension jusqu’à deux parties prononcée à l’encontre d’un joueur ne peut pas faire l’objet d’un recours.
- Le recours formé par M. Florent Malouda à l’encontre de la décision du 13 juillet 2017 est irrecevable en ce qui concerne l’interdiction de stade, dès lors qu’il n’a pas effectué l’avance de frais dans les délais.
- M. Florent Malouda ne peut pas se prévaloir du fait que la Décision du 13 juillet 2017 n’indique pas les voies de droit. En effet, les circonstances du cas d’espèce démontrent qu’il connaissait parfaitement les modalités de recours. D’une part, son appel devant le Comité de recours de la CONCACAF a été formé avec l’aide d’un avocat et, d’autre part, ce dernier s’est expressément prévalu de la réglementation applicable pour motiver la recevabilité de ses écritures. Il a en particulier cité l’article 120 CDF à l’appui de son recours, la condition relative à l’avance de frais étant détaillée à l’article 123 du même Code.
- Il n’y a pas de formalisme excessif à déclarer irrecevable un recours en l’absence d’avance de frais dans les délais réglementaires. De même, le fait que le Secrétaire général de la CONCACAF ait signé la décision du 26 juillet 2017 n’est pas un motif d’annulation.
- En ce qui concerne la Décision du 13 juillet 2017:
Il est admis que sa notification n’a pas été faite dans les formes prévues par la réglementation applicable. Cela est sans conséquence à partir du moment où il est établi que M. Florent Malouda en avait connaissance, en a reçu un exemplaire et a eu l’occasion de présenter ses arguments tant devant la première que la seconde instance de la CONCACAF. Il est à noter que, lors de son recours devant le Comité de recours devant la CONCACAF, M. Malouda ne s’est pas plaint d’une notification irrégulière de la Décision du 13 juillet 2017.
Le fait que le protêt déposé par l’équipe du Honduras soit irrecevable n’empêche pas le Comité de Discipline de se pencher sur une infraction ex officio.
En jouant pour le compte de l’équipe représentative de la LFG lors du match contre le Honduras, M. Florent Malouda a sciemment violé des dispositions réglementaires et, ainsi, commis une infraction qui devait être sanctionnée disciplinairement. Au vu des circonstances du cas d’espèce, la peine prononcée à son encontre n’est pas disproportionnée.
V. COMPÉTENCE DU TAS
64. La compétence du TAS résulte des articles 52 et suivants des Statuts de la CONCACAF (Edition février 2016) ainsi que de l’article R47 al. 1 du Code qui stipule ce qui suit:
“Un appel contre une décision d’une fédération, association ou autre organisme sportif peut être déposé au TAS si les statuts ou règlements dudit organisme sportif le prévoient ou si les parties ont conclu une convention d’arbitrage particulière et dans la mesure aussi où la partie appelante a épuisé les voies de droit préalables à l’appel dont il dispose en vertu des statuts ou règlements dudit organisme sportif”.
65. Toutefois et en vertu de l’article 55 al. 1 b) des Statuts de la CONCACAF, le TAS n’est pas compétent pour connaître d’un appel interjeté à l’encontre de décisions condamnant une personne physique à une suspension allant jusqu’à quatre matchs ou pour une période allant jusqu’à trois mois. A cet égard, il y a lieu d’observer que, en vertu de l’article IX.4 b) du Règlement Gold Cup, les suspensions jusqu’à deux matchs ou jusqu’à deux mois, infligées par le Comité de Discipline à des Associations Membres, des joueurs, des officiels ou toute autre personne sont “insusceptibles de recours”.
66. Se pose aussi la question de savoir si, en présence d’un recours déclaré irrecevable en raison de l’absence de paiement de l’avance de frais, les voies de recours internes ont effectivement été épuisées. Au vu de l’issue de la présente procédure, la Formation arbitrale a décidé de laisser cette question indécise.
67. Au vu de ce qui précède, la Formation arbitrale déclare que le TAS est compétent pour décider du présent litige, dans les limites prévues par les Statuts de la CONCACAF et du Règlement Gold Cup. En particulier et en tout état de cause, le TAS n’est pas compétent pour traiter de la question liée aux deux matchs de suspension infligés à M. Florent Malouda, cette sanction ayant acquis un caractère définitif.
68. En vertu de l’article R57 al. 1, première phrase du Code, “La Formation revoit les faits et le droit avec plein pouvoir d’examen. Elle peut soit rendre une nouvelle décision se substituant à la décision attaquée, soit annuler cette dernière et renvoyer la cause à l’autorité qui a statué en dernier”.
VI. RECEVABILITÉ
69. La décision examinée dans la présente affaire est celle rendue le 26 juillet 2017 par le Comité de Recours de la CONCACAF. Cet organe a considéré que le recours déposé par M. Florent Malouda à l’encontre de la Décision du 13 juillet 2017 était irrecevable “en raison du non-respect des frais d’appel d’USD 3 000, qui n’ont pas été transférés au compte en banque de la CONCACAF conformément à l’art. X du Règlement de la Gold Cup et à l’art. 123 par. 1 et 2 du Code Disciplinaire de la FIFA (…)” (ci-après la Décision du 26 juillet 2017).
70. La Formation arbitrale relève qu’il n’est pas contesté que le document du 26 juillet 2017 constitue une décision.
71. La déclaration d’appel a été adressée au TAS dans le délai de 21 jours prévu à l’article 54 al. 3 des Statuts de la CONCACAF. En outre, elle répond aux conditions fixées par l’article R48 du Code. Partant, l’appel est recevable.
VII. DROIT APPLICABLE
72. L’article R58 du Code prévoit ce qui suit:
“La Formation statue selon les règlements applicables et, subsidiairement, selon les règles de droit choisies par les parties, ou à défaut de choix, selon le droit du pays dans lequel la fédération, association ou autre organisme sportif ayant rendu la décision attaquée a son domicile ou selon les règles de droit que la Formation estime appropriées. Dans ce dernier cas, la décision de la Formation doit être motivée”.
73. Le siège du TAS se trouvant en Suisse et le litige revêtant un caractère international, les dispositions du chapitre 12 relatif à l’arbitrage international de la Loi fédérale sur le droit international privé (“LDIP”) sont applicables en vertu de son article 176 al. 1 LDIP.
74. Au chapitre 12 de la LDIP, le droit applicable au fond est régi par l’article 187 al. 1 LDIP qui prévoit que le “tribunal arbitral statue selon les règles de droit choisies par les parties ou, à défaut de choix, selon les règles de droit avec lesquelles la cause présente les liens les plus étroits”.
75. Une élection de droit tacite et indirecte par renvoi au règlement d’une institution d’arbitrage est admise (KARRER, in Basler Kommentar zum Internationalen Privatrecht, Bâle 1996, N 92 et 96 ad art. 187 LDIP; POUDRET/BESSON, Droit comparé de l’arbitrage international, Zurich 2002, N 683 p. 613 et les références citées; CAS 2004/A/574; TAS 2016/A/4468, consid. 54).
76. En outre, au sens de l’article 187 al. 1 LDIP, peuvent être choisies par les parties non seulement une loi nationale, mais encore des “règles de droit” affranchies de toute loi étatique (LALIVE/POUDRET/REYMOND, Le droit de l’arbitrage interne et international en Suisse, Lausanne 1989, pp. 399-400; TAS 2016/A/4468, consid. 55), comme les règles et règlements des fédérations internationales sportives.
77. En l’espèce, le litige opposant les Parties porte sur une sanction imposée par le Comité de Discipline sur la base du Règlement Gold Cup, en vertu duquel “Les Associations Membres et leurs joueurs et officiels participant à la Compétition devront: Consentir à se conformer à et pleinement respecter: (…) d. Le Code Disciplinaire de la FIFA (…)” (article V.2 du Règlement Gold Cup).
78. Dans ses écritures et se fondant sur les dispositions qui précèdent, M. Florent Malouda a relevé que, dans le cadre de la présente procédure, la CONCACAF “a clairement choisi que le Droit applicable serait régi par les règles édictées par la FIFA et la CONCACAF. [M. Florent Malouda] a, en sa qualité de joueur d’une sélection ayant participé à cette compétition, adhéré à ce choix”.
79. Lors de l’audience devant le TAS, M. Florent Malouda a confirmé cette application en cascade de la réglementation de la CONCACAF, puis en cas de lacune de cette dernière de celle de la FIFA. Il y a lieu d’en déduire que, en matière de droit applicable et en l’absence de dispositions expresses dans la règlementation de la CONCACAF, l’article 57 al. 2 des Statuts de la FIFA trouve application. Selon cette disposition, “Le TAS applique en premier lieu les divers règlements de la FIFA ainsi que le droit suisse à titre supplétif”.
80. Au cours de l’audience devant le TAS, la position de M. Florent Malouda a été partagée par le représentant de la CONCACAF, lequel a d’ailleurs cité dans ses écritures plusieurs arrêts rendus par le Tribunal fédéral suisse.
81. Enfin, il y a lieu d’observer qu’aucune des Parties n’a revendiqué l’application d’un autre droit national ni offert de collaborer à l’application d’un autre droit.
82. Par conséquent, la Formation arbitrale appliquera en premier lieu les règlements, directives et circulaires de la CONCACAF et de la FIFA ainsi que le droit suisse à titre supplétif.
VIII. LE FOND
83. Dans un premier temps, il y a lieu de déterminer si la Décision du 13 juillet 2017 doit être annulée en raison des vices de forme soulevés par M. Florent Malouda, puis d’examiner, dans un deuxième temps, si le recours qu’il a formé à son encontre est recevable.
a) La Décision du 13 juillet 2017
84. M. Florent Malouda estime que la Décision du 13 juillet 2017 doit être annulée dès lors qu’elle a été prise ensuite d’un protêt déposé hors délai, qu’elle n’a pas été notifiée dans les formes réglementaires et qu’elle n’indique pas les voies de droit ni n’a été signée, contrairement à ce que prévoit le CDF.
85. En ce qui concerne le protêt déposé au nom de l’équipe du Honduras, le Comité de Discipline a relevé que ce dernier n’avait effectivement pas été déposé conformément aux modalités prévues par le Règlement Gold Cup (article XII.2). Il s’est néanmoins saisi de l’affaire ex officio.
86. La Formation arbitrale considère que, parmi les prérogatives et obligations du Comité de Discipline, il y a celle d’ouvrir spontanément (ex officio) une enquête disciplinaire en présence d’une infraction au Règlement Gold Cup. Une telle saisine n’est pas conditionnée par le dépôt préalable d’un protêt valable. En effet, le Comité de Discipline est responsable de la mise en application du Règlement Gold Cup (article IX.1) et est appelé à sanctionner toute violation dudit Règlement ainsi que des “règles applicables” (article IX.2). Parmi ces dernières figure le Règlement de la FIFA relatif à l’éligibilité des joueurs, auquel renvoie expressément le Règlement Gold Cup (article V.2 lit. j). En arrivant à la conclusion que M. Florent Malouda avait violé l’article 5.2 Règlement de la FIFA relatif à l’éligibilité des joueurs en participant au match disputé le 11 juillet 2017 contre le Honduras, le Comité de Discipline s’est valablement considéré comme compétent pour ouvrir une enquête disciplinaire. Le fait qu’il rende une décision dans un tel contexte n’est absolument pas critiquable et ne saurait justifier la nullité de la Décision du 13 juillet 2017 (cf. TAS 2017/A/5001-5002, avec une situation assez comparable).
87. En ce qui concerne la notification de la Décision du 13 juillet 2017, le CDF précise que la décision doit contenir l’indication des voies de recours (article 115.1 lit. g CDF), qu’elle doit être signée par le secrétaire du comité (article 115.2 CDF), qu’elle doit être adressée à l’association concernée, à charge pour elle, de transmettre les documents aux personnes concernées. Ces documents sont réputés avoir été valablement notifiés à leur destinataire final quatre jours après la notification à l’association tant qu’ils n’ont pas été remis en plus ou exclusivement à la partie (article 102.2 CDF). “Les décisions sont notifiées en bonne et due forme par télécopie. Alternativement, les décisions peuvent aussi être notifiées en bonne et due forme par lettre recommandée. Les décisions ne peuvent pas être communiquées par courrier électronique” (article 103 CDF). En l’espèce, il n’est pas contesté que la Décision du 13 juillet 2017 a été notifiée par courriel.
88. Il est indéniable que le contenu et les modalités de notification de la Décision du 13 juillet 2017 ne respectent pas les dispositions prévues en la matière par le CDF. Il faut cependant observer que le CDF ne précise pas quelles sont les conséquences liées à un tel non-respect. Il y a lieu d’aborder cette question selon le droit suisse, applicable à titre supplétif.
89. Selon le Tribunal fédéral, une notification irrégulière, notamment par le défaut d’indication des voies de droit ou l’indication incomplète des voies de droit, ne peut entraîner aucun préjudice pour la partie concernée. Toutefois, cette dernière doit adopter un comportement conforme à la bonne foi, notamment en rectifiant d’elle-même l’erreur ou l’omission lorsqu’on peut raisonnablement l’exiger d’elle (ATF 138 I 49 consid 8.3.2; ATF 117 IA 297 consid. 2, 421 consid. 2a et 2c). La partie n’est plus de bonne foi si elle s’est aperçue de l’erreur, ou aurait dû s’en apercevoir en prêtant l’attention commandée par les circonstances. Déterminer si la négligence commise par la partie concernée est grossière s’apprécie selon les circonstances concrètes et les connaissances juridiques de la personne en cause (arrêt du Tribunal fédéral 5A_878/2014 du 17 juin 2015, consid. 3.1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_704/2011 du 23 février 2012 consid. 8.3.2).
90. En ce qui concerne la notification de la Décision en tant que telle, le fardeau de la preuve incombe en principe à l’autorité qui entend en tirer une conséquence juridique (ATF 122 I 97 cons. 3b; 114 III 51 cons. 3c et 4; 103 V 63 cons. 2a; 101 Ia 7 cons. 1; 99 I b 356 consid. 2 et 3). L’autorité supporte donc les conséquences de l’absence de preuve, en ce sens que si la notification ou sa date sont contestées, et qu’il existe effectivement un doute à ce sujet, il y a lieu de se fonder sur les déclarations du destinataire de l’envoi (ATF 124 V 400 cons. 2a; 103 V 63 cons. 2a). L’absence de notification doit être distinguée de la notification irrégulière, laquelle ne constitue pas nécessairement une cause de nullité; la protection des parties est suffisamment réalisée lorsque la notification irrégulière atteint son but malgré cette irrégularité. Il convient donc d’examiner, d’après les circonstances du cas concret, si la partie intéressée a réellement été induite en erreur par l’irrégularité de la notification et a, de ce fait, subi un préjudice. Il s’impose de s’en tenir aux règles de la bonne foi, qui imposent une limite à l’invocation d’un vice de forme (Arrêt du Tribunal fédéral du 27 juin 2017, 4A_224/2017, consid. 2.3.2; ATF 122 I 97 consid. 3a).
91. En l’espèce, la Formation arbitrale relève qu’il n’est pas contesté que la Décision du 13 juillet 2017 (i) a fait l’objet d’un communiqué de presse et d’articles parus dans les médias dès le 13 juillet 2017, (ii) que la Décision a été notifiée - certes par courriel - à la LFG au plus tard le 14 juillet 2017 au matin, (iii) que le même jour, en début d’après-midi, une délégation de la CONCACAF a rencontré M. Florent Malouda et son père, M. Philippe Malouda, pour discuter de la portée des sanctions prononcées à l’égard du joueur, (iv) que, peu après, M. Philippe Malouda a envoyé un courriel à la CONCACAF confirmant être parfaitement au courant (“We are well aware”) des sanctions contenues dans la Décision et (v) que, dans son recours déposé auprès du Comité de Recours de la CONCACAF, M. Florent Malouda n’a pas reproché à cette dernière les irrégularités liées à la notification de la Décision. Répondant à une question lors de l’audience, M. Florent Malouda a confirmé qu’il avait pris connaissance de la décision par la presse électronique.
92. Au vu des circonstances du cas d’espèce, il est manifeste que le non-respect des modalités de notification de la Décision du 13 juillet 2017 n’a pas porté d’atteintes graves aux droits essentiels de M. Florent Malouda, lequel a dès le 13 juillet 2017, ou en tout cas le 14 juillet 2017, en début d’après-midi, eu connaissance des sanctions prises à son encontre. Il y a lieu d’ajouter que l’éventualité de sanctions disciplinaires à son encontre n’était pas inattendue puisque la CONCACAF avait averti à de nombreuses reprises la LFG de l’inéligibilité de M. Florent Malouda à la Gold Cup et des sanctions disciplinaires pouvant découler de sa titularisation éventuelle. Bien plus, l’ouverture de la procédure disciplinaire a été notifiée à M. Florent Malouda, lequel a été invité à se déterminer, ce qu’il fit le 13 juillet 2017.
93. Dans ce contexte particulier, et en application des principes dégagés en droit suisse par la jurisprudence et, en particulier, par le Tribunal fédéral en matière de notification des décisions, il apparait que les modalités de notification de la décision en cause n’ont pas été de nature à la priver de son caractère exécutoire, à tout le moins dès le 14 juillet 2017, à l’encontre de M. Florent Malouda qui a pu exercer ses droits (dont celui d’être entendu) tant pendant la procédure disciplinaire qu’après la notification de la Décision du 13 juillet 2017.
94. A la lumière de ce qui précède, la Formation arbitrale retient que la Décision du 13 juillet 2017 n’est pas entachée d’une cause de nullité. Cette dernière ne peut être retenue qu’à titre exceptionnel, en présence de vices particulièrement graves, compromettant sérieusement la sécurité juridique (Arrêt du Tribunal fédéral du 27 juin 2017, 4A_224/2017, consid. 2.3.2), ce qui n’est manifestement pas le cas en l’espèce. M. Florent Malouda n’a d’ailleurs pas établi le contraire.
95. Il résulte de ce qui précède que la Décision du 13 juillet 2017 n’est pas nulle ni annulable. Doit dès lors être examinée la recevabilité du recours formé par M. Florent Malouda à l’encontre de cette décision.
b) La Décision du 26 juillet 2017
96. Le 15 juillet 2017, M. Florent Malouda a informé la CONCACAF de son intention de recourir à l’encontre de la Décision du 13 Juillet 2017. A l’appui de son recours, il s’est prévalu de l’article IX.4 du Règlement Gold Cup qui énumère de manière exhaustive les décisions “insusceptibles de recours” et l’article X du Règlement Gold Cup, relatif au Comité de recours. Le recours a été déposé dans les délais prévus à l’article 120 CDF, qui précise à ses alinéas 1 à 3 que “1. La partie qui entend recourir doit annoncer à la Commission de Recours de la FIFA son intention par écrit dans un délai de trois jours à compter de la communication de la décision. 2. Le recours doit ensuite être motivé par écrit dans un délai supplémentaire de sept jours, qui commence à courir à l’expiration du premier délai de trois jours. 3. Si ces délais ne sont pas respectés, le recours n’est pas recevable”.
97. Le 18 juillet 2017, l’avocat de M. Florent Malouda a déposé au nom de ce dernier un “exposé des motivations fondant le recours (…) contre [la Décision du 13 juillet 2017]”. Il s’agit d’un document de 10 pages, dans lequel Me Jérémy Stanislas cite l’article 120 CDF pour justifier de la recevabilité de son recours. Il y a lieu d’observer que, dans ce document, Me Stanislas fait référence à plusieurs endroits au CDF, dont il reconnaît l’application.
98. Le 26 juillet 2017, la CONCACAF a déclaré irrecevable le recours déposé au nom de M. Florent Malouda à l’encontre de la Décision du 13 juillet 2017 “en raison du non-respect des frais d’appel d’USD 3 000, qui n’ont pas été transférés au compte en banque de la CONCACAF conformément à l’art. X du Règlement de la Gold Cup et à l’art. 123 par. 1 et 2 du Code Disciplinaire de la FIFA (…)”.
99. L’article 123.1 et 2 CDF prévoit ce qui suit:
“1. Toute personne qui souhaite recourir doit verser un montant de CHF 3 000 sur le compte bancaire de la FIFA avant l’expiration du délai imparti pour motiver le recours.
2. Sans ce dépôt, le recours n’est pas recevable”.
100. Il n’est pas contesté que M. Florent Malouda n’a pas effectué l’avance de frais requise par l’article 123 CDF.
101. M. Florent Malouda estime que l’article 123 CDF ne peut pas lui être opposable dès lors que la Décision du 13 juillet 2017 n’indique pas les voies de droit. Il se prévaut en outre d’un précédent (TAS 2016/A/4452) dans lequel la Formation avait retenu que si une partie n’avait été informée que dans des termes très incomplets et partiellement erronés de son obligation de paiement des frais d’appel et des conséquences d’un non-versement, et qu’elle n’a pas bénéficié d’une opportunité de régulariser son appel, le rejet de celui-ci pour cause d’irrecevabilité constitue un cas de formalisme excessif.
102. En ce qui concerne le fait que la Décision du 13 juillet 2017 n’indique pas les voies de droit, il y a lieu de se référer à ce qui a été indiqué plus haut (voir chapitre VIII a) de la présente sentence). En vertu du principe de la protection de bonne foi, le justiciable qui se fie à une indication erronée de l’autorité, ne doit en principe subir aucun préjudice (ATF 138 I 49 consid. 8.3.2; ATF 117 Ia 297 consid. 2; arrêt du Tribunal fédéral 4A_35/2014 du 28 mai 2014 consid. 3.2; arrêt du Tribunal fédéral 4A_355/2013 du 22 octobre 2013 consid. 3.3). Une partie ne peut toutefois se prévaloir de cette protection si elle s’est aperçue de l’erreur, ou aurait dû s’en apercevoir en prêtant l’attention commandée par les circonstances (arrêt du Tribunal fédéral 5A_704/2011 du 23 février 2012 consid. 8.3.2).
103. Selon la jurisprudence, ne mérite pas de protection la partie qui eût pu déceler l’erreur affectant l’indication de la voie de droit par la seule lecture du texte légal (arrêts du Tribunal fédéral 8C_122/2013 du 7 mai 2013 consid. 4.1 et 1C_280/2010 du 16 septembre 2010 consid. 2.3). Les exigences envers les parties représentées par un avocat sont naturellement plus élevées: on attend dans tous les cas des avocats qu’ils procèdent à un contrôle sommaire des indications relatives à la voie de droit (ATF 138 I 49 consid. 8.3.2; 135 III 374 consid. 1.2.2.2; arrêt du Tribunal fédéral 8C_122/2013 du 7 mai 2013 consid. 4.1). En revanche, il n’est pas attendu d’eux qu’outre les textes de loi, ils consultent encore la jurisprudence ou la doctrine y relatives (arrêt du Tribunal fédéral suisse 5A_878/2014 du 17 juin 2015, consid. 3.2; ATF 138 I 49 consid. 8.3.2; ATF 135 III 489 consid. 4.4; ATF 134 I 199 consid. 1.3.1).
104. En l’espèce, M. Florent Malouda a été représenté par un avocat. Ce dernier est intervenu au plus tard le 18 juillet 2017, date à laquelle il a déposé un “exposé des motivations fondant le recours (…) contre [la Décision du 13 juillet 2017]”. A ce moment, il disposait encore de plusieurs jours pour effectuer l’avance de frais, celle-ci devant être payée au plus tard le 24 juillet 2017 (voir les articles 120.2 CDF et 123.1 CDF).
105. Tenant compte du fait que l’avocat de M. Florent Malouda savait que les modalités de recours étaient régies par le CDF et que, dans ce cadre, il s’est expressément prévalu de l’article 120 CDF pour justifier la recevabilité de son recours, il ne peut soutenir valablement avoir agi de manière consciencieuse et tenter de corriger son manquement en imputant la faute à l’absence de l’indication des voies de droit sur la Décision du 13 juillet 2017. Ces dernières lui étaient connues et leur non-respect relève de sa responsabilité.
106. Enfin, la situation de M. Florent Malouda n’est pas comparable à celle prise en compte dans le précédent TAS 2016/A/4452. Dans cette affaire, un joueur a fait l’objet d’une suspension provisoire de deux ans, en raison d’un contrôle anti-dopage positif. Par le biais de son club, il fit appel contre la décision de suspension sans verser l’avance de frais requise. A ce moment, il n’était pas représenté par un avocat. Une sommation pour effectuer l’avance de frais a été adressée à la fédération nationale, laquelle ne jugea pas utile de la faire suivre ni au club ni au joueur. Ce n’est que deux mois et demi après son appel, que le joueur a appris que son recours avait été déclaré irrecevable en raison du défaut de paiement de l’avance de frais. Par ailleurs, la décision de suspension du jury disciplinaire indiquait bien les voies de droit mais l’obligation de paiement et les conséquences d’un non-versement, étaient exprimées en des termes très incomplets et partiellement erronés.
107. M. Florent Malouda ne peut donc pas se prévaloir de ce précédent, puisqu’il était - dès le début de la procédure - représenté par un avocat, lequel était au fait de la réglementation applicable (les articles 120 ss CDF), dont la teneur est univoque (“Sans ce dépôt, le recours n’est pas recevable”).
108. Au vu de ce qui précède, la majorité de la Formation arbitrale arrive à la conclusion que l’absence du paiement de l’avance de frais est entièrement imputable à M. Florent Malouda et les conséquences d’un tel défaut de paiement sont énoncées sans ambigüité à l’article 123.2 CDF. Au vu des circonstances du cas d’espèce, la majorité de la Formation arbitrale estime qu’il n’y a pas de motif de s’écarter du texte clair de cette disposition et que le recours formé par M. Florent Malouda devant le Comité de recours de la CONCACAF n’est pas recevable.
109. Par voie de conséquence, l’appel devant le TAS doit être rejeté.
110. A toutes fins utiles et de l’avis unanime des membres de la Formation arbitrale, il convient de préciser que le sort de la cause n’aurait pas été différent si le recours formé par M, Florent Malouda avait été considéré comme recevable et cela, pour les motifs qui peuvent être brièvement abordés ci-dessous:
- la LFG doit être assimilée aux “associations membres”, telles que définies à l’Article V du Règlement Gold Cup et est soumise aux mêmes obligations que ces dernières
Contrairement à la position de M. Florent Malouda, selon laquelle la LFG n’est pas une association indépendante en tant que telle mais une ligue subordonnée à la FFF, il y a lieu de relever que la Gold Cup est une compétition exclusivement ouverte à l’ensemble des “Associations Membres affiliées à la CONCACAF” (article I.3 du Règlement Gold Cup). Il est indéniable que la FFF ne remplit pas cette condition et, par voie de conséquence, son équipe nationale A n’a pas la possibilité de prendre part à la Gold Cup, contrairement à l’équipe A représentative de la LFG.
Depuis 2013, la LFG est “Membre Titulaire” de la CONCACAF. C’est en cette qualité qu’elle a pu participer à l’édition 2017 de la Gold Cup. Il résulte de ce qui précède que, dans ses relations avec la CONCACAF, la LFG est une entité autonome, distincte de la FFF. Le statut de la LFG a cela de particulier qu’elle est, d’une part, liée à la FFF et, d’autre part, à la CONCACAF. Rien n’indique que ses liens avec l’une des entités (notamment la FFF) doivent l’emporter sur ceux qu’elle peut avoir avec l’autre entité (en l’espèce la CONCACAF). Ainsi, lorsque la LFG évolue dans un championnat tel que la Gold Cup, elle y participe au même titre que tous les autres membres de la CONCACAF. Il n’y a pas de raison d’admettre que, dans un tel championnat, la LFG puisse se prévaloir de droits ou d’obligations découlant de ses rapports avec la FFF, rapports a) auxquels la CONCACAF n’est pas partie et b) qui ne peuvent dès lors pas lui être opposés.
Dans le contexte limité de la Gold Cup, la LFG est une “Association Membre affiliée à la CONCACAF” au même titre que les autres participants à ce championnat. En outre, le Règlement Gold Cup énumère les situations dans lesquelles des régimes différents peuvent être appliqués à certaines des “Associations Membres de la CONCACAF” (par exemple: article I.5). E contrario, si le Règlement Gold Cup ne prévoit pas le contraire, c’est qu’il s’applique de manière uniforme à tous les participants à la compétition en cause.
- M. Florent Malouda n’est pas éligible pour évoluer au sein de l’équipe représentative de la LFG
Au cours de la présente procédure arbitrale, les Parties n’ont jamais contesté le fait que, sur la base de l’article V.2 du Règlement Gold Cup, les principes régissant l’éligibilité des joueurs trouvent leur siège à l’article 5.2 du Règlement d’application des Statuts de la FIFA, qui énonce que “Tout joueur qui a déjà pris part, pour une association, à un match international (en tout ou partie) d’une compétition officielle de quelque catégorie que ce soit ou de toute discipline de football que ce soit ne peut plus être aligné en match international par une autre association, sauf en cas d’exceptions comme stipulé ci-après à l’art. 8”.
Après avoir analysé les divers modes d’interprétation des textes applicables en la matière, la Formation arbitrale est d’avis que l’article 5.2 du Règlement d’application des Statuts de la FIFA doit être lu à la lumière du cadre limité de la Gold Cup et du statut spécifique de la LFG dans ce contexte. Pour les raisons évoquées plus haut, la LFG participe à ce championnat au même titre que toutes les autres “Associations Membres affiliées à la CONCACAF” et doit être traitée de la même manière. Ses liens avec la FFF ne sont absolument pas pertinents et ne peuvent pas être opposés à la CONCACAF et encore moins aux autres équipes sélectionnées. Le principe de l’égalité de traitement serait complètement faussé s’il en allait autrement. En effet et contrairement à ses adversaires, la LFG pourrait alors bénéficier des services de joueurs expérimentés ayant déjà évolué dans des matchs internationaux pour le compte de l’équipe A d’une autre association, ce qui lui donnerait un avantage considérable et biaiserait l’ensemble de la compétition.
On ne voit pas que les parties prenantes à la Gold Cup aient eu la volonté de traiter différemment (et donc de favoriser) des associations telles que la LFG, en raison de leur lien de subordination à une autre fédération, laquelle n’est - de surcroit - même pas membre de la CONCACAF. Ainsi, le renvoi que fait le Règlement Gold Cup à l’article 5.2 du Règlement d’application des Statuts de la FIFA ne peut être raisonnablement compris que dans le sens qu’un joueur ayant “déjà pris part, pour une association [en l’occurrence la FFF], à un match international (en tout ou partie) d’une compétition officielle de quelque catégorie que ce soit ou de toute discipline de football que ce soit” ne peut pas être aligné à la Gold Cup “par une autre association”, à savoir la LFG.
En l’espèce, il est admis que M. Florent Malouda a été sélectionné à de nombreuses reprises en équipe de France, avec laquelle il a participé notamment à plusieurs Championnats d’Europe de football et de Coupes du Monde. Il ne pouvait donc pas être aligné dans le match du 11 juillet 2017 opposant l’équipe représentative de la LFG et l’équipe du Honduras. Il ne pouvait pas l’ignorer au vu des nombreux avertissements reçus préalablement à sa titularisation. Il est donc pleinement responsable de ses actes et doit en assumer les conséquences.
- M. Florent Malouda ne peut pas se prévaloir de précédents qui auraient vu des joueurs déjà sélectionnés en équipe de France être autorisés à représenter leur ligue régionale
M. Florent Malouda se prévaut de cas de joueurs sélectionnés en équipe de France, qui, au regard de leur origine, auraient pu participer à la Gold Cup avec leur sélection régionale. De même, il voit une contradiction dans le fait qu’il est sanctionné pour avoir pris part au match contre le Honduras alors qu’il a pu participer à la première phase de la Gold Cup sans être inquiété.
En ce qui concerne le premier des deux arguments de M. Florent Malouda, ce dernier ne peut pas se prétendre victime d’une inégalité de traitement devant la réglementation applicable lorsque celle-ci est correctement appliquée à son cas. Il ne peut revendiquer une égalité dans l’illégalité que s’il y a lieu de prévoir que la CONCACAF persévérera dans l’inobservation de sa réglementation. Pour pouvoir être mis au bénéfice du principe de l’égalité dans l’illégalité, il aurait fallu que la CONCACAF n’ait pas respecté sa réglementation selon une pratique constante, et non pas dans un ou quelques cas isolés (par analogie arrêt du Tribunal fédéral 6B_440/2012 du 14 décembre 2012 et les arrêts cités).
En l’espèce, la Formation arbitrale relève que les cas auxquels se réfère M. Florent Malouda remontent - s’ils sont avérés - à plusieurs années. De même, ils sont isolés. Rien n’indique qu’à l’époque des faits, la réglementation était identique à celle qui a régi la Gold Cup 2017. En outre, la CONCACAF a immédiatement interpellé la LFG lorsqu’elle a réalisé que M. Florent Malouda figurait sur les listes des joueurs sélectionnés pour la phase finale de la compétition. Elle a clairement établi sa volonté de faire respecter l’article 5.2 du Règlement d’application des Statuts de la FIFA et rien ne permet d’affirmer que la CONCACAF s’écartera de cette réglementation à l’avenir.
111. Enfin, le fait que M. Florent Malouda ait pu participer à la première phase de la Gold Cup ne peut être opposé à la CONCACAF. En effet, l’organisation des “Compétitions Préliminaires” est de la responsabilité des Unions de la CONCACAF (Articles I.4, II du Règlement Gold Cup). Dans cette première phase, la CONCACAF n’est appelée à intervenir que pour les questions pour lesquelles les Unions demandent son assistance (article II.3 du Règlement Gold Cup). Il est regrettable que l’Union compétente n’ait pas appliqué à la lettre l’article 5.2 du Règlement d’application des Statuts de la FIFA, mais M. Florent Malouda ne peut en déduire aucun droit. En effet, dès le début de la phase finale, la LFG et M. Florent Malouda ont été informés de la non-éligibilité de ce dernier et des sanctions éventuelles en cas de titularisation du joueur. C’est donc en toute connaissance de cause et des conséquences éventuelles, que M. Florent Malouda a accepté de disputer le match du 11 juillet 2017 contre le Honduras.
c) Conclusion
112. La majorité de la Formation arbitrale retient donc que le recours formé par M. Florent Malouda devant le Comité de recours de la CONCACAF n’est pas recevable.
113. L’appel devant le TAS doit être rejeté sans autres considérations. Toutes requêtes et plus amples conclusions des Parties doivent être rejetées.
PAR CES MOTIFS
Le Tribunal Arbitral du Sport prononce:
1. L’appel déposé par M. Florent Malouda à l’encontre de la Décision du 26 juillet 2017 du Comité de Discipline de la CONCACAF est rejeté.
2. La Décision du 26 juillet 2017 du Comité de Discipline de la CONCACAF est confirmée.
3. (…).
4. (…).
5. Toutes les autres conclusions des Parties sont rejetées.
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