TAS-CAS – Tribunal Arbitral du Sport/Tribunale Arbitrale dello Sport – Court of Arbitration for Sport/Corte Arbitrale dello Sport (2018-2019) – tas-cas.org – atto non ufficiale – Arbitrage TAS 2018/A/5792 Youcef Sekour c. Ittihad Riadi de Tanger, sentence du 15 novembre 2018

Tribunal Arbitral du Sport Court of Arbitration for Sport
Arbitrage TAS 2018/A/5792 Youcef Sekour c. Ittihad Riadi de Tanger, sentence du 15 novembre 2018
Formation: Me Alexis Schoeb (Suisse), Arbitre unique
Football
Qualification d’une prime et détermination de son montant
Pouvoir d’examen du TAS
Détermination du droit applicable
Qualification d’une “prime d’engagement” selon la réglementation applicable
1. Une formation arbitrale du TAS peut statuer de novo sur l’objet de la décision attaquée. Elle n’est pas limitée à un simple examen de la légalité de cette décision, mais peut rendre une nouvelle décision sur la base des dispositions réglementaires ou légales applicables. Le pouvoir d’examen complet de la formation arbitrale est toutefois limité aux questions qui ont été traitées dans la décision attaquée.
2. Il découle de l’art. R58 du Code TAS que les questions litigieuses doivent, en priorité, être résolues par la formation arbitrale en application de la règlementation applicable au cas d’espèce. Les dispositions règlementaires topiques ont ainsi la primauté sur le droit éventuellement choisi par les parties, par exemple dans le contrat litigieux. Ce droit ne peut entrer en ligne de compte dans la résolution du litige que subsidiairement. En outre, dans l’hypothèse où la règlementation applicable (en vertu de l’art. R58 du Code TAS) contient elle-même une disposition destinée à déterminer le droit applicable, la combinaison des art. 187 al. 1 de la Loi fédérale sur le droit international privé, R58 du Code TAS et de la réglementation applicable entraîne l’application prioritaire de ladite règlementation applicable ainsi que l’application complémentaire (subsidiaire ou supplétive) du droit qu’elle désigne.
3. Si le règlement applicable de la fédération nationale concernée, outre le salaire mensuel et la prime dite “de match”, ne prévoit que deux autres types de primes: la “prime de signature” et la “prime de rendement”, dispose expressément qu’une prime de signature ne peut être convenue que pour une première saison et qu’elle ne peut pas être cumulée avec une prime de rendement pour la même saison et que les parties ont fait expressément référence à ce règlement dans leur contrat, une “prime d’engagement” convenue dans le contrat pour la deuxième saison ne peut pas être assimilée à une prime de signature et doit nécessairement être comprise comme étant une prime de rendement.
I. PARTIES
1. Monsieur Youcef Sekour (“l’Appelant” ou le “Joueur”) est un joueur de football professionnel, né le 27 février 1988, de nationalité marocaine.
2. Le club Ittihad Riadi de Tanger (“l’Intimé” ou le “Club”) est un club de football de première division (Botola Pro) affilié à la Fédération Royale Marocaine de Football (la “FRMF”).
II. FAITS À L’ORIGINE DU LITIGE
A. Du Contrat et de la rémunération du Joueur
3. Le 13 janvier 2016, le Joueur et le Club ont conclu un contrat de joueur professionnel de football valable du 13 janvier 2016 au 30 juin 2017 (le “Contrat”).
4. Selon l’article 5.1 du Contrat, la rémunération du Joueur se composait d’un salaire brut mensuel de 15’000 MAD (quinze mille Dirhams marocains) payable chaque fin de mois (cf. art. 5.1 let. a du Contrat) et, en particulier, des primes suivantes (soulignement dans l’original):
“(…)
b) -Une prime de match dont le montant est fixé par le barème des primes du club et qui est fonction de la participation du joueur et des résultats obtenus lors de chacune des rencontres officielles des compétitions suivantes:
 Championnat du Maroc;
 Coupe du Trône;
 Compétitions CAF;
 Compétitions FIFA.
Et ce, conformément au barème établi par le club.
c) -Une prime de signature du contrat pour la saison sportive 2015-2016:
Quatre Cent Mille Dirhams (400.000,00 Dhs) payable en Deux Tranches comme suit:
 1ère Tranche de: (Deux Cent Mille Dirhams) 200.000,00 Dhs payable à la signature de contrat et suivant l’annexe G du règlement du statut et du transfert du joueur appliqué par la FRMF;
 2ème Tranche de: (Deux Cent Mille Dirhams) 200.000,00 Dhs payable après la fin du mois Février 2016 et suivant l’annexe G du règlement du statut et du transfert du joueur appliqué par la FRMF;
- Une prime d’engagement pour la saison sportive 2016-2017:
Neuf Cent Mille Dirhams (900.000,00 Dhs) payable en Deux Tranches comme suit:
 1ère Tranche de: (Quatre Cent Cinquante Mille Dirhams) 450.000,00 Dhs payable après la fin du Mois Aout 2016 et suivant l’annexe G du règlement du statut et du transfert du joueur appliqué par la FRMF;
 2ème Tranche de: (Quatre Cent Cinquante Mille Dirhams) 450.000,00 Dhs payable après la fin du mois Février 2017 et suivant l’annexe G du règlement du statut et du transfert du joueur appliqué par la FRMF;
(…)” [sic].
5. En plus du salaire et des primes éventuelles, l’article 5.2 du Contrat prévoyait que “le joueur bénéficie mensuellement du montant du loyer égal à 4000 dh (Quatre mille dirhams), tout au long de la durée du contrat”.
6. Aucune des parties ne conteste que la prime de signature a bien été versée au Joueur.
7. Le 16 septembre 2016, le Club a par ailleurs versé au Joueur un montant de 200’000 MAD à titre de paiement partiel de la prime d’engagement.
8. Le 13 avril 2017, le Club a remis au Joueur un chèque de 400’000 MAD. Les parties sont toutefois en désaccord sur le motif du versement: selon le Joueur, il s’agissait d’un second paiement au titre de la prime d’engagement tandis que selon le Club, ce montant concernait vraisemblablement des arriérés de paiement. Le Club n’a toutefois pas été en mesure d’apporter davantage de précisions sur ce point.
9. Quoi qu’il en soit, le Joueur indique n’avoir pas été en mesure d’encaisser le chèque en raison de l’insolvabilité du Club.
B. De la plainte du Joueur auprès de la Chambre Nationale de Résolution des Litiges de la FRMF
10. En date du 18 novembre 2017, après une mise en demeure du Club restée infructueuse, le Joueur a déposé une plainte auprès de la Chambre Nationale de Résolution des Litiges de la FRMF (la “CNRL”) afin d’obtenir la condamnation du Club au paiement des montants suivants:
“(…) 4 mois d’arriérés de salaire: 15.000 Dhs x 4 = 60.000 Dhs
Prime de rendement: 700.000 Dhs
5 mois de loyer = 4000 x 5 = 20.000 Dhs
Prime 2ème tour de CAF = montant non mentionné dans le contrat (…)”.
11. Par décision No 449 du 23 février 2018, la CNRL a condamné le Club au paiement des montants suivants:
“(…) Les frais de litige: 1.500dhs
*04 mois de salaire: 60.000dhs
*prime de rendement: 411.764,70dhs
* 05 mois de loyer: 20.000dhs (…)”.
12. En substance, la CNRL a considéré que la prime, dite de “rendement”, devait être calculée selon “la participation du joueurs aux matchs”, soit 20 matchs sur 34 matchs officiels.
C. De l’appel du Joueur auprès de la Commission Centrale d’Appel de la FRMF
13. En date du 10 avril 2018, le Joueur a déposé un appel contre la décision de la CNRL du 23 février 2018 auprès de la Commission Centrale d’Appel de la FRMF (la “CCA”). Le Joueur a notamment demandé le versement de la prime “d’engagement” prévue par le Contrat.
14. En date du 9 mai 2018, la CCA a rendu la décision No 128/17-18 (ci-après, la “Décision du 09/05/2018 No 128/17-18”) par laquelle elle a rejeté l’appel du Joueur et a ainsi confirmé la décision de la CNRL du 23 février 2018.
15. La CCA s’est estimée liée par le contenu de la plainte du Joueur déposée auprès de la CNRL et a considéré que l’Appelant ne pouvait pas qualifier la prime “d’engagement” alors qu’il l’avait désignée comme étant une prime de “rendement” devant la CNRL.
III. PROCÉDURE DEVANT LE TRIBUNAL ARBITRAL DU SPORT
16. En date du 15 juin 2018, l’Appelant a déposé auprès du Greffe du TAS une déclaration d’appel à l’encontre de la Décision du 09/05/2018 No 128/17-18 (la “Déclaration d’appel”).
17. Par courrier du 20 juin 2018, le Greffe du TAS a accusé réception de la Déclaration d’appel et en a fait parvenir une copie à l’attention de l’Intimé.
18. Par courrier du même jour, le Greffe du TAS a informé la FRMF de ladite déclaration d’appel et de la possibilité que la FRMF intervienne comme partie au présent arbitrage conformément à l’art. R41.3 du Code de l’arbitrage en matière de sport (le “Code”).
19. Par acte du 26 juin 2018, l’Appelant a fait parvenir au Greffe du TAS son mémoire d’appel accompagné des pièces afférentes.
20. Par courrier du 27 juin 2018, le Greffe du TAS a accusé réception du mémoire d’appel et en a fait parvenir une copie à l’attention de l’Intimé avec une invitation à produire une réponse dans un délai de vingt jours conformément à l’article R55 du Code.
21. Le 6 juillet 2018, le TAS a confirmé que la Présidente de la Chambre d’appel avait décidé que l’affaire devrait être portée devant un arbitre unique.
22. Par acte du 16 juillet 2018, l’Intimé a fait parvenir au Greffe du TAS son mémoire de réponse ainsi que ses annexes.
23. Par courrier du 19 juillet 2018, le Greffe du TAS a accusé réception de la réponse de l’Intimé et en a fait parvenir une copie à l’attention de l’Appelant.
24. Par courrier du 22 juillet 2018, l’Appelant a informé le Greffe du TAS de son souhait qu’une audience soit tenue et si possible par vidéo-conférence.
25. Par courrier du 26 juillet 2018, le TAS a confirmé que l’arbitre unique désigné pour décider de la procédure d’appel était Me Alexis Schoeb, Avocat à Genève, Suisse.
26. Par courrier du 4 septembre 2018, l’Intimé a également requis de pouvoir participer à l’audience par téléconférence.
27. Par courrier du 4 septembre 2018, le Greffe du TAS a convoqué les parties à l’audience d’instruction et de jugement fixée au 14 septembre 2018 par téléphone.
28. Une audience a été tenue le 14 septembre 2018 à Lausanne et par téléphone (ci-après, “l’Audience”). Outre la présence de la conseillère TAS en charge de la procédure, Me Delphine Deschenaux-Rochat, ainsi que de l’arbitre unique, Me Alexis Schoeb, les personnes suivantes ont assisté à l’Audience:
 L’Appelant, assisté par son conseil Me Laurent Denis, Avocat à Bruxelles, Belgique.
 Pour l’Intimé, M. Abdelkader Khaddor, directeur général.
29. Au début de l’Audience, les parties ont confirmé n’avoir aucune objection quant à la composition du tribunal arbitral.
30. A la fin de l’Audience, les parties ont toutes deux confirmé que leur droit d’être entendu avait été respecté.
IV. POSITION DES PARTIES
31. Les arguments des parties, développés tant dans leurs écritures respectives que lors de l’Audience, seront résumés ci-dessous. Si seuls les arguments essentiels sont exposés ci-après, tous les arguments ont naturellement été pris en compte par l’arbitre unique, y compris ceux auxquels il n’est pas fait expressément référence.
A. Les conclusions et les arguments développés par l’Appelant
32. Dans sa déclaration d’appel, l’Appelant formule les conclusions suivantes (mise en évidence en original):
“1.
Monsieur Y. SEKOUR considère qu’il y a lieu de réformer substantiellement la décision dont appel (Pièce 2) comme suit:
Condamner IR DE TANGER au paiement du solde de la prime d’engagement (soit, 7000.000 Dirhams) (en vertu de l’article 5.1 (c) du contrat d’engagement de joueur professionnel) (Pièce 5)
Condamner l’IR DE TANGER aux entiers frais d’arbitrage (y compris le droit de greffe de 1.000 CHF) engendrés dans le cadre de la présente procédure;
Condamner l’IR DE TANGER au paiement d’une somme ex aequo et bono de 5.000 CHF valant contribution aux frais de défense exposés par Monsieur Y. SEKOUR dans le cadre de la présente procédure.
2.
Au surplus, sans faire appel sur ce, la décision dont appel (Pièce 2) est confirmée sur ce qui suit:
Condamnation de l’IR DE TANGER au paiement des sommes suivantes:
60.000 Dirhams nets (c’est-à-dire quatre salaires mensuels fixes nets dus, soit 4x 15.000 Dirhams) (en vertu de l’article 5.1 du contrat d’engagement de joueur professionnel) (Pièce 5)
20.000 Dirhams nets (c’est-à-dire cinq loyers mensuels dus, soit 5x 4.000 Dirhams) (en vertu de l’article 5.2 du contrat d’engagement de joueur professionnel) (Pièce 5)
1.500 Dirhams valant frais du litige devant la Chambre Nationale de Résolution des Litiges de la Fédération Royale Marocaine de Football”.
33. Au terme de son mémoire d’appel, l’Appelant formule les conclusions suivantes:
“S’ENTENDRE dire le recours recevable et fondé.
S’ENTENDRE condamner l’IR TANGER au paiement du solde de la prime d’engagement chiffrée à 700.000 Dirhams à Monsieur Y. SEKOUR.
S’ENTENDRE rejeter tout autre argumentation en fait / en droit de l’IR TANGER.
S’ENTENDRE condamner l’IR TANGER à supporter les entiers frais d’arbitrage (y compris le droit de greffe de 1.000 CHF) engendrés dans le cadre de la présente procédure.
S’ENTENDRE condamner l’IR TANGER au paiement d’une somme ex aequo et bono de 5.000 CHF valant contribution aux frais de défense exposés par Monsieur M. Y. SEKOUR dans le cadre de la présente procédure”.
34. Au cours de l’Audience, l’Appelant a précisé ses conclusions dans le sens que son appel ne porte au fond que sur le point resté litigieux devant la CCA, à savoir la qualification et le montant de “prime de rendement: 700’000 dirhams”. Au surplus, l’Appelant a maintenu les conclusions formulées au terme de son mémoire d’appel.
35. Les arguments que l’Appelant fournit à l’appui de son appel peuvent être résumés comme suit:
 L’Appelant a épuisé les voies de recours internes contre la Décision du 09/05/2018 No 128/17-18, laquelle a été notifiée aux parties en date du 28 mai 2018. Par conséquent, le TAS est compétent pour trancher le présent litige.
 En vertu du Contrat ainsi que de l’art. R58 du Code, le droit applicable est “la législation sociale marocaine en vigueur (le Code du Travail marocain), les Statuts et les Règlements de la FIFA (et, à titre supplétif, le droit suisse)”.
 La prime de rendement prévu par l’annexe G du Règlement du Statut et du Transfert des Joueurs de la FRMF “ne peut être octroyée qu’à l’issue de la saison sportive” et “se calcule en fonction des performances sportives du joueur”, alors que la prime d’engagement définie par le Contrat et payable en deux échelonnements égaux en cours de saison “s’assimile en réalité à une prime de signature voire une prime de fidélité laquelle n’est pas susceptible de variation en fonction des performances sportives de Monsieur Y. SEKOUR” (soulignement dans l’original).
 La saison 2016/2017 a débuté le 26 août 2016 et s’est terminée le 28 mai 2017. Or, la prime d’engagement est payée en deux échelonnements égaux: le premier au plus tard le 31 août 2016 (soit à peine 5 jours après le début de la saison sportive 2016/2017) et le second au plus tard le 28 février 2017 (soit plus de trois mois avant la fin de la saison 2016/2017). La prime d’engagement n’était donc pas due à l’issue de la saison 2016/2017.
 Le Joueur a reçu un chèque de 200’000 MAD en date du 16 septembre 2016. En outre, un second chèque de 400’000 MAD a été remis au Joueur par le Club en date du 13 avril 2017 mais n’a pas pu être encaissé. Selon l’Appelant, tant les dates d’émissions des chèques, lesquelles sont bien antérieures à la date de la fin de la saison 2016/2017, que le “début d’exécution du paiement de la prime d’engagement indépendamment des performances sportives de Monsieur Y. SEKOUR” démontrent que le solde de 700’000 MAD était dû au Joueur.
 Le libellé de la clause litigieuse est similaire à celui de la clause de prime de signature pour la première saison, soit “une somme fixe et forfaitaire dont paiement en deux échelonnement égaux” et se distingue ainsi des primes variables et d’objectifs qui sont tributaires des performances et des résultats sportifs.
 Finalement, l’Appelant critique la Décision du 09/05/2018 No 128/17-18 dans la mesure où la CCA aurait limité “son argumentation sous un angle purement (abusivement) formel, à savoir, le soi-disant rejet d’une nouvelle demande différente de l’action originaire”, contrairement au TAS qui “dispose d’un pouvoir de juridiction ab initio et de novo l’autorisant à prendre en compte la position développée” par l’Appelant dans son mémoire d’appel.
36. Lors de l’Audience, le Joueur a lui-même expliqué que les parties avait convenu de deux primes forfaitaires avant la signature du contrat. Toutefois, puisque la règlementation applicable ne permettait pas de cumuler deux primes lors de la première saison et que la prime de signature n’était possible que pour la première saison, les parties auraient alors convenu de désigner la seconde prime en tant que “prime d’engagement” payable au cours de la seconde saison.
B. Les conclusions et les arguments développés par l’Intimé
37. Dans sa réponse, l’Intimé ne conteste pas la compétence du TAS pour trancher le présent litige et formule les conclusions suivantes:
“(…)
- Considéré ses arguments comme injustifiés pour l’objet de son appel;
- Confirmer la décision de la Commission Centrale d’appel de la FRMF (PV N° 128/17-18 du 9 mai 2018);
- Mettre à la charge de L’appelant tous les Frais d’arbitrage, Droit de Greffe, et de Défense ainsi que toutes les Dépenses générées par la procédure de ce dossier de litige”.
38. A l’appui de sa réponse, l’Intimé soutient en substance ce qui suit:
 L’Appelant n’a pas procédé à une interprétation correcte de l’article 16 du code de travail marocain car le contrat de joueur n’a pas un caractère saisonnier. En effet, l’activité du club n’est pas saisonnière mais durable et ce n’est que la compétition qui se pratique par saison.
 L’Appelant tente de faire un rapprochement entre le cas TAS 2016/A/4569 et le présent litige alors qu’il s’en distingue nettement. En particulier, dans le cas TAS 2016/A/4569, le club concerné avait résilié unilatéralement le contrat d’un joueur avant son terme et sans aucun motif.
 L’assimilation de la prime d’engagement à la prime de signature et la qualification de “prime de fidélité” est un choix de l’Appelant alors que la réglementation spécifie clairement qu’une prime de signature ne peut être due que pour la première année de contrat et que la prime due pour la deuxième saison ne peut être qu’une prime de rendement.
 Le Contrat spécifie clairement que le Joueur devait être rémunéré comme suit:
i. une prime de signature de 400.000.00 MAD pour la 1ère saison sportive 2015-2016, comme le prévoit l’annexe G du RSTJ de la FRMF, payée en 2 tranches alors même “que la prime de signature est due à la signature”;
ii. une prime annuelle de 900.000.00 MAD pour la 2ème et dernière saison sportive 2016-2017, appelée “prime d’engagement” par les parties et payées “selon les conditions et la formule de la prime de rendement pour chacune de ses tranches et qui sont détaillées dans l’annexe G du règlement”.
 Les deux parties se sont mises d’accord sur le fait que la prime de la 2ème saison sportive de 900’000 Dirhams soit répartie et payée en deux tranches comme dans le cas de la prime de signature et que la réglementation de la FRMF ne s’oppose pas à cette manière de répartir ce montant en deux versements.
 L’Appelant a lui-même confirmé ce qui avait été convenu entre les parties pour la prime annuelle de la deuxième saison sportive 2016-2017 en la qualifiant de prime de rendement dans le courrier de mise en demeure adressé au club ainsi que dans sa réclamation à l’encontre du club devant la CNRL. Selon l’Intimé, “on ne peut pas imputer cette appellation de la prime de ‘rendement’ par le joueur à son oubli ou sa malveillance”.
 Dans une circulaire datée du 4 juillet 2017 et adressée aux clubs affiliés à la FRMF, la FRMF a clairement précisé que “les éléments constitutifs de la rémunération d’un joueur professionnel sont: le salaire mensuel, la prime de signature du contrat et les primes dites de performances”. Selon cette circulaire, la prime de rendement est “une prime dont le montant par saison sportive est calculé en fonction de la participation du joueur et des résultats obtenus lors des compétitions officielles disputées par le club”.
39. Lors de l’Audience, l’Intimé a déclaré que le chèque daté du 16 septembre 2016 de 200’000 MAD était une avance sur la prime d’engagement versée au Joueur et que le solde de ladite prime lui était dû à la fin de la saison, payable en application de l’annexe G du Règlement. En revanche, le chèque du 13 avril 2017 de 400’000 MAD n’était pas en lien avec la prime d’engagement.
V. COMPÉTENCE ET POUVOIR D’EXAMEN DU TAS
40. L’art R47 du Code prévoit ce qui suit:
“Un appel contre une décision d’une fédération, association ou autre organisme sportif peut être déposé au TAS si les statuts ou règlements dudit organisme sportif le prévoient ou si les parties ont conclu une convention d’arbitrage particulière et dans la mesure aussi où la partie appelante a épuisé les voies de droit préalables à l’appel dont il dispose en vertu des statuts ou règlements dudit organisme sportif”.
41. En l’espèce, l’Appelant a tout d’abord obtenu, conformément aux Statuts de la FRMF, une décision de la CNRL, à laquelle il a fait appel par devant la CCA, épuisant ainsi les instances internes de la FRMF.
42. En outre, les Statuts de la FRMF (art. 70 en particulier) prévoient la possibilité d’interjeter appel contre une telle décision devant le TAS.
43. L’Intimé n’a pas contesté la compétence du TAS pour décider du présent litige. Les parties ont par ailleurs expressément reconnu la compétence du TAS par la signature de l’ordonnance de procédure.
44. Eu égard à ce qui précède, le TAS a compétence pour décider du présent litige.
45. L’arbitre unique a en outre un pouvoir d’examen complet, l’article R57 du Code prévoyant que “(l)a Formation revoit les faits et le droit avec plein pouvoir d’examen. Elle peut soit rendre une nouvelle décision se substituant à la décision attaquée, soit annuler cette dernière et renvoyer la cause à l’autorité qui a statué en dernier”.
46. L’arbitre unique peut ainsi statuer de novo sur l’objet de la décision attaquée. Il n’est pas limité à un simple examen de la légalité de cette décision, mais peut rendre une nouvelle décision sur la base des dispositions réglementaires ou légales applicables (cf. MAVROMATI/REEB, The Code of the Court of Arbitration for Sport, 2015, p. 507, N 12).
47. Le pouvoir d’examen complet de l’arbitre unique est toutefois limité aux questions qui ont été traitées dans la décision attaquée (cf. MAVROMATI/REEB, op. cit., p. 522, N 55).
48. En l’espèce, l’Appelant a émis les mêmes prétentions envers l’Intimé devant le TAS et durant la procédure qui a précédé la saisine du TAS, que ce soit devant la CNRL ou la CCA.
49. Par conséquent, l’arbitre unique peut revoir de novo la décision attaquée sans limitation, en tant qu’elle concerne les mêmes prétentions formulées par l’Appelant contre l’Intimé devant le TAS et les instances précédentes.
VI. RECEVABILITÉ
50. L’art. R49 du Code prévoit ce qui suit:
“En l’absence de délai d’appel fixé par les statuts ou règlements de la fédération, de l’association ou de l’organisme sportif concerné ou par une convention préalablement conclue, le délai d’appel est de vingt-et-un jours dès la réception de la décision faisant l’objet de l’appel. (…)”.
51. L’art. R51 du Code prévoit ce qui suit:
“Dans les dix jours suivant l’expiration du délai d’appel, la partie appelante soumet au Greffe du TAS un mémoire contenant une description des faits et des moyens de droit fondant l’appel, accompagné de toutes les pièces et offres de preuves qu’elle entend invoquer. Alternativement, la partie appelante doit informer par écrit le Greffe du TAS dans le même délai que la déclaration d’appel doit être considérée comme mémoire d’appel. L’appel est réputé avoir été retiré si la partie appelant ne se conforme pas à ce délai. (…)”.
52. Selon l’art. 70.1 des Statuts de la FRMF, “(…) tout appel interjeté contre une décision définitive et contraignante sera entendu par le Tribunal Arbitral du Sport (TAS) à Lausanne (Suisse). Le délai d’appel est de vingt-et-un (21) jours à compter de la notification ou de la publication de la décision contestée (…)”.
53. En l’espèce, le délai pour déposer la déclaration d’appel était donc de 21 jours à compter du jour de la notification ou de la publication de la décision contestée. En outre, dans les dix jours suivant l’expiration du délai d’appel, l’Appelant devait soumettre au Greffe du TAS son mémoire d’appel.
54. La CCA a rendu la Décision du 09/05/2018 No 128/17-18 le 9 mai 2018. Selon l’Appelant, la décision litigieuse a toutefois été notifiée aux parties en date du 28 mai 2018, ce qui n’est pas contesté pas l’Intimé.
55. En date du 15 juin 2018, soit 18 jours après la date présumée de la notification de la Décision du 09/05/2018 No 128/17-18, l’Appelant a déposé une déclaration d’appel auprès du Greffe du TAS.
56. En date du 26 juin 2018, soit 8 jours après l’expiration du délai d’appel, l’Appelant a déposé son mémoire d’appel auprès du Greffe du TAS.
57. Il résulte de ce qui précède, notamment en l’absence d’élément permettant de douter de la date de la notification de la décision dont il est fait appel et en l’absence de contestation de la part de l’Intimé sur ce point, que le délai d’appel prévu à l’art. 70.1 des Statuts de la FRMF et le délai pour le dépôt du mémoire d’appel ont bien été respectés par l’Appelant.
58. Par conséquent, l’appel est ainsi recevable.
VII. DROIT APPLICABLE
59. L’art. 187 al. 1 de la Loi fédérale sur le droit international privé (LDIP) prévoit que “le tribunal arbitral statue selon les règles de droit choisies par les parties ou, à défaut de choix, selon les règles de droit avec lesquelles la cause présente les liens les plus étroits”.
60. Conformément à l’art. R58 du Code, “la Formation statue selon les règlements applicables et, subsidiairement, selon les règles de droit choisies par les parties, ou à défaut de choix, selon le droit du pays dans lequel la fédération, association ou autre organisme sportif ayant rendu la décision attaquée a son domicile ou selon les règles de droit que la Formation estime appropriées. Dans ce dernier cas, la décision de la Formation doit être motivée”.
61. Il découle de l’art. R58 du Code que les questions litigieuses doivent, en priorité, être résolues par la Formation en application de la règlementation applicable au cas d’espèce. Les dispositions règlementaires topiques ont ainsi la primauté sur le droit éventuellement choisi par les parties, par exemple dans le contrat litigieux. Ce droit ne peut entrer en ligne de compte dans la résolution du litige que subsidiairement, comme le précise l’art. R58 du Code (voir HAAS U., Applicable law in football-related disputes - The relationship between the CAS Code, the FIFA Statutes and the agreement of the parties on the application of national law, Bulletin TAS 2015/2, pp. 7ss, spéc. pp. 10ss).
62. En outre, dans l’hypothèse où la règlementation applicable (en vertu de l’art. R58 du Code) contient elle-même une disposition destinée à déterminer le droit applicable, la combinaison des art. 187 al. 1 LDIP, R58 du Code et de la réglementation applicable entraîne l’application prioritaire de ladite règlementation applicable ainsi que l’application complémentaire (subsidiaire ou supplétive) du droit qu’elle désigne (voir dans ce sens HAAS U., op. cit., pp. 13ss).
63. En l’espèce, la décision attaquée émanant de la FRMF, les règlements de cette dernière devraient a priori être applicables, cas échéant le droit marocain à titre subsidiaire. Toutefois, l’arbitre unique constate que tant le Contrat que les Statuts de la FRMF font également référence aux règlements de la FIFA. En outre, les parties ont fait référence aux Statuts de la FIFA dans leurs mémoires respectifs soumis au TAS.
64. Eu égard à ce qui précède, l’arbitre unique appliquera d’abord et avant tout les règles et règlements de la FRMF et de la FIFA. C’est uniquement à titre subsidiaire, soit pour traiter des points non réglés par la réglementation applicable concernée, qu’il se référera au droit marocain et au droit suisse.
65. La question de la réglementation pertinente applicable au présent litige doit être tranchée, dans la mesure où l’Appelant s’est référé à la version 2017 du Règlement du statut et du transfert des joueurs de la FMRF alors que l’Intimé s’est référé à la version 2015-2016 du Règlement du statut et du transfert des joueurs de la FMRF.
66. Lors de l’Audience, sur question de l’arbitre unique, les parties ont convenu que seule la version 2015-2016 dudit règlement devait être appliquée au présent litige, en tant que règlement en vigueur au moment de la signature et pendant la durée de validité du contrat.
67. Par conséquent, il se sera fait uniquement référence à la version 2015-2016 du Règlement du statut et du transfert des joueurs de la FMRF (ci-après, le “Règlement”).
VIII. AU FOND
68. L’arbitre unique prend note du fait que seules les questions de la qualification de la “prime d’engagement pour la saison sportive 2016-2017” (cf. art. 5.1 let. c 2ème paragraphe du Contrat) et de son montant sont restées litigieuses entre les parties et font l’objet du présent appel.
69. Dès lors, l’arbitre unique se limitera à traiter ces deux points dans les lignes qui suivent.
A. La qualification de la prime litigieuse
70. En vertu de l’art. 5.1 let. c du Contrat, les parties ont convenu que le Joueur avait droit à une “prime de signature du contrat Pour la saison sportive 2015-2016” ainsi qu’à une “prime d’engagement pour la saison sportive 2016-2017”, comme suit:
“Une prime de signature du contrat Pour la saison sportive 2015-2016:
Quatre Cent Mille Dirhams (400.000,00Dhs) payable en Deux tranches comme suit:
 1ère Tranche de: (Deux Cent Mille Dirhams) 200.000,00 Dhs payable à la signature du contrat et suivant l’annexe G du règlement du statut et du transfert du joueur appliqué par la FRMF;
 2ème Tranche de: (Deux Cent Mille Dirhams) 200.000,00 Dhs payable après la fin du mois Février 2016 et suivant l’annexe G du règlement du statut et du transfert du joueur appliqué par la FRMF;
Une Prime d’engagement pour la saison sportive 2016-2017:
Neuf Cent Mille Dirhams (900.000,00 Dhs) payable en Deux Tranches comme suit:
 1ère Tranche de: (Quatre Cent Cinquante Mille Dirhams) 450.000,00 Dhs payable après la fin du Mois Aout 2016 et suivant l’annexe G du règlement du statut et du transfert du joueur appliqué par la FRMF;
 2ème Tranche de: (Quatre Cent Cinquante Mille Dirhams) 450.000,00 Dhs payable après la fin du mois Février 2017 et suivant l’annexe G du règlement du statut et du transfert du joueur appliqué par la FRMF”.
71. Il apparaît ainsi qu’outre le salaire mensuel et la prime de match, les parties avaient convenu du versement au Joueur d’une prime de signature pour la saison 2015-2016 et d’une prime dite “d’engagement” pour la saison 2016-2017.
72. Selon l’Appelant, la prime d’engagement est une prime fixe et forfaitaire payable en deux échelonnements égaux en cours de saison qui “s’assimile en réalité à une prime de signature voire une prime de fidélité laquelle n’est pas susceptible de variation en fonction des performances sportives de Monsieur Y. SEKOUR”’.
73. Pour l’Intimé, la prime annuelle de 900.000.00 MAD pour la 2ème et dernière saison sportive 2016-2017 avait été appelée “prime d’engagement” mais elle ne peut être assimilée à une “prime de fidélité” car la “réglementation spécifie clairement que la prime de signature n’est redevable au joueur que pour la première année de son contrat et la deuxième saison et après n’est autre que la prime de rendement”.
74. D’après les déclarations du Joueur au cours de l’Audience, les parties avaient convenu de deux primes forfaitaires et avait désigné la seconde comme étant une “prime d’engagement” dans leur Contrat, car celui-ci ne pouvait pas contenir deux primes de signatures en vertu de l’annexe G du Règlement.
75. Selon l’art. 20 par. 6 du Règlement: “Les règles de rémunération d’un joueur dans le cadre d’un contrat professionnel obéissent aux dispositions édictées en ANNEXE G”. Par conséquent, il apparaît que la question de la rémunération est exhaustivement réglementée par l’annexe G du Règlement.
76. En particulier, l’annexe G (“Modalités de rémunération des joueurs professionnels”) du Règlement stipule ce qui suit (mise en évidence dans l’original):
“Article G-1: Éléments de rémunération
Les éléments de rémunération d’un joueur professionnel sont:
• Le salaire mensuel;
• La prime dite “de match”;
• La prime dite “de signature”;
• La prime dite “de rendement”;
Article G-2: Définitions
(…)
Prime de signature:
1. On entend par prime de signature de contrat la prime que le joueur peut percevoir au titre de la première saison d’un contrat nouvellement signé et exclusivement au titre de cette première saison.
2. Lorsqu’une prime de signature figure sur un contrat, elle est payable, pour moitié, avant la fin des matchs allers du championnat et pour moitié avant la fin de la première saison sportive du contrat.
3. Le montant de la prime de signature est fixe et indépendant du rendement du joueur au titre de la première saison.
Prime de rendement:
1. La prime de rendement est une prime dont le montant par saison peut être convenu entre le joueur professionnel et son club à la signature du contrat.
2. Un contrat de joueur ne peut cumuler, au titre d’une première saison, une prime de rendement et une prime de signature (seule l’une ou l’autre de ces primes doit figurer sur le contrat).
(…)”.
77. Il s’ensuit qu’en vertu de l’Annexe G du Règlement, outre le salaire mensuel et la prime dite “de match”, il n’est prévu que deux autres types de primes: la “prime de signature” et la “prime de rendement”.
78. Ces deux types de prime se distinguent avant tout par le fait que la prime de signature peut être perçue “au titre de la première saison d’un contrat nouvellement signé et exclusivement au titre de cette première saison”, alors que la prime de rendement ne peut être convenue que pour les saisons successives. En effet, selon l’Annexe G du Règlement, “un contrat de joueur ne peut cumuler, au titre d’une première saison, une prime de rendement et une prime de signature (seule l’une ou l’autre de ces primes doit figurer sur le contrat)” (cf. art. G-2 de l’Annexe G du Règlement).
79. Ainsi, l’Annexe G du Règlement prévoit expressément qu’une prime de signature ne peut être convenue que pour une première saison et qu’elle ne peut pas être cumulée avec une prime de rendement pour la même saison.
80. En l’espèce, les parties ont fait expressément référence à l’Annexe G du Règlement dans leur Contrat et, au vu de leurs déclarations, n’ignoraient pas que celui-ci ne pouvait pas prévoir le cumul de deux primes pour la première saison ni le versement d’une seconde prime de signature pour la deuxième saison.
81. Par conséquent, en vertu de l’Annexe G du Règlement, la “prime d’engagement” convenue dans le Contrat ne peut pas être assimilée à une “prime de signature” et doit nécessairement être comprise comme étant une “prime de rendement”.
B. Le montant de la prime litigieuse
82. L’art. G-2 de l’Annexe G du Règlement stipule ce qui suit (mise en évidence dans l’original):
“(…)
Prime de rendement:
(…)
4. Sous réserve de l’existence d’une prime annuelle de rendement dans le contrat liant le joueur et le club et sous réserve des dispositions de l’alinéa 5 du présent article, la prime de rendement (“PRR”) due à un joueur au titre d’une saison sportive est égale à:
PRR = MRf * (MP) / (MO)
MRf: Montant de référence, en Dirhams, de la prime de rendement arrêtée entre le club et le joueur à la signature du contrat.
MP: Nombre de matchs officiels (Championnat, coupe du Trône, Compétitions de la CAF, Compétitions de la FIFA) pour lesquels le joueur a figuré sur la feuille de match;
MO: Nombre de matchs officiels (Championnat, coupe du Trône, Compétitions de la CAF, Compétitions de la FIFA) disputés par le club au cours de la saison;
Cette prime est alors payée selon les modalités suivantes:
• 50 % du MRf est versé avant la fin des matches aller;
• Le reliquat de la prime (égal à PRR— MRf) est versé à la fin de la saison.
(…)”.
83. L’Annexe G du Règlement propose ainsi un calcul de prime de rendement (“PRR”) qui est basé sur un montant de référence (“MRf”) et sur le ratio entre le nombre de matchs officiels pour lesquels le joueur a figuré sur la feuille de match et le nombre de matchs officiels disputés par le club au cours de la saison. Cette prime de rendement est alors payée comme suit: i) la moitié du MRf est “versé avant la fin des matches aller” et ii) le solde de la prime (PRR— MRf) “est versé à la fin de la saison”.
84. L’arbitre unique constate toutefois que rien dans l’Annexe G du Règlement n’indique que les parties ne pouvaient pas s’accorder sur des modalités différentes de calcul et de payement de ladite prime de rendement. Au contraire, l’Annexe G du Règlement réserve expressément un accord des parties sur ce point (“Sous réserve de l’existence d’une prime annuelle de rendement dans le contrat liant le joueur et le club (…)”; cf. art. G-2 de l’Annexe G du Règlement, Prime de rendement, para. 4).
85. Par ailleurs, rien dans l’Annexe G du Règlement n’empêche les parties de prévoir une prime de rendement avec un montant fixé forfaitairement pour la seconde saison. En effet, l’Annexe G du Règlement se limite à indiquer que “la prime de rendement est une prime dont le montant par saison peut être convenu entre le joueur professionnel et son club à la signature du contrat” (cf. art. G-2 de l’Annexe G du Règlement, Prime de rendement, para. 1).
86. Les parties pouvaient dès lors s’accorder sur un montant fixé indépendamment du calcul d’une prime de rendement tel que décrit dans l’Annexe G du Règlement et convenir de modalités de paiement différentes.
87. En l’espèce, les parties ont fait usage de cette liberté contractuelle puisqu’elles ont désigné la prime litigieuse différemment (prime “d’engagement”) et ont prévu des modalités de paiement qui s’écartent de l’Annexe G du Règlement, à savoir un montant de 900’000 Dirhams qui devait être versé au Joueur en deux tranches égales de 450’000 Dirhams en cours de saison 2016/2017 (“après la fin du mois d’août 2016” et “après la fin du mois de février 2017”).
88. L’arbitre unique souligne que le libellé de la clause concernant la prime d’engagement est quasi-identique au libellé de la clause concernant la prime de signature. L’Intimé l’a d’ailleurs confirmé dans son écriture en précisant que “les deux parties joueur et club se sont mis d’accord aussi à ce que cette prime de la 2ème saison sportive de 900.000.00 soit répartie et payée en deux tranches comme c’était le cas de la prime de signature, et la règlementation de la FRMF ne s’oppose pas à cette manière de la répartition”.
89. L’arbitre unique note par ailleurs que le Contrat qui contient un renvoi général à l’Annexe G du Règlement (cf. art. 5 C du Contrat: “(…) et suivant l’annexe G du règlement du statut et du transfert du joueur appliqué par la FRMF”) ne précise toutefois pas si le montant de 900’000 MAD devait être compris comme étant un “montant de référence” pour l’éventuel calcul d’une prime de rendement. Le dossier ne contient aucun élément permettant de conclure que les parties avaient convenu d’un “montant de référence” au sens de l’Annexe G du Règlement et non d’un montant forfaitaire.
90. De même, le Contrat ne précise pas si les deux tranches de paiement devaient correspondre à un premier acompte et, respectivement, à un solde des montants dus au Joueur à la fin de la saison en fonction de ses performances (soit le “reliquat de la prime (égal à PRR— MRf)”, selon la formule consacrée par l’Annexe G du Règlement). A ce propos également, le dossier ne contient pas d’éléments permettant de conclure différemment.
91. En définitive, le fait que les parties aient, d’une part, désigné la prime litigieuse comme étant une “prime d’engagement” et fixé son montant à 900’000 MAD sans autre précision et, d’autre part, convenu du versement de ladite prime en deux paiements égaux en cours de saison, démontre que les parties s’étaient à dessein affranchies de la lettre de l’Annexe G du Règlement et avaient de ce fait convenu de verser au Joueur, en plus de la prime de signature, une seconde prime fixe et forfaitaire qui ne dépendait pas de ses performances sportives.
C. Conclusion
92. En conclusion, l’arbitre unique considère que les parties avaient convenu de verser au Joueur une prime de signature pour la première saison 2015-2016 ainsi qu’une seconde prime forfaitaire fixée à 900’000 MAD pour la deuxième saison 2016-2017.
93. Ainsi, la prime dite “d’engagement” doit être comprise comme étant une prime de rendement (au sens de l’Annexe G du Règlement) dont le montant avait été fixé forfaitairement dans le Contrat et qui ne dépendait pas des performances sportives du Joueur.
94. Par conséquent, le Joueur avait droit au paiement d’un montant total de 900’000 MAD au titre de ladite prime.
95. Il n’est pas contesté par les parties que le Club a déjà versé au Joueur un montant de 200’000 MAD à titre de paiement partiel de la prime d’engagement.
96. Un second chèque de 400’000 MAD a également été remis par le Club au Joueur; toutefois, selon le Joueur, ce chèque n’a jamais pu être encaissé en raison de l’insolvabilité du Club. Le montant de 400’000 MAD n’apparaît en effet pas sur les relevés bancaires produits par le Joueur. De son côté, le Club n’a pas produit de relevé bancaire attestant du fait que le montant de 400’000 MAD aurait été encaissé par le Joueur. Au contraire, le Club a indiqué que le chèque du 13 avril 2017 d’un montant de 400’000 MAD ne concernait pas la prime d’engagement.
97. Au vu de ce qui précède, après déduction du montant de 200’000 MAD déjà perçu par le Joueur, un solde de 700’000 MAD reste à verser par le Club.
98. L’arbitre unique note que le Joueur n’a pas demandé le versement d’intérêts sur le montant impayé. Il n’est toutefois pas nécessaire d’examiner si de tels intérêts seraient dus ou non car l’arbitre unique n’est pas habilité à aller au-delà des conclusions des parties.
PAR CES MOTIFS
Le Tribunal Arbitral du Sport:
1. Admet l’appel formé par Youcef Sekour contre la décision No 128/17-18 rendue par la Commission centrale d’appel de la Fédération Royale Marocaine de Football le 9 mai 2018.
2. Annule la décision No 128/17-18 rendue par la Commission centrale d’appel de la Fédération Royale Marocaine de Football le 9 mai 2018 en tant qu’elle concerne la qualification et le montant de la prime litigieuse.
3. Ordonne à Ittihad Riadi de Tanger de verser à Monsieur Youcef Sekour la somme de MAD 700’000 (sept cent mille Dirhams marocains) au titre de prime de rendement.
4. Dit que la décision No 449 de la Chambre Nationale de Résolution des Litiges du 23 février 2018 est maintenue pour le surplus.
5. (…).
6. (…).
7. Rejette toutes autres ou plus amples conclusions.
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