TAS-CAS – Tribunal Arbitral du Sport/Tribunale Arbitrale dello Sport – Court of Arbitration for Sport/Corte Arbitrale dello Sport (2018-2019) – tas-cas.org – atto non ufficiale – Arbitrage TAS 2018/A/5881 Abdelmalek Mokdad c. Mouloudia Club d’Alger & Fédération Algérienne de Football (FAF), sentence du 9 avril 2019

Tribunal Arbitral du Sport Court of Arbitration for Sport
Arbitrage TAS 2018/A/5881 Abdelmalek Mokdad c. Mouloudia Club d’Alger & Fédération Algérienne de Football (FAF), sentence du 9 avril 2019
Formation: Mr Pierre Muller (Suisse), Président; Me João Nogueira Da Rocha (Portugal); Me Prosper Abega (France)
Football
Litige contractuel entre un joueur et son club
Examen d’office de la compétence du TAS lorsqu’une partie ne procède pas
Essentialia negotii d’une convention d’arbitrage
Principes d’interprétation d’une clause arbitrale
Méthodes d’interprétation des statuts
Compétence du TAS en général
Compétence du TAS en appel de décisions du Tribunal Algérien de Règlement des Litiges Sportifs
1. Lorsqu’une partie ne procède pas, respectivement ne procède pas sur le fond sans faire de réserves (“Einlassung”), il ne peut être retenu que cette partie aurait admis la compétence du TAS par acte concluant, ni donc que la compétence du TAS résulterait de ce comportement procédural. La compétence du TAS doit par conséquent être examinée d’office par la formation arbitrale.
2. En droit suisse, conformément aux art. 1 al. 1 et 2 al. 1 du Code des obligations (CO), un contrat est conclu lorsque les parties ont, réciproquement et d’une manière concordante, manifesté leur volonté sur tous les points essentiels. Les éléments objectivement essentiels (essentialia negotii) d’une convention d’arbitrage sont l’intention i) de parties déterminées ou déterminables ii) d’exclure la juridiction étatique normalement compétente et iii) de confier à un tribunal arbitral la mission de trancher par une sentence iv) un litige déterminable.
3. Lorsqu’aucune constatation ne peut être faite quant à la volonté réelle des parties, au moment de la conclusion du contrat comportant la clause arbitrale, cette convention doit être interprétée conformément à l’art. 18 al. 1 CO, qui s’applique également aux conventions d’arbitrage. Conformément à cette disposition, le juge (ou le tribunal arbitral) recherchera d’abord la réelle et commune intention des parties, le cas échéant empiriquement, sur la base d’indices, sans s’arrêter aux expressions et dénominations inexactes dont elles ont pu se servir. S’il n’y parvient pas ou s’il s’avère qu’une des parties n’a pas compris la réelle intention exprimée par l’autre partie, la convention devra être interprétée objectivement, conformément au principe de la confiance (“Vertrauensprinzip”). Ainsi le juge (ou le tribunal arbitral) recherchera le sens que les parties pouvaient et devaient donner, selon les règles de la bonne foi, à leurs manifestations de volonté réciproques en fonction de l’ensemble des circonstances. Ce faisant, il doit examiner ce qui est approprié, car il ne peut être présumé que les parties ont voulu une solution inappropriée. Même si les termes choisis apparaissent clairs à première vue, il peut résulter d’autres dispositions contractuelles, du but poursuivi par les parties ou d’autres circonstances que le texte ne restitue pas exactement le sens de l’accord conclu. Dans l’interprétation d’une convention d’arbitrage, sa nature juridique doit être prise en considération; en particulier, la volonté d’exclure la juridiction étatique normalement compétente ne sera pas aisément admise. Cela étant, s’il est clair que la convention d’arbitrage existe, il n’y a pas de raison pour une interprétation restrictive et il peut au contraire être présumé que les parties ont voulu conférer au tribunal arbitral une pleine compétence.
4. Lorsqu’il s’agit d’interpréter des statuts, les méthodes d’interprétation peuvent varier en fonction du type de société considéré. Pour l’interprétation des statuts de grandes sociétés, on recourt plutôt aux méthodes d’interprétation des lois. Pour l’interprétation des statuts de petites sociétés, on se référera de préférence aux méthodes d’interprétation des contrats, telles que l’interprétation objective selon le principe de la confiance. Les statuts d’associations sportives majeures, de même que leurs règles d’un niveau inférieur aux statuts, s’interprètent à l’égal d’une loi. Toute interprétation débute par la lettre de la loi (interprétation littérale), mais celle-ci n’est pas déterminante: encore faut-il qu’elle restitue la véritable portée de la norme, qui découle également de sa relation avec d’autres dispositions légales et de son contexte (interprétation systématique), du but poursuivi, singulièrement de l’intérêt protégé (interprétation téléologique), ainsi que de la volonté du législateur telle qu’elle résulte notamment des travaux préparatoires (interprétation historique). Le juge s’écartera d’un texte légal clair dans la mesure où les autres méthodes d’interprétation précitées montrent que ce texte ne correspond pas en tous points au sens véritable de la disposition visée et conduit à des résultats que le législateur ne peut avoir voulus, qui heurtent le sentiment de la justice ou le principe de l’égalité de traitement.
5. La compétence du TAS ne peut pas se fonder sur les Statuts de la FIFA, que ce soit directement ou au travers des exigences que pose la FIFA par rapport à ses membres. Il est nécessaire que la compétence du TAS soit implémentée dans les règlementations des fédérations nationales. A défaut, le TAS n’est pas compétent, même si cette situation est contraire aux exigences de la FIFA. Cette non-conformité ne crée pas la compétence du TAS, même si elle peut cas échéant entraîner des sanctions de la part de la FIFA.
6. L’art. 70 des Statuts de la FAF doit être interprété dans le sens que les décisions du TARLS tranchant – notamment – les litiges entre des clubs et des joueurs sont en principe définitives et que l’appel au TAS est uniquement ouvert lorsque le litige oppose un joueur ou un club, d’une part, à la FAF d’autre part. Le fait d’attraire la FAF à une procédure à laquelle elle n’est pas partie n’y change rien, l’existence d’une voie d’appel ne pouvant pas dépendre du simple fait que la partie appelante a choisi de diriger son appel contre une personne physique ou morale qui n’est pas partie au litige tranché par le TARLS.
I. PARTIES
1. Abdelmalek Mokdad (“le Joueur” ou “l’Appelant”) est un joueur de football professionnel de nationalité algérienne.
2. La Société sportive par actions/LeDoyen/Mouloudia Club d’Alger (“le Club” ou “l’Intimé”) est un club de football basé à Alger et affilié à la Fédération Algérienne de Football (“la FAF” ou “l’Intimée”).
3. La FAF est une association de droit privé dont le but est la gestion et l’organisation du football en Algérie. Elle est affiliée à Fédération Internationale de Football Association (FIFA) et à la Confédération Africaine de Football (CAF).
II. FAITS ESSENTIELS
a) Le contrat de travail du 1er juillet 2015
4. Par contrat du 1er juillet 2015, le Joueur a été engagé par le Club en qualité de joueur professionnel pour une durée de deux saisons sportives, du 1er juillet 2015 au 30 juin 2017. Sa rémunération mensuelle brute était fixée à 1.916.733,33 dinars algériens.
5. L’art. 7 de contrat prévoit que “les litiges ou les contestations pouvant survenir à l’occasion de l’exécution du présent contrat sont résolus à l’amiable entre les deux parties. A défaut, le différend est soumis par l’une ou l’autre partie à la chambre de résolution des litiges auprès de la FAF”.
6. Par avenant du 2 août 2016, le Club et le Joueur ont convenu de prolonger la durée de ce contrat jusqu’au 30 juin 2018 et de fixer la rémunération mensuelle brute du Joueur à 2.300.833,33 dinars algériens.
7. Le Joueur expose qu’à compter du mois d’avril 2017, le Club a cessé de lui verser son salaire, sans aucune raison.
8. Il allègue également qu’à compter du mois d’août 2017, le Club l’a affecté à l’équipe de réserve, l’a retiré de la liste de participation aux compétitions officielles et a annulé sa licence pour la saison 2017/2018. Il résulte à cet égard du dossier que, par décision du 26 juillet 2017, le Club a affecté le Joueur à l’équipe de réserve à compter du 1er août 2017.
b) La procédure devant la Chambre Nationale de Résolution des Litiges
9. Le 26 novembre 2017, le Joueur a saisi la Chambre Nationale de Résolution des Litiges de la FAF (“la CNRL”) d’une requête tendant à ce qu’il soit réintégré au sein de l’équipe senior, à ce que le Club introduise un dossier de demande de licence auprès de la Ligue de Football Professionnel durant la seconde période d’enregistrement, lui règle ses salaires impayés d’avril 2017 à novembre 2017, sous déduction de 15 jours de mise à pied et de l’amende équivalente à une mensualité, et à ce qu’il participe financièrement aux frais de son hébergement.
10. Par décision du 3 janvier 2018, la CNRL a notamment ordonné au Club de verser au Joueur un montant net de 5.153.980 dinars algériens représentant quatre mois de salaire et un montant de 400.000 dinars algériens à titre de “réparation”. La CNRL a également prononcé la rupture du contrat liant les deux parties pour juste cause et déclaré le Joueur libre de tout engagement vis-à-vis du Club.
c) La procédure devant le Tribunal Algérien de Règlement des Litiges Sportifs
11. Le 1er février 2018, le Joueur a formé appel de cette décision auprès du Tribunal Algérien de Règlement des Litiges Sportifs (le “TARLS”).
12. Il a requis l’annulation de la décision attaquée et la condamnation du Club à lui payer des salaires arriérés pour une période de huit mois, représentant un montant net de 16.000.000 dinars algériens, une “réparation de la durée du contrat” de 10.000.000 dinars algériens et un montant de 4.800.000 dinars algériens représentant “le congé annuel”. Il a également contesté la résiliation de la relation contractuelle.
13. Par décision arbitrale rendue le 30 avril 2018 et notifiée le 15 juillet 2018, le TARLS a statué comme suit (traduction certifiée conforme produite par l’Appelant [sic]):
“[…] décide la recevabilité de la demande d’arbitrage en la forme car introduite conformément à la loi et dans les délais légaux et, au fond, confirme principalement la décision dont appel et la modifie en ordonnant l’intimée à verser à l’appelant le montant de 9.618.564.64 DA, condamne l’appelant aux frais d’arbitrage estimés à 50.000.000 DA, condamne l’intimée aux frais d’arbitrage estimés à 50.000.000 DA”.
14. En ce qui concerne les arriérés de salaire réclamés, cette décision retient ce qui suit:
“-Attendu [que] […] les deux parties sont liées par un contrat professionnel d’une durée de deux ans, à courir du 01/07/2016 jusqu’au 30/06/2018, pour un salaire brut de 2.300.833.33 DA.
- Attendu que le montant brut suscité est soumis aux retenues de la sécurité sociale à raison de 15 fois le SMIG, soit le montant de 270.000.00 DA, conformément au décret exécutif n° 152-16 fixant l’assiette et le taux de cotisation et de prestation de la sécurité sociale dont bénéficie l’encadrement sportif et les sportifs du club sportif professionnel, notamment l’article 08.
- Attendu qu’après déduction de la cotisation de la sécurité sociale estimée à 24.300.00 DA, le salaire soumis aux impôts devient 2.276.583.33 DA […].
- Attendu que le montant de 2.276.583.33 DA est soumis à l’IRG au taux de 35%. Ainsi, le salaire net perçu par l’appelant est de 1.479.779.17 DA (1.712.027.00 – 35%), salaire retenu par le Tribunal d’Arbitrage pour le Règlement des Litiges Sportifs.
- Attendu que l’appelant a sollicité auprès de la [CNRL], l’attribution de ses salaires pour les mois d’Avril, Mai, Juin, Juillet, Août, Septembre, Octobre et Novembre 2017.
- Attendu que la [CNRL] a décidé en vertu de la décision dont appel de verser à l’appelant les salaires des mois de Juillet, Août, Septembre, Octobre et Novembre 2017 et rejette la demande concernant les mois d’Avril, Mai et Juin 2017 pour prescription.
- […]
- Attendu qu’il a été établi au Tribunal que l’appelant [recte: l’Intimée] était redevable à l’intimée [recte: l’Appelant] de 08 mois de salaires au montant de 11.838.234.40 DA (1.479.779.19 * 08 mois) représentant ses salaires pour les mois d’Avril [à] Décembre 2017.
- Attendu qu’il a été établi au Tribunal d’Arbitrage pour le Règlement des Litiges que l’appelant a été puni par le prélèvement d’un mois et demi de salaire […]. Qu’en conséquence, il convient de prélever le montant de 2.219.668.76 DA des arriérés des salaires de l’appelant ci-dessus indiqués de sorte que le montant sera égal à 9.618.564.64 DA;
- Ainsi, il convient d’annuler la décision dont appel en ce qui concerne les salaires et en conséquence, condamner l’intimée à verser à l’appelant 09 mois de salaires au montant global de 9.618.564.64 DA”.
15. En ce qui concerne la demande d’indemnisation, cette décision retient ce qui suit:
“- Attendu que l’appelant sollicite le versement du montant de 10.000.000.00 DA, comme réparation des préjudices dont il a été atteint après résiliation du contrat d’une manière abusive et sans raison.
- Attendu que l’article 119 du code civil prévoit que dans les contrats synallagmatiques, lorsqu’une des parties n’exécute pas son obligation, l’autre partie peut, après avoir mis le débiteur en demeure, réclamer le versement d’une réparation;
- Attendu qu’il est établi au Tribunal après consultation du dossier, que l’appelant n’a pas prouvé qu’il a mis l’intimée en demeure, comme mesure préliminaire nécessaire pour réclamer la réparation conformément à l’article ci-dessus.
- Ainsi il convient de rejeter la demande car non fondée”.
III. PROCÉDURE DEVANT LE TAS
16. Les principaux éléments de la procédure devant le TAS sont les suivants:
17. Le 6 août 2018, Abdelmalek Mokdad a déposé, conformément aux art. R47 et R48 du Code de l’arbitrage en matière de sport (“le Code”), une déclaration d’appel auprès du Greffe du TAS dirigée contre le Club et la FAF et ayant pour objet la décision arbitrale précitée.
18. Cette déclaration d’appel indique que le TAS est “manifestement compétent en vertu de l’application des Statuts de la FIFA (art. 57 et 58) et de la Fédération Algérienne de Football […] joints aux présentes”.
19. Elle comporte la désignation comme arbitre de João Nogueira Da Rocha, avocat à Lisbonne.
20. Par courrier du 7 août 2018, le Greffe du TAS a notamment invité l’Appelant à lui soumettre une copie des dispositions statutaires ou réglementaires ou de la convention particulière prévoyant un appel au TAS, cette invitation étant motivée comme suit:
“En effet, je relève que si vous produisez les articles 57 et 58 des Statuts de la FIFA et vous référez aux Statuts de la FAF, vous ne produisez que les deux premiers articles de ces derniers, lesquels ne prévoient pas la compétence du TAS. Je vous invite dès lors à produire les clauses réglementaires de la FAF, voire du Tribunal Arbitral du Sport Algérien, prévoyant l’appel au TAS (voir également l’article R47 du Code)”.
21. Le 10 août 2018, l’Appelant a répondu en substance comme suit à ce courrier:
“[…] Je me permets donc de vous apporter les précisions suivantes, issues des pièces déjà communiquées:
- Les Statuts de la Fédération Algérienne de Football rappellent que la FAF est “un membre affilié à la [FIFA] et à la [CAF] depuis 1963” (article 1.1);
- Ces Statuts ont été approuvés par la FIFA […];
- Les Statuts de la FIFA reconnaissent le recours au TAS “en cas de litige entre la FIFA, les associations membres, les confédérations, les ligues, les clubs, les joueurs, les officiels, les agents organisateurs de matchs licenciés et les intermédiaires” (article 57). Mon litige oppose un joueur à son ancien club et à une association membre, comme cela vient de vous être démontré;
- Les Statuts de la FIFA imposent d’ailleurs que toutes les voies de recours internes aient été épuisées avant que le recours au TAS soit possible (article 58.2): je vous rappelle avoir épuisé toutes les voies de recours internes en Algérie prévues par les règlements de la [FAF];
- Enfin l’article 59 des Statuts de la FIFA oblige les associations membres à “reconnaître le TAS comme instance juridictionnelle indépendante”. Il est même précisé qu’elles “s’engagent à prendre toutes les dispositions nécessaires pour que leurs membres ainsi que les joueurs et officiels se soumettent à l’arbitrage du TAS”.
A toutes fins utiles, je vous adresse également les remarques suivantes, issues de pièces complémentaires que je joins au présent courrier:
- L’article 14 des Statuts de la FIFA que “1. Les associations membres ont les obligations suivantes:
a) observer en tout temps les Statuts, règlements, directives et décisions des organes de la FIFA ainsi que celles du Tribunal Arbitral du Sport (TAS) prises en appel sur la base de l’art. 57 al. 1 des Statuts de la FIFA;
f) ratifier des statuts conformes aux exigences des Statuts Standards de la FIFA;
- L’article 15 des Statuts de la FIFA, quant à lui, prévoit le principe suivant: “Les statuts des associations membres doivent observer les principes de bonne gouvernance, et en particulier contenir au minimum les dispositions relatives aux questions suivantes: f) Tous les acteurs doivent explicitement reconnaître la juridiction et l’autorité du Tribunal Arbitral du Sport et donner autorité à l’arbitrage comme moyen de résolution des litiges”.
Vous m’avez indiqué que les deux premiers articles des statuts de la FAF ne prévoient pas la compétence du TAS.
En effet, ils se “contentent” d’indiquer explicitement l’affiliation à la FIFA.
Mais une lecture croisée et cohérente de l’ensemble des articles cités ci-dessus amène pourtant à une conclusion simple: la [FAF], en sa qualité de membre affilié de la FIFA, a l’obligation de respecter les Statuts de la [FIFA], conformément à ses propres Statuts.
Or, les statuts de la FIFA imposent à ses associations affiliées de reconnaître la compétence du TAS, sans quoi elle ne serait même pas reconnue par la FIFA.
Dans ma situation personnelle, je vous rappelle avoir épuisé les recours possibles en Algérie, avant de saisir le Tribunal Arbitral du Sport. […]
Il ne peut y avoir aucun doute quant à la compétence du TAS pour traiter de mon litige. […]”.
22. Par courrier du 14 août 2018, le Greffe du TAS a accusé réception de cet envoi du 10 août 2018 et attiré l’attention de l’Appelant sur le fait que, conformément à l’art. R47 du Code, “un appel contre une décision d’une fédération, association ou autre organisme sportif peut être déposé au TAS si les statuts ou règlements dudit organisme sportif le prévoient”. Ce courrier précise également ce qui suit:
“En outre, il ressort de la jurisprudence du TAS (voir notamment, CAS 2005/A/952, CAS 2013/A/3199 et Mavromati D./Reeb M., The Code of the Court of Arbitration for Sport, Commentary, Cases and Materials, KluwerLaw International, 2015, p. 38 ss, N. 633 ss) qu’une disposition des Statuts de la FIFA telle que l’article 59, paragraphe 3, qui s’adresse aux associations membres, n’a pas d’effet direct en ce sens qu’elle ne saurait fonder la compétence du TAS pour connaître d’un appel tel que celui en cause en l’espèce. La référence à la compétence du TAS doit être expresse.
Cette jurisprudence étant constante, aucune procédure n’est aujourd’hui mise en oeuvre lorsque la compétence du TAS est basée sur l’article 59 des Statuts de la FIFA, et ce afin d’éviter à la partie appelante les frais inhérents au prononcé d’une sentence qui ne pourrait que constater l’incompétence du TAS.
Au vu de ce qui précède, un ultime délai de trois (3) jours dès réception de la présente correspondance vous est octroyé pour soumettre une copie des dispositions statutaires ou réglementaires (de la FAF, voire du TARLS) ou de la convention particulière prévoyant l’appel au TAS.
Si votre déclaration d’appel n’est pas régularisée dans ce délai, le Greffe du TAS ne procédera pas. […]”
23. Le 16 août 2018, l’Appelant a déposé un mémoire complémentaire comportant les conclusions suivantes:
“- De condamner [le Club] à me verser le solde des huit mois d’arriérés de salaire, d’avril 2017 à novembre 2017, que le TARLS m’a octroyés, sur le fond, mais qu’il a arbitrairement fixés à la baisse, soit 4.161.768 DNA nets de solde ([2.000.000 DNA nets – 1.479.779] x 8 = 4.161.768);
- De condamner [le Club] à me verser le salaire du mois de décembre 2017, correspondant à la période entre la saisine initiale de la CRL algérienne et la date de la rupture du contrat, le 3 janvier 2018, soit 2.000.000 de DNA nets;
- De condamner [le Club] à me verser des dommages et intérêts correspondant aux salaires que j’aurais dû percevoir jusqu’au terme du contrat, soit 12.000.000 dinars algériens nets, pour rupture sans juste cause de mon contrat de travail (correspondant à six mois de salaire, de janvier à juin 2018: 6 x 2.000.000 = 12.000.000 dinars nets);
- De condamner la fédération algérienne de football à me verser des dommages et intérêts à hauteur de 1.000.000 de dinars algériens pour avoir prononcé la rupture abusive de mon contrat de travail, en violation des dispositions impératives des règlements de la FIFA”.
24. S’agissant de la compétence du TAS, l’Appelant expose notamment qu’elle a été démontrée d’abord dans sa déclaration d’appel puis dans les courriers complémentaires sollicités par le Greffe du TAS et qu’elle résulte d’une lecture cohérente des textes de la FIFA et de la FAF, de leurs clauses d’arbitrage en faveur du TAS, ainsi que la sentence rendue dans la cause TAS 2008/A/1631.
25. Par courrier du 17 août 2018, répondant au courrier du Greffe du TAS du 14 août 2018, l’Appelant a aussi invoqué la sentence rendue par le TAS dans la cause 2008/A/1631 selon laquelle “une fédération nationale ne saurait priver un club de la possibilité de soumettre à une institution judiciaire neutre et indépendante le litige qui l’oppose à ladite fédération […]”. Selon l’Appelant, la présente procédure est comparable à celle ayant donné lieu à cette décision, puisque, dans cette affaire, une commission de la FAF avait rendu une décision défavorable à l’égard d’un club algérien, l’empêchant d’évoluer dans la division supérieure, alors que cette promotion avait été acquise sportivement. Le club avait alors saisi, en vain, la CNRL, puis le TARLS, qui s’est déclaré incompétent. Saisi par le club, le TAS a admis sa compétence. L’Appelant expose, de surcroît, que les Statuts de la FAF prévoient que “les décisions du tribunal arbitral d’Alger concernant les clubs et les joueurs sont définitives et non susceptibles de recours devant toute structure d’arbitrage étrangère. Néanmoins la FAF se réserve le droit de faire appel des décisions du tribunal arbitral d’Alger auprès du TAS de Lausanne”. A cet égard, dans l’affaire l’affaire 2008/A/1631, la Formation a considéré que “l’argument de l’intimée selon lequel l’article 69 chiffre 2 des Statuts de la FAF n’autoriserait que cette dernière à recourir au TAS doit être écarté́. En effet, cette disposition doit être comprise comme un privilège que s’est accordée la FAF pour toutes les causes, qu’elle y soit ou non partie. Ce privilège s’ajoute donc à la faculté́ offerte à toutes les parties de faire appel des décisions définitives et contraignantes prévues à l’article 69 chiffre 1 alinéa 2 des Statuts de la FAF, mais ne l’exclut pas”.
26. Par courrier du 31 août 2018, le Greffe du TAS a notamment accusé réception du paiement du droit de greffe relatif à l’appel et invité les Intimés à déposer une Réponse dans un délai de 20 jours dès réception dudit courrier.
27. Par courrier du 19 septembre 2018, le Greffe du TAS a pris note que les Intimés n’avaient pas nommé d’arbitre dans le délai prescrit et qu’il incomberait dès lors à la Présidente de la Chambre arbitrale d’appel, ou à son suppléant, de procéder à la désignation de l’arbitre des Intimés (art. R53 du Code).
28. Par courrier du 16 octobre 2018, le Greffe du TAS a informé les Parties que la Formation appelée à se prononcer dans la présente cause était constituée de la manière suivante:
Président: Juge Pierre Muller, ancien juge cantonal à Lausanne, Suisse
Arbitres: Me João Nogueira Da Rocha, avocat à Lisbonne, Portugal
Me Prosper Abega, avocat à Marseille, France.
29. Par courrier du 26 octobre 2018, le Greffe du TAS a relevé qu’aucun des Intimés n’avait procédé dans le délai de réponse ayant expiré le 23 septembre 2018. Il a informé les Parties que, conformément à l’art. R55 al. 2 du Code, la Formation poursuivrait néanmoins la procédure d’arbitrage et rendrait une sentence. Il a attiré l’attention des Parties sur la portée de l’art. R56 du Code et les a invitées à indiquer d’ici au 2 novembre 2018 si elles sollicitaient la tenue d’une audience ou si elles y renonçaient. Enfin, au nom de la Formation arbitrale, le Greffe du TAS a invité la FAF à bien vouloir communiquer le dossier de la procédure dans le même délai.
30. Le 31 octobre 2018, l’Appelant a informé le Greffe du TAS qu’il renonçait à la tenue d’une audience.
31. Par courrier du 6 novembre 2018, le Greffe du TAS a constaté que les Intimés ne s’étaient pas prononcés sur la question de la tenue d’une audience dans le délai fixé, un délai supplémentaire de 3 jours leur étant imparti à cette fin. En outre, la FAF était priée de donner suite à la demande de production du dossier de la procédure menée devant elle d’ici au 12 novembre 2018.
32. Le 11 novembre 2018, la FAF a répondu à ce courrier en indiquant n’avoir jamais été partie au litige opposant l’Appelant à l’Intimé, que l’appel est mal dirigé en tant qu’il vise la FAF comme intimée et qu’il s’agit dès lors de mettre la FAF hors de cause.
33. Par courrier du 13 novembre 2018, le Greffe du TAS, au nom du Président de la Formation arbitrale, a relevé ce qui suit:
- la FAF ayant été désignée partie intimée dans la déclaration d’appel, elle est partie intimée à la présente procédure, cette qualité ne préjugeant toutefois pas de sa légitimation passive;
- la FAF est invitée à soumettre d’ici au 16 novembre 2018, une copie du dossier de la procédure conduite devant elle;
- aucune des parties n’ayant sollicité la tenue d’une audience dans le délai imparti par le TAS, il peut être considéré que toutes les parties considèrent que la Formation peut rendre sa sentence sur la base du dossier en l’état.
34. La FAF n’a pas donné suite à cette demande.
35. Par courrier du 11 janvier 2019, le Greffe du TAS a adressé aux parties l’Ordonnance de procédure en les invitant à en contresigner un exemplaire et à le renvoyer au TAS dans un délai de cinq jours dès réception.
36. Par courrier du 18 janvier 2019, le Greffe du TAS a accusé réception du courriel de l’Appelant du 15 janvier 2019 et de l’ordonnance de procédure signée le 12 janvier 2019. Il a également accusé réception d’un courriel adressé par la FAF au TAS le 16 janvier 2019 pour lui transmettre la réponse du Club. Le Greffe du TAS relevait que le document attestant de l’envoi de la réponse n’avait pas été produit par le Club, celui-ci étant invité à le faire parvenir dans un délai de trois jours dès réception dudit courrier par DHL. Il était précisé que l’Appelant serait ensuite invité à faire part de sa position sur la recevabilité de la réponse du Club. Le même délai était fixé à Me Djemai Zoughlache Daoud pour produire tout document attestant de ses pouvoirs de représentation et spécifier où doivent être adressées les communications à l’intention du Club (adresses postale et électronique, numéro de fax).
37. Par courrier du 21 janvier 2019, l’Appelant s’est expressément opposé, pour plusieurs motifs, à ce que le document adressé par le Club pour valoir réponse soit intégrée à la procédure, soit à la recevabilité de ce mémoire.
38. Les autres courriels reçus par le Greffe du TAS les 21, 22 et 23 janvier 2019 sont mentionnés ci-après.
39. Par courrier du 29 janvier 2019, le Greffe du TAS a communiqué aux parties ce qui suit:
“Par la présente, j’accuse réception des courriels suivants:
- Courriel de l’Appelant du 21 janvier 2019 s’opposant notamment à la recevabilité de la réponse jointe au courriel du Second Intimé du 16 janvier 2019;
- Courriel du Second Intimé du 21 janvier 2019, auquel était jointe une réponse identique à celle jointe au courriel du 16 janvier;
- Courriel du Second Intimé du 22 janvier 2019 confirmant le mandat confié à Me Djemai Zoughlache Daoud;
- Courriel du Second Intimé du 23 janvier 2019 sollicitant un délai supplémentaire pour pouvoir verser un mémoire complémentaire.
Copie de ces correspondances est jointe à l’intention des Parties et a été dûment transmise à la Formation arbitrale.
Au nom de cette dernière, je vous informe comme suit:
1. Représentation du Second Intimé Le Second Intimé étant représenté par Me Djemai Zoughlache Daoud, les futures correspondances électroniques entre le Greffe du TAS et les Parties seront uniquement et directement transmises à Me Djemai Zoughlache Daoud (hadjdaoude@hotmail.fr) pour le compte du Second Intimé. Sauf avis contraire, les correspondances postales seront toutefois encore envoyées à l’adresse du Second Intimé (La Société sportive par actions/LeDoyen/Mouloudia Club d’Alger, Sise bt 02, résidence Sahraoui, Oued romane, El achour, Alger- ALGERIE), l’adresse postale de Me Djemai Zoughlache Daoud ne nous ayant pas été communiquée.
2. Recevabilité de la réponse du Second Intimé jointe aux courriels des 16 et 21 janvier 2019 et demande d’un nouveau délai
Je relève que le Second Intimé n’a pas fourni la preuve de l’envoi de sa réponse en date du 26 décembre 2018 dans le délai imparti dans le courrier du Greffe du TAS du 18 janvier 2019 (délivré le 20 janvier 2019) et qu’en tout état de cause le délai pour le dépôt des mémoires de réponse a expiré le 23 septembre 2018 (cf. courrier du Greffe du TAS du 26 octobre 2018).
Par ailleurs, le Second Intimé n’a invoqué aucune circonstance exceptionnelle qui justifierait le dépôt tardif de sa réponse ou l’autorisation de déposer un mémoire complémentaire.
Au vu de ce qui précède et de l’objection de l’Appelant, le mémoire déposé par le Second Intimé par courriel des 16 et 21 janvier 2019 est déclaré irrecevable en application des articles R56 et R31 du Code de l’arbitrage en matière de sport (le Code) et la demande du Second Intimé visant à l’octroi d’un délai supplémentaire pour déposer un mémoire complémentaire est rejetée en application de l’article R56 du Code.
3. Précisions
Je relève à toutes fins utiles que la décision appelée dans le cadre du présent arbitrage est la décision du Tribunal Algérien du Règlement des Litiges Sportifs et qu’il appartiendra à la Formation arbitrale de juger de sa compétence”.
40. Par courriel du 30 janvier 2019, le conseil du Club a apporté des précisions au sujet des circonstances ayant conduit au dépôt tardif de son mémoire et requis l’acceptation dudit mémoire, respectivement la fixation d’un délai pour déposer un mémoire complémentaire.
41. Par courrier du 1er février 2019, le Greffe du TAS a invité l’Appelant à se déterminer sur les deux requêtes susmentionnées.
42. Par courrier du 5 février 2019, l’Appelant s’est opposé à ces deux requêtes.
43. Par courrier du 19 février 2019, le Greffe du TAS a informé les Parties qu’au vu de l’objection de l’Appelant, la Formation avait décidé qu’en application de l’art. R56 du Code, les deux requêtes de l’Intimé étaient rejetées, aucune des circonstances invoquées n’étant à même de justifier leur octroi. Les Parties étaient également interpellées sur la possibilité de fixer une audience dans cette affaire, étant précisé qu’elle serait limitées aux questions abordées dans les mémoires admis au dossier à ce jour et que, sauf circonstances exceptionnelles, aucun moyen nouveau de fait et de preuve ne serait admis.
44. Par courriels du 25 février 2019, l’Appelant a informé la Formation qu’il maintenait sa position initiale et qu’il ne souhaitait donc pas la tenue d’une audience; le Club, pour sa part, en a sollicité une.
45. Par courrier du 5 mars 2019, le Greffe du TAS a informé les Parties de ce qui suit:
“[…] la Formation prend acte du fait que le Club intimé souhaiterait la tenue d’une audience, au contraire de l’Appelant, lequel ne souhaite pas que le Club intimé puisse être admis à faire valoir ses arguments sur le fond.
Dans ces conditions et en application des articles R56 et R57 du [Code], la Formation renonce à fixer une audience et rendra sa sentence sur la base du dossier, en examinant – dans l’ordre et s’il y a lieu – sa compétence, la recevabilité de l’appel et son mérite sur le fond”.
46. Par e-mail du 2 avril 2019, le Club a déposé un mémoire additif, accompagné de nouvelles pièces. Après consultation des autres parties et en l’absence d’accord, ce mémoire et ces pièces ont été exclus du dossier le 9 avril 2019, en application de l’article R56 du Code. Ils n’ont partant pas été pris en compte.
IV. PRINCIPAUX MOYENS DES PARTIES
47. L’Appelant fonde la compétence du TAS sur les art. 57, 58 et 68 des Statuts de la FAF et sur les art. 14, 15, 57, 58 et 59 des Statuts de la FIFA, comme cela résulte des moyens développés qu’il a exposés à cet égard et qui sont résumés plus haut (cf. para. 18, 22, 25 et 26).
48. Sur le fond, les principaux moyens développés par l’Appelant sont, en résumé, les suivants:
- de manière incompréhensible, la CRL a prononcé la résiliation de son contrat de travail avec l’Intimé, aux torts de celui-ci, sans en tirer la moindre conséquence financière, notamment en refusant de lui octroyer des dommages-intérêts correspondant au montant des salaires qu’il aurait dû percevoir jusqu’au terme du contrat;
- si le TARLS lui a octroyé l’intégralité de ses arriérés de salaire, il a étrangement réévalué son salaire à la baisse, alors qu’il n’y avait aucun débat à ce sujet, dans la mesure où l’avenant au contrat de travail avait été régulièrement signé par les deux parties;
- ainsi, au lieu des 2.000.000 dinars algériens nets convenus dans l’avenant, le TARLS a pris pour base de calcul un montant de 1.479.779 dinars algériens nets; par conséquent, s’il a bien été fait droit à la demande portant sur 8 mois de salaire, le calcul est erroné et il manque 520.221 dinars algériens nets pendant 8 mois, soit 4.161.768 dinars algériens nets au titre des salaires impayés pour la période d’avril 2017 à novembre 2017 inclus;
- s’y ajoute le salaire du mois de décembre 2017 par 2.000.000 dinars algériens nets;
- la CNRL a prononcé la rupture du contrat de travail, aux torts exclusifs du Club, pour deux raisons principales: premièrement parce que le Club s’est abstenu de verser les salaires dus pendant une période de huit mois consécutifs; deuxièmement parce que le Club a refusé d’enregistrer l’Appelant comme joueur de l’effectif professionnel pour la saison 2017/2018 et l’a affecté à son équipe de réserve;
- or, le TARLS a omis de statuer sur les conséquences de la rupture du contrat; il n’a pas octroyé la moindre indemnisation pour la période courant du 3 janvier 2018 (date de la rupture prononcée unilatéralement par la CNRL) au 30 juin 2018 (terme prévu du contrat de travail), alors qu’il aurait dû octroyer à l’Appelant des dommages-intérêts correspondant au montant des salaires que celui-ci aurait dû percevoir entre la rupture prononcée abusivement par la CNRL et le terme du contrat, cela à hauteur de 12.000.000 dinars algériens nets (6 mois x 2.000.000);
- en tant que membre de la FIFA, la FAF est tenue de respecter les Statuts, règlements directives et décisions des organes de la FIFA; elle a donc l’obligation de respecter le Règlement du Statut et du Transfert des Joueurs (RSTJ), qui exclut la résiliation du contrat en cours de saison et prévoit une indemnisation en cas de résiliation sans juste cause;
- la FAF avait l’obligation de prévoir dans ses propres règlements le principe d’une indemnisation en cas de rupture du contrat sans juste cause en cours de saison; pourtant la CNRL n’a octroyé aucune indemnisation de ce chef; par conséquent, l’Appelant sollicite la condamnation de la FAF à lui verser des dommages-intérêts en réparation de son préjudice à hauteur de 1.000.000 dinars algériens pour non-respect des dispositions impératives de la FIFA;
49. Les Intimés n’ont pas régulièrement procédé dans la présente cause, aucune d’elles n’ayant déposé de réponse qui soit recevable.
V. COMPETENCE
50. Dès lors que le siège du TAS se trouve en Suisse et qu’au moment de la signature du contrat dont l’exécution est litigieuse, aucun des cocontractants n’avait son domicile ni sa résidence habituelle en Suisse, le présent arbitrage est de nature internationale (art. 176 al. 1 de la loi sur le droit international privé [“LDIP”]); partant, il est régi par le chapitre 12 de la LDIP.
51. Conformément à l’art. 186 al. 1 LDIP, le tribunal arbitral statue sur sa propre compétence.
52. En l’espèce, comme déjà exposé, aucun des Intimés n’a procédé sur le fond, le mémoire de réponse de l’Intimé étant irrecevable.
53. La compétence du TAS doit par conséquent être examinée d’office par la Formation (TF, 4A_682/2012 c. 4.4.2.1; ATF 120 II 155 c. 3b/bb). En effet, lorsqu’une partie ne procède pas - respectivement ne procède pas sur le fond sans faire de réserves (“Einlassung”) -, il ne peut être retenu que cette partie aurait admis la compétence du TAS par acte concluant, ni donc que la compétence du TAS résulterait de ce comportement procédural (ATF 143 III 578 c. 3.2.2.1; 143 III 460 c. 2.3; TF, 4A_634/2014, c. 3.1).
54. La question de savoir s’il existe une convention d’arbitrage valable entre les parties doit être résolue selon la lex arbitri.
55. En l’occurrence, dès lors que le chapitre 12 de la LDIP est applicable, elle doit être résolue à la lumière de l’art. 178 al. 2 LDIP, dont il résulte qu’une convention d’arbitrage est valable si elle répond aux conditions que pose soit le droit choisi par les parties, soit le droit régissant l’objet du litige et notamment le droit applicable au contrat principal, soit encore le droit suisse.
56. En droit suisse, conformément aux art. 1 al. 1 et 2 al. 1 du Code des obligations (CO), un contrat est conclu lorsque les parties ont, réciproquement et d’une manière concordante, manifesté leur volonté sur tous les points essentiels. Les éléments objectivement essentiels (essentialia negotii) d’une convention d’arbitrage sont l’intention i) de parties déterminées ou déterminables ii) d’exclure la juridiction étatique normalement compétente et iii) de confier à un tribunal arbitral la mission de trancher par une sentence iv) un litige déterminable (ATF 142 III 239 c. 3.3.1; 138 III 29 c. 2.2.3; 130 III 36 c. 3.1; 129 III 675 c. 2.3).
57. Lorsqu’aucune constatation ne peut être faite quant à la volonté réelle des parties, au moment de la conclusion du contrat comportant la clause arbitrale, cette convention doit être interprétée conformément à l’art. 18 al. 1 du CO, qui s’applique également aux conventions d’arbitrage. Conformément à cette disposition, le juge (ou le tribunal arbitral) recherchera d’abord la réelle et commune intention des parties, le cas échéant empiriquement, sur la base d’indices, sans s’arrêter aux expressions et dénominations inexactes dont elles ont pu se servir (ATF 140 III 134 c. 3.2; 130 III 66 c. 3.2 et les références). S’il n’y parvient pas ou s’il s’avère qu’une des parties n’a pas compris la réelle intention exprimée par l’autre partie, la convention devra être interprétée objectivement, conformément au principe de la confiance (“Vertrauensprinzip”) (ATF 140 III 134 c. 3.2; 138 III 29 c. 2.2.3; 135 III 295 c. 5.2; 130 III 66 c. 3.2; 129 III 675 c. 2.3). Ainsi le juge (ou le tribunal arbitral) recherchera le sens que les parties pouvaient et devaient donner, selon les règles de la bonne foi, à leurs manifestations de volonté réciproques en fonction de l’ensemble des circonstances. Ce faisant, il doit examiner ce qui est approprié, car il ne peut être présumé que les parties ont voulu une solution inappropriée (ATF 140 III 134 c. 3.2; 122 III 420 c. 3a; 117 II 609 c. 6c; cf. également ATF 133 III 607 c. 2.2). Même si les termes choisis apparaissent clairs à première vue, il peut résulter d’autres dispositions contractuelles, du but poursuivi par les parties ou d’autres circonstances que le texte ne restitue pas exactement le sens de l’accord conclu (ATF 140 III 134 c. 3.2; 136 III 186 c. 3.2.1; 131 III 606 c. 4.2; 129 III 702 c. 2.4.1). Dans l’interprétation d’une convention d’arbitrage, sa nature juridique doit être prise en considération; en particulier, la volonté d’exclure la juridiction étatique normalement compétente ne sera pas aisément admise (ATF 140 III 134 c. 3.2; 138 III 29 c. 2.3.1; 129 III 675 c. 2.3). Cela étant, s’il est clair que la convention d’arbitrage existe, il n’y a pas de raison pour une interprétation restrictive et il peut au contraire être présumé que les parties ont voulu conférer au tribunal arbitral une pleine compétence (ATF 140 III 134 c. 3.2; 138 III 681 c. 4.4; 116 Ia 56 c. 3b).
58. S’agissant d’une procédure d’arbitrage conduite devant le TAS, il faut en outre tenir compte de ce qu’en vertu de l’art. R27 du Code, “le présent Règlement de procédure s’applique lorsque les parties sont convenues de soumettre au TAS un litige relatif au sport. Une telle soumission peut résulter d’une clause arbitrale figurant dans un contrat ou un règlement ou d’une convention d’arbitrage ultérieure (procédure d’arbitrage ordinaire), ou avoir trait à l’appel d’une décision rendue par une fédération, une association ou un autre organisme sportif lorsque les statuts ou règlements de cet organisme ou une convention particulière prévoient l’appel au TAS (procédure arbitrale d’appel). Ces litiges peuvent porter sur des questions de principes relatives au sport ou sur des questions pécuniaires ou autres relatives à la pratique ou au développement du sport et peut inclure plus généralement toute activité ou affaire relative au sport”.
59. En ce qui concerne la procédure arbitrale d’appel, l’art. R47 du Code précise qu’“un appel contre une décision d’une fédération, association ou autre organisme sportif peut être déposé au TAS si les statuts ou règlements dudit organisme sportif le prévoient ou si les parties ont conclu une convention d’arbitrage particulière et dans la mesure aussi où l’appelant a épuisé les voies de droit préalables à l’appel dont il dispose en vertu des statuts et règlements dudit organisme sportif”.
60. Il apparaît également utile de rappeler que les organes (même) juridictionnels des fédérations sportives nationales ou internationales - telle que la FIFA ou, en rapport avec le cas d’espèce, la FAF – ne constituent en principe pas des tribunaux arbitraux. Par conséquent leurs décisions ne constituent pas des sentences arbitrales, savoir des décisions finales et contraignantes, mais simplement l’expression de la volonté de la fédération en question (TF, 4A_492/2016 c. 3.3.3; TF, 4A_222/2015 c. 3.2.2.1; ATF 136 III 345 c. 2.2.1).
61. En l’espèce, le contrat de travail conclu par l’Appelant et l’Intimé contient un article 7, dont la teneur est la suivante:
“Les litiges ou les contestations pouvant survenir à l’occasion de l’exécution du présent contrat sont résolus à l’amiable entre les deux parties. A défaut, le différend est soumis par l’une ou l’autre partie à la chambre de résolution des litiges auprès de la FAF”.
62. Dès lors que la Formation ne dispose d’aucun élément de fait ou de preuve relatif à la volonté des parties au moment de la conclusion du contrat, cette clause doit être interprétée conformément au principe de la confiance, en vertu de la jurisprudence du Tribunal fédéral rappelée ci-dessus.
63. Dans ce cadre, il faut en premier lieu observer que les cocontractants n’ont pas désigné de tribunal arbitral à l’art. 7 du contrat, mais ont convenu de soumettre leurs éventuels litiges à la CNRL.
64. Elles ont ainsi convenu de soumettre le règlement de leurs éventuels différends au mécanisme de résolution des litiges contractuels entre un club et un joueur instauré par la FAF dans ses Statuts.
65. En effet, ce mécanisme prévoit bien – comme première étape – la saisine de la CNRL, qui est compétente pour traiter “conformément aux dispositions de règlements généraux de la FAF et du RSTJ de la FIFA de tous les litiges entre les membres de la fédération, les clubs, les joueurs […] qui ne sont pas de la compétence des autres organes juridictionnels” (art. 68.1 des Statuts de la FAF, version 2015, disponible sur internet).
66. Il prévoit ensuite – comme deuxième étape – que les décisions rendues par la CNRL sont susceptibles d’être contestées devant le TARLS, conformément à l’art. 69 des Statuts de la FAF (version 2015, disponible sur internet) qui prévoit ce qui suit:
“69.1. A l’exception de certaines décisions disciplinaires énoncées dans le code disciplinaire de la FAF, les autres décisions sont susceptibles de recours devant le tribunal arbitral d’Alger dans la limite de ses attributions et des procédures de sa saisine.
69.2. Tout recours devant un tribunal ordinaire est strictement interdit”.
67. A ce stade de l’analyse, la Formation retient que l’interdiction de la saisine des tribunaux ordinaires résultant de l’art. 69.2 des Statuts de la FAF, soit du mécanisme de résolution des litiges choisi par le Joueur et le Club démontre leur volonté d’exclure la juridiction étatique normalement compétente, c’est-à-dire de recourir à l’arbitrage pour résoudre les éventuels litiges issus de leur relation contractuelle.
68. A partir de là, la question à résoudre consiste à déterminer si les décisions rendues par le TARLS sont susceptibles de faire l’objet d’un appel auprès du TAS.
69. L’Appelant soutient que la réponse à cette question doit être positive en se référant d’une part aux Statuts de la FIFA, d’autre part aux Statuts de la FAF.
70. Il convient dès lors de rappeler à ce stade que, selon la jurisprudence du Tribunal fédéral (TF 4A_314/2017, 28 mai 2018), lorsqu’il s’agit d’interpréter des statuts, les méthodes d’interprétation peuvent varier en fonction du type de société considéré. Pour l’interprétation des statuts de grandes sociétés, on recourt plutôt aux méthodes d’interprétation des lois. Pour l’interprétation des statuts de petites sociétés, on se référera de préférence aux méthodes d’interprétation des contrats, telles que l’interprétation objective selon le principe de la confiance (ATF 140 III 349 consid. 2.3 et les précédents cités). Mettant en oeuvre ce critère de distinction, le Tribunal fédéral a interprété à l’égal d’une loi les statuts d’associations sportives majeures, comme l’UEFA, la FIFA ou l’IAAF, en particulier leurs clauses relatives à des questions de compétence (arrêts 4A_490/2017, précité, consid. 3.3.2, 4A_600/2016 du 29 juin 2017 consid. 3.3.4.1 et 4A_392/2008 du 22 décembre 2008 consid. 4.2.1, notamment). Il en a fait de même pour découvrir le sens de règles d’un niveau inférieur aux statuts édictées par une association sportive de cette importance (arrêt 4A_600/2016, précité, ibid.). Toute interprétation débute par la lettre de la loi (interprétation littérale), mais celle-ci n’est pas déterminante: encore faut-il qu’elle restitue la véritable portée de la norme, qui découle également de sa relation avec d’autres dispositions légales et de son contexte (interprétation systématique), du but poursuivi, singulièrement de l’intérêt protégé (interprétation téléologique), ainsi que de la volonté du législateur telle qu’elle résulte notamment des travaux préparatoires (interprétation historique). Le juge s’écartera d’un texte légal clair dans la mesure où les autres méthodes d’interprétation précitées montrent que ce texte ne correspond pas en tous points au sens véritable de la disposition visée et conduit à des résultats que le législateur ne peut avoir voulus, qui heurtent le sentiment de la justice ou le principe de l’égalité de traitement. En bref, le Tribunal fédéral ne privilégie aucune méthode d’interprétation et n’institue pas de hiérarchie, s’inspirant d’un pluralisme pragmatique pour rechercher le sens véritable de la norme (ATF 142 III 402 consid. 2.5.1 et les arrêts cités).
71. Dans la première partie de son argumentation, l’Appelant soutient que la compétence du TAS doit être admise en l’espèce en vertu des Statuts de la FIFA, respectivement au regard de l’exigence selon laquelle les Statuts de la FAF doivent être conformes aux Statuts de la FIFA.
72. A cet égard, on peut observer que les Statuts de la FAF (version 2015) prévoient notamment:
- que la demande d’admission à la FAF doit être accompagnée “d’une déclaration par laquelle il reconnaît le Tribunal Arbitral du Sport (TAS) d’Alger, la Chambre de Résolution des Litiges de la FAF et de la FIFA ainsi que le Tribunal Arbitral du sport de Lausanne” (art. 10.3 (d)),
- que “les membres de la FAF ont l’obligation de (a) observer et respecter en tout temps les statuts, directives, décisions de la FIFA, de la CAF et de la FAF et les faire respecter par ses propres membres” (art. 13.1 (a)).
73. Cela étant, selon la pratique bien établie du TAS et contrairement à ce que soutient l’Appelant, la compétence du TAS ne peut pas se fonder sur les Statuts de la FIFA, que ce soit directement ou au travers des exigences que pose la FIFA par rapport à ses membres.
74. A cet égard, on peut citer - ex multis – ce qui suit:
a) “In this respect, the Appellant cannot be followed when he submits that CAS jurisdiction could arise from the FIFA regulations (namely Art. 58 of the FIFA Statutes). It is indeed well-established that, as explained by DESPINA MAVROMATI and MATTHIEU REEB (The Code of the Court of Arbitration for Sport, 2015, n. 30 ad Art. R47, p. 390), “the FIFA rules alone do not constitute per se a basis for arbitration, but rather an instruction to introduce a rule providing for CAS arbitration. By the same token, the right to an external instance independent from the national federation cannot be considered to be an arbitration clause in favour of CAS. Moreover, the FIFA Statutes do not contain any mandatory provision obliging national federations to provide for an appeal from its decisions. Even in cases where the FIFA Statutes compel the national federations to provide for a right of appeal, CAS jurisdiction will only be possible upon insertion of a provision in the statutes of the national federation”. In other words, the FIFA regulations (in particular Art. 58 of the FIFA Statutes) do not constitute an alternative or a direct ground for CAS jurisdiction in the present case” (CAS 2017/A/5284 para. 111);
traduction libre:
“A cet égard, l’appelant ne peut être suivi lorsqu’il soutient que la compétence du TAS pourrait découler du règlement de la FIFA (à savoir l’article 58 des Statuts de la FIFA). Il est en effet bien établi que, comme l’expliquent DESPINA MAVROMATI et MATTHIEU REEB (The Code of the Court of Arbitration for Sport, 2015, n. 30 ad Art. R47, p. 390), “les règles de la FIFA seules ne constituent pas en soi une base d’arbitrage, mais plutôt une instruction d’introduire une règle prévoyant l’arbitrage du TAS. De même, le droit à une instance externe indépendante de la fédération nationale ne peut être considéré comme une clause compromissoire en faveur du TAS. En outre, les Statuts de la FIFA ne contiennent aucune disposition obligatoire obligeant les fédérations nationales à prévoir un appel de ses décisions. Même dans les cas où les Statuts de la FIFA obligent les fédérations nationales à prévoir un droit d’appel, la compétence du TAS ne sera possible qu’après insertion d’une disposition dans les statuts de la fédération nationale”. En d’autres termes, le règlement de la FIFA (en particulier l’Art. 58 des Statuts de la FIFA) ne constitue pas une alternative ou un fondement direct de compétence du TAS dans la présente affaire”;
b) “Article 59 of UEFA Statutes is principally intended to ensure that football related decisions can be appealed to the CAS. However, the UEFA (or FIFA) Statutes merely constitute an instruction to introduce a regulation providing for CAS arbitration and do not by themselves grant jurisdiction to CAS over appeals against decisions passed by national federations or leagues. Therefore, if neither the statutes nor the regulations of a national federation recognize the jurisdiction of CAS to deal with disputes between clubs and the national federation regarding the refusal of UEFA licenses, CAS has no jurisdiction to entertain the appeal” (CAS 2014/A/3629 tel que résumé sur le site du TAS) et “according to constant CAS jurisprudence, in order for the CAS to have jurisdiction to hear an appeal, there must exist either a specific arbitration agreement between the parties, or the jurisdiction of CAS must be expressly recognized in the statutes or regulations of the sports- related body (See, e.g., CAS 2013/A/3199; CAS 2008/A/1602; CAS 2009/A/1910; CAS 2008/A/1708 and CAS 2005/A/952)” (CAS 2014/A/3629 para. 26);
traduction libre:
“L’article 59 des Statuts de l’UEFA vise principalement à garantir que les décisions relatives au football puissent faire l’objet d’un appel devant le TAS. Toutefois, les Statuts de l’UEFA (ou de la FIFA) ne constituent qu’une instruction d’introduire un règlement prévoyant l’arbitrage du TAS et n’attribuent pas par eux-mêmes compétence au TAS sur les recours formés contre les décisions rendues par les fédérations ou ligues nationales. Par conséquent, si ni les statuts ni les règlements d’une fédération nationale ne reconnaissent la compétence du TAS pour traiter les litiges entre les clubs et la fédération nationale concernant le refus de licences UEFA, le TAS n’a pas compétence pour connaître de l’appel” (résumé) et “selon la jurisprudence constante du TAS, pour que le TAS ait compétence pour connaître d’un appel, il doit exister soit une convention d’arbitrage spécifique entre les parties, soit la compétence du TAS doit être expressément reconnue dans les statuts ou règlements de l’organisme sportif concerné” (para. 26);
c) “Article 61 of the FIFA Statutes is not sufficient – by itself – to confer jurisdiction on the CAS. Moreover, Article 62 para. 3 of the FIFA Statutes states that it is in the sole competence of the FIFA member, whose decision is under appeal, to decide upon and implement the means of recourse against its decisions. Thus, Article 61 of the FIFA Statutes does not confer any immediate rights to the appellant(s) to take its/their appeal against a decision of the FIFA member to the CAS. According to CAS jurisprudence, in order for the CAS to have jurisdiction to rule on an appeal, Article R47 of the Code of Sports-related Arbitration requires that a direct reference to the CAS be contained in the statutes or regulations of the body whose decision is being appealed against” (CAS 2012/A/2688 tel que résumé sur le site du TAS)
traduction libre:
“L’article 61 des Statuts de la FIFA ne suffit pas - à lui seul - à conférer compétence au TAS. En outre, l’article 62 para. 3 des Statuts de la FIFA prévoit qu’il est de la seule compétence du membre de la FIFA, dont la décision est contestée, de décider et de mettre en oeuvre les moyens de recours contre ses décisions. Ainsi, l’article 61 des Statuts de la FIFA ne confère aucun droit immédiat au(x) requérant(s) de faire appel d’une décision du membre de la FIFA devant le TAS. Selon la jurisprudence du TAS, pour que le TAS ait compétence pour statuer sur un appel, l’article R47 du Code de l’arbitrage en matière de sport exige qu’une référence directe au TAS figure dans les statuts ou règlements de l’instance dont la décision fait l’objet du recours”.
75. En résumé, il est nécessaire que la compétence du TAS soit implémentée dans les règlementations des fédérations nationales. A défaut, le TAS n’est pas compétent, même si cette situation est contraire aux exigences de la FIFA. Cette non-conformité ne crée pas la compétence du TAS, même si elle peut cas échéant entraîner des sanctions de la part de la FIFA.
76. La première partie de la thèse de l’Appelant ne peut dès lors pas être suivie.
77. La seconde partie de l’argumentation de l’Appelant se fonde sur les Statuts de la FAF.
78. La question à résoudre par la Formation est ici celle de savoir si ces statuts en eux-mêmes contiennent une base juridique à la compétence du TAS, comme le plaide l’Appelant.
79. L’art. 70 des Statuts de la FAF (version 2015, disponible sur internet) a la teneur suivante:
“Les décisions du tribunal arbitral d’Alger concernant les clubs et les joueurs sont définitives et non susceptibles de recours devant toute structure d’arbitrage étrangère.
Néanmoins, la FAF se réserve le droit de faire appel des décisions du tribunal arbitral d’Alger auprès du TAS de Lausanne”.
80. Se référant à la cause TAS 2008/A/1631, l’Appelant se prévaut – notamment – du fait que la Formation chargée de cette affaire a considéré qu’une fédération sportive ne saurait priver un club de la possibilité de soumettre à une institution judiciaire neutre et indépendante le litige qui l’oppose à ladite fédération au motif que l’autorité supposée trancher le litige au fond refuse de le faire et se contente de renvoyer le club devant un organe juridictionnel inférieur.
81. Dans cette affaire, le TARLS avait refusé d’entrer en matière sur un appel formé par un club contre la FAF, cet appel ayant pour objet une décision rendue par un organe de la FAF, à savoir la Commission de recours de la FAF, confirmant la décision prise en première instance par la Commission des règlements et qualification de la ligue nationale de football algérienne. Il s’agissait donc d’un litige entre un club et la FAF.
82. Dans ce contexte, la Formation a d’abord examiné si l’appel était recevable au regard du principe de l’épuisement des voies de droit interne, dès lors que le refus du TARLS et le renvoi à un autre organe empêchait apparemment la réalisation de cette condition. La Formation a considéré ce qui suit:
“7. A première vue, le second renvoi de la cause au Président de la FAF par le TARLS, le 30 juillet 2008, laisse à penser que le RCK n’a pas épuisé les voies de droit à sa disposition. Cependant, une fédération nationale ne saurait priver un club de la possibilité de soumettre à une institution judiciaire neutre et indépendante le litige qui l’oppose à ladite fédération au motif que l’autorité supposée trancher le litige au fond refuse de le faire et se contente de renvoyer le club devant un organe juridictionnel inferieur. En ce sens, le TAS a déjà eu l’occasion de rappeler qu’il n’est pas raisonnable d’exiger d’un club qu’il subisse plusieurs “allers et retours” entre les autorités sportives nationales et qu’il demeure ainsi bloqué au stade de la procédure interne: […] (CAS 2008/A/1583;
CAS 2008/A/1584, § 5.3.2.4). Ce principe s’applique à plus forte raison lorsque, à l’instar du RCK, l’appelant peut s’attendre à ce que les “allers et retours” précités soient stériles en ce sens qu’ils ne permettent pas de trancher la question de fond, d’une part, et, d’autre part, lorsque l’état de fait connu de l’autorité censée trancher le litige est identique à celui connu de l’autorité inferieure à laquelle la cause est inutilement renvoyée: […].
8. Dans ces circonstances, la décision prise le 30 juillet 2008 par TARLS doit être considérée comme définitive et contraignante pour le RCK. Celui-ci a en effet vainement tenté de saisir le TARLS, à deux reprises, pour obtenir une décision de fond. Or, dans un premier temps (le 17 juillet 2008), le TARLS s’est déclaré, à tort, incompétent et s’est contenté de renvoyer l’appelant auprès du Président de la FAF. Dans un second temps (le 30 juillet 2008), il s’est saisi de l’affaire mais n’a pas pour autant tranché le litige, se contentant de renvoyer une nouvelle fois le dossier au Président de la FAF. Quant à ce dernier, il a confirmé, dans sa première décision du 26 juillet 2008, la sentence de la Commission de recours du 30 juin 2008. Dans sa seconde décision du 3 août 2008 – qui doit non seulement être considérée plutôt comme une simple prise de position que comme une décision, mais qui n’a en outre jamais été notifiée à l’appelant – il a réitéré son avis selon lequel les décisions de la commission de la ligue nationale et de la Commission de recours de la FAF ont été prises à bon droit.
9. Dès lors, seule la voie d’un appel au TAS s’offrait au RCK, qui avait bel et bien épuisé toutes les voies de droit existant au sein de la FAF, au sens de l’article 67 alinéa 2 des Statuts de la FAF, et qui se trouvait confronté à une décision définitive et contraignante, au sens de l’article 69 chiffre 1 alinéa 2”.
83. Après avoir ainsi admis que le club appelant remplissait la condition d’épuisement des voies de droit interne, la Formation a abordé la question de la portée de l’art. 69 al. 2 des Statuts, qui correspond à l’art. 70 al. 2 des Statuts de 2015 (disponibles sur internet).
84. Sur ce point, la Formation a considéré ce qui suit:
“10. L’argument de l’intimée selon lequel l’article 69 chiffre 2 des Statuts de la FAF n’autoriserait que cette dernière à recourir au TAS doit être écarté. En effet, cette disposition doit être comprise comme un privilège que s’est accordée la FAF pour toutes les causes, qu’elle y soit ou non partie. Ce privilège s’ajoute donc à la faculté offerte à toutes les parties de faire appel des décisions définitives et contraignantes prévues à l’article 69 chiffre 1 alinéa 2 des Statuts de la FAF, mais ne l’exclut pas.
11. On ne peut pas non plus retenir le moyen de l’intimée selon lequel l’article 69 chiffre 1 alinéa 2 des Statuts de la FAF ne viserait que les décisions définitives et contraignantes prises par la Chambre de Résolution des Litiges, instaurée à l’article 68, et non celles du TARLS. En effet, une interprétation systématique de ces deux dispositions fait clairement apparaître que les auteurs des Statuts de la FAF auraient incorporé l’article 69 chiffre 1 alinéa 2 dans l’article 68 s’ils avaient réellement voulu limiter l’appel au TAS aux seules décisions de la Chambre de Résolution des Litiges”.
85. La présente Formation partage l’appréciation selon laquelle, dans un litige opposant un club à la FAF (comme dans l’affaire TAS 2008/A/1631), l’art. 70 des Statuts de la FAF ne peut pas être interprété en ce sens que la décision rendue par le TARLS pourrait faire l’objet d’un appel devant le TAS de la part de la FAF mais pas du club concerné. Une telle asymétrie serait en effet clairement contraire à l’égalité de traitement entre les parties à un litige.
86. Cela ne signifie toutefois pas encore, pour la présente Formation, que l’art. 70 des Statuts de la FAF doive être interprété en ce sens que toutes les décisions rendues par le TARLS seraient susceptibles d’appel devant le TAS.
87. En effet, l’art. 70 al. 1 des Statuts pose clairement le principe contraire, en prévoyant, expressément, que les décisions rendues par le TARLS concernant les clubs et les joueurs sont définitives et non susceptibles de recours devant toute structure d’arbitrage étrangère, ce qui concerne le TAS, autorité arbitrale étrangère à l’Algérie.
88. En d’autres termes, le principe est posé par l’art. 70 al. 1 des Statuts de la FAF et il consiste en l’exclusion de l’appel au TAS.
89. La Formation considère que l’exception à ce principe introduit par l’al. 2 de l’art. 70 des Statuts de la FAF n’a pas vocation être interprétée extensivement. Il n’y a notamment pas lieu de retenir, contrairement à ce qu’indique la sentence précitée (TAS 2008/A/1631), que la FAF disposerait d’une possibilité de faire appel au TAS même lorsqu’elle n’est pas partie à la procédure. Rien ne permet en effet d’inférer de l’art. 70 des Statuts de la FAF l’existence d’un droit de regard (droit d’appel) général, dont serait titulaire la FAF en relation, par exemple, avec des litiges entre des joueurs et des clubs.
90. La Formation considère ainsi que l’art. 70 des Statuts de la FAF doit être interprété dans le sens que les décisions du TARLS tranchant – notamment – les litiges entre des clubs et des joueurs sont en principe définitives (et donc non susceptibles d’appel au TAS) (principe posé à l’art. 70 al. 1) et que l’appel au TAS est uniquement ouvert (en vertu de l’exception prévue par l’art. 70 al. 2) lorsque le litige oppose un joueur ou un club, d’une part, à la FAF d’autre part, comme c’était le cas dans l’affaire TAS 2008/A/1631.
91. Dans le cas présent, le litige n’oppose pas le Joueur à la FAF.
92. Il s’ensuit que le principe de l’art. 70 al. 1 des Statuts de la FAF s’applique et que l’appel au TAS n’est pas ouvert.
93. Le fait que le Joueur ait choisi d’assigner la FAF comme intimée à la présente procédure n’y change rien. En effet, l’existence d’une voie d’appel ne peut pas dépendre du simple fait que la partie appelante a choisi de diriger son appel contre une personne physique ou morale (en l’occurrence la FAF) qui n’est pas partie au litige tranché par le TARLS.
94. A cela s’ajoute que la convention d’arbitrage figurant à l’art. 7 du contrat ne concerne pas et ne lie pas la FAF, qui n’est pas partie à cette convention. La compétence ratione personae du TAS ne pourrait dès lors pas s’étendre à la FAF dans le cas espèce. Pour cette raison également, il est exclu de considérer que le fait d’avoir assigné la FAF dans la présente procédure d’appel permettrait à l’Appelant de se fonder sur l’art. 70 al. 2 des Statuts pour échapper aux conséquences du principe de l’art. 70 al. 1, en vertu duquel les décisions rendues par le TARLS ayant pour objet les litiges entre un club et un joueur sont définitives.
95. Pour l’ensemble de ces motifs, la Formation aboutit à la conclusion que le TAS n’est pas compétent pour connaître de l’appel formé par le Joueur dans le cas d’espèce.
PAR CES MOTIFS
Le Tribunal Arbitral du Sport:
1. Se déclare incompétent pour statuer sur l’appel formé le 6 août 2018 par Abdelmalek Mokdad contre la décision arbitrale rendue le 30 avril 2018 par le Tribunal Algérien de Règlement des Litiges Sportifs.
2. (…).
3. (…).
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