TAS-CAS – Tribunal Arbitral du Sport/Tribunale Arbitrale dello Sport – Court of Arbitration for Sport/Corte Arbitrale dello Sport (2018-2019) – tas-cas.org – atto non ufficiale – Arbitrage TAS 2019/A/6132 & 6146 Fédération de Football des Comores (FFC) c. Confédération Africaine de Football (CAF), sentence du 20 septembre 2019 (dispositif du 4 juin 2019)

Tribunal Arbitral du Sport Court of Arbitration for Sport
Arbitrage TAS 2019/A/6132 & 6146 Fédération de Football des Comores (FFC) c. Confédération Africaine de Football (CAF), sentence du 20 septembre 2019 (dispositif du 4 juin 2019)
Formation: Mr Jacques Radoux (Luxembourg), Président; Mr François Klein (France); Mr Patrick Lafranchi (Suisse)
Football
Requête de prononcé d’une sanction de disqualification d’une équipe
Validité de la clause d’arbitrage
Intérêt digne de protection
1. L’article 48 al. 1 des Statuts de la CAF contient une clause d’arbitrage valable exprimant la volonté de la CAF de permettre un recours aussi large que possible à l’arbitrage du TAS pour tout différend se rapportant aux Statuts pouvant survenir entre les parties visées par cette disposition. Un litige non-disciplinaire qui découle de l’exercice, par le Comité Exécutif, de prérogatives qui lui sont reconnues par l’article 23 des Statuts de la CAF, et qui vise à faire contrôler la validité d’une décision prise par ledit CE par rapport, d’une part, aux Statuts et règlements de la CAF et, d’autre part, aux principes généraux du droit que sont le principe de non-discrimination et le principe d’égalité de traitement, doit être considéré comme un “différend se rapportant aux Statuts”, au sens de la jurisprudence du TAS.
2. L’article 59 du Code de procédure civile suisse (CPC), applicable mutatis mutandis aux procédures d’arbitrage devant le TAS, requiert l’existence, dans le chef de l’appelant, d’un intérêt concret, légitime et personnel, voire d’un intérêt juridique raisonnable ou suffisant, pour pouvoir accéder à la justice, dès lors qu’il ne saurait être attendu d’une juridiction qu’elle entre en la matière si le demandeur n’a pas d’intérêt juridique suffisant à la solution de la décision à intervenir. Conformément à la jurisprudence du TAS, l’existence d’un tel intérêt digne de protection est reconnue s’il existe un intérêt tangible de nature financière ou sportive. Cette jurisprudence s’inscrit dans la ligne directe de celle des juridictions étatiques suisses dont il ressort par ailleurs que l’intérêt de l’appelant à voir la décision qui lui fait grief revue doit être actuel et pratique, la résolution de questions juridiques abstraites sans pertinence pour le cas d’espèce n’étant pas susceptibles de fonder un intérêt digne de protection. Enfin, il appartient à l’appelant d’apporter les éléments permettant de conclure à l’existence d’un intérêt suffisant, et ce selon les règles procédurales applicables en matière de présentation des faits et preuves.
I. PARTIES
1. La Fédération de Football des Comores (ci-après “la FFC” ou “l’Appelante”) est une association regroupant les clubs de football de l’Union des Comores, responsable de l’organisation du football dans ce pays. Elle a son siège à Moroni, aux Comores. Elle est membre de la Confédération Africaine de Football.
2. La Confédération Africaine de Football (ci-après “la CAF” ou “l’Intimée”) est une organisation faîtière regroupant, sous l’égide de la Fédération Internationale de Football Association (FIFA), qui a son siège à Zurich, Suisse, les fédérations de football du continent africain. Elle a son siège à 6th October City (Le Caire), Égypte, et est l’une des cinq confédérations qui composent la FIFA.
II. FAITS À L’ORIGINE DU LITIGE
3. Cette partie de la sentence contient un bref rappel des faits principaux, établis sur la base des moyens et preuves que les parties ont présentés par écrit au cours de la présente procédure. Des éléments de faits supplémentaires peuvent être compris dans d’autres chapitres de la sentence, selon l’appréciation de la Formation arbitrale.
4. La Coupe d’Afrique des Nations (ci-après “la CAN”) est la plus importante compétition de football organisée au niveau continental. Elle se tient tous les deux ans et se déroule en deux phases: une phase qualificative et une phase finale.
5. L’organisation de la CAN 2019 a été attribuée, par décision de la CAF du 20 septembre 2014, à la Fédération Camerounaise de Football (ci-après “la FECAFOOT”). Par la même décision, l’organisation de la CAN 2021 a été attribuée à la Fédération Ivoirienne de Football (ci-après “la FIF”) et l’organisation de la CAN 2023 a été attribuée à la Fédération Guinéenne de Football (ci-après “la FGF”).
6. En juillet 2017, la CAF a adopté deux modifications relatives à l’organisation de la CAN qui devaient déjà s’appliquer à la CAN 2019: d’une part, la phase finale de la compétition devait dorénavant se dérouler en juin/juillet, et non plus en janvier/février, et le nombre d’équipes participantes devait passer de 16 à 24.
7. S’agissant de la phase qualificative pour la CAN 2019, il suffit de préciser que l’équipe de la FFC et l’équipe de la FECAFOOT se retrouvaient, avec les équipes du Maroc et du Malawi, dans le groupe B. Par ailleurs, depuis l’édition CAN 2019, l’équipe du pays hôte, bien que qualifiée automatiquement, participe malgré tout aux matchs de qualification. Conformément à une décision du Comité Exécutif (ci-après “le CE”) de la CAF, dans le groupe du pays hôte, ce sont l’équipe de ce dernier et l’équipe par ailleurs la mieux placée qui sont qualifiées.
8. Des problèmes d’organisation ayant été observés dans le cadre de la préparation de la CAN 2019 et de la CAN 2021, la CAF, par communiqué du 30 novembre 2018, a fait savoir que le CE avait décidé que la “prochaine édition de la [CAN 2019] ne peut se tenir au Cameroun”. Il ressort par ailleurs de ce communiqué que cette “décision sans appel, conduit donc la CAF à engager et ouvrir un appel urgent à de nouvelles candidatures de pays afin d’assurer le déroulement normal de la CAN aux lieux et places calendaires prévus en été 2019. […] Dans une telle situation, déjà vécue par le passé sur le continent africain, la CAF entend préciser que le Cameroun reste un candidat sérieux à l’organisation d’une CAN. La CAF salue les efforts du Cameroun pour la conduite des projets infrastructurels en cours. Elle l’encourage à poursuivre dans cette voie pour une reconquête de son statut d’organisateur”.
9. Par courrier du 6 décembre 2018, la FFC a demandé à la CAF de plus amples informations et éclaircissements au sujet du sort de l’équipe du Cameroun dans le groupe qualificatif pour la CAN 2019. La FFC indiquait que, d’après sa lecture de l’article 92.3 du règlement de la CAN, l’équipe du Cameroun devrait connaître une suspension des éditons CAN 2019 et CAN 2021. Or, une telle suspension n’aurait pas été mentionnée dans la décision du 30 novembre 2018.
10. Le 10 décembre 2018, le Président de la CAF a fait des déclarations publiques laissant entendre que la CAN 2021 serait attribuée à la FECAFOOT et que les sanctions prévues par le règlement de la CAN ne seraient pas imposées.
11. Le 17 décembre 2018, la CAF a précisé qu’aucune décision quant à l’organisation de la CAN 2021 n’avait été prise, étant donné que l’on attendait une décision au sujet de l’organisation de la CAN 2019. Entretemps, et suite aux déclarations publiques du Président de la CAF, la FIF avait saisi le Tribunal Arbitral du Sport (ci-après “le TAS”), à Lausanne, Suisse, d’un recours contre le CAF.
12. Le 7 janvier 2019, en l’absence de toute réponse de la part de la CAF à la lettre du 6 décembre 2018, la FFC a adressé un nouveau courrier à la CAF, priant formellement cette dernière d’appliquer les termes de l’article 92.3 du règlement de la CAN et de prononcer la suspension de l’équipe du Cameroun de la CAN 2019. La FFC précisait qu’en “l’absence d’une décision en ce sens de la CAF à l’occasion de la réunion du Comité exécutif prévue le 9 janvier 2019 pour la sélection du nouveau pays hôte de la CAN 2019, nous considérons qu’il existe un litige entre la CAF et la [FFC] et nous saisirons le [TAS] pour régler ce litige”.
13. Le 30 janvier 2019, la CAF, par l’intermédiaire de son secrétaire général adjoint, a répondu à cette dernière lettre en rappelant que “[s]elon l’article 92 para 3 auquel vous faites référence dans votre lettre; ’un retrait notifié moins d’un an avant la date du tournoi final amène une amende de cinq cent mille (500 000) dollars US et suspension à la prochaine édition de la CAN de son équipe nationale A, sans tenir compte de l’édition concernée’. Par conséquent, comme précisé dans l’article susmentionné, l’édition concernée 2019 n’est pas prise en compte quel que soit la décision relative à l’équipe Camerounaise. D’autre part, nous vous saurions gré de prendre note que la CAF n’a pas retiré la CAN du Cameroun mais a plutôt reporté le droit de l’organisation à l’édition suivante. Nous vous confirmons donc la participation de l’équipe Camerounaise aux éliminatoires de la Coupe d’Afrique des Nations Total 2019”.
III. PROCÉDURE DEVANT LE TRIBUNAL ARBITRAL DU SPORT
14. Par acte daté du 28 janvier 2019, reçu au Greffe du TAS le même jour, une déclaration d’appel a été déposée par l’Appelante dans le litige qui l’oppose à la CAF concernant la “décision implicite du [CE] de la [CAF] de refuser d’exclure l’équipe A de la Fédération camerounaise de football de la [CAN] 2019”. Cette déclaration d’appel a été enregistrée sous le numéro TAS 2019/A/6132.
15. Le 11 février 2019, l’Appelante a déposé une seconde déclaration d’appel, enregistrée sous le numéro TAS 2019/A/6146, dirigée contre la “décision de la CAF du 30 janvier 2019 de (i) refuser d’exclure l’équipe A de la Fédération camerounaise de football de la Coupe d’Afrique des Nations et (ii) d’attribuer l’organisation de 1’édition 2021 de la [CAN] à la Fédération camerounaise de football”.
16. Le 18 février 2019, l’Appelante a déposé, dans le délai lui imparti, un mémoire d’appel unique dans le cadre des deux procédures TAS 2019/A/6132 et TAS 2019/A/6146.
17. Le 25 février 2019, l’Intimée a indiqué ne pas s’opposer à la consolidation des deux procédures tout en faisant valoir qu’il n’existait pas de déni de justice et que l’Appelante n’avait pas d’intérêt légal suffisant à maintenir son appel dans la première procédure.
18. Par courrier du même jour, le Greffe du TAS a informé les parties qu’en l’absence d’opposition de l’Intimée à la consolidation des deux procédures, celles-ci étaient désormais consolidées et a invité l’Intimée à déposer, conformément à l’article R55 al.1 du Code de l’arbitrage en matière de sport (ci-après le “Code”), son mémoire en réponse.
19. Le 12 mars 2019, après un échange de courrier avec l’Appelante au sujet de l’appel de frais émis par le TAS, le Greffe du TAS a informé les parties qu’une décision de “refuser d’imposer une sanction disciplinaire” à une tierce partie ne saurait être considérée comme une décision de nature disciplinaire au sens de l’article R65.1 du Code et que, partant, les procédures TAS/A/6132 et TAS 2019/A/6146 étaient payantes.
20. Le 13 mars 2019, l’Intimée a demandé que, en application de l’article R55 al.3 du Code, le délai pour le dépôt de sa réponse soit fixé après le paiement par l’Appelante de sa part des avances de frais.
21. Le 27 mars 2019, le Greffe du TAS a informé l’Intimée que sa part de l’avance des frais avait été payée par l’Appelante et l’a invitée à déposer son mémoire en réponse dans un délai de vingt (20) jours. En outre, conformément à l’article R54 du Code, le Greffe du TAS a informé les parties que la Formation arbitrale appelée à se prononcer sur les appels était constituée de M. Jacques Radoux, référendaire auprès de la Cour de justice de l’Union européenne, Luxembourg (Président), Me François Klein (désigné par l’Appelante), avocat à Paris, France, et Me Patrick Lafranchi (désigné par l’Intimée), avocat à Berne, Suisse.
22. Le 23 avril 2019, l’Intimée a déposé sa réponse dans laquelle elle soulevait, notamment, le défaut d’intérêt légal à agir de l’Appelante et l’absence de légitimation passive de la part de la seule CAF.
23. Le 7 mai 2019, le Greffe du TAS, a informé les parties qu’une audience d’instruction et de plaidoiries aurait lieu le 29 mai 2019 à Lausanne, Suisse, et que la Formation arbitrale avait décidé de rejeter la requête de production de documents formulée par l’Appelante aux motifs (i) que cette dernière n’avait fourni aucune raison justifiant la production de ces documents et (ii) avait échoué à démontrer la pertinence de ces documents pour la résolution du présent litige. Pour le surplus, le Greffe du TAS a ouvert un délai jusqu’au 17 mai 2019 à l’Appelante pour se déterminer, par écrit, sur les objections d’irrecevabilité soulevées par l’Intimée.
24. Le 17 mai 2019, le Greffe du TAS a notifié aux parties une ordonnance de procédure avec invitation de la signer jusqu’au 23 mai 2019.
25. L’Intimée et l’Appelante ont respectivement signé ladite ordonnance les 20 et 23 mai 2019.
26. Le 29 mai 2019, une audience s’est tenue au siège du TAS en présence de la Formation arbitrale et de Me Fabien Cagneux, Conseiller au TAS. Les personnes suivantes étaient également présentes à l’audience:
- pour l’Appelante: M. Saïd Athouman, président; M. Ben Amir Saadi, manager de l’équipe nationale; Mes Guillaume Tattevin, Giulio Palermo et Andrea Baratta, avocats, tous en personne;
- pour l’Intimée: Mme Sarah El Adawi, discipline coordinator (legal department), et Me Marc Cavaliero, avocat, tous en personne.
27. Lors de de l’ouverture de l’audience, les parties ont confirmé ne pas avoir d’objections quant à la composition de la Formation arbitrale. Au cours de l’audience, les parties ont eu l’occasion de présenter et défendre leurs positions respectives. À l’issue de l’audience, les parties ont confirmé que leurs droits procéduraux ainsi que leurs droits de la défense ont été respectés.
IV. POSITION DES PARTIES
28. Les arguments des parties, développés dans leurs écritures respectives et lors de l’audience seront résumés ci-dessous. Si seuls les arguments essentiels sont exposés ci-dessous, toutes les soumissions ont naturellement été prises en compte par la Formation, y compris celles auxquelles il n’est pas fait expressément référence.
A) Sur l’exception d’irrecevabilité
1. Les arguments développés par l’Intimée
29. Dans son mémoire en défense, la CAF soulève, in limine litis, une exception d’irrecevabilité à l’encontre des deux appels.
30. À l’appui de cette exception, l’Intimée soutient d’abord qu’il existe un principe indéniable en droit suisse, applicable à titre supplétif, confirmé par la jurisprudence constante du TAS, selon lequel toute demande en justice doit être supportée par un intérêt digne de protection (CAS 2009/A/1880-1881 et CAS 2010/A/2091). Ainsi, en vertu de l’article 59 du Code de procédure civile suisse (ci-après “le CPC”), le “tribunal n’entre en matière que sur les demandes et les requêtes qui satisfont aux conditions de recevabilité de l’action. Ces conditions sont notamment les suivantes: (a) le demandeur ou le requérant a un intérêt digne de protection […]”. Or, il ressortirait de la jurisprudence du Tribunal Fédéral Suisse que l’exigence consiste alors en ce que le demandeur puisse obtenir un avantage, factuel ou juridique, du résultat de la procédure, l’absence d’intérêt entraînant l’irrecevabilité de la demande (ATF 5_282/2016, consid. 3.2.1).
31. Elle précise à cet égard que le TAS a interprété cet article du CPC de manière restrictive, par exemple dans l’affaire CAS 2016/A/4602, para. 48, de sorte que si la situation juridique ou factuelle de l’Appelante, qui doit s’effectuer au cas par cas et de manière circonstanciée, n’est pas affectée par l’issue du litige, il n’aura pas l’intérêt légal suffisant pour faire appel au TAS. Dans un tel cas, son appel devrait être déclaré irrecevable.
32. Or, tel serait précisément le cas en l’espèce, dès lors que l’équipe A de la FFC serait, en tout état de cause et quoiqu’il advienne de l’équipe A de la FECAFOOT, à savoir même si cette dernière devait être suspendue, quod non, dans l’impossibilité mathématique de se qualifier pour la CAN 2019. En effet, l’équipe du Malawi, qui a terminé troisième derrière les équipes du Cameroun et du Maroc, ayant terminé la phase qualificative avec le même nombre de points que l’équipe des Comores, cette dernière resterait derrière l’équipe du Malawi en raison du fait que le classement des deux équipes dépend des rencontres directes jouées entre elles. Cette situation persisterait si l’équipe A de la FECAFOOT est purement et simplement effacée du classement, si les résultats des matchs de toutes les autres équipes contre le Cameroun sont annulés ou si les équipes de la poule gagnent par forfait de 3-0 tous les matchs joués contre l’équipe du Cameroun. Ainsi, peu importe l’issue de la présente procédure, l’équipe A de la FFC resterait toujours troisième du groupe qualificatif et sa situation ne changerait donc pas. Partant, pour cette raison déjà, l’appel devrait être déclaré irrecevable.
33. L’Intimée considère que la même argumentation est applicable en ce qui concerne la demande de l’Appelante de voir l’équipe A de la FECAFOOT suspendue pour la CAN 2021, dès lors qu’une telle suspension n’aurait aucune incidence sur la situation de l’équipe de l’Appelante. Cette dernière n’aurait donc pas d’intérêt digne de protection à cet égard.
34. L’Intimée ajoute, ensuite, que l’Appelante ne saurait valablement demander que seul le dernier match des qualifications de l’équipe A de la FECAFOOT soit déclaré perdu par cette équipe par forfait 3-0. Or, il serait inconcevable de considérer qu’une équipe exclue d’une compétition ne perde qu’un seul match par forfait, alors que tous les autres résultats obtenus par cette équipe persisteraient puisqu’une telle solution contrevient au principe d’égalité de traitement entre les équipes du groupe de qualification en question. D’ailleurs, l’article 92.3 du règlement de la CAN, auquel l’Appelante se réfère, ne prévoirait pas de “forfait” et ne contiendrait aucun renvoi à une autre disposition dudit règlement. Les articles 82, 84, 85 et 61 du règlement de la CAN ne trouveraient pas davantage à s’appliquer en l’espèce puisque l’équipe A de la FECAFOOT ne s’est pas retirée de la compétition et n’a pas non plus été préalablement disqualifiée. De surcroît, cette demande aurait pour la première fois été soulevée devant le TAS et ni le CE de la CAF ni le jury disciplinaire n’auraient été saisis d’une telle demande. Une telle façon de procéder démontrerait que l’Appelante veut court-circuiter le processus disciplinaire prévu par les règlements de la CAF.
35. S’agissant de l’argument de l’Appelante selon lequel cette dernière aurait un intérêt juridique à voir la CAF respecter ses statuts, l’Intimée avance que, en l’espèce, un tel intérêt n’existe pas puisque l’Appelante n’est pas directement affectée par la décision attaquée. La même conclusion s’imposerait en ce qui concerne le prétendu intérêt tiré de la protection des principes de non-discrimination et d’égalité de traitement. En effet, les affirmations de l’Appelante selon lesquelles la CAF aurait pris une autre décision que celle prise à l’égard de la FECAFOOT si la FFC avait été concernée constitueraient des allégations dépourvues de tout fondement.
36. L’Intimée soutient, enfin, que les sanctions requises par l’Appelante, à savoir la suspension de l’équipe A de la FECAFOOT pour la CAN 2019 et/ou la CAN 2021 en application de l’article 92.3 du règlement de la CAN ainsi que la victoire par forfait du dernier match qualificatif joué par l’équipe A de la FFC, sont des sanctions expressément mentionnées dans la liste des mesures disciplinaires pouvant être prononcées par le jury disciplinaire. En effet, c’est ce dernier qui, en vertu de l’article 45 des Statuts de la CAF, serait compétent pour imposer des sanctions disciplinaires, ses décisions étant susceptibles d’appel devant le jury d’appel. Partant, seul le jury disciplinaire aurait pu adopter, en première instance, les sanctions requises dans la présente procédure, ni le CE de la CAF ni le Secrétaire général de la CAF étant compétents pour imposer ces sanctions. Aucune décision de la part du jury disciplinaire n’étant intervenue, il y aurait lieu de conclure qu’un appel contre la décision du CE de la CAF du 30 janvier 2019 ne saurait en aucun cas aboutir à l’imposition de sanctions disciplinaires à l’encontre de la FECAFOOT.
37. Dans ces conditions, sur base de l’examen factuel de l’affaire et eu égard au caractère très général des arguments avancés par l’Appelante, il y aurait lieu de conclure que cette dernière ne dispose pas d’un intérêt légal digne de protection dans les présentes procédures.
2. Les arguments développés par l’Appelant
38. S’agissant de l’exception d’irrecevabilité soulevée par l’Intimée, l’Appelante considère qu’il convient de la rejeter dès lors que la FFC aurait tant un intérêt factuel ou sportif qu’un intérêt légal digne de protection.
39. S’agissant, d’abord, de l’intérêt factuel ou sportif, l’Appelante fait valoir que par le jeu combiné des articles 82, 85 et 61 du règlement de la CAN, son équipe A doit gagner par forfait 3-0 le match joué, le 23 mars 2019, contre l’équipe A de la FECAFOOT, ce qui la placerait en seconde position du Groupe B, devant 1’équipe du Malawi, de sorte qu’elle serait qualifiée pour la CAN 2019. Il serait dès lors évident que l’Appelante a un intérêt sportif à obtenir la suspension de l’équipe A de la FECAFOOT. En effet, l’article 82 du règlement de la CAN prévoirait les conséquences d’un retrait de la compétition, y compris si ce retrait résulte d’une disqualification telle que celle qui aurait dû être prononcée en l’espèce en application de l’article 92.3 du même règlement de la CAN. Les conséquences seraient prévues par l’article 85 du règlement de la CAN aux termes duquel “[l]’équipe qui enfreint les dispositions des articles 82 et 83 sera exclue du tournoi et les dispositions de l’article 61 seront appliquées”. Or, en vertu de cette dernière disposition, si une équipe se retire avoir participé à l’ensemble des matches de la première moitié des matches de groupe, “[l]es matches restant à jouer dans ledit groupe sont perdus par pénalité trois buts à zéro”. Dès lors que, en l’espèce, seul un match de groupe restait à jouer à l’équipe A de la FECAFOOT après le 30 novembre 2018, à savoir celui l’opposant à l’équipe A de la FFC, cette dernière devrait gagner ledit match par forfait 3-0. Il s’ensuivrait que l’équipe des Comores terminerait troisième du groupe qualificatif avec 8 points et que l’équipe du Malawi serait quatrième avec seulement 5 points. La situation resterait inchangée même si l’on devait considérer que l’équipe A de la FECAFOOT devrait perdre tous ses matchs de la seconde moitié des matchs de groupe par forfait 3-0. Partant, dans tous les cas, l’équipe A de la FFC terminerait à une place qui lui permettrait de se qualifier pour la CAN 2019.
40. En ce qui concerne, ensuite, l’intérêt juridique, l’Appelante soutient que, en règle générale, les membres d’une fédération ont un intérêt au respect des règlements de cette dernière. À cet égard, le TAS aurait jugé, dans l’affaire CAS 2002/O/373, que “all those who are members of the Olympic Movement […] have a mutual responsibility, both contractual and ethical, to uphold the OC which is a cornerstone of the Olympic Movement. […] Accordingly, each has a corresponding right and interest in seeking to correct any breach of the Charter”. Plus particulièrement, le TAS aurait jugé, dans l’affaire CAS 2014/A/3625, qu’il était important d’assurer 1’integrité d’une compétition [“to dispel any shadow of doubt in the public about the integrity, the values and the fair play of its competitions (i.e. to protect the reputation of the competition)”]. En l’espèce, l’Appelante, qui serait membre de la CAF et participante automatique à la phase qualificative de la CAN, aurait un intérêt direct à l’intégrité de cette compétition pour des raisons sportives et financières. La CAN étant l’évènement le plus populaire du football africain et représentant une source de revenus de sponsoring tant pour la CAF que pour les fédérations nationales, l’Appelante aurait un intérêt direct à assurer que la réputation de la CAN ne soit pas atteinte par des décisions irrégulières. Par ailleurs, l’Appelante aurait un intérêt à voir éviter tout type de discrimination entre les membres de la CAF, l’article 2, alinéa 1er, sous h), des Statuts de cette dernière prescrivant un traitement égalitaire entre lesdits membres. Cette obligation serait également prévue à l’article 8 de la Constitution suisse. Or, en l’espèce, la FECAFOOT aurait reçu de la part de la CAF un traitement privilégié par rapport à d’autres fédérations membres ainsi que le prouverait la pratique habituelle de la CAF.
41. L’argument selon lequel il ressortirait de la jurisprudence du TAS qu’il n’appartient pas aux membres d’une fédération d’assurer l’intégrité d’une compétition et qu’un membre doit être “directement affecté” par la décision attaquée ne saurait être retenu dès lors que, dans le cas d’espèce, c’est précisément la fédération qui a manqué à son obligation d’assurer l’intégrité de la compétition et que les dispositions réglementaires de la CAF, à la différence de celles de l’UEFA, ne prévoient pas que l’appelant doit être “directement affecté” par la décision attaquée.
42. Pour ce qui est, enfin, de la prétendue absence de compétence du CE de la CAF pour imposer les sanctions requises dans le cadre du présent appel, l’Appelante avance que CAF ne saurait valablement soutenir que c’est son jury disciplinaire qui est compétent pour prendre une décision d’exclusion en application de l’article 92 du règlement de la CAN, alors que, par le passé, le CE de la CAF a itérativement adopté ce type de décisions et que la CAF elle-même a, à plusieurs reprises, vigoureusement soutenu devant le TAS que ledit CE était compétent pour imposer des sanctions en application de cette disposition (voir, notamment, TAS 2014/A/3794 et TAS 2015/A/3920). D’ailleurs, dans l’affaire TAS 2015/A/3930, la formation aurait expressément constaté que le jury disciplinaire et le jury d’appel n’étaient pas compétents pour appliquer l’article 92 du règlement de la CAN. En l’espèce, il ne ferait donc pas de doute que c’est le CE de la CAF qui a manqué à prendre une décision et que ce manquement ne peut être contesté que devant le TAS.
B) Les arguments sur le fond
1. Les arguments développés par l’Appelant
43. En ce qui concerne la procédure, l’Appelante avance que le TAS est compétent pour statuer sur les présents appels en vertu de l’application cumulée de l’article R47 du Code et de l’article 48.1 des Statuts de la CAF. Dès lors que les appels seraient dirigés contre des décisions adoptées par le CE de la CAF, le délai de recours serait le délai de 21 jours prévu à l’article R49 du Code et non pas celui de 10 jours figurant à l’article 48.3 des Statuts de la CAF. Or, le délai de 21 jours aurait été respecté en l’espèce. En vertu de l’article 48.2 des Statuts de la CAF, la procédure arbitrale serait régie par la Code et les règles applicables au fond du litige seraient les Statuts de la CAF, dans leur version du 21 juillet 2017, le règlement de la CAN, dans sa version du 1er février 2018, ainsi que, à titre supplétif, le droit suisse puisque les Statuts de la CAF le prévoient et que le siège du TAS est localisé en Suisse.
44. La décision contestée serait celle du CE de la CAF de refuser de prononcer la sanction disciplinaire de suspension à l’encontre de l’équipe A de la FECAFOOT. Cette décision aurait d’abord été prise de manière implicite dès lors que le CE de la CAF, qui avait été formellement mis en demeure par l’Appelante, n’avait pas réagi à cette mise en demeure, commettant ainsi un déni de justice fondant la saisine du TAS (TAS/A/899). Cette décision aurait, ensuite, été rendue de manière explicite dans la réponse de la CAF datée du 30 janvier 2019 et émanant du Secrétaire général de cette dernière, informant l’Appelante que l’équipe A de la FECAFOOT allait participer à la CAN 2019 et que l’organisation de la CAN 2021 avait été attribuée à la FECAFOOT, de sorte qu’il était manifeste que l’équipe en question n’était pas suspendue pour la CAN 2021.
45. S’agissant du fond du litige, l’Appelant, en réponse aux arguments soulevés par l’Intimée au regard de l’absence de co-légitimation passive de sa part, argue que la jurisprudence sur la co-légitimation passive est loin d’être aussi certaine que 1’affirme l’Intimée. Ainsi, le TAS aurait déjà eu l’occasion de juger que les appels contre les décisions d’une confédération visaient avant tout la protection des intérêts de la confédération et de ses membres, c’est-à-dire la conformité avec le règlement, et que seule la confédération avait donc la légitimation passive (TAS/A/5227). Ce serait donc avant tout la fédération décisionnaire qui devrait être appelée, et d’autres parties ne pourraient être appelées qu’à titre exceptionnel (TAS 2012/A/2705). À cet égard, si la FECAFOOT avait jugé qu’elle avait un intérêt à la procédure, elle aurait pu demander à intervenir dès lors qu’il serait établi qu’elle savait que la procédure était pendante. Or, elle aurait sciemment décidé de ne pas prendre part à la présente procédure. Par ailleurs, s’agissant plus particulièrement de la demande de l’Appelante relative au match du 23 mars 2019, à savoir que l’équipe du Cameroun perde ce match par forfait 3-0, la FECAFOOT n’aurait pas d’intérêt à agir, dès lors que le match en question est devenu sans objet après son exclusion de la compétition en application de l’article 92.3 du règlement CAN.
46. L’Appelant soutient, quant au fond, que, en l’espèce, l’article 92.3 du règlement de la CAN aurait dû trouver à s’appliquer dès lors que la FECAFOOT, qui s’était vu attribuer, en 2014, l’organisation de la CAN 2019, s’est vu retirer cette organisation par décision du CE de la CAF du 30 novembre 2018. Le fait que la CAF essaie de requalifier ledit retrait en un “report” serait contredit par le communiqué de la CAF du 30 novembre 2018, par le communiqué de presse de la CAF du 2 janvier 2019 et par la déclaration publique du Président de la CAF en date du 30 janvier 2019. S’ajouterait à cela le fait que le déroulement de la CAN 2019 n’a pas été reporté à une date ultérieure, mais que son organisation a été attribuée à une autre fédération, à savoir la fédération égyptienne.
47. Les conséquences de l’application de l’article 92 du règlement de la CAN seraient de deux sortes: d’une part, l’imposition d’une amende, et d’autre part, une suspension pour la compétition à venir, le montant de l’amende et la durée de la suspension dépendant de la date à laquelle le retrait est intervenu. L’interprétation de l’article 92.3 du règlement de la CAN retenue par la CAF dans sa décision du 30 janvier 2019, à savoir que la suspension devrait s’appliquer pour la CAN 2021 et non pour la CAN 2019, serait contredite non seulement par l’interprétation textuelle de ladite disposition, telle qu’elle s’imposerait conformément au droit suisse (voir, notamment, CAS 2010/A/2071 et CAS 2016/A/4787), mais aussi par le contexte et la pratique habituelle de la CAF (suspension du Maroc pour la CAN 2015, suspension du Madagascar pour la CAN U-17 2017, suspension du Kenya pour la CHAN 2018, suspension de l’Éthiopie pour la CHAN 2020).
48. Or, selon l’Appelante, la CAF ne dispose pas de marge d’appréciation dans l’application de l’article 92.3 du règlement de la CAN dès lors que l’article 2 des Statuts de la CAF prévoit que cette dernière a pour but, notamment, “[d]e fixer des règles […] et de veiller à leur respect” ainsi que “[d]’empêcher toutes méthodes et pratiques de nature à mettre en danger l’intégrité des joueurs, du jeu ou des compétitions […]”. D’ailleurs, les articles 2.2. et 2.3 desdits Statuts prévoiraient que cette obligation s’impose “en tout temps et sans réserve”. L’obligation pour une fédération sportive de respecter ses règlements serait en outre reconnue par la jurisprudence du TAS et celle du Tribunal Fédéral suisse. L’article 92.3 du règlement de la CAF ne prévoyant aucune exception et son application n’étant soumise à aucune autre condition que le retrait de l’organisation de la compétition ou le désistement de cette organisation, il y aurait lieu de conclure que son application ne dépend pas des circonstances d’espèce.
49. L’Appelante fait valoir, en dernier lieu, que la décision de la CAF de refuser d’appliquer l’article 92.3 du règlement de la CAN en l’espèce constitue également une violation des principes d’égalité de traitement et de non-discrimination, principes dont le respect s’imposerait pourtant à de multiples titres à la CAF. Premièrement, le principe de non-discrimination ferait partie des buts et principes que la CAF s’est fixée à elle-même dans ses Statuts puisque l’article 2, paragraphe 1, sous (h) de ceux-ci prévoit que la CAF a pour but “[d]e promouvoir le football, avec intégrité et sans aucune discrimination d’un pays donné […]”. Deuxièmement, la Constitution fédérale de la Confédération Suisse poserait à son article 8 al. 1 et al. 2, en tant que droit fondamental, le principe de non-discrimination et le Tribunal Fédéral suisse considérerait que cette notion fait partie de l’ordre public suisse au sens de l’article 190 al. 2 de la Loi fédérale sur le droit international privé (LDIP). Troisièmement, le droit suisse imposerait, au titre des droits dits “de protection”, un “ensemble de normes qui protègent directement ou indirectement les sociétaires”. La jurisprudence constante du TAS reconnaîtrait parmi ces droits, au titre des normes fondamentales, les principes de la légalité et de l’égalité de traitement tout en mettant en avant l’exigence de prévisibilité et de clarté (TAS 2006/A/1164). La décision de CAF de n’appliquer aucune sanction à la FECAFOOT, alors que ses règlements le lui imposent et qu’elle a, dans des circonstances similaires, prononcé de telles sanctions à l’encontre d’autres fédérations membres, constituerait une violation du principe d’égalité de traitement. En outre, en favorisant ouvertement la FECAFOOT pour des raisons politiques et commerciales, au mépris de ses propres textes, la CAF défavoriserait directement la FFC et commettrait donc une discrimination à l’encontre de cette dernière.
50. À titre subsidiaire, et pour le cas où la formation devait suivre l’argumentation selon laquelle l’article 92.3 du règlement de la CAN s’applique à la CAN 2021, l’Appelante demande au TAS d’annuler la décision du 30 janvier 2019 en ce qu’elle attribue l’organisation de la CAN 2021 à la FECAFOOT. En effet, dès lors que l’attribution de l’organisation d’une CAN à une fédération emporterait automatiquement qualification de l’équipe de cette fédération pour la phase finale de cette compétition, l’attribution de l’organisation de la CAN 2021 à la FECAFOOT serait incompatible avec la suspension prévue par l’article 92.3 du règlement de la CAN.
51. Eu égard à toutes ces considérations, l’Appelante demande, à titre principal, que le TAS:
i. Annule la décision de la CAF de refuser de suspendre l’équipe A de la fédération camerounaise de la CAN 2019.
ii. Déclare, en application de 1’artide 92.3 du Règlement CAN que l’équipe A de la fédération camerounaise est suspendue pour la CAN 2019.
iii. Déclare que les deux équipes arrivées en tête du Groupe B des phases de qualification de la CAN 2019, hors l’équipe de la fédération camerounaise, seront qualifiées pour la phase finale de la CAN 2019.
iv. Déclare en application des articles 82 et 84 du Règlement CAN que l’équipe A de la fédération camerounaise perd sur le score de 3-0 le match prévu le 22 mars 2019 contre l’équipe de la fédération comorienne.
v. Ordonne à la CAF de prendre toutes les mesures utiles pour mettre en oeuvre cette décision.
À titre subsidiaire, si par extraordinaire le TAS venait à interpréter l’article 92.3 du Règlement CAN dans le sens d’une suspension à l’édition 2021 de la CAN, que le TAS:
i. Déclare, en application de 1’article 92.3 du Règlement CAN, que l’équipe A de la fédération camerounaise est suspendue pour la CAN 2021.
ii. Ordonne à la CAF de prendre toutes les mesures utiles pour mettre en oeuvre cette décision.
En tout état de cause, que le TAS:
i. Mette tous les frais éventuels, y compris les honoraires et dépens de la FFC, à la charge de la CAF.
ii. Déboute la CAF de toutes conclusions contraires.
2. Les arguments développés par l’Intimée
52. L’Intimée considère que les appels, en dehors de leur irrecevabilité, sont affectés par d’autres vices qui doivent entraîner leur rejet.
53. À l’appui de sa position, l’Intimée fait valoir, en premier lieu, qu’il appartient, conformément à la jurisprudence du TAS (CAS 2006/A/1155 et CAS 2012/A/2981), confirmée par la doctrine, exclusivement à l’Appelante de déterminer et de choisir les parties intimées. En l’espèce, l’Appelante aurait désigné comme unique partie intimée la CAF et aucune autre partie, et ce alors même que toutes les conclusions principales et subsidiaires de l’Appelante seraient, en réalité, uniquement et directement dirigées contre la FECAFOOT. Au vu du fait que le TAS n’a pas la possibilité d’appeler, ex officio, la FECAFOOT dans les présentes procédures d’appel, la Formation arbitrale n’aurait pas la possibilité de prendre une décision qui affecterait les droits de cette partie tierce sans que cette dernière ait pu prendre positon. La CAF seule ne pouvant pas avoir la légitimation passive dans les présentes procédures, la FECAFOOT aurait dû obligatoirement faire partie des procédures. Ceci serait confirmé par la jurisprudence du TAS, et plus particulièrement par les affaires CAS 2011/A/2551 et CAS 2016/A/4668. Une décision d’exclure une fédération d’une compétition ou de suspendre une fédération d’une compétition à venir de même que la décision de faire perdre par forfait une équipe d’une fédération, ne saurait être prise sans que la fédération en question ait été nommée en tant que partie intimée. Dès lors qu’un appelant ne nomme pas correctement toutes les parties intimées, il y aurait lieu de rejeter l’appel. Ceci vaudrait d’autant plus que, en l’espèce, il n’existait aucune difficulté pratique pour nommer correctement les parties intimées.
54. En deuxième lieu, et à titre subsidiaire, l’Intimée soutient qu’il existe d’autres motifs justifiant le rejet des appels. Ainsi, contrairement à ce que prétendrait l’Appelante, il n’existerait aucune décision de “retrait” de l’organisation de la CAN 2019 au sens visé par l’article 92.3 du règlement CAN. En effet, le CE de la CAF aurait, notamment pour des raisons de sécurité, procédé à un glissement de l’organisation de la CAN 2019, de la CAN 2021 et de la CAN 2023, la fédération égyptienne s’étant vue octroyer l’organisation de la CAN 2019. Les trois associations qui avaient été désignées pour accueillir une CAN (2019, 2021 et 2023) étant les trois mêmes associations qui ont obtenu le droit et ont accepté d’organiser la CAN suivante (2021, 2023 et 2025). Toutes les fédérations concernées ayant été d’accord avec le glissement en question, il n’y aurait pas eu lieu de procéder à un retrait. D’ailleurs, si un retrait pur et simple avait été ordonné, la FECAFOOT aurait perdu le droit d’organiser la CAN 2019 et n’aurait pas obtenu le droit d’organiser la CAN 2021. Partant, en l’absence de tout retrait pur et simple, l’article 92.3 du règlement de la CAN, invoqué par l’Appelante à l’appui de son appel, ne trouverait pas à s’appliquer et aucune sanction prévue dans cet article ne saurait être imposée.
55. En tout état de cause, et à supposer même que la Formation arbitrale soit disposée à considérer qu’il y a eu un “retrait” de l’organisation de la CAN 2019, il serait clair que les conséquences ne seraient pas celles recherchées par l’Appelante. En effet, cette dernière s’appuierait sur une interprétation erronée de l’article 92.3 du règlement de la CAN. D’une part, l’interprétation littérale à laquelle procède l’Appelante ignorerait qu’il ne peut y avoir de tournoi final entre un retrait qui intervient “moins d’un an avant la date du tournoi final” et ledit tournoi final en question. Ainsi, à suivre le raisonnement tenu par l’Appelante, les rédacteurs de la disposition en cause n’avaient pas besoin de prévoir les termes “sans tenir compte de l’édition concernée”. Partant, selon l’Intimée, en vertu du texte clair de la norme, toute suspension ne pourrait que concerner l’édition suivant celle concernant le retrait. Toute autre interprétation n’étant pas soutenable et contrevenant à la lettre de ladite disposition. D’autre part, les précédents invoqués par l’Appelante à l’appui de sa thèse selon laquelle il existe une pratique habituelle de la CAF ne seraient pas pertinents en l’espèce dès lors que les circonstances factuelles divergent de celles en cause dans le présent litige. En outre, l’on ne saurait parler de pratique constante lorsqu’il n’existe que deux ou trois exemples d’application d’une règle sur une brève période temps.
56. Au vu de ce qui précède, l’Intimée conclut qu’elle a démontré ce qui suit:
i. L’appel est irrecevable faut d’intérêt digne de protection de l’Appelant;
ii. L’Appelant tente de court-circuiter le processus disciplinaire interne de l’Intimée et l’objet de son appel ne peut aboutir à l’imposition de sanctions disciplinaires à l’encontre de la Fédération Camerounaise de Football;
iii. Sur le fond, l’Intimée n’a pas seule la légitimation passive;
iv. En effet, toutes les conclusions de l’Appelant sont dirigées à l’encontre de la Fédération Camerounaise de Football, laquelle n’a pas été nommée en tant que partie intimée par l’Appelant;
v. Il est dès lors impossible de sanctionner ladite Fédération sans l’entendre au préalable;
vi. En dernier lieu, non seulement l’art. 92.3 du Règlement ne trouve pas application dans le cas présent de glissement et
vii. En tout état de cause, l’interprétation du Règlement présentée par l’Appelant est erronée.
viii. Pour toutes ces raisons, l’Intimée conclut respectueusement à ce que la Formation déclare l’appel irrecevable, alternativement le rejette quant au fond.
ix. Ainsi, toutes les conclusions de l’Appelant doivent en tout état de cause être rejetées.
V. COMPÉTENCE DU TAS
57. Conformément à l’article 186 de la la Loi fédérale sur le droit international privé (LDIP), le TAS statue sur sa propre compétence.
58. En vertu de l’article R47 du Code, “[u]n appel contre une décision d’une fédération, association ou autre organisme sportif peut être déposé au TAS si les statuts ou règlements dudit organisme sportif le prévoient ou si les parties ont conclu une convention d’arbitrage particulière et dans la mesure aussi où la partie appelante a épuisé les voies de droit préalables à l’appel dont elle dispose en vertu des statuts ou règlements dudit organisme sportif”.
59. Selon l’article 48 al. 1 des Statuts de la CAF, “[l]a CAF autorise le recours au Tribunal Arbitral du Sport, une juridiction arbitrale indépendante ayant son siège à Lausanne (Suisse), pour tout différend opposant la CAF, les associations nationales, les membres, les ligues, les clubs, les joueurs, les officiels, les agents de matches et les agents de joueurs licenciés”.
60. S’agissant de la validité de la clause d’arbitrage, la Formation rappelle que le TAS a déjà jugé que l’article 48 al. 1 des Statuts de la CAF contient une clause d’arbitrage valable exprimant la volonté de la CAF de permettre un recours aussi large que possible à l’arbitrage du TAS pour tout différend se rapportant aux Statuts pouvant survenir entre les parties visées par cette disposition (TAS 2012/A/3027, para. 60).
61. De l’avis de la Formation, un litige [non-disciplinaire] tel que le cas d’espèce, qui découle de l’exercice, par le Comité Exécutif, de prérogatives qui lui sont reconnues par l’article 23 des Statuts de la CAF aux termes duquel le CE “est l’autorité suprême pour toutes les questions relatives aux compétitions de la CAF” (paragraphe 10) et “détermine le lieu et les dates du tournoi final des compétions de la CAF” (paragraphe 16), et qui vise à faire contrôler la validité d’une décision prise par ledit CE par rapport, d’une part, aux Statuts et règlements de la CAF et, d’autre part, aux principes généraux du droit que sont le principe de non-discrimination et le principe d’égalité de traitement, doit être considéré comme un “différend se rapportant aux Statuts”, au sens de la jurisprudence du TAS.
62. À cet égard, il convient d’ajouter que les organes juridictionnels de la CAF, à savoir le Jury disciplinaire, le Jury d’appel, la Commission d’Audit et de Conformité ainsi que la Commission de Gouvernance, disposent, ainsi qu’il ressort des articles 40 à 44 des Statuts de la CAF de compétences d’attribution limitées ne couvrant pas un litige tel que celui faisant l’objet des présents appels. D’ailleurs, il n’a pas été soutenu en l’espèce que l’Appelante aurait disposé d’une voie de recours interne à la CAF pour mettre en cause la légalité de la décision du 30 janvier 2019.
63. À la lumière de ce qui précède, la Formation considère que l’article 48 al. 1 des Statuts de la CAF constitue une clause d’arbitrage valable permettant aux personnes y visées de soumettre au TAS un litige tel que celui en cause en l’espèce.
64. Partant, dès lors que la qualité de l’Appelante en tant que “membre” au sens des Statuts de la CAF n’est pas mise en doute, la Formation conclut que le TAS est compétent pour connaître du présent litige.
VI. RECEVABILITÉ DE L’APPEL
65. Avant de se prononcer sur l’exception d’irrecevabilité soulevée par l’Intimée, il convient d’examiner si les appels ont été introduits dans le délai imparti.
66. À cet égard, conformément à l’article R49 du Code: “[e]n l’absence de délai d’appel fixé par les statuts ou règlements de la fédération, de l’association ou de l’organisme sportif concerné ou par une convention préalablement conclue, le délai d’appel est de vingt-et-un jours dès la réception de la décision faisant l’objet de l’appel. […]”.
67. En l’espèce, il est constant que la clause d’arbitrage contenue à l’article 48 al. 1 des Statuts de la CAF ne fixe aucun délai d’appel qu’il conviendrait de respecter pour saisir le TAS.
68. En revanche, l’article 48 al. 2 des mêmes Statuts prévoit, notamment, que “[l]a procédure arbitrale est régie par le [Code]”.
69. Dès lors que le délai d’appel prévu par le Code est de vingt-et-un (21) jours, la Formation conclut que c’est donc ce délai qui trouve à s’appliquer en l’espèce.
70. Cette conclusion n’est pas remise en cause par le fait que l’article 48 al. 3 des Statuts de la CAF prévoit un délai de dix (10) jours pour saisir le TAS d’un appel contre “toutes décisions ou sanctions disciplinaires”, dès lors que cette disposition ne trouve pas à s’appliquer en l’espèce. En effet, ainsi qu’il ressort de l’affaire TAS 2012/A/3027 les dispositions de l’article 48 al. 3 des Statuts de la CAF sont clairement circonscrites aux procédures d’appel dirigées contre une décision ou une sanction disciplinaire prise en dernier ressort par un organe juridictionnel de la CAF. Partant, elles ne sauraient trouver à s’appliquer à un litige tel que celui en cause en l’espèce, qui n’a pas un caractère disciplinaire.
71. L’appel déposé le 28 janvier 2019, visant le défaut de décision du CE de la CAF et donc le rejet implicite de la demande émise par l’Appelante le 8 janvier 2019, a été introduit dans le délai de vingt-et-un (21) jours prévu à l’article R49 du Code. De même, la décision du CE de la CAF du 30 janvier 2019 ayant été communiquée à l’Appelante le même jour, la déclaration d’appel déposée le 11 février 2019 à l’encontre de cette décision doit être considéré comme déposée endéans le délai susvisé de vingt-et-un (21) jours.
72. Partant, les appels ont été manifestement introduits dans le délai fixé par l’article R49 du Code.
73. S’agissant de l’exception d’irrecevabilité soulevée par l’Intimée et tirée du défaut d’intérêt légal digne de protection dans le chef de l’Appelante, la Formation relève que cette question est de nature procédurale. Dès lors que le siège du TAS se trouve en Suisse et que le présent arbitrage a un caractère international au sens de l’article 176 al. 1 LDIP, les parties peuvent, en vertu de l’article 182 LDIP, “directement ou par référence à un règlement d’arbitrage, régler la procédure arbitrale; elles peuvent aussi soumettre celle-ci à la loi de procédure de leur choix”. En l’espèce, il ressort de l’article 48al. 2 des Statuts de la CAF que, dans les affaires soumises au TAS, “[l]a procédure arbitrale est régie par le [Code]”. Partant, c’est conformément au Code et au droit suisse, qui constituent la lex arbitrii, qu’il convient de statuer sur l’exception d’irrecevabilité en cause. Force est d’ailleurs de constater que les parties à l’appel se sont référées tant dans leurs écrits que lors de l’audience à des dispositions du droit suisse, et notamment à l’article 59 du CPC, et qu’aucune des parties n’a soutenu que la recevabilité de l’appel devrait être appréciée par rapport à un autre droit national.
74. Aux termes dudit article 59 du CPC, le tribunal n’entre en matière que sur les demandes et les requêtes qui satisfont aux conditions de recevabilité parmi lesquelles figure celle que “le demandeur ou le requérant a un intérêt digne de protection”. La Formation partage l’appréciation d’autres formations arbitrales, selon lesquelles cette disposition, qui est applicable mutatis mutandis aux procédures d’arbitrage devant le TAS, requiert l’existence, dans le chef de l’appelant, d’un intérêt concret, légitime et personnel (CAS 2016/A/4903, “the appellant’s interest must be concrete, legitimate, and personal”), voire d’un intérêt juridique raisonnable ou suffisant (CAS 2016/A/4602, “reasonable legal interest”, “sufficient legal interest”) pour pouvoir accéder à la justice, dès lors qu’il ne saurait être attendu d’une juridiction qu’elle entre en la matière si le demandeur n’a pas d’intérêt juridique suffisant à la solution de la décision à intervenir. S’il est vrai que la condition relative à l’existence d’un intérêt juridique suffisant semble être principalement inspirée par des considérations d’intérêt public (CAS 2016/A/4602), il n’en demeure pas moins que des considérations d’économie de procédure, qui est un principe général du droit suisse, trouvent également à s’appliquer dans le cadre d’une procédure arbitrale devant le TAS (TAS 2009/A/1928 & 1929). Conformément à la jurisprudence du TAS, l’existence d’un tel intérêt digne de protection est reconnue s’il existe un intérêt tangible de nature financière ou sportive (CAS 2008/A/1674 et CAS 2013/A/3140). Cette jurisprudence s’inscrit dans la ligne directe de celle des juridictions étatiques suisses dont il ressort par ailleurs que l’intérêt de l’appelant à voir la décision qui lui fait grief revue doit être actuel et pratique (BGE 120 Ia 258) , la résolution de questions juridiques abstraites sans pertinence pour le cas d’espèce n’étant pas susceptibles de fonder un intérêt digne de protection (5A_241/2012; voir aussi SUTTER-SOMM/ HASENBÖHLER/LEUENBERGER, Kommentar zur Schweizerischem Ziviprozessordnung (ZPO), 3. Auflage, Art. 59, 12-14; BOHNET/HALDY/JEANDIN/SCHWEIZER/TAPPY, Code de procédure civile commenté, Bâle 2009, N. 90). Enfin, il appartient à l’appelant d’apporter les éléments permettant de conclure à l’existence d’un intérêt suffisant, et ce selon les règles procédurales applicables en matière de présentation des faits et preuves (BOHNET/HALDY/JEANDIN/SCHWEIZER/TAPPY, Code de procédure civile commenté, Bâle 2009, N. 92).
75. C’est à la lumière de ces principes qu’il convient d’examiner si, en l’espèce, l’Appelante a démontré avoir un intérêt digne de protection, sachant que les appels doivent être déclarées irrecevables s’il devait s’avérer que les requêtes de l’Appelante ne sont pas susceptibles de servir le prétendu intérêt de l’Appelante selon la jurisprudence CAS 2016/A/4602. Ainsi que les parties l’ont fait valoir, cet examen s’effectue au cas par cas et nécessite une analyse circonstanciée des éléments factuels caractérisant l’affaire.
76. Pour ce qui est, en premier lieu, de l’intérêt factuel ou sportif avancé par l’Appelante, à savoir pouvoir participer à la phase finale de la CAN 2019, il importe, de l’avis de la Formation, d’établir si cet intérêt, à première vue digne de protection, qui repose sur la double prémisse que le CE de la CAF a retiré l’organisation de la CAN 2019 à la FECAFOOT et que l’article 61 du règlement de la CAN 2019 trouve à s’appliquer, est susceptible d’être satisfait par les présents appels.
77. À cet égard, il y a lieu, d’abord, de relever qu’il ressort du communiqué relatif à la décision du CE de la CAF datée du 30 novembre 2018, intitulé “Décisions du Comité Exécutif”, que “la prochaine édition de la [CAN] ne peut se tenir au Cameroun”, que la CAF est conduite “à engager et ouvrir un appel urgent à de nouvelles candidatures de pays afin d’assurer le déroulement normal de la CAN aux lieux et places calendaires prévus en été 2019”, que “le Cameroun reste un candidat sérieux à l’organisation d’une CAN” et que le Cameroun est encouragé à poursuivre dans la voie déjà engagée “pour une reconquête de son statut d’organisateur”. Or, de l’avis de la Formation, la décision ainsi adoptée et motivée s’analyse comme un “retrait” du droit d’organiser la CAN 2019. Ni l’argument selon lequel cette communication a été faite de manière hâtive ni l’argument selon lequel il ne s’agissait pas d’un “retrait pur et simple” ne permettent de remettre en cause cette appréciation de la Formation dès lors que la communication d’une décision n’a d’influence sur l’existence de celle-ci et que la notion de “retrait pur et simple” ne figure pas dans les Statuts et règlements de la CAF. Ceci vaut a fortiori pour le terme de “glissement” de l’organisation de la CAN 2019, terme non prévu par les statuts et règlements de la CAF, alors qu’il est constant que l’organisation de la CAN 2019 a finalement été assuré par la Fédération Egyptienne de Football. Toutefois, la Formation estime qu’il n’est nécessaire de statuer de manière définitive sur la qualification exacte de ladite décision du 30 novembre 2018 que si la seconde prémisse sur laquelle reposent les appels s’avère exacte.
78. Il convient dès lors encore de vérifier si les conséquences qui devraient découler de la qualification de ladite décision comme “retrait” sont celles inférées par l’Appelante sur base de l’application cumulée des articles 92.3, 82, 84, 85 et 61 du règlement de la CAN.
79. À cet égard, la Formation constate que l’article 92. 3 du règlement de la CAN ne prévoit, à titre de sanction en cas de retrait de l’organisation du tournoi final, que l’imposition d’une amende financière et la suspension “à la prochaine édition de la CAN de son équipe nationale A, sans tenir compte de l’édition concernée”. Ladite disposition ne prévoit pas la disqualification immédiate de l’équipe A de la fédération en question pour la phase qualificative en cours. Certes, l’article 92.3 dispose que ces amendes s’imposent “outre les sanctions disciplinaires”. Toutefois, force est de constater qu’il ne ressort pas dudit règlement de la CAN que le retrait de l’organisation d’une CAN à une fédération serait sanctionnée par la disqualification immédiate de l’équipe A de ladite fédération de la phase qualificative de la compétition.
80. Pour le surplus, il importe de relever que si les articles 56 et suivants du règlement de la CAN, figurant au chapitre 27 intitulé “Forfait, retrait, refus de jouer et remplacement”, visent clairement la phase qualificative dès lors qu’ils se réfèrent itérativement à la “phase de qualification”, tel n’est pas le cas des articles 82, 84 et 85 dudit règlement qui se trouvent dans la partie gouvernant le déroulement du tournoi final, à savoir les dispositions y contenues à partir du chapitre 28, intitulé “Organisation du Tournoi final”, et jusqu’au chapitre 37 inclus, intitulé “Arbitrage du tournoi final”. Ainsi, tout comme les articles 78 à 81, dont l’application s’inscrit dans la phase qui suit la “qualification” et qui précède le début de la “compétition finale”, les articles 82, 84 et 85 du règlement de la CAN, qui visent des incidents (notamment, retrait par une équipe, refus par une équipe de se présenter à un match, refus de jouer un match, équipe disqualifiée avant un match du tournoi final) ne trouvent à s’appliquer qu’à des faits survenus pendant la phase finale de la CAN. Partant, à supposer même qu’une disqualification immédiate puisse être imposée à l’équipe A d’une fédération qui se voit retirer l’organisation de la CAN, cette disqualification n’entraînerait pas l’applicabilité des article 82, 84 et 85 du règlement de la CAN, de sorte que le renvoi à l’article 61 du même règlement prévu à l’article 85 ne trouve pas davantage à s’appliquer.
81. Enfin, la même conclusion s’impose en ce qui concerne ledit article 61 qui, alors même qu’il figure parmi les dispositions dudit règlement gouvernant la phase de qualification de la CAN, ne saurait, à lui seul, trouver à s’appliquer en l’espèce. En effet, cette disposition ne vise que les cas où “une équipe se retire après le début des matchs de groupe”. Or, en l’occurrence, il n’est pas contesté que l’équipe A du Cameroun ne s’est pas retirée de la compétition après le début des matchs de groupe. Partant, en aucun cas conviendrait-il de faire perdre l’équipe A du Cameroun le dernier match qu’elle a joué en phase de qualification par forfait 3-0.
82. Or, dès lors que, eu égard au classement final dans la phase de qualification, l’unique possibilité pour l’équipe des Comores pour se qualifier directement pour la CAN 2019 repose sur l’application de l’article 61 du règlement de la CAN et que, pour les différentes raisons développées ci-dessus, une telle application est, en l’espèce, exclue, la Formation considère que l’Appelante n’a pas d’intérêt factuel ou sportif suffisant pour introduire les présents appels.
83. S’agissant, en second lieu, du prétendu intérêt juridique au sens strict de l’Appelante, tiré, en substance, de la volonté de de cette dernière de s’assurer que la CAF respecte ses propres dispositions statutaires et règlementaires, notamment les principes de non-discrimination et d’égalité de traitement, la Formation considère que si le droit d’un sociétaire à voir l’association dont il est membre faire une application correcte des statuts et règlements est un élément susceptible, sous certaines conditions, de fonder sa qualité pour agir selon l’article 75 CC, encore faut-il qu’il dispose d’un intérêt personnel suffisant à voir la formation suivre ses requêtes. Toute autre interprétation aurait pour conséquence de priver, dans le domaine du droit des associations, l’article 59 du CPC de son effet utile dès lors que, dans ce domaine, les recours et appels introduits devant les juridictions étatiques ou devant le TAS sont, généralement, déposés par des membres directs ou indirects d’une association, et sont dirigés, dans une très large mesure, contre une décision de cette association ou d’un organe de celle-ci et sont, également dans une large mesure, tirés d’une application erronée des statuts et règlements de l’association en question.
84. En l’espèce, les requêtes de l’Appelante qui ne sont pas liées au prétendu intérêt factuel ou sportif tenant à la participation de l’équipe nationale de l’Appelante à la CAN 2019, visent, toutes, l’imposition d’une sanction, plus précisément la suspension pour la CAN 2019 ou pour la CAN 2021, à un autre membre de la CAF. Or, de l’avis de la Formation, l’Appelante n’a pas réussi à démontrer avoir un intérêt personnel suffisant à l’imposition d’une telle sanction à la FECAFOOT, dès lors qu’une qualification de son équipe nationale pour la CAN 2019 est, pour les raisons développées ci-dessus, exclue et qu’une possible influence de l’absence de l’équipe A de la FECAFOOT de la phase de qualification pour la CAN 2021 sur les chances pour l’équipe A de l’Appelante de se qualifier pour la phase finale de cette compétition est à un tel point hypothétique, le tirage au sort des poules ne s’étant pas encore fait, qu’il ne saurait fonder un intérêt actuel ou concret.
85. S’ajoute à cela que, par ses appels, l’Appelante reproche au CE de la CAF d’avoir refusé de suspendre l’équipe A de la FECAFOOT en application de l’article 92.3 du règlement de la CAN que ce soit pour la CAN 2019 ou pour la CAN 2021. Or, alors même que l’article 23al. 10 des Statuts de la CAF prévoit que le CE de la CAF est l’autorité suprême pour toutes les questions relatives aux compétitions de la CAF, l’alinéa 2 de cette même disposition limite cette compétence en ce sens que le CE n’est compétent que dans la mesure où l’Assemblée générale ou un autre organe ne l’est pas. S’agissant plus précisément de la CAN, il ressort, d’une part, de l’article 4 al. 2 du règlement de celle-ci que la Commission d’organisation de la CAN est compétente, lors de la phase de qualification et de la phase finale de la CAN, pour veiller à l’application des sanctions prononcées décidées par tout organe de la CAF et, d’autre part, de l’article 117 du même règlement que les cas non prévus par ledit règlement seront tranchés par la Commission d’organisation. Partant, de l’avis de la Formation, il n’appartenait pas au CE de la CAF de prononcer la suspension requise par l’Appelante, mais à la Commission d’organisation de la CAN. Cette interprétation est corroborée par la constatation, non contestée par l’Appelante, qu’il ressort de plusieurs pièces soumises par cette dernière afin d’établir l’existence d’une pratique constante par la CAF que les décisions relatives aux suspensions d’équipes nationales suite au retrait de l’organisation de la CAN ou de la CHAN à leur fédération ont été adoptées par la Commission d’organisation compétente. Il s’ensuit que les appels dirigés contre les décisions du CE de la CAF ne permettent, en tout état de cause, pas à l’Appelante d’atteindre les objectifs poursuivis.
86. Enfin, la Formation relève que l’argument de l’Appelante selon lequel par ses appels elle vise à assurer le respect, par le CE de la CAF, des principes de non-discrimination et d’égalité de traitement tel que visés par l’article 2 al. 1 lit. h, des Statuts de la CAF, ne saurait pas davantage fonder un intérêt suffisant au sens de l’article 59 du CPC. En effet, d’une part, dès lors qu’il a été établi que la prétention de l’Appelante selon laquelle son équipe A aurait dû être qualifiée pour la CAN 2019 repose sur une lecture erronée des dispositions réglementaires applicables, il est manifeste que l’Appelante n’a pas elle-même été victime d’un traitement discriminatoire de la part de la CAF. D’autre part, il est constant que la FECAFOOT, seule fédération à être directement affectée par la décision du CE de la CAF datée du 30 novembre 2018, n’a pas été discriminée non plus. Le fait que d’autres fédérations membres de la CAF, dans des circonstances similaires, aient vu leurs équipes A suspendues ne permet pas de conclure que la décision attaquée soit discriminatoire, mais permettrait au plus de conclure que les décisions concernant les autres fédérations aient été discriminatoires. Or, ces décisions ne font pas l’objet des présents appels. Dans ces conditions, la Formation considère que si la volonté d’assurer une application correcte et non-discriminatoire des statuts et règlements constitue certes une noble cause, il n’en demeure pas moins que cela ne suffit pas pour fonder un intérêt personnel suffisant en l’espèce (CAS 2016/A/4903, para. 79; CAS 2017/A/4924; et CAS 2017/A/4943). Une telle approche est, de l’avis de la Formation, conforme à la jurisprudence du Tribunal Fédéral suisse dont il résulte qu’un appelant ne saurait se borner à soulever des questions juridiques abstraites ou théoriques n’ayant aucune incidence sur sa situation personnelle (BGE 120 Ia 258 E.1; 5_229/2007, E.2; ATF 133 II 353).
87. Eu égard à toutes ces considérations, la Formation juge que l’Appelante est restée en défaut de prouver l’existence, dans son chef, d’un intérêt légal suffisant pour attaquer les décisions du CE de la CAF des 28 et 30 janvier 2019 par lesquelles ce dernier a refusé de suspendre l’équipe A de la FECAFOOT de la CAN 2019 ou de la CAN 2021.
88. Dès lors, la Formation conclut que les appels sont irrecevables.
PAR CES MOTIFS
Le Tribunal arbitral du sport, statuant contradictoirement:
1. Déclare l’appel déposé par la Fédération de Football des Comores le 28 janvier 2019 “se fondant sur un défaut de décision constituant un déni de justice” irrecevable.
2. Déclare l’appel déposé par la Fédération de Football des Comores le 11 février 2019 contre la décision rendue le 30 janvier 2019 par la Confédération Africaine de Football irrecevable.
3. (…).
4. (…).
5. Rejette toutes autres ou plus amples conclusions des parties.
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