• Stagione sportiva: 2012/2013
TAS-CAS – Tribunale Arbitrale dello Sport – Corte arbitrale dello Sport (2012-2013)———-Tribunal Arbitral du Sport – Court of Arbitration for Sport (2012-2013) – official version by www.tas-cas.org –
Arbitrage TAS 2012/A/2862 FC Girondins de Bordeaux c. Fédération Internationale de Football Association (FIFA), sentence du 11 janvier 2013 Formation: Mr Olivier Carrard (Suisse), Président; Mr Paul Mauriac (France); Mr Prosper Abega (France) Football Transfert international de joueurs mineurs Interprétation des statuts et règlements d’une association Prise en compte de l’intention des rédacteurs dans l’application de l’art. 19 du Règlement FIFA Exceptions non-écrites au principe de l’interdiction de transfert international pour les joueurs mineurs Application du droit communautaire Compatibilité de l’art. 19 du Règlement FIFA avec le droit communautaire Compatibilité de l’art. 19 du Règlement FIFA avec les traités internationaux de protection des droits de l’homme
TAS-CAS - Tribunale Arbitrale dello Sport - Corte arbitrale dello Sport (2012-2013)----------Tribunal Arbitral du Sport - Court of Arbitration for Sport (2012-2013) - official version by www.tas-cas.org -
Arbitrage TAS 2012/A/2862 FC Girondins de Bordeaux c. Fédération Internationale de Football Association (FIFA), sentence du 11 janvier 2013 Formation: Mr Olivier Carrard (Suisse), Président; Mr Paul Mauriac (France); Mr Prosper Abega (France) Football Transfert international de joueurs mineurs Interprétation des statuts et règlements d’une association Prise en compte de l’intention des rédacteurs dans l’application de l’art. 19 du Règlement FIFA Exceptions non-écrites au principe de l’interdiction de transfert international pour les joueurs mineurs Application du droit communautaire Compatibilité de l’art. 19 du Règlement FIFA avec le droit communautaire Compatibilité de l’art. 19 du Règlement FIFA avec les traités internationaux de protection des droits de l’homme 1. En droit suisse, les statuts d’une association doivent être interprétés selon le sens du texte, tel qu’il peut et doit être compris, en fonction de l’ensemble des circonstances. Cette interprétation est qualifiée d’ “objective”. Tel doit en aller de même s’agissant de l’interprétation des règlements émanant d’une association. 2. Il ne saurait être fait abstraction de l’intention des rédacteurs dans l’application de l’art. 19 du Règlement FIFA. Cette intention était d’éviter les atteintes potentielles à la libre circulation des travailleurs au sein de l’UE/EEE qui auraient pu être engendrées par l’application stricte du principe de l’interdiction des transferts internationaux des joueurs âgés de moins de dix-huit ans. 3. L’art. 19 al. 2 du Règlement FIFA permet l’application d’exceptions non-écrites. Il existe une exception non-écrite autorisant le joueur âgé de 16 à 18 ans disposant de la nationalité de l’un des pays membres de l’UE ou de l’EEE à bénéficier de l’exception autorisant un transfert international à l’intérieur de l’UE ou au sein de l’EEE même lorsque ce transfert n’a pas lieu à l’intérieur de l’UE ou au sein de l’EEE, à la condition que son nouveau club garantisse son éducation scolaire et sa formation sportive. 4. Dans une sentence où la formation arbitrale applique en premier lieu les divers règlements de la FIFA ainsi que le droit suisse à titre supplétif, l’application directe de normes émanant du droit de l’UE est exclue, étant néanmoins relevé qu’un tribunal arbitral ayant son siège en Suisse doit, dans une certaine mesure, tenir compte des normes étrangères d’application immédiate lorsque cela est justifié par des intérêts suffisants. 5. Les règles contenues à l’art. 19 du Règlement FIFA ne contreviennent à aucune disposition, principe ou règle du droit communautaire. En particulier, l’interdiction des transferts internationaux de joueurs de moins de dix-huit ans poursuit un intérêt légitime, à savoir celui de la protection des jeunes, et est proportionnée à l’objectif recherché. 6. Par principe, les droits fondamentaux et les garanties de procédure accordés par les traités internationaux de protection des droits de l’homme ne sont pas censés s’appliquer directement dans les rapports privés entre particuliers et ne sont donc pas applicables dans les affaires disciplinaires jugées par des associations privées. 1. LES PARTIES 1. Le Football Club Girondins de Bordeaux (ci-après: “l’Appelant” ou le “FCGB”) est un club de football créé en 1919 à Bordeaux (France) et dont l’équipe professionnelle évolue en première division française. 2. La Fédération Internationale de Football Association (ci-après: “l’Intimée” ou la “FIFA”), dont le siège est à Zurich, est l’association de fédérations nationales fondée en 1904 ayant pour vocation de gérer et de développer le football dans le monde. 2. LES FAITS 2.1. LA PREMIÈRE DE DEMANDE D’APPROBATION DE TRANSFERT INTERNATIONAL POUR VALENTIN VADA 2.1.1. La décision du Juge Unique de la Sous-Commission du Statut du Joueur du 17 mai 2011 3. M. Valentin Vada (ci-après: “le Joueur”), né le 6 mars 1996 en Argentine, est un joueur de football de nationalité italienne. 4. Au début de l’année 2011, le Joueur a quitté l’Argentine, où il était domicilié avec son père, sa mère et ses deux frères (aîné et cadet), afin de s’établir dans la région de Bordeaux. 5. A la mi-février 2011, le Joueur a rejoint l’Appelant. 6. Dès lors que le Joueur évoluait précédemment dans le club de football argentin “Proyeto Crecer”, le 6 mai 2011, la Fédération française de Football (ci-après: “FFF”) a entré dans le système de régulation de transfert (ci-après: “Système TMS”) une demande d’approbation de transfert international pour Valentin Vada, en invoquant le déménagement des parents de ce dernier pour des raisons étrangères au football. 7. Par décision du 17 mai 2011, le Juge Unique de la Sous-Commission du Statut du Joueur (ciaprès: “le Juge Unique”) a rejeté cette demande d’approbation de transfert international, considérant en substance “qu’il ne pouvait être établi de manière claire et indubitable que les parents du joueur s’étaient installés en France pour des raisons qui n’étaient en aucune manière liée au football”. 2.1.2. La sentence du Tribunal arbitral du sport du 9 décembre 2011 (TAS 2011/A/2494 FC Girondins de Bordeaux c. FIFA) 8. En date du 29 juin 2011, l’Appelant a adressé une déclaration d’appel au Tribunal arbitral du sport (ci-après: “TAS”), à l’encontre de la décision précitée. 9. Dans la procédure d’appel, l’Appelant a fait valoir que le souhait de la famille Vada de quitter l’Argentine pour la France était largement antérieur à la découverte du potentiel footballistique du Joueur et qu’il n’existait dès lors aucun lien entre le football et la décision de la famille Vada de déménager en France. 10. La FIFA a de son côté fait valoir que plusieurs éléments factuels tendaient à démontrer que la venue de famille Vada en France n’était pas fondée sur des raisons étrangères au football. 11. Dans sa sentence du 22 décembre 2011 (ci-après: “la Sentence du 22 décembre 2011”), la Formation TAS a notamment considéré comme établi les éléments suivants: - l’existence d’une passerelle active entre l’Appelant et le Proyecto Crecer, ancien club du Joueur; - l’intérêt manifesté depuis plusieurs années par l’Appelant à l’égard du Joueur; - l’intérêt du Joueur pour la pratique du football et son souhait de suivre un plan de carrière lui permettant d’accéder au plus haut niveau de ce sport; - le fait que l’intérêt financier des parents du Joueur n’était pas à l’origine du déménagement, le salaire perçu en France par le père du Joueur étant presque exclusivement consacré à la location du logement familial (EUR 1'300.- sur un revenu brut d’un peu plus de EUR 2'000.-); 12. Au vu de ce qui précède, la Formation TAS a estimé que la condition d’application de l’art. 19 al. 2 let. a du Règlement du Statut et du Transfert des Joueurs (ci-après: “le Règlement FIFA”) n’était pas remplie, la règle d’interdiction de transferts internationaux de joueurs mineurs de l’art. 19 al. 1 du Règlement FIFA devant par conséquent trouver application. 13. Ainsi, la Formation TAS a confirmé la décision du Juge Unique du 17 mai 2011 et rejeté la demande de délivrance d’un CIT pour le Joueur. 14. Dans ses considérants finaux, la Formation TAS relevait toutefois ce qui suit (par. 75): “En outre, même si [la Formation TAS] n’est pas insensible à la frustration compréhensible que ressentira Valentin Vada, la Formation doit constater que ce seul facteur humain ne saurait à lui seul auto janvier 2013 4 fi des règles strictes imposées par l’article 19 RSTJ. Tout au plus peut-elle émettre le vœu que le jeune Valentin Vada conservera sa motivation ainsi que son talent et qu’il saura développer ce dernier jusqu’à ce qu’il atteigne l’âge requis pour permettre à son club d’obtenir les autorisations nécessaires. En considérants les règles applicables, et en particulier celles applicables pour des joueurs européens, cette âge ne semble pas être situé trop loin dans le temps, d’ailleurs”. 2.2. LA SECONDE DEMANDE D’APPROBATION DE TRANSFERT INTERNATIONAL POUR VALENTIN VADA 15. Le 7 mars 2012, l’Appelant et le Joueur ont signé une convention de formation valable jusqu’au 30 juin 2014 (ci-après: la “Convention”), comportant un volet sportif et un volet scolaire. 16. Cette Convention prévoit la prise en charge par l’Appelant de l’ensemble des frais liés à la formation (écolage, logement et restauration). 17. Le même jour, le père du Joueur et l’Appelant ont signé un formulaire de demande de licence pour le Joueur. 18. Le 9 mars 2012, la FFF a entré dans le Système TMS une demande d’approbation de transfert international pour le Joueur sur la base de l’exception prévue à l’art. 19 al. 2 lit. b) du Règlement FIFA, à savoir que le joueur était âgé de plus de 16 ans et que le transfert avait lieu à l’intérieur du territoire de l’Union européenne ou au sein de l’Espace économique européen. 19. Par décision du 23 mai 2012 (ci-après: “la Décision entreprise”), le Juge Unique a rejeté la demande déposée par la FFF considérant notamment ce qui suit (par. 8 et 9): 8. En continuation, le juge unique a noté que le joueur est de nationalité italienne, qu’il est actuellement enregistré auprès d’un club affilié à l’Association Argentine de Football (AFA) et qu’il désire désormais être enregistré pour un club situé en France. Cela étant, le juge unique a conclu que la présente affaire concerne le transfert international d’un ressortissant d’un Etat européen d’une association qui ne se trouve pas dans le territoire de l’UE ou de l’EEE vers une association d’un Etat membre de l’UE, dont il n’a pas la nationalité. 9. Dans ce contexte, le juge unique a souligné qu’un tel transfert international ne correspond pas à la lecture stricte de l’exception en question, qui fait clairement référence à un transfert ayant lieu à l’intérieur du territoire de l’UE ou de l’EEE. En effet, le juge unique a considéré que ladite exception était basée sur un critère objectif de territorialité, sans prise en compte de critère de personnalité. De telle manière, le juge unique a considéré que l’exception en question s’applique uniquement en cas de transfert d’un joueur en provenance d’un club situé à l’intérieur de l’UE ou de l’EEE vers un autre club dans le territoire de l’UE ou de l’EEE, c’est-à-dire qu’une condition sine qua non de l’application de ladite exception, en cas de transfert international, est le fait que le joueur soit préalablement enregistré pour un club situé à l’intérieur de l’UE ou de l’EEE. Si tel n’est pas le cas, l’art. 19 al. 2b) du règlement ne peut donc trouver application. En outre, le juge unique a tenu à souligé (sic) que les considérations cidessus sont non seulement dictées par la lecture du règlement, mais elles reflètent également le contenu de l’accord conclu entre la commission européenne et FIFA/UEFA en 2001 relatif notamment à la protection des joueurs mineurs. 20. Le Juge Unique a toutefois admis que les conditions figurant à l’art. 19 al. 2b) let. i, ii et iii, à savoir celles liées à la formation sportive, l’éducation académique, scolaire et/ou une formation professionnelle et l’encadrement du joueur, étaient toutes remplies dans le cas d’espèce. 21. La Décision motivée a été notifiée à l’Appelant le 4 juillet 2012. 3. RÉSUMÉ DE LA PROCÉDURE DEVANT LE TAS 22. Ce résumé ne mentionne que les principales étapes procédurales et les arguments essentiels des parties. Toutefois, la Formation arbitrale a tenu compte des plaidoiries et de tous les mémoires et pièces déposées par les parties, y compris de ceux auxquels il n’est pas fait expressément référence dans la présente sentence. 23. Par déclaration d’appel du 19 juillet 2012, l’Appelant a saisi le TAS. 24. En date du 20 juillet, l’Appelant a saisi le TAS d’une requête de mesures provisionnelles, sollicitant par ailleurs que la présente procédure soit soumis à la procédure accélérée. 25. Le même jour, l’Appelant a déposé auprès du TAS un mémoire d’appel, dont la première page désignait le Joueur en tant qu’ “Intervenant volontaire”, représenté par les mêmes avocats que l’Appelant. 26. Le mémoire d’appel de l’Appelant contenait les conclusions suivantes: PAR CES MOTIFS, PLAISE AU TRIBUNAL ARBITRAL DU SPORT: Vu la réglementation du Statut et du Transfert du Joueur édictée par la FIFA, Vu le droit de l’Union Européenne et de la Convention Européenne des Droits de l’Homme, Vu les pièces versées aux débats, Constater que le FC GIRONDINS DE BORDEAUX est bien fondé à se prévaloir des dispositions de l’article 19 alinéa 2 b) du Règlement du Statut et du Transfert du Joueur FIFA. Ordonner la délivrance du certificat international du transfert pour le joueur mineur Valentin VADA. 27. Par télécopie du 23 juillet 2012, le Greffe du TAS a ouvert la procédure arbitrale et a notamment invité l’Intimée à déposer, dans un délai de dix jours, sa position sur la demande de mesures provisoires déposée par l’Appelant. 28. Par télécopie du 27 juillet 2012, l’Intimée a informé le Greffe du TAS de ce qu’elle s’opposait à ce que la présente procédure soit traitée de manière accélérée et formait une demande de récusation à l’encontre à l’encontre du Prof. Jean-Pierre Karaquillo, estimant que l’indépendance de ce dernier n’était pas garantie compte tenu de sa participation à la procédure A/2494 ayant conduit à la sentence du 9 décembre 2011. 29. Par télécopie du même jour, le Greffe du TAS a confirmé aux parties que l’affaire ne serait pas soumise à la procédure accélérée et invité l’Appelant à lui indiquer s’il maintenait la nomination du Prof. Jean-Pierre Karaquillo. 30. Par télécopie du 30 juillet 2012, l’Appelant a informé le greffe du TAS qu’il souhaitait nommer Me Paul Mauriac en lieu et place du Prof. Jean-Pierre Karaquillo. 31. Par courrier du 3 août 2012, l’Intimée a déposé des observations sur la requête mesures provisionnelles de l’Appelant dans lesquelles elle soulignait qu’aucune des conditions nécessaires pour l’octroi de mesures provisionnelles n’étaient remplies. 32. Par télécopie du 9 août 2012, l’Intimée a procédé à la désignation de Me Prosper Abega comme arbitre. 33. Par courrier du 16 août 2012, la FIFA a adressé sa réponse, laquelle contient les conclusions suivantes: 1. En conclusion, nous requérons que le TAS rejette le présent appel et confirme pleinement la décision attaquée du 23 mai 2012 rendue par le Juge Unique de la Sous-Commission du Statut du Joueur. 2. Finalement, nous demandons à ce que le TAS condamne l’Appelant au paiement de tous les frais et dépens encourus dans le cadre de la présente procédure et de couvrir toutes les dépenses de la FIFA liés à cette procédure. 34. Par Ordonnance du 20 août 2012, le Président suppléant de la Chambre arbitrale d’appel du TAS (“le Président suppléant”) a rejeté la requête de mesures provisionnelles de l’Appelant, considérant que l’Appelant n’avait pas rendu vraisemblable son exposition à un risque de dommage irréparable en cas de refus des mesures sollicitée. Le Président suppléant relevait par ailleurs que le risque pour le Joueur de subir un dommage irréparable en cas de non octroi des mesures sollicitées n’était pas vraisemblable dans le cas d’espèce. 35. Par télécopie du 12 septembre 2012, le Greffe du TAS a notifiée aux parties un avis de désignation d’une Formation TAS. 36. Le 24 et 27 septembre 2012, les parties ont chacune signé l’ordonnance de procédure émise par le Greffe du TAS le 20 septembre 2012. 37. Le 10 octobre 2012, une audience s’est tenue à Lausanne, au siège du TAS, en présence des personnes suivantes: - L’Appelant était représenté par M. Alain Deveseleer, assisté des avocats Me Matthieu Barandas et Me François Tosi; - Le Joueur qui était assisté des avocats Me Matthieu Barandas et Me François Tosi; - La FIFA était représentée par M. Antoine Bonnet. 38. Aucun témoin n’a été cité à comparaître. 39. Au cours de sa plaidoirie introductive, l’un des conseils de l’Appelant, Me Tosi, s’est référé à un document, non produit dans la procédure, contenant de nombreuses références à des décisions de la Sous-Commission du Statut du Joueur et traitant spécifiquement de la problématique du transfert international des joueurs mineurs. 40. Suite à la plaidoirie introductive du représentant de l’Intimée, la Formation a demandé à Me Tosi de lui fournir des explications sur la nature du document auquel il s’était référé dans sa plaidoirie. 41. Après discussion entre les représentants des parties et les membres de la Formation, le document a été remis en consultation à la Formation. 42. Celui-ci consistait en une note juridique détaillée intitulée “Protection des mineurs – Jurisprudence de la sous-commission de la Commission du Statut du Joueur” présentant la jurisprudence en lien avec à l’article 19 du Règlement FIFA. 43. L’Intimée a indiqué à la Formation qu’elle s’opposait à la production de ce document. 44. Après délibération, la Formation a toutefois décidé d’accepter la production de cette pièce. 45. S’agissant de la jurisprudence relative à l’art. 19 al. 2 let. b du Règlement FIFA, ce document contient notamment les développements suivants (pages 4 et 5): Il n’existe pas de jurisprudence établie pour les demandes concernant des citoyens de l’UE cherchant à être transférés depuis l’extérieur de l’UE/EEE vers un club de l’UE/EEE. La sous-commission a pris des décisions différentes indiquant deux interprétations divergentes. La première interprétation, suivie par la sous-commission dans la plupart des cas, tend à comprendre l’exception en question comme étant destinée à appliquer la liberté de mouvement des travailleurs à compter de l’âge de 16 ans conformément à la législation européenne. Il a été considéré que le droit européen doit être pris en considération lors de l’évaluation du transfert d’un joueur qui, doté d’un passeport de l’UE, souhaite s’enregistrer auprès d’un club de l’UE dont il n’a pas la nationalité. La libre circulation des travailleurs étant applicable, ces transferts relèvent de l‘art. 19 al. 2b du règlement (H-0000180, H-0000225, H-0000268 et H-0000360; toutes non motivées). […] Il est donc possible de noter que cette interprétation est proposée par l’administration de la FIFA et qu’elle a dans l’ensemble été acceptée par les membres de la sous-commission. La seconde interprétation, suivie en de bien moins nombreuses occasions par la sous-commission (G-0000001, G-0000283 et H-0000344), est plus restrictive et considère la formulation de l’exception comme une tentative de restriction de la liberté de circulation des travailleurs, qui serait justifiée par l’objectif de la protection des mineurs (dérivant de l’accord conclu entre la Commission européenne et FIFA/UEFA en 2001). En effet l’application de l’exception a été considérée comme purement territoriale, c’est-à-dire un transfert au sein de l’UE/EEE ne laissant pas la moindre place pour une considération de critères personnels comme celui de la nationalité du joueur. Il est fort probable que le TAS doive tôt ou tard clarifier ce point spécifique. 46. Ce document contient en outre les développements suivants en relation avec la jurisprudence de la Sous-Commission non basée sur les exceptions de l’art. 19 al. 2 du Règlement FIFA: Il convient enfin de rappeler que la jurisprudence de la sous-commission a été très stricte en maintenant que, en principe, la liste des exceptions figurant à l’art. 19 du règlement et la jurisprudence (règle des cinq ans, cf. point 2b ci-dessus) qui s’y rapporte est exhaustive. Toutefois, si un club estime que des circonstances très particulières, qui ne répondent à aucune des exceptions prévues, justifient l’enregistrement d’un joueur mineur, l’association du club concerné peut, au nom de son affilié, soumettre une demande officielle par écrit (pas via TMS) à la sous-commission pour qu’elle considère ce cas spécifique et rendre une décision formelle. 47. Par télécopie du même jour, le Greffe du TAS a confirmé aux parties que le document en question était admis à la procédure et a invité l’Intimée à prendre position sur celui-ci et à fournir une copie des décisions suivantes, accompagnées d’un état de faits: H-0000180, H- 0000225, H-0000268, H-0000360, H-0000357, H-0000328, H-0000319, H-0000308, H- 0000001, H-0000283. 48. Par télécopie du 22 octobre 2012, l’Intimée a formulé ses observations sur le document produit par l’Appelant et transmis au Greffe du TAS des copies anonymisées des décisions sollicitées. 49. En substance, l’Intimée a confirmé que le document était une synthèse interne à la FIFA dont le but était de servir de support à la communication d’informations aux juges uniques de la Sous-Commission du Statut du Joueur. 50. Par télécopie du 23 octobre 2012, le Greffe du TAS a invité l’Appelant à soumettre une réponse aux observations de l’Intimée. 51. Par courrier du 29 octobre 2012, l’Appelant a adressé au Greffe du TAS un “Mémoire complémentaire d’appel” dont les conclusions étaient les suivantes: Attribuer au FC GIRONDINS DE BORDEAUX le bénéfice de ses précédentes écritures et plus précisément son Mémoire d’Appel. Constater que le FC GIRONDINS DE BORDEAUX est bien fondé à se prévaloir des dispositions de l’article 19 alinéa 2 b du Règlement du Statut et du Transfert du Joueur FIFA dans le cadre de la demande d’autorisation du transfert international du joueur mineur Valentin VADA présentée via le système TMS. Condamner la FIFA à approuver la demande d’approbation présentée par l’intermédiaire de la Fédération Française de Football le 9 mars 2012 en vue de l’enregistrement du joueur mineur de nationalité italienne Valenton (sic) VADA né le 6 mars 1996 pour son Club affilié le FC GIRONDINS DE BORDEAUX. Assortir cette condamnation d’une astreinte de 15 000 € par jour de retard à compter de l’expiration d’un délai de dix jours suivant la notification de la Sentence à intervenir. Ordonner également sous cette même astreinte la délivrance du certificat international du transfert pour le joueur mineur Valentin VADA et ce afin de permettre l’enregistrement du joueur mineur de nationalité italienne auprès de son Club affilié, à savoir le FC GIRONDINS DE BORDEAUX. Mettre à la charge de la FIFA la totalité des frais induits par la présente procédure. 52. Par télécopie du 13 novembre 2012, le Greffe du TAS a informé les parties de ce que la Formation souhaitait la tenue d’une nouvelle audience, afin de leur permettre de commenter leurs dernières écritures. 53. Par courrier du 20 novembre, le Greffe du TAS a informé les parties que compte tenu de l’urgence de la présente procédure, la Formation avait décidé de fixer la date d’audience au 6 décembre 2012, précisant que celle-ci se réservait le droit d’interroger l’Intimée sur les états de fait des décisions mentionnées par le Greffe du TAS dans sa télécopie du 10 octobre 2012. 54. Le 6 décembre 2012, une audience s’est tenue à Lausanne, au siège du TAS, en présence des personnes suivantes: - L’Appelant représenté par M. Alain Deveseleer, assisté par Me Matthieu Barandas et Me François Tosi; - Le Joueur assisté par Me Matthieu Barandas et Me François Tosi; - La FIFA représentée par M. Antoine Bonnet. 4. LES ARGUMENTS DES PARTIES 4.1. LES ARGUMENTS DE L’APPELANT 55. Dans son mémoire d’appel du 20 juillet 2012, l’Appelant fait tout d’abord valoir que l’interprétation du Juge unique serait en contradiction avec la première sentence du 22 décembre 2011. Selon l’Appelant, la Formation arbitrale ayant connu le premier litige entre les parties aurait précisé que les règles de FIFA applicables devaient permettre au Joueur de bénéficier d’une licence adéquate dès l’âge de seize ans. Selon l’Appelant, la Formation TAS se serait ainsi implicitement référée à l’art. 19 al. 2 let. b du Règlement FIFA. 56. L’Appelant fait valoir ensuite que l’activité sportive du Joueur serait protégée en vertu du principe de libre circulation des personnes. En l’absence de délivrance d’une licence, le Joueur perdrait au surplus une chance de conclure dans le futur un contrat professionnel avec un club de football professionnel. Il expose par ailleurs que le droit du Joueur de séjourner sur le territoire de l’Union européenne impliquerait pour celui-ci le droit d’exercer des activités sportives sans restriction. L’Appelant conclut son argumentaire en alléguant qu’il importerait donc de “donner toute sa portée à l’article 19 alinéa 2 b)”. 57. L’Appelant soutient, en troisième lieu, que l’impossibilité pour le Joueur d’exercer en France le football en compétition constituerait une atteinte à son droit au respect de ses biens garanti à l’art. 1er du Protocole Additionnel de la Convention européenne des droits de l’homme (ciaprès: “CEDH”) et une atteinte à sa vie privée garantie à l’art. 8 CEDH. 4.2. LES ARGUMENTS DE L’INTIMÉE 58. Dans sa réponse du 16 août 2012, la FIFA commence par rappeler l’importance du principe de l’interdiction des transferts internationaux de joueurs mineurs, soulignant que la liste des exceptions énumérées à l’art. 19 al. 2 du Règlement FIFA est exhaustive. 59. Elle relève ensuite que la Commission du Statut du Joueur “a établi une jurisprudence très stricte, appliquant les dispositions de l’article en question à la lettre et n’autorisant une exception à la règle générale que lorsque les conditions de l’art. 19 al. 2 du Règlement [étaient] indubitablement réunies” (par. 2.13). 60. S’agissant plus précisément de l’art. 19 al. 2 lit. b du Règlement FIFA, l’Intimée fait valoir que cette disposition se réfère exclusivement à la localité géographique respective de deux clubs impliqués dans le transfert international envisagé (par. 3.23). 61. Ainsi, compte tenu du fait que le Joueur se trouvait toujours auprès d’un club affilié à l’AFA au moment de l’introduction de la demande d’approbation d’un transfert international, l’Intimée considère que la décision du Juge Unique était “parfaitement justifiée en ce que la condition objective de territorialité qu’elle contient n’est pas satisfaite en l’espèce” (par. 3.26). 62. L’Intimée réfute les arguments de l’Appelant faisant valoir à titre liminaire qu’en vertu du principe de séparation des pouvoirs, les organes juridictionnels sont tenus d’appliquer les textes en ne sauraient faire office de législateur (par. 4.9). 63. L’Intimée insiste ensuite à nouveau sur le fait que l’art. 19 al. 2 lit. b du Règlement FIFA ne contient aucune référence à la nationalité du joueur mineur dont le transfert est envisagé ni à son lieu de résidence. 64. S’agissant de l’argument de l’Appelant selon lequel la Formation TAS ayant connu la précédente procédure d’appel partagerait son interprétation de l’art. 19 al. 2 lit. b du Règlement FIFA, l’Intimée estime que les considérants finaux des arbitres consistent, au plus, en un “obiter dictum” n’engageant que leurs auteurs et ne constituant pas un précédent doté d’une quelconque force contraignante (par 4.15 et 4.16). janvier 2013 11 65. Pour ce qui est des autres griefs formulés par l’Appelant, l’Intimée souligne à titre liminaire que les violations alléguées des droits fondamentaux du Joueur n’affectent pas l’Appelant. Les arguments de l’Appelant à cet égard ne devraient ainsi pas être pris en considération. 66. L’Intimée invite ensuite la Formation TAS à rejeter l’ensemble des arguments de l’Appelant en lien avec les violations alléguées du droit communautaire et conventionnel, dès lors que l’Appelant aurait failli à apporter la preuve du bien-fondé de son argumentation en ne produisant pas les différentes sources sur lesquels il base son raisonnement juridique. 67. A titre subsidiaire, l’Intimée rejette l’argument selon lequel le Joueur serait empêché de poursuivre une formation sportive et académique, précisant qu’au vu des incertitudes inhérentes à la carrière du Joueur (changement d’optique de carrière, insuffisance de niveau sportif ou blessure), il est impossible de prendre en considération la perte d’une chance qu’impliquerait l’absence d’octroi d’une autorisation préalable par le Juge Unique. 68. Pour ce qui est enfin de l’argument lié à la violation alléguée des droits conventionnels du Joueur, l’Intimée estime qu’il doit être rejeté pour les motifs suivants: d’une part, un adolescent footballeur ne pourrait se prévaloir de la jurisprudence de la Cour européenne des droit de l’homme développée dans le contexte de la protection de créances futures, d’autre part, le Joueur ne serait nullement empêché de se développer en tant qu’individu ou de créer des relations avec ses semblables ou le monde extérieur assimilé. 5. EN DROIT 5.1. RECEVABILITÉ DE L’APPEL 69. La motivation de la décision du 23 mai 2012 a été communiquée à l’Appelant le 4 juillet 2012. La déclaration d’appel a ainsi été adressée au Greffe du TAS dans le délai de 21 jours prévu à l’art. 63 al. 1 des Statuts de la FIFA. 5.2. RECEVABILITÉ DES CONCLUSIONS NOUVELLES DE L’APPELANT 70. Selon l’art. R56 du Code TAS: “Sauf accord contraire des parties ou décision contraire du Président de la Formation commandée par des circonstances exceptionnelles, les parties ne sont pas admises à compléter ou modifier leurs conclusions ou leur argumentation, ni à produire de nouvelles pièces, ni à formuler de nouvelles offres de preuves après la soumission de la motivation d’appel et de la réponse”. 71. En l’espèce, le “Mémoire complémentaire d’Appel” du 29 octobre 2012 contient les conclusions nouvelles suivantes: Attribuer au FC GIRONDINS DE BORDEAUX le bénéfice de ses précédentes écritures et plus précisément son Mémoire d’Appel Condamner la FIFA à approuver la demande d’approbation présentée par l’intermédiaire de la Fédération Française de Football le 9 mars 2012 en vue de l’enregistrement du joueur mineur de nationalité italienne Valenton (sic) VADA né le 6 mars 1996 pour son Club affilié le FC GIRONDINS DE BORDEAUX Assortir cette condamnation d’une astreinte de 15 000 € par jour de retard à compter de l’expiration d’un délai de dix jours suivant la notification de la Sentence à intervenir Ordonner également sous cette même astreinte la délivrance du certificat international du transfert pour le joueur mineur Valentin VADA et ce afin de permettre l’enregistrement du joueur mineur de nationalité italienne auprès de son Club affilié, à savoir le FC GIRONDINS DE BORDEAUX. Mettre à la charge de la FIFA la totalité des frais induits par la présente procédure. 72. La Formation considère qu’il ne se justifie pas de déroger à la règle énoncée à l’art. R56 du Code TAS. Partant, les conclusions nouvelles reproduites ci-dessus seront déclarées irrecevables. 5.3. COMPÉTENCE DU TAS 73. La compétence du TAS résulte des articles 67 al. 1 des Statuts de la FIFA (édition 2012), ainsi que de l’article R47 al. 1 du Code TAS, qui stipule ce qui suit: “Un appel contre une décision d’une fédération, association ou un autre organisme sportif peut être déposé au TAS si les statuts ou règlements dudit organisme sportif le prévoient ou si les parties ont conclu une convention d’arbitrage particulière et dans la mesure aussi où l’Appelant a épuisé les voies de droit préalables à l’appel dont il dispose en vertu des statuts ou règlements dudit organisme sportif”. 74. Il convient d’ajouter que les parties ont expressément reconnu la compétence du TAS par la signature de l’ordonnance de procédure. 5.4. DROIT APPLICABLE 75. L’article R58 du Code TAS prévoit ce qui suit: “La Formation arbitrale statue selon les règlements applicables et selon les règles de droit choisies par les parties ou, à défaut de choix, selon le droit du pays dans lequel la fédération, association ou autre organisme sportif ayant rendu la décision attaquée a son domicile ou selon les règles de droit dont la Formation arbitrale estime l’application appropriée. Dans ce dernier cas, la décision de la Formation arbitrale doit être motivée”. 76. Le siège du TAS se trouvant en Suisse et le litige revêtant un caractère international, les dispositions du chapitre 12 relatif à l’arbitrage international de la Loi fédérale sur le droit international privé (ci-après “LDIP”) sont applicables en vertu de son article 176 al. 1 LDIP. 77. Au chapitre 12 de la LDIP, le droit applicable au fond est régi par l’article 187 al. 1 LDIP qui prévoit que le “tribunal arbitral statue selon les règles de droit choisies par les parties ou, à défaut de choix, selon les règles de droit avec lesquelles la cause présente les liens les plus étroits”. 78. Une élection de droit tacite et indirecte par renvoi au règlement d’une institution d’arbitrage est admise (KARRER P., Basler Kommentar zum Internationalen Privatrecht, 1996, N. 92 et 96, ad art. 187 LDIP; POUDRET/BESSON, Droit comparé de l’arbitrage international, 2002, N. 683, p. 613 et références citées; DUTOIT B., op. cit., N. 4 ad. art. 187 LDIP, p. 657; CAS 2004/A/574). 79. En outre, au sens de l’article 187 al. 1 LDIP, peuvent être choisies par les parties non seulement une loi nationale, mais encore des “règles de droit” affranchies de toute loi étatique (LALIVE/POUDRET/REYMOND, Le droit de l’arbitrage interne et international en Suisse, Lausanne, 1989, pp. 399-400), comme les règles et règlements des fédérations internationales sportives. 80. En l’espèce, le litige opposant les parties porte sur la question de la délivrance d’un CIT pour un joueur mineur. La réglementation de la FIFA applicable à un tel cas est celle contenue dans le Règlement FIFA, en particulier son art. 19 afférent à la protection des mineurs en matière de transfert internationaux. 81. La Formation relève par ailleurs qu’à teneur de l’art. 66 al. 2 des Statuts de la FIFA, “[l]e TAS applique en premier lieu les divers règlements de la FIFA ainsi que le droit suisse à titre supplétif”. 82. Par conséquent, la Formation appliquera en premier lieu les règlements, directives et circulaires de la FIFA ainsi que le droit suisse à titre supplétif. 5.5. POUVOIR D’EXAMEN DU TAS 83. En vertu de l’article R57 du Code TAS, le TAS jouit d’un plein pouvoir d’examen en fait et en droit. Ce pouvoir lui permet d’entendre à nouveau les parties sur l’ensemble des circonstances de faits ainsi que sur les arguments juridiques que les parties souhaitent soulever et de statuer définitivement sur l’affaire en cause (CAS 2008/A/1574, par. 30ss; TAS 2005/A/983 & 984, par. 14). 5.6. EXAMEN DES MOYENS DE DROIT 84. Les questions essentielles posées à la Formation sont les suivantes: a) Le Joueur remplit-il les conditions pour bénéficier de l’exception figurant à l’art. 19 al. 2 let. b du Règlement FIFA? b) Est-ce que l’application de l’art. 19 al. 2 let. b du Règlement FIFA contrevient au droit du Joueur de circuler et de séjourner sur le territoire de l’Union européenne? c) Est-ce que l’application de l’art. 19 al. 2 let. b du Règlement FIFA contrevient au droit du Joueur au respect de ses biens garanti à l’art. 1er du Protocole Additionnel de la CEDH et à son droit à la vie privée garantie à l’art. 8 CEDH? 5.6.1. Le Joueur remplit-il les conditions pour bénéficier de l’exception figurant à l’art. 19 al. 2 let. b du Règlement FIFA? 85. Le présent litige se concentre en premier lieu sur l’application et l’interprétation de l’art. 19 al. 2 let. b du Règlement FIFA, à savoir l’une des exceptions dérogeant au principe de l’interdiction des transferts internationaux des joueurs mineurs. 86. En droit suisse, les statuts d’une association doivent être interprétés selon le sens du texte, tel qu’il peut et doit être compris, en fonction de l’ensemble des circonstances. Cette interprétation est qualifiée d’ “objective” (PERRIN/CHAPPUIS, Droit de l’association, 3ème éd., Genève 2008, ad art. 63 CC, pp. 38-39, en référence à l’arrêt du Tribunal fédéral du 27 juin 2002, 5C.328/2001). Tel doit en aller de même s’agissant de l’interprétation des règlements émanant d’une association (RIEMER H. M., Berner Kommentar, Das Personenrecht, 3ème éd., Berne 1990, N 349 ad Systematischer Teil, p. 147; ZEN-RUFFINEN P., Droit du sport, Zurich, Bâle, Genève 2002, N 170, p. 63). 87. Selon l’art. 19 du Règlement FIFA: “Article 19 Protection des mineurs 1. En principe, le transfert international d’un joueur ne sera autorisé que si le joueur est âgé de 18 ans au moins. 2. Les trois dérogations suivantes s’appliquent: a) si les parents du joueur s’installent dans le pays du club, pour des raisons étrangères au football; ou b) si le transfert a lieu à l’intérieur de l’Union européenne (UE) ou au sein de l’Espace Economique Européen (EEE), pour les joueurs âgés de 16 à 18 ans. Le nouveau club devra respecter les principes suivants: i. le club est tenu d’élaborer un projet pour la formation sportive et pour l’éducation adéquate du joueur au plus haut niveau national; ii. le club est tenu de garantir au joueur, en plus d’une formation sportive, une éducation académique, scolaire et/ou une formation professionnelle qui lui permettra d’exercer une autre profession à la fin de sa carrière de footballeur professionnel; iii. par ailleurs, le club est tenu de tout mettre en œuvre afin d’offrir un encadrement optimal au joueur (hébergement optimal dans une famille d’accueil ou dans le centre du club, mise à disposition d’un tuteur au sein du club etc.); iv. au moment de l’enregistrement d’un tel joueur, le club doit fournir à l’association concernée les preuves qu’il est à même de respecter les dispositions et obligations précitées; ou c) si le joueur vit tout au plus à 50 km d’une frontière nationale et si le club auprès duquel le joueur souhaite être enregistré dans l’association voisine se trouve à une distance de 50 km maximum de la frontière. La distance maximale entre le domicile du joueur et le club doit être de 100 km. En outre, le joueur doit continuer à habiter chez ses parents. Les deux associations concernées doivent donner leur accord exprès au transfert. 88. L’art. 19 du Règlement FIFA interdit le transfert international d’un joueur âgé de moins de dix-huit ans (art. 19 al. 1 du Règlement FIFA, a contrario). Toutefois, ce principe général comporte des exceptions. L’art. 19 al. 2 du Règlement FIFA énonce trois exceptions qui peuvent être résumées ainsi: - Les parents du joueur s’installent dans le pays du club pour des raisons étrangères au football (art. 19 al. 2 let. a); - Le transfert a lieu à l’intérieur de l’Union européenne (ci-après: “UE”) ou de l’Espace Economique Européen (ci-après: “EEE”), le joueur est âgé de seize à dix-huit ans et certains critères additionnels sont remplis (art. 19 al. 2 let. b); - Le joueur vit près d’une frontière et le club auprès duquel le joueur souhaite être enregistré se trouve près de cette frontière (distance maximale, art. 19 al. 2 let. c). 89. Dans le cas d’espèce, la question est de savoir si le Joueur remplit les conditions lui permettant d’être mis au bénéfice de la seconde exception mentionnée ci-dessus (art. 19 al. 2 let. b du Règlement FIFA). 90. La Formation relève tout d’abord que l’art. 19 du Règlement FIFA ne laisse pas de marge de manœuvre au Juge Unique de la Sous-Commission. Une dérogation au principe général de l’interdiction des transferts internationaux des joueurs âgés de moins de dix-huit ans doit en effet être accordée lorsque les conditions en sont remplies. A contrario, il doit refuser la dérogation lorsque les conditions en font défaut. 91. La Formation relève ensuite que l’art. 19 al. 2 let. b du Règlement FIFA ne fait aucune référence à un quelconque critère de nationalité, mais se concentre uniquement sur le territoire dans lequel intervient le transfert: “si le transfert a lieu à l’intérieur de l’Union européenne (UE) ou au sein de l’Espace Economique Européen (EEE)”. Le Règlement FIFA énonce ainsi un critère de territorialité, à l’exclusion de celui de la nationalité des joueurs concernés. 92. Au vu de ce qui précède, l’exception figurant à l’art. 19 al. 2 let. b du Règlement FIFA ne semble pouvoir s’appliquer que lorsque le transfert intervient entre des clubs situés à l’intérieur de l’UE ou de l’EEE. La nationalité du joueur souhaitant bénéficier de l’exception figurant à l’art. 19 al. 2 let. b du Règlement FIFA paraît ainsi indifférente, seule la question du territoire dans lequel se déroule le transfert international devant être examinée. 93. Les considérants qui précèdent devraient conduire la Formation à dénier la possibilité pour le Joueur d’être mis au bénéfice de l’exception de l’art. 19 al. 2 let. b du Règlement FIFA. En effet, il est constant que le transfert envisagé n’a pas lieu à l’intérieur de l’UE ou de l’EEE. 94. La Formation constate toutefois que le Règlement FIFA fait l’objet d’un commentaire (Commentaire du Règlement du Statut et du Transfert des Joueurs, ci-après: “le Commentaire”) disponible sur le site internet de l’Intimée duquel il découle que l’exception figurant à l’art. 19 al. 2 let. b du Règlement a été incluse dans l’accord conclu en mars 2001 entre l’UE et la FIFA/UEFA afin de respecter le principe de la libre circulation des travailleurs au sein de l’UE/EEE (note du bas de page n° 95 figurant à la page 58 du Commentaire). 95. Il apparaît ainsi que l’intention des rédacteurs de cette disposition était d’éviter les atteintes potentielles à la libre circulation des travailleurs au sein de l’UE/EEE qui auraient pu être engendrées par l’application stricte du principe de l’interdiction des transferts internationaux des joueurs âgés de moins de dix-huit ans. La Formation estime que l’on ne saurait faire abstraction de cette intention dans l’application de l’art. 19 du Règlement FIFA. 96. Par ailleurs, la Formation relève que la liste des exceptions figurant à l’art. 19 al. 2 du Règlement FIFA ne semble pas être exhaustive. Il a ainsi été jugé par une autre Formation TAS que l’art. 19 al. 2 du Règlement FIFA pouvait être interprété comme permettant l’application d’exceptions non-écrites (CAS 2008/A/1485, pp. 12-13): “In the light of the aforementioned, the Panel deduces that the list of exceptions Art. 19 par. 2 is not exhaustive and that this provision has been construed as allowing other exceptions, concerning students”. Le caractère non-exhaustif de la liste des exceptions ressort également de la note interne produite par l’Appelant qui précise que si un club estime que des circonstances très particulières, qui ne répondent à aucune des exceptions prévues dans le Règlement FIFA, justifient l’enregistrement d’un joueur mineur, l’association du club concerné peut, au nom de son affilié, soumettre une demande officielle par écrit à la Sous-Commission pour qu’elle considère le cas spécifique et rende une décision formelle. 97. Enfin, la Formation relève que, selon la note interne produite par l’Appelant, dans la majorité des cas, la Sous-Commission prend en considération la libre circulation des travailleurs lors de l’évaluation du transfert d’un joueur qui, doté d’un passeport d’un pays de l’UE ou de l’EEE, souhaite s’enregistrer auprès d’un club d’un pays de l’UE ou de l’EEE. 98. Les éléments qui précèdent amènent la Formation à constater qu’il existe une exception non- écrite dans le Règlement autorisant le joueur disposant de la nationalité de l’un des pays membres de l’UE ou de l’EEE de bénéficier de l’exception figurant à l’art. 19 al. 2 let. b du Règlement FIFA, à la condition que son nouveau club garantisse son éducation scolaire et sa formation sportive (critères additionnels de l’art. 19 al. 2 let. b i, ii, iii et iv). 99. En l’espèce, il est constant que le Joueur est un ressortissant de l’un des pays de l’UE. En outre, le Juge Unique a constaté dans sa décision du 23 mai 2012 que les critères additionnels relatifs à l’éducation scolaire et la formation sportive étaient remplis. 100. Au vu de ce qui précède, la Formation considère, qu’il se justifie d’accepter la demande d’approbation préalable visant la demande de CIT pour le Joueur. 5.6.2. Est-ce que l’application de l’art. 19 al. 2 let. b du Règlement FIFA contrevient au droit du Joueur de circuler et de séjourner sur le territoire de l’Union européenne? 101. L’argument de l’Appelant relatif à l’argument selon lequel l’application de l’art. 19 al. 2 let. b du Règlement FIFA contreviendrait au droit du Joueur de circuler et de séjourner sur le territoire de l’UE repose sur le postulat selon lequel la Formation devrait faire application du droit de l’UE. Or, tel n’est pas le cas. L’art. R58 dispose en effet que la Formation statue selon les règlements applicables et selon les règles choisies par les parties. Or, en vertu de l’art. 66 al. 2 des Statuts de la FIFA, la Formation applique en premier lieu les divers règlements de la FIFA ainsi que le droit suisse à titre supplétif. 102. Compte tenu de ce qui précède, l’application directe de normes émanant du droit de l’UE est exclue, étant néanmoins relevé qu’un tribunal arbitral ayant son siège en Suisse doit, dans une certaine mesure, tenir compte des normes étrangères d’application immédiate lorsque cela est justifié par des intérêts suffisants (CAS 2008/A/1485). 103. En toute hypothèse, force est de constater que la question de la compatibilité de l’art. 19 du Règlement FIFA avec le droit communautaire a déjà été tranchée par d’autres Formations TAS: - Dans la procédure CAS 2005/A/955 & 956, la Formation TAS a conclu, d’une part, que l’interdiction des transferts internationaux de joueurs de moins de dix-huit ans poursuivait un intérêt légitime, à savoir celui de la protection des jeunes, et d’autre part, était proportionnée à l’objectif recherché. - Dans la procédure CAS 2008/A/1485, la Formation TAS a considéré que les règles contenues à l’art. 19 du Règlement FIFA ne contrevenaient à aucune disposition, principe ou règle du droit communautaire. 104. L’argument de l’Appelant sera par conséquent rejeté. 5.6.3. Est-ce que l’application de l’art. 19 al. 2 let. b du Règlement contrevient au droit du Joueur au respect de ses biens garanti à l’art. 1er du Protocole Additionnel de la CEDH et à son droit à la vie privée garantie à l’art. 8 CEDH? 105. Garantis par l’Etat, les droits fondamentaux sont dirigés contre l’Etat (AUER/MALINVERNI/HOTTELIER, Droit constitutionnel suisse, Vol. II, 2ème éd., Berne 2006, p. 6). Les droits fondamentaux constituent ainsi typiquement un instrument d’autolimitation de l’Etat. Dans cette perspective, les droits fondamentaux trouvent application dans le rapport vertical entre l’Etat et l’individu (RIGOZZI/KAUFMANN-KOHLER/MALINVERNI, Doping and Fundamental Rights of Athletes: Comments in the Wake of the Adoption of the World Anti-Doping Code, International Sports Law Review, 2003, pp. 46-47). 106. En ce qui concerne la CEDH, dont se prévaut expressément l’Appelant, la Formation arbitrale souligne ainsi que, par principe, les droits fondamentaux et les garanties de procédure accordés par les traités internationaux de protection des droits de l’homme ne sont pas censés s’appliquer directement dans les rapports privés entre particuliers et donc ne sont pas applicables dans les affaires disciplinaires jugées par des associations privées (TAS 2011/A/2433). Cette position est en harmonie avec la jurisprudence du Tribunal fédéral suisse, qui, dans le cadre d’un recours formé contre une décision du TAS, a précisé (Arrêt du Tribunal fédéral du 11 juin 2001, Abel Xavier c. UEFA, consid. 2d, reproduit dans Bull. ASA, 2001, p. 566; partiellement publié aux ATF 127 III 429): “Le recourant invoque les art. 27 Cst. et 8 CEDH. Il n’a cependant pas fait l’objet d’une mesure étatique, de sorte que ces dispositions ne sont en principe pas applicables”. 107. Dans le cas d’espèce, l’Appelant se plaint de ce que l’application du Règlement FIFA, contreviendrait au droit du Joueur au respect de ses biens garanti à l’art. 1er du Protocole Additionnel de la CEDH et à son droit à la vie privée garantie à l’art. 8 CEDH. Ce faisant, il perd de vue les dispositions précitées s’imposent à l’Etat et non à l’Intimée qui, nonobstant l’importance fondamentale de son rôle dans l’organisation du football, ne constitue pas un organe de l’Etat. 108. Partant, le grief invoqué par l’Appelant est mal fondé et sera par conséquent rejeté. 6. CONCLUSION 109. La demande d’approbation préalable à la demande de CIT pour le Joueur est acceptée. Toutes requêtes et plus amples conclusions de l’Appelant sont rejetées. POUR CES MOTIFS Le Tribunal Arbitral du Sport prononce: 1. L’appel interjeté par FC Girondins de Bordeaux le 20 juillet 2012 contre la décision rendue le 23 mai 2012 par le Juge Unique de la Sous-Commission du Statut du Joueur est admis. 2. La décision rendue le 23 mai 2012 par le Juge Unique de la Sous-Commission du Statut du Joueur est annulée. 3. La demande faite par la Fédération française de Football, au nom de son club affilié, FC Girondins de Bordeaux, pour l’approbation préalable à la demande de Certificat International de transfert pour le joueur mineur Valentin Vada est admise. (…) 6. Toutes autres ou plus amples conclusions sont rejetées.
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Arbitrage TAS 2012/A/2862 FC Girondins de Bordeaux c. Fédération Internationale de Football Association (FIFA), sentence du 11 janvier 2013 Formation: Mr Olivier Carrard (Suisse), Président; Mr Paul Mauriac (France); Mr Prosper Abega (France) Football Transfert international de joueurs mineurs Interprétation des statuts et règlements d’une association Prise en compte de l’intention des rédacteurs dans l’application de l’art. 19 du Règlement FIFA Exceptions non-écrites au principe de l’interdiction de transfert international pour les joueurs mineurs Application du droit communautaire Compatibilité de l’art. 19 du Règlement FIFA avec le droit communautaire Compatibilité de l’art. 19 du Règlement FIFA avec les traités internationaux de protection des droits de l’homme"