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Décision du juge de la Chambre de Résolution des Litiges (CRL)
rendue le 24 avril 2015, à Zurich, Suisse,
par M. Philippe Diallo (France), juge de la CRL,
au sujet d’une plainte soumise par le joueur,
Joueur A, du pays B
ci-après, le demandeur
à l’encontre du club,
Club C, du pays D
ci-après, le défendeur
concernant un litige contractuel entre les parties
I. En fait
1. Le 9 janvier 2012, le joueur du pays B, Joueur A (ci-après : le demandeur) et le club du pays D, Club C (ci-après : le défendeur) ont signé un contrat de travail (ci-après : le contrat), valable « de la date de la qualification du joueur » jusqu’au 30 juin 2016.
2. Selon l’article 3 du contrat, le demandeur devait percevoir du défendeur, inter alia :
- 2,000 de salaire mensuel pour la saison 2013/2014 ;
- 30,000 de prime pour la saison 2013/2014 ;
- 2,500 de salaire mensuel pour la saison 2014/2015 ;
- 40,000 de prime pour la saison 2014/2015 ;
- 3,000 de salaire mensuel pour la saison 2015/2016 ;
- 50,000 de prime pour la saison 2015/2016 ;
- 400 par mois à titre de prime de logement.
3. Le 24 juillet 2014, le demandeur a déposé une plainte à l’encontre du défendeur devant la FIFA, réclamant la somme de 197,700, qui se décompose comme suit :
- 34,000 en tant que rémunération impayée pour la saison 2013/2014, correspondant à ses salaires pour les mois de mai et juin 2014 (2 x 2,000) ainsi qu’à la prime de 30,000 ;
- 67,500 en tant que rémunération totale pour la saison 2014/2015 (11 x 2,500 en salaires plus 40,000 en prime) ;
- 83,000 en tant que rémunération totale pour la saison 2015/2016 (11 x 3,000 en salaires plus 50,000 en prime) ;
- 13,200 en tant que prime de logement pour les saisons 2013/2014, 2014/2015 et 2015/2016 (33 x 400).
4. Selon le demandeur, bien qu’il ait toujours respecté ses obligations contractuelles envers le défendeur, ce dernier aurait résilié son contrat de travail de manière unilatérale, juste après la fin de la saison 2013/2014. D’après le demandeur, le défendeur l’avait informé que la lettre de résiliation lui serait envoyée « par mail plus tard ».
5. En outre, le demandeur affirme ne pas avoir reçu ses salaries pour les mois de mai et juin 2014, ainsi que ses primes de rendement et de logement pour la saison 2013/2014.
6. Bien qu’il ait été invité à le faire, le défendeur n’a pas répondu à la plainte du demandeur.
7. Le demandeur a informé à la FIFA que, depuis la fin de la saison 2013/2014, il n’a pas signé un nouveau contrat de travail.
II. Considérants du juge de la CRL
1. En premier lieu, le juge de la Chambre de Résolution des Litiges (ci-après : le juge de la CRL ou le juge) a analysé si sa compétence à traiter le présent litige était donnée. À cet égard, le juge a pris note de ce que la présente demande a été soumise à la FIFA le 24 juillet 2014. Par conséquent, la Chambre de Résolution des Litiges a conclu que l’édition 2012 du Règlement de la Commission du Statut du Joueur et de la Chambre de Résolution des Litiges (ci-après: les Règles de Procédure) est applicable au présent litige (cf. art. 21 al. 1 et 2 des Règles de Procédure).
2. Par la suite, le juge s’est référé à l’art. 3 al. 1 et 2 des Règles de Procédure et a confirmé que, en application de l’art. 24 al. 1 et al. 2 lit. i), et de l’art. 22 lit. b) du Règlement du Statut et du Transfert des Joueurs (éditions 2012, 2014 et 2015), le juge de la CRL est l’organe décisionnel compétent pour connaître du présent cas, comportant une dimension internationale, qui concerne un litige contractuel entre un joueur du pays B et un club du pays D.
3. De plus, le juge de la CRL a analysé quelle édition du Règlement du Statut et du Transfert des Joueurs (ci-après: le Règlement) devait être appliquée quant au droit matériel. À cet égard, le juge s’est référé à l’art. 26 al. 1 et al. 2 dudit Règlement (éditions 2012, 2014 et 2015), en considérant que la présente demande a été introduite le 24 juillet 2014, et a conclu que l’édition 2012 du Règlement était applicable au présent litige quant au droit matériel.
4. Une fois sa compétence et la réglementation applicable établies, le juge de la CRL a ensuite soigneusement pris en considération et analysé les arguments ainsi que l’ensemble des documents contenus dans le dossier de la présente affaire. À cet égard, et à titre liminaire, le juge a constaté que, bien que le défendeur ait été invité par la FIFA à produire sa réponse quant à la plainte déposée par le demandeur, celui-ci n’avait pas souhaité le faire. Par conséquent, le juge de la CRL a conclu que le défendeur avait renoncé à exercer son droit de défense et avait ainsi accepté l’argumentation du demandeur. Dans ce contexte, le juge a renvoyé le défendeur à l’article 9 al. 3 des Règles de Procédure qui prévoit, entre autres, que si aucune réponse ou prise de position n’est reçue avant l’expiration du délai octroyé, une décision doit être prise sur la base des documents disponibles. Par conséquent, le juge de la CRL a jugé que la décision dans la présente affaire serait basée uniquement sur les documents fournis par le demandeur lors du dépôt de sa plainte. Par ailleurs, le juge a tenu à souligner que dans les considérations
suivantes, il s’est uniquement référé aux faits, arguments ainsi qu’à la documentation qu’il a considérés pertinents pour évaluer le présent litige.
5. Ainsi, le juge de la CRL a premièrement pris note que, le 9 janvier 2012, les parties ont conclu un contrat valable « de la date de la qualification do joueur » jusqu’au 30 juin 2016. Ceci étant, le juge a pris acte des déclarations faites par le demandeur dans sa plainte selon lesquelles il affirme que, bien qu’il ait toujours agi avec sérieux et professionnalisme, aucun grief de quelque nature ne lui ayant jamais été reproché, le club a pour sa part failli gravement au respect de ses obligations. En particulier, le demandeur affirme que le défendeur ne lui aurait pas payé sa rémunération pour les mois de mai et juin 2014, ainsi que ses primes de rendement et de logement pour la saison 2013/2014. En outre, le défendeur aurait résilié le contrat de travail de manière unilatérale juste après la fin de la saison 2013/2014.
6. A ce stade, le juge de la CRL a jugé utile de rappeler le contenu de l’art. 12 al. 3 des Règles de procédure, en vertu duquel la charge de la preuve incombe à la partie qui invoque un droit découlant d’un fait qu’elle allègue. A cet égard, le juge a également souligné que la charge de la preuve du paiement de la rémunération du demandeur dans la présente affaire incombait au défendeur.
7. Prenant en compte la documentation présentée par le demandeur au soutien de sa plainte et le fait que celle-ci est restée sans réponse de la part du défendeur, le juge de la CRL a conclu que le demandeur a suffisamment justifié sa demande concernant les arriérés en souffrance.
8. Au vu de ce qui précède et considérant que le défendeur n’a pas contesté l’argumentation du demandeur, selon laquelle le contrat aurait été terminé de manière unilatérale par le club après la fin de la saison 2013/2014 , le juge de la CRL a conclu que le défendeur a unilatéralement rompu le contrat le liant au demandeur sans juste cause à la fin de la saison 2013/2014.
9. Par conséquent, le juge de la CRL s’est ensuite référé au contenu des dispositions de l’art. 17 du Règlement prévoyant les conséquences d’une rupture de contrat sans juste cause. Au vue de l’art. 17 al. 1 du Règlement, le juge de la CRL a décidé que le demandeur est en droit de recevoir du défendeur une somme d’argent en tant que compensation pour résiliation du contrat sans juste cause en plus de tout arriéré de rémunération sur la base du contrat de travail.
10. Au vue de ce qui précède, le juge de la CRL a jugé que le défendeur doit payer les salaires non-payés des mois de mai et juin 2014 pour un montant total de 4,000, sa prime de rendement pour la saison 2013/2014 pour un montant de 30,000, ainsi que 11 mois de primes de logement non-payées pour un montant total de 4,400.
11. Par conséquent, le juge de la CRL a décidé qu’au vue du principe général « pacta sunt servanda », qui veut que toute convention en vigueur lie les parties et doit être exécutée par celles-ci de bonne foi, le défendeur doit payer au demandeur en tant qu’arriéré de rémunération le montant total de 38,400.
12. A ce stade, le juge a souhaité rappeler que la lettre de l’art. 17 al. 1 du Règlement précité dispose que dans tous les cas, la partie ayant rompu son contrat est tenue de payer une indemnité. Cette même indemnité pour rupture de contrat sera calculée, sous réserve de l’existence de stipulations contractuelles s’y rapportant, conformément au droit en vigueur dans le pays concerné, au spécificités du sport et en tenant compte de tout critère objectif inhérent au cas. Ces critères comprennent notamment la rémunération et autres avantages dus au joueur en vertu du contrat en cours et/ou du nouveau contrat, la durée restante du contrat en cours jusqu’à cinq ans au plus, de même que la question de savoir si la rupture intervient pendant les périodes protégées.
13. Revenant au contenu du contrat entre le demandeur et le défendeur, le juge de la CRL a noté que celui-ci ne contient aucune stipulation spécifique établissant une sanction financière applicable en cas de rupture du contrat sans juste cause par l’une des parties. Par conséquent, le juge a considéré qu’il convenait de se référer seulement aux autres éléments apparaissant dans le contenu de l’al. 1 de l’art. 17.
14. Dans le but d’évaluer le montant de l’indemnité devant compenser la résiliation du contrat avec juste cause, le juge de la CRL s’est penché sur la rémunération et autres avantages dus au joueur en vertu du contrat.
15. Sur le point de la rémunération et autres avantages dus au défendeur en vertu contrat entre le demandeur et le défendeur, le juge est parvenu à la conclusion selon laquelle, au moment de la rupture du contrat par le club, celui-ci était encore contractuellement lié au demandeur jusqu’à la fin de la saison 2015/2016. Par conséquent, et sur la base des éléments contractuels relatifs à la rémunération du demandeur (cf. point I.2. ci-dessus) la rémunération à verser au demandeur par le défendeur jusqu’à la fin du contrat aurait représenté un montant de 159,300.
16. Poursuivant son analyse, le juge de la CRL a vérifié si le demandeur avait signé un contrat de travail avec un autre club durant la période clé, par lequel il aurait été capable de réduire sa perte de gain. Selon la pratique constante du juge de la CRL, une telle rémunération perçue en vertu d’un nouveau contrat pour la durée restante de l’ancien contrat doit être prise en considération lors du calcul de l’indemnité de compensation pour rupture de contrat sans juste cause en connexion avec l’obligation générale du joueur d’atténuer son dommage. Ainsi, le
juge de la CRL a noté qu’au moment de de la présente décision, le joueur n’avait conclu aucun autre contrat lui permettant de minimiser ses pertes.
17. Cependant, le juge de la CRL a noté que, du moment de la résiliation unilatérale du contrat par le défendeur, soit depuis la fin de la saison 2013/2014 jusqu’à la fin de la saison 2015/2016, le joueur aurait eu 6 périodes d’enregistrement pour trouver un nouvel employeur afin d’atténuer le dommage causé suite à la rupture du contrat sans juste cause. Par conséquent, le juge de la CRL a jugé approprié de réduire le montant de la compensation due au joueur pour la rupture du contrat, et ce en déduisant le montant de 41,500, correspondant à la moitié de sa rémunération pour la saison 2015/2016.
18. A la lumière de ce qui précède, et en ayant intégré à leurs raisonnements la spécificité du présent dossier, le juge de la CRL est parvenu à la conclusion selon laquelle une indemnité de compensation à payer par le défendeur d’un montant de 117,800 pour rupture de contrat sans juste cause était appropriée et équitable.
19. En conclusion, le juge de la CRL a décidé de partiellement accepter la plainte du demandeur.
III. Décision du juge de la CRL
1. La demande du demandeur, Joueur A, est partiellement acceptée.
2. Le défendeur, Club C, doit payer au demandeur dans les 30 jours à compter de la date de notification de la présente décision la somme de 38,400 à titre d’arriérés de rémunération.
3. Le défendeur doit payer au demandeur dans les 30 jours à compter de la date de notification de la présente décision la somme de 117,800 à titre de compensation pout rupture de contrat.
4. Dans le cas où les sommes dues ne sont pas payées dans le délai imparti, des intérêts à hauteur de 5% par année seront appliqués et ce dès l’échéance du délai mentionné précédemment, et le cas sera, sur demande, transmis à la Commission de Discipline de la FIFA pour considération et décision.
5. Toute autre demande du demandeur est rejetée.
6. Le demandeur s’engage à communiquer au défendeur le numéro de compte bancaire sur lequel la somme allouée doit être versée et, de même, à informer le juge de la Chambre de Résolution des Litiges sur les paiements effectués par le défendeur.
*****
Note concernant la décision motivée (Voie de droit) :
Conformément à l’article 67 alinéa 1 des Statuts de la FIFA, cette décision est susceptible d’un appel au Tribunal Arbitral du Sport (TAS). L’appel devra être interjeté dans un délai de 21 jours à compter de la notification de la décision et devra comprendre tous les éléments figurant au point 2 des directives émanant du TAS, dont copie est jointe à la présente. L’appelant dispose de 10 jours supplémentaires à compter de l’expiration du délai de recours pour déposer son mémoire d’appel contenant une description des faits et des arguments légaux fondant le recours (cf. point 4 des directives annexées).
L'adresse complète du Tribunal Arbitral du Sport est la suivante :
Avenue de Beaumont 2
1012 Lausanne
Suisse
Tél : +41 21 613 50 00
Fax : +41 21 613 50 01
e-mail : info@tas-cas.org
www.tas-cas.org
Pour le juge de la
Chambre de Résolution des Litiges
Jérôme Valcke
Secrétaire Général
Annexe : Directives du TAS
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