TAS-CAS – Tribunale Arbitrale dello Sport – Corte arbitrale dello Sport (2013-2014)———-Tribunal Arbitral du Sport – Court of Arbitration for Sport (2013-2014) – official version by www.tas-cas.org – Arbitrage TAS 2012/A/2720 FC Italia Nyon & D. c. Ligue amateur (LA) de l’ASF & Association Suisse de Football (ASF) & FC Crans, sentence du 11 avril 2014
TAS-CAS - Tribunale Arbitrale dello Sport - Corte arbitrale dello Sport (2013-2014)----------Tribunal Arbitral du Sport - Court of Arbitration for Sport (2013-2014) - official version by www.tas-cas.org -
Arbitrage TAS 2012/A/2720 FC Italia Nyon & D. c. Ligue amateur (LA) de l’ASF & Association Suisse de Football (ASF) & FC Crans, sentence du 11 avril 2014 Formation: Prof. Ulrich Haas (Allemagne), Arbitre unique Football Transfert de joueurs amateurs évoluant dans des catégories juniors Base légale suffisante de la décision Preuve de l’existence d’une coutume Droit à l’épanouissement par l’activité sportive Droits de la personnalité d’une personne morale Atteinte aux droits de la personnalité d’un club occasionnée par l’obligation de s’acquitter d’une indemnité de formation Atteinte aux droits de la personnalité des joueurs occasionnée par l’obligation de s’acquitter d’une indemnité de formation Atteinte aux droits de la personnalité d’un club et de ses joueurs occasionnée par l’application d’un boycott Absence de consentement à l’atteinte Absence d’intérêt prépondérant 1. Pour qu’une décision soit légale, il faut qu’elle se fonde sur une base légale suffisante, ainsi le règlement d’une fédération ou d’une association. En principe, le règlement d’une association ne lie les membres qu’une fois que ces derniers ont pu prendre connaissance dudit règlement. Dès lors, il ne suffit pas que l’entité compétente ait modifié un règlement pour que celui-ci entre en vigueur. Les membres doivent avoir eu l’occasion de se familiariser avec le contenu dudit nouveau règlement. Dans la mesure où les règlements sont voués à être appliqués de manière uniforme, et simultanément, la question de la possibilité de prendre connaissance du règlement en question ne peut pas dépendre de circonstances individuelles. Bien au contraire, un standard objectif doit être appliqué, c’est-à-dire est-ce qu’un “membre raisonnable” a eu la possibilité de se familiariser avec le nouveau règlement? Cela est sans aucun doute le cas si le nouveau règlement a été transmis aux membres par le biais d’une lettre circulaire, dans laquelle seraient expliquées les modifications importantes, ou par le biais du journal de l’association ou d’une newsletter. Une simple publication sur internet n’est en principe pas suffisante, à moins qu’il existe une disposition des règlements applicables qui renvoie, de manière obligatoire, les membres au site internet pour connaître de toute modification de ces règlements ou, à tout le moins, une coutume consistant à publier les modifications des règlements sur le site internet et qu’il peut être raisonnablement être exigé d’un membre, en l’absence d’une règle à cet effet, de consulter le site internet afin de se renseigner sur toute modification réglementaire. 2. Une coutume peut se créer dans le contexte de règlements de nature privée aux mêmes conditions que pour le droit objectif (la loi): application uniforme et constante et conviction de toutes les parties intéressées qu’il existe un ordre juridique contraignant. Toutefois, la question de savoir si les deux conditions sont effectivement remplies est beaucoup plus difficile à résoudre et les exigences pour établir une inveterata consuetudo sont, à la lumière du principe de la sécurité du droit, assez strictes. La partie qui invoque l’existence d’une coutume dans un cas d’espèce doit en apporter des preuves tangibles. 3. La liberté d’exercer une activité sportive de son choix, entre partenaires de même valeur et contre des adversaires équivalents, fait partie des droits de la personnalité protégés par l’article 28 CC. En ce qui concerne le sport amateur, le droit à l’épanouissement par l’activité sportive, que ce soit professionnellement ou non, fait partie des droits de la personnalité du sportif. Ce droit comprend notamment le droit de participer à des compétitions réunissant des sportifs du même niveau que lui. Cette position est en particulier applicable aux jeunes sportifs, pour lesquels le sport revêt un caractère éducatif et social particulier. 4. Une personne morale est également détentrice de droits de la personnalité, mais dans la mesure de l’étendue de la jouissance des droits civils qui lui confère la loi (art. 53 CC): elle ne peut ainsi s’en prévaloir qu’à raison des biens de la personnalité qui ne sont pas inséparables des conditions naturelles de l’homme telle que le sexe, l’âge ou la parenté, à savoir ceux qui protègent la personnalité sociale. En outre, une association peut attaquer une mesure illicite non seulement quand cette mesure porte atteinte à ses propres droits personnels, mais aussi quand elle lèse les intérêts collectifs de ses membres. 5. Le règlement imposant à un club amateur l’obligation de s’acquitter d’une indemnité de formation à l’ancien club dans le cadre d’un transfert de joueurs amateurs, ainsi que la décision d’application de ce règlement dans un cas particulier, portent atteinte au droit du club amateur de choisir les joueurs qu’il souhaite, en particulier pour ses équipes juniors et, partant, de développer la dimension sportive de ce club. Même si, en valeur absolue, le montant peut ne pas être très important, il peut néanmoins être considérable en regard de la capacité financière d’un club amateur dirigé par des bénévoles. 6. Le libre choix de l’activité sportive pour un sportif amateur comporte également le libre choix de l’équipe dans laquelle il entend pratiquer cette activité (dans les limites de son âge, de son niveau de jeu, etc.) afin de pouvoir pratiquer une activité sportive en compagnie des personnes qu’il souhaite. Une réglementation empêchant définitivement un joueur d’évoluer dans le club de son choix – si ce dernier n’est pas en mesure de s’acquitter d’une indemnité de formation et que l’ancien club ne donne pas son accord à un tel transfert – sans prévoir, par exemple, un délai, raisonnable, d’attente pour changer de club (sans paiement d’une indemnité), qui pourrait être exceptionnellement raccourci par le paiement de l’indemnité, viole gravement les droits de la personnalité du joueur concerné par le transfert. 7. Le boycott d’un club viole gravement les droits de la personnalité tant de ce club que de ses membres, dans la mesure où il a pour effet d’exclure ce club avec toutes ses équipes de la participation à tout match officiel et amical, ainsi qu’à toute autre activité de l’association ou de la fédération, et d’empêcher tout traitement d’une demande de qualification et de transfert ou d’un contrat de prêt concernant le club, privant ainsi l’ensemble de ses équipes, et de ses membres, du droit de pratiquer leur sport pour une durée déterminée ou indéterminée. 8. Une action contre une décision nulle peut être intentée en tout temps, sous réserve de l’abus de droit. Constitue par exemple une décision nulle (en raison d’un vice matériel) l’adoption d’une décision violant l’article 27 ou 28 CC. Dès lors, si la décision viole l’article 28 CC, la question de savoir s’il existe un consentement à l’atteinte n’est pas pertinente. En outre, l’article 75 CC n’est pas applicable, puisqu’il ne s’applique qu’aux décisions annulable, et non aux décisions absolument nulles. L’article 75 CC n’étant pas applicable, l’action en nullité peut être intentée sans que le délai d’un mois de l’article 75 CC s’applique. 9. Parmi les motifs justificatifs à une atteinte aux droits de la personnalité, l’existence d’un intérêt prépondérant privé ou public est le seul qui soit de nature relative. C’est pourquoi une pondération des intérêts en présence doit être effectuée. Elle prend en considération l’intérêt de la victime à ne pas subir d’atteinte à sa personnalité et celui dont se prévaut l’auteur pour y porter atteinte. L’atteinte est seulement licite si le juge aboutit au constat que l’intérêt invoqué par l’auteur est prépondérant. En l’occurrence, dans un contexte où un système d’indemnités de formation à partir du moment où un joueur signe son premier contrat de joueur professionnel existe déjà et a été considéré par différentes instances juridictionnelles comme compatible avec le principe de proportionnalité et les libertés fondamentales des personnes impliquées, un système d’indemnité de formation particulier et supplémentaire pour les joueurs amateurs n’est pas nécessaire pour encourager leur formation sportive par les clubs et n’est dès lors pas justifié par un intérêt prépondérant. 1. LES PARTIES 1.1 FC Italia Nyon est un club de football suisse affilié à la Ligue amateur de l’Association Suisse de Football (ci-après: “LA de l’ASF”). 1.2 D. est joueur de football amateur. 1.3 La LA de l’ASF forme une section de l’Association Suisse de Football (ci-après: “l’ASF”) et possède sa propre personnalité juridique au sens des articles 60ss du Code civil suisse (“CC”). La LA de l’ASF comprend tous les clubs de l’ASF dont la première équipe ne dispute pas de matchs en Swiss Football League, ou en 1ère Ligue. Le siège de la LA de l’ASF est à Muri, Berne. 1.4 L’ASF est l’association faîtière du football suisse. L’ASF est membre de la Fédération Internationale de Football Association (ci-après: “FIFA”) et de l’Union des Associations Européennes de Football (ci-après: “UEFA”). L’ASF a son siège à Muri, Berne. 1.5 Le FC Crans est un club de football suisse affilié à la LA de l’ASF. 2. LES FAITS ESSENTIELS 2.1 Cette partie de la sentence contient un bref rappel des faits principaux, établis sur la base des moyens et preuves que les parties ont présentés par écrit au cours de la présente procédure. Des éléments de faits supplémentaires peuvent être compris dans d’autres sections de la sentence, selon l’appréciation de l’Arbitre unique. 2.2 Le FC Italia Nyon comprenait au moment des faits: - une équipe de 3e ligue; - une équipe de 4e ligue; - une équipe de Juniors B 2e degré; - une équipe de Juniors C 1er degré; - une équipe de Juniors C 2e degré; - une équipe de Juniors D/9; - une équipe de Juniors D/7; - une équipe de Juniors E; et - une équipe Seniors. 2.3 Durant les mois de juillet – août 2011, six jeunes joueurs (ci-après: “les Joueurs”) évoluant alors au FC Crans ont pris contact avec FC Italia Nyon afin de pouvoir jouer dans ce club. 2.4 Les Joueurs sont les suivants: - A., - B., - C., - D., - E., et - F. 2.5 Les Joueurs se sont adressés au FC Italia Nyon de leur propre initiative, sans avoir été préalablement contactés par celui-ci. 2.6 En juillet 2011, [la] Vice-Présidente du mouvement junior du FC Italia Nyon, a contacté par téléphone X., Président du FC Crans, pour lui faire part du désir de certains joueurs de ce club d’évoluer au sein du FC Italia Nyon. Elle a demandé au Président du FC Crans de signer les transferts. X. a refusé et n’a accepté que le prêt des Joueurs. 2.7 Par la suite, le Président du FC Italia Nyon, […], a appelé à son tour X., pour lui indiquer qu’il refuserait les Joueurs si cela posait véritablement un problème au FC Crans. X. a répondu ce qui suit: “C’est trop tard, ils ont un passeport chez FC Italia Nyon maintenant, on n’en a plus besoin, l’équipe est faite et de toute façon ils n’ont pas le niveau de jouer en juniors B Inter, j’allais les dispatcher à FC Gingins, FC Stade Nyonnais et Prangins”. 2.8 Le 22 juillet 2011, le FC Italia Nyon a adressé un courrier, intitulé “Demandes de transfert refusées par FC Crans”, à l’ASF. Le contenu de ce courrier est le suivant: “Vous trouverez ci-joint quatre demandes de transfert dûment signées par les parents, les joueurs ainsi que par nos soins. Après avoir appelé X., Président du FC Crans, ce jour pour demander où envoyer ces demandes vue la période estivale, X. m’a informée qu’il refuserait de signer ces transferts et qu’il n’accepterait que des prêts. Il n’a pas donné d’explications. Nous ne comprenons pas sa réaction – chez nous, à FC Italia Nyon, si un de nos juniors veut rejoindre au autre club, nous signons sans autre la demande de transfert (pour autant que le joueur se soit acquitté de sa cotisation). Dès lors, nous nous tournons vers vous. Peuvent-ils vraiment refuser de signer un transfert sans motif alors que les parents et le joueur même sont d’accord? Pouvez-vous quand même effectuer les transferts?”. 2.9 Les joueurs concernés par ces demandes de transfert sont les suivants: - B., - C., - D., et - F. 2.10 Le 28 août 2011, le FC Crans a adressé un courrier, intitulé “Demande de transfert sans signature”, à l’ASF. Dans ce courrier, le FC Crans se plaint des méthodes de FC Italia Nyon “dans le but de créer une équipe de juniors B artificiellement ne possédant pas de mouvement juniors pour avoir la pyramide des différentes catégories de jeux”. Le FC Crans, dans ce courrier, se réfère expressément aux six joueurs cités au point 2.4 ci-dessus. Le FC Crans précise par ailleurs que le but du courrier est de faire valoir ses droits aux indemnités de formation, dont le détail est annexé. 2.11 Le 11 octobre 2011, la Chambre des mutations de la LA de l’ASF (ci-après: “la CM”) a informé le FC Italia Nyon que le FC Crans avait demandé l’ouverture d’une procédure pour fixer l’éventuelle indemnité de formation. La CM a fixé un délai de 5 jours au le FC Italia Nyon pour transmettre sa prise de position ainsi qu’une offre concernant l’indemnité en question. 2.12 Le 2 novembre 2011, le FC Italia Nyon a contesté l’indemnité de formation due pour les Joueurs, au motif que, conformément à la logique Règlement du Statut et du Transfert des Joueurs de la FIFA (ci-après: “RSTJ”), de telles indemnités devaient être versées aux clubs formateurs “lorsqu’un joueur signe son premier contrat en tant que joueur professionnel” (article 20 RSTJ). 2.13 Les décisions de la CM concernant les Joueurs ont été rendues le 9 novembre 2011. La CM a notamment condamné le FC Italia Nyon à verser les montants suivants au FC Crans pour la formation des Joueurs, dans les 10 jours suivant l’entrée en force de la décision attaquée: - A.: CHF 1’800, - B.: CHF 1’800, - C.: CHF 2’100, - D.: CHF 1’800, - E.: CHF 1’800, et - F.: CHF 300, Soit un montant total de CHF 9’600. La CM a également décidé ce qui suit: “[s]i le FC Italia Nyon ne paie pas l’indemnité de formation dans le délai imparti, le FC Crans peut, après une mise en demeure infructueuse, demander le boycott du FC Italia Nyon, conforement les prescriptions du Règlement disciplinaire de l’ASF” [sic]. 2.14 Le 16 novembre 2011, le FC Italia Nyon a recouru en temps utile contre les décisions attaquées auprès de la Commission de recours de la LA de l’ASF (ci-après: “la CR”). 2.15 Le 11 janvier 2012, une demande d’intervention pour les Joueurs a été déposée devant la CR sur la base de l’article 15 du Règlement sur la procédure contentieuse édicté par la LA de l’ASF (“RPC”), afin qu’ils deviennent également parties à la procédure. Seul le joueur D. et ses parents ont signé la procuration en faveur des conseils concernés. 2.16 Le 12 janvier 2012, la CR a tenu une audience d’instruction et de plaidoiries à Lausanne. 2.17 Dans sa décision du 20 janvier 2012, la CR a rejeté le recours contre les décisions de la CM de la LA de l’ASF du 9 novembre 2011 (ci-après: “la Décision querellée”). 2.18 Le dispositif de la Décision querellée est libellé comme suit: “1. Le recours interjeté le 16 novembre 2011 par le FC Italia Nyon contre les décisions de la Ligue Amateur de l’ASF du 9 novembre 2011 est rejeté. Partant, les décisions de la Ligue Amateur de l’ASF 2011 sont admises dans leur intégralité. Partant, ordre est donné au FC Italia Nyon de verser au FC Crans une indemnité de CHF 1.800.00 pour le joueur A., CHF 1.800.00 pour le joueur B., CHF 2.100.00 pour le joueur C., CHF 1.800.00 pour le joueur D., CHF 1.800.00 pour le joueur E. et CHF 300.00 pour le joueur F., soit la somme de CHF 9.600.00, dans les 10 jours suivant l’entrée en vigueur de la présent décision, ainsi que de verser un montant global de CHF 300.00 pour les frais de procédure devant la Chambre des mutations. Si le FC Italia Nyon ne devait pas payer l’indemnité de formation dans le délai imparti, le FC Crans peut, après mise en demeure infructueuse, demander le boycott du FC Italia Nyon conformément aux prescriptions du Règlement disciplinaire de l’ASF. 2. Les frais de la présente procédure, fixés à FR. 1.190.00, dont un émolument de CHF en faveur de la caisse de la LA, sont mis à la charge du Italia Nyon”. 2.19 La Décision querellée a été notifiée au FC Italia Nyon par courriel du 20 janvier 2012, et par courrier du 23 janvier 2012, reçu le 24 janvier 2012. 3. PROCEDURE DEVANT LE TAS 3.1 Le 30 janvier 2012, le FC Italia Nyon a déposé sa déclaration d’appel devant le Tribunal Arbitral du Sport (ci-après: le “TAS”), accompagnée d’une requête d’effet suspensif, et d’une requête d’assistance judiciaire au moyen du formulaire ad hoc du TAS. 3.2 Dans la déclaration d’appel, le FC Italia Nyon a désigné le Prof. Ulrich Haas comme arbitre. 3.3 Le 6 février 2012, le TAS a demandé le paiement d’un droit de greffe de CHF 1’000. Par ailleurs, le TAS a invité le FC Italia Nyon à lui soumettre un mémoire d’appel contenant une description des faits et des moyens de droit fondant l’appel, dans les dix jours suivant l’expiration du délai d’appel, à défaut de quoi l’appel serait réputé retiré. 3.4 Le même jour, le FC Italia Nyon a rappelé qu’elle avait déposé une requête d’assistance judiciaire tendant notamment à la renonciation de percevoir le droit de greffe. Par ailleurs, le FC Italia Nyon a renouvelé sa requête procédurale tendant à la suspension du délai pour le dépôt de la motivation d’appel. 3.5 Le 8 février 2012, le TAS a réitéré sa demande de versement du droit de greffe de CHF 1’000, en précisant qu’il pourrait être éventuellement remboursé ultérieurement, selon la décision prise sur la demande d’assistance judiciaire. Le TAS a également confirmé la suspension du délai pour le dépôt du mémoire d’appel depuis le 30 janvier 2012, jusqu’à nouvel avis du greffe du TAS. 3.6 Le même jour, le FC Italia Nyon a versé le droit de greffe de CHF 1’000. 3.7 Le 10 février 2012, le TAS a transmis aux Intimés une copie de la déclaration d’appel, de la requête d’effet suspensif, ainsi que des pièces déposées par les Appelants. 3.8 Le 16 février 2012, le TAS a transmis aux Appelants le courrier des Intimés du 15 février 2012 et, sur cette base, a pris note et confirmé les éléments suivants: - la désignation par les Intimés de Me Michel Bernasconi en qualité d’arbitre, - la prolongation du délai pour le dépôt du mémoire d’appel jusqu’à droit connu de la décision du Conseil International de l’Arbitrage en matière de Sport (ci-après: “CIAS”) sur la requête d’assistance judiciaire déposée par le FC Italia Nyon, - l’accord des Intimés sur la requête d’effet suspensif, - l’accord des Intimés sur la langue de la procédure (français avec possibilité de déposer certaines pièces en allemand). 3.9 Le 17 juillet 2012, le TAS a informé les Parties que la demande d’assistance judiciaire déposée par le FC Italia Nyon avait été rejetée par le CIAS; l’ordonnance de refus de l’assistance judiciaire a été notifiée au FC Italia Nyon le même jour. 3.10 Le 19 juillet 2012, le FC Italia Nyon a écrit une lettre au TAS relevant les éléments suivants: - l’Ordonnance du CIAS se basait sur une jurisprudence rendue avant l’entrée en vigueur de l’article 117 du nouveau Code de procédure civile suisse (“CPC”) et, pour autant que les principes de procédure civil suisse étaient applicables pour une requête d’assistance judiciaire devant le TAS, le club remplissait les critères pour l’octroi de l’assistance judiciaire selon la doctrine relative à l’article 117 CPC. - En l’absence d’un Guide d’assistance judiciaire du TAS publié en application de l’article S6 ch. 9 du Code de l’arbitrage en matière de sport (ci-après: “le Code TAS”), le FC Italia Nyon a demandé des précisions sur la notion de “personnes intéressées économiquement” à laquelle faisait référence l’Ordonnance, afin que la requérante puisse compléter la requête d’assistance judiciaire du 30 janvier 2012 en conséquence, ou en formuler une nouvelle. - Le FC Italia Nyon a précisé que dans le cas où certaines informations manquaient pour se prononcer sur la requête d’assistance judiciaire, la juridiction compétente devait au besoin accorder un délai supplémentaire au requérant pour parfaire une requête incomplète, ou l’interpeler sur d’éventuelles lacunes ou imprécisions. - Le FC Italia Nyon a également relevé que l’Ordonnance semblait retenir que la condition d’indigence n’était pas remplie au motif que la requérante était déjà représentée par deux avocats depuis le début de la procédure. Les Conseils du FC Italia Nyon ont précisé qu’ils avaient offert leurs services pro bono pour la procédure devant la CR et que, dès lors, le FC Italia Nyon n’avait pas dû (et pas pu) verser une quelconque somme pour être représentée dans cette procédure. 3.11 Le 11 septembre 2012, le TAS a indiqué ce qui suit au FC Italia Nyon: “[a]u nom du Président du Conseil International de l’Arbitrage en matière de Sport (CIAS), je vous informe que comme le Code du TAS ne prévoit pas de voie de recours ni de reconsidération contre une décision d’assistance judiciaire prononcée par le CIAS, il ne sera pas donné suite à votre courrier du 19 juillet 2012”. 3.12 Le 20 septembre 2012, le TAS a écrit ce qui suit aux Parties: “[…] La décision du Conseil International de l’Arbitrage en matière de Sport sur la requête d’assistance judiciaire déposée par l’Appelant ayant été communiquée à l’appelant en date du 17 juillet 2012, je note que ce dernier n’a à ce jour pas déposé son mémoire d’appel dans le délai imparti. Par conséquent, à moins d’une preuve contraire de la part de l’appelant, l’appel est réputé retiré conformément aux dispositions de R51 du Code TAS. Une ordonnance de clôture sera communiquée aux parties dans une dizaine de jours. […]”. 3.13 Le 21 septembre 2012, FC Italia Nyon a fait part de son désaccord auprès du TAS en ce qui concerne les courriers des 11 et 20 septembre 2012. Il a fait valoir les griefs suivants: - Le refus de l’assistance judiciaire violait le droit d’être entendu (article 6 CEDH; 29 al. 2 Cst féd.) du FC Italia Nyon, car le CIAS aurait dû octroyer un délai supplémentaire pour parfaire une requête incomplète ou interpeller le FC Italia Nyon sur d’éventuelles lacunes ou imprécisions, après avoir précisé sa pratique en matière d’assistance judiciaire. - Le délai pour le dépôt du mémoire d’appel avait commencé à courir au plus tôt à partir du 11 septembre 2012, date à laquelle le TAS avait indiqué que le Président du CIAS ne donnerait pas suite à la demande du FC Italia Nyon de compléter sa requête d’assistance judiciaire. Le FC Italia Nyon s’est plaint que le TAS avait omis de lui transmettre l’Ordonnance du CIAS refusant d’entrer en matière. Une autorité ne pouvait simplement “refuser d’entrer en matière”, au risque de violer le droit d’être entendu des parties. Le greffe du TAS avait attendu le 11 septembre 2012, soit presque huit semaines, pour décider de ne pas entrer en matière sur la demande du 19 juillet 2012, de telle sorte que l’on pouvait se demander s’il avait véritablement agi de bonne foi. Le greffe du TAS n’était pas compétent pour déclarer l’appel “réputé retiré”. Compte tenu de la nature clairement juridictionnelle de la décision, seule la Formation était compétente pour examiner cette question. Le FC Italia Nyon a dès lors invité le greffe du TAS à procéder à la constitution de la Formation, celle-ci pouvant trancher l’incident après avoir entendu les parties. - Si, par impossible, le CIAS devait refuser de donner un délai supplémentaire pour compléter la requête d’assistance judiciaire, le FC Italia Nyon a déclaré que la déclaration d’appel du 30 janvier ferait office de mémoire d’appel, le FC Italia Nyon se réservant toutefois le droit de contester la compétence du TAS. - Le FC Italia Nyon a indiqué au TAS qu’il avait déposé une requête de conciliation, comme préalable à une action en constatation de droit négative, devant le juge étatique. Une copie du mémoire a été adressée au TAS. 3.14 Le même jour, le FC Italia Nyon a saisi le Juge délégué du Tribunal d’arrondissement de la Côte d’une requête de conciliation comme préalable à une action en constatation de droit négative à l’encontre des Intimés. Le FC Italia Nyon a demandé une audience de tentative de conciliation dans le cadre d’une action fondée sur les articles 88 CPC, 28 et 75 CC, tendant notamment à la constatation du fait que le FC Italia Nyon ne devait pas une indemnité de formation de CHF 9’600 au FC Crans, telle qu’établie par les décisions de la CM du 9 novembre 2011, confirmées par la Décision querellée. 3.15 Dans ce mémoire, le FC Italia Nyon a contesté la compétence du TAS, au motif que la clause d’arbitrage contenue à l’article 7 ch. 6 des Statuts de l’ASF était privée d’effet sur le fondement du droit d’accès à la justice (cf. article 6 CEDH; 29 Cst féd.), du fait que le FC Italia Nyon se trouvait dans l’impossibilité matérielle de l’exécuter. Selon le FC Italia Nyon, bien qu’il se trouvât dans une position financière qui ne lui permettait pas d’assumer les coûts de l’arbitrage, le CIAS et le TAS avaient refusé de lui octroyer l’assistance judiciaire. Non seulement le club n’aurait pas le droit à un avocat d’office, mais aussi et surtout le FC Italia Nyon n’était pas en mesure de payer une avance de frais d’environ CHF 15’000 (CHF 30’000 si les Intimés refusaient de payer leur part) couvrant en particulier les honoraires des arbitres du TAS. Dans ces conditions, le FC Italia Nyon n’avait pas d’autre choix que de recourir à la justice étatique pour faire valoir ses droits. 3.16 Le FC Italia Nyon a également déposé, le 21 septembre 2012, une requête d’assistance judiciaire devant le Président du Tribunal d’arrondissement de la Côte. 3.17 Le 25 septembre 2012, le Tribunal d’arrondissement de la Côte a convoqué les Parties pour une audience de conciliation le 14 novembre 2012. 3.18 Le 30 octobre 2012, le TAS a écrit aux Parties ce qui suit: - le TAS a confirmé qu’aucun délai supplémentaire ne serait accordé pour compléter la requête d’assistance judiciaire, - le TAS a pris note que le FC Italia Nyon avait requis que sa déclaration d’appel fasse office de mémoire d’appel. - le Président suppléant de la Chambre arbitrale d’appel avait décidé de déférer à la Formation arbitrale, une fois cette dernière constituée, le soin de décider s’il convenait, ou non, de considérer l’appel comme retiré en application de l’article R51 du Code TAS. 3.19 Le 31 octobre 2012, le FC Italia Nyon a requis devant le juge étatique qu’il suspende la procédure (de conciliation) sur la base de l’article 126 CPC. En effet, compte tenu du revirement de situation dans l’arbitrage devant le TAS, FC Italia Nyon a demandé que la procédure soit suspendue jusqu’à droit connu sur l’avance de frais qui devrait être versée pour la constitution de la Formation arbitrale. 3.20 Le 2 novembre 2012, le TAS a fixé “une première avance de frais” à CHF 12’000, la part du FC Italia Nyon s’élevant à CHF 6’000. 3.21 Le 6 novembre 2012, le FC Italia Nyon a accusé réception de la lettre du TAS fixant la première avance de frais, et a demandé une estimation de la totalité des frais d’arbitrage. 3.22 Le 12 novembre 2012, le FC Italia Nyon a constaté que son courrier du 6 novembre 2012 était resté sans réponse. Considérant qu’il ne disposait pas des ressources financières nécessaires pour verser une première avance de frais de CHF 6’000 et que le défaut de paiement équivaudrait à un retrait de l’appel en application de l’article R64 al. 2 du Code TAS, le FC Italia Nyon a déclaré être dans l’impossibilité matérielle d’exécuter la clause d’arbitrage contenue à l’article 7 ch. 6 des Statuts de l’ASF et se voyait malheureusement contraint de la résilier. Considérant que l’arbitrage du TAS ne lui permettait pas d’exercer son droit d’accès à la justice (cf. article 6 CEDH, 29 Cst féd.), le FC Italia Nyon s’est désisté de l’instance et a retiré son appel devant le TAS. 3.23 Le même jour, le FC Italia Nyon a demandé au Tribunal d’arrondissement de la Côte qu’il renonce à la suspension de la procédure et confirme la tenue de l’audience de conciliation le 14 novembre 2012. Le FC Italia Nyon a rappelé sa demande d’assistance judiciaire. 3.24 Toujours à cette même date, le Tribunal d’arrondissement de la Côte a renvoyé l’audience de conciliation. 3.25 Le 13 novembre 2012, le FC Italia Nyon a sollicité une nouvelle audience de conciliation devant Tribunal d’arrondissement de la Côte. 3.26 Le même jour, le FC Crans, la LA de l’ASF et l’ASF ont contesté la validité de la résiliation de la clause d’arbitrage. 3.27 Dans une décision du 8 novembre 2012, notifiée le 20 novembre 2012, le Tribunal d’arrondissement de la Côte a octroyé celle-ci au FC Italia Nyon dans la mesure suivante: (i) exonération des avances de frais; (ii) exonération des frais judiciaires; (iii) assistance d’un avocat d’office. Le FC Italia Nyon a été astreint à payer une franchise mensuelle de CHF 50, dès le 1er décembre 2012. 3.28 Le 20 novembre 2012, le TAS a indiqué aux Parties qu’une ordonnance de clôture serait rendue. 3.29 Le même jour, le FC Italia Nyon a indiqué au TAS qu’il comprenait la volonté des Intimés d’avoir ce litige décidé en dehors des tribunaux étatiques. Il considérait que la voie arbitrale, imposée par les Statuts de l’ASF, n’était toutefois pas praticable en l’espèce au vu de ses moyens financiers limités. […], le FC Italia Nyon a indiqué qu’il serait disposé à poursuivre l’arbitrage devant le TAS sur la base d’une convention ad hoc […]. 3.30 Le 21 novembre 2012, le FC Italia Nyon a remis au TAS une copie de la décision du Tribunal d’arrondissement de la Côte du 8 novembre 2012 octroyant l’assistance judiciaire. […]. 3.31 Le 21 décembre 2012, le Tribunal d’arrondissement de la Côte a convoqué les Parties pour une audience de conciliation le 20 décembre 2012. 3.32 Le 22 novembre 2012, les Intimés ont renvoyé à la résiliation unilatérale de la clause d’arbitrage statutaire par le FC Italia Nyon […]. Compte tenu de la décision du Tribunal d’arrondissement de la Côte concernant l’assistance judiciaire, ils ont demandé au TAS/CIAS de reconsidérer la décision de refus de l’assistance judiciaire gratuite. 3.33 Le 28 novembre 2012, le TAS a indiqué aux Parties ce qui suit: “A moins que les parties ne soumettent au TAS un accord pour continuer la présente procédure […], les courriers susmentionnés seront transmis au Président du TAS pour sa considération”. 3.34 Le 29 novembre 2012, le FC Italia Nyon a précisé devant le juge de Nyon qu’il se prévalait des actions défensives de l’article 28 CC, et a modifié ses conclusions. 3.35 Le 30 novembre 2012, le juge de Nyon a remis une nouvelle attestation d’ouverture d’action au FC Italia Nyon. 3.36 Le 7 décembre 2012, les Intimés ont indiqué au TAS qu’ils étaient favorables à la saisine de son Président “pour sa (re)-considération” sur la question de l’assistance judiciaire gratuite au FC Italia Nyon. 3.37 Le 12 décembre 2012, le TAS a confirmé la saisine de son Président. 3.38 Le 18 décembre 2012, le FC Italia Nyon a demandé la suspension de la procédure de conciliation devant le Tribunal d’arrondissement de la Côte en attendant la réponse du TAS sur la reprise de l’arbitrage à certaines conditions. 3.39 Le même jour, le Tribunal d’arrondissement de la Côte a suspendu la procédure de conciliation. 3.40 Le 13 février 2013, le FC Italia Nyon a indiqué au TAS que les Parties s’étaient entendues pour demander la reconsidération de la décision du TAS/CIAS de refus de l’assistance judiciaire gratuite. Le TAS a été également informé que la procédure de conciliation devant le Tribunal d’arrondissement de la Côte avait été suspendue. 3.41 Le 29 avril 2013, le Président du TAS a refusé de reconsidérer la décision du 11 septembre 2012 concernant le refus de l’assistance judiciaire gratuite au FC Italia Nyon. 3.42 […]. 3.43 Le 13 mai 2013, le FC Italia Nyon et D. (les Appelants) d’une part, et la LA de l’ASF, l’ASF et le FC Crans (les Intimés) d’autre part, ont conclu une convention d’arbitrage particulière (ci-après: “la Convention d’arbitrage”). En vertu de cette convention, les parties ont nommé le prof. Ulrich Haas comme arbitre unique (ci-après: “l’Arbitre unique”). […]. 3.44 Le 13 mai 2013, les Intimés ont remis la Convention d’arbitrage au TAS. 3.45 Le même jour, le FC Italia Nyon a confirmé son accord sur la Convention d’arbitrage. 3.46 Le 14 mai 2013, le TAS a accusé réception de la convention d’arbitrage particulière et indiqué que des informations au sujet des modalités de la procédure seraient adressées prochainement aux Parties. 3.47 Le 30 mai 2013, le FC Italia Nyon a indiqué au TAS que les Parties s’étaient mises d’accord sur le calendrier procédural. Elles ont convenu des délais suivants: - 26 juin 2013: dépôt du mémoire d’appel, - 19 juillet 2013: dépôt du mémoire de réponse. 3.48 Le 31 mai 2013, le TAS a confirmé le calendrier procédural proposé par les Parties, ainsi que la nomination du Prof. Ulrich Haas comme arbitre unique. 3.49 Le 25 juin 2013, le FC Italia Nyon a déposé son mémoire d’appel. Dans ce dernier, le FC Italia Nyon a indiqué vouloir entendre un certain nombre de témoins et experts dans le cadre de la présente procédure. 3.50 Le 19 juillet 2013, les Intimés ont déposé leur mémoire de réponse 3.51 Le 17 septembre 2013, le FC Italia Nyon a indiqué au TAS que les Parties s’étaient mises d’accord sur les délais suivants, en ce qui concerne le deuxième échange d’écritures: - 16 août 2013: dépôt du mémoire de réplique, - 13 septembre 2013: dépôt du mémoire de duplique. 3.52 Le 16 août 2013, le FC Italia Nyon a déposé son mémoire de réplique. 3.53 Le 13 septembre 2013, les Intimés ont déposé leur mémoire de duplique. 4. LA POSITION DES PARTIES 4.1 La position des Parties décrite ci-dessous est indicative et ne comprend pas nécessairement tous les arguments avancés par les Parties. Cependant, l’Arbitre unique a pris en compte tous les arguments des Parties, y compris ceux non cités dans le résumé qui suit. 4.2 Les Appelants soutiennent en substance, dans leur mémoire d’appel, ce qui suit: a) Le Règlement de la CM de la LA de l’ASF, sur lequel se fonde la décision querellée, n’est pas conforme au RSTJ, principalement dans la mesure où ce dernier prévoit qu’une indemnité de formation n’est due que lorsqu’un joueur signe un contrat (de travail) en tant que joueur professionnel (comme précisé à l’article 2 ch. 2 RSTJ). Les Appelants considèrent que les règlementations de la fédération faîtière (en l’occurrence la FIFA) sont en contradiction avec celles de l’ASF qui prévoient une indemnité de formation lors d’un transfert définitif d’un joueur entre deux clubs appartenant à la LA de l’ASF. Les Appelants soutiennent que dans un cas de conflit de règles celles de la fédération faîtière prime sur celles des membres (en l’occurrence l’ASF). Cette conséquence découle – selon les Appelants – des considérations générales du droit, ainsi que de l’article 13 ch. 1 let. a des Statuts de la FIFA (qui est reconnu par l’ASF à l’article 4 ch. 1 de ses Statuts). Le FC Italia Nyon soutient également que les règlements édictés par les fédérations nationales en matière de transfert de joueurs doivent être approuvés par la FIFA. b) La réglementation de la CM et ainsi la décision querellée violent les droits de la personnalité du FC Italia Nyon et des Joueurs. Le FC Italia Nyon n’a pas les moyens financiers suffisants pour payer des indemnités de formation à l’ancien club. Le montant fixé dans la Décision querellée risque de causer l’insolvabilité du FC Italia Nyon ou de l’empêcher de constituer des équipes amateurs. La Décision querellée, de surcroît, a pour effet d’empêcher les Joueurs d’évoluer au sein du club de leur choix et de pratiquer une activité physique et sportive. Si la décision de boycott devenait exécutoire, elle aurait pour effet que les équipes du FC Italia Nyon, et les joueurs eux-mêmes, ne pourraient plus jouer des matchs de compétition. La réglementation de la CM ne prévoit, par exemple, un délai d’attente pour changer de club (sans paiement d’indemnité), qui pourrait être exceptionnellement raccourci par le paiement d’une indemnité à l’ancien club (comme en Allemagne par exemple). Une telle restriction viole les droits de la personnalité du club et de l’ensemble des joueurs du club. Ces atteintes aux droits de la personnalité du FC Italia Nyon d’une part, et des joueurs amateurs d’autre part, est illicite, car elle n’est pas justifiée par le consentement de la victime, ou un intérêt prépondérant privé ou public, ou par la loi au sens de l’article 28 al. 2 CC. La doctrine relève par ailleurs ce qui suit: “les droits de la personnalité sont restreints de manière injustifiée lorsque les indemnités de formation de transfert de l’ASF en application de l’article 62 al. 3 du Règlement de jeu de l’ASF de l’ASF (transfert de joueur amateur) et l’indemnité sur l’encouragement à la formation et à l’éducation de l’ASF sont dues dans le cas où un joueur amateur quitte son club afin d’évoluer dans son nouveau club. Le droit à la liberté personnelle du joueur concerné, telle qu’elle découle de l’article 27 al. 2 CC, est violé”. En outre, conformément à la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne, la restriction à la libre circulation des joueurs (et donc à leurs droits de la personnalité), à savoir un système prévoyant le versement d’une indemnité de formation au nouveau club, n’est justifiée qu’en cas de signature, à l’issue de leur formation, d’un contrat de joueur professionnel avec un club autre que celui qui les a formé. Ces éléments démontrent que le règlement de la CM ainsi que les autres règlements de l’ASF (cf. not. Arts. 150-151 du Règlement de jeu de l’ASF) ou de la LA de l’ASF prévoyant une indemnité de formation en cas de transfert d’un joueur amateur entre deux clubs amateurs violent les droits de la personnalité (cf. art. 27 ss CC) du FC Italia Nyon et des joueurs concernés. c) Il résulte de la chronologie des faits que FC Italia Nyon n’avait pas connaissance du nouveau règlement au moment du “transfert” des Joueurs. La modification du règlement n’a été communiquée par écrit qu’en octobre 2011 aux membres de la LA de l’ASF. Les membres de la LA de l’ASF ne sauraient être liés par un nouveau règlement dès sa “publication” sur internet, mais seulement à partir de sa communication par écrit. A cet égard, il n’existe, dans les Statuts de la LA de l’ASF ou de l’ASF, aucune obligation pour les membres de consulter en tout temps internet pour s’informer de toute modification des règlements. d) La date d’entrée en vigueur des “Changements concernant les indemnités de formation lors de transferts” n’est pas claire. Dès lors, en vertu de l’adage in dubio contra stipulatorem, lorsqu’il subsiste un doute sur le sens d’une clause (respectivement d’une réglementation associative), celle-ci doit être interprétée en défaveur de son auteur. e) FC Italia Nyon n’a jamais demandé un transfert contre indemnité à la LA de l’ASF, ni ratifié un tel transfert. Le FC Italia Nyon n’a jamais donné son accord à un transfert contre indemnité. La LA de l’ASF, suite à la lettre du FC Italia Nyon du 22 juillet 2011, n’a pas expliqué la situation juridique et les conséquences d’un transfert de joueur sans signature de l’ancien club. La LA de l’ASF a elle-même décidé, pour le compte du FC Italia Nyon, de transférer les passeports de joueurs sans la signature de l’ancien club. f) La Décision querellée viole le sentiment de justice. En premier lieu, on ne parle pas de joueurs professionnels, mais de sportifs amateurs et mineurs souhaitant intégrer une autre équipe (amateur) pour continuer à jouer ensemble. La Décision querellée empêchera dans le futur à des juniors amateurs de choisir le club dans lequel ils veulent évoluer, ce qui est inacceptable. Par ailleurs, le FC Crans a fait preuve de mauvaise foi dans la mesure où il a été contacté à deux reprises par FC Italia Nyon et que son Président n’a pas voulu coopérer, préférant introduire une demande en paiement des indemnités de formation, sans en avoir préalablement parlé au FC Italia Nyon. Si la Décision querellée est confirmée, des juniors amateurs se retrouveront pris en otage par leur ancien club, ce qui nuirait à l’esprit du football amateur. 4.3 Dans leur réplique, les Appelants reprennent les arguments ci-dessus, en y apportant quelques précisions factuels et légales. En plus les Appelants font valoir ce qui suit: a) Ils considèrent qu’en signant la convention d’arbitrage particulière, l’ASF a manifesté son désir de participer comme partie à l’arbitrage (intervention sur la base de l’article R41.3 du Code TAS). Les autres parties ont consenti à l’intervention de l’ASF en signant la convention d’arbitrage. Par ailleurs, la LA de l’ASF est une section de l’ASF et c’est bien l’ASF qui a mis en place le système d’indemnité litigieux, créé la CM et qui est finalement à l’origine de ce litige. Enfin, il résulte du premier échange d’écritures que les Appelants ne contestent pas seulement la validité du règlement de la CM de la LA de l’ASF, mais aussi celle des “base règlementaires” édictées par l’ASF. L’ASF, en tant que partie directement concernée par cette affaire, n’est par conséquent pas autorisée à se retirer de la procédure. b) Ils soulèvent également la non-conformité de la Décision querellée et du système d’indemnités de formation mis en place dans le Règlement de la CM avec les valeurs fondamentales de l’ordre juridique suisse. Les Appelants considèrent également que les indemnités de formation sont grossièrement disproportionnées. c) Ni FC Italia Nyon ni les Joueurs n’ont consenti à la violation de leurs droits de la personnalité (cf. article 28 al. 2 CC). Preuve en est la présente procédure initiée en temps utile. Sous l’angle de l’article 75 CC, et pour autant que cette disposition soit pertinente en l’espèce, les Appelants ont également agi en temps utile. d) Comme le relève une jurisprudence du Tribunal cantonal du Canton de Vaud, la Décision querellée ne saurait être justifiée par un intérêt privé ou public prépondérant, car la liberté d’une association (celle, en l’espèce, de condamner les Appelants à verser une indemnité de formation au FC Crans) est limitée par les droits de la personnalité (du club et) des Joueurs. e) L’argumentation des Intimés part du principe que le présupposé règlement litigieux aurait été “communiqué” aux clubs de l’association le 15 mai 2011. Cette affirmation est erronée. En effet, la simple publication par internet, pour autant qu’elle ait bien eu lieu (ce que les Intimés ne sont pas à même d’établir), n’est pas suffisante en l’absence d’une base statutaire expresse acceptée par les membres de l’association concernée. L’adoption du nouveau règlement de la CM, mais aussi la modification de l’article 58 du Règlement de jeu de l’ASF ainsi que l’adoption de l’article 49ter des Statuts de l’ASF constituent des informations importantes qui auraient dû faire l’objet d’une lettre/circulaire à l’attention des membres concernés. f) Selon l’article 7 ch. 6 des Statuts de l’ASF, le TAS est seul compétent pour traiter les appels contre les décisions de l’ASF, de ses sections et de leurs sous-organisations. Dans un tel cas, cette voie de droit, soit l’appel selon les articles R47 ss du Code TAS, recouvre celle de l’article 75 CC. Concrètement, au regard de l’article 75 CC, lorsqu’un appel est formé à l’encontre d’une décision rendue par une association qui tranche un différend entre deux clubs membres, l’appel doit être dirigé contre le club et l’association concernée, qui ont toutes deux qualités pour défendre, comme le confirme la jurisprudence du TAS. Par conséquent, en respectant le délai d’appel des articles R47 ss du Code TAS, les Appelants ont agi en temps utile au regard de l’article 75 CC. g) Le nouveau Règlement de la CM dispose que “[l]es changements principaux […] concernant les indemnités de formation lors de transferts sont entrés en vigueur le 10 juin 2011”. Or, l’article 58 du Règlement de jeu de l’ASF (Edition juillet 2011) est entré en vigueur le 1er juillet 2011 seulement. Par conséquent, entre le 10 juin 2011 et le 30 juin 2011, le Règlement de jeu de l’ASF, dans sa nouvelle teneur, ne reposait sur aucune base légale. L’article 48ter des Statuts de l’ASF ne constitue pas non plus une base légale suffisante. Par ailleurs, les éditions précédentes du Règlement de jeu de l’ASF ne prévoyaient pas le paiement d’indemnités de formation. Il n’existait dès lors aucune base légale en ce qui concerne les indemnités de formation avant le 1er juillet 2011. 4.4 La position des Intimés est, en substance, la suivante: a) L’ASF émet une réserve s’agissant de sa qualité de partie à la procédure. Bien que l’ASF ait cosigné la convention d’arbitrage particulière du 13 mai 2013, celle-ci n’est ni l’autorité qui a rendu la décision querellée, ni sa destinataire. L’ASF a été attraite dans la présente procédure du simple fait que les Appelants l’ont désignée en tant que partie. A aucun moment l’ASF n’a manifesté une quelconque volonté d’intervention. Le fait qu’elle puisse être touchée par la sentence ne crée pas pour autant sa légitimation passive. b) Le Règlement de la CM de la LA de l’ASF est conforme aux règlements FIFA. Le RSTJ a pour objet le transfert de joueurs entre des clubs appartenant à différentes associations, en d’autres termes de transferts internationaux. Le RSTJ n’est par conséquent pas applicable au cas d’espèce. Un système d’octroi d’indemnités de formation pour le transfert de joueurs amateurs n’est pas interdit par la FIFA. A contratrio, les associations nationales jouissent d’une parfaite et complète autonomie sur ce point, ce qui leur permet de prévoir des indemnités de formation pour les transferts au sein de ligues amateurs. c) Le prétendu défaut d’approbation de la FIFA du Règlement de la CM ne saurait être pertinent. Le commentaire de l’article 1 du RSTJ souligne l’autonomie conférée aux associations pour réglementer les transferts nationaux en rappelant que la FIFA n’interfère en principe pas dans les affaires courantes des associations, sauf violation grave de ses Statuts et/ou règlements. Par ailleurs, le Règlement de la CM reprend pour ainsi dire à l’identique les principes et règles fixés dans le Règlement pour la Commission des transferts de l’ASF, ce dernier ayant été approuvé, après une procédure de 4 ans, par la FIFA. Du reste, les Intimés font valoir que la LA de L’ASF n’est pas directement membre de la FIFA et n’est donc pas tenue d’édicter un règlement spécifique au sens de l’article 1 ch. 2 RSTJ. d) En matière sportive, il est admis que les droits de la personnalité au sens des articles 28ss CC comprennent la liberté d’exercer une activité sportive et de participer à des compétitions réunissant des sportifs de même niveau. Dans le cas d’espèce, il s’agit d’examiner si l’on est en présence d’une atteinte aux droits de la personnalité, et si celleci est frappée d’illicéité. Les Appelants tentent d’imposer a posteriori un contrôle abstrait du Règlement de la CM, alors qu’il s’agit bien d’examiner in concreto si le FC Italia Nyon a subi une atteinte pertinente au sens de l’article 28 CC, atteinte qui aurait été causée par les Intimés. Or tel n’est pas le cas. Avec l’arrivée des six joueurs en provenance du FC Crans, le FC Italia Nyon a pu constituer une équipe de juniors B qui a pu participer (et qui participe encore) au championnat régulier. Il n’y a d’autant moins d’atteinte que les indemnités de formation sont la compensation partielle, par le club débiteur, des coûts de formation supportés année après année par le club formateur. Une fois qualifiés, les Joueurs, dont D., ont pu disputer le championnat de la saison concernée dans le club qu’ils avaient souhaité rejoindre. Ils n’ont par conséquent subi aucune atteinte à leurs droits de la personnalité. e) Les Appelants fondent leur position sur l’avis d’un seul auteur (DERUNGS), lequel s’appuie sur l’arrêt “Bernard” de la Cour de justice des Communauté européennes (“CJCE”). L’arrêt en question s’inscrit dans le contexte de la libre circulation des personnes au sens du Traité instituant la Communauté européenne (“Traité CE”) et ne concerne que les joueurs professionnels. Par ailleurs, il est également erroné de prétendre que les principes tirés de l’arrêt “Bernard” s’appliqueraient sans autre au sport amateur. A cet égard, la référence à la jurisprudence du tribunal de Berne – Laupen, qui traite de la discrimination entre des sportifs étrangers et nationaux, est erronée. f) Les Joueurs ont pu bénéficier d’un encadrement et d’une formation tout au long des années passées auprès du FC Crans qui, selon le système en vigueur, ne leur a pas facturé les coûts effectifs de cette formation. Au moment où les jeunes joueurs, tels les Joueurs, quittent leur club formateur, ce n’est que justesse si une partie des coûts qu’ils ont engendrés au club formateur leur sont remboursés par le biais des indemnités de formation. g) Même si l’on devait admettre une atteinte pertinente aux droits de la personnalité, encore faudrait-il que celle-ci soit illicite. Or, faute d’avoir contesté en temps utile le règlement litigieux, les Appelants ont consenti à une éventuelle atteinte en découlant. h) Les modifications de statuts et autres règlements d’associations deviennent contraignants pour une personne dès que celle-ci a voté la modification en question, ou l’a acceptée en s’abstenant de l’attaquer ou de sortir de l’association. Le Règlement de la CM a été communiqué aux clubs de l’association le 25 mai 2011, par le biais d’une publication sur le site internet de l’ASF. Depuis plus d’une décennie, pour des raisons pratiques et financières, il a été renoncé à envoyer par courrier chaque modification des documents officiels aux quelques 1450 membres de l’ASF. Il s’agit d’un usage accepté et reconnu par les clubs, qui leur a été communiqué en conséquence. Par ailleurs, même si les transferts litigieux étaient intervenus avant le 10 juin 2011, soit sous l’égide du Règlement de la CM antérieur, FC Italia Nyon aurait également été redevable d’indemnités de formation, d’un montant proche (CHF 550 au lieu de CHF 600 par joueur et par saison) à celles qui font l’objet de la présente procédure. Les Appelants estiment avoir contesté en temps utiles le Règlement de la CM, de telle sorte qu’ils ne seraient pas liés par celui-ci. Les Appelants se prévalent, sans en faire mention expressément, de l’article 75 CC. Or, à la teneur de cette disposition “[t]out sociétaire est autorisé de par la loi à attaquer en justice, dans le mois à compter du jour où il en a eu connaissance, les décisions auxquelles il n’a pas adhéré et qui violent des dispositions légales ou statutaires”. La base règlementaire des indemnités de formation prévue dans le Règlement de jeu de l’ASF (Edtion juillet 2010), a été valablement communiquée aux clubs membres de la LA de l’ASF en date du 25 mai 2011, par le biais d’une publication sur le site internet de l’ASF. Le délai, d’un mois de l’article 75 CC est échu dans la mesure où les Appelants ont formellement contesté le prononcé des indemnités (et non du règlement lui-même) en interjetant recours auprès de la Commission de recours de la LA de l’ASF en date du 16 novembre 2011. i) FC Italia Nyon a bien déposé, dans les délais et formes prescrites, une demande de transfert pour les Joueurs, par son courrier du 22 juillet 2011. j) Le fondement et les conséquences juridiques de l’argument des Appelants liés à la violation du sentiment de justice sont peu clairs. Ce grief reprend les différents arguments développés dans les autres chapitres du mémoire d’appel. En admettant que le FC Italia Nyon ait pu ignorer si longtemps le système d’indemnités de formation de la LA de l’ASF, on peut reprocher à ce dernier un manque de diligence dans la mesure où nul membre de l’ASF et de la LA de l’ASF n’est censé ignorer la réglementation à laquelle il a librement souscrit. En déposant, des demandes de transfert sans l’accord de l’ancien club, le FC Italia Nyon savait, ou aurait à tout le moins dû savoir, qu’il s’exposait potentiellement à des prétentions financières sous la forme d’indemnités de formation. Partant, il ne saurait être question d’une quelconque violation du sentiment de justice dans le cas d’espèce. 4.5 Dans la duplique, les Intimés reviennent notamment sur les divers éléments contenus dans la réplique. En ce qui concerne les nouveaux arguments développés par FC Italia Nyon dans la réplique, les Intimés considèrent qu’ils sont irrecevables, dans la mesure où ils sont invoqués en dehors du cadre du délai d’appel, respectivement de la motivation d’appel. 5 LES CONCLUSIONS DES PARTIES 5.1 Dans la réplique, les Appelants prennent les conclusions suivantes: “A la forme 1. Déclarer l’appel du 24 juin 2013 et la présente réplique recevables. Sur mesures provisionnelles 2. Octroyer l’effet suspensif à l’appel du 24 juin 2013. Au fond 3. Annuler la décision attaquée. Principalement 4. Déclarer qu’aucune indemnité de formation n’est due par FC Italia Nyon au FC Crans pour les six joueurs concernés, D., A., B., C., E., et F. 5. Interdire à la Ligue amateur de l’ASF et à l’ASF de prononcer le boycott du FC Italia Nyon pour non-paiement de l’indemnité de formation de CHF 9’600, telle qu’établie par les décisions de la CM du 9 novembre 2011, confirmée par la décision de la Commission de recours de la Ligue amateur de l’ASF du 20 janvier 2012. Subsidiairement 6. Réduire à dire de justice l’indemnité de formation que FC Italia Nyon a été condamné à payer au FC Crans. Très subsidiairement 7. Déclarer que l’indemnité de formation de CHF 9’600 que FC Italia Nyon a été condamné à payer au FC Crans est payable à concurrence de CHF 50.- par mois ou d’un montant à dire de justice. En tout état de cause 8. Condamner FC Crans et/ou la LA de l’ASF et/ou l’ASF aux frais de justice de procédure découlant de la procédure intentée devant la Chambre des mutations de la Ligue amateur (CHF 300.--) et la Commission de recours de la Ligue Amateur de l’ASF (CHF 1’190.--), qui représentent une somme totale de CHF 1’490.--. 9. Déclarer que l’avance de frais de CHF 1’000.-- versée par FC Italia Nyon devant la Commission de recours de la Ligue amateur de l’ASF doit lui être restituée. 10. Condamner FC Crans et/ou la LA de l’ASF et/ou l’ASF au paiement des frais de l’arbitrage et à une indemnité de dépens […] en faveur du FC Italia Nyon et de D. devant le Tribunal arbitral du sport”. 5.2 Quant à l’Intimée, elle conclut, dans son mémoire de réponse et la duplique, ce qui suit: “Les Intimés concluent à ce qu’il plaise au Tribunal arbitral du sport (ci-après: “TAS”): PREALABLEMENT 1. Admettre la requête d’effet suspensif. PRINCIPALEMENT 2. Rejeter, dans la mesure de leur recevabilité, les conclusions des Appelants. - sous suite de frais et dépens -”. 6 COMPETENCE DU TAS 6.1 Les Parties ont conclu, dans le cadre de la présente procédure arbitrale, une convention d’arbitrage, le 13 mai 2013. Cette convention d’arbitrage est régie par les articles 353 ss du CPC. 6.2 Dès lors que la convention d’arbitrage a été valablement conclue entre les Parties, qu’elle soumet le présent litige au TAS (art. 357 CPC), et qu’elle est conforme aux exigences de forme de l’article 358 CPC, l’Arbitre unique considère qu’il est compétent pour connaître du présent litige. 6.3 La compétence du TAS n’est pas par ailleurs pas contestée par les Parties, qui l’ont confirmée par la signature de l’ordonnance de procédure. 7 QUESTIONS PROCÉDURALES A) Recevabilité 7.1 L’Arbitre unique relève que le FC Italia Nyon a fait appel de la Décision querellée, qui date du 20 janvier 2012, le 30 janvier 2012. Dans la mesure où l’article 7 ch. 6 des Statuts de l’ASF imparti un délai de 10 jours pour déposer un appel contre les décisions de l’ASF et de ses sous-organisations, l’appel du FC Italia Nyon doit être considéré comme initialement recevable. 7.2 Quant à D., il n’a été mentionné pour la première fois comme Appelant que dans la motivation de l’appel du 24 juin 2013, ce qui pose une question évidente quant au respect du délai d’appel de l’article 7 ch. 6 des Statuts de l’ASF. 7.3 Cependant, […], les Parties ont conclu la convention d’arbitrage du 13 mai 2013, visant à “obtenir une sentence au fond de la part du TAS” (Préambule lit. F). 7.4 Par ailleurs, les Parties n’ont pas contesté la recevabilité de l’appel, et ont même requis de l’Arbitre unique, dans la convention d’arbitrage, qu’un délai soit imparti “aux Appelants” pour déposer leurs motivation d’appel (Article 7) 7.5 Dès lors, l’appel déposé par les Appelants est recevable. B) Recevabilité des pièces et délais 7.6 L’article R56 al. 1 du Code TAS stipule ce qui suit: “Sauf accord contraire des parties ou décision contraire du Président de la Formation commandée par des circonstances exceptionnelles, les parties ne sont pas admises à compléter ou modifier leurs conclusions ou leur argumentations, ni à produire de nouvelles pièces, ni à formuler de nouvelles offres de preuve après la soumission de la motivation d’appel et la réponse”. 7.7 Les Intimés font valoir que les pièces/éléments nouveaux contenus dans la réplique des Appelants sont irrecevables dans la mesure où ils ont été soumis après du délai d’appel, respectivement de la motivation de l’appel. 7.8 L’Arbitre unique relève qu’au cœur du présent litige se trouve la question de savoir si les organes de l’ASF et de la LA de l’ASF peuvent exiger le paiement d’une indemnité de formation pour des joueurs amateurs, conformément à leurs règlements. Le litige repose dès lors, en premier lieu, sur une question de droit et non de faits. Compte tenu de la nature de cette affaire, l’Arbitre unique considère qu’il existe un intérêt prépondérant à prendre en considération toutes les écritures et les éléments de preuve soumis par les parties. L’Arbitre unique précise que la présente sentence n’aurait pas eu une autre issue s’il avait décidé d’écarter tout ou partie des arguments et pièces soumis après la motivation de l’appel, en application de l’article R56 du Code TAS. 8 DROIT APPLICABLE 8.1 Selon l’article R58 du Code TAS, la Formation statue selon les règlements applicables et, subsidiairement, selon les règles de droit choisies par les parties, ou à défaut de choix, selon le droit du pays dans lequel la fédération, association autre organisme sportif ayant rendu la décision attaquée a son domicile ou selon les règles que la Formation estime appropriée. 8.2 Dans le cas d’espèce, les Parties ont décidé ce qui suit (Article 2). “Le droit applicable est le Code de l’arbitrage en matière de sport, les statuts et les règlements de l’ASF et de la LA de l’ASF ainsi que, subsidiairement, le droit suisse”. 8.3 L’Arbitre unique considère dès lors que le présent litige doit être décidé en application, conformément à la volonté des Parties, du Code TAS de l’arbitrage en matière de sport, des statuts et les règlements de l’ASF et de la LA de l’ASF ainsi que, subsidiairement, du droit suisse. 9 MANDAT – POUVOIR D’EXAMEN 9.1 Selon l’article 1 de la Convention d’arbitrage, le présent litige est “exclusivement soumis au TAS (procédure arbitrale d’appel), dont la compétence exclusive à connaître de ce litige est reconnue par toutes les parties”. 9.2 Selon l’article R57 du Code TAS: “La Formation revoit les faits et le droit avec plein pouvoir d’examen. Elle peut soit rendre une nouvelle décision se substituant à la décision attaquée, soit annuler cette dernière et renvoyer la cause à l’autorité qui a statué en dernier. […]”. 9.3 Il en découle que l’Arbitre unique a plein pouvoir d’examen, tant en fait qu’en droit, pour décider de l’issue de la présente procédure. 10 DISCUSSION A) Légitimation Passive 10.1 L’Arbitre unique doit d’abord examiner si l’ASF a la légitimation passive dans la présente procédure, ce qu’elle conteste. 10.2 Les règlements applicables et le Code TAS ne contiennent pas de dispositions relatives à la légitimation passive des parties. Selon le droit suisse, et confirmé à de nombreuses reprises par la jurisprudence du TAS, l’intimé dispose de la légitimation passive s’il est personnellement débiteur de la prétention en question (CAS 2006/A/1206: “if it is personnally obliged by the “disputed right” at stake”). Si la légitimation passive manque, la prétention doit être rejetée comme non-fondée. En principe un individu qui s’est soumis aux règles d’une association a un droit à ce que les règles lui soient appliquées conformément au droit. Ici l’ASF n’a pas rendu la Décision querellée, qui vise en particulier les Appelants. De plus, la LA de l’ASF possède sa propre personnalité juridique (Art 1 ch. a des Statut de LA de l’ASF et Art. 19 des Statuts de l’ASF) et la LA de l’ASF n’est pas un organe de l’ASF. Ainsi une décision de la LA de l’ASF ne saurait être imputée à l’ASF. Il apparaît dès lors, a priori, que l’ASF n’a pas la légitimation passive dans le cadre de la présente procédure. Cependant, il ressort clairement de la Convention d’arbitrage que l’ASF se prévaut d’un intérêt à ce que le présent litige ne soit pas porté devant les juridictions étatiques et qu’une sentence sur le fond soit rendue par le TAS. Au cœur du litige réside le problème si – oui ou non – les organes de l’ASF et de la LA de l’ASF peuvent réclamer une indemnité de formation pour des joueurs amateurs en application de leur règlements. Cet intérêt expressément stipulé dans la Convention d’arbitrage est en conflit avec la position prise par l’ASF dans cette procédure. En signant la Convention d’arbitrage, en particulier la clause (F) du Préambule, l’ASF a accepté de participer à la présente procédure et de défendre la Décision querellée. La position de l’ASF dans cette procédure est donc comparable à celle d’un intervenant au sens de l’article R41.3 du Code TAS. B) Légalité de la Décision querellée 10.3 Pour que la Décision querellée soit légale, il faut que les conditions suivantes soient remplies: - une base légale suffisante; - les conditions de la base légale sont remplies; - la décision ne viole pas les droits des Appelants. C) Base légale suffisante? i. Les questions soulevées 10.4 En ce qui concerne la base légale, l’Arbitre unique considère qu’il s’agit de répondre aux questions suivantes: - Le Règlement de la CM de la LA de l’ASF (issu du Règlement de Jeu ASF (édition 2011), des Statut LA de l’ASF (édition 2011) et du Règlement de la CM (édition 2011)) est applicable aux Appelants pour des faits qui se sont produits en juillet 2011? - Dans l’affirmative, le Règlement de la CM est-il inapplicable parce qu’il est contradictoire et que le principe in dubio contra stipulatorem est applicable? - Dans la négative, le Règlement de la CM est-il inapplicable dans la mesure où il serait en contradiction avec le RSJT de la FIFA? ii. L’application des principes mentionnés 10.5 A titre liminaire, l’Arbitre unique souhaite préciser que l’analyse ci-dessous ne remet pas en cause la réglementation portant sur les indemnités de formation telle qu’établie par la FIFA pour le football professionnel et mise en œuvre par ses membres, dont l’ASF. Ladite analyse porte uniquement sur l’impact du paiement de ces indemnités dans un contexte purement amateur. 10.6 Le Règlement de Jeu de l’ASF (2011) – en particulier les articles 57 ss – a été adopté lors de l’assemblée du Conseil de l’Association du 30 avril 2011 et est entré en vigueur le 1er juillet 2011 (Art. 80 du Règlement de Jeu de l’ASF). Les Statuts LA de l’ASF (édition 2011) ont été approuvés par l’Assemblée des délégués ordinaire du 20 mai 2011 et sont entrés en vigueur le 1 er juillet 2011. Le Règlement de la CM (édition 2011), qui traite uniquement des cas de transferts de joueurs amateurs entre clubs membres de la LA de l’ASF et ne concernant dès lors nullement le football professionnel, a été accepté par la Conférence des Présidents de la LA de l’ASF le 15 avril 2011 et est également entré en vigueur le 1er juillet 2011. Ainsi, prima facie, le Règlement de la CM était applicable aux faits, car les “transferts” en question se sont produits après le 1er juillet 2011. 10.7 Cependant, les Appelants considèrent que de nouvelles règles ne sont applicables qu’une fois qu’elles ont été dûment communiquées aux membres de la LA de l’ASF. 10.8 L’Arbitre unique relève tout d’abord qu’il n’existe aucune règle à cet égard dans les articles 60 ss CC. 10.9 En principe, le règlement d’une association ne lie les membres qu’une fois que ces derniers ont pu prendre connaissance dudit règlement. Ce principe découle du fait que les règlements d’une fédération/association sont comparables, dans leurs effets, à des conditions générales (cf. BK-ZGB/RIEMER, 1990, ST n° 346: “Da Vereinsstatuten […] durchaus mit solchen AGB vergleichen lassen, muss ein unerfahrenes Vereinsmitglied vor ungewöhnlichen Klauseln […] geschützt werden können […]”; Verwaltungsgericht Bern, causa sport 2006, 50, 56: “Da Vereinsstatuten und – reglemente sich mit Allgemeinen Geschäftsbedingungen vergleichen lassen […]”; THALER, Athletenvereinbarungen und Athletenerklärungen, in: Sport und Recht, 4. Tagungsband 2007, S. 19, 32: “Soweit der regelanerkennungs-Vertragsteil in Frage steht […] können aber (im Einzelfall sachgerechte) vereinsrechtliche Überlegungen […] mit berücksichtigt werden, sowie insbesondere die Grundsätze über allgemeine Geschäftsbedingungen”). La jurisprudence va dans la même direction: “Da Vereinsstatuten und –reglemente sich mit Allgemeinen Geschäftsbedingungen vergleichen lasen, muss ein Schutz vor ungewöhnlichen Klauseln gewährt werden […]” (cf. Gerichtskreis X Thun, causa sport 2006, 50, 56 ). 10.10 Pour que des conditions générales lient un partenaire contractuel, ce dernier doit avoir la possibilité d’en connaître le contenu. Dès lors, en application de ce principe, il ne suffit pas que l’entité compétente ait modifié un règlement pour que celui-ci entre en vigueur. Les membres doivent avoir eu l’occasion de se familiariser avec le contenu dudit nouveau règlement. 10.11 La question est par conséquent de savoir si les membres ont eu l’occasion de prendre connaissance des modifications d’un règlement donné. A cet égard, un standard objectif doit être déterminé par rapport à ce qui peut être considéré comme raisonnable, ou non, d’exiger de la part d’un membre. Dans la mesure où les règlements sont voués à être appliqués de manière uniforme, et simultanément, la question de la possibilité de prendre connaissance du règlement en question ne peut pas dépendre de circonstances individuelles. Bien au contraire, un standard objectif doit être appliqué, c’est-à-dire est-ce qu’un “membre raisonnable” a eu la possibilité de se familiariser avec le nouveau règlement? Cela est sans aucun doute le cas si le nouveau règlement a été transmis aux membres par le biais d’une lettre circulaire, dans laquelle seraient expliquées les modifications importantes, ou par le biais du journal de l’association ou d’une newsletter. 10.12 Dans le cas d’espèce, la question est de savoir si une simple publication sur internet est suffisante. L’Arbitre unique considère que cela n’est pas le cas, d’autant plus qu’il n’existait, à l’époque des faits, aucune disposition des règlements applicables qui renvoyait, de manière obligatoire, les membres au site internet de la LA de l’ASF ou de l’ASF pour connaître de toute modification de ces règlements, contrairement à la situation actuelle (cf. article 6 des Statuts de l’ASF (Edition 2013)). 10.13 Cependant, il n’est pas rare que des associations de la taille de la LA de l’ASF communiquent avec leurs membres par le biais de leur site internet. Il s’agit dès lors de déterminer s’il existait, au sein de la LA de l’ASF, une coutume consistant à publier les modifications des règlements sur le site internet et qu’il pouvait être raisonnablement être exigé d’un membre, en l’absence d’une règle à cet effet, de consulter le site internet afin de se renseigner sur toute modification réglementaire. 10.14 Les Intimés considèrent que depuis de nombreuses années, le site www.football.ch est l’organe de publication de l’ASF, et par conséquent, également celui de la LA de l’ASF. Selon eux, depuis près d’une décennie, il a été renoncé, pour des raisons pratiques et financières, à envoyer par courrier chaque modification des documents officiels aux quelques 1’450 membres que compte l’ASF. Il s’agit prétendument d’un usage accepté et reconnu par les clubs, qui leur a été communiqué en conséquence. 10.15 Quant aux Appelants, ils contestent l’existence de cette coutume, observant que les Intimés n’en ont pas apporté la preuve. Ils considèrent par ailleurs qu’une telle “pratique” ne saurait lier les membres de l’association et ne crée aucune obligation associative. 10.16 L’Arbitre unique relève que les conditions d’existence d’une coutume sont les suivantes (BKZGB/RIEMER, 1990, ST no. 353): “Dabei wird in der Literatur davon ausgegangen, dass sich derartiges Gewohnheitsrecht unter den gleichen Voraussetzungen wie im Zusammenhang mit objektivem Recht (Gesetz) bilden könne […]: einheitliche konstante Übung … und die Überzeugung der Beteiligten, es liege eine rechtlich bindende Ordnung […] vor. Erheblich schwieriger zu beantworten ist aber die Frage, wann diese beiden Voraussetzungen effektiv erfüllt sind. […] Immerhin ergibt sich aus all diesen Urteilen, dass die Anforderungen an eine inveterata consuetudo – im Hinblick auf die Rechtssicherheit zu Recht – ziemlich streng sind […]”. En français (traduction libre): “La doctrine est d’avis que pareille coutume peut se créer dans les mêmes conditions que dans le contexte du droit objectif (la loi) […]: application uniforme et constante … et la conviction de toutes les parties intéressées, qu’il existe un ordre juridique contraignant […]. La question de savoir si les deux conditions sont effectivement remplies est beaucoup plus difficile à résoudre […]. Cependant il découle de la jurisprudence, que les exigences pour établir une inveterata consuetudo […] sont – à la lumière du principe de la sécurité du droit – assez strictes […]”. 10.17 L’Arbitre unique relève que les Intimés n’apportent aucune preuve de l’existence de la coutume qu’ils invoquent dans le cas d’espèce. En l’absence de toute coutume établie quant à la notification des modifications de règlements, l’Arbitre unique considère qu’il ne pouvait être considéré, en l’espèce, que les Appelants étaient au courant de la nouvelle réglementation au moment des faits litigieux. Dès lors, l’Arbitre unique considère qu’il n’existe pas de base légale suffisante dans le Règlement de la CM pour fonder la Décision querellée. En tout état de cause, l’Arbitre unique considère que cette question peut rester ouverte dans la mesure où la Décision querellée viole les droits de la personnalité des Appelants, comme expliqué cidessous. D) La décision querellée et les droits de la personnalité des Appelants 10.18 Le siège de la matière se trouve aux articles 27 et 28 CC. Alors que l’article 27 CC vise à protéger la personne contre elle-même et contre ses engagements excessifs, l’article 28 CC interdit les atteintes à la personnalité émanant de la part de tiers. 10.19 L’article 28 CC a la teneur suivante: 1. Celui qui subit une atteinte illicite à sa personnalité peut agir en justice pour sa protection contre toute personne qui y participe. 2. Une atteinte est illicite, à moins qu’elle ne soit justifiée par le consentement de la victime, par un intérêt prépondérant privé ou public, ou par la loi. 10.20 La garantie de l’article 28 CC s’étend à l’ensemble des valeurs essentielles de la personne qui lui sont propres par sa seule existence et peuvent faire l’objet d’une atteinte (ATF 134 III 193, consid. 4.5, p. 200). Selon la doctrine, aucune disposition statutaire ne doit porter atteinte aux droits de la personnalité (cf. art. 28 CC) (PERRIN/CHAPPUIS, Droit de l’association, 3ème éd., 2008, p. 41; ATF 86 II 201). L’article 28 CC est également applicable en droit du sport, l’association étant soumise au contrôle du juge étatique en cas d’atteinte aux droits de la personnalité (ATF 120 II 369). 10.21 Comme vu ci-dessus, selon l’article 28 al. 2 CC, une atteinte à la personnalité est illicite, à moins qu’elle ne soit justifiée (i) par le consentement de la victime, (ii) par un intérêt prépondérant privé ou public, ou (iii) par la loi. Il résulte de cette disposition que l’atteinte est en principe illicite, ce qui découle du caractère absolu des droits de la personnalité. L’illicéité est une notion objective de sorte qu’il n’est pas décisif que l’auteur soit de bonne foi ou ignore qu’il participe à une atteinte à la personnalité (ATF 132 III 193, consid. 4.6.2, p. 201). C’est en fonction du bien de la personnalité touché et des circonstances du cas concret que l’Arbitre unique retiendra l’existence ou non d’une atteinte. Cette démarche doit être opérée sur la base d’une échelle de valeurs objectives et non eu égard au ressenti ou à la sensibilité de la victime (CR-CC/JEANDIN, 2010, Art. 28, no. 67 et ss). i. Est-ce que il y atteinte aux droits de la personnalité? 10.22 L’article 28 CC évoque la notion de personnalité; il ne procède toutefois à aucune énumération des droits de la personnalité (CR-CC/JEANDIN, 2010, Art. 28 no. 23). La doctrine et la jurisprudence ont procédé à une catégorisation des droits de la personnalité. Parmi les droits de la personnalité reconnus sont ceux qui découlent de l’appartenance de tout particulier à la société au sein de laquelle chacun se trouve inséré dans un tissu de liens sociaux (CRCC/JEANDIN, 2010, Art. 28 no. 34). L’environnement social issu de la coexistence de plusieurs individus aboutit en effet à des interactions auxquelles il convient de mettre des limites lorsqu’elles touchent à la sphère privée (CR-CC/JEANDIN, 2010, Art. 28 no. 34). La garantie de l’article 28 CC s’étend à l’ensemble des valeurs essentielles de la personne qui lui sont propres par sa seule existence et peuvent faire l’objet d’une atteinte (ATF 134 III 193, consid. 4.5 et les réf. citées). 10.23 La liberté d’exercer une activité sportive de son choix, entre partenaires de même valeur et contre des adversaires équivalents, fait – selon la jurisprudence – partie des droits de la personnalité protégés par l’article 28 CC (OG Zürich 7.11.1977, in BONDALLAZ, Toute la jurisprudence sportive en Suisse, 2000, p. 9, 11). 10.24 En ce qui concerne le sport amateur, la doctrine relève que le droit à l’épanouissement par l’activité sportive, que ce soit professionnellement ou non, fait partie des droits de la personnalité du sportif. Ce droit comprend notamment le droit de participer à des compétitions réunissant des sportifs du même niveau que lui (JdT 2002 I p. 55). 10.25 L’Arbitre unique considère que cette position est en particulier applicable aux jeunes sportifs, pour lesquels le sport revêt un caractère éducatif et social particulier. A l’appui de cette position, l’Arbitre unique relève qu’à cet égard, le Conseil fédéral, dans son message concernant à la loi sur l’encouragement du sport et la loi fédérale sur les systèmes d’information de la Confédération dans le domaine du sport, soutient ce qui suit (FF 2009 7401, p. 7409-7410): “Le développement des enfants et des adolescents est essentiel pour la vie en société. Le sport et l’activité physique contribuent dans une large mesure à leur développement physique, psychique, cognitif et social. Le sport contribue au développement de la personnalité et à l’acquisition de compétences sociales. Il véhicule des valeurs, telles que le respect, la tolérance et la loyauté. Les activités sportives peuvent contribuer à renforcer la condition physique, le bien-être, la confiance en soi et les liens sociaux. Le sport est donc un élément incontournable du processus d’éducation et de formation au sens large”. 10.26 Par ailleurs, le titulaire des droits de la personnalité est en premier lieu la personne physique. La personne morale est également détentrice de droits de la personnalité, mais dans la mesure de l’étendue de la jouissance des droits civils qui lui confère la loi (art. 53 CC): elle ne peut ainsi s’en prévaloir qu’à raison des biens de la personnalité qui ne sont pas inséparables des conditions naturelles de l’homme telle que le sexe, l’âge ou la parenté, à savoir ceux qui protègent la personnalité sociale (CR-CC/JEANDIN, 2010, Art. 28 no. 20). En outre, une association peut attaquer une mesure illicite non seulement quand cette mesure porte atteinte à ses propres droits personnels, mais aussi quand elle lèse les intérêts collectifs de ses membres (JdT 1950 I 162). ii. La position des Parties 10.27 Les Appelants considèrent que le FC Italia Nyon subit une atteinte à ses droits de la personnalité dans la mesure où il n’a pas les moyens financiers suffisants pour payer les indemnités de formation. Une obligation de payer de telles indemnités aurait comme effet d’empêcher le FC Italia Nyon de constituer des équipes amateurs et pourrait provoquer l’insolvabilité du club. Par ailleurs, la Décision querellée porte aussi atteinte aux droits de la personnalité de D., dans la mesure où elle l’empêcherait, ainsi qu’à d’autres sportifs amateurs, d’évoluer dans le club de son choix, car tant que le nouveau club n’a pas de moyens financiers suffisants et que l’ancien club ne donne pas son accord à un transfert, les joueurs amateurs seront “séquestrés” dans leur ancien club. 10.28 Les Intimés considèrent que les Appelants tentent d’imposer a posteriori un contrôle abstrait du Règlement de la CM, alors qu’il s’agit bien d’examiner in concreto si le FC Italia Nyon a subi une atteinte pertinente au sens de l’article 28 CC, atteinte qui aurait été causée par les Intimés. Or, selon eux, tel n’est pas le cas. Avec l’arrivée des six joueurs en provenance du FC Crans, le FC Italia Nyon a pu constituer une équipe de juniors B qui a pu participer (et qui participe encore) au championnat régulier. Il n’y a d’autant moins d’atteinte que les indemnités de formation sont la compensation partielle, par le club débiteur, des coûts de formation supportés année après année par le club formateur. Une fois qualifiés, les Joueurs, dont D., ont pu disputer le championnat de la saison concernée dans le club qu’ils avaient souhaité rejoindre. Ils n’ont par conséquent subi aucune atteinte à leur droit de la personnalité. Les Intimés relèvent par ailleurs qu’il n’existe en tout état de cause pas de violation des droits de la personnalité dans le cas d’espèce. iii. Discussion a) Atteinte aux droits de la personnalité 10.29 A ce stade, il s’agit de déterminer si les Intimés subissent une atteinte à leur droit de la personnalité, de par l’application de la Décision querellée, ou des règlements en question. 10.30 La loi ne décrit pas ce qu’est une atteinte aux droits de la personnalité (BSK-ZGB/MEILI, 4ème éd. 2010, Art. 28 no. 38; CR-CC/JEANDIN, 2010, Art. 28 no. 67). La notion d’atteinte désigne tout comportement humain qui remet en cause – totalement ou partiellement – l’existence ou la substance d’un bien de la personnalité (CR-CC/JEANDIN, 2010, Art. 28 no. 67). En outre, la remise en cause du bien considéré doit survenir avec une certaine intensité, c’est-à-dire dépasser le seuil de tolérance (CR-CC/JEANDIN, 2010, Art. 28 no. 68). 10.31 Par ailleurs, L’Arbitre unique relève qu’une violation actuelle des droits de la personnalité est certes pertinente, mais une personne peut également faire valoir un intérêt dans le cas où le comportement du défendeur fait craindre sérieusement une atteinte future (JdT 1972 I p. 242, et réf. citées). Dans cette jurisprudence, il est précisé que l’existence d’une menace d’atteinte ne constitue nécessairement qu’une présomption et qu’une obligation de s’abstenir ne peut de toute façon être exécutée qu’indirectement, de telle sorte que la preuve d’un intérêt à la protection juridique devrait être rendue facile. En l’espèce, la position des Intimés ne laisse guère planer le doute sur le fait qu’ils entendent continuer à appliquer lesdits règlements à l’avenir, et qu’ils prendront des décisions dans ce sens, à l’image de la Décision querellée. Les Appelants ont dès lors un intérêt à ce que la Décision querellée soit annulée, et que les Intimés ne prennent plus de nouvelles décisions à leur encontre en application des règlements en question. 10.32 L’Arbitre unique considère que dans le cas d’espèce, le seuil de tolérance évoqué ci-dessus a été dépassé (cf. également DERUNGS, Ausbildungsentschädigung im Fussball und Eishockey, Berne 2011, p. 239). 10.33 En effet, les règlements concernés, ainsi que la Décision querellée, portent atteinte au droit du FC Italia Nyon de choisir les joueurs qu’il souhaite, en particulier pour ses équipes jeunesses et, partant, de développer la dimension sportive de son club. Le FC Italia Nyon n’est pas libre de recruter les joueurs qu’il souhaite, mais doit prendre en considération le fait qu’il doive payer, en application du Règlement de la CM, une indemnité de formation au club précédent du joueur. Le montant en question peut ne pas être très important en valeur absolue, cependant il peut être considérable, comme en l’espèce, en fonction de la capacité financière d’un club amateur, dirigé par des bénévoles. Il ressort des requêtes d’assistance judiciaire adressée au TAS et au Président du Tribunal d’arrondissement de la Côte, ainsi que de la décision d’octroi de l’assistance judiciaire du Président du Tribunal d’arrondissement de la Côte du 8 novembre 2012, que le FC Italia Nyon n’a pas les moyens financiers suffisants pour payer des indemnités de formation à l’ancien club, en particulier l’indemnité de formation de CHF 9’600 fixée dans la Décision querellée pour les Joueurs. Par ailleurs, à terme, le règlement de la CM risque d’empêcher le FC Italia Nyon de constituer des équipes amateurs. 10.34 De plus, l’Arbitre unique considère que si la Décision querellée était appliquée, le FC Italia Nyon, et l’ensemble de ses membres, seraient très sérieusement menacés d’un boycott. A cet égard le dispositif de la Décision querellée mentionne notamment ce qui suit: “Si le FC Italia Nyon ne devait pas payer l’indemnité de formation dans le délai imparti, le FC Crans peut, après une mise en demeure infructueuse, demander le boycott du FC Italia Nyon conformément aux prescriptions du Règlement disciplinaire de l’ASF”. 10.35 Les dispositions topiques du Règlement disciplinaire de l’ASF sont les suivantes: “Article 23 Mesures disciplinaires à l’égard des clubs 1 Conformément aux Statuts de l’ASF, les mesures disciplinaires applicables aux clubs sont: […] l) le boycott pour une durée déterminée ou indéterminée, comprenant l’interdiction de toute relation sportive et administrative entre tous ceux qui sont soumis aux prescriptions de l’ASF d’une part et le club boycotté d’autre part; […] Article 29 Principe […] 2 Un boycott peut aussi être prononcé contre un club en demeure de remplir ses obligations financières envers l’Association, une section, une association régionale ou un autre club. […]Article 30 Effets […] 3 Le club boycotté est exclu avec toutes ses équipes de la participation à tout match officiel et amical, ainsi qu’à toute autre activité de l’Association, d’une section ou d’une association régionale ou organisée par celles-ci. Pendant la durée du boycott, aucune demande de qualification et de transfert ni aucun contrat de prêt concernant le club concerné ne sera traité. […]”. 10.36 Dès lors, une application de la Décision querellée, liée à la demande particulière du FC Crans, aurait comme conséquence le boycott du club: l’ensemble de ses équipes, et de ses membres, seraient ainsi privés de pratiquer leur sport, pour une durée déterminée ou indéterminée, ce qui viole gravement les droits de la personnalité tant du FC Italia Nyon, que de ses membres. 10.37 Compte tenu de ce qui précède, l’Arbitre unique considère que le règlement de la LA de l’ASF, ainsi que la Décision querellée, portent atteinte, de manière considérable, aux droits de la personnalité du FC Italia Nyon. 10.38 L’Arbitre unique rappelle que le FC Italia Nyon, en tant qu’association, est en droit de défendre les intérêts de ses membres, en application de la jurisprudence précitée (JdT 1950 I 162). 10.39 Or, le Règlement de la CM, et la Décision querellée, ne portent pas seulement atteinte aux droits de la personnalité de FC Italia Nyon, mais également à ceux des joueurs, en particulier de D. 10.40 En premier lieu, l’Arbitre unique considère que l’application de la Décision querellée porterait gravement atteinte aux droits de la personnalité de D., ainsi que des autres membres du FC Italia Nyon, puisqu’ils pourraient être privés de leur activité sportive par l’imposition d’un boycott au club, comme indiqué ci-dessus. 10.41 Par ailleurs, le Règlement de la CM, empêche tout joueur, et en particulier D., d’évoluer dans le club de son choix. Cette réglementation permet à l’ancien club de prendre en quelque sorte en “otage” les joueurs amateurs, en réclamant une indemnité de formation au nouveau club. Si celui-ci n’est pas en mesure de verser une telle somme, les joueurs ne peuvent dès lors pas évoluer dans le club de leur choix. Cette situation est définitive: le Règlement de la CM ne prévoit pas, par exemple, un délai, raisonnable, d’attente pour changer de club (sans paiement d’une indemnité), qui pourrait être exceptionnellement raccourci par le paiement d’une indemnité de formation à l’ancien club (comme en Allemagne par exemple). En d’autres termes, tant que le nouveau club n’a pas de moyens financiers suffisants et que l’ancien club ne donne pas son accord à un tel transfert, les joueurs amateurs seront “séquestrés” dans l’ancien club. 10.42 Or, tel qu’il l’est mentionné ci-dessus, la liberté d’exercer une activité sportive de son choix, entre partenaires de même valeur et contre des adversaires équivalents, fait – selon la jurisprudence – partie des droits de la personnalité protégés par l’article 28 CC. Ceci est particulièrement vrai pour les jeunes joueurs, dans la mesure où, comme le relève le Conseil fédéral, le sport contribue à leur développement de la personnalité et à l’acquisition de leurs compétences sociales. L’Arbitre unique considère que ce libre choix de l’activité sportive pour un sportif amateur comporte également le libre choix de l’équipe dans laquelle il entend pratiquer cette activité (dans les limites de son âge, de son niveau de jeu, etc.) afin de pouvoir pratiquer une activité sportive en compagnie des personnes qu’il souhaite. 10.43 L’Arbitre unique considère dès lors que la Décision querellée, ainsi que les règlements concernés, violent également gravement les droits de la personnalité de D., du FC Italia Nyon et des Joueurs concernés par les transferts. 10.44 Il s’agit maintenant de déterminer si cette atteinte est illicite. En effet, a teneur de l’article 28 al. 1 CC, la seule existence d’une atteinte à la personnalité n’est pas suffisante pour en déduire le droit d’agir en vue d’obtenir protection: encore faut-il que l’atteinte soit illicite (CRCC/JEANDIN, 2010, Art. 28 no. 70). b) Pas de justification de l’atteinte 10.45 Une atteinte aux droits de la personnalité (des Appelants) est illicite si elle n’est pas justifiée par le (i) consentement de la victime ou (ii) un intérêt prépondérant privé ou public, (iii) ou par la loi au sens de l’article 28 al. 2 CC. aa) Pas de consentement 10.46 Les Intimés font valoir que les Appelants ont consenti à l’atteinte dans la mesure où ils n’ont pas contesté en temps utile le Règlement de la CM, en application de l’article 75 CC. Cependant, l’Arbitre unique relève qu’une action contre une décision nulle peut être intentée en tout temps, sous réserve de l’abus de droit. Constitue par exemple une décision nulle (en raison d’un vice matériel) l’adoption d’une décision violant l’article 27 ou 28 CC (CRCC/FOËX, 2010, Art. 75 no. 40). Dès lors, si la décision viole l’article 28 CC, la question de savoir si les Appelants auraient consenti à l’atteinte n’est pas pertinente. En outre, l’article 75 CC n’est pas applicable, puisqu’il ne s’applique qu’aux décisions annulable, et non aux décisions absolument nulles. L’article 75 CC n’étant pas applicable, l’action en nullité peut être intentée sans que le délai d’un mois de l’article 75 CC s’applique (CR-CC/FOËX, 2010, Art. 75 no. 37). bb) Pas d’intérêt prépondérant 10.47 Parmi les motifs justificatifs, l’existence d’un intérêt prépondérant privé ou public est le seul qui soit de nature relative. C’est pourquoi une pondération des intérêts en présence (Interessenabwägung) doit se faire. Elle prend en considération l’intérêt de la victime à ne pas subir d’atteinte à sa personnalité et celui dont se prévaut l’auteur pour y porter atteinte (CRCC/JEANDIN, 2010, Art. 28 no. 78). L’atteinte est seulement licite si le juge aboutit au constat que l’intérêt invoqué par l’auteur est prépondérant. 10.48 Les Intimés invoquent comme intérêt prépondérant le fait que les indemnités de formation sont la compensation partielle, par le club débiteur, des coûts de formation supportés année après année par le club formateur. Il serait par conséquent équitable que les clubs formateurs récupèrent de l’argent lorsqu’un joueur amateur qu’ils ont formé est transféré dans un autre club, même s’il conserve son statut de joueur amateur. Par ailleurs, les Intimés font également valoir que l’abandon du système d’indemnités de formation pourrait démotiver les clubs à investir dans la formation de leurs joueurs, et que cela irait à l’encontre de l’objectif de formation et de promotion du football envers les jeunes joueurs. Les Intimés estiment également qu’un parallèle peut être tiré entre ce système d’indemnité de formation et le monde du travail. En effet, selon les Intimés, tout employeur qui participe au financement d’une formation d’un employé en cours d’emploi exige généralement de celui-ci qu’il s’engage à rester au sein de l’entreprise pour une période définie à la fin de sa formation, afin de “rentabiliser” en quelque sorte l’investissement consenti. Si l’employé quitte néanmoins l’entreprise de son employeur avant l’échéance convenue, il doit alors rembourser au pro rata la participation financière que lui a accordée son employeur à des fins de formation. Transposé au cas d’espèce, un tel raisonnement apparaîtrait tout à fait logique et équitable. Un club de football amateur “investit” en quelque sorte dans ses jeunes joueurs. Il serait donc normal qu’il puisse également récupérer une part (ici tout à fait minime) du temps et de l’argent investi dans la formation de ses jeunes joueurs. 10.49 L’Arbitre unique ne peut que rejeter cette argumentation. Tout d’abord, l’Arbitre unique considère que la situation dans le monde du travail n’est pas comparable au cas d’espèce. Le sportif ici ne livre pas un service sur la base d’un contrat de travail et n’est pas rémunéré, mais participe, bien au contraire, au sport loisir. Si un joueur ne devient pas professionnel, ni lui, ni le club dans lequel il serait transféré, ne bénéficiera financièrement de la formation reçue du club formateur. Par ailleurs, l’argumentation des Intimés semble contradictoire. En effet, ces derniers soutiennent que l’investissement dans les jeunes joueurs est une charge financière importante, ce qui est certainement vrai. Cependant, dans un tel cas, on pourrait se demander si un club ne serait pas satisfait de se “débarrasser” de ses jeunes joueurs et de laisser leur formation à d’autres clubs. Mais ce n’est pas le cas, car non seulement les clubs investissent dans la formation des jeunes, mais ils en bénéficient également. En effet, afin de former un bon joueur qui serait susceptible de devenir professionnel, un club a besoin de nombreux autres joueurs pour s’entraîner et jouer avec lui. Ensuite, lorsque ce joueur, à un certain âge, signe son premier contrat de joueur professionnel les règlements prévoient que le(s) club(s) formateur(s) perçoivent une certaine indemnité de formation (de la part du club pour lequel le joueur en question a signé son contrat professionnel). L’indemnité en question n’est pas calculée uniquement sur l’investissement effectué pour un joueur en particulier, mais sur l’hypothèse qu’un nombre de joueurs important ont dû être formés et entraînés pour qu’un joueur professionnel puisse éclore. Ce système a été considéré par différentes instances juridictionnelles comme étant compatible avec le principe de proportionnalité et les libertés fondamentales des personnes impliquées. Ce système est légitimé par l’objectif d’encourager le recrutement et la formation de jeunes joueurs. A cet égard, l’Arbitre unique renvoie à la position de la Cour de Justice Européenne dans l’arrêt Bernard (C-325/08, para 43 ss). La Cour a en particulier retenu ce qui suit: “43. Par ailleurs, les frais occasionnés par la formation des jeunes joueurs ne sont, en règle générale, que partiellement compensés par les bénéfices du club formateur peut tirer, pendant la période de formation, de ces joueurs. 44. Dans ces conditions, les clubs formateurs pourraient être découragés d’investir dans la formation des jeunes joueurs s’ils n’étaient pas susceptibles d’obtenir le remboursement des sommes dépensées à cet effet dans le cas où un joueur conclut, à l’issue de sa formation, un contrat de joueur professionnel avec un autre club. Tel est, en particulier, le cas des petits clubs formateurs dont les investissements réalisés au niveau local dans le recrutement et la formation des jeunes joueurs revêtent une importance considérable pour l’accomplissement de la fonction sociale et éducative du sport. 45. Il s’ensuit qu’un système prévoyant le versement d’une indemnité de formation dans les cas où jeune joueur signe, à l’issue de sa formation, un contrat de joueur professionnel avec un club autre que celui qui l’a formé est, en principe, susceptible d’être justifié par l’objectif consistant à encourage le recrutement et la formation de jeunes joueurs. Cependant, un tel système doit être effectivement apte à atteindre ledit objectif et proportionné au regard de ce dernier, en tenant compte des frais supportés par le club pour former tant les futurs joueurs professionnels que ceux qui ne le deviendront jamais (voir, en ce sens, arrêt Bosman, précité, point 109)”. 10.50 Dans ce contexte, où un système d’indemnités de formation existe déjà, on se demande pourquoi, comme le soutient l’Intimé, un système d’indemnité de formation supplémentaire pour les joueurs amateurs est nécessaire pour encourager leur formation sportive par les clubs. Enfin, des études empiriques démontrent qu’un système d’indemnité de formation particulier et supplémentaire n’est pas nécessaire pour motiver les clubs à investir dans la formation de leurs jeunes joueurs1 . 10.51 L’Arbitre unique a du mal à comprendre cette position et, dès lors, conclut que le système d’indemnités de formation pour les joueurs amateurs n’est pas justifié par un intérêt prépondérant. L’Arbitre unique est conforté dans sa position par la doctrine récente, en particulier la thèse de Vitus Derungs (DERUNGS, Ausbildungsentschädigungen im Fussball und Eishockey, Berne 2011, pp. 239, 283-284). L’auteur exprime en particulier l’opinion suivante: “Ein nicht gerechtfertiger Eingriff in die allgemeine persönliche Freiheit der Spieler besteht allerdings, soweit die Ausbildungsbeiträge, die Übertrittsentschädigung im SFV gemäss Art. 62 Ziff. 3.3 SFVWettspielreglement (Wechsel eines Amateurspielers) und die Trainings- und Ausbildungsentschädigung in der SFL geschuldet sind, wenn ein Amateurspieler seinen Klub wechselt und bei seinem neuen Klub beabsichtigen. Es ist aber die aus Art. 27 Abs. 2 ZGB hervorgehende allgemeine persönliche Freiheit der betroffenen Spieler verletzt. Denn die erwähnten Verbandsbestimmungen beeinträchtigen die persönlichen Entfaltungsmöglichkeiten der Amateurspieler, insbesondere die Möglichkeit, ihren bevorzugten Sport im Rahmen des organisierten Fussballs und ohne Entgelt auszuüben. Dieser Eingriff ist nicht gerechtfertigt. Denn solange die fraglichen Spieler nicht als Berufsspieler am Berufsfussball teilnehmen, ist auch keine Begründung für 1 KÖNECKE/PUCI, Aus verbandsökonomischer Sicht kein Handlungsbedarf nach Abschaffung der DFBAusbildungsentschädigung, causa sport 2014, 39 ss. eine finanzielle Abgeltung der ihnen zugekommen Ausbildung ersetzt, das sein Ausbildungsentschädigung nur gerechtfertigt ist, wenn ein Nachwuchsspieler nach Abschluss seiner Ausbildung eine Vertrag als Berufsspieler mit einem anderen als seinem ausbildenden Klub abschliesst603. Aus diesem Grund wären die fraglichen Bestimmungen. aufzuheben, soweit sie den Klubwechsel von Amateuren betreffen, die bei ihrem neuen Klub ebenfalls als Amateure registriert werden. Die entsprechenden Ausbildungsbeiträge und –entschädigungen sollten nur noch anfallen, wenn ein Spieler als Berufsspieler registriert wird. Zum Ausgleich wonach grundsätzlich jeder bisherige ausbildende Klub einen Anspruch auf eine Übertrittsentschädigung des SFV oder eine Trainingsund Ausbildungsentschädigung der SFL hat, wenn ein Spieler restmalig Berufsspieler wird und nicht, wie es gegenwärtig der Fall ist, nur der letzte Klub des fraglichen Spielers. Zudem könnte die Höhe des Ausbildungsbeitrags bei der erstmaligen Registrierung eines Spielers als Berufsspieler abhängig von der Dauer seiner Ausbildung als Amateur berechnet werden. 603 EuGH, Urt. V. 16 März 2010, Bernard, Rs. C-325/08, Ziff.45. […] Die Schranken der Vereinsautonomie sind jedoch verletzt und es liegt ein Eingriff in die allgemeine persönliche Freiheit aus Art. 27 Abs. 2 ZGB vor, wenn eine Ausbildungsentschädigung geschuldet ist, obwohl ein Spieler bei einem anderen als seinem ausbildenden Klub nur als Amateurspieler registriert wird und somit mit seinem neuen Klub keinem Arbeitsvertrag unterzeichnet. In einem solchen Fall sind die persönlichen Entfaltungsmöglichkeiten des Amateurspielers, insbesondere die Möglichkeit, seine bevorzugte Sportart im Rahmen des organisierten Sports und ohne Entgelt frei auszuüben, beeinträchtigt. Für diesen Eingriff in die Rechte der Amateurspieler besteht keine Rechtfertigung. Eine Ausbildungsentschädigung darf nur fällig werden, wenn ein Spieler einen Arbeitsvertrag mit einem anderen als seinem ausbildenden Klub unterzeichnet672. Bestimmungen des SFV zur Übertrittsentschädigung, der SFL zur Trainings- und Ausbildungsentschädigung, des SFV und der SFL zum Ausbildungsbeitrag […] verletzen diese Vorgabe teilweise. 672 EuGH, Urt. V. 16 März 2010, Bernard, Rs. C-325/08, Ziff.45”. En français (traduction libre): “En revanche, les droits de la personnalité du joueur sont restreints de manière injustifiée lorsque les indemnités de formation, l’indemnité de transfert de l’ASF en application de l’art. 62 al. 3.3. du Règlement de jeu de l’ASF (transfert d’un joueur amateur) et l’indemnité sur l’encouragement à la formation et à l’éducation de l’ASDF sont dues dans le cas où un joueur amateur quitte son club afin d’évoluer dans son nouveau club. Le droit à la liberté personnelle du joueur concerné, telle qu’elle découle de l’art. 27 al. 2 CC, est violé. Par conséquent, les règlementations associatives susmentionnées restreignent les possibilités de développement personnel du joueur amateur, en particulier son droit de pratiquer son sport préféré dans le cadre du football organisé et sans être rémunéré. Une telle atteinte n’est pas justifiée. Dès lors, tant que le joueur concerné n’évolue pas comme professionnel dans le football professionnel, il n’est pas justifié de réclamer une indemnité financière en compensation de la formation reçue. Une indemnité de formation est justifiée qu’en cas de conclusion par un jeune espoir d’un contrat de joueur professionnel au terme de sa formation avec un autre club que celui l’ayant formé603. Pour ce motif, les dispositions concernées devraient être, à mon avis annulées, dans la mesure où elles sont applicables en cas de changement de club par des amateurs, qui sont aussi enregistrés comme amateurs dans leur nouveau club. Les contributions et indemnités de formation correspondantes devraient être dues qu’en cas d’enregistrement du joueur comme professionnel. En compensation, une règle pourrait être introduite en faveur des clubs amateurs, en vertu de laquelle chaque club formateur (et non le dernier club du joueur concerné, selon le régime actuel) aurait droit à une indemnité de transfert de l’ASF ou à une indemnité d’encouragement à la formation et à l’éducation de l’ASF, lorsque le joueur devient professionnel pour la première fois. Par ailleurs, le montant de l’indemnité de formation lors de la première inscription du joueur comme professionnel pourrait être calculée en fonction de la durée de sa formation comme amateur. 603 CJCE, Arrêt du 16 mars 2010, Bernard, Rec. C-325/08, consid. 45. […] Les limitations de l’autonomie associative sont toutefois violées et l’on est en présence d’une atteinte à la liberté personnelle de l’art. 27 al. 2 CC, lorsqu’une indemnité de formation est due, alors que le joueur sera enregistré dans un autre club en tant qu’amateur et signe dès lors aucun contrat de travail avec son nouveau club. Dans un tel cas, les possibilités de développement personnel du joueur amateur, en particulier la possibilité de pratiquer son sport favori dans le cadre du sport organisé et sans rémunération, sont restreintes. Une telle atteinte aux droits du joueur amateur n’est pas justifiée. Une indemnité de formation n’est exigible que dans le cas où le joueur conclut un contrat de travail avec un autre club que celui l’ayant formé672. Les règlementations de l’ASF sur l’indemnité de transfert, l’indemnité sur l’encouragement à la formation et à l’éducation de l’ASF, l’indemnité de formation de l’ASF et de la SFL […] violent en partie cet objectif. 672 CJCE, Arrêt du 16 mars 2010, Bernard, Rec. C-325/08, consid. 45”. 10.52 Si le paiement d’indemnités ne peut pas être justifié en raison des motifs soumis par les Intimés, l’Arbitre unique n’exclut pas le fait que de telles indemnités soient envisageables, sous d’autres formes. L’Arbitre unique relève en particulier, même si cela sort du cadre de l’objet du présent litige, que le paiement d’indemnités pourrait être justifié non pas sur la base d’indemnités de formation, mais à la lumière de la protection de la compétition. L’Arbitre unique relève qu’à cet égard une réglementation qui prévoit que l’ancien et le nouveau club sont tenus de se concerter, en respectant une certaine procédure et certains délais, avant le “transfert” d’un joueur comme le prévoit la réglementation de la fédération allemande de football est souhaitable. Dans un tel cas, si l’ancien club ne veut pas libérer le joueur, celui-ci ne peut pas jouer de match en compétition pendant une période transitoire d’une année environ. Il peut par contre participer à des matchs amicaux et s’entraîner avec le nouveau club. Après la période transitoire, le joueur peut jouer des matchs en compétition pour le nouveau club, sans que celui-ci ne doivent une indemnité de formation à l’ancien club. Si le club ne veut pas attendre la fin du délai transitoire, il peut alors verser une indemnité à l’ancien club. Le but de cette réglementation est d’empêcher qu’un club ne se vide de ses joueurs pendant un championnat. Une indemnité n’est pas versée dans tous les cas où l’ancien club refuse de libérer le joueur: elle n’est due que dans l’hypothèse où le nouveau club souhaite que son nouveau joueur participe pendant le délai transitoire à des matchs en compétition. Par conséquent, cette réglementation ne vise pas à introduire un système général d’indemnité de formation entre clubs formateurs. La finalité du droit à l’indemnité est simplement d’assurer le bon déroulement de la compétition en empêchant, ou en rendant plus difficile, des transferts de joueurs pendant une période prédéfinie. L’Arbitre unique relève que les tribunaux allemands ont jugé qu’une telle réglementation était constitutionnelle, et dès lors, elle respecte les droits de la personnalité des personnes concernées. 10.53 Au vu de tout ce qui précède, l’Arbitre unique considère que la Décision querellée viole les articles 28 CC, et est, dès lors, nulle. 11 CONCLUSION 11.1 Compte tenu des explications ci-dessus, l’Arbitre unique conclut ce qui suit: - L’ASF a la légitimation passive dans le cadre de la présente procédure; - La question de savoir si une base légale suffisante existait au moment des faits peut rester ouverte dans la mesure où la Décision querellée viole les articles 28 ss CC; - La Décision querellée, ainsi que les règlements concernés, violent les droits de la personnalité du FC Italia Nyon, ainsi que de l’ensemble de ses membres, en particulier de D.; - Les Intimés ne démontrent aucune justification à l’atteinte aux droits de la personnalité des Appelants, en l’absence du consentement de ces derniers à l’atteinte, et de tout intérêt prépondérant; - La Décision querellée est dès lors nulle. 11.2 L’Arbitre unique estime enfin que la position des Intimés fait fi de la dimension éminemment non professionnelle du cas d’espèce. En effet, les Intimés décrivent la relation club-joueurs comme une relation commerciale en évoquant des “investissements”, des coûts de formation ou autres charges financières. Ils perdent cependant de vue que la majorité des joueurs pratiquent le football en tant que “sport-loisir”, dans un but purement éducatif et/ou récréatif. A cet égard, la position du FC Crans est extrêmement contradictoire puisque d’un côté il demande des indemnités de formation pour les Joueurs au FC Italia Nyon, et que d’un autre il estime que ces mêmes Joueurs n’avaient pas le niveau pour évoluer en B Inter et qu’ils auraient été en tout état de cause “dispatchés” dans différents clubs de la région. Cette position démontre également qu’un système d’indemnités de formation pour les joueurs amateurs n’est pas souhaitable, pour le moins dans la forme existante. PAR CES MOTIFS Le Tribunal Arbitral du Sport décide que: 1. L’appel déposé par le FC Italia Nyon et D. contre la décision rendue par la Commission de recours de la LA de l’ASF le 20 janvier 2013 est admis. 2. La décision rendue par la Commission de recours de la LA de l’ASF le 20 janvier 2012 est nulle. (…) 4. Toutes autres ou plus amples conclusions sont rejetées.
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