F.I.F.A. – Dispute Resolution Chamber / Camera di Risoluzione delle Controversie – labour disputes / controversie di lavoro (2016-2017) – fifa.com – atto non ufficiale – Decision 24 novembre 2016

Décision de la
Chambre de Résolution des Litiges
ayant siégé, le 24 novembre 2016 à Zurich, en Suisse,
composée comme suit:
Geoff Thompson (Angleterre), Président
Philippe Diallo (France), membre Takuya Yamazaki (Japon), membre
au sujet d’une plainte déposée par le joueur,
Joueur A, pays B,
ci-après, le demandeur
à l’encontre du club,
Club C, pays B
ci-après, le défendeur
concernant un litige contractuel survenu entre les parties
I. Faits
1. Le 17 juillet 2015, le joueur avec double nationalité, Joueur A (ci-après : le demandeur) et le club du pays B, Club C (ci-après : le défendeur), ont conclu un contrat de travail (ci-après : le contrat), valable du 1er juillet 2015 au 30 juin 2017.
2. Selon le contrat, le demandeur est de nationalité du pays B.
3. En vertu de l’art. 5.1 du contrat, le demandeur était en droit de recevoir la rémunération suivante :
 Saison 2015-16 :
- 10 000 à titre de salaire net mensuel payable en fin de mois ;
- 1 680 000 à titre de prime de signature payable comme suit :
 600 000 dès réception du Certificat International de Transfert ;
 540 000 le 31 décembre 2015 ;
 540 000 le 30 juin 2016 ;
 Saison 2016-17 :
- 10 000 à titre de salaire mensuel payable en fin de mois ;
- 1 880 000 à titre de prime de signature payable comme suit :
 600 000 le 30 septembre 2016 ;
 640 000 le 31 décembre 2016 ;
 640 000 le 30 juin 2017.
4. L’art. 5.2 du contrat prévoit également l’obligation pour le défendeur de « mettre à la disposition du [demandeur] une voiture » et de « lui attribuer un logement familial de haut standing budget de 10000,00 ».
5. A cet égard, l’art. 7 du contrat spécifie que « [p]endant la durée du contrat, et si le [demandeur] n’a pas perçu son salaire complet durant trois mois consécutifs, le contrat sera résilié d’office et le [demandeur] sera déclaré libre en application des règlements de la FIFA en vigueur. En tout cas le [défendeur] reste obligé de payer tous les montants lesquels sont mentionnés dans l’article 5.1 ».
6. Par ailleurs, l’art. 14 du contrat contient la stipulation suivante :
« En cas de contestation et/ou litige né de l’exécution et/ou de l’interprétation des clauses du présent contrat, les parties sont tenues de recourir en priorité à tous les moyens et procédures en vue d’un règlement amiable du litige.
En d’échec, le différent est soumis par l’une ou l’autre partie, à la chambre de résolution des litiges de la Fédération de Football du pays B.
Les décisions de la chambre de résolutions des litiges de la Fédération de Football du pays B sont susceptibles de recours devant la FIFA et sont inferieur ou subordonnée a la décision de FIFA et ou le TAS ».
7. Par courrier daté du 3 janvier 2016, le demandeur a mis le défendeur en demeure de lui payer la première et la seconde tranche de sa prime de signature ainsi que plusieurs salaires dans un délai de sept jours.
8. Le 12 janvier 2016, le demandeur a adressé une nouvelle mise en demeure au défendeur donnant à ce dernier un délai jusqu’au 19 janvier 2016 pour s’exécuter.
9. Le 14 janvier 2016, le défendeur a informé le demandeur qu’il ne faisait pas partie du groupe convoqué pour participer aux matchs amicaux d’intersaison et devait donc s’entrainer avec l’équipe espoir.
10. Les 29 janvier et 24 février 2016, l’Union des Footballeurs Professionnels du pays B a adressé au nom du demandeur deux nouvelles mises en demeure au défendeur.
11. Le 8 mars 2016, le demandeur a adressé une ultime mise en demeure au défendeur, informant ce dernier que dans le cas où la somme de 1 216 000, correspondant aux deux premières tranches de sa prime de signature ainsi qu’aux loyers avancés et frais exposés pour la location d’un véhicule, ne serait pas payée au plus tard le 21 mars 2016 à minuit, il mettrait fin au contrat.
12. Le 22 mars 2016, le demandeur a mis fin au contrat.
13. Le 24 mars 2016, le demandeur a déposé une demande devant la FIFA à l’encontre du défendeur, requérant le paiement des sommes suivantes :
 3 560 000 correspondant aux primes de signatures prévues pour les saisons 2015-16 et 2016-17, plus un intérêt annuel de 5% comme suit :
- 5% sur la somme de 600 000 à partir du 29 juillet 2015 ;
- 5% sur la somme de 540 000 à partir du 1er janvier 2016 ;
- 5% sur la somme de 2 420 000 à partir de la date de résiliation, à savoir le 22 mars 2016 ;
 170 000 correspondant aux salaires pour la période courant de février 2016 à juin 2017, plus un intérêt annuel de 5% à partir de la date de résiliation, à savoir le 22 mars 2016 ;
 37 100 correspondant aux loyers avancés pour la location d’un appartement pour les mois de décembre 2015, janvier, février et mars 2016, plus un intérêt annuel de 5% à partir de la date de résiliation, à savoir le 22 mars 2016 ;
 46 500 correspondant aux sommes avancées pour la location d’une voiture, plus un intérêt annuel de 5% à partir de la date de résiliation, à savoir le 22 mars 2016.
14. Le 7 avril 2016, la Fédération de Football du pays B a informé la FIFA que le demandeur avait été enregistré auprès du défendeur en tant que citoyen du pays B.
15. Le 15 avril 2016, la FIFA a informé le demandeur qu’apparemment, en l’absence de dimension internationale, elle ne semblait pas être en mesure de traiter sa demande.
16. Le 20 avril 2016, le demandeur a répondu à la FIFA, insistant sur la compétence de cette dernière pour connaitre du litige l’opposant au défendeur sur la base de l’art. 22 lit. b du Règlement du Statut et du Transfert des Joueurs (ci-après : le Règlement). En particulier, le demandeur soutient qu’en raison des liens étroits, tant sportifs que privés, qu’il entretient avec le pays D, et en application de la théorie du « lien le plus étroit » il doit être considéré comme possédant la nationalité sportive du pays D. Au soutien de son affirmation, le demandeur présente les éléments suivants : (i) il est né dans le pays D et possède la nationalité du pays D; (ii) il a passé toute sa vie à la ville E ; (iii) il a accompli ses études dans le pays D; (iv) il a joué pour des clubs du pays D durant presque toute sa carrière; (v) il a joué 17 matchs pour la sélection nationale du pays D espoirs, dont 11 après son 21ème anniversaire; (vi) le contrat stipule qu’il est fait élection de domicile à « la ville E – pays D » pour l’exécution du celui-ci et (vii) la nationalité du pays D est reprise dans le passeport de joueur délivré par l’Association de Football du pays D en vue de son transfert international vers le pays B. A l’inverse, le demandeur met en exergue qu’il n’a jamais vécu ou eu d’adresse au pays B, n’a jamais joué au pays B ou pour la sélection du pays B et n’a jamais possédé de document d’identité du pays B avant le 13 août 2015. Concernant ce dernier point, le demandeur explique qu’il n’a fait la demande d’un tel document que dans le but de pouvoir ouvrir un compte bancaire et contracter un abonnement de téléphone. De plus, le demandeur souligne que la référence à la FIFA dans l’art. 14 du contrat constitue une reconnaissance implicite par les parties de la dimension internationale du litige.
17. La prétendue dimension internationale du litige ayant été établie, le demandeur soutient ensuite que la Chambre de Résolution des Litiges de la FIFA est compétente dans la mesure où le contrat ne contient pas de clause d’arbitrage claire en faveur d’une Chambre de Résolution des Litiges nationale. En effet, le demandeur affirme que « la chambre de résolution des litiges de la Fédération de Football du pays B » à laquelle il est fait référence dans l’art. 14 du contrat n’existe pas encore. A cet égard, le demandeur allègue qu’à l’heure actuelle, seule la « Commission Spéciale de Résolution des Litiges », composée d’une manière non paritaire et non indépendante, existe. En soutien de son allégation, le demandeur a présenté le Règlement de ladite Commission duquel il ressort que cette dernière est composée de cinq membres nommés comme suit :
« a) D’un président nommé par le Président de la Fédération de Football du pays B ;
b) D’un vice-président nommé par le Président de la Fédération de Football du pays B sur proposition du Président de la Commission ;
c) De trois membres nommés par le Président de la Fédération de Football du pays B dont ils assurent respectivement les fonctions de la Fédération de Football du pays B :
- Représentant du département juridique.
- Représentant de la direction des compétitions.
- Représentant de l’administration générale. »
18. Quant au fond, le demandeur estime que conformément à l’art. 7 du contrat et dans la mesure où le défendeur a manqué à son obligation de paiement de « salaire complet », il a mis fin au contrat avec juste cause le 22 mars 2016. En particulier, le demandeur souligne qu’à cette date, le défendeur était en défaut de paiement des deux premières tranches de sa prime de signature ainsi que de son salaire de février 2016. Par ailleurs, le demandeur pointe que le défendeur n’a jamais mis de véhicule à sa disposition, l’obligeant à débourser 6 000 par mois en frais de location, et a arrêté de contribuer au paiement de ses loyers à partir de décembre 2015. A cet égard, le demandeur soutient que l’art. 7 du contrat ne fait pas uniquement référence au salaire net mensuel, mais au salaire « complet », incluant dès lors toutes les obligations financières du défendeur.
19. De plus, le demandeur insiste sur la mesure de rétorsion prise par le défendeur en réponse à ses mises en demeure, à savoir sa mise à l’écart du stage de préparation.
20. Au vu de ce qui précède, le demandeur allègue que conformément à l’art. 7 du contrat, le défendeur est « obligé de payer tous les montants lesquels sont mentionnés dans l’article 5.1 ».
21. Bien qu’ayant été invité à le faire, le défendeur n’a pas répondu à la demande du demandeur.
22. Le 30 mai 2016, le demandeur et le club du pays D, Club G, ont conclu un contrat de travail, valable du 1er juillet 2016 au 30 juin 2018 et en vertu duquel il est en droit de recevoir une rémunération mensuelle de 7 500 EUR.
23. Après la clôture de l’investigation, le demandeur a présenté des commentaires additionnels.
II. Considérants de la Chambre de Résolution des Litiges
1. Tout d’abord, la Chambre de Résolution des Litiges (ci-après : la Chambre) a analysé si elle était compétente pour traiter du présent litige. À cet égard, la Chambre a pris note que la demande avait été soumise à la FIFA le 24 mars 2016 et a, par conséquent, conclu que l’édition 2015 du Règlement de la Commission du Statut du Joueur et de la Chambre de Résolution des Litiges (ci-après : les Règles de procédure) était applicable au présent litige (cf. art. 21 des Règles de procédure).
2. De plus, et à titre préliminaire, la Chambre a observé que le demandeur avait soumis des commentaires additionnels après la clôture de la phase d’investigation de la présente affaire. En conséquence, et en accord avec l’art. 9 al. 4 des Règles de procédure ainsi que la jurisprudence constante de la Chambre de Résolution des Litiges, le CRL a décidé de ne pas prendre en considération cette soumission tardive et a donc établi que, conformément à l’art. 9 al. 3 des Règles de procédure, il prendrait une décision sur base des documents présentés avant la clôture de la investigation.
3. Par la suite, les membres de la Chambre se sont référés à l’art. 3 al. 1 des Règles de procédure et ont conclu que, en application des art. 24 al. 1 et art. 22 lit. b) du Règlement du Statut et du Transfert des Joueurs (édition 2016), la Chambre de Résolution des Litiges était l’organe décisionnel compétent pour connaître des litiges relatifs au contrat de travail comportant une dimension internationale.
4. Au vu de ce qui précède, la Chambre a jugé utile de souligner qu’en principe, et sans préjudice au droit de tout joueur ou club à demander réparation auprès d’un tribunal civil pour des litiges relatifs au travail, il est de sa compétence de traiter de tout litige de dimension internationale entre joueurs et clubs relatif au travail, sauf dans le cas où un tribunal arbitral indépendant a été établi au niveau national.
5. Les membres de la Chambre se sont ensuite référés aux dispositions préliminaires du Règlement du Statut et du Transfert des Joueurs, et notamment à son article 1, selon lequel certains principes stipulés dans le Règlement sont également contraignants au niveau national et chaque association est tenue de rédiger son propre règlement intérieur. Dans le cadre de leur autonomie, les associations sont libres d’adapter leur règlement intérieur aux nécessités et aux particularités du pays concerné. Par conséquent, la compétence de la FIFA est limitée aux litiges et transferts de dimension internationale.
6. Par ailleurs, dans le contexte de litiges relatifs au travail, la Chambre a souligné qu’en règle générale, la dimension internationale est représentée par le fait que le joueur concerné n’est pas un ressortissant du pays de l’association à laquelle le club concerné est affilié.
7. Cependant, lorsque les deux parties ont la même nationalité, le litige doit être considéré comme national ou interne, ce qui a pour conséquence que les règles et règlements de l’association concernée s’appliquent au litige et les instances décisionnelles prévues par lesdits règles et règlements nationaux doivent trancher l’affaire. Si l’instance décisionnelle de la FIFA traitait une telle affaire interne, la compétence interne des membres de la FIFA serait enfreinte. Ces principes de délimitation entre la compétence de la FIFA et la compétence des associations sont primordiaux dans la reconnaissance réciproque des organisations, et de l’autonomie de la FIFA et des associations membres.
8. Cela étant dit, la Chambre s’est concentrée sur les circonstances relatives à la double nationalité d’un joueur. La Chambre a observé qu’un nombre croissant de joueurs ayant deux nationalités ou plus a fait son apparition dans le monde du football et que dès lors la FIFA et ses instances décisionnelles sont désormais confrontées à un nombre croissant de cas concernant de tels joueurs ayant une double nationalité. À cet égard, les membres de la Chambre ont souligné que la nationalité d’un joueur est exprimée par son (ses) passeport(s) ou documents d’identité, mais que dans le cadre d’une citoyenneté multiple, un joueur peut, dans certaines circonstances, invoquer une « nationalité sportive ». La « nationalité sportive » est généralement liée à la situation concrète d’enregistrement d’un joueur auprès d’un club affilié à l’association spécifique domiciliée dans un pays dont le joueur possède également la nationalité, conformément aux règles d’enregistrement et d’éligibilité pour un club de l’association concernée.
9. Dans de telles situations, tant le club que le joueur peuvent bénéficier des avantages de la « nationalité sportive ». Par exemple, le joueur étant enregistré comme « joueur local » ne pèse pas sur le quota des joueurs étrangers et n’aura donc aucune difficulté à obtenir un visa ou un permis de travail, le cas échéant. De plus, toute éventuelle restriction du nombre de personnes étrangères dans le pays ne s’appliquerait pas dans une telle situation. Ces circonstances bénéficient clairement à la fois au club et au joueur. En d’autres termes, le demandeur ne peut, d’une part, obtenir les bénéfices inhérents à sa nationalité du pays B et soutenir ensuite qu’il ne devrait pas être considéré comme tel afin d’essayer de revêtir le litige d’une dimension internationale.
10. Dans ce contexte, la Chambre a rappelé que, fait essentiel confirmé par la Fédération de Football du pays B, le demandeur, qui détient à la fois les nationalités du pays D et du pays B, était enregistré auprès du défendeur en tant que joueur du pays B, et non en tant que joueur du pays D. La Chambre a également souligné que ce constat était confirmé par le contrat qui indique clairement que le demandeur est de nationalité du pays B.
11. Au vu de ce qui précède, et en particulier considérant que le joueur avec double nationalité avait été enregistré en tant que joueur du pays B auprès du défendeur, la Chambre a établi que la présente affaire est dépourvue de dimension internationale. Dès lors, la CRL s’est déclarée incompétente pour connaître du présent litige.
12. Par conséquent, la Chambre de Résolution des Litiges a jugé irrecevable la demande du demandeur.
III. Décision de la Chambre de Résolution des Litiges
La demande du demandeur, Joueur A, est irrecevable.
*****
Note concernant la décision motivée (Voie de droit) :
Conformément à l’article 58, alinéa 1 des Statuts de la FIFA, cette décision est susceptible de recours auprès du Tribunal Arbitral du Sport (TAS). Le recours devra être interjeté dans un délai de 21 jours à compter de la notification de la décision et devra comprendre tous les éléments figurant au point 2 des directives émanant du TAS, dont copie est jointe à la présente. Le recourant dispose de 10 jours supplémentaires à compter de l’expiration du délai de recours pour déposer son mémoire d’appel contenant une description des faits et des arguments légaux fondant le recours (cf. point 4 des directives annexées).
Les coordonnées du TAS sont les suivantes :
Tribunal Arbitral du Sport
Avenue de Beaumont 2
1012 Lausanne
Suisse
Téléphone : +41 21 613 50 00
Télécopie : +41 21 613 50 01
Courrier électronique : info@tas-cas.org
Au nom de la
Chambre de Résolution des Litiges:
Marco Villiger
Secrétaire Général adjoint
Annexe : Directives du TAS
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