F.I.F.A. – Dispute Resolution Chamber / Camera di Risoluzione delle Controversie – labour disputes / controversie di lavoro (2017-2018) – fifa.com – atto non ufficiale – Decision 8 mars 2018
Décision de la
Chambre de Résolution des Litiges
ayant siégé, le 8 mars 2018 à Zurich, en Suisse,
composée comme suit:
Geoff Thompson (Angleterre), Président
Johan van Gaalen (Afrique du Sud), membre
Stefano Sartori (Italie), membre
Pavel Pivovarov (Russie), membre
Muzammil bin Mohamed (Singapour), membre
dans l’affaire opposant le club,
Club A, Pays B
ci-après, le demandeur
au joueur,
Joueur C, Pays D
ci-après, le défendeur
concernant un litige contractuel survenu entre les parties
I. Faits
1. Le 16 février 2016, le Joueur C du Pays D (ci-après: le défendeur), et le Club A du Pays B (ci-après : le demandeur), ont signé un contrat de travail (ci-après : le contrat) courant à compter du 16 février 2016 jusqu’au 30 juin 2017.
2. Le 27 juillet 2016, les parties ont signé un accord de résiliation du contrat (ci-après : l’accord de résiliation) avec effet au 1er juillet 2016.
3. L’article 7 de l’accord de résiliation prévoyait qu’une compensation de EUR 100,000 devait être payée par le défendeur en faveur du demandeur étant considéré que le défendeur était la partie souhaitant rompre le contrat de travail. En outre, l’article 7 stipulait que le paiement de cette somme devait être effectué au plus tard à la fin du mois d’août 2017 et prévoyait que le joueur disposait de la faculté de se faire substituer dans le paiement de cette compensation financière par son nouveau club.
4. L’article 7 de l’accord de résiliation dans sa version originale en anglais stipulait en effet que : « As it is [the player, i.e. le défendeur] who wants to terminate the contract, [the player] will pay [the club, i.e. le demandeur] a compensation fee of 100.000 Euro to terminate the contract. The payment will be paid no later than the end of August 2017. [The player] can choose to have a new club pay for the fee on his behalf ».
5. Le 8 septembre 2017, le demandeur mettait le défendeur en demeure de payer dans un délai de 10 jours la somme totale de EUR 100,000 conformément à l’accord de résiliation convenu entre les parties.
6. Le demandeur adressait également le 8 septembre 2017 une correspondance à l’attention du club dans lequel évoluait le défendeur en cette date (i.e. le Club E), laquelle enjoignait le Club E à « faire le nécessaire auprès du Joueur C afin de mettre un terme rapide à cette inexécution contractuelle » ou à « assumer en ses lieux et place le paiement de l’indemnité comme cela est prévue à la section 7 du protocole ».
7. En réponse à la lettre de mise en demeure du demandeur, le Club E indiquait en date du 26 septembre 2017 avoir remis en main propre au défendeur le courrier qui lui était adressé le 8 septembre 2017 et informait le demandeur que « d’ores et déjà le joueur conteste la dette, estimant que son consentement à propos du fond des stipulations de l’accord est vicié ».
8. Le 10 octobre 2017, le demandeur déposait une plainte devant la FIFA, soutenant que le défendeur avait manqué à son obligation de payer la compensation financière de EUR 100,000, laquelle était prévue à l’article 7 de l’accord de résiliation. En outre, le demandeur réclamait un intérêt de 5% par année à compter du 27 juillet 2016.
9. Dans son argumentation, le demandeur indiquait que le défendeur aurait exprimé sa volonté de quitter le club « à peine trois mois après son arrivée ». Selon le demandeur, « après des semaines de négociations, un accord a été trouvé pour mettre fin de manière anticipée au contrat de travail du Joueur C, moyennant le paiement par ce dernier d’une indemnité compensatrice de 100 000 € ».
10. Par ailleurs, le demandeur soulignait que l’accord de résiliation « a été signé par les deux parties » et arguait que l’accord de résiliation a été « dûment homologué » par la Fédération de Football du Pays B.
11. Enfin, le demandeur notait que le défendeur « disposait d’un délai de plus d’une année pour s’acquitter de sa dette » et que « malgré la réception d’une lettre de mise en demeure », celui-ci n’avait pas jugé bon d’honorer ses engagements.
12. En réponse à la plainte du demandeur, le défendeur, par l’intermédiaire de son représentant légal, indiquait « qu’il n’a jamais accepté, ni signé le moindre document explicite en français prévoyant une indemnité quel qu’elle soit en contrepartie de la résiliation amiable de son contrat ».
13. Par ailleurs, le défendeur sollicitait une prorogation de délai afin de produire un mémoire en réponse. La FIFA a fait droit à la demande de prorogation de délai émise par le défendeur et lui a octroyé un nouveau délai jusqu’au 30 novembre 2017. Toutefois, le défendeur n’a pas soumis de mémoire en réponse dans le délai imparti.
14. Le 13 décembre 2017, la FIFA a procédé à la clôture de l’instruction, indiquant aux parties que toutes déclarations et/ou documents ultérieurs ne pourront être admis.
15. Le 28 décembre 2017, i.e. après que les parties aient été informées de la clôture de la phase d’investigation, le défendeur a soumis une correspondance additionnelle et non sollicitée.
II. Considérants de la Chambre de Résolution des Litiges
1. En premier lieu, la Chambre de Résolution des Litiges (ci-après : la Chambre ou la CRL) a analysé si elle était compétente pour traiter le présent litige. À cet égard, la Chambre a pris note que la présente demande a été soumise à la FIFA le 10 octobre 2017. Par conséquent, la Chambre a conclu que l’édition 2017 du Règlement de la Commission du Statut du Joueur et de la Chambre de Résolution des Litiges (ci-après: les Règles de procédure) était applicable au présent litige (cf. art. 21 des Règles de procédure).
2. Par la suite, la Chambre s’est référée à l’art. 3 al. 1 des Règles de procédure et a confirmé qu’en application de l’art. 24 al. 1 et de l’art. 22 let. b) du Règlement du Statut et du Transfert des Joueurs (édition 2018), elle est l’organe décisionnel compétent pour connaître du présent litige, comportant une dimension internationale, qui concerne un litige relatif au travail entre un club du Pays B et un joueur du Pays D.
3. Ensuite, la Chambre a analysé quelle édition du Règlement du Statut et du Transfert des Joueurs devrait être appliquée quant au droit matériel. A cet égard, les membres de la Chambre se sont référés à l’art. 26 al. 1 et al. 2 du Règlement du Statut et du Transfert des Joueurs (éditions 2016 et 2018), en considérant que la présente demande a été introduite le 17 octobre 2017, la Chambre a conclu que l’édition 2016 du Règlement du Statut et du Transfert des Joueurs (ci-après: le Règlement) est applicable au présent litige quant au droit matériel.
4. Une fois sa compétence et la réglementation applicable établies, la CRL a soigneusement pris en considération et analysé les arguments ainsi que tous les documents présentés lors de l’instruction du présent dossier. Toutefois, elle a souligné que dans les considérants qui suivent, elle ne se réfèrerait qu’aux faits, arguments et documentation pertinents pour l’analyse de la présente affaire.
5. Prenant en compte les considérations mentionnées précédemment, la Chambre a noté que le 16 février 2016, le demandeur et le défendeur avaient conclu un contrat de travail courant à compter du 16 février 2016 jusqu’au 30 juin 2017.
6. La Chambre a ensuite observé qu’il est établi et non contesté par le défendeur que les parties ont signé en date du 27 juillet 2016 un accord pour mettre fin prématurément au contrat de travail.
7. En outre, la CRL a pris note qu’en date du 10 octobre 2017, le demandeur avait déposé une plante devant la FIFA à l’encontre du défendeur sollicitant le paiement de la somme de EUR 100,000 conformément à l’art. 7 de l’accord de résiliation (cf. point I.3 ci-dessus). De plus, la CRL a observé que le demandeur avait préalablement mis le défendeur en demeure du paiement de la somme susmentionnée.
8. Par ailleurs, la Chambre a pris note des arguments du demandeur selon lesquels le défendeur aurait exprimé sa volonté de quitter le club trois mois après son arrivée, ce qui a conduit les parties à signer un accord de résiliation en date du 27 juillet 2016. Selon le demandeur, le défendeur aurait manqué à son obligation de payer la somme de EUR 100,000 à titre de compensation pour la rupture anticipée du contrat de travail intervenue à l’initiative du défendeur, et ce, conformément à l’art. 7 de l’accord de résiliation signé par les parties.
9. La Chambre a ensuite pris note de l’argumentation du défendeur, lequel affirmait n’avoir jamais accepté et signé « le moindre document explicite en français prévoyant une indemnité quel qu’elle soit en contrepartie de la résiliation amiable de son contrat ». En outre, la Chambre a relevé que le défendeur sollicitait une prorogation de délai afin de produire un mémoire en réponse à laquelle la FIFA a fait droit en octroyant un nouveau délai jusqu’au 30 novembre 2017.
10. A cet égard, la Chambre a noté qu’en l’absence d’une prise de position du défendeur dans le délai susmentionné, i.e. jusqu’au 30 novembre 2017, l’investigation de la présente affaire avait été clôturée en conformité avec l’art. 9 par. 3 des Règles de procédure.
11. De plus, les membres de la CRL ont rappelé que l’art. 9 par. 4 des Règles de procédure stipule, inter alia, que « les parties ne doivent pas être autorisées à remplacer ou à amender leurs requêtes ou leurs arguments, ni à produire de nouvelles pièces, ni à spécifier de nouvelles preuves sur lesquelles elles ont l’intention de se baser après notification de la fermeture de l’investigation ». Dans ce contexte, la CRL a observé que le défendeur n’avait produit son mémoire en réponse qu’après notification de la clôture de l’investigation de la présente affaire. En conséquence, et conformément à l’art. 9 par. 4 des Règles de procédure ainsi que de la jurisprudence constante de la Chambre à cet égard, la CRL a décidé de ne pas prendre en considération la réponse du défendeur et a établi, en conformité avec l’art. 9 par. 3 des Règles de procédure, qu’elle déciderait sur la base des documents disponibles et produits avant la clôture de l’investigation de la présente affaire.
12. Au vu des allégations et arguments présentés par chacune des parties, la Chambre a considéré qu’en l’espèce, il convenait d’établir dans un premier temps si les parties avaient effectivement conclu et signé un accord de résiliation, lequel constitue la base contractuelle de la demande du demandeur.
13. A ce propos, la Chambre a relevé qu’il demeure incontesté qu’en date du 27 juillet 2016, les parties aient signé un accord de résiliation en anglais. A cet égard, la Chambre a constaté que le défendeur ne contestait pas formellement avoir signé l’accord de résiliation, lequel était rédigé en langue anglaise, mais affirmait n’avoir jamais accepté, ni signé le moindre document en langue française prévoyant une indemnité financière en contrepartie de la résiliation amiable du contrat.
14. Compte tenu des considérants qui précèdent, tout en soulignant que les parties avaient au préalable également signé un contrat de travail en langue anglaise, la CRL s’est référée à sa jurisprudence constante selon laquelle le fait qu’une partie ne soit pas en mesure de comprendre le contenu d’un document juridique qu’elle a dûment signée ne constitue pas une raison valable pour priver ledit document juridique de tout effet ou conséquence juridique.
15. En d’autres termes, les membres de la CRL ont rappelé que dans le cas présent, et en règle générale, une partie signant un document de nature juridique sans pleine connaissance de son contenu, le fait sous sa seule et entière responsabilité.
16. Par conséquent, la Chambre est arrivée à la conclusion que les parties ont mis fin à leur relation contractuelle d’un commun accord, en signant un document juridique, i.e. un accord de résiliation, valide et contraignant en date du 27 juillet 2016.
17. Ayant été établi que les parties ont valablement conclu un accord de résiliation, la Chambre a focalisé son attention sur les conséquences d’une telle résiliation.
18. A cet égard, la Chambre a jugé important de noter que l’art. 7 de l’accord de résiliation stipulait clairement qu’une compensation financière de EUR 100,000 était due au demandeur par le défendeur au plus tard à la fin du mois d’août 2017, étant considéré que le défendeur était la partie souhaitant rompre le contrat de travail prématurément.
19. Dans ce contexte, la CRL a constaté que le défendeur n’avait apporté au débat aucune preuve de paiement de la somme de EUR 100,000 due au demandeur au plus tard à la fin du mois d’août 2017.
20. Au vu de ce qui précède, et en vertu du principe juridique « pacta sunt servanda », lequel dispose que les conventions entre parties doivent être respectées, la Chambre a décidé que le défendeur doit payer au demandeur la somme de EUR 100,000 conformément à l’art. 7 de l’accord de résiliation.
21. Par ailleurs, tenant compte de la demande du demandeur, les membres de la CRL ont décidé que le défendeur est également redevable d’un intérêt de 5% par année sur la somme de EUR 100,000, courant à compter du 1er septembre 2017 et jusqu’à parfait paiement.
22. Enfin, la Chambre a conclu ses délibérations en décidant que toute autre demande du demandeur contre le défendeur était rejetée.
III. Décision de la Chambre de Résolution des Litiges
1. La demande du demandeur, Club A, est partiellement acceptée.
2. Le défendeur, Joueur C, doit payer au demandeur, dans un délai de 30 jours à compter de la date de notification de la présente décision, la somme de EUR 100,000, majorée d’un intérêt de 5% par année et jusqu’à parfait paiement, dû à compter du 1er septembre 2017.
3. Si la somme susmentionnée ainsi que les intérêts y afférant ne sont pas payés dans le délai imparti tel qu’indiqué ci-avant, le cas sera soumis, sur demande, à la Commission de Discipline de la FIFA pour considération et décision.
4. Toute autre demande formulée par le demandeur est rejetée.
5. Le demandeur s’engage à communiquer immédiatement et directement au défendeur le numéro de compte bancaire sur lequel le virement des sommes précitées sera effectué et d’informer la Chambre de Résolution des Litiges de chaque paiement reçu.
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Note concernant la décision motivée (Voie de droit) :
Conformément à l’article 58 alinéa 1 des Statuts de la FIFA, cette décision est susceptible d’un appel au Tribunal Arbitral du Sport (TAS). L’appel devra être interjeté dans un délai de 21 jours à compter de la notification de la décision et devra comprendre tous les éléments figurant au point 2 des directives émanant du TAS, dont copie est jointe à la présente. L’appelant dispose de 10 jours supplémentaires à compter de l’expiration du délai de recours pour déposer son mémoire d’appel contenant une description des faits et des arguments légaux fondant le recours (cf. point 4 des directives annexées).
L'adresse complète du Tribunal Arbitral du Sport est la suivante :
Avenue de Beaumont 2, 1012 Lausanne, Suisse
Tél : +41 21 613 50 00
e-mail : info@tas-cas.org
Au nom de la
Chambre de Résolution des Litiges :
Omar Ongaro
Directeur de la sous-division
Réglementation du Football
Annexe : Directives du TAS