F.I.F.A. – Dispute Resolution Chamber / Camera di Risoluzione delle Controversie – labour disputes / controversie di lavoro (2019-2020) – fifa.com – atto non ufficiale – Decision 31 janvier 2020

Décision du juge de la
Chambre de Résolution des Litiges (CRL)
rendue le 31 janvier 2020,
par Omar Ongaro (Italie), juge de la CRL
concernant une plainte déposée par le joueur
Milton Karisa, Ouganda
représenté par M. Yenebouchila Lowe Jean de Dieu
ci-après, le demandeur / défendeur reconventionnel
au club,
Mouloudia Oujda, Maroc
ci-après, le défendeur / demandeur reconventionnel
concernant un litige contractuel entre les parties
I. Faits
1. Le 6 septembre 2018, le joueur Ougandais, Milton Karisa (ci-après : le joueur) et le club marocain, Mouloudia Oujda (ci-après : le club) ont signé un contrat de travail (ci-après : le premier contrat), valable à partir de la date de signature jusqu'au 30 juin 2021. Le premier contrat est dans le dossier et signé par les deux parties.
2. Conformément au premier contrat, le joueur avait droit à la rémunération suivante :
(1) MAD (Dirham marocain) 15 000 comme salaire mensuel, payable à la fin du mois ;
(2) MAD 1,460,000 dirhams de frais d'entrée, payables comme suit :
(3) MAD 210,000 dirhams à la signature du contrat ;
(4) MAD 210,000 dirhams le 30 décembre 2018 ;
(5) MAD 260,000 dirhams au 30 septembre 2019 ;
(6) MAD 260,000 dirhams le 30 décembre 2019 ;
(7) MAD 260,000 dirhams au 30 septembre 2020 ;
(8) MAD 260,000 dirhams au 30 décembre 2020.
3. Conformément au premier contrat, le joueur avait droit à la rémunération suivante :
(1) 15,000 MAD (dirhams marocains) comme salaire mensuel, payable à la fin du mois ;
(2) MAD 1,460,000 de frais d'entrée, payables comme suit :
(3) MAD 210,000 à la signature du contrat ;
(4) MAD 210,000 le 30 décembre 2018 ;
(5) MAD 260,000 au 30 septembre 2019 ;
(6) MAD 260,000 le 30 décembre 2019 ;
(7) MAD 260,000 au 30 septembre 2020 ;
(8) MAD 260,000 au 30 décembre 2020.
(9) MAD 1,500 dont "le joueur bénéficiera tout au long de son contrat d'une dotation de loyer".
4. Art. 8 du premier contrat prévoyait qu'en cas de résiliation sans motif valable, la partie qui n'avait pas résilié le contrat aurait droit à la valeur résiduelle du premier contrat.
5. Le joueur a prévu un deuxième contrat (ci-après : le deuxième contrat) identique au premier contrat, également signé par les deux parties mais aussi apparemment signé par la Fédération Royale Marocaine de Football (ci-après : FRMF), mais prévoyant une rémunération différente dans sa page 3, comme suit:
(1) MAD 15,000 comme salaire mensuel payable à la fin du mois;
(2) MAD 1,260,000 de frais d'inscription payables comme suit :
(3) MAD 210,000 à la signature du contrat ;
(4) MAD 210,000 le 30 décembre 2018 ;
(5) MAD 210,000 au 30 septembre 2019 ;
(6) MAD 210,000 le 30 décembre 2019 ;
(7) MAD 210,000 au 30 septembre 2020 ;
(8) MAD 260,000 au 30 décembre 2020.
(9) Le club a mis à la disposition du joueur un appartement d'une valeur maximale de MAD 1,600 ;
(10) MAD 200,000 au titre de la prime annuelle de rendement, payable comme suit : MAD 100,000 pour la saison 2019/2020, et MAD 100 000 pour la saison 2020/2021.
6. Le 6 novembre 2019, le joueur a déposé une plainte contre le club devant la FIFA pour rémunération et indemnité de rupture de contrat, demandant le montant total de EUR 157,600, correspondant à :
(1) EUR 14,000 au titre de la rémunération impayée pour la saison 2018/2019, sans préciser les montants spécifiques réclamés ;
(2) EUR 71,800 à titre d'indemnité pour la saison 2019/2020, sans préciser les montants spécifiques réclamés ;
(3) EUR 71,800 en compensation pour la saison 2020/2021, sans préciser les montants spécifiques réclamés ;
(4) Sanction sportive à infliger au club "pour faux".
7. Selon le joueur, le nombre maximum de joueurs étrangers autorisés à être enregistrés auprès du club a été atteint lorsqu'un nouveau joueur étranger a prétendument rejoint le club, et que le joueur a été informé que ses services n'étaient plus nécessaires.
8. Le joueur a soutenu que la page "3" du deuxième contrat était fausse, qu'il n'avait pas signé cette page qui prévoyait des rémunérations différentes par rapport au premier contrat, et que la falsification avait eu lieu avant la ratification du contrat par la fédération marocaine.
9. Le joueur a aussi déclaré qu'il n'était plus autorisé à s'entraîner avec le club.
10. Le joueur a en outre soutenu qu'il avait envoyé une lettre au club le 3 octobre 2019, qu'une tentative de livraison avait eu lieu le 7 octobre 2019, mais qu'en fin de compte, la lettre lui avait été renvoyée, sans avoir été livrée. A ce sujet, le joueur a fourni un reçu de suivi d’un courrier envoyé au club, mais n’a pas fourni une copie de ladite lettre.
11. Le joueur a ajouté qu'il devait payer son propre loyer, d'un montant de 1 800 euros par an.
12. Le joueur a expliqué qu'à la date de la réclamation, il était toujours dans le club, mais qu'il était parti de son propre chef, après avoir été "abandonné".
13. En réponse, le club a affirmé que seul le second contrat était valide au vu du fait que le premier contrat avait été signé par le joueur et par un individu dont le club conteste son affiliation, alors que le second contrat contenait une signature d’un représentant officiel du club ainsi que la ratification de la FRMF.
14. Le club a soutenu que le joueur était régulièrement absent et que le 23 octobre 2019, il quitta définitivement le club. Le club a soumis un document interne apparemment attestant des absences du joueur. Dès lors, le club a conclu que le joueur n’était habilité à recevoir aucun de ses bénéfices au vu du fait qu’il a quitté le club sans autorisation.
15. Au sujet de la lettre apparemment envoyée par le joueur, le club a affirmé que le joueur aurait utilisé une adresse de boîte postale, et qu’ainsi le club n’avait jamais été informé de la réception de la lettre, ou bien qu’une tentative de livraison avait eu lieu.
16. Le club a soumis une demande reconvertible contre le joueur, déclarant que le « le joueur doit être invité à rembourser le montant de MAD 140,000 perçu au titre d'une avance sur la prime de signature de la saison sportive 2018/2019 pour disposer éventuellement de sa libération de ce club. »
17. A cet effet, le club a soumis une copie de son règlement interne, cependant non signé par le joueur.
II. Considérants du juge de la Chambre de Résolution des Litiges
1. En premier lieu, le juge de la Chambre de Résolution des Litiges (ci-après : le juge) a analysé si elle était compétente pour traiter le présent litige. A cet égard, elle a pris note que la présente demande a été soumise à la FIFA le 6 novembre 2019. Par conséquent, la juge a conclu que l’édition 2019 du Règlement de la Commission du Statut du Joueur et de la Chambre de Résolution des Litiges (ci-après : les Règles de procédure) était applicable au présent litige.
2. Par la suite, la juge s’est référée à l’art. 3 al. 1 des Règles de procédure et a confirmé qu’en application de l’art. 24 al. 1 et de l’art. 22 let. b) du Règlement du Statut et du Transfert des Joueurs (édition de janvier 2020, ci-après : le Règlement), elle est l’organe décisionnel compétente pour connaître des litiges contractuels entre un joueur et un club comportant une dimension internationale.
3. Le juge a analysé quel règlement devrait être applicable, et en référence à l’art. 26 al. 1 et 2 et au vu du fait que la plainte du joueur fut déposée le 6 novembre 2019, le juge a déterminé que l’édition d’octobre 2019 était applicable quant à la substance du litige.
4. Par conséquent, le juge est compétent pour statuer sur le présent litige qui implique un joueur ougandais et un club marocain relatif à un litige lié au contrat de travail. A cet égard, le juge a également noté qu’aucune des parties n’a contesté la compétence du juge dans la présente affaire.
5. Une fois sa compétence et la réglementation applicable établies, le juge a statué sur le fond du litige. Ce faisant, il a tout d’abord rappelé les faits mentionnés ci-dessus et étudié la documentation apportée au dossier. Toutefois, le juge a souligné que dans les considérants qui suivent, il ne se référera qu’aux faits, arguments et à la documentation pertinents pour l’analyse de la présente affaire.
6. Prenant en compte les considérations mentionnées précédemment, le juge a noté qu’en date du 6 septembre 2018, deux contrats auraient été signés par le joueur et le club. A ce sujet, le juge a noté que le litige est centré autour de la validité des contrats.
7. En effet, le juge a observé que d’un côté le joueur affirme que le premier contrat est valide et que le second contrat a été falsifié par le club, que le club l’a « abandonné », et réclame ainsi des arriérés de paiement pour la saison 2018/2019, ainsi que le paiement de la valeur résiduelle du premier contrat comme dédommagement pour rupture sans juste cause, alors que de l’autre côté, le club soutient que le premier contrat a été signé par un individu qui n’est pas un représentant officiel du club et que le second contrat est valide et contraignant, et affirme que le joueur, après avoir été absents en de nombreuses occasions, a prématurément quitté le club sans autorisation préalable, et réclame le remboursement de l’avance à la prime de signature.
8. A ce stade, le juge a souhaité rappeler aux parties le principe de la charge de la preuve, tel qu’établi par l’art. 12 par. 3 des Règles de procédures, selon lequel la charge de la preuve incombe à la partie qui invoque un droit découlant d’un fait qu’elle allègue. En application de ce principe, le juge a noté qu’en l’espèce, la charge de la preuve incombe à la fois au joueur, à qui il appartient dès lors d’établir que le premier contrat était valide, que le second contrat était falsifié et que le club avait agi en violation du contrat, et au club, à qui il appartient d’établir que le premier contrat n’avait pas été signé par un représentant autorisé du club, et que le joueur avait agi en violation du second contrat.
9. En ce qui concerne la validité du premier et/ou du second contrat, le juge a observé qu’aucune des parties n’avait été en mesure de soumettre des preuves fondées soutenant leur version des faits.
10. Dès lors, le juge a conclu qu’il n’était pas possible de déterminer avec certitude si le premier ou bien le second contrat était le contrat valide et contraignant.
11. Ensuite, le juge a noté qu’il était incontesté qu’à la fin de la saison 2018/2019, le joueur a cessé de fournir ses services au club.
12. A ce sujet, le juge a bien relevé que le joueur a affirmé qu’il avait cessé de fournir ses services au club au vu du fait que celui-ci avait décidé de le bannir des activités du club à la fin de la saison 2018/2019 une fois qu’il avait été décidé que le joueur ne rentrait plus dans ses plans. De plus, le juge a noté que le joueur a soutenu que le club avait des arriérés de paiement à son encontre.
13. De plus, le juge a remarqué que le club a déclaré que le joueur s’était de nombreuses fois absenté et qu’il avait fini par quitter le club sans son autorisation.
14. Cependant, le juge a dument noté qu’une nouvelle fois, aucune des parties n’a été en mesure de fournir des preuves substantielles pour soutenir leurs allégations respectives.
15. Quant au joueur, le juge a souligné que celui-ci n’a pas été en mesure de fournir des preuves tangibles au sujet des supposés arriérés de paiements, ainsi qu’à sa supposée mise à l’écart du club. En particulier, le juge a relevé l’absence de mise en demeure ou bien de demande de réintégration aux activités du club.
16. Quant au club, le juge a noté que celui-ci n’a pas été en mesure de produire des preuves tangibles au sujet des absences répétées du joueur et à son départ sans autorisation. En particulier, le juge a souligné l’absence de mise en demeure du joueur, d’avertissement pour absence, etc.
17. Compte tenu de tout ce qui précède, le juge a décidé de rejeter la demande du joueur et de rejeter la demande reconventionnelle du club.
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III. Décision du juge de la Chambre de Résolution des Litiges
1. La demande du demandeur / défendeur reconventionnel, Milton Karisa, est rejetée.
2. La demande reconventionnelle du défendeur/demandeur reconventionnel, Mouloudia Oujda, est rejetée.
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Note relative à la publication :
L'administration de la FIFA peut publier les décisions de la Commission du Statut du Joueur ou de la CRL. Lorsque ces décisions contiennent des informations confidentielles, la FIFA peut décider, à la demande d'une partie dans les cinq jours suivant la notification de la décision motivée, de publier une version anonymisée ou une version expurgée (cf. art. 20 du Règlement de la Commission du Statut du Joueur et de la Chambre de Résolution des Litiges).
Note concernant la procédure d’appel:
Conformément à l’article 58 alinéa 1 des Statuts de la FIFA, cette décision est susceptible d’un appel au Tribunal Arbitral du Sport (TAS). L’appel devra être interjeté dans un délai de 21 jours à compter de la notification de la décision et devra comprendre tous les éléments figurant au point 2 des directives émanant du TAS. L’appelant dispose de 10 jours supplémentaires à compter de l’expiration du délai de recours pour déposer son mémoire d’appel contenant une description des faits et des arguments légaux fondant le recours.
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Au nom du juge de la
Chambre de Résolution des Litiges :
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Emilio García Silvero
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