F.I.F.A. – Dispute Resolution Chamber / Camera di Risoluzione delle Controversie – labour disputes / controversie di lavoro (2019-2020) – fifa.com – atto non ufficiale – Decision 4 juin 2020

Décision de la
Chambre de Résolution des Litiges
rendue via videoconference, le 4 juin 2020
dans le cadre d’un litige contractuel concernant le joueur Ouattara Bassiriki
COMPOSITION:
Clifford J. Hendel (USA/France), Vice-Président Elvis Chetty (Seychelles), membre Tomislav Kasalo (Croatie), membre
DEMANDEUR
Ouattara Bassiriki, Côte d’Ivoire
représenté par l’Union Marocaine des Footballeurs Professionnels (UMFP)
DEFENDEUR
Moghreb Athletic Tetouan, Maroc
représenté par M. Lamjed Belkahia
I. FAITS
1. Le 12 septembre 2017, le joueur ivoirien, Ouattara Bassiriki (ci-après : le joueur ou le demandeur) et le club Marocain, Moghreb Athletic Tetouan (ci-après : le club ou le défendeur) ont signé un contrat de travail (ci-après : le contrat) valide à compter de sa date de signature jusqu’au 30 juin 2020 ou, conformément à l’article 3 dudit contrat, après le déroulement du match « dans le cas où [ce] match officiel du championnat national auquel prend part le club a lieu après le 30 juin ».
2. Conformément au contrat, le joueur avait le droit aux rémunérations suivantes :
 MAD 15,000 comme salaire mensuel payable à la fin du mois pour chaque saison ;
 MAD 400,000 comme prime de signature pour la saison 2017/2018 payable comme suit :
- MAD 200,000 à la signature du contrat ;
- MAD 100,000 le 28 février 2018 ;
- MAD 100,000 le 30 avril 2018 ;
 MAD 450,000 comme prime de signature pour la saison 2018/2019 payable comme suit :
- MAD 200,000 le 30 septembre 2018 ;
- MAD 125,000 le 28 février 2019 ;
- MAD 125,000 le 30 avril 2019 ;
 MAD 500,000 comme prime de signature pour la saison 2019/2020 payable comme suit :
- MAD 200,000 le 30 septembre 2019 ;
- MAD 150,000 le 28 février 2020 ;
- MAD 150,000 le 30 avril 2020 ;
 MAD 3,500 au titre d’indemnités de logement ;
 Deux billets d’avion aller et retour Tanger-Abidjan par saison.
3. De plus, conformément à l’article 6 du contrat, le club s’engageait à contracter une assurance en faveur du joueur couvrant les accidents pouvant avoir lieu lors des séances d’entraînements et/ou lors de matchs officiels et amicaux. En outre, ce même article prévoyait l’obligation pour le club de contracter une couverture médicale et sociale pour le joueur.
4. Par une lettre datée du 5 décembre 2017, le club a demandé au club marocain F.U.S de Rabat si le joueur pouvait bénéficier de séances de rééducation médicale sous la supervision du médecin du club. Le club a également informé le club F.U.S de Rabat que le joueur avait été opéré à Casablanca et qu'il était essentiel qu'il poursuive ses visites auprès d'un médecin particulier à Casablanca.
5. Le 12 mars 2018, le joueur a informé le club que ses salaires de novembre et décembre 2017, ainsi que de janvier et février 2018, demeuraient impayés et a demandé au club de remédier à cette situation.
6. Par lettre du 26 juin 2019, le joueur a informé le défendeur de sa situation médicale. En premier lieu, le joueur a souligné qu'il avait toujours respecté ses obligations contractuelles. Deuxièmement, il s'est plaint de la violation du contrat par le club, étant donné que ses salaires et ses primes de signature étaient toujours impayés. Troisièmement, le joueur a indiqué que son médecin avait recommandé une deuxième intervention chirurgicale suite à l'échec de la première. Le joueur a donc demandé l'autorisation du club pour subir la deuxième opération.
7. Le 28 décembre 2019, le joueur a accordé au club un délai de 15 jours pour le réintégrer dans l'équipe en lui permettant de s'entraîner avec ses coéquipiers et de lui verser la somme totale de MAD 1,825,000, correspondant à MAD 510,000 comme salaires de 10 mois pour la saison 2017/2018, 12 mois pour la saison 2018/2019 et 12 mois pour la saison 2019/2020, ainsi que MAD 1,350,000 comme prime de signature pour les saisons 2017/2018, 2018/2019 et 2019/2020. Dans la lettre de mise en demeure, le joueur a également indiqué que le club avait cessé de lui verser son salaire et de couvrir ses dépenses à la suite de sa première opération chirurgicale le 21 novembre 2017. Enfin, le joueur s'est plaint du comportement du club, qui l'a laissé dans la situation la plus précaire et a refusé de discuter de la situation avec lui. Le joueur mentionne que sa situation était similaire à celle d'un sans-abri.
8. Par lettre du 25 février 2020, envoyée au club le 27 février 2020, le joueur a mis fin au contrat avec effet immédiat. Le joueur a notamment souligné que les manquements commis par le club étaient si graves et répétitifs que la confiance entre les parties était rompue, rendant la relation contractuelle impossible. En tant que tel, le joueur a considéré qu'il avait un motif valable de résilier le contrat, d'autant plus que différentes lettres de mise en demeure ont été adressées au club. Depuis la blessure encourue, le joueur a soutenu que le club a cessé de le payer.
9. Le 28 février 2020, le joueur a porté plainte contre le club devant la FIFA pour arriérés de salaires et compensation pour rupture du contrat en réclamant les montants suivants :
 MAD 1,536,500 au titre au titre d’arriérés de paiements, somme majorée d’un intérêt annuel aux taux de 5% à compter des dates d’échéance respectives et ventilée comme suit :
- MAD 385,000 au tire de salaires impayés ;
- MAD 1,050,000 au titre des versements impayés de la prime de signature ;
- MAD 101,500 au titre des indemnités de loyers impayées ;
- Six billets d’avion aller-retour entre Tanger et Abidjan pour un montant déterminé par FIFA
Travel, plus 5% d’intérêts par année à compter de la date de résiliation du contrat.
 MAD 2,056,618 au titre compensation pour rupture de contrat, somme majorée d’un intérêt annuel aux taux de 5% à compter de la date de résiliation du contrat et ventilée comme suit :
- MAD 392,500 pour la valeur résiduelle du contrat ;
- MAD 1,164,118 au titre de réparation morale ;
- MAD 500,000 au titre des spécificités du sport.
10. De plus, le joueur a demandé la somme MAD 1,600 pour les frais médicaux, plus 5% d’intérêts par année à compter de la date de résiliation du contrat ainsi que la somme de MAD 50,000 au titre de frais de justice.
11. Dans sa plainte, le joueur a soutenu que qu'il a subi une blessure le 29 octobre 2017 lors d'un match officiel de la ligue marocaine, en se rompant le ligament du genou. Il indique de plus avoir subi une opération chirurgicale le 21 novembre 2017.
12. De plus, selon le joueur, le médecin lui a recommandé de suivre sa rééducation médicale à Casablanca mais le club a refusé et lui a demandé de retourner au club. Ainsi, le joueur a dû séjourner dans les infrastructures du club du 21 novembre au 12 décembre 2017 sans aucune assistance médicale. En conséquence, sa blessure s'est aggravée et le club a commencé à ignorer le joueur.
13. A la suite de nombreuses demandes, le joueur indique que le club a ensuite autorisé le ce dernier à suivre sa rééducation médicale au sein du club F.U.S de Rabat.
14. Le 19 avril 2018, le joueur indique avoir dû subir une seconde intervention chirurgicale à Casablanca. Après l'opération, il est resté à l'hôtel pendant six jours, à ses propres frais. Le 30 avril 2018, le joueur est retourné au club F.U.S de Rabat car il ne pouvait plus couvrir les frais de l'hôtel et le club n'a pas répondu à ses appels.
15. Entre le 6 et le 9 juillet 2018, le joueur indique avoir tenté de rencontrer le conseil d'administration du club, sans succès.
16. Du 9 juillet au 9 décembre 2018, le joueur dit avoir séjourné chez un ami à Rabat étant donné qu'il n'avait plus les moyens de se payer un logement.
17. Le 13 décembre 2018, le joueur indique avoir rencontré le président du club qui lui a proposé la somme de MAD 350,000 pour mettre fin au contrat. Le demandeur indique avoir refusé.
18. Entre décembre 2018 et avril 2019, le joueur indique s'être rendu à des rendez-vous médicaux et a été informé qu'une autre opération chirurgicale était nécessaire.
19. Le 9 juillet 2019, le joueur soutient avoir subi une intervention chirurgicale. Comme il ne pouvait pas la payer, il indique qu’il lui a été interdit de quitter l'hôpital et l'Union marocaine des joueurs a dû intervenir.
20. Par la suite, avec l'aide du Syndicat des joueurs marocains, des négociations ont eu lieu avec le club selon le joueur, mais aucun accord n'a été conclu.
21. Le joueur soutient aussi avoir été informé qu'il devait subir une autre intervention chirurgicale. Toutefois, l'assurance ne couvrirait plus les frais qu'il doit supporter à l'égard du club.
22. Par ailleurs, le club aurait indiqué que son visa a expiré et n'aaurait pas été renouvelé par ce dernier.
23. Le joueur a également souligné que le club ne lui a versé que ses salaires de septembre et octobre 2017, un paiement à hauteur d’un salaire mensuel en mai 2018 et un montant de MAD 5,000 le 1er août 2017, soit 3 mois sur 29. En d'autres termes, selon le joueur le club a cessé de le payer après sa première intervention chirurgicale.
24. Au vu de ce qui précède, le joueur a considéré avoir résilié le contrat avec juste cause. En particulier, le joueur a soulevé les points suivants :
- Au moment de la résiliation, 25 mois de salaire étaient impayés ;
- Le défendeur avait l'obligation de contracter une assurance en sa faveur et de couvrir ses frais médicaux conformément à l'art. 6 du contrat. Sa blessure est survenue lors d'un match officiel, mais le club l'a complètement abandonné et il a dû couvrir une partie de sa rééducation ;
- Le club l'a ignoré et a refusé de trouver une solution à cette situation.
25. Malgré la requête de l’administration de la FIFA, le club n’a pas fourni ses commentaires sur la plainte du joueur dans le délai requis. Toutefois, dans une correspondance transmise après la clôture de la phase d’investigation, le club a soutenu, entre autre, que la plainte du joueur n'avait pas été envoyée aux adresses électroniques utilisées par le club dans les communications antérieures avec l’administration de la FIFA dans le cadre d'autres procédures. En outre, le club a soutenu que les adresses électroniques utilisées dans la présente procédure appartenaient à un employé qui n'y avait pas accès en raison de l'épidémie de COVID-19 et qu'elles étaient utilisées par celui-ci. En conséquence, le club a demandé un nouveau délai pour pouvoir soumettre ses commentaires sur la plainte du joueur.
26. Enfin, le joueur a informé la FIFA qu’il n’avait pas retrouvé d’emploi depuis la résiliation du contrat.
II. CONSIDERANTS DE LA CHAMBRE DE RESOLUTION DES LITIGES
1. En premier lieu, la Chambre de Résolution des Litiges (ci-après : la Chambre ou la CRL) a analysé si elle était compétente pour traiter le présent litige. A cet égard, elle a pris note que la présente demande a été soumise à la FIFA le 28 février 2020. Par conséquent, la CRL a conclu que l’édition 2019 du Règlement de la Commission du Statut du Joueur et de la Chambre de Résolution des Litiges (ci-après : les Règles de procédure) était applicable au présent litige (cf. art. 21 des Règles de procédure).
2. Par la suite, la Chambre s’est référée à l’art. 3 al. 1 des Règles de procédure et a confirmé qu’en application de l’art. 24 al. 1 et de l’art. 22 let. b) du Règlement du Statut et du Transfert des Joueurs (édition de Mars 2020), elle est l’organe décisionnel compétente pour connaître des litiges contractuels entre un joueur ivoirien et un club marocain comportant une dimension internationale.
3. En outre, la CRL a analysé quelle édition du Règlement du Statut et du Transfert des Joueurs (ci-après : le Règlement) est applicable quant au droit matériel. A cet égard, elle s’est référée, d’une part, à l’article 26 al. 1 et 2 du Règlement (édition de Mars 2020) et, d’autre part, au fait que la plainte ait été déposée auprès de la FIFA le 28 février 2020. Au vu de ce qui précède, la CRL a conclu que l’édition de janvier 2020 du Règlement est applicable au présent litige quant au droit matériel.
4. Une fois sa compétence et la réglementation applicable établies, la CRL a statué sur le fond du litige. Ce faisant, elle a tout d’abord rappelé les faits mentionnés ci-dessus et étudié la documentation apportée au dossier. Toutefois, la Chambre a souligné que dans les considérants qui suivent, elle ne se référera qu’aux faits, arguments et à la documentation pertinents pour l’analyse de la présente affaire.
5. Prenant en compte les considérations mentionnées précédemment, la CRL a noté que les parties au présent litige ont signé un contrat de travail le 12 septembre 2017, valide à compter de cette même date jusqu’au 30 juin 2020, en valeur duquel le demandeur était en droit de percevoir les rémunérations détaillées au point I./2.
6. La Chambre a pris note que le contrat prévoyait également en son article 6 différentes obligations à la charge du défendeur, parmi lesquelles, une obligation d’assure et de couverture sociale et médicale au bénéfice du joueur.
7. Par ailleurs, la Chambre a pris note que le 12 mars 2018 et le 26 juin 2019, le joueur avait informé le club de sa situation ainsi que des préconisations médicales quant à une seconde intervention chirurgicale qu’il devrait subir, qu’il lui avait demandé l’autorisation pour ce faire et, in fine, qu’il avait réclamé le paiement de différentes sommes dues contractuellement et demeurées impayées à compter Novembre 2017, période à laquelle le joueur avait subi sa première intervention chirurgicale suite à la blessure encourue lors d’un match fin Octobre 2017.
8. De plus, la CRL a observé que, par son courrier du 29 décembre 2019, le joueur avait mis le club en demeure en lui donnant 15 jours pour : 1) le réintégrer dans l'équipe en lui permettant de s'entraîner avec ses coéquipiers, et 2) lui verser la somme totale de MAD 1,825,000 au titre d’arriérés de paiement. De plus, la Chambre a observé que le joueur s’était plaint des conditions et du traitement que le club lui avait fait subir depuis sa première intervention chirurgicale du 21 Novembre 2017. Par la suite, la CRL a pris note que le joueur avait unilatéralement et prématurément mis fin au contrat de travail par courrier du 25 février 2020, envoyé au défendeur le 27 février 2020.
9. La Chambre a observé ensuite qu’en date du 28 février 2020, le demandeur avait déposé une plainte à l’encontre du défendeur devant la FIFA réclamant le montant total de MAD 3,644,718 tel que ventilé au point I./9. arguant qu’il avait été forcé de mettre fin au contrat pour les raisons suivantes : au moment de la résiliation, 25 mois de salaire étaient impayés ; le défendeur avait l'obligation de contracter une assurance en sa faveur et de couvrir ses frais médicaux conformément à l'art. 6 du contrat, or sa blessure est survenue lors d'un match officiel, mais le club l'a complètement abandonné et il a dû couvrir une partie de sa rééducation ; et, le club l'a ignoré et a refusé de trouver une solution à cette situation.
10. De même, la Chambre a noté l’absence de réponse à la requête du demandeur alors qu’il avait été invité à le faire par l’administration de la FIFA. Toutefois, la CRL a observé que le défendeur avait fait valoir, une fois la phase d’investigation clôturée, que la plainte du joueur n’avait pas été communiquée aux adresse électroniques utilisées par le club dans les communications antérieures avec l’administration de la FIFA, mais au contraire, à des adresses électroniques appartenant à un employé qui n'y avait pas accès en raison de l'épidémie de COVID-19. De ce fait, le club soutenait être fondé à pouvoir bénéficier d’un nouveau délai pour pouvoir soumettre ses commentaires sur la plainte du joueur.
11. Prenant compte de ce qui précède, la CRL a tout d’abord souligné le contenu de l'art. 9 al. 3 deuxième phrase des Règles de Procédure, en vertu duquel en l'absence de prise de position ou de réponse avant l'expiration du délai, une décision sera rendue sur la base des pièces déjà contenues au dossier, et de la troisième phrase de la disposition précitée, qui dispose que les observations reçues en dehors de ce délai ne seront pas prises en considération.
12. Néanmoins, la CRL a également rappelé qu’en vertu de l’ annexe 3 art. 4 al. 1 et art. 5.1 al. 2 du Règlement du Statut et du Transfert des Joueurs, les clubs doivent veiller à ce que leurs coordonnées (numéro de téléphone, adresse postale et adresse électronique) soient en permanence valides et à jour.
13. En outre, la CRL a aussi rappelé que conformément à l’art. 9bis du Règlement de la Commission du Statut du Joueur et de la Chambre de Résolution des Litiges “L’adresse électronique soumise par les clubs et les associations dans TMS est considérée comme un moyen de communication valide et contraignant.“ (cf. art. 9bis al. 3 deuxième phrase des Règles de Procédure).
14. Prenant compte ce qui précède, la CRL a conclu qu’en notifiant la plainte du joueur aux adresses électroniques du club figurant dans le Transfer Matching System (TMS), celle-ci avait dûment été notifiée au défendeur en vertu des textes réglementaires stipulés ci-dessus.
15. Par conséquent, la CRL a estimé que la plainte du joueur était restée incontestée et en accord avec l’art. 9 par.3 des Règles de procédure, la Chambre a établi qu’elle rendrait une décision sur la base des documents disponibles dans le dossier.
16. Dès lors, la Chambre a mis en avant que le point principal de cette affaire était de déterminer si le joueur avait eu juste cause pour rompre unilatéralement le contrat le 27 février 2020, et le cas échéant, d’établir les conséquences d’une telle rupture.
17. Ceci étant dit, la CRL a conclu qu’il demeure incontesté que le club n’a plus payé la rémunération due au joueur telle que ventilée au point I./2, à savoir : 1) sa prime de signature à compter de septembre 2018 ; 2) ses salaires mensuels à compter de décembre 2017 ; 3) ses indemnités de logement à compter de septembre 2017.
18. La CRL a par ailleurs pris note que le demandeur avait mis en demeure le défendeur à plusieurs reprise, dont notamment le 28 décembre 2019, et avait finalement résilié le contrat le 27 février 2020, donnant de ce fait plus de 15 jours au défendeur pour payer partie des montants réclamés. La CRL a aussi pris note qu’à la date de mise en demeure ci-dessus précisée, le 28 décembre 2019, plus de deux mois de salaries ainsi que la part restante de la prime de signature étaient dus.
19. Par conséquent, la CRL a déterminé de manière unanime que le demandeur avait eu juste cause pour rompre unilatéralement et prématurément le contrat le 27 février 2020 en accord avec l’art. 14bis du Règlement du Statut et du Transfert des Joueurs et que le défendeur devait être tenu responsable de ce qui précède.
20. La responsabilité du défendeur concernant la rupture du contrat ayant été établie, la Chambre a focalisé son attention sur les conséquences de la rupture avec juste cause par le demandeur. A cet égard et conformément à l’art. 17 al. 1 du Règlement, la Chambre a jugé que le demandeur était en droit de recevoir une indemnité à titre de compensation en sus des montants dus à titre d’arriérés de rémunération.
21. Néanmoins, et avant d’entrer dans le calcul de ladite compensation, la Chambre a déterminé le montant exact des arriérés de rémunération. Dans ce contexte, la Chambre a tout d’abord fait référence à ses considérations antérieures et a souligné qu’il était établi que les salaires du joueur, la prime de signature et les indemnités de logement, pour une somme totale de MAD 1,536,500, demeurait en souffrance.
22. De plus, la Chambre a également observé que le demandeur demandait la somme MAD 1,600 au titre de frais médicaux de kinésithérapie non couverts par l’assurance préalablement à la rupture du contrat. Sur la base des éléments de preuve apportés par le demandeur, la CRL a estimé que le demandeur avait dûment rempli son obligation quant à la charge de la preuve en accord avec l’art. 12 par. 3 des Règles de procédure.
23. Dès lors, et conformément au principe pacta sunt servanda, la Chambre a conclu que la somme de MAD 1,538,100 était dû à titre d’arriérés de rémunération, majorée d’un intérêt de 5% par année et jusqu’à parfait paiement, dû à compter des dates de paiement respectives.
24. La Chambre s’est ensuite attelée à déterminer le montant dû à titre de compensation. A ce titre, la Chambre a rappelé que conformément à l’art. 17 al. 1 du Règlement, l’indemnité pour rupture de contrat sera calculée, sous réserve de l’existence de stipulations contractuelles s’y rapportant, conformément au droit en vigueur dans le pays concerné, à la spécificité du sport et en tenant compte de tout critère objectif inhérent au cas. Ces critères comprennent notamment la rémunération et autres avantages dus au joueur en vertu du contrat en cours et/ou du nouveau contrat, la durée restante du contrat en cours jusqu’à cinq ans au plus, de même que la question de savoir si la rupture intervient pendant la période protégée.
25. Revenant au contenu du contrat, la Chambre a noté que celui-ci ne contient aucune stipulation spécifique établissant une indemnité applicable en cas de rupture du contrat sans juste cause par l’une des parties. Par conséquent, la Chambre a considéré qu’il convenait de se référer aux autres éléments mentionnés à l’al. 1 de l’art. 17 du Règlement. A cet égard, la Chambre a rappelé que cette disposition contient une énumération non-exhaustive de critères pouvant être pris en compte dans le cadre du calcul du montant de l’indemnité devant être payée et que, de ce fait, il avait toute discrétion pour se baser sur tout autre critère objectif pour calculer le montant de ladite indemnité.
26. Ayant à l’esprit les considérations qui précèdent, la CRL a rappelé que le contrat devait initialement expirer le 30 juin 2020. A ce titre, la CRL a observé que compte tenu de la durée résiduelle du contrat depuis la date de rupture prématurée, le 27 février 2020 jusqu’au 30 juin 2020, la Chambre a établi que la somme de MAD 392,500 devait constituer la base de calcul pour déterminer le montant dû à titre de compensation pour rupture du contrat.
27. La CRL a ensuite vérifié si le joueur avait signé un nouveau contrat de travail durant la période en question, au moyen duquel il aurait pu réduire l’étendue de son dommage. En effet, conformément à la jurisprudence constante de la CRL, la rémunération perçue dans le cadre de ce nouveau contrat doit être prise en considération afin de fixer le montant de la compensation payable et ce, en vertu de l’obligation qu’a tout joueur de limiter son préjudice. En l’espèce, la Chambre a observé qu’il ressortait de la documentation amenée au dossier que le joueur était resté sans emploi et n’avait pas signé de nouveau contrat de travail.
28. En conséquence, la CRL a décidé que le défendeur doit payer la somme de MAD 392,500 au demandeur à titre de compensation pour la rupture du contrat sans juste cause par le défendeur, somme qui apparait raisonnable et justifiée.
29. Prenant en compte la demande du joueur ainsi que la jurisprudence constante de la CRL, le Chambre a attribué un intérêt de 5% p.a. sur la compensation pour rupture du contrat, i.e. MAD 392,500 à partir de la date de la plainte, i.e. 28 février 2020, jusqu’à la date de paiement effectif.
30. De plus, la CRL a rappelé la demande du joueur quant à l’attribution de six billets d’avion aller-retour entre Tanger et Abidjan pour un montant déterminé par FIFA Travel, plus 5% d’intérêts par année à compter de la date de résiliation du contrat. A ce sujet, la CRL a tenu compte de cette obligation contractuellement convenue entre les parties et, conformément à sa pratique, elle a estimé que le demandeur était fondé à obtenir ce paiement en sus de ce que mentionné ci-dessus.
31. Par conséquent, en adéquation avec les informations obtenues via FIFA Travel quant au prix d’un billet Tanger-Abidjan s’élevant à CHF 425, la CRL a conclu que le demandeur était en droit de percevoir la somme de CHF 2,550, i.e. 6 x CHF 425, plus 5% d’intérêts par année à compter de la date de la plainte, i.e. le 28 février 2020.
32. La Chambre a enfin déclaré que toute autre demande formulée par le demandeur est rejetée.
33. En outre, la Chambre a fait référence à l'art. 24bis al. 1 et 2 du Règlement, qui stipule que, dans sa décision, l'organe de décision compétent de la FIFA statue également sur les conséquences découlant du défaut de paiement dans les délais impartis, par la partie concernée, des montants de la rémunération et/ou de l'indemnité due.
34. À cet égard, la Chambre a souligné que, à l'encontre des clubs, la conséquence du défaut de paiement des montants dus dans les délais impartis, consiste en l'interdiction de recruter des nouveaux joueurs, que ce soit au niveau national ou international, jusqu'au paiement des montants dus et pour la durée maximale de trois périodes d'enregistrement complètes et consécutives.
35. Par conséquent, compte tenu de ce qui précède, la CRL a décidé que, dans le cas où le défendeur ne paie pas les montants dus au demandeur dans un délai de 45 jours à compter de la date de notification par le demandeur des informations bancaires permettant au défendeur de procéder au paiement, le défendeur se verra interdit de recruter des nouveaux joueurs, au niveau national ou international, jusqu’à ce que les sommes dues soient payées, et pour une durée maximale de trois périodes d’enregistrement entières et consécutives, conformément à l'art. 24bis al. 2 et 4 du Règlement.
36. Enfin, la Chambre a rappelé que l'interdiction susmentionnée sera levée immédiatement, dès le paiement du montant dû, conformément à l'art. 24bis al. 3 du Règlement.
III. DECISION DE LA CHAMBRE DE RESOLUTION DES LITIGES
1. La demande du demandeur, Ouattara Bassiriki, est partiellement acceptée.
2. Le défendeur, Moghreb Athletic Tetouan, doit payer au demandeur la somme de MAD 1,538,100 au titre d’arriérés de paiements, majorée d’un intérêt annuel au taux de 5% jusqu’à la date de paiement effectif, comme suit:
i. sur la somme de MAD 3,500 à compter du 1ier octobre 2017 ;
ii. sur la somme de MAD 3,500 à compter du 1ier novembre 2017 ;
iii. sur la somme de MAD 3,500 à compter du 1ier décembre 2017 ;
iv. sur la somme de MAD 13,500 à compter du 1ier janvier 2018 ;
v. sur la somme de MAD 18,500 à compter du 1ier février 2018 ;
vi. sur la somme de MAD 118,500 à compter du 1ier mars 2018 ;
vii. sur la somme de MAD 18,500 à compter du 1ier avril 2018 ;
viii. sur la somme de MAD 118,500 à compter du 1ier mai 2018 ;
ix. sur la somme de MAD 18,500 à compter du 1ier juin 2018 ;
x. sur la somme de MAD 18,500 à compter du 1ier juillet 2018 ;
xi. sur la somme de MAD 18,500 à compter du 1ier août 2018 ;
xii. sur la somme de MAD 18,500 à compter du 1ier septembre 2018 ;
xiii. sur la somme de MAD 200,000 à compter du 1ier octobre 2018 ;
xiv. sur la somme de MAD 218,500 à compter du 1ier octobre 2018 ;
xv. sur la somme de MAD 18,500 à compter du 1ier novembre 2018 ;
xvi. sur la somme de MAD 18,500 à compter du 1ier décembre 2018 ;
xvii. sur la somme de MAD 18,500 à compter du 1ier janvier 2019 ;
xviii. sur la somme de MAD 18,500 à compter du 1ier février 2019 ;
xix. sur la somme de MAD 143,500 à compter du 1ier mars 2019 ;
xx. sur la somme de MAD 18,500 à compter du 1ier avril 2019 ;
xxi. sur la somme de MAD 143,500 à compter du 1ier mai 2019 ;
xxii. sur la somme de MAD 18,500 à compter du 1ier juin 2019 ;
xxiii. sur la somme de MAD 18,500 à compter du 1ier juillet 2019 ;
xxiv. sur la somme de MAD 18,500 à compter du 1ier août 2019 ;
xxv. sur la somme de MAD 18,500 à compter du 1ier septembre 2019 ;
xxvi. sur la somme de MAD 218,500 à compter du 1ier octobre 2019 ;
xxvii. sur la somme de MAD 18,500 à compter du 1ier novembre 2019 ;
xxviii. sur la somme de MAD 18,500 à compter du 1ier décembre 2019 ;
xxix. sur la somme de MAD 18,500 à compter du 1ier janvier 2020 ;
xxx. sur la somme de MAD 18,500 à compter du 1ier février 2020 ;
xxxi. sur la somme de MAD 1,600 à compter du 28 février 2020.
3. Le défendeur doit payer au demandeur comme compensation pour rupture de contrat, la somme de MAD 392,500, majorée d’un intérêt annuel au taux de 5% à compter du 28 février 2020 jusqu’à la date de paiement effectif.
4. Le défendeur doit payer au demandeur la somme de CHF 2,550, majorée d’un intérêt annuel au taux de 5% à compter du 28 février 2020 jusqu’à la date de paiement effectif.
5. Toute autre demande du demandeur est rejetée.
6. Le demandeur s’engage à communiquer immédiatement et directement au défendeur, de préférence à l’adresse e-mail indiquée dans la lettre de couverture de la présente décision, les informations bancaires pour permettre au défendeur de procéder aux paiements mentionnés aux points 2,3 et 4 ci-dessus.
7. Le défendeur s’engage à fournir à la FIFA, la preuve de paiement des montants plus intérêts en accord avec les points 2,3 et 4 ci-dessus, à l’adresse e-mail psdfifa@fifa.org, dûment traduit, le cas échéant, dans l’une des langues officielles de la FIFA (anglais, espagnol, français et allemand).
8. Si les montants plus intérêts dus en accord avec les points 2,3 et 4 ci-dessus ne sont pas payés par le défendeur dans un délai de 45 jours à compter de la date de notification par le demandeur des informations bancaires permettant au défendeur de procéder au paiement, le défendeur se verra interdit de recruter des nouveaux joueurs, au niveau national ou international, jusqu’à ce que les sommes dues soient payées, et pour une durée maximale de trois périodes d’enregistrement entières et consécutives (cf. art. 24bis du Règlement du Statuts et du Transfert des Joueurs).
9. L’interdiction mentionnée au point 8 ci-dessus sera levée dès que les sommes totales dues auront été payées.
10. Si les sommes susmentionnées plus intérêts ne sont toujours pas payées d’ici la fin de l’interdiction d’enregistrement pour les trois périodes d’enregistrement entières et consécutives, le cas sera soumis, sur demande, à la Commission de Discipline de la FIFA pour considération et décision.
Au nom de la
Chambre de Résolution des Litiges:
Emilio García Silvero
Directeur juridique et conformité
NOTE CONCERNANT LA PROCEDURE D’APPEL:
Conformément à l’article 58 alinéa 1 des Statuts de la FIFA, cette décision est susceptible d’un appel au Tribunal Arbitral du Sport (TAS). L’appel devra être interjeté dans un délai de 21 jours à compter de la notification de la décision et devra comprendre tous les éléments figurant au point 2 des directives émanant du TAS..
NOTE RELATIVE A LA PUBLICATION:
L'administration de la FIFA peut publier les décisions de la Commission du Statut du Joueur ou de la CRL. Lorsque ces décisions contiennent des informations confidentielles, la FIFA peut décider, à la demande d'une partie dans les cinq jours suivant la notification de la décision motivée, de publier une version anonymisée ou une version expurgée (cf. art. 20 du Règlement de la Commission du Statut du Joueur et de la Chambre de Résolution des Litiges).
INFORMATION DE CONTACT:
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FIFA-Strasse 20 P.O. Box 8044 Zurich Switzerland
www.fifa.com | legal.fifa.com | psdfifa@fifa.org | T: +41 (0)43 222 7777
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