TAS-CAS – Tribunal Arbitral du Sport/Tribunale Arbitrale dello Sport – Court of Arbitration for Sport/Corte Arbitrale dello Sport (2016-2017) – tas-cas.org – atto non ufficiale – Arbitrage TAS 2016/A/4490 RFC Seraing c. Fédération Internationale de Football Association (FIFA), sentence du 9 mars 2017
Tribunal Arbitral du Sport Court of Arbitration for Sport
Arbitrage TAS 2016/A/4490 RFC Seraing c. Fédération Internationale de Football Association (FIFA), sentence du 9 mars 2017
Formation: M. Bernard Foucher (France), Président; Me Bernard Hanotiau (Belgique); Me Ruggero Stincardini (Italie)
Football
Sanctions à l’encontre d’un club ayant contrevenu à l’interdiction des pratiques de “Third Party Ownership”
Prise en compte du droit de l’Union européenne en tant que droit applicable
Légalité des articles 18bis et 18ter RSTJ au regard des libertés de circulation
Légalité des articles 18bis et 18ter RSTJ au regard du droit de la concurrence
1. L’article 19 de la Loi fédérale sur le droit international privé dispose qu’un tribunal arbitral siégeant en Suisse doit prendre en compte les dispositions impératives du droit étranger lorsque trois conditions sont cumulativement remplies: i) ces dispositions relèvent d’une catégorie de normes qui doivent recevoir application quel que soit le droit applicable au fond du litige; ii) il existe une relation étroite entre l’objet du litige et le territoire ou les dispositions impératives du droit étranger sont en vigueur; et iii) au vu de la théorie et la pratique du droit suisse, les dispositions impératives doivent viser à la protection des intérêts légitimes et des valeurs fondamentales et leur application doit mener à une décision appropriée. C’est le cas pour le droit de l’Union Européenne dans la mesure où i) les dispositions concernant notamment le droit de la concurrence et les libertés de circulation sont communément considérées comme des règles impératives par les juridictions de l’Union et la doctrine; ii) les relations étroites entre (a) le territoire sur lequel le droit européen est en vigueur et (b) l’objet du litige, tiennent au fait que la mise en cause de la légalité du Règlement FIFA du statut et du transfert des joueurs (RSTJ) a un impact évident sur le territoire européen; et iii) l’ordre juridique suisse partage les intérêts et valeurs protégées par les dispositions de droit européen en matière de droit de la concurrence et de libertés de circulation.
2. Les articles 18bis et 18ter RSTJ constituent des entraves à la liberté de circulation des capitaux, des travailleurs et des services. Toutefois, ces dispositions poursuivent des objectifs légitimes tels que la préservation de la stabilité des contrats de joueurs, la garantie de l’indépendance et l’autonomie des clubs et des joueurs en matière de recrutement et de transferts, la sauvegarde de l’intégrité dans le football et du caractère loyal et équitable des compétitions, la prévention de conflits d’intérêts et le maintien de la transparence dans les transactions liées aux transferts de joueurs, et sont proportionnées dans la mesure où elles ne restreignent les libertés de circulation que de manière limitée et que des mesures alternatives n’apparaissent pas raisonnablement à même d’atteindre les objectifs poursuivis.
3. L’application des articles 18bis et 18ter RSTJ n’a pas pour objet de restreindre, d’empêcher ou de fausser le jeu de la concurrence, mais de réglementer le marché des transferts de joueur afin de poursuivre les objectifs légitimes invoqués par la FIFA. En admettant même qu’une analyse économique substantielle, au-delà de considérations générales, permette de définir le marché pertinent et démontrer les éventuels effets anticoncurrentiels des dispositions en cause sur le marché des transferts, les objectifs légitimes poursuivis seraient de nature à justifier l’atteinte à la concurrence.
I. LES PARTIES L’ASBL Royal Football Club Seraing (“RFC Seraing” ou le “Club” ou l’“Appelant”), est une association sans but lucratif de droit belge, dont le siège social est à Seraing, en Belgique. RFC Seraing est un club de football affilié à l’Union Royale Belge des sociétés de Football-Association (“URBSFA”). Il évolue en Division 1 Amateur lors de la saison 2016-2017, championnat organisé par l’URBSFA et troisième niveau national du football belge. La Fédération Internationale de Football Association (“FIFA” ou “l’Intimée”) est une association à but non lucratif de droit suisse, dont le siège statutaire est à Zurich en Suisse. La FIFA est l’instance dirigeante du football au niveau mondial. Elle exerce des fonctions de régulation, de surveillance et disciplinaires sur les associations nationales, les clubs, les officiels et les joueurs, dans le monde entier. Dans l’exercice de ses fonctions, la FIFA a adopté le Règlement du Statut et du Transfert des Joueurs (“RSTJ”) dont les articles 18bis et 18ter sont relatifs à l’influence des tierces parties sur les clubs de football affiliés à la FIFA. RFC Seraing et la FIFA sont collectivement dénommés les “Parties”.
II. LES FAITS
A. Faits à l’origine du litige Le 30 janvier 2015, RFC Seraing et la société de droit maltais Doyen Sports Investment Limited (“Doyen”) ont conclu un contrat de type Third party ownership (“TPO”) intitulé “Cooperation Agreement” (“l’Accord de coopération”), prévoyant notamment que le Club transfère à Doyen les droits économiques de trois joueurs nommément désignés contre le payement par Doyen Sports de EUR 300.000 en trois échéances, la dernière en février 2016. Aux termes de l’Accord de coopération Doyen Sports devient ainsi propriétaire de 30% “de la valeur financière dérivant des droits fédératifs” de ces trois joueurs. Le 4 mai 2015, la société FIFA TMS GmbH (“FIFA TMS”), société filiale de la FIFA qui gère le Transfer Matching System (“TMS”) et régule les transferts internationaux des joueurs de football a, dans le cadre d’une enquête qu’elle menait, demandé à RFC Seraing via l’URBSFA, de lui fournir une copie de l’Accord de coopération. Un délai de réponse était accordé jusqu’au 11 mai 2015.
Le 12 mai 2015, FIFA TMS a de plus demandé par courrier à RFC Seraing, de fournir des copies de chaque accord conclu par le Club avec un tiers et chaque accord de TPO signé par le Club avec Doyen Sports Investment Limited. Le 1er juin 2015, l’URBSFA a répondu au courrier de FIFA TMS, en indiquant que le nom du Club en cause est “Seraing United”, pour avoir été modifié en juillet 2014, sans que ce changement soit transposé dans le TMS par l’URBSFA. L’URBSFA a de plus rapporté le contenu d’une conversation téléphonique avec M. Jean-Marie Detilloux, secrétaire du Club, dont il ressort que ce dernier indiquait n’avoir été informé du contact du Club avec Doyen que par le biais des médias, n’avoir jamais été contacté par Doyen ni être au courant qu’un autre dirigeant du Club l’ait été et en définitive, n’avoir jamais signé aucun accord avec Doyen. Le 2 juin 2015, RFC Seraing, n’ayant pas répondu à la demande de communication des contrats, FIFA TMS a envoyé un second courrier au Club en fixant une date limite de réponse au 4 juin 2015. Le 4 juin 2015, RFC Seraing a transmis à FIFA TMS une copie signée de l’Accord de coopération. Le 2 juillet 2015, le secrétariat de la Commission de Discipline de la FIFA (le “Secrétariat FIFA”), via l’URBSFA, a ouvert une procédure disciplinaire à l’encontre du RFC Seraing pour violation des articles 18 bis et 18 ter du Règlement du Statut de Transfert des Joueurs de la FIFA (“RSTJ”). Le 3 juillet 2015, le Secrétariat a demandé à l’URBSFA de lui communiquer les preuves de la notification de la lettre d’ouverture de la procédure disciplinaire adressée à RFC Seraing. L’URBSFA a transmis au Secrétariat les preuves de notification demandées ainsi qu’une copie de la demande du RFC Seraing visant à obtenir une version française de la lettre précitée, celle-ci ayant été initialement rédigée en anglais. L’UBSFA a de plus informé le Secrétariat, de la modification du nom du Club en FC Seraing. Le 9 juillet 2015, le Secrétariat a transmis à RFC Seraing une copie de la lettre d’ouverture de la procédure en version française. Le même jour, RFC Seraing a saisi une instruction dans le TMS afin d’engager de manière permanente le joueur portugais X. (“Joueur”), libre de tout contrat et avec lequel un contrat de travail, intitulé “Contrat de joueur de football” (“Contrat de joueur”), a été conclu le 7 juillet 2015. A cette même date, RFC Seraing et Doyen ont signé un accord dénommé “Accord de participation aux droits économiques” (“ERPA”) et renvoyant à un Accord de partenariat. Aux termes de cet accord, le club a vendu à Doyen 25% des droits économiques du joueur susvisé, en contrepartie d’une somme de 50 000 euros. L’ERPA et le Contrat de joueur ont été téléchargés conjointement par RFC Seraing et Doyen dans le TMS.
B. La réglementation FIFA litigieuse Le RSTJ contient les dispositions suivantes:
“18bis Influence d’une tierce partie sur des clubs
1. Aucun club ne peut signer de contrat permettant au(x) club(s) adverse(s), et vice versa, ou à une quelconque autre partie ou à des tiers d’acquérir dans le cadre de travail ou de transferts la capacité d’influer sur l’indépendance ou la politique du club ou encore sur les performances de ses équipes.
2. La Commission de Discipline de la FIFA peut imposer des sanctions aux clubs ne respectant pas les obligations stipulées dans le présent article”.
“18ter Propriété des droits économiques des joueurs
1. Aucun club ou joueur ne peut signer d’accord avec un tiers permettant à celui-ci de pouvoir prétendre, en partie ou en intégralité, à une indemnité payable en relation avec le futur transfert d’un joueur d’un club vers un autre club, ou de se voir attribuer tout droit en relation avec un transfert ou une indemnité de transfert futur(e).
2. L’interdiction énoncée à l’alinéa 1 entre en vigueur le 1er mai 2015.
3. Les accords couverts par l’alinéa 1 antérieurs au 1er mai 2015 peuvent rester valables jusqu’à leur expiration contractuelle. Cependant, leur durée ne peut être prolongée.
4. La durée de tout accord couvert par l’alinéa 1 signé entre le 1er janvier 2015 et le 30 avril 2015 ne peut excéder un an à partir de la date effective.
5. D’ici à la fin du mois d’avril 2015, tous les accords existants couverts par l’alinéa 1 doivent être entrés dans TMS. Tous les clubs ayant signé des accords de ce type doivent les soumettre – dans leur intégralité et en incluant tout amendement ou annexe – dans TMS, en spécifiant les informations relatives au tiers concerné, le nom complet du joueur ainsi que la durée de l’accord.
6. La Commission de Discipline de la FIFA peut imposer des sanctions disciplinaires aux clubs ou joueurs ne respectant pas les obligations stipulées dans la présente annexe”.
La notion de “tiers” y est définie comme suit:
“14.
Tiers: partie autre que les deux clubs transférant un joueur de l’un vers l’autre, ou tout club avec lequel le joueur a été enregistré”. L’adoption et le contenu des articles ci-dessus sont liés à la volonté de la FIFA de limiter l’influence que peuvent exercer des acteurs extérieurs au monde football sur ce dernier, notamment par le biais du “third-party ownership”. La pratique du “third-party ownership”, dit “TPO” consiste en l’investissement par une tierce partie dans les droits économiques d’un joueur de football, en échange d’un droit à recevoir une part de la valeur de tout transfert futur du joueur. RFC Seraing retient plutôt la définition de TPI (“third-party investment”) à celle de TPO (“third party ownership”) Cette pratique constitue une forme de financement des clubs de football. Le TPO a suscité d’importantes inquiétudes dans le public et les institutions du football à partir de questions touchant notamment à l’intégrité des compétitions, l’opacité des activités des investisseurs TPO, au risque de manipulation des résultats, de blanchiment d’argent et d’autres activités criminelles; il a aussi soulevé des questions éthiques relatives notamment aux notions de propriété et de commerce des droits économiques des joueurs eux-mêmes. Dans plusieurs États-membres de l’Union européenne, ces inquiétudes ont entrainé l’adoption de mesures visant à endiguer et même interdire cette pratique, comme en France en 1988, en Angleterre 2008 et plus récemment en Pologne. En tant qu’organisation dirigeante du football au niveau mondial, la FIFA s’est donc saisie des problématiques soulevées par l’influence exercée sur les joueurs et les clubs par des personnes extérieures au monde du football au travers notamment des TPO. Depuis 2008, l’article 18bis du RSTJ interdit ainsi aux clubs de signer des contrats “permettant à une quelconque autre partie ou à des tiers d’acquérir dans le cadre de travail ou de transferts, la capacité d’influer sur l’indépendance ou la politique du club ou encore sur les performances de ses équipes”. À partir de 2012 la FIFA a engagé diverses études, consultations et discussions avec les principaux acteurs du football relativement au TPO, en particulier:
- À partir de novembre 2012, les problématiques associées aux TPO ont été débattues dans différentes commissions permanentes de la FIFA dont notamment la Commission du Football, la Commission du Football de Clubs, la Commission du Statut du Joueur.
- La FIFA a mandaté en janvier 2013 le Centre international d’étude du sport (CIES) puis en août 2013 Centre de Droit et d’Économie du Sport (CDES) afin d’étudier les différentes approches et pratiques réglementaires nationales concernant la propriété des droits économiques des joueurs par des tiers, d’analyser leur impact tant sur les plans économique et financier qu’ en termes d’intégrité, sur le monde du football.
- Les associations membres de la FIFA ont été invitées à remplir des questionnaires et à répondre à différentes requêtes d’informations.
- Le 12 mai 2014, les synthèses des rapports rédigés par le CIES et par le CDES ont été communiquées aux associations membres de la FIFA. Ce processus a conduit le Comité exécutif de la FIFA à modifier le RSTJ et à lui ajouter un article 18ter, lors des séances des 18 et 19 décembre 2014. L’article 18ter du RSTJ a un champ d’application plus restreint et précis que l’article 18bis dans le sens où la prohibition qu’il instaure vise ainsi plus spécifiquement les opérations de TPO. Ces nouvelles dispositions ont été promulguées au travers de la Circulaire FIFA 1464 du 22 décembre 2014.
C. La procédure engagée par la FIFA contre RFC Seraing Le 10 juillet 2015, FIFA TMS a ouvert une enquête concernant le transfert du Joueur et a demandé au Club de lui fournir une copie de tout accord de TPO ainsi que tout contrat que le Joueur pourrait avoir conclu avec une tierce partie. Le même jour, FIFA TMS a envoyé un second courrier à RFC Seraing en lui demandant de lui transmettre une copie de l’Accord de partenariat mentionné par l’ERPA. Le même jour, RFC Seraing a répondu à ces deux demandes. Il a indiqué que l’Accord de partenariat mentionné dans l’ERPA était en fait l’Accord de coopération, joignant une copie de ce dernier. Il a par ailleurs déclaré ne pas avoir conclu d’autres accords avec d’autres tierces parties. Le 21 juillet 2015, le Secrétariat a étendu le champ d’application de la procédure disciplinaire à une violation potentielle par le Club des articles 18bis et 18ter du RSTJ résultant de la conclusion de deux accords avec des tierces parties. Le Secrétariat lui a accordé un délai au 31 juillet 2015 Club pour présenter sa position. RFC Seraing n’a pas transmis de réponse dans les délais prescrits par les courriers du Secrétariat en date des 2 et 21 juillet 2015. Le 3 août 2015, le Secrétariat a informé RFC Seraing que l’affaire serait soumise le 4 septembre 2015 à la Commission de Discipline de la FIFA. Le 1er septembre 2015, l’URBSFA a transmis au Secrétariat un courrier envoyé le même jour par RFC Seraing. Le Club y affirmait que l’autorité espagnole de la concurrence avait établi, sans doute aucun, que l’interdiction de la tierce propriété par la FIFA était illégale. Un document émanant de ladite autorité était joint au courrier du Club. RFC Seraing demandait de plus, que l’affaire soit suspendue jusqu’à ce que soient finalisées des procédures en cours devant les juridictions belges et françaises ainsi que devant la Commission européenne concernant l’interdiction de la TPO. Le 4 septembre 2015, la Commission de Discipline de la FIFA a rendu une décision (la “Décision de la CD FIFA”) dont le dispositif est reproduit ci-après:
“1. Le club FC SERAING est déclaré coupable de violations de l’art. 18bis du Règlement du Statut et du Transfert des Joueurs de la FIFA pour avoir conclu des contrats qui permettent à une tierce partie d’acquérir dans le cadre de travail ou de transferts des joueurs la capacité d’influer sur l’indépendance et la politique du club.
2. Le club FC SERAING est déclaré coupable de violations de l’art. 18ter du Règlement du Statut et du Transfert des Joueurs de la FIFA pour avoir conclu des accords avec un tiers permettant à celui-ci de pouvoir prétendre à une indemnité payable en relation avec le futur transfert de certains joueurs et de se voir attribuer des droits en relations avec un transfert ou une indemnité de transfert future, entre autres, dans le cadre du transfert du joueur X. (instruction TMS 116143).
3. En application de l’art.12 lit. a) et de l’art.23 du Code Disciplinaire de la FIFA (CDF), il est interdit au club FC SERAING d’enregistrer des joueurs, tant au niveau national qu’international, pendant les quatre (4) périodes d’enregistrement, complètes et consécutives, suivant la notification de la présente décision.
4. Le club FC SERAING est condamné au paiement d’une amende de CHF 150.000. Celle-ci doit être acquittée dans les 30 jours suivant la notification de la présente décision(…)”. Le 17 septembre 2015, le dispositif de la Décision de la CD FIFA a été communiqué par fax au Club et à l’URBSFA. Le 27 novembre 2015, la Décision motivée a été notifiée à RFC Seraing et à l’URBSFA.
Le 30 novembre 2015, RFC Seraing a annoncé son intention d’introduire un recours contre cette décision, devant la Commission de Recours de la FIFA Le 3 décembre 2015, RFC Seraing a demandé au Président de la Commission de Recours de la FIFA le sursis à exécution de la Décision de la CD FIFA. Le 4 décembre 2015, le Président de la Commission de Recours de la FIFA a fait droit à la demande du RFC Seraing et a suspendu l’exécution de la Décision de la CD FIFA. Le 7 décembre 2015, RFC Seraing a transmis au Secrétariat son mémoire de recours et a indiqué que d’autres documents relatifs aux procédures en cours seraient présentés au cours des semaines suivantes. Par une décision en date du 7 janvier 2016, la Commission de Recours de la FIFA a rendu sa décision (“Décision de la CR FIFA”), rejetant le Recours du RFC Seraing, confirmant la Décision de la CD FIFA et mettant à la charge du RFC Seraing le montant des frais et débours de CHF 3.000. Cette décision a été notifiée à RFC Seraing et à l’URBSFA le 22 février 2016.
III. LA PROCÉDURE DEVANT LE TRIBUNAL ARBITRAL DU SPORT (“TAS”) Le 9 mars 2016, RFC Seraing a formé appel de la Décision de la CR FIFA auprès du TAS et fait part de sa volonté de désigner Me Bernard Hanotiau en qualité d’arbitre. Par un courrier du 22 mars 2016, l’Intimée a informé le TAS de sa volonté de nommer Me Ruggero Stincardini en qualité d’arbitre. Le 17 mars 2016, l’Appelant a soumis son Mémoire d’appel dans lequel il formule, outre une demande d’effet suspensif de la décision attaquée, les conclusions suivantes:
“Par ces motifs, l’appelante demande que la Formation arbitrale:
- A titre principal, juge que les sanctions infligées par la décision querellée sont illicites, en raison de l’illégalité des dispositions réglementaires sur lesquelles cette décision prétend se fonder, à savoir l’interdiction totale des TPO/TPI telle que contenue dans la Circulaire FIFA 1464 (nouveaux articles 18 bis et 18 ter du RSTJ).
- Complémentairement, confirme que - en tout état de cause - au vu du libellé du dispositif de la première décision disciplinaire (confirmée par la décision dont appel), l’interdiction d’enregistrer des joueurs ne peut commencer à courir qu’au premier jour de la première période de transfert visée par l’interdiction.
- A titre infiniment subsidiaire, juge que les sanctions infligées par la décision querellée (soit 150.000 CHF et une interdiction de recrutement portant sur 4 périodes d’enregistrements) sont gravement disproportionnées et y substitue une sanction satisfaisant à l’exigence de proportionnalité.
- Condamne l’intimée à supporter la totalité des frais de la procédure et alloue à l’appelante un montant fixé ex aequo et bono afin de compenser ses frais de défense”. Par un courrier en date du 24 mars 2016, l’Intimée a informé le TAS qu’elle était disposée à accepter la demande d’effet suspensif de l’Appelant et à suspendre la Décision de la CR FIFA jusqu’à notification de la sentence arbitrale du TAS, sous réserve que cette dernière puisse être notifiée avant l’ouverture de la période d’enregistrement au sein de l’URBSFA, le 1er juillet 2016. L’Intimée a souligné que l’acceptation sous conditions de la requête d’effet suspensif ne constituait pas une reconnaissance de la réunion desdites conditions. L’Intimée a de plus demandé au TAS la suspension du délai fixé pour la réponse à la requête d’effet suspensif jusqu’à qu’une décision soit prise quant aux dates d’audiences et de prononcé de la sentence. Le 30 mars 2016, l’Appelant a fait parvenir au TAS une copie d’un article de presse concernant les sanctions disciplinaires imposées par l’Intimée à plusieurs clubs pour pratique du TPO en soulignant que celles prononcées contre lui, étaient exagérément sévères et sans commune mesure avec celles-ci. L’Appelant a de plus demandé la production par l’Intimée de copies des décisions disciplinaires mentionnées dans l’article de presse. Le 1er avril 2016, l’Appelant a rejeté la proposition de l’Intimée concernant les dates d’audiences et de prononcé de la sentence. Le 5 avril 2016, le TAS a informé par courrier les Parties, de la composition de la Formation arbitrale (la “Formation arbitrale”) appelée à se prononcer sur le litige les concernant et transmis les Déclarations d’acceptation et d’indépendance complétées et signées par ses membres, soit: M. Bernard Foucher (Président), Me Bernard Hanotiau (Arbitre) et Me Ruggero Stincardini (Arbitre). Le 11 avril 2016, l’Intimée s’est finalement opposé à l’octroi d’un effet suspensif de la Décision de la CR FIFA tout en précisant être disposée à y consentir à la double condition que l’effet suspensif ne soit accordé que jusqu’à la notification de la sentence arbitrale à intervenir et qu’un calendrier procédural soit convenu afin qu’une sentence puisse être rendue et notifiée dans son dispositif avant la mi-août 2016. À cet égard, l’Intimée a indiqué que si la Décision de la CR FIFA devait être confirmée, la période d’enregistrement devant s’ouvrir le 15 juin 2016 auprès de l’URBSFA ne serait pas concernée par une éventuelle sanction. Le 12 avril 2016, le TAS a informé les Parties de la suspension de la Décision de la CR FIFA jusqu’à la notification de la sentence arbitrale par le TAS. Le 18 avril 2016, l’Intimée a soumis sa Réponse à l’appel du RFC Seraing. Elle y formule les demandes suivantes:
“Étant donné que tous les moyens et arguments invoqués par l’Appelant doivent être écartés, nous demandons à la Formation:
1. De rejeter le recours de l’Appelant auprès du TAS;
2. De confirmer la décision sujette au présent appel;
3. D’ordonner à l’Appelant d’assumer en entier les frais de procédure subis par la présente procédure ainsi que ceux subis par l’Intimée”. L’Appelant et l’Intimée ont, par des courriers respectivement datés des 19 et 21 avril 2016, confirmé solliciter la tenue d’une audience. Par un courrier du 6 juin 2016, le TAS a transmis aux Partis la déclaration d’acceptation de d’indépendance complétée et signée par Me Hervé Le Lay désigné comme greffier ad hoc dans le cadre de la procédure. Une Ordonnance de procédure en date du 19 août 2016 a été transmise aux parties qui l’ont retournées au TAS, dûment signée, le 5 septembre 2016 pour l’Appelant et le 7 septembre 2016 pour l’Intimée. Le 17 octobre 216, une audience s’est tenue à Lausanne au siège du TAS en présence de la Formation arbitrale, du greffier ad hoc et de Me William Sternheimer, Secrétaire général adjoint du TAS. Les personnes suivantes étaient également présentes à l’audience:
- Pour l’Appelant: Me Alfredo Garzon, Me Martin Hissel, Me Jean-Louis Dupont, Me Jean-Michel Marmayou, avocats; M. Mario Franchi, Président, M. Pacal Mackels, Administrateur, et M. Christian Bartosch de l’administration du club;
- Pour l’Intimée: M. Marc Cavaliero, M. Jaime Cambreleng, M. Jacques Blondin, et Me Ami Barav, avocat. Au cours de l’audience, les Parties ont eu l’occasion de présenter et défendre leurs positions respectives. Au cours de l’audience, l’Appelant et l’Intimée n’ont pas formulé de grief relatif à la conduite de la procédure et de l’audience. Les principaux arguments clés des Parties sont brièvement résumés dans la partie “Discussion” de la présente sentence. La Formation arbitrale a toutefois naturellement attentivement étudié le dossier de la cause et tenu compte de tous les arguments présentés et les preuves produites au cours de la phase écrite comme de la phase orale, y compris de ceux et celles auxquelles il n’est pas fait expressément référence dans la présente sentence. L’Appelant a formulé à plusieurs reprises des demandes de suspension de la présente procédure dans l’attente de décisions à intervenir dans d’autres procédures devant la Commission européenne et devant les juridictions nationales belges, relatives à la légalité du TPO ainsi que dans l’attente de la communication de la motivation d’une décision du Tribunal fédéral suisse relatif à un recours en annulation à l’encontre d’une sentence TAS concernant un litige contractuel relatif à un contrat de type TPO. De telles demandes ont en particulier été formulées dans la Motivation d’appel du 17 mars 2016, puis par courriers des 19, 28 décembre 2016 et 12 janvier 2017. Cette demande a notamment été renouvelé par courriel du 13 janvier 2017 par lequel l’Appelant a transmis au TAS l’arrêt du Tribunal fédéral suisse susvisé, dans sa version complète incluant sa motivation, en estimant que cette motivation établissait que les contrats de type TPO ne violent pas l’ordre public et sont donc légaux.
IV. COMPÉTENCE DU TAS, RECEVABILITÉ ET DROIT APPLICABLE
A. Compétence du TAS La compétence du TAS n’est contestée par aucune des Parties et a été confirmée par la signature de l’Ordonnance de Procédure. L’article R47 du Code dispose que:
“Un appel contre une décision d’une fédération, association ou autre organisme sportif peut être déposé au TAS si les statuts ou règlements dudit organisme sportif le prévoient ou si les parties ont conclu une convention d’arbitrage particulière et dans la mesure aussi où l’appelant a épuisé les voies de droit préalables à l’appel dont il dispose en vertu des statuts et règlements dudit organisme sportif”. La Décision attaquée en l’espèce, a été rendue par la Commission de Recours de la FIFA le 7 janvier 2016 en application des dispositions du Règlement du Statut et du Transfert des Joueurs et des statuts de la FIFA. L’article 67 alinéa 1 des statuts de la FIFA dispose que:
“Tout recours contre des décisions prises en dernière instance par la FIFA, notamment les instances juridictionnelles, ainsi que contre des décisions prises par les confédérations, les membres ou les ligues doit être déposé auprès du TAS dans un délai de vingt-et-un jours suivant la communication de la décision”. Dans le cas d’espèce, il n’est pas contesté par les parties que la Décision de la Commission de Recours de la FIFA est directement susceptible d’appel devant le TAS. Par conséquent, le TAS est compétent pour connaître de l’appel formulé à l’encontre de la Décision de la Commission de Recours de la FIFA.
B. Recevabilité L’article 67 alinéa 1 des statuts de la FIFA dispose que le délai pour déposer un appel devant le TAS est de 21 jours suivant la communication de la décision attaquée. En l’espèce, la déclaration d’appel du RFC Seraing du 9 mars 2016 est parvenue au TAS en temps utile, dès lors que la Décision de la Commission de Recours de la FIFA lui a été personnellement notifiée par la FIFA le 22 février 2016. Par ailleurs, la déclaration d’appel répond aux exigences de forme des articles R47, R48 et R65.2 du Code. L’appel est donc recevable.
C. Droit applicable L’Appelant se prévaut dans ses demandes de l’application du “droit UE” ainsi que du droit suisse.
Il fait de plus valoir, qu’en sa qualité de personne morale de droit belge, il est aussi fondé à invoquer la protection du droit belge, notamment, à propos de son argumentation concernant la proportionnalité des sanctions infligées par la FIFA. Ainsi, l’Appelant indique que “RFC Seraing, en sa qualité d’entreprise européenne et belge, estime qu’il est approprié - en l’espèce - d’appliquer (outre les dispositions de droit suisse auxquelles il est fait référence ci-dessus) notamment les dispositions d’ordre public du droit UE et du droit belge invoquées précédemment ainsi que dans les conclusions jointes en annexe 3”. L’Intimée fait valoir que:
- D’après l’article 1. Alinéa 1er des statuts de la FIFA, celle-ci est une association “au sens des art. 60 ss. du Code civil suisse et est dès lors soumise au droit suisse”;
- Selon l’article 66 alinéa 2 des statuts de la FIFA, les dispositions du Code de l’arbitrage en matière de sport régissent la procédure arbitrale et en conséquence, le TAS doit appliquer en premier lieu les divers règlements de la FIFA ainsi que le droit suisse à titre supplétif;
- Le TAS fait de manière constante une application stricte de l’article R58 du Code du TAS. Exception n’est faite aux règles de cet article qu’en cas de raisons impérieuses, lesquelles ne sont pas présentes en l’espèce;
- Les parties n’ont pas fait d’élection de droit. L’Intimée en déduit que les “divers règlements de la FIFA ainsi que, à titre supplétif, le droit suisse doivent être appliqués dans la présente procédure devant le TAS” et que le “droit belge ne saurait trouver application”. La Formation arbitrale relève que l’article R58 du Code, dispose que:
“Droit applicable au fond:
La Formation statue selon les règlements applicables et, subsidiairement, selon les règles de droit choisies par les parties, ou à défaut de choix, selon le droit du pays dans lequel la fédération, association ou autre organisme sportif ayant rendu la décision attaquée a son domicile ou selon les règles de droit que la Formation estime appropriées. Dans ce dernier cas, la décision de la Formation doit être motivée”. La Formation arbitrale retient également que l’article 66 alinéa 2 des statuts de la FIFA prévoit que:
“La procédure arbitrale est régie par les dispositions du Code de l’arbitrage en matière de sport du TAS. Le TAS applique en premier lieu les divers règlements de la FIFA ainsi que le droit suisse à titre supplétif”. Les Parties s’accordent sur l’applicabilité des règlements de la FIFA (sous la réserve de la contestation de la validité des articles 18bis et 18ter RSTJ) et du droit Suisse qui sont donc applicables au litige. La Formation arbitrale considère que le droit de l’Union Européenne (“droit de l’UE”), dont notamment les dispositions des traités en matière de liberté de circulation et de droit de la concurrence, doivent être prises en compte par la Formation arbitrale, dans la mesure où elles constituent des dispositions impératives du droit étranger au sens de l’article 19 de la Loi fédérale sur le droit international privé du 18 Décembre 1987 (“LDIP”). En effet, l’article Art. 19 de la LDIP dispose que:
“1. Lorsque des intérêts légitimes et manifestement prépondérants au regard de la conception suisse du droit l’exigent, une disposition impérative d’un droit autre que celui désigné par la présente loi peut être prise en considération, si la situation visée présente un lien étroit avec ce droit.
2. Pour juger si une telle disposition doit être prise en considération, on tiendra compte du but qu’elle vise et des conséquences qu’aurait son application pour arriver à une décision adéquate au regard de la conception suisse du droit”. Un tribunal arbitral siégeant en Suisse, comme c’est le cas en l’espèce d’après l’article R28 du Code, doit prendre en compte les dispositions impératives du droit étranger lorsque trois conditions sont cumulativement remplies:
i. Ces dispositions relèvent d’une catégorie de normes qui doivent recevoir application quelque soit le droit applicable au fond du litige;
ii. Il existe une relation étroite entre l’objet du litige et le territoire ou les dispositions impératives du droit étranger sont en vigueur:
iii. Au vu de la théorie et la pratique du droit Suisse, les dispositions impératives doivent viser à la protection des intérêts légitimes et des valeurs fondamentales et leur application doivent mener à une décision appropriée. Le raisonnement suivi en l’espèce, par la Formation arbitrale rejoint celui adopté par le TAS dans la sentence rendue le 20 août 1999 dans l’affaire 98/200, (§§ 40-43) et dans la sentence rendue le 23 juin 2016 dans l’affaire 2016/A/4492 (§§ 41 et s.) concernant la satisfaction de ces trois conditions. En effet,
i. Les dispositions de droit européen, concernant notamment le droit de la concurrence et les libertés de circulation, sont communément considérées comme des règles impératives par les juridictions de l’Union et la doctrine;
ii. Les relations étroites entre (a) le territoire sur lequel le droit européen est en vigueur et (b) l’objet du litige, tiennent au fait que la mise en cause de la légalité du RSTJ a un impact évident sur le territoire européen. En effet, le RSTJ vise à réguler l’activité des clubs de football, dont de nombreux clubs européens. De plus, la Décision attaquée affecte notamment la participation du RFC Seraing à des compétitions se déroulant sur le sol européen.
iii. Enfin, l’ordre juridique suisse partage les intérêts et valeurs protégées par le droit européen et notamment les dispositions de droit européen en matière de droit de la concurrence et de libertés de circulation. Dès lors et quand bien même les règlements de la FIFA et le droit suisse sont applicables au fond du litige conformément aux dispositions de l’article R58 du Code, la Formation arbitrale estime devoir tenir compte des règles impératives de droit de l’Union européenne invoquées par les parties. En ce qui concerne enfin le droit belge, la Formation arbitrale considère que celui-ci n’est pas applicable à la présente procédure en vertu de l’article R58 du Code et de l’article 66 des Statuts de la FIFA. Elle estime qu’en tout état de cause, ses dispositions impératives ne sont invoquées par l’Appelant, qu’en vue de justifier l’existence d’un principe de proportionnalité de la sanction aux manquements établis, principe dont les parties conviennent qu’il existe également en droit européen et en droit suisse et l’Appelant n’a pas démontré en quoi le principe de proportionnalité de la sanction revêtirait en droit belge, des spécificités particulières. Dès lors, les arguments tirés de ce droit sont indifférents à la solution du litige.
V. SUR LES DEMANDES DE SUSPENSION DE LA PROCÉDURE L’Appelant a formulé à plusieurs reprises des demandes de suspension de la présente procédure dans l’attente de décisions à intervenir dans d’autres procédures devant la Commission européenne et devant les juridictions nationales belges relatives à la légalité du TPO ainsi que dans l’attente de la communication de la motivation d’une décision du Tribunal fédéral suisse relatif à un recours en annulation à l’encontre d’une sentence TAS concernant un litige contractuel relatif à un contrat de type TPO, décision qui a par la suite été communiquée par l’Appelant à la Formation arbitrale. L’Appelant invoque la bonne administration de la justice au soutien de ses requêtes et soutient que la décision du Tribunal Fédéral suisse décision légaliserait le recours aux contrats de type TPO. La FIFA s’est opposée à chacune de ces demandes, plus particulièrement par un courriel du 13 janvier 2017 en estimant notamment que le Tribunal fédéral suisse ne s’est nullement prononcé sur la licéité de l’interdiction du TPO. Quant aux demandes de suspension fondées sur l’existence de procédures pendantes devant la Commission européenne et les juridictions nationales belges relatives à la légalité de l’interdiction du TPO, la Formation relève que
- L’objet des procédures est en partie similaire dès lors qu’il est demandé dans l’ensemble de celles-ci, de déclarer les articles 18bis et 18ter du RSTJ illégaux. Les moyens invoqués sont essentiellement identiques, l’Appelant se contentant pour l’essentiel dans le présent arbitrage de renvoyer aux écritures soumises dans ces autres procédures. L’Intimée a également soumis et fait référence à ses écritures dans ces autres procédures. Toutefois, le présent arbitrage porte principalement sur la Décision de la CR FIFA dont il est fait appel devant la Formation arbitrale, ce qui n’est pas le cas de ces autres procédures. L’illicéité des articles 18bis et 18ter du RSTJ ne constitue qu’un moyen développé à cette fin par l’Appelante. La portée de la présente sentence est ainsi limitée au cas particulier de la confirmation ou de l’infirmation de la Décision de la CR FIFA.
- La Formation arbitrale est, ainsi qu’il a été dit, pleinement compétente pour connaitre des demandes formulées dans le présent arbitrage.
- Les délais dans lesquelles des décisions pourraient être rendues dans ces procédures sont incertains et potentiellement longs comme cela ressort en particulier des derniers courriers des parties relatif à ces procédures des 6 et 7 février 2017, des recours pourraient en outre être formés contre ces décisions une fois rendues. En conséquence, la Formation arbitrale rejette ces demandes. Quant à la requête de suspension fondée sur le rejet par le Tribunal fédéral suisse, d’un recours en annulation à l’encontre d’une sentence rendue par le TAS (TAS 2014/A/3781 et 3782) fin 2015 relative à un contrat de TPO et après examen des motifs de cette décision, la Formation arbitrale relève que l’objet de cette procédure ne présente pas de connexité avec le présent arbitrage. Il s’agit d’un litige purement contractuel entre un club de football et Doyen. Les parties ne sont pas les mêmes et les arguments développés non plus, l’argumentation relative à l’illégalité du contrat de type TPO est fondée sur le droit suisse, mais pas sur le droit de la concurrence suisse et ne porte pas sur la légalité de l’interdiction des articles 18bis et 18ter du RSTJ. D’ailleurs, le contrat en cause dans ce litige est antérieur à la version du RSTJ débattue dans le présent arbitrage, qui ne comprenait pas l’interdiction spécifique des contrats de TPO de l’article 18ter du RSTJ. En conséquence, la Formation arbitrale rejette également cette demande.
VI. SUR LE FOND À titre liminaire, la Formation arbitrale relève que l’Appelant ne conteste pas directement les conclusions de la Décision de la CR FIFA suivant lesquelles elle a violé les articles 18bis et 18ter RSTJ en signant l’Accord de coopération et l’ERPA. En effet, si l’appel est bien dirigé contre la Décision de la CR FIFA prononçant des sanctions, il est fondé à titre principal, sur l’exception d’illégalité des articles 18bis et 18 ter susvisés puisque RFC Seraing soutient que les sanctions imposées à son encontre par la Décision contestée sont illégales pour être fondées sur les dispositions des articles 18bis et 18ter RSTJ qui sont elles-mêmes illégales, au motif que ces articles sont contraires au droit de l’UE ainsi qu’au droit suisse, en ce compris la Convention européenne des droits de l’homme (“CEDH”). Le Club soutient à titre subsidiaire que la sanction imposée par la Décision de la CR FIFA doit s’interpréter comme s’appliquant à partir du premier jour de la première période d’enregistrement suivant le moment où cette sanction deviendrait définitive. Enfin le Club soutient à titre infiniment subsidiaire que les sanctions imposées par la Décision de la CR FIFA seraient grossièrement disproportionnées et demande que ces sanctions soient en conséquence modifiées. Dès lors, les questions auxquelles la Formation arbitrale doit répondre sont les suivantes:
A. Les articles 18bis et 18ter RSTJ et en conséquence les sanctions imposées sur leur fondement par la Décision de la CR FIFA sont-ils illégaux?
B. Dans le cas où la Formation arbitrale conclurait par la négative à la première question, les sanctions imposées par la Décision de la CR FIFA sont-elles grossièrement disproportionnées, et si cela est le cas quelles seraient les sanctions proportionnées?
C. Dans le cas où la Formation arbitrale retiendrait une sanction et statuerait sur son quantum, à compter de quelle date s’applique la sanction d’interdiction d’enregistrement de nouveaux joueurs, infligée par la Décision de la CR FIFA?
A. Légalité des articles 18bis et 18ter du RTSJ Plusieurs procédures relatives à l’interdiction des TPO et à la légalité et l’application des articles 18bis et 18ter du RSTJ ont été engagées devant des juridictions nationales, des autorités nationales chargés d’assurer le respect du droit de la concurrence ainsi que la Commission européenne, par l’Appelant et/ou Doyen. La Formation arbitrale note que l’existence de ces procédures n’affecte pas sa compétence pour connaitre du litige qui lui a été soumis par les Parties, ce que les Parties ne contestent pas. La Formation arbitrale souligne de plus, qu’elle n’est en rien liée par les décisions intervenues ou à intervenir dans le cadre de ces procédures. Toutefois les Parties ont fait de très nombreuses références à ces différentes procédures, aux débats, écritures et décisions auxquels elles ont donné lieu, de telle sorte que la Formation arbitrale ne saurait ignorer le contexte dans lequel intervient sa décision. Aussi convient-il de rappeler les procédures relatives à l’interdiction des TPO évoquées par les parties:
- Une procédure au fond est pendante devant les juridictions belges opposant, entre autres, Doyen en qualité de demanderesse, la Ligue de football professionnel espagnole et RFC Seraing, intervenantes volontaires, à la FIFA, l’UEFA, la Fifpro et l’URBSFA. Dans le cadre de cette procédure, RFC Seraing a demandé notamment au Tribunal de commerce de Bruxelles de se déclarer compétent et de poser des questions préjudicielles à la CJUE concernant la compatibilité de l’interdiction totale des TPO avec les libertés de circulation, consolidées par la Charte des Droits fondamentaux de l’Union Européenne ainsi qu’avec le droit européen de la concurrence. Une ordonnance a par ailleurs été rendue par le Président du Tribunal de première instance de Liège déboutant RFC Seraing de ses demandes qui visaient notamment au maintien de la suspension des sanctions disciplinaires prises par la FIFA à son égard jusqu’à une décision du Tribunal de commerce de Bruxelles ou de la Commission européenne. Le Tribunal de commerce de Bruxelles s’est déclaré incompétent le 17 Novembre 2016, un appel a été formé devant la Cour d’appel de Bruxelles.
- Un arrêt a été rendu par la Cour d’appel de Bruxelles le 10 mars 2016 dans le cadre d’un litige opposant Doyen et RFC Seraing, parties appelante, à la FIFA, l’UEFA, la Fifpro et l’URBSFA, parties intimées, confirmant l’ordonnance prononcée le 25 juillet 2015 par le Président du tribunal de première instance de Bruxelles siégeant en référé, qui rejetait notamment les demandes présentées par Doyen et RFC Seraing visant à faire interdire à la FIFA, l’URBSFA et l’UEFA la mise en oeuvre de l’interdiction des TPO.
- Une procédure au fond est en cours devant le Tribunal de grande instance de Paris et oppose Doyen Sports à la FIFA, l’UEFA, la Fédération française de football et la Ligue de football professionnel française.
- Des plaintes pour violation du droit de la concurrence ont été déposées auprès de la Commission européenne par la Ligue de football professionnel espagnole, par la Ligue de football professionnel portugaise, par Doyen, par RFC Seraing, par l’ancien président du FC Twente et par des supporters de ce club, à l’encontre de la FIFA.
- Une procédure a été initiée devant l’Autorité suisse de la concurrence sur dépôt d’une plainte par la Ligue de football professionnel espagnole à l’encontre de la FIFA pour violation de la loi fédérale sur les cartels et autres restrictions de concurrence résultant de l’interdiction des TPO. L’Appelant conteste devant la Formation arbitrale, la légalité des articles 18bis et 18ter du RSTJ, au regard:
- de dispositions de l’UE. Sur ce point, la Formation arbitrale souligne que l’Appelant se contente de procéder à une motivation par référence en renvoyant “intégralement aux pages 45 à 107 (censées ici complètement reproduites) des conclusions jointes en annexe 3 et aux pièces mentionnées qui constituent ainsi l’argumentation en droit européen à l’appui du présent appel”, procédure que ne parait pas écarter l’article 51 du Code, mais que la Formation estime en l’espèce, peu appropriée au traitement de cette affaire par le TAS.
- de dispositions de la CEDH et de la Charte des Droits Fondamentaux de l’UE;
- de dispositions de droit suisse;
- de la jurisprudence du TAS.
A.1. Légalité des articles 18bis et 18ter RSTJ au regard du droit de l’UE L’Appelant soutient que les articles 18bis et 18ter du RSTJ, d’une part, seraient contraires à plusieurs libertés garanties par le TFUE et d’autre part, créeraient une entrave à la liberté de concurrence et seraient constitutifs d’un abus de position dominante.
A.1.1. Légalité des articles 18bis et 18ter du RSTJ au regard des libertés garanties par le TFUE Selon l’Appelant, ces articles portent plus spécifiquement atteinte à la liberté de circulation des capitaux (article 63 TFUE), à la liberté de circulation des travailleurs (article 45 TFUE), à la liberté de prestation de services (article 56 TFUE), consolidés par les articles 15 (liberté professionnelle et de travailler) et 16 (liberté d’entreprise) de la Charte des Droits Fondamentaux de l’Union européenne, en ce qu’ils entravent ces libertés et que ces entraves résultent de l’activité réglementaire d’une fédération sportive. Or les instances de l’Union européenne ont déjà admis l’application du droit de l’UE pour le contrôle des entraves résultant des fédérations sportives, et non pas seulement des Etats (l’Appelant cite à cet égard l’arrêt Bosman de la CJCE (CJCE, 15 décembre 1995, aff. C-415/93 “Bosman”, § 82). L’Appelant ajoute
que:
i. dès lors qu’il existe une entrave, la charge de la preuve de leur éventuelle justification pèserait sur la FIFA.
ii. Ces entraves ne seraient pas justifiées par une raison impérieuse d’intérêt général et strictement proportionnées à la réalisation de l’intérêt légitime et noble que prétend poursuivre la FIFA par la mise en place de cette réglementation. L’Appelant renvoie d’ailleurs sur ce point, à son argumentaire relatif à l’article 101 TFUE, qui vise à démontrer que, d’une manière générale, l’objectif réel de ces dispositions serait de monopoliser un marché donné au profit des seuls clubs de football et que les objectifs mis en avant par la FIFA ne seraient qu’un leurre. La FIFA soutient pour sa part, que ces articles 18bis et 18ter du RSTJ ne constitueraient pas des restrictions incompatibles avec les articles 63, 45 et 56 TFUE dès lors que:
i. les effets restrictifs à ces libertés seraient trop indirects et aléatoires notamment en ce qui concerne les libertés de circulation des travailleurs et de prestation de services, et qu’en ce qui concerne la liberté de circulation des capitaux, ces textes n’interdiraient pas les investissements dans le football, puisque d’autres moyens d’investissement dans les clubs, que le TPO, sont possibles pour des entités étrangères au football.
ii. ces mesures, non discriminatoires, seraient justifiées parce que:
- leur objectif serait la préservation de la stabilité des contrats de joueurs, la garantie de l’indépendance et l’autonomie des clubs et des joueurs en matière de recrutement et de transferts, la sauvegarde de l’intégrité dans le football et du caractère loyal et équitable des compétitions, la prévention de conflits d’intérêts et le maintien de la transparence dans les transactions liées aux transferts de joueurs;
- elles seraient nécessaires à l’atteinte de ces objectifs et n’iraient pas au-delà de ce qui est nécessaire pour y parvenir. Par ailleurs, l’Intimée n’a pas contesté que ces dispositions du TFUE s’imposent à la FIFA dans le cadre de son activité règlementaire et puissent être invoquées par RFC Seraing afin de contester la légalité de règlementations édictées par la FIFA. La Formation arbitrale relève que la Cour de justice de l’Union Européenne (“CJUE”) ne s’est pas prononcée dans le domaine du sport quant à la liberté de circulation des capitaux. Mais, elle a en revanche, considéré que “l’abolition entre les Etats membres des obstacles à la libre circulation des personnes et à la libre prestation des services, objectifs fondamentaux de la Communauté, énoncés à l’article 3, lettre c), du traité [instituant la Communauté économique européenne], serait compromise si l’abolition des barrières d’origine étatique pouvait être neutralisée par des obstacles résultant de l’exercice de leur autonomie juridique par des associations ou organismes ne relevant pas du droit public” pour en conclure que les dispositions relatives à la liberté de circulation des travailleurs et de prestation de services du Traité instituant la Communauté économique européenne s’appliquent aux réglementations émanant d’une organisation sportive, (dans les cas d’espèce l’Union Cycliste Internationale et l’UEFA) et peuvent être invoquées directement (CJCE, 12 décembre 1974, aff. 36-74 “Walrave”, §§15 et s.; CJCE, 15 décembre 1995, aff. C-415/93 “Bosman”, §§ 82 et s.). L’ensemble des dispositions du TFUE invoquées sont donc applicables à l’activité règlementaire de la FIFA.
A.1.1.1. Liberté de circulation des capitaux Les articles 18bis et 18ter RSTJ interdisent certains types d’accords de financements des clubs de football dès lors que ceux-ci auraient pour effet de permettre à toute partie “d’acquérir dans le cadre de travail ou de transferts la capacité d’influer sur l’indépendance ou la politique du club ou encore sur les performances de ses équipes” (article 18bis RSTJ) ou de permettre à un tiers “de pouvoir prétendre, en partie ou en intégralité, à une indemnité payable en relation avec le futur transfert d’un joueur d’un club vers un autre club, ou de se voir attribuer tout droit en relation avec un transfert ou une indemnité de transfert futur(e)” (article 18ter RSTJ). Il s’agit là d’une interdiction pure et simple des financements de clubs par certains investisseurs à partir de certains schémas de financement. Dès lors, la Formation arbitrale constate que les articles 18bis et 18ter instaurent une restriction aux mouvements de capitaux à partir, vers ou entre des États-membres de l’UE relatifs au financement des clubs. La Formation arbitrale relève, que cette interdiction posée par l’article 18bis du RSTJ n’est pas discriminatoire dès lors qu’elle s’applique “au(x) club(s) adverse(s), et vice versa, ou à une quelconque autre partie ou à des tiers” et s’applique donc à tous sans distinction. L’article 18ter RSTJ s’applique pour sa part “aux tiers” au sens du RSTJ, soit, selon le point 14 des définitions du RSTJ, toute “partie autre que les deux clubs transférant un joueur de l’un vers l’autre, ou tout club avec lequel le joueur a été enregistré”. L’interdiction posée par l’article 18ter s’applique donc à tous, autres que les clubs impliqués dans le transfert et les clubs auprès desquels le joueur en question aura été enregistré précédemment, qui se trouvent dans une situation particulière dès lors que d’une part, il peut être légitime qu’ils bénéficient d’un droit de suite, particulièrement dans les cas où ces clubs auront formé le joueur (comme cela est prévu par les règlements de la FIFA dans certaines situations), et d’autre part, dès lors qu’ils ont eu à transférer le joueur et qu’à cette occasion ils ont pu consentir un prix de transfert moindre à la valeur de marché, mais assorti d’une clause prévoyant un droit de suite. Mais s’il existe des entraves, les restrictions aux libertés garanties par le TFUE ne constituent pas nécessairement des entraves prohibées. Au-delà des justifications expressément prévues par le TFUE, qui ne sont pas invoquées en l’espèce, la CJCE admet les restrictions à ces libertés dès lors que la mesure restrictive “poursuit un objectif légitime et se justifie par des raisons impérieuses d’intérêt général” et “que l’application d’une telle mesure [est] propre à garantir la réalisation de l’objectif en cause et [ne va] pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif” (CJCE 15 décembre 1995, aff. C-415/93 “Bosman”, §§104 et s.; CJCE 31 mars 1993, aff. C-19/92 “Kraus”, § 32). La Formation arbitrale relève que la jurisprudence de la CJUE s’attache donc en pratique à la détermination de la légitimité de l’objectif poursuivi ainsi qu’à la nécessité et l’adéquation de la mesure en cause pour atteindre cet objectif (CJCE 15 décembre 1995, aff. C-415/93 “Bosman”, §§104 et s.; CJCE 13 avril 2000, aff. C-176/96 “Lehtonen”, §§ 53 et s.; CJCE 16 mars 2010, aff. C-325/08 “Olympique Lyonnais”, §§38 et s.). En l’espèce la FIFA invoque plusieurs objectifs poursuivis par les mesures en cause, et qu’il convient de reprendre: la préservation de la stabilité des contrats de joueurs, la garantie de l’indépendance et l’autonomie des clubs et des joueurs en matière de recrutement et de transferts, la sauvegarde de l’intégrité dans le football et du caractère loyal et équitable des compétitions, la prévention de conflits d’intérêts et le maintien de la transparence dans les transactions liées aux transferts de joueurs. La Formation arbitrale relève que RFC Seraing ne conteste pas la légitimité de ces objectifs et reconnait expressément la légitimité des objectifs tenant à la préservation de l’intégrité des compétitions et de l’intégrité commerciale, à la lutte contre le manque de transparence des investissements dans les clubs ainsi qu’à la protection de la liberté professionnelle des joueurs. Sans qu’il soit nécessaire d’analyser en détail la légitimité de ces objectifs dès lors qu’elle n’est pas contestée, la Formation arbitrale constate, sans que cela soit exhaustif, que l’objectif de préservation de la régularité des compétitions sportives (CJCE 13 avril 2000, aff. C-176/96 “Lehtonen”, §§ 53 et s.), de l’équilibre entre les clubs et l’incertitude des résultats (CJCE 15 décembre 1995, aff. C-415/93 “Bosman”, § 106), de l’intégrité sportive des compétitions, de la prévention des conflits d’intérêts et la confiance du public dans le caractère honnête de la compétition (Commission européenne, 25 juin 2002, aff. COMP/37 806 “ENIC”, §§ 28 et 37), de l’intégrité et l’objectivité de la compétition (CJCE 18 juillet 2006, aff. C-519/04 “Meca-Medina”, § 43), de la protection de l’image et de l’éthique du football (Cour d’Appel de Paris 13 avril 2016, n° 13/20972 “P. c/ Fédération internationale de football”), ont été jugés légitimes par la CJUE, la Commission européenne ou des juridictions d’États membres de l’UE. En conséquence, la Formation arbitrale, qui souscrit par ailleurs aux solutions dégagées par la Commission européenne et la CJUE à cet égard, considère comme établi que les objectifs invoqués par la FIFA pour justifier les mesures en cause et leurs effets restrictifs, sont des objectifs légitimes au sens de la jurisprudence de l’UE relative aux libertés garanties par le TFUE. RFC Seraing oppose alors que les mesures en cause ne sont pas justifiées au regard de ces objectifs en renvoyant sur ce point à son argumentaire relatif à l’article 101 TFUE et affirme que ces objectifs ne seraient pas les objectifs réels poursuivis par la FIFA. La Formation arbitrale estime cependant que RFC Seraing n’a apporté aucun élément convaincant établissant que les objectifs invoqués par la FIFA pour justifier l’adoption des articles 18bis et 18ter seraient des “leurres” et que l’unique objectif réellement poursuivi serait de garantir que les flux générés par les transferts de joueurs restent au sein des clubs de football ou encore, serait de monopoliser un marché donné au profit des clubs. Le seul argument formulé au soutien de cette affirmation consiste pour l’Appelant à exposer qu’il serait possible par exemple pour un investisseur, d’acquérir un club de football pour “jouer les TPO”, en enregistrant un joueur pendant 24 heures afin de faire partie de la catégorie de personnes autorisées par l’article 18ter à détenir des droits en relation avec un transfert ou une indemnité de transfert futur(e) concernant ce joueur. Cela démontrerait que les objectifs notamment éthiques, mis en avant par la FIFA, seraient fallacieux. La Formation arbitrale ne peut retenir un tel argument dès lors qu’il ne saurait établir que l’objectif poursuivi par FIFA, aurait été celui avancé par RC Seraing et non pas ceux qu’elle a invoqués. En outre, la Formation arbitrale relève que précisément, si un investisseur acquiert un club de football, celui-ci est alors soumis aux règlementations de la FIFA et à son contrôle. En revanche, il ressort largement tant des écritures des parties que des pièces soumises par celles-ci, ou encore des positions prises par le monde du football tels que la Fifpro, organisme indépendant représentant les joueurs professionnels, que la pratique du TPO a suscité et suscite chez de nombreux commentateurs et au sein des diverses instances et organisations du monde du football, de vives inquiétudes auxquelles répondent les objectifs invoqués par la FIFA. Au terme d’une analyse de la pratique des TPO, la Formation arbitrale considère que cette pratique fait naître de nombreux risques et notamment: des risques liés à l’opacité des investisseurs en cause qui échappent à tout contrôle des organes de régulation du football et qui peuvent en tout liberté, procéder à des cessions de leur investissement, non contrôlées; des risques d’atteinte à la liberté professionnelle et aux droits des joueurs en pouvant influer dans un intérêt spéculatif, sur leur transfert; des risques de conflits d’intérêts, voire de truquage ou de manipulation des matches, contraires à l’intégrité des compétitions, puisqu’un même investisseur peut réaliser des TPO dans plusieurs clubs relevant de la même compétition; des risques à l’éthique puisque l’objectif poursuivi est un intérêt financier spéculatif, exclusif de considérations d’ordre sportif et même moral. Ce sont d’ailleurs sur l’existence de tels risques que s’est fondée la décision en référé rendue le 24 juillet 2015 par le Tribunal de première instance francophone de Bruxelles sur la demande de RFC Seraing et Doyen Sports de faire interdiction à la FIFA de mettre en oeuvre et d’appliquer la circulaire portant adoption de la modification du RSTJ relative à l’introduction de l’article 18ter, pour admettre que l’interdiction des TPO résulte de constats vraisemblables quant aux risques associés à ces pratiques et que les objectifs poursuivis par la FIFA par l’adoption des articles 18bis et 18ter du RSTJ étaient les objectifs de légitimes invoqués par celle-ci (Tribunal de première instance francophone de Bruxelles, 24 juillet 2015, 15/67/C, §§ 95 et s.). En conséquence de ce qui précède, La Formation arbitrale considère que l’interdiction de la pratique du TPO par la FIFA et l’adoption des articles 18bis et 18ter RSTJ poursuit les objectifs légitimes au sens de la jurisprudence de l’UE invoqués par la FIFA. Quant au caractère proportionné de l’interdiction, en premier lieu, la Formation arbitrale relève que si les articles 18bis et 18ter du RSTJ sont des mesures d’interdiction, ces interdictions sont limitées. Ainsi que le rappelle la FIFA, les articles 18bis et 18ter n’interdisent pas tout investissement par des tiers au sens du RSTJ dans les clubs de football. Les seuls investissements prohibés par ces mesures sont ceux dits de type “TPO”, à savoir ceux qui permettent à toute personne “d’acquérir dans le cadre de travail ou de transferts la capacité d’influer sur l’indépendance ou la politique du club ou encore sur les performances de ses équipes” (article 18bis) et en particulier ceux qui permettent à des tiers au sens du RSTJ “de pouvoir prétendre, en partie ou en intégralité, à une indemnité payable en relation avec le futur transfert d’un joueur d’un club vers un autre club, ou de se voir attribuer tout droit en relation avec un transfert ou une indemnité de transfert futur(e)” (article 18ter). Ainsi, ces mesures n’interdisent pas aux investisseurs tiers au sens du RSTJ, de financer les clubs de football, mais interdisent uniquement les financements qui soit, confèrent à l’investisseur le pouvoir d’influer sur l’indépendance et la politique d’un club (c’est-à-dire pas simplement d’avoir un impact indirect sur la gestion d’un club comme pourrait le faire l’octroi d’un prêt à rembourser, mais de pouvoir entraver directement l’autonomie de gestion d’un club en pouvant lier certaines de ses décisions), soit impliquent une indemnité ou un droit contingent au transfert ou à l’indemnité de transfert de joueurs ou encore à sa relation de travail (salaire, durée d’emploi, etc.). Les mesures en cause n’interdisent ainsi que certains schémas de financement, et n’interdisent pas les autres types de financements des clubs de football. Il est donc loisible aux investisseurs souhaitant investir des capitaux dans les clubs de football de le faire suivant les multiples autres schémas de financement possibles. Les mesures n’interdisent pas non plus le financement par des tiers au sens du RSTJ, des opérations de transfert, les financements d’opérations de transfert spécifiques restent possibles, pour autant qu’ils ne contreviennent pas aux articles 18bis et 18ter du RSTJ. Ainsi contrairement aux affirmations du RFC Seraing, les mesures en cause n’interdisent pas aux clubs de recourir à certaines sources de financement pour financer leurs recrutements de joueurs, mais uniquement à certains schémas de financements. La Formation arbitrale constate en conséquence que l’interdiction instaurée par les articles 18bis et 18ter du RSTJ a un caractère limité, n’a pas pour conséquence d’interdire à certains investisseurs l’accès au financement des clubs de football ni, comme cela est prétendu par l’Appelant d’instaurer une “circularité” dans l’économie ou les financements du football. A l’instar de la Cour d’appel de Bruxelles (Cour d’Appel de Bruxelles 10 mars 2016, 2015/KR/54, § 81), la Formation arbitrale relève que les mesures en cause, et particulièrement l’article 18ter du RSTJ qui interdit spécifiquement aux clubs de football de recourir au TPO, ont été adoptées après une phase significative d’étude, de consultation, de travaux et discussions à laquelle ont participé de nombreux interlocuteurs. Cette phase a notamment compris la réalisation d’études approfondies par des centres indépendants réputés de recherche sur le droit et l’économie du sport (le Centre international d’étude du sport (CIES) et le Centre de droit et d’économie du sport (CDES)) sur l’impact économique et financier, en termes d’intégrité pour le monde du football, du TPO ainsi que les différentes approches et pratiques réglementaires nationales. Par ailleurs, la version actuelle du RSTJ fait suite à une période de 6 années au cours desquelles l’article 18bis RSTJ a été en vigueur, de telle sorte que la FIFA a adopté la version actuelle des mesures, incluant l’article 18ter qui cible plus spécifiquement les schémas de type TPO, après, comme le relève le Tribunal de première instance francophone de Bruxelles (Tribunal de première instance francophone de Bruxelles, 24 juillet 2015, 15/67/C, § 96), une période significative à l’issue de laquelle il a pu être constaté que la mesure jusqu’alors en place s’était avérée insuffisante à atteindre les objectifs poursuivis. La FIFA affirme qu’aucune mesure, autre que l’interdiction pure et simple du TPO n’est apte à atteindre les objectifs poursuivis en raison d’obstacles dirimants tels que l’opacité inhérente à la tierce propriété, l’impossibilité de connaître les actionnaires des fonds d’investissement et de leurs investisseurs, opérant souvent, à travers de sociétés écrans situées dans des paradis fiscaux, l’impossibilité pour les instances dirigeantes du football d’opérer tout contrôle sur ces investisseurs, contrairement aux clubs, ou encore la possibilité pour les co-contractants des clubs de céder et de transférer leurs droits contractuels à des tiers anonymes (dont l’identité ne peut être recherchée). De telle sorte que les différentes mesures alternatives examinées par la FIFA ne permettraient pas de réaliser les objectifs recherchés. Sur ce point, RFC Seraing affirme que les objectifs invoqués pourraient être atteints au moyen d’une régulation et de mesures de transparence accrues, qui constitueraient des mesures moins restrictives, en lieu et place de l’interdiction. La Formation arbitrale relève que la FIFA indique avoir examiné diverses mesures alternatives et indique qu’elles ne sont pas à même d’atteindre les objectifs invoqués, sans préciser quelles sont ces mesures, et que de la même façon, RFC Seraing évoque des mesures alternatives qui seraient moins restrictives et à même d’atteindre les objectifs invoqués, sans non plus, les préciser. Toutefois, la Formation arbitrale considère que les règlementations comme le pouvoir de contrôle et de sanction de la FIFA, ne s’appliquent qu’à ses affiliés directs ou indirects. Les articles 18bis et 18ter du RSTJ sont ainsi des interdictions de signer des contrats prohibés faites aux clubs et aux joueurs de football dont la FIFA peut contrôler les transferts et qui sont soumis à ses règlementations. En revanche, la FIFA ne peut pas contrôler les intérêts de personnes qui ne lui sont pas affiliées, ni les contrats qui sont conclus à l’occasion ou à la suite de transferts par d’autres personnes que les clubs, joueurs et agents et dont la déclaration est obligatoire via le TMS. Dans un tel contexte, les risques de conflits entre les intérêts des clubs, des joueurs et des ayants droits finaux ou successifs des accords d’investissements, via des schémas de type TPO sont réels et impossibles à contrôler pour les instances du football que sont la FIFA et les fédérations nationales. Au-delà de ne pas avoir les moyens de contrôler qui sont les détenteurs ou bénéficiaires ultimes ou successifs des droits liés aux transferts et indemnités de transferts des joueurs, la FIFA ne peut juridiquement pas en réguler les pratiques, dès lors qu’ils ne sont pas affiliés à la FIFA ou à des fédérations nationales de football. Dans ce contexte, la Formation arbitrale considère que des mesures alternatives à l’interdiction faite aux clubs et joueurs de conclure des schémas de financements de type TPO n’apparaissent pas raisonnablement à même d’atteindre les objectifs poursuivis. La Formation arbitrale note en outre que si des procédures engagées à l’encontre des mesures en cause devant la Commission européenne et des juridictions d’Etats membres de l’UE (Belgique et France) sont pendantes, celles-ci n’ont à ce jour, pas fait l’objet de décision de justice ou de la part d’institutions européennes concluant à leur contrariété au droit de l’UE. L’Appelant invoque un avis émis le 2 juillet 2015 par l’Autorité espagnole de la Concurrence (Comisión Nacional de los Mercados y la Competencia, INF/CNMC 0002/15 Informe sobre la prohibicion de la propriedad de los derechos economicos de los jugadores de futbol por parte de terceros, 2 juillet 2015) qui conclut que l’interdiction du TPO aurait des effets négatifs pour la concurrence. Toutefois, la Formation arbitrale relève que ce document n’est, selon ses propres termes exprès, qu’un avis préliminaire qui ne constitue pas un jugement sur le point de savoir si la mesure analysée constitue éventuellement une mesure prohibée restrictive de concurrence en particulier au regard des articles 101 et 102 du TFUE. La Formation arbitrale note que cet avis n’a pas été rendu à l’issue d’une procédure contradictoire à laquelle la FIFA aurait participé. Par ailleurs, des mesures d’interdiction sont en place depuis longtemps en France et en Angleterre et plus récemment en Pologne. En édictant la réglementation contestée d’interdiction des TPO, la FIFA est non seulement dans son rôle, mais poursuit le but légitime d’adopter une réglementation identique pour l’ensemble du monde du football et permettant d’éviter un traitement discriminatoire en matière de transfert des joueurs. En conséquence, la Formation arbitrale considère que les restrictions à la liberté de circulation des capitaux résultant des articles 18bis et 18ter du RSTJ sont justifiées et adaptées à l’atteinte des objectifs légitimes poursuivis par ces mesures.
A.1.1.2. Liberté de circulation des travailleurs et liberté de prestation de services Les arguments développés par les parties relativement à la licéité des articles 18bis et 18ter du RSTJ au regard des articles 45 et 63 du TFUE relatifs à la liberté de circulation des travailleurs et à la liberté de prestation de services, auxquels l’Appelante ajoute les articles 15 et 16 de la Charte des Droits Fondamentaux de l’Union européenne sans développer d’argument spécifiques, sont similaires à ceux développés concernant la liberté de circulation des capitaux. La réponse de la Formation arbitrale s’appuie donc sur l’ensemble du raisonnement qu’elle vient de tenir. Pour autant, elle ne saurait éluder l’examen des points particuliers que pourrait soulever l’impact de la réglementation en cause sur la liberté de circulation des travailleurs et sur la liberté de prestation de services S’agissant de la liberté de circulation des travailleurs, l’Appelant estime que l’interdiction des TPO limitera les opportunités dont disposent certains citoyens européens (les joueurs de football professionnel dont le transfert international aurait été rendu possible par un apport TPO) de quitter leur État membre d’origine en vue de trouver un emploi dans un club établi dans un autre État membre, et empêchera donc ces joueurs d’exercer leur droit à la libre circulation des travailleurs. S’agissant de la liberté de prestation de services, l’Appelant soutient que l’interdiction du TPO entrainera une baisse de volume des financements possibles et aura ainsi un effet de déflation sur les “coûts” des joueurs entraînant une diminution du volume des services et du niveau de rémunération que les agents de joueurs seront en mesure de négocier et d’obtenir. Il prétend en outre que l’action des TPO est en elle-même constitutive, dans bien des cas, d’une prestation de services au sens du droit de l’UE et engendre par ailleurs des prestations de services financiers transnationaux (transferts bancaires, etc.), toutes prestations de service qui ne sauraient être entravées. La Formation arbitrale relève que la réglementation litigieuse de la FIFA ne porterait en tout état de cause, qu’un effet négatif, limité, sur l’exercice de ces libertés. En effet cette réglementation n’a d’effet que si le transfert d’un joueur met en jeu le mécanisme du TPO et par ailleurs aucun élément mesurable n’est produit pour apprécier l’impact réel des TPO sur la libre circulation des joueurs de football. Quant au moyen développé par l’Appelant pour établir une violation de la liberté de prestation de services, la Formation arbitrale estime que son imprécision et le caractère hypothétique des arguments de fait qui le soutient, ne lui permettent guère d’apprécier son bien-fondé. De toute manière, la Formation arbitrale rappelle que les objectifs et justifications motivant l’interdiction résultant des articles 18bis et 18ter du RSTJ demeurent identiques, quelle que soit la liberté de circulation considérée. Dès lors le raisonnement et les conclusions de la Formation arbitrale sont également identiques et en conséquence, la Formation arbitrale maintient que les restrictions à la liberté de circulation des travailleurs et à la libre prestation de services qui pourraient résulter des articles 18bis et 18ter du RSTJ, sont justifiées et ne vont pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre les objectifs légitimes poursuivis par ces mesures, d’autant que les restrictions imposées par ces mesures sont ici moins importantes, à les supposer même établies. Il résulte de tout ce qui a été dit ci-dessus, que la Formation arbitrale considère que l’Appelant n’a pas démontré que les articles 18bis et 18ter du RSTJ étaient contraires aux articles 45, 56 et 63 du TFUE et 15 et 16 de la Charte des Droits Fondamentaux de l’Union européenne.
A.1.2. Légalité des articles 18bis et 18ter du RSTJ au regard du droit de la concurrence de l’Union Européenne
A.1.2.1. Sur l’existence d’une entente prohibée L’Appelant soutient que la règle des TPO constituerait une entrave par effet, ou alternativement, par objet, à la libre concurrence et serait donc contraire à l’article 101 du TFUE. Il expose que l’interdiction des TPO intervient sur le marché mondial du recrutement des joueurs, en amont du marché de la commercialisation des matchs de football. La réglementation litigieuse aboutirait alors à créer un accord entre entreprises, une décision d’association d’entreprises ou à tout le moins, une pratique concertée qui affecte le commerce entre les État-membres et qui serait restrictive de concurrence car elle aurait pour objectif ou pour effet de limiter la liberté de financement des clubs en ce qui concerne leur politique de recrutement de joueurs. De surcroit, l’interdiction des TPO entrainerait une monopolisation du marché au profit des clubs affiliés à la FIFA, à l’exclusion des autres opérateurs et affecterait en particulier les petits clubs en en altérant leurs possibilités de financement sur le marché des transferts, et les supporters pris en tant que consommateurs. L’interdiction des TPO constituerait en cela une entente prohibée au sens de l’article 101 du TFUE. Cette interdiction ne serait pas non plus, justifiée par les objectifs avancés par la FIFA, dans la mesure où ces derniers constituaient des leurres visant à cacher les objectifs anticoncurrentiels des articles 18bis et 18ter du RSTJ et elle serait de toute manière disproportionnée. L’Intimée réplique que pour apprécier la compatibilité de l’interdiction de la tierce propriété avec le droit de la concurrence, seul le marché de la cession/acquisition des droits fédératifs détenus par les clubs, relatifs aux joueurs par eux employés, est pertinent. L’objet de la règle d’interdiction de la TPO ne serait pas d’exclure des concurrents d’un marché, ni d’y restreindre la concurrence, mais de réaliser les objectifs légitimes annoncés par la FIFA. Les éventuels effets restrictifs sur le marché pertinent, qui découleraient de l’interdiction de la TPO seraient de plus inhérents et nécessaires à la réalisation de ces objectifs légitimes. Les articles 18bis et 18ter du RSTJ ne constituent donc une restriction ni par objet, ni par effet, et ne sont donc pas contraires à l’article 101 du TFUE. L’article 101 du TFUE dispose que:
“1. Sont incompatibles avec le marché intérieur et interdits tous accords entre entreprises, toutes décisions d’associations d’entreprises et toutes pratiques concertées, qui sont susceptibles d’affecter le commerce entre États membres et qui ont pour objet ou pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l’intérieur du marché intérieur, et notamment ceux qui consistent à:
a) fixer de façon directe ou indirecte les prix d’achat ou de vente ou d’autres conditions de transaction,
b) limiter ou contrôler la production, les débouchés, le développement technique ou les investissements,
c) répartir les marchés ou les sources d’approvisionnement,
d) appliquer, à l’égard de partenaires commerciaux, des conditions inégales à des prestations équivalentes en leur infligeant de ce fait un désavantage dans la concurrence,
e) subordonner la conclusion de contrats à l’acceptation, par les partenaires, de prestations supplémentaires qui, par leur nature ou selon les usages commerciaux, n’ont pas de lien avec l’objet de ces contrats.
2. Les accords ou décisions interdits en vertu du présent article sont nuls de plein droit”. A la lumière de ces dispositions, plusieurs conditions ont été dégagées pour qu’une mesure constitue une entente prohibée. La première condition est l’existence d’un accord entre entreprises, d’une décision d’associations d’entreprises ou d’une pratique concertée. À cet égard, la Formation arbitrale relève que la CJCE a jugé dans l’affaire Meca-Medina que le Comité International Olympique (CIO) est une “association d’entreprises” et plus précisément “une association d’association d’entreprises” au sens de l’article 101.1 du TFUE (alors article 81 du TCE). (CJCE, 18 juillet 2006, C-519/04P, Meca-Medina et Majcen v Commission, § 38). Dans le même sens, la Commission européenne a décidé que la FIFA était une “association d’associations d’entreprises” au sens de l’article 101 du TFUE (alors article 81 du TCE). Il s’agit d’ une association de droit suisse et elle est elle-même constituée de clubs qui sont des entreprises au sens de l’article 101 du TFUE, étant donné que le football est une activité économique dont les clubs sont les acteurs en organisant des rencontres avec d’autres équipes, lesquelles sont commercialisées sur différents marchés (Commission européenne, 28 mai 2002, IV/36583-SETCA-FGTB/FIFA, § 30). Enfin, la Commission européenne considère plus particulièrement que les “clubs de football exercent des activités économiques (54) et constituent des entreprises au sens de l’article 81, paragraphe 1, du traité et de l’article 53, paragraphe 1, de l’accord EEE. Comme les fédérations nationales de football ont pour membres ces clubs, elles constituent des associations d’entreprises au sens de ces articles. Elles sont également elles-mêmes des entreprises dans la mesure où elles exercent des activités économiques (55). Les membres de l’UEFA sont les fédérations nationales de football. L’UEFA est par conséquent à la fois une association d’associations d’entreprises et une association d’entreprises. Elle constitue en outre une entreprise à part entière dans la mesure où elle exerce aussi directement des activités économiques” (Commission européenne, 23 juillet 2003, 2003/778/EC, aff. COMP/C.2-37.398 - Vente centralisée des droits commerciaux sur la Ligue des champions de l’UEFA, §§ 106-107). Au regard de la jurisprudence de la CJCE et de la pratique de la Commission européenne, la Formation arbitrale considère que la FIFA constitue bien une association d’entreprise en ce qu’elle est elle-même constituée par des fédérations sportives rassemblant des clubs de football qui sont des entreprises au sens de l’article 101 du TFUE. Dès lors, l’édiction des articles 18bis et 18ter du RSTJ adoptés par la FIFA afin de réguler le marché des transferts de joueurs constitue une décision d’association d’entreprise au sens de l’article 101 du TFUE. La seconde condition est que la mesure en cause, en l’espèce les articles 18bis et 18ter du RSTJ, affecte le commerce en Etats membres de l’UE (Commission européenne, 23 juillet 2003, 2003/778/EC, aff. COMP/C.2-37.398 - Vente centralisée des droits commerciaux sur la Ligue des champions de l’UEFA, § 133). Ces articles s’appliquent aux activités économiques des clubs de football partout dans le monde et notamment en Europe, et affectent le marché des transferts européens. Ils peuvent donc être de nature à affecter le commerce entre Etats membres de l’UE. Encore conviendrait-il de s’interroger sur le périmètre ou la définition du marché qui doit être retenu. Si ce marché s’entend comme celui des joueurs au sens strict comme concernant seulement l’activité sportive, il ne concerne que les clubs, lesquels sont bien en concurrence sur ce marché. Les organismes tiers sont alors sur un autre marché (celui des opérateurs financiers par exemple) et ne seraient dès lors pas en concurrence avec les clubs. La troisième condition tient à ce que la mesure ait pour “objet ou pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l’intérieur du marché intérieur”. Tout d’abord, la Formation arbitrale souligne que la charge de la preuve de restrictions de concurrence pèse sur l’Appelant (article 2 du Règlement (CE) n° 1/2003 du Conseil du 16 décembre 2002 relatif à la mise en oeuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 et 82 du traité (désormais articles 101 et 102 du TFUE): “Dans toutes les procédures nationales et communautaires d’application des articles 81 et 82 du traité, la charge de la preuve d’une violation de l’article 81, paragraphe 1, ou de l’article 82 du traité incombe à la partie ou à l’autorité qui l’allègue. […]”) et qu’aucune analyse économique substantielle, au-delà de considérations générales, n’a été soumise pour définir le marché pertinent et démontrer les éventuels effets anticoncurrentiels des dispositions en cause. En tout état de cause, elle estime que l’application des articles 18bis et 18ter du RSTJ n’ont pas pour objet de restreindre, d’empêcher ou de fausser le jeu de la concurrence, mais de réglementer le marché des transferts de joueur afin de poursuivre les objectifs légitimes invoqués par la FIFA et qu’en admettant qu’elle puisse avoir des effets de nature à limiter la concurrence sur le marché des transferts, les objectifs poursuivis justifient cette atteinte, pour les raisons déjà évoquées dans le cadre du débat sur les libertés de circulation, auquel il est expressément renvoyé. Il convient en effet de rappeler, comme l’a retenu la CJCE (arrêt du 19 février 2002, “Wouters”, C-309/99) que tout accord entre entreprises ou toute décision d’une association d’entreprises qui restreignent la liberté d’action des parties ou de l’une d’elles ne tombent pas nécessairement sous le coup de l’interdiction édictée à l’article 101 du TFUE. En effet, aux fins de l’application de cette disposition à chaque cas d’espèce, il y a lieu de tenir compte du contexte global dans lequel la décision de l’association d’entreprises en cause a été prise ou déploie ses effets, et plus particulièrement de ses objectifs, liés en l’occurrence, comme il a été dit, à la nécessité de concevoir des règles d’organisation, de contrôle et de responsabilité, garantes d’une bonne administration de l’activité sportive.
A.1.2.2. Sur l’existence d’un abus de position dominante L’Appelant soutient que même si la FIFA ou ses membres ne sont pas directement des acteurs du marché des transferts des joueurs, ils se trouvent en position dominante sur le marché mondial du recrutement des joueurs en raison de leurs fonctions de régulateurs, la FIFA s’étant arrogé le pouvoir exclusif de réguler le marché des transferts. L’interdiction du TPO constituerait de plus un abus de cette position dominante car elle aurait pour effet d’exclure tous les concurrents actuels et potentiels qui ne sont pas membres de la FIFA, de l’investissement relatif aux joueurs de football. Enfin, cet abus de position dominante ne serait pas justifié par un objectif légitime car les articles 18bis et 18ter du RSTJ constitueraient une mesure disproportionnée visant à garantir que les flux générés par les transferts de joueurs, restent au sein des clubs ou encore de monopoliser un marché donné au profit des seuls clubs de football. L’Intimée réplique que la concurrence n’est pas restreinte sur le marché pertinent qui serait le marché des droits fédératifs, car seuls les clubs y sont présents. En tout état cause, l’interdiction du TPO est objectivement nécessaire, indispensable et proportionnée aux objectifs légitimes qu’elle poursuit et, par conséquent, ne saurait constituer une exploitation abusive d’une quelconque position dominante. L’article 102 du TFUE dispose que:
“Est incompatible avec le marché intérieur et interdit, dans la mesure où le commerce entre États membres est susceptible d’en être affecté, le fait pour une ou plusieurs entreprises d’exploiter de façon abusive une position dominante sur le marché intérieur ou dans une partie substantielle de celui-ci.
Ces pratiques abusives peuvent notamment consister à:
a) imposer de façon directe ou indirecte des prix d’achat ou de vente ou d’autres conditions de transaction non équitables,
b) limiter la production, les débouchés ou le développement technique au préjudice des consommateurs,
c) appliquer à l’égard de partenaires commerciaux des conditions inégales à des prestations équivalentes, en leur infligeant de ce fait un désavantage dans la concurrence,
d) subordonner la conclusion de contrats à l’acceptation, par les partenaires, de prestations supplémentaires qui, par leur nature ou selon les usages commerciaux, n’ont pas de lien avec l’objet de ces contrats”. A nouveau, la Formation arbitrale souligne que la charge de la preuve d’atteintes à la concurrence pèse sur l’Appelant (article 2 du Règlement (CE) n° 1/2003 du Conseil du 16 décembre 2002 relatif à la mise en oeuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 et 82 du traité) et qu’aucune analyse économique substantielle, au-delà de considérations générales, n’a été soumise pour définir le marché pertinent et démontrer les éventuels effets anticoncurrentiels des dispositions en cause. En tout état de cause et à titre surabondant, la Formation arbitrale, après avoir relevé que la question des objectifs légitimes a été traitée de manière essentiellement identique par chacune des parties dans le cadre de leurs moyens et arguments relatifs au droit de la concurrence et aux libertés de circulation et en renvoyant, par économie de motifs à ses constatations relatives aux libertés de circulation quant à la légitimité de ces objectifs et la justification des mesures, considère que, tant au regard de l’article 101 du TFUE, qu’au regard de l’article 102 du TFUE les objectifs légitimes poursuivis par la FIFA sont de nature à justifier les atteintes au droit de la concurrence, invoquées mais non établies par l’Appelant. En conséquence des constatations qui précèdent la Formation arbitrale considère que l’Appelant n’a pas démontré que les articles 18bis et 18ter du RSTJ étaient contraires aux articles 101 et 102 du TFUE.
A.2. Légalité des articles 18bis et 18ter du RSTJ au regard de la Convention européenne des droits de l’Homme et de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne
A.2.1. En ce qui concerne les articles 8 de la Convention européenne des droits de l’Homme et 7 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne L’Appelant soutient que l’article 18ter alinéa 5 du RSTJ, en ce qu’il impose aux clubs la publication de tous les accords TPO existant, constituerait une restriction du droit à la vie privée que la FIFA n’a pas la légitimité d’imposer. En citant un article de doctrine relatif à la réglementation de la profession d’agent de joueurs, l’Appelant entend démontrer que l’adoption de l’article 18ter alinéa 5 par la FIFA constitue une violation des articles 8 de la CEDH et 7 de la Charte des Droits Fondamentaux de l’Union européenne. La FIFA soutient que l’article 18ter alinéa 5 du RSTJ prévoit non pas la publication, mais la communication à FIFA TMS des accords de TPO conclus par des clubs avant le 30 avril 2015 et en vigueur à cette date; que ces accords sont téléchargés dans le fichier informatique TMS et sont traités de manière confidentielle dans le respect de la législation suisse relative à la protection des données personnelles. La FIFA considère de plus, que l’article 7 de la Charte est inapplicable en l’espèce et que l’applicabilité de l’article 8 de la CEDH n’est pas démontrée. La FIFA considère enfin que la protection prévue par cet article n’est pas absolue et tolère des exceptions lorsque ces dernières sont justifiées par un objectif légitime. La FIFA considère que précisément, les objectifs poursuivis par les dispositions de l’article 18ter alinéa 5 du RSTJ, justifient la potentielle ingérence dans les droits fondamentaux des clubs, qui en résulterait. La Formation arbitrale relève que l’Appelant ne formule aucun argument expliquant en quoi l’article 8 de la CEDH relatif à la protection de la vie privée et familiale s’applique de manière pertinente en l’espèce, ni en quoi les dispositions de l’article 18ter alinéa 5 du RSTJ constitueraient une ingérence dans les droits que les clubs de football tireraient de l’article 8 de la CEDH. La Formation arbitrale relève en outre que l’Appelant ne répond pas aux arguments de la FIFA concernant la justification d’une potentielle ingérence. En conséquence, la Formation arbitrale considère que l’Appelant n’établit pas que l’article 18ter alinéa 5 est contraire à l’article 8 de la CEDH. Conformément à son article 51, la Charte ne peut être invoquée que contre les institutions, organes et organismes de l’Union européenne ainsi que les États membres lorsqu’ils mettent en oeuvre le droit de l’Union européenne (Conclusion de l’avocat général Mme Verica Trstenjak présentées le 8 septembre 2011 dans l’affaire C-282/10 “Maribel Dominguez”, §§ 5-6). Dès lors, l’Appelant ne peut valablement invoquer les Dispositions de la Charte relativement à l’adoption de l’article 18ter alinéa 5 par la FIFA.
A.2.2. En ce qui concerne l’article 1 du premier protocole additionnel à la CEDH L’Appelant soutient que les articles 18bis et 18ter du RSTJ en limitant la liberté d’investissement et la conclusion de contrats relatifs à des investissements est aussi contraire à l’article 1 du premier protocole additionnel à la CEDH, cet article étant interprété comme créant un droit au respect des biens et donc notamment des investissements. L’Intimée réplique que la Suisse n’a pas ratifié le premier protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l’Homme et que ce dernier n’est donc pas applicable. La Formation arbitrale considère en tout état de cause, que l’Appelant ne développe aucun argument spécifique relatif au droit de propriété et à la liberté économique au regard de cette disposition du protocole additionnel à la CEDH, permettant à la Formation arbitrale d’en apprécier le bien-fondé par rapport à ce texte.
A.3. Légalité des articles 18bis et 18ter du RSTJ au regard de dispositions de droit suisse
A.3.1. En ce qui concerne les règles de droit suisse relatives à la concurrence La Formation arbitrale relève que si l’Appelant invoque les articles 5 et 7 de la Loi fédérale suisse sur les cartels et autres restrictions à la concurrence du 6 octobre 1995 (“LFCRC”), il n’a pas développé d’arguments spécifiques sur la base du droit suisse de la concurrence. Elle relève également que dans les diverses écritures soumises dans d’autres procédures auxquelles l’Appelant s’est à plusieurs égards contenté de renvoyer en indiquant faire siens les arguments qui y sont développés, il est déclaré que les arguments se référant à l’article 101 TFUE doivent être lus comme relatifs à l’article 5 LFCRC et ceux se référant à 102 TFUE comme relatifs à l’article 7 LFCRC. En outre, le droit suisse poursuit des objectifs comparables à ceux poursuivis par le droit européen de la concurrence. Au vu de l’argumentation présentée par les parties, la Formation arbitrale estime donc que ses constatations relatives aux moyens tirés des articles 101 et 102 du TFUE répondent au moyen fondé sur la LFCRC. La Formation arbitrale considère par conséquent que l’Appelant n’a pas démontré que les articles 18bis et 18ter du RSTJ étaient contraires aux articles 5 et 7 de la LFCRC.
A.3.2. En ce qui concerne les règles de droit suisse relatives à la liberté économique et au droit de propriété L’Appelant soutient que les articles 18bis et 18ter du RSTJ sont contraires à l’article 26 de la Constitution fédérale suisse qui garantit la “liberté économique” et ainsi la liberté d’investir et de conclure des conventions relatives à des investissements. La Formation arbitrale relève en premier lieu que la liberté économique est garantie par l’article 27 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse et non pas par l’article 26 de ce même texte qui porte sur le droit de propriété. Le fondement juridique sur lequel l’Appelant a voulu se placer ainsi que le développement particulièrement succinct de ses écritures sur ce point ne sont donc pas claires à cet égard. L’Intimée soutient que les articles 7 à 33 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse ne sauraient être invoqués dans le cadre de rapports entre sujets de droit privé sauf lorsque, exceptionnellement, un droit fondamental garanti par un de ces articles est d’effet horizontal direct ou indirect, ce qui n’est pas le cas des articles 26 et 27 de ce même texte. La Formation arbitrale considère que l’Appelant ne développe pas d’arguments spécifiques relatifs au droit de propriété et à la liberté économique, mais inclut ces fondements dans le cadre de son moyen relatif à la violation de la LFCRC. Elle relève de plus, que les règles de droit de la concurrence mise en oeuvre pas la LFCRC et par le TFUE ont pour objectif, notamment, de réglementer l’activité des opérateurs économiques afin d’assurer le respect de la liberté économique au sein d’une économie de libre marché. La Formation arbitrale considère donc que l’Appelant n’ayant pas démontré la contrariété des articles 18bis et 18 ter du RSTJ au droit européen et suisse de la concurrence, il n’a pas plus démontré leur illégalité au regard des articles 26 et 27 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse. Il n’est dès lors pas nécessaire de se prononcer sur l’applicabilité et l’effet horizontal des dispositions invoquées.
A.4. Légalité des articles 18bis et 18ter du RSTJ au regard de la jurisprudence du TAS L’Appelant considère que la jurisprudence du TAS, compte tenu notamment des sentences TAS 2014/O/3781 et TAS 2014/O/3782, a validé la légalité de contrats tels que les contrats de TPO. Or les statuts de la FIFA contiennent une clause d’arbitrage TAS. Cette clause impose donc à la FIFA de respecter la jurisprudence du TAS. En interdisant les TPO, la FIFA va ainsi à l’encontre de cette jurisprudence et en conséquence viole ses propres statuts. La Formation arbitrale souligne qu’une sentence rendue par une formation arbitrale siégeant sous l’égide du TAS n’a vocation qu’à trancher le litige particulier soumis par les parties. La sentence invoquée par l’Appelant – confirmée par le Tribunal fédéral (ATF 4A_116/2016) – ne porte pas sur le litige objet de la procédure dans laquelle est rendue la présente sentence, concerne un litige entre des parties distinctes et surtout ne met pas en cause les mêmes réglementations puisque à la date de la sentence invoquée, l’article 18ter du RSTJ n’avait pas encore été adopté. Au surplus, cette sentence ne constitue pas un exemple de raisonnement pertinent pour le litige entre RFC Seraing et la FIFA dès lors que la sentence évoquée par l’Appelant ne traite pas de la conformité des contrats de TPO vis-à-vis des articles 18bis et surtout 18 ter du RSTJ, ainsi qu’il a été dit, et de la légalité de ces dispositions au regard des normes invoquées par l’Appelant dans la présente procédure. En conséquence, la sentence rendue dans les affaires TAS 2014/O/3781 et TAS 2014/O/3782 sous l’empire de l’ancienne réglementation FIFA ne constitue pas un exemple de solution ou de raisonnement contraignant à l’égard de la FIFA ou de la Formation arbitrale, ni même un exemple pertinent en l’espèce. En conclusion, il résulte de l’examen de l’ensemble des dispositions invoquées par l’Appelant, que la Formation arbitrale ne considère pas que celui-ci établit que les articles 18bis et 18 ter du RSTJ, sont illicites pour être contraires à ces dispositions. La Formation arbitrale en conclut que ces articles ne peuvent être écartés par exception d’illégalité et que la Décision de la CR FIFA, fondée sur ces articles est licite, l’Appelant n’ayant par ailleurs invoqué aucun moyen dirigé uniquement contre cette décision à l’exception de ceux relatifs à la proportionnalité de la sanction et ses modalités d’application.
B. Proportionnalité des sanctions imposées par la Décision de la CR FIFA au regard des manquements constatés L’Appelant soutient que les sanctions imposées par la Décision de la CR FIFA, soit une amende de CHF 150.000 et une interdiction de recrutement portant sur quatre périodes d’enregistrements, sont gravement disproportionnées, et demande à la Formation arbitrale d’y substituer une sanction satisfaisant à l’exigence de proportionnalité. A cet effet, il soutient que la décision attaquée méconnait la proportionnalité devant exister entre les faits reprochés et la sévérité de la sanction, telle que l’apprécie la jurisprudence du TAS, le droit belge et le droit européen. Il estime par une motivation par référence, en reproduisant “l’extrait pertinent du mémoire déposé le 7 décembre 2015par le FC SERAING auprès de la Commission de Recours de la FIFA” que la Décision le conduit à abandonner nombre de ses actions en faveur du football, que la sanction est incohérente au vu des sanctions prononcées pour des faits similaires ou plus graves, qu’il n’a pas commis d’infractions multiples, que la durée de la sanction est irrationnelle et incohérente compte tenu des dispositions du code de conduite de la FIFA (“CDF”) et, enfin, que la sanction entraine un grave préjudice pour le Club et son activité. Lors de l’audience, le RFC Seraing à en particulier estimé que la période d’interdiction de recrutement, comme son champ couvrant l’enregistrement de jeunes étaient disproportionnés. L’Appelant a demandé de plus à ce que soit communiqué par la FIFA “[c]opie de toutes les décisions de première instance adoptées, au cours de ces 10 dernières années par une instance de la FIFA” et condamnant un club à “une interdiction d’enregistrer des joueurs au niveau national et international pour au moins 4 périodes d’enregistrement complètes et consécutives”. ainsi que “[c]opie de toutes les éventuelles décisions d’appel relatives à ces décisions de première instance, que ces décisions d’appel aient été rendues par une autre instance de la fifa ou par le Tribunal arbitral du sport (en ce compris les décisions du TAS ordonnant la suspension de cette sanction, dans l’attente de la décision au fond du TAS)” et qu’il soit fait “injonction à la FIFA de produire une copie (au besoin “anonymisée”) de toutes les décisions de dernière instance “FIFA” qui auraient - à ce jour - condamné un club à une interdiction d’enregistrement pour 4, 3 ou 2 périodes”. L’Appelant considérait la réponse à cette demande de communication de document, nécessaire, afin de démontrer que “jamais la FIFA (et moins encore le TAS) n’a infligé à quiconque une interdiction d’enregistrements portant sur 4 périodes, ni même semble-t-il sur 3 périodes” et donc que la sanction adoptée en l’espèce est disproportionnée. RFC Seraing demandait de plus “que - à dater de la réception de ces documents - un délai de 15 jours lui soit octroyé par la Formation arbitrale afin de pouvoir présenter ses observations sur ce point”. La FIFA soutient que la Décision de la CR FIFA est proportionnée dès lors que la Commission de recours a tenu compte de la gravité des violations commises par RFC Seraing en considération de l’importance des intérêts protégés par les articles 18bis et 18ter du RSTJ. Elle souligne que RFC Seraing a effectivement conclu plusieurs accords de TPO, en connaissance de la prohibition établie par le RSTJ et ce, y compris une fois la procédure disciplinaire engagée. Elle soutient encore que le Club a commis des infractions multiples au sens de l’article 41 du Code disciplinaire de la FIFA, dans la mesure où le Contrat d’emploi, l’ERPA et l’Accord de coopération ont été signés, pour le premier avec un joueur, pour les deux autres avec Doyen, et constituent chacun des violations de différents alinéas des articles 18bis et 18ter du RSTJ. La FIFA ajoute sur ce point, que la violation de l’art. 18ter du RSTJ n’est pas une conséquence directe de la violation de l’art. 18bis du RSTJ et vice versa, dans la mesure où ces articles sont susceptibles de s’appliquer indépendamment l’un de l’autre. Elle ajoute que d’autres sanctions plus sévères auraient pu être adoptées et que celles retenues en l’espèce et que ces sanctions ne préjudicient pas de manière excessive à l’activité du Club. La FIFA soutient enfin que les comparaisons avec d’autre décisions faites par l’Appelant ne sauraient justifier le caractère disproportionné des sanctions en raison des différences de fait et de droit entre ces affaires et le cas d’espèce, notamment en ce qui concerne le contenu des accords et les parties impliquées. En réponse à la demande de production de documents, la FIFA a indiqué “que en raison du fait que les décisions de la Commission de Discipline de la FIFA ne peuvent pas être rendues publiques - seulement leur contenu en vertu de l’art. 88 al. 2 du CDF, l’Intimée ne peut pas communiquer de telles décisions. Néanmoins, en tant que “le contenu des décisions déjà notifiées à leurs destinataires peut être rendu public”, nous joignons les communiqués de presse pertinents qui ont été publiés après que ces décisions ont été notifiées aux parties (annexes nos 70, 71, 72). Quant aux décisions de la Chambre de Résolution de Litiges et de la Commission du Statut du Joueur, l’Appelant est invité à visiter le site web de la FIFA, sur lequel toutes leurs décisions sont publiées”. La Formation arbitrale prend note des comparaisons effectuées par les Parties entre les sanctions adoptées en l’espèce avec celles prononcées dans d’autres affaires. Elle rappelle néanmoins qu’elle n’est en aucun cas tenue par les solutions adoptées dans le cadre de ces affaires et n’est pas tenue de faire droit à la demande de communication de pièces de l’Appelant, au-delà des documents précisément identifiés par RFC Seraing et communiqués par la FIFA volontairement, estimant que ceux-ci n’étaient pas indispensables à lui permettre de se forger elle-même une appréciation sur le principe de proportionnalité des sanctions et que cette demande est trop large et générale. La Formation arbitrale estime qu’il n’y a pas lieu de faire droit à la demande susvisée de production de documents, de l’Appelant L’Appelant consacre de longs développements à démontrer l’existence du principe de proportionnalité des sanctions aux infractions, en droit belge et dans les sentences rendues par le TAS. La FIFA ne conteste pas l’existence et l’applicabilité du principe de proportionnalité entre l’infraction et la sanction en l’espèce. Le droit applicable au présent arbitrage résulte des règlements de la FIFA, du droit suisse et du droit de l’UE. Le droit belge n’est pas applicable au présent arbitrage. En tout état de cause, le principe de la proportionnalité entre les infractions et les sanctions est un principe général largement appliqué par les Formations arbitrales constituées sous l’égide du TAS et reconnu dans la plupart des systèmes juridiques qui trouve en l’espèce à s’appliquer. La Formation arbitrale constate tout d’abord, qu’en application du CDF, les sanctions possibles pouvaient être notamment l’expulsion d’une compétition (art. 28 du CDF), la déduction d’un nombre de points obtenu en championnat (art. 30 du CDF) ou encore la relégation (article 29 du CDF), tandis que le montant de l’amende pouvait être fixé jusqu’à hauteur de CHF 1.000.000 (article 15 du CDF). La sanction infligée par la Décision de la CR FIFA n’est donc certainement pas la plus grave ou la plus lourde pouvant être infligée. La Formation relève ensuite que les faits reprochés constituent bien une infraction aux dispositions de l’article 18bis RSTJ et une infraction aux dispositions de l’article 18 ter RSTJ ainsi que le soutient la FIFA. L’accord de coopération conclu le 29 janvier 2015 confère en effet à Doyen la possibilité d’influer sur l’indépendance et la politique du club, en application notamment des dispositions de l’article 5b de cet accord qui obligent Seraing FC à informer Doyen Sports “ de tout incident de quelque nature que ce soit affectant lesdits joueurs, ainsi que de toute négociation relative à un éventuel transfert ou prêt d’un de ces joueurs, ainsi que de toute reconduction contractuelle ou de rupture contractuelle les concernant” et surtout des dispositions de l’article 5 d) dernier alinéa selon lesquelles “Dans l’hypothèse où une offre de transfert pour un desdits joueurs est égale ou supérieure à cinq cent mille euros, (500 000), SI CETTE OFFRE DE TRANSFERT EST ACCEPTEE PAR DOYEN SPORTS et par le joueur concerné mais n’est pas acceptée par SERAING UNITED, SERAING UNITED est tenue de payer à DOYEN SPORTS les 30% du montant de transfert proposé par le club tiers dans son offre de transfert, ce montant étant dû conformément au calendrier de paiements contenu dans l’offre de transferts”, disposition qui, incontestablement prive le club, dans cette hypothèse, de toute autonomie de gestion sur le transfert du joueur et la politique du club pouvant être définie à partir de ce joueur. Si l’Appelant fait valoir que la conclusion d’un tel contrat et des clauses qu’il contient témoigne au contraire, de son autonomie de gestion, un tel argument, relatif à sa liberté contractuelle, ne saurait sérieusement justifier que les conséquences et les effets qu’emportent ce contrat ne tombent pas dans le champ d’application de l’article 18 bis RSTJ. Quant à l’ERPA conclu le 7 juillet 2015, il est en contradiction frontale avec les dispositions de l’article 18 ter RSTJ puisqu’il octroie à Doyen Sports un droit à indemnité payable en relation avec le futur transfert d’un joueur, ce qu’interdit précisément cet article. Il convient donc de retenir l’existence de deux infractions qui de surcroît ne sont pas concomitantes dans le temps l’infraction aux dispositions de l’article 18bis RSTJ est préexistante à celle aux dispositions de l’article 18ter RSTJ.
175. La Formation relève encore qu’elle ne saurait souscrire à l’argumentation de l’Appelant selon laquelle la sanction applicable à la conclusion de l’Accord de coopération du 29 janvier 2015 aurait dû seulement conduire à prononcer une réduction de la durée de ce contrat qui tombait également sous le coup de l’article 18 ter RSTJ. Il est exact que selon les dispositions de cet article: 2. “L’interdiction énoncée à l’article 1entre en vigueur le 1er mai 2015”, que: 3. “Les accords couverts par l’alinéa 1 antérieurs au 1er mai 2015 peuvent rester valables jusqu’à leur expiration contractuelle. Cependant leur durée ne peut être prolongée” et que 4. “ La durée de tout accord couvert par l’alinéa 1 signé entre le 1er janvier 2015 et le 30 avril 2015 ne peut excéder un an à partir de la date effective”. Or l’accord litigieux a été conclu le 29 janvier 2015 et en application des dispositions susvisées et il demeurait valable au regard de la réglementation FIFA, jusqu’au 29 janvier 2016. Dès lors que ledit accord avait été conclu pour une période expirant le 1er juillet 2018, il suffisait selon l’Appelant, que la sanction porte sur la limitation de la validité du contrat au 29 janvier 2016. Mais la Formation tient à rappeler que la FIFA, partie extérieure au contrat, ne disposait d’aucun pouvoir pour modifier la durée de ce contrat et qu’il appartenait au seul Appelant de prendre ses dispositions pour le modifier et le mettre en conformité avec la réglementation de la FIFA.
176. La Formation arbitrale relève aussi le caractère délibéré et réitéré des violations du RSTJ par RFC Seraing et son attitude peu coopérative dans le cadre des procédures engagées à son encontre devant les instances de la FIFA, notamment le fait que le Club, ait dans un premier temps, refusé de communiquer les contrats passés avec des tierces parties, à la FIFA.
177. Elle relève enfin que RFC Seraing n’a pas démontré d’une part, au regard de ses ressources et financements, en quoi le montant de CHF 150.000 de l’amende serait excessif, ni contesté l’information de la presse communiquée par la FIFA, selon laquelle ce serait en réalité Doyen qui s’acquitterait de cette amende, et d’autre part, au regard du maintien de son activité, en quoi la sanction mettrait en péril son fonctionnement.
178. La proportionnalité de la sanction doit donc être appréciée au regard des éléments analysés ci-dessus. Toutefois, la Formation arbitrale relève qu’il s’agit de la première sanction imposée pour manquement à l’article 18ter du RSTJ qui était lors des faits, une disposition nouvelle, et que dès lors il n’existe encore aucune jurisprudence interne. En l’espèce, la Formation relève que deux infractions distinctes ont été commises par le RFC Seraing et que chacune d’elle justifie une interdiction de recruter de nouveaux joueurs pendant deux périodes de transfert. Toutefois, comme l’ont également relevé la Commission de Discipline et la Commission des Recours de la FIFA, si la durée des contrats avait été plus courte et limitée à la période de transition prévue à l’article 18ter RSTJ, ceux-ci n’auraient pas enfreint le RSTJ, de telle sorte que ces contrats sont devenus contraires aux dispositions du RSTJ qu’à partir du 30 janvier 2016. Il convient également d’ajouter que si lesdits contrats avaient été conclus un mois plus tôt, ils n’auraient aucunement enfreint le RSTJ.
179. En conséquence, compte tenu de ce qui précède et plus particulièrement du fait que les infractions commises l’ont été au cours d’une période transitoire en matière de réglementation sur la TPO, la Formation arbitrale considère que les violations réglementaires sont ainsi légèrement atténuées et, partant, réduit l’interdiction à RFC Seraing d’enregistrer des joueurs, tant au niveau national qu’international, et la limite aux trois périodes d’enregistrement, complètes et consécutives, suivant la notification de la présente sentence. Enfin, la Formation maintient la condamnation de RFC Seraing au paiement d’une amende de CHF 150.000 dans les 30 jours suivant la notification de la présente sentence.
C. Date d’application de l’interdiction d’enregistrement de joueurs
180. L’Appelant demande que l’interdiction de transfert infligée au RFC Seraing ne commence à courir qu’à partir du premier jour de la première période d’enregistrement suivant le moment où la sanction sera devenue définitive et estime dans son mémoire d’appel, qu’une application erronée de la sanction l’aurait empêché de recruter deux joueurs (Mrs C. et R.) alors même que la sanction ne pouvait pas encore entrer en vigueur.
181. Selon la décision de la CR FIFA, en confirmant la décision de la CD FIFA, l’’interdiction d’enregistrement ne devait commencer que le 1er jour de la première période d’enregistrement (ou communément appelée “période de transfert”) suivant la notification de la décision, soit s’agissant de la CR FIFA, le 4 janvier 2016.
182. La Formation arbitrale constate que la décision de la CD FIFA a fait l’objet d’une suspension d’exécution et l’exécution de la sanction imposée par la Décision de la CR FIFA a été suspendue jusqu’à la notification de la présente sentence. Il en résulte que la sanction imposée n’est jamais entrée en application jusqu’à ce jour et ne saurait servir de fondement à l’interdiction de recrutement des joueurs que l’Appelant invoque, mais dont il ressort d’ailleurs des débats de l’audience qu’ils auraient finalement été recrutés. En conséquence, la sanction ordonnée par la Formation arbitrale se substitue à celle résultant de la Décision de la CR FIFA et s’applique dès la première période d’enregistrement suivant la notification de la présente sentence.
PAR CES MOTIFS
Le Tribunal Arbitral du Sport, statuant contradictoirement:
1. Admet partiellement l’appel déposé par ASBL Royal Football Club Seraing contre la Décision de la Commission de Recours de la FIFA du 7 janvier 2016 et modifie le point 3 de ladite Décision comme suit:
il est interdit au club RFC Seraing d’enregistrer des joueurs, tant au niveau national qu’international, pendant les trois (3) périodes d’enregistrement, complètes et consécutives, suivant la notification de la présente sentence arbitrale.
2. Confirme la Décision attaquée pour le surplus.
3. (…).
4. (…).
5. Rejette toutes autres conclusions.
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