TAS-CAS – Tribunal Arbitral du Sport/Tribunale Arbitrale dello Sport – Court of Arbitration for Sport/Corte Arbitrale dello Sport (2017-2018) – tas-cas.org – atto non ufficiale – Arbitrage TAS 2016/A/4848 Redha Benhadj Djilali c. Club Sportif Constantinois, sentence du 17 août 2017
Tribunal Arbitral du Sport Court of Arbitration for Sport
Arbitrage TAS 2016/A/4848 Redha Benhadj Djilali c. Club Sportif Constantinois, sentence du 17 août 2017
Formation: Me François Klein (France), Président; Me Jean Gay (Suisse); Me Daniele Moro (Suisse)
Football
Résiliation unilatérale d’un contrat de travail entre un joueur et un club par ce dernier
Compétence du TAS
Conséquences financières d’une résiliation sans juste cause
1. Lorsqu’en aucune manière la sentence rendue par le tribunal national de règlement des litiges sportifs n’a été rendue conformément aux dispositions de son propre règlement d’arbitrage – et ainsi par une juridiction indépendante et autonome comme il est indispensable en matière d’arbitrage – et que le contrat de travail liant les parties n’a pas prévu de stipulations particulières concernant le recours au tribunal national ou au TAS, le TAS est compétent au vu des dispositions de l’article R47 du Code TAS pour examiner un recours contre ladite sentence rendue par le tribunal national. En outre, si les dispositions des Statuts de la fédération nationale concernée stipulent que le TAS ne traite pas de recours rendu par un tribunal arbitral indépendant, a contrario, le TAS peut statuer lorsque les règlements du tribunal national n’offrent pas toutes les garanties d’indépendance et d’autonomie requises par les Statuts de la fédération nationale.
2. Tant les dispositions de l’article 17 du Règlement FIFA du Statut et du Transfert des Joueurs (RSTJ) que les dispositions de l’article 80 de la loi 90/11 relative aux relations de travail en Algérie prévoient que l’indemnité due en cas de rupture anticipée du contrat de travail doit correspondre à la rémunération et autres avantages que la partie lésée aurait perçus jusqu’au terme de celui-ci.
I. LES PARTIES
1.1 Monsieur Redha Benhadj Djilali (ci-après “Monsieur Benhadj Djilali” ou “le Joueur” ou “l’Appelant”), né le 31 mai 1978, de nationalité algérienne, est footballeur professionnel.
1.2 Le Club Sportif Constantinois (ci-après “le Club”) est un club de football professionnel de Ligue 1 algérienne; il a son siège à Constantine, Algérie. Ce Club est affilié à la Fédération Algérienne de Football (ci-après “FAF”) qui est elle-même membre de la Fédération Internationale de Football Association (ci-après “FIFA”).
II. L’APPEL DEVANT LE TRIBUNAL ARBITRAL DU SPORT
2.1 Un appel a été déposé devant le Tribunal Arbitral du Sport (ci-après le “TAS”) par le Joueur le 24 octobre 2016 à l’encontre d’une décision rendue par le Tribunal Algérien de Règlement des Litiges Sportifs (ci-après “TARLS”) le 21 juillet 2014. Aux termes de cette décision, le TARLS confirmait une décision de la Chambre de Résolution des Litiges (ci-après “CRL”) de la FAF en date du 10 octobre 2013, laquelle avait accordé au Joueur la somme de deux millions trois cent quatre-vingt-dix mille (2.390.000) dinars algériens au titre de la rupture du contrat de travail liant les parties, cette décision précisant que le Joueur était libre de tout engagement vis-à-vis du Club Sportif Constantinois en raison de la résiliation sans motif légal de son contrat et a fait obligation à chacune des parties de verser au Tribunal les frais d’arbitrage fixés à la somme de vingt mille (20.000) dinars algériens.
III. LES FAITS À L’ORIGINE DU LITIGE
3.1 Après avoir honoré son contrat jusqu’à son expiration lors de la saison 2011/2012 avec le club saoudien dénommé Najran Sport Club, le Joueur a signé, en date du 30 juin 2012, en sa qualité de joueur algérien venant de l’étranger, un contrat de joueur professionnel au profit du Club (ci-après le “Contrat”). Ce Contrat a fixé les liens entre les parties pour une durée de deux ans prenant effet le 1er août 2012 pour se terminer le 31 juillet 2014, soit pour les deux saisons sportives 2012/2013 et 2013/2014. Le salaire mensuel du Joueur était fixé un montant de un million quatre-vingt mille (1.080.000) dinars algériens.
3.2 La saison 2012/2013 s’est déroulée sans incident.
3.3 Au début du mois de juillet 2013, alors que la plupart des coéquipiers du Joueur était appelée à rejoindre le stage d’intersaison effectué en Tunisie pour la préparation de la saison 2013/2014, il apparaît que celui-ci ne fut pas appelé pour figurer parmi les joueurs convoqués pour effectuer ce stage.
3.4 Le Club soutenait, pour sa part:
- que le Joueur avait bénéficié d’un mois de congés annuels se terminant le 24 juin 2013, la reprise étant fixée pour le 25 juin 2013,
- que le Joueur ne se serait pas présenté à la reprise et n’aurait rejoint le Club qu’après plus de trente jours, soit le 31 juillet 2013, et ce sans justifier de son absence.
3.5 Pour sa part, le Joueur a déposé une requête afin de voir désigner un huissier de justice, avec le concours duquel il entendait se rendre au siège du Club pour, selon son expression, “être fixé sur sa situation”.
3.6 Le Joueur produit un procès-verbal d’interrogatoire sur ordonnance réalisé par l’huissier ainsi désigné, Maître Sassi Sakache en date du 31 juillet 2013. Il apparaît de ce procès-verbal que le Joueur et l’huissier se sont transportés au siège du Club, à la date indiquée, afin d’interroger le président ou son représentant légal pour connaître les motifs de l’interdiction qui lui était faite de se joindre aux membres de l’équipe afin de participer aux entraînements.
3.7 L’huissier a alors établi un procès-verbal dont le texte est ci-après rappelé:
“En exécution du titre judiciaire précité, nous sommes transportés en compagnie du requérant Benhadj Djilali Redha en la date ci-dessus indiquée à 14 heures au siège CFC S.S.P.A sis au 55 rue Aouati Mustapha, Constantine. A notre arrivée, nous nous sommes adressés au directeur administratif et financier du club ainsi qu’au président du club FERSADOU Yacine. Après les avoir informés de notre qualité, identité et mission à nous confiée, ils ont répondu quant aux motifs d’interdiction du requérant de joindre les membres de l’équipe afin de procéder aux entraînements comme suit: “L’interdiction du joueur quant à suivre les entraînements avec l’équipe signifie que le Club Sportif de Constantine a licencié le joueur Benhadj Djilali Redha du club en dépit que son contrat soit valide jusqu’au mois de septembre 2014””.
3.8 C’est dans ces circonstances qu’est né le présent litige.
IV. SUR LA PROCÉDURE EN ALGÉRIE
A. Devant la Commission de Règlement des Litiges de la FAF
4.1 Dès le 13 août 2013, le Joueur saisissait la Commission de Règlement des Litiges (ci-après la “CRL”) de la FAF compétente pour connaître du présent litige en vertu de l’article 111 du règlement des championnats de football professionnel édité par la FAF.
4.2 Dans sa requête, le Joueur réclamait, à titre de préjudice, un montant de dix-neuf millions trois cent vingt mille (19.320.000) dinars algériens répartis de la manière suivante:
- quatre millions huit cent soixante mille (4.860.000) dinars algériens à titre d’arriérés au titre de la saison sportive 2012/2013,
- cinq cent vingt mille (520.000) dinars algériens pour prime de match,
- douze millions neuf cent soixante mille (12.960.000) dinars algériens pour douze mois de salaire au titre de la saison 2013/2014,
- un million (1.000.000) dinars algériens au titre de dommages pour violation du Contrat.
4.3 Pour sa part, le Club faisait valoir devant la CRL que le Joueur n’aurait pas tenté de résoudre amiablement le litige préalablement à la saisine de cette instance, et ce en infraction aux dispositions de l’article 7 du Contrat.
4.4 Sur le fond, le Club soutenait que le Joueur n’aurait pas rejoint spontanément le Club durant plus de trente jours, soit jusqu’à la reprise de l’entraînement. Le Club soutenait que cet état de fait aurait “poussé le club …” à rompre le Contrat avec le Joueur.
4.5 Le Club estimait ainsi que la rupture du Contrat du Joueur était fondée et motivée par cette absence et demandait, en conséquence, le rejet de toute réclamation du Joueur ainsi que le remboursement à son profit d’un trop perçu de deux millions cinq cent vingt mille (2.520.000) dinars algériens et trois millions (3.000.000) dinars algériens pour réparation de son préjudice moral et financier.
4.6 Par décision en date du 10 octobre 2013 prise sous le numéro 236, la CRL estimait établi clairement que le Club avait libéré le Joueur en infraction avec les dispositions contractuelles qui liaient le Club au Joueur. La CRL précisait qu’il s’agissait d’une rupture unilatérale du Contrat non conforme aux dispositions réglementaires de la FAF et du règlement du statut du transfert du Joueur édicté par la FIFA.
4.7 Sur le plan financier, la CRL, après examen des pièces versées par les deux parties aux débats, rejetait partiellement la demande financière du Joueur et condamnait le Club à lui verser la somme de deux millions trois cent quatre-vingt-dix mille (2.390.000) dinars algériens ajoutant que le Joueur était libre de tout engagement vis-à-vis du Club, celui-ci s’étant rendu coupable d’une rupture du Contrat sans juste cause.
B. Devant le TARLS
4.8 Le Club déposait une requête d’appel auprès du greffe du TARLS du 18 décembre 2013 sous le numéro 066 à l’encontre de la décision de la CRL rappelée supra.
4.9 Le Club reprenait en appel son argumentation développée devant la CRL, estimant que la rupture du Contrat du Joueur était intervenue pour juste cause et lui demandant le règlement de un million six cent cinquante-six mille (1.656.000) dinars algériens au titre d’un trop perçu financier et cinq cent mille (500.000) dinars algériens au titre de réparation du préjudice subi.
4.10 Le Joueur déposait un mémoire en réplique dans lequel il reprenait également ses propres arguments déjà développés devant la CRL; il réclamait, à titre de réparation, le règlement du solde des salaires dus au titre de la saison 2013/2014 en raison du licenciement abusif dont il avait été victime et pour un montant de douze millions neuf cent soixante mille (12.960.000) dinars algériens outre cinq cent mille (500.000) dinars algériens au titre de la réparation du préjudice ainsi subi.
4.11 Par sentence rendue en date du 21 juillet 2014 sous le numéro 13/089, le TARLS estimait:
- la demande arbitrale recevable comme introduite dans les délais légaux,
- et, au fond, confirmait la décision rendue par la CRL de la FAF en ce qu’elle avait accordé au Joueur la somme de deux millions trois cent quatre-vingt-dix mille (2.390.000) dinars algériens, en indiquant que le Joueur était libre de tout engagement vis-à-vis du Club Sportif Constantinois en raison de la résiliation sans motif légal du Contrat.
4.12 C’est dans ces circonstances qu’a été rendue la décision querellée devant le TAS ainsi qu’il est rappelé au point II supra.
V. LA PROCÉDURE DEVANT LE TRIBUNAL ARBITRAL DU SPORT
5.1 Le Joueur a déposé, le 24 octobre 2016, contre le Club Sportif Constantinois un appel concernant la décision rendue par le TARLS le 21 juillet 2014.
5.2 Maître Jean Gay a été désigné arbitre par l’Appelant.
5.3 Le Club Sportif Constantinois a, pour sa part, désigné Monsieur Daniele Moro comme arbitre.
5.4 Maître François Klein, avocat à Paris, France, a été désigné comme président de la Formation arbitrale.
5.5 Le Joueur a déposé un mémoire d’appel en date du 3 novembre 2016.
5.6 Le Club Sportif Constantinois a déposé un mémoire en réplique en date du 5 décembre 2016, soulevant, entre autres, une exception d’incompétence du TAS.
5.7 L’Appelant a déposé un mémoire en réplique sur la compétence du TAS en date du 19 décembre 2016.
5.8 Les parties ont signé une ordonnance de procédure en date des 17 et 18 janvier 2017. Ladite ordonnance indiquait expressément que l’Intimé objecte à la compétence du TAS et que la Formation arbitrale avait décidé de ne pas trancher cette question à titre préliminaire.
5.9 Une audience s’est tenue à Lausanne le 3 février 2017.
VI. L’AUDIENCE DU TAS
6.1 En date du 3 février 2017, une audience a été tenue à Lausanne, à l’Hôtel Angleterre & Résidence en présence de la Formation arbitrale. Les personnes suivantes étaient présentes à l’audience: l’Appelant en personne; Me Mustapha Boucenna, Conseil de l’Intimé, et M. Ouacim Boucenna, assistant.
6.2 Les parties ont été entendues dans leurs explications et la Formation arbitrale leur a posé des questions.
6.3 A l’issue de l’audience, les parties ont confirmé n’avoir aucune objection à faire valoir à l’encontre de la procédure suivie et ont indiqué que leur droit d’être entendues avait été respecté.
6.4 La Formation a toutefois sollicité des informations et des documents complémentaires de la part des parties. Après avoir reçu des informations et des documents de la part des parties, la Formation a poursuivi son délibéré; c’est dans ces circonstances qu’elle a été amenée à rendre la présente sentence.
VII. LA POSITION DES PARTIES
7.1 Les arguments en fait et en droit soulignés par les parties, développés tant dans leurs écritures respectives qu’au cours de l’audience, sont résumés ci-après dans la mesure où cela est nécessaire pour les besoins de la sentence. Toutefois, la Formation arbitrale a pris en compte tous leurs arguments, y compris ceux qui ne sont pas cités dans le développement qui suit.
A. La position du Joueur
7.2 Sur la compétence, le Joueur considère que le TAS peut statuer pour juger du litige sur le fondement des articles 66 et 67 des statuts de la FIFA, de l’article 40 des statuts de la FAF qui instaurent la compétence des juridictions de la Fédération et celle du TAS.
7.3 Le Joueur fait également référence à l’article 106 de la loi du 13 mai 2013 relative à l’organisation et au développement des activités physiques et sportives qui a instauré le TARLS au sein du Comité National Olympique Algérien.
7.4 Le Joueur considère, au vu de ces documents, que la compétence du TARLS n’est pas acquise concernant les joueurs dans la mesure où l’article 101 du règlement des championnats de football professionnel de la FAF donne compétence au TARLS pour les clubs et ne s’applique pas aux joueurs. Il fait pour cela référence à la décision TAS 2008/A/1631. En conséquence, il considère que le TAS reste la juridiction qui peut connaître de ce litige.
7.5 Sur le fond du litige, le Joueur conteste le montant de l’indemnisation qui lui a été attribuée à l’occasion de la rupture du Contrat par le Club, cette rupture ayant été jugée sans juste cause.
7.6 Le Joueur invoque la violation du Règlement FIFA du statut et du transfert du joueur dans son édition de juillet 2013. Il s’appuie également sur les dispositions de l’article 73.4 du code du travail algérien sur l’indemnisation du licenciement et soutient qu’il y a eu une violation des procédures légales et/ou conventionnelles commises par le Club.
7.7 Le Joueur expose d’autres violations de dispositions du Contrat et notamment celle de l’article 1; il fait également état d’une violation des dispositions de l’article 17 relatives aux compétitions de football professionnel en Algérie pour la saison 2013/2014.
7.8 Le Joueur estime, au vu des dispositions précitées, que l’indemnité qui lui est due doit couvrir la période allant de la rupture du Contrat par le Club jusqu’au terme du Contrat, soit du 31 juillet 2013 au 31 juillet 2014, considérant son salaire mensuel de 1.080.000 dinars algériens, il sollicite le montant dudit salaire sur douze mois, soit 12.960.000 dinars algériens à titre d’indemnités.
B. La position du Club
7.9 Le Club rappelle que les deux parties sont de nationalité algérienne et, faisant référence au Contrat, souligne qu’il comporte une clause d’arbitrage qui stipule que les litiges ou les contestations pouvant survenir avec lui à l’occasion de son exécution sont résolus à l’amiable et, à défaut, soumis à la CRL de la FAF.
7.10 Sur la compétence, le Club fait référence aux articles 67 et 68 des statuts de la FAF. Il indique que l’article 67, sous le titre “Tribunal du sport algérien”, prévoit que, “… à l’exception de certaines décisions disciplinaires énoncées dans le code disciplinaire de la FAF, les autres décisions sont susceptibles de recours devant le Tribunal Arbitral du Sport (TAS) algérien dans la limite de ses attributions et des procédures de sa saisine”.
7.11 Le Club poursuit en indiquant que les décisions du TAS algérien concernant les clubs et les joueurs sont définitives et non susceptibles de recours devant une structure d’arbitrage étrangère.
7.12 Le Club fait référence à l’alinéa 2 de l’article 68 des statuts de la FAF qui stipule que “… la FAF se réserve le droit de faire appel des décisions du TAS algérien auprès du TAS de Lausanne”.
7.13 Le Club souligne que le Code de l’arbitrage en matière de sport du TAS (le “Code”) dispose que cet organisme est chargé de trancher par la voie de la procédure arbitrale d’appel des litiges concernant des décisions de fédérations, associations ou autres organismes sportifs, dans la seule mesure où dans les statuts ou règlements desdits organismes sportifs, une convention particulière le prévoit, ce qui n’est pas le cas en l’espèce notamment au vu de la lecture de l’article 68 alinéa 2 rappelé ci-dessus.
7.14 Enfin, le Club indique que l’article R27 du Code – qui dispose que ce dernier est compétent que lorsque les parties sont convenues de lui soumettre un litige relatif au sport ou lorsqu’une association ou un autre organisme sportif ou les statuts et règlement de cet organisme ou une convention particulière prévoient l’appel au TAS – n’est pas applicable en l’espèce.
7.15 Enfin, le Club souligne que l’article R27 du même code écarte nécessairement la juridiction du TAS pour une sentence rendue par le TARLS agissant en qualité de tribunal de première instance; il fait référence à la jurisprudence CAS 2005/A/952 en indiquant que celle-ci a clairement indiqué qu’une clause d’arbitrage en faveur du TAS doit être expressément prévue par les statuts et/ou règlements de l’organisme sportif qui a rendu la décision dont est appel.
7.16 Le Club considère ainsi que le litige dont le TAS est saisi ayant été jugé par le TARLS en dernier ressort, la sentence de cet organisme est définitive et a acquis l’autorité de la chose jugée; il en conclut que le TAS ne peut juger une seconde fois un litige déjà jugé définitivement par les instances arbitrales sportives compétentes; il estime donc que le TAS n’est pas compétent pour connaître du présent litige.
7.17 Sur le fond, très subsidiairement et succinctement, le Club rappelle que le TARLS a confirmé la décision rendue par la CRL de la FAF accordant au Joueur la somme de 2.390.000 dinars algériens, ayant dit que le Joueur était libre de tout engagement vis-à-vis en raison de la résiliation sans motif légal du Contrat.
7.18 Le Club, sans autrement développer ses arguments sur le fond du litige, réitère ses observations sur le fait que la sentence arbitrale du TARLS a définitivement statué dans le présent litige et qu’elle a autorité de la chose jugée.
VIII. LA DÉCISION
A. La compétence du TAS
8.1 Conformément à l’article 186 de la Loi Fédérale sur le Droit International Privé (ci-après “LDIP”), applicable compte tenu du siège de l’arbitrage en Suisse et en application de l’article R28 du Code, le TAS statue sur sa propre compétence.
8.2 En vertu de l’article 47 du Code: “Un appel contre une décision d’une fédération, association ou autre organisme sportif peut être déposé au TAS si les statuts ou règlements dudit organisme sportif le prévoient ou si les parties ont conclu une convention d’arbitrage particulière et dans la mesure aussi où l’appelant a épuisé les voies préalables à l’appel dont il dispose en vertu des statuts ou règlements dudit organisme sportif”.
8.3 La compétence du TAS est contestée par la partie intimée pour les raisons indiquées supra aux paragraphes 7.9 à 7.16; il estime que le TARLS serait compétent en dernier ressort en vertu, d’une part, des articles 67 et 68 de la FAF et, d’autre part, des termes du Contrat.
8.4 Pour sa part, le Joueur, après avoir rappelé qu’il avait épuisé toutes les voies de recours internes, estime, par référence aux dispositions de l’article R47 du Code, que le TAS est compétent pour connaître du litige.
8.5 Sur ce, la Formation arbitrale relève que les dispositions statutaires citées par l’Intimé dans son mémoire (articles 66 et 67 des statuts de la FAF) ne font pas référence à une juridiction dénommée “TARLS” mais au Tribunal du Sport Algérien (par abréviation “TAS”).
8.6 Ce n’est que sur sollicitation de la Formation que l’Intimé a produit les statuts du TARLS, par abréviation du Tribunal Algérien des Règlements Sportifs et autrement dénommé Tribunal Algérien des Sports dont la Formation comprend bien qu’il s’agit de la même juridiction, le TARLS qui a rendu la précédente décision.
8.7 La Formation relève que le règlement du TARLS laisse apparaître que, par une décision n° 15 du COA (Comité Olympique Algérien), le TARLS est en effet une juridiction arbitrale exclusive en matière de règlements sportifs.
8.8 Les statuts du TARLS prévoient, en leur article 1, que c’est une juridiction indépendante et autonome.
8.9 La Formation a examiné les statuts du TARLS versés aux débats par l’Intimé; l’article 2, qui définit les attributions de cette juridiction, indique que celui-ci “… désigne les personnalités qui devront constituer la liste des arbitres”. Or, à cet égard, outre le caractère peu précis de l’organe qui procède à cette désignation, la Formation relève qu’aucune liste des arbitres attachés à cette juridiction n’a été produite de telle sorte que se pose la question de savoir si les parties ont pu choisir librement les arbitres ayant siégé dans la décision du TARLS portée à sa connaissance.
8.10 La Formation a également examiné avec attention le règlement d’arbitrage du TARLS fourni par l’Intimé; il a relevé, en son article 11.1, la disposition suivante: “La Formation arbitrale est composée d’un ou plusieurs arbitres. La Formation arbitrale est composée en nombre impair”.
8.11 L’article 14.1 de ce même règlement stipule que les arbitres “… sont désignés librement par les parties ou, selon la convention d’arbitrage, choisis sur la liste établie par le Tribunal des Sports d’Algérie” (dénomination encore différente de celle figurant en tête des statuts).
8.12 L’article 15 de ce même texte indique que “… les arbitres désignés ne peuvent entamer leur mission qu’après leur confirmation par le Tribunal”.
8.13 Enfin, l’article 31.1 prévoit que la sentence arbitrale “… est écrite, datée, localisée, motivée et signée par le ou les arbitres”.
8.14 C’est au vu de ces dispositions que la Formation a examiné avec attention ladite sentence du TARLS soumise à sa critique. Il est ainsi apparu à la Formation, outre le fait qu’aucune liste d’arbitres attachés à cette juridiction n’a été produite, qu’après recherches auprès de cette juridiction, il ne semblait pas en exister une à l’époque du litige.
8.15 Ainsi et d’une manière générale, il est apparu à la Formation qu’aucune des dispositions précitées des statuts du TARLS et de ses règlements n’a été mise en oeuvre dans le cadre de l’arbitrage critiqué. Il n’apparaît pas que les parties au litige devant le TARLS aient pu choisir les arbitres.
8.16 La Formation relève en effet, à la lecture de la sentence, qu’il n’y figure aucune désignation d’un quelconque arbitre pour constituer le Tribunal sachant qu’un seul nom d’arbitre apparaît dans la sentence, sans qu’il soit possible de déterminer s’il a siégé comme arbitre unique par choix des parties ou s’il a siégé dans une formation collégiale.
8.17 La Formation a en effet constaté que la sentence était signée par un président, par le greffier et par le rapporteur sans qu’aient été respectées les dispositions de l’article 31.1 de ce même règlement d’arbitrage.
8.18 Dans ces circonstances, il est apparu à la Formation, d’une part, qu’aucune des garanties qui doivent être offertes en droit positif à des justiciables en matière d’arbitrage n’a été respectée. D’autre part, la Formation a relevé qu’aucune des dispositions des statuts comme du règlement du TARLS n’a été, à la lecture de la sentence et des pièces des parties, respectée.
8.19 Dans ces circonstances, la Formation considère qu’en aucune manière la sentence rendue par le TARLS en date du 21 juillet 2014 a été rendue conformément aux dispositions mêmes de ce règlement d’arbitrage et ainsi par une juridiction indépendante et autonome comme il est indispensable en matière d’arbitrage.
8.20 De manière subsidiaire, la Formation relève que l’article 7 du Contrat ayant lié des parties, s’il prévoit que les litiges ou contestations pouvant survenir à l’occasion de son exécution sont résolus à l’amiable entre les deux parties et, à défaut, soumis à la CRL de la FAF, ne précise en rien les voies de recours qui sont ouvertes contre ladite commission. Ainsi, le Contrat lui-même n’a pas prévu de stipulations particulières concernant le recours au TARLS ou au TAS.
8.21 La Formation considère, en conséquence, que, au regard des observations qui précèdent, il est compétent pour examiner le recours contre la décision du TARLS qui, elle-même, avait examiné le recours porté devant la CRL. La Formation considère, au vu des dispositions de l’article R47 du Code précitées au point 8.2 supra qu’elle est compétente pour trancher sur appel de la décision du TARLS en date du 21 juillet 2014.
8.22 En outre, les dispositions de l’article 67 des statuts de la FAF qui traite de la compétence du TAS – sous-paragraphe 1 – donnent compétence au TAS contre les décisions prises par les confédérations, les membres ou les ligues. Et si les dispositions de l’article 67.3 stipulent que le TAS ne traite pas de recours rendu par un tribunal arbitral indépendant, a contrario, en l’espèce, la Formation considère que vu les arguments évoqués ci-dessus, il peut statuer dans la présente affaire, le TARLS et ses règlements n’offrant pas toutes les garanties d’indépendance et d’autonomie requises par les Statuts de la FAF.
8.23 La Formation est donc compétente pour trancher le litige qui lui est soumis.
B. La recevabilité de l’appel
8.24 L’article R49 du Code dispose que: “En l’absence de délai d’appel fixé par les statuts ou règlements de la fédération, de l’association ou de l’organisme sportif concerné ou par la convention particulière préalablement conclue, le délai d’appel est de 21 jours dès la réception de la décision faisant l’objet de l’appel …”.
8.25 Dans le cas d’espèce, la décision a été notifiée le 4 octobre 2016 et l’appel a été interjeté le 24 octobre 2016, soit dans le délai de vingt-et-un jours à compter de la réception par le Joueur de la décision du TARLS.
8.26 La Formation arbitrale relève dès lors que l’appel est recevable pour avoir été formé dans le délai.
C. Le droit applicable
8.28 L’article R58 du Code dispose: “La Formation statue selon les règlements applicables et, subsidiairement, selon les règles de droit choisis par les parties ou, à défaut de choix, selon le droit du pays dans lequel la fédération, l’association ou autre organisme sportif ayant rendu la décision attaquée à son domicile ou selon les règles de droit dont la fédération estime l’application appropriée. Dans ce dernier cas, la décision de la Formation doit être motivée”.
8.29 Le Contrat liant le Joueur au Club ne contient pas de clause prévoyant une indemnisation en cas de rupture par l’une ou l’autre des parties du Contrat.
8.30 La Formation appliquera les règlements de la Fédération Algérienne de Football et, à titre supplétif, en tant que de besoin, le droit algérien et plus particulièrement le code du travail algérien dans ses dispositions applicables aux ruptures de contrats.
8.31 La Formation relève que les règlements FAF font justement référence au RSTJ en la matière. La Formation retiendra les dispositions de ce texte dans sa version applicable en août 2013 pour les besoins du présent litige.
D. Le fond du litige
a) Sur la résiliation du Contrat
8.32 Au vu des éléments du litige et des pièces versées par les parties, la Formation relève que le Club ne justifie d’aucun courrier, email ou écrit quelconque, ni témoignage qui démontrerait qu’il a adressé une mise en demeure au Joueur qui aurait, selon lui, été défaillant préalablement à l’établissement du procès-verbal d’interrogatoire sur ordonnance établi à la demande du Joueur en date du 31 juillet 2013 (voir points 3.5 à 3.7 supra).
8.33 La Formation constate, à la lecture du procès-verbal précité mais contredit par aucune autre pièce, qu’il ne peut être contesté par les parties que le Club a procédé à la rupture du Contrat avec le Joueur. Ceci résulte clairement des déclarations du président du Club dont l’huissier indique qu’il a tenu les propos suivants: “L’interdiction du Joueur quant à suivre les entraînements avec l’équipe signifie que le Club Sportif de Constantine CSC S.S.P.A. a licencié le joueur BENHADJ DJILALI Redha du Club en dépit que son contrat soit valide jusqu’au mois de septembre 2014”.
8.34 Les déclarations du président du Club constituent l’aveu de ce que le Joueur a été licencié sans motif.
8.35 La Formation souligne que le Club n’a, dans ses écritures devant le TAS, pas défendu sur le fond du litige; le Club s’est réfugié derrière la décision de la CRL et du TARLS, faisant siennes ces constatations de ces juridictions, lesquelles avaient indiqué l’une et l’autre que le Contrat du Joueur avait été rompu sans juste cause.
8.36 La Formation a ensuite recherché dans le Contrat, et notamment dans son article 5, si une clause aurait permis au Club de mettre un terme anticipé au Contrat. Or, l’article 5 prévoit que les parties se sont engagées pour deux années, le Contrat prenant effet le 1er août 2012 et se terminant le 31 juillet 2014.
8.37 La Formation constate que ces éléments de fait ne sont pas contestés par les parties et qu’ils ne prêtent pas à interprétation.
8.38 La Formation a examiné les dispositions réglementaires relatives aux compétitions de football professionnel saison 2013/2014 de la Fédération Algérienne de Football. L’article 17 de ces dispositions stipule que le Contrat ne peut être résilié unilatéralement en cours de saison et que toute rupture de contrat doit être conforme aux dispositions des règlements du statut du joueur de la FIFA.
8.39 Selon les dispositions de l’article 13 du RSTJ de la FIFA en vigueur en août 2013, un contrat entre un joueur professionnel et un club peut prendre fin uniquement à son échéance ou d’un commun accord. L’article 14 de ce même règlement précise que le Joueur et le Club peuvent mettre fin à un contrat “pour juste cause”. La Formation considère que tel n’est pas le cas dans le litige dont il est saisi.
8.40 La Formation considère dès lors que la rupture du Contrat par le Club sans juste cause est établie.
b) Les conséquences financières de la résiliation anticipée du Contrat par le Club sans juste cause
8.41 La Formation relève tout d’abord que le Contrat ne contient aucune disposition spécifique prévoyant des modalités de calcul de la compensation financière due en cas de rupture anticipée du Contrat sans juste cause par l’une des parties.
8.42 La Formation estime, en conséquence, qu’il convient de faire application des dispositions mentionnées à l’article 8.43 ci-dessous.
8.43 La Formation relève que tant les dispositions de l’article 17 du RSTJ que les dispositions de l’article 80 de la loi 90/11 relative aux relations de travail en Algérie prévoient que l’indemnité due en cas de rupture anticipée du Contrat doit correspondre à la rémunération et autres avantages que la partie lésée aurait perçus jusqu’au terme de celui-ci (cf. Bull. TAS 2015/2 ad CAS 2014/A/3706).
8.44 Au regard des éléments de fait fournis à la Formation, celle-ci constate que le Joueur a été payé pendant la première année d’exécution de son Contrat et qu’il n’a pas reçu, pendant la deuxième année de celui-ci, une rémunération au titre d’un autre engagement; la Formation en tire comme conséquence que le Joueur est en droit de bénéficier de la totalité des montants qu’il aurait dû percevoir sur toute la durée du Contrat.
8.45 Le Contrat stipule que le Joueur doit percevoir mensuellement 1.080.000 dinars algériens, et ce pour toute la durée de son Contrat, soit 1.080.000 x 24 = 25.920.000 dinars algériens.
8.46 Des éléments de fait comme de la décision de la CRL et du TARLS, il ressort qu’il a perçu en fait 11.570.000 dinars algériens; c’est donc une somme de 14.350.000 dinars algériens (25.920.000 – 11.570.000) qui aurait dû être perçue par le Joueur.
8.47 Il ressort toutefois du mémoire de l’Appelant que celui-ci réclame, dans ses dernières écritures devant le TAS, 12.960.000 dinars algériens. La Formation arbitrale ne pouvant pas statuer ultra petita, elle ne peut pas aller au-delà de la demande formulée par l’Appelant dans ses dernières écritures.
8.48 En conséquence, la Formation admet l’appel du Joueur et arrête le montant dû par le Club au Joueur, au titre de la rupture du Contrat sans juste cause, au montant de 12.960.000 dinars algériens.
PAR CES MOTIFS
Le Tribunal Arbitral du Sport statuant contradictoirement:
1. Dit que l’appel interjeté par Redha Benhadj Djilali contre la décision rendue par le Tribunal Algérien des Règlements des Litiges Sportifs (TARLS) est admis.
2. Le Tribunal Arbitral du Sport réforme partiellement la décision du TARLS et condamne le Club Sportif Constantinois à payer à Redha Benhadj Djilali la somme de 12.960.000 dinars algériens.
3. (…).
4. (…).
5. Toutes autres ou plus amples conclusions sont rejetées.
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