TAS-CAS – Tribunal Arbitral du Sport/Tribunale Arbitrale dello Sport – Court of Arbitration for Sport/Corte Arbitrale dello Sport (2017-2018) – tas-cas.org – atto non ufficiale – Arbitrage TAS 2017/A/5147 Club Avenir Sportive d’Oued Ellil & Association Avenir Sportive de l’Union Sportive de Matouia & Club de l’Etoile Sportive d’Al Weslatya c. Fédération Tunisienne de Football (FTF), sentence du 6 mars 2018 (dispositif du 14 septembre 2017)
Tribunal Arbitral du Sport Court of Arbitration for Sport
Arbitrage TAS 2017/A/5147 Club Avenir Sportive d’Oued Ellil & Association Avenir Sportive de l’Union Sportive de Matouia & Club de l’Etoile Sportive d’Al Weslatya c. Fédération Tunisienne de Football (FTF), sentence du 6 mars 2018 (dispositif du 14 septembre 2017)
Formation: Prof. Gérald Simon (France), Arbitre unique
Football
Gouvernance
Intérêt à agir
Droits de la défense
Pouvoir d’évocation
1. Une partie interjetant appel contre une décision doit exciper d’un intérêt à agir, en ce que la décision attaquée la concerne et affecte sa situation.
2. Le respect des droits de la défense ne s’impose que dans le cadre d’une procédure disciplinaire ou juridictionnelle.
3. Selon l’article 35 des Statuts de la Fédération Tunisienne de Football (FTF), le bureau fédéral de la FTF peut se saisir d’office de toutes les décisions prises par les Ligues et Commissions nationales et fédérales pour éventuellement les réviser ou pour se prononcer sur les cas n’ayant pas fait l’objet de décision. Cet article correspond au pouvoir dit “d’évocation” permettant, in casu, à une association nationale d’intervenir afin d’écarter l’application stricte de ses règlements “au nom des intérêts généraux de la discipline”, i.e. lorsqu’une situation, par sa gravité, apparaît de nature à porter atteinte à ces intérêts. Lesdits intérêts généraux peuvent notamment consister en la préservation de l’égalité entre clubs ou la défense de la crédibilité d’un championnat.
I. LES PARTIES
1. Le Club Avenir Sportive d’Oued Ellil, l’Association Avenir Sportive de l’Union Sportive de Matouia et le Club de l’Étoile Sportive d’Al Weslatya (ci-après “les Appelants” ou “les Clubs”) sont des clubs affiliés à la Fédération Tunisienne de Football (ci-après “FTF”) participant au championnat de Ligue III (ci-après “L III”) pour la saison 2016/2017.
2. La Fédération Tunisienne de Football (ci-après “FTF”) est une association nationale affiliée à la Fédération Internationale de Football Association (ci-après “FIFA”) en charge de l’organisation du football en Tunisie.
II. LES FAITS
3. Du fait de la situation économique difficile que traverse la Tunisie, le ministère des sports n’a pu verser selon l’échéance fixée les subventions dues aux clubs appartenant à la Ligue Nationale de Football Amateur de la FTF (ci-après “LNFA” ou “la Ligue”) et qui évoluent dans le championnat de L III.
4. Devant cette situation, les clubs de L III ont demandé à la LNFA, qui gère la L III, le report du championnat.
5. Le 8 décembre 2016, la LNFA a d’abord fait droit à cette demande et décidé le report du championnat jusqu’au règlement du problème des subventions.
6. Cependant, le 22 décembre 2016, la LNFA est revenue sur sa décision et, afin d’éviter un calendrier serré en fin de saison, a décidé la reprise du championnat (8ème journée) les 29 et 30 décembre 2016.
7. 31 des 48 clubs de L III ont alors avisé la Ligue de leur refus de reprendre le championnat dans de telles conditions.
8. Le 28 décembre 2016, la Ligue publia un communiqué confirmant les dates de reprise de la 8ème journée de L III les 29 et 30 décembre 2016.
9. Sur les 24 matchs programmés à ces dates, seuls 7 matchs ont pu se dérouler, parmi lesquels le match opposant l’Avenir Sportive d’Oued Ellil à l’équipe du club Ennadi Ahly Matri, rencontre perdue par Oued Ellil. Sur les 17 rencontres qui ne se sont pas disputées, pour 9 matchs, les deux équipes étaient absentes, pour les 8 autres, une seule équipe était présente, l’équipe adverse ne s’étant pas présentée. En particulier, les clubs d’Al Weslatya et celui de Matouia se sont présentés pour jouer respectivement contre les clubs Etoile Sportive El Fahs et Progrès Sportif Sakiet Eddayer, ces deux clubs ne s’étant pas présentés.
10. Le 11 janvier 2017, le bureau de la LNFA a décidé de sanctionner les clubs absents qui voyaient le match perdu par forfait et la suppression d’un point de classement tandis que les équipes présentes avaient match gagné et les trois points de la victoire au classement.
11. Le 25 mars 2017, les clubs sanctionnés par la Ligue ayant fait appel devant le Comité National d’Appel de la FTF (ci-après “CNA”), celui-ci infirma en partie les décisions du bureau de la LNFA du 11 janvier 2017. Le CNA décida en effet d’une part d’annuler les sanctions contre les clubs ayant déclaré forfait, en particulier le club Etoile Sportive El Fahs, et de faire rejouer 13 matchs non disputés et, d’autre part, de ne pas faire rejouer 4 matchs, parmi lesquels le match Union Sportive Matouia contre Progrès Sportif Sakiet Eddayer.
12. Le 7 avril 2017, le bureau fédéral de la FTF, se fondant sur les stipulations de l’article 35 des statuts de la fédération, se saisit d’office de la décision du CNA et décida “de reprendre tous les matchs qui n’ont pas été joués lors de la 8ème journée aller du championnat de la Ligue III les 29 et 30 décembre 2016, y compris les matchs lors desquels l’une des équipes s’est absentée”.
III. PROCÉDURE DEVANT LE TAS
13. Le 27 avril 2017, les Appelants déposaient une déclaration d’appel au TAS à l’encontre de la décision du bureau fédéral de la FTF du 7 avril 2017. Conformément aux articles R48 al. 2 et R64 al. 1 du Code de l’arbitrage en matière de sport (ci-après “le Code”), les Appelants se sont acquittés du droit de greffe de CHF 1 000.
14. Le 9 mai 2017, les Appelants déposaient un mémoire d’appel et indiquaient qu’ils souhaitaient que le litige soit soumis à un arbitre unique.
15. Le 23 mai 2017, le Greffe du TAS initiait la procédure arbitrale TAS 2017/A/5147 Club Avenir Sportive d’Oued Ellil & Association Avenir Sportive de l’Union Sportive de Matouia & Club de l’Etoile Sportive d’Al Weslatya c. Fédération Tunisienne de Football (FTF) et invitait notamment l’Intimée à s’exprimer sur le nombre d’arbitre et à déposer sa réponse.
16. Le 26 mai 2017, l’Intimée demandait que l’appel soit traité par une formation arbitrale composée de trois arbitres.
17. Le 30 mai 2017, l’Intimée faisait part de son refus de payer sa part d’avances de frais.
18. Le 31 mai 2017, les Appelants demandaient que l’affaire soit jugée par un arbitre unique, compte-tenu du refus de l’Intimée de payer sa part d’avances de frais.
19. Le 13 juin 2017, le Greffe du TAS informait les Parties que la Présidente de la Chambre arbitrale d’appel du TAS avait décidé qu’en application de l’article R50 du Code, au vu des circonstances de l’affaire, particulièrement l’intention de l’Intimée de ne pas payer sa part d’avances de frais, le litige serait soumis à un arbitre unique.
20. Le 13 juin 2017, l’Intimé déposait un mémoire de réponse.
21. Le 21 juin 2017, l’Intimée informait le TAS qu’elle ne voyait aucune objection à ce qu’une audience se tienne par vidéoconférence.
22. Le 8 août 2017, le Greffe du TAS accusait réception du paiement par les Appelants des avances de frais requises et informait les Parties que la Présidente de la Chambre arbitrale d’appel du TAS avait désigné Prof. Gérald Simon, Professeur à Dijon, France, comme arbitre unique.
23. Le 31 août 2017, le TAS a adressé une ordonnance aux Parties, laquelle a été signée par toutes les Parties, le 4 septembre 2017.
24. Le 8 septembre 2017 et après consultation des Parties, une audience était tenue au siège du TAS à Lausanne, Suisse, en la présence du Prof. Gérald Simon, assisté de Pauline Pellaux, conseillère au TAS, les Parties, intervenant à l’audience par vidéoconférence, étaient représentées, pour les Appelants, par Maîtres Alaimi Tarek et Ben Deya Ramzi du cabinet El Manar, et, pour l’Intimée par le Secrétaire Général de la FTF, M. Wajdi Aouadi, et par M. Amine Mougou, membre du bureau fédéral.
25. A l’issue de l’audience, les Parties ont déclaré que leur droit d’être entendu avait été pleinement respecté lors de la présente procédure. Par ailleurs, l’Arbitre unique les avisa que le dispositif de la sentence leur serait communiqué, conformément au souhait des Parties, avant l’ouverture de la nouvelle saison, la sentence complète, comportant notamment les motifs, faisant l’objet d’une notification ultérieure.
26. Le 14 septembre 2017, le dispositif, signé par l’Arbitre Unique, était communiqué aux Parties.
IV. LA POSITION DES PARTIES
27. La position des Parties décrite ci-dessous est indicative et ne comprend pas nécessairement tous leurs arguments. Cependant l’Arbitre Unique a pris en compte l’ensemble des arguments, y compris ceux non cités dans le résumé qui suit.
A) Position et conclusions des Appelants
28. Les Appelants soutiennent en premier lieu que les sanctions à l’égard des clubs défaillants, telles que les avait décidées la LNFA, étaient légalement fondées en application tant des articles 176 et 178 des règlements généraux de la FTF ainsi que des articles 16 et 19 des règlements sportifs.
29. Les Appelants estiment en outre que l’appel des clubs contre la décision de la LNFA était irrecevable pour vice de forme au triple motif d’une part qu’un seul acte d’appel a été présenté au nom de plusieurs clubs alors qu’il s’agit de décisions individuelles, que d’autre part la demande d’appel a été signée par le président du club et non par le secrétaire général ou son adjoint, comme l’exige l’article 217 des règlements généraux et qu’enfin l’appelant n’a pas assigné ses adversaires conformément au même article 217.
30. Ainsi, selon les Appelants, non seulement, en recevant formellement l’appel, le CNA a violé l’article 217, mais, en outre, en infirmant les décisions fondées légalement de la LNFA, le Comité n’a pas donné de base légale à sa décision quant au fond.
31. Les Appelants soutiennent enfin que la décision du bureau fédéral de la FTF de se saisir d’office du dossier est irrégulière à divers titres.
32. Selon les Appelants en effet, la décision dudit bureau, prise sans que les équipes concernées aient été convoquées, aurait ainsi violé les droits de la défense et le caractère contradictoire de la procédure dont le respect est énoncé par l’article 54 des statuts de la FTF.
33. En outre, la décision serait irrégulière en ce qu’elle n’a été ni motivée, ni notifiée aux parties concernées, comme le prévoient les règlements généraux, mais simplement publiée sur le site de la Fédération.
34. Les Appelants soutiennent pour finir que le bureau fédéral ne pouvait statuer en équité, comme il l’a fait, dès lors que les sanctions disciplinaires prononcées par la LNFA l’ont été conformément aux dispositions des règlements généraux de la FTF. En outre, selon les Appelants, les règles d’équité auraient abouti en l’espèce à pénaliser les clubs qui, en se présentant pour disputer les matchs programmés par la LNFA, avaient respecté la décision de la Ligue. En statuant de la sorte, la décision du bureau fédéral violerait ainsi les textes fédéraux.
35. En conclusion, les Appelants demandent au TAS à titre principal de recevoir leur appel devant lui, d’infirmer la décision du bureau fédéral du 7 avril 2017 et de confirmer les décisions de la LNFA du 11 janvier 2017 dans leur totalité, en particulier celles concernant la rencontre entre Étoile Sportive d’Al Weslatya et Étoile Sportive El Fahs d’une part, et la rencontre entre Union Sportive Matouia et Progrès Sportif Sakiet Eddayer, d’autre part, décisions qui ont abouti à attribuer 3 points au classement aux deux équipes présentes, à savoir Étoile Sportive d’Al Weslatya et Union Sportive Matouia et à retirer un point de classement à leurs adversaires, ceux-ci ayant perdu le match par forfait en raison de leur absence.
36. À titre subsidiaire, les Appelants demandent au TAS de rendre un “jugement préparatoire” ordonnant au bureau fédéral de présenter les dossiers exhaustifs (feuilles de match, rapport du délégué, etc.).
B) Position et conclusions de l’Intimée
37. L’Intimée conclut au rejet de l’appel.
38. Elle soutient tout d’abord que les trois Appelants ont formé un appel collectif alors que chacun d’entre eux aurait dû former son propre appel et se conformer aux exigences requises (respect des délais et paiement du droit de greffe).
39. L’Intimée considère ensuite que, c’est à tort, que les Appelants s’estiment lésés par la décision du bureau fédéral. En effet, d’une part, la décision du bureau ne concerne en rien l’Avenir Sportive d’Oued Ellil qui avait disputé son match et l’avait d’ailleurs perdu; d’autre part, c’est également à tort que l’Étoile Sportive d’Al Weslatya conteste la décision du bureau fédéral, dès lors que la décision de faire rejouer le match a été prise par le CNA le 25 mars 2017; enfin l’Union Sportive Matouia faisait partie des clubs de LIII qui avaient demandé le report du championnat et n’est donc pas fondé à se plaindre que la décision du bureau l’a désavantagé.
40. S’agissant de la violation alléguée des droits de la défense, l’Intimée répond que le bureau n’a pas instruit un nouveau dossier et que, partant, les droits de la défense n’étaient pas applicables. La FTF allègue au surplus qu’en tout état de cause l’effet curatif de l’appel devant le TAS guérit les violations procédurales qui auraient pu être commises.
41. Concernant enfin la violation alléguée des textes fédéraux, l’Intimée répond que les forfaits des clubs avaient été motivés par une situation exceptionnelle. Or, le CNA en ordonnant de ne rejouer que 13 des 17 matchs a méconnu le principe d’égalité entre les clubs alors que la cause du forfait était la même pour tous. En se saisissant d’office, le bureau fédéral a entendu principalement garantir le principe d’égalité des chances entre les clubs.
42. L’Intimée demande au TAS de rejeter l’appel et de confirmer la décision du bureau fédéral du 7 avril 2017.
V. COMPÉTENCE DU TAS ET RECEVABILITÉ
43. L’article R47 du Code dispose: “Un appel contre une décision d’une fédération, association ou autre organisme sportif peut être déposé au TAS si les statuts et règlements dudit organisme sportif le prévoient ou si les parties ont conclu une convention d’arbitrage particulière et dans la mesure aussi où l’appelant a épuisé les voies de droit préalables à l’appel dont il dispose en vertu des statuts et règlements dudit organisme sportif”.
44. Aux termes de l’article 56 des statuts de la FTF révisé lors de l’assemblée générale extraordinaire du 6 novembre 2015, “tout recours intenté contre une décision définitive et contraignante rendue par la Fédération ou ses organes juridictionnels sera du ressort exclusif du Tribunal Arbitral du Sport sis à Lausanne (Suisse)”.
45. La décision contestée est une décision définitive et contraignante émanant d’un organe de la Fédération, à savoir son bureau fédéral. La compétence du TAS, laquelle n’a d’ailleurs pas été contestée par les Parties et est confirmée par la signature de l’ordonnance de procédure, elle ne fait donc pas de doute.
46. La déclaration d’appel, déposée le 27 avril 2017, contre la décision du bureau fédéral du 7 avril 2017 et qui n’a pas été directement notifiée aux Appelants, respecte en tout état de cause le délai de 21 jours à compter de la réception de la décision prescrit par l’article R49 du Code.
47. Par ailleurs, la déclaration d’appel répond aux exigences de forme des articles R47 et R48 du Code.
48. L’appel est donc recevable en la forme.
VI DROIT APPLICABLE
49. L’article R58 du Code dispose: “La Formation statue selon les règlements applicables et, subsidiairement, selon les règles de droit choisies par les parties, ou à défaut de choix, selon le droit du pays dans lequel la fédération, association ou autre organisme sportif ayant rendu la décision attaquée a son domicile ou selon les règles de droit que la Formation estime appropriées. Dans ce dernier cas, la décision de la Formation doit être motivée”.
50. En l’espèce, sont applicables les différents statuts et règlements de la FTF. Le droit tunisien sera applicable à titre supplétif, conformément aux dispositions de l’article R58 du Code.
VII DISCUSSION
A) Sur l’intérêt à agir des Appelants
51. Il ressort du dossier que deux des Appelants n’ont pas d’intérêt à agir contre la décision contestée du bureau fédéral de la FTF du 7 avril 2017.
52. D’une part en effet, l’Avenir Sportive d’Oued Ellil a normalement disputé le match l’opposant au club Ennadi Ahly Matri à la date fixée par la LNFA dans son communiqué du 28 décembre 2016, les deux équipes étant présentes. La décision du bureau fédéral de faire rejouer 4 des matchs qui n’ont pas été joués lors de la 8ème journée aller du championnat de LIII ne concerne ainsi en rien les matchs qui s’étaient disputés lors de cette journée, en particulier celui entre l’Avenir Sportive d’Oued Ellil et Ennadi Ahly Matri. Le club d’Oued Ellil ne saurait dès lors exciper d’un intérêt justifiant un appel d’une décision qui ne le concerne pas directement et par laquelle il ne démontre pas avoir été affecté.
53. D’autre part, si l’Étoile Sportive d’Al Weslatya, qui avait été déclarée vainqueur par forfait dans son match contre le club El Fahs par la décision de la LNFA le 11 janvier 2017, pouvait avoir un intérêt à contester l’annulation de cette décision en appel, l’obligeant à rejouer ledit match, force est de constater que la décision de réformer en appel la décision initiale de la LNFA a été prise par le Comité National d’Appel de la FTF et non par le bureau fédéral dont la décision s’est bornée à faire rejouer les 4 matchs dont le forfait avait été confirmé par le Comité. Autrement dit, le préjudice dont se plaint le club Al Weslatya résulte de la décision du CNA mais non du bureau fédéral. Cet Appelant ne saurait dès lors être fondé à contester devant le TAS une décision qui ne le vise pas et par laquelle il ne démontre pas avoir été affecté.
54. En revanche, la décision contestée affecte suffisamment l’Union Sportive Matouia pour que l’appel de celle-ci devant le TAS soit justifié. En effet, la décision du bureau fédéral de faire rejouer son match qui l’opposait au Progrès Sportif de Sakiet Eddayer a, quant à elle, directement remis en cause la décision de la LNFA qui avait déclaré le match gagné par le club de Matouia par forfait. Cet Appelant a par conséquent intérêt à l’annulation de la décision du bureau de la FTF. Le fait que l’Appelant ait fait partie des clubs de LIII qui avaient demandé à la Ligue le report du championnat est en tout état de cause sans rapport avec l’objet de la décision attaquée.
55. L’Arbitre Unique considère donc que, des trois Appelants, seule l’Union Sportive Matouia démontre d’un intérêt suffisant justifiant son appel de la décision contestée du bureau fédéral de la FTF du 7 avril 2017.
B) Sur le fond
56. Pour autant, la prétention de cet Appelant que le TAS infirme la décision du bureau fédéral du 7 avril 2017 et confirme celle de la LNFA du 11 janvier 2017 ne saurait être accueillie.
57. En premier lieu, les prétendus vices de forme qui auraient affecté la décision d’appel du CNA, à les supposer établis, sont en tout état de cause inopérants dès lors qu’ils ne visent pas la décision attaquée.
58. En deuxième lieu, les allégations selon lesquelles la décision du bureau comporterait diverses irrégularités formelles relatives au respect des droits de la défense et à l’obligation de motivation ne sauraient davantage être accueillies.
59. D’une part, en effet, le respect des droits de la défense ne s’impose que dans cadre d’une procédure disciplinaire ou juridictionnelle. Or, la décision du bureau fédéral, contrairement à ce qui est prétendu, n’a pas un objet disciplinaire mais, en ordonnant de reprendre tous les matchs n’ayant pas été joués, a entendu, selon ses propres termes “préserver l’égalité des chances entre tous les clubs” et “défendre la crédibilité du championnat de la ligue III”. De tels motifs n’ont ainsi rien de disciplinaire.
60. D’autre part, contrairement à ce qui est prétendu, la décision du bureau est parfaitement motivée, comme il vient d’être dit, par des considérations relatives à l’égalité des clubs et à la crédibilité du championnat.
61. En tout état de cause, l’effet curatif de l’appel devant le TAS aurait pour conséquence de purger de tels vices, à les supposer établis.
62. Enfin, concernant l’absence de notification de la décision du bureau aux intéressés, l’Arbitre Unique relève que les Appelants ont, en tout état de cause eu connaissance de cette décision, connaissance qui leur a permis d’en faire appel devant le TAS dans les délais prescrits. L’absence de notification n’est donc en rien susceptible de les avoir lésés et ne saurait justifier l’annulation de la décision.
63. En dernier lieu, l’allégation des Appelants selon laquelle le bureau, en statuant en équité, aurait violé les règles impératives énoncées dans les règlements généraux de la FTF, ne saurait pas davantage être admise.
64. C’est en effet conformément aux dispositions des statuts de la FTF que le bureau a décidé de se saisir d’office.
65. Aux termes de l’article 35 desdits statuts, “le bureau fédéral peut se saisir d’office de toutes les décisions prises par les Ligues et Commissions nationales et fédérales pour éventuellement les réviser ou pour se prononcer sur les cas n’ayant pas fait l’objet de décision”. Le pouvoir du bureau de se saisir d’office en vue d’une éventuelle réformation des décisions des différentes instances fédérales résulte ainsi clairement des statuts de la Fédération. Le bureau tenait donc de ces textes compétence pour intervenir comme il l’a fait.
66. Sans doute, cet article des statuts n’énonce-t-il pas les motifs pour lesquels le bureau peut se saisir d’office, ce qui lui laisse un entier pouvoir d’appréciation.
67. Il reste que cet article correspond au pouvoir dit “d’évocation” dont disposent, en vertu de leurs statuts, la plupart des associations nationales de football et qui leur permet d’intervenir “au nom des intérêts généraux de la discipline”, autrement dit lorsqu’une situation, par sa gravité, apparaît de nature à porter atteinte à ces intérêts.
68. Tel est précisément le cas en l’espèce. Comme l’énonce expressément la décision du bureau, la reprise de tous les matchs non joués lors de la 8ème journée du championnat de LIII a été motivée par la volonté de préserver l’égalité entre les clubs et de défendre la crédibilité dudit championnat car la décision prise en appel par le CNA conduisait à faire rejouer tous les matchs qui n’avaient pas eu lieu en raison de l’absence de l’une ou des deux équipes, à l’exception de 4 rencontres sans que le CNA explique une telle exception.
69. Cette différence de la part du CNA a abouti à une inégalité dans le traitement des clubs d’autant plus injustifiée que, comme le souligne l’Intimée, “la situation de tous les clubs était exactement la même et la cause du forfait était la même pour tous les clubs”. L’Arbitre Unique considère que les circonstances exceptionnelles du cas d’espèce justifiaient ainsi que le bureau fédéral écarte l’application stricte des règlements au nom de l’intérêt supérieur du football.
70. Dans ces conditions, la décision critiquée du bureau fédéral de la FTF de se saisir d’office de la décision du CNA et de faire rejouer tous les matchs du championnat au nom de l’égalité des chances entre les clubs, en application de l’article 35 des statuts de la Fédération, apparaît conforme aux objectifs visés et ne saurait, par suite, être annulée.
71. L’appel ne peut qu’être rejeté.
PAR CES MOTIFS
Le Tribunal Arbitral du Sport:
1. Rejette l’appel déposé le 27 avril 2017 par le Club Avenir Sportive d’Oued Ellil, le Club de l’Etoile Sportive d’Al Weslatya et l’Association Avenir Sportive de l’Union Sportive de Matouia.
2. (…).
3. (…).
4. Rejette toutes autres et plus amples conclusions.
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