TAS-CAS – Tribunal Arbitral du Sport/Tribunale Arbitrale dello Sport – Court of Arbitration for Sport/Corte Arbitrale dello Sport (2017-2018) – tas-cas.org – atto non ufficiale – Arbitrage TAS 2017/A/5278 Florent Malouda c. Confédération de football d’Amérique du Nord, d’Amérique centrale et des Caraïbes (CONCACAF), sentence du 19 avril 2018

Tribunal Arbitral du Sport Court of Arbitration for Sport
Arbitrage TAS 2017/A/5278 Florent Malouda c. Confédération de football d’Amérique du Nord, d’Amérique centrale et des Caraïbes (CONCACAF), sentence du 19 avril 2018
Formation: Prof. Petros Mavroidis (Grèce), Président; M. Bernard Foucher (France); Me Michele Bernasconi (Suisse)
Football
Sanctions disciplinaires à l’encontre d’un joueur pour avoir violé une interdiction de stade
Notification irrégulière
Fardeau de la preuve de la notification
Principe de la bonne foi
1. Une notification irrégulière, notamment par le défaut d’indication des voies de droit ou l’indication incomplète des voies de droit, ne peut entraîner aucun préjudice pour la partie concernée. Toutefois, cette dernière doit adopter un comportement conforme à la bonne foi, notamment en rectifiant d’elle-même l’erreur ou l’omission lorsqu’on peut raisonnablement l’exiger d’elle. La partie n’est plus de bonne foi si elle s’est aperçue de l’erreur, ou aurait dû s’en apercevoir en prêtant l’attention commandée par les circonstances. Déterminer si la négligence commise par la partie concernée est grossière s’apprécie selon les circonstances concrètes et les connaissances juridiques de la personne en cause.
2. Le fardeau de la preuve de la notification d’une décision incombe en principe à l’autorité qui entend en tirer une conséquence juridique. L’autorité supporte donc les conséquences de l’absence de preuve, en ce sens que si la notification ou sa date sont contestées, et qu’il existe effectivement un doute à ce sujet, il y a lieu de se fonder sur les déclarations du destinataire de l’envoi. L’absence de notification doit être distinguée de la notification irrégulière, laquelle ne constitue pas nécessairement une cause de nullité; la protection des parties est suffisamment réalisée lorsque la notification irrégulière atteint son but malgré cette irrégularité. Il convient donc d’examiner, d’après les circonstances du cas concret, si la partie intéressée a réellement été induite en erreur par l’irrégularité de la notification et a, de ce fait, subi un préjudice. Il s’impose de s’en tenir aux règles de la bonne foi, qui imposent une limite à l’invocation d’un vice de forme.
3. Il découle du principe de la bonne foi une obligation de se renseigner sur l’existence et le contenu d’une décision dès qu’on peut en soupçonner l’existence, sous peine de se voir opposer l’irrecevabilité d’un éventuel moyen pour cause de tardiveté. Attendre passivement serait en effet contraire au principe de la bonne foi.
I. LES PARTIES
1. M. Florent Malouda est un joueur de football professionnel de nationalité française, né le 13 juin 1980 en Guyane française.
2. La Confédération de football d’Amérique du Nord, d’Amérique centrale et des Caraïbes (la “Confederation of North, Central American and Caribbean Association Football”, CONCACAF) est un organisme, dont le siège statutaire est à Nassau, Bahamas, mais dont le quartier général est en Floride, aux Etats-Unis d’Amérique. Elle constitue l’une des six confédérations continentales reconnues par la Fédération Internationale de Football Association (FIFA). La CONCACAF a pour but de traiter toutes les questions qui concernent le football en Amérique du Nord, Amérique Centrale et dans les Caraïbes. Elle organise des compétitions et tournois internationaux de football, dont la Gold Cup.
II. LES FAITS
3. Cette section comprend un résumé des faits pertinents à l’origine du litige, établi sur la base des pièces de procédure écrite déposées par les Parties ainsi que de leurs plaidoiries. D’autres faits et allégations peuvent également y être mentionnés dans la mesure de leur pertinence en vue de la discussion sur le fond dans la présente sentence arbitrale. Si la Formation arbitrale a pris en compte l’ensemble des faits de la cause, assertions, arguments de droit et éléments de preuve avancés par les Parties durant la procédure, elle se réfère dans la présente sentence arbitrale aux seuls éléments de fait et de droit qui lui sont nécessaires pour l’exposé de son raisonnement.
II.1 La Gold Cup, Edition 2017
4. La Gold Cup est une compétition officielle organisée par la CONCACAF.
5. La phase finale de l’édition 2017 de la Gold Cup a eu lieu du 7 au 26 juillet 2017 aux Etats-Unis d’Amérique.
6. Selon le règlement applicable à la Gold Cup, Edition 2017 (“Règlement Gold Cup”), les caractéristiques principales de cette compétition sont les suivantes:
- Il s’agit d’une compétition disputée en deux phases, la Compétition Préliminaire et la Compétition Finale (article I.4).
- L’organisation des Compétitions Préliminaires est assignée aux Unions, conformément aux Statuts de la CONCACAF (article II.1).
- La Gold Cup est ouverte à l’ensemble des associations membres affiliées à la CONCACAF (article I.3). Sont membres de la CONCACAF les fédérations nationales du continent nord-américain, de l’Amérique centrale, des Caraïbes (article 9.1 des Statuts de la CONCACAF) ainsi que du Suriname, du Guyana et de la Guyane française, en dépit du fait que ces trois dernières instances (en anglais, dans les Statuts de CONCACAF, appelées “Unions”) sont géographiquement situées en Amérique du Sud.
- Les associations membres doivent participer à la Gold Cup avec leur équipe nationale “A” (article I.3).
- Cette compétition sert de tournoi de qualification à la Coupe des Confédérations organisée par la FIFA (article I.5). Toutefois, si le vainqueur de la Gold Cup 2017 n’est pas membre de la FIFA, l’équipe en deuxième place sera qualifiée. De même, si le vainqueur et l’équipe en deuxième place ne sont pas membres de la FIFA, l’équipe en troisième ou quatrième place sera qualifiée si nécessaire (article I.5).
- “Le présent Règlement (…) régit les droits, les devoirs et les responsabilités de tous ceux prenant part à la Compétition. Le Règlement, les Statuts de la CONCACAF et l’ensemble des autres règles, règlements, circulaires, directives et décisions de la CONCACAF en vigueur s’appliqueront à et seront contraignantes pour l’ensemble des Associations Membres participantes, leurs équipes nationales respectives, et l’ensemble des personnes impliquées dans la préparation, l’organisation et l’accueil de la Compétition” (article I.7).
- En vertu de l’article V.2 du Règlement Gold Cup, “Les Associations Membres et leurs joueurs et officiels participant à la Compétition devront:
Consentir à se conformer à et pleinement respecter:
a. Les Lois du Jeu et les principes du Fair-Play;
b. Les Statuts de la CONCACAF et l’ensemble des règlements, règles, codes, protocoles, circulaires, directives et décisions de la CONCACAF (y compris le présent Règlement);
c. L’ensemble des décisions et des directives du Conseil de la CONCACAF;
d. Le Code Disciplinaire de la FIFA, et, dès son entrée en vigueur, le Code Disciplinaire de la CONCACAF; (…)
j. Le Règlement de la FIFA relatif à l’éligibilité des joueurs”.
- “Les Associations Membres participantes sélectionneront leur équipe nationale représentative parmi les meilleurs joueurs qui sont des nationaux de leur pays et sont soumis à sa juridiction, et qui sont sélectionnables conformément aux dispositions des Règlements de la FIFA” (article XV. a).
II.2 La titularisation de M. Florent Malouda à la Gold Cup, Edition 2017
7. Il n’est pas contesté qu’entre 2004 et 2012, M. Florent Malouda a été sélectionné à de nombreuses reprises en équipe de France, avec laquelle il a participé notamment à plusieurs Championnats d’Europe de football (EURO) et des Coupes du Monde.
8. En date du 19 avril 2013, le congrès ordinaire de la CONCACAF a attribué la qualité de Membre Titulaire de la CONCACAF à la Ligue de Football de La Guyane Française (la “LFG”). Cette dernière n’est toutefois pas, en tant que telle, membre de la FIFA. Ce statut de Membre Titulaire (en anglais, “associate member”) est prévu dans les Statuts de CONCACAF (Article 9 des Statuts).
9. La LFG s’est qualifiée pour l’Edition 2017 de la Gold Cup. En cette qualité, en date du 25 février 2017, elle a reçu diverses informations liées à cet événement sportif, dont celle liée à l’obligation de soumettre à la CONCACAF une liste provisoire de 40 joueurs au début du mois de juin 2017.
10. En date du 2 juin 2017, la LFG a envoyé la liste provisoire de ses 40 joueurs, sur laquelle figurait M. Florent Malouda.
11. Par courriel du 6 juin 2017 et en référence au cas de M. Florent Malouda, M. Cristian Cubillas, l’Event Manager de la CONCACAF, a attiré l’attention de M. Berhane Montgénie, Directeur de la LFG, sur l’article 5.2 du Règlement d’application des Statuts de la FIFA, applicable en l’espèce, par renvoi de l’article V.2 du Règlement Gold Cup, et en vertu duquel “Tout joueur qui a déjà pris part, pour une association, à un match international (en tout ou partie) d’une compétition officielle de quelque catégorie que ce soit ou de toute discipline de football que ce soit ne peut plus être aligné en match international par une autre association, sauf en cas d’exceptions comme stipulé ci-après à l’art. 8”. M. Cubillas a recommandé à M. Montgénie de respecter cette disposition et l’a invité à interpeller la FIFA pour vérifier le statut de M. Florent Malouda, tout en soulignant qu’il était de la responsabilité de la LFG de s’assurer qu’elle alignât des joueurs éligibles, sous peine de suspension et d’amendes.
12. En date du 15 juin 2017 et dans le cadre de la réservation des billets d’avion, M. Montgénie a adressé à la CONCACAF une liste de 23 joueurs et officiels, sur laquelle figurait encore M. Florent Malouda.
13. Le lendemain, M. Carlos Fernandez, le Directeur des compétitions auprès de la CONCACAF, a demandé à la LFG si elle avait bien vérifié l’éligibilité de M. Florent Malouda, à défaut de laquelle, son équipe pouvait faire l’objet de sanctions disciplinaires.
14. Le 19 juin 2017, M. Cristian Cubillas a rappelé à M. Berhane Montgénie que la CONCACAF était toujours dans l’attente de la confirmation de la LFG selon laquelle elle avait bien vérifié l’éligibilité de tous ses joueurs. A cette occasion, il a rappelé le principe contenu à l’article 5.2 du Règlement d’application des Statuts de la FIFA.
15. Malgré ce qui précède, la LFG a choisi de maintenir M. Florent Malouda sur la liste des joueurs sélectionnés pour la Gold Cup, édition 2017.
16. Le 29 juin 2017, le secrétaire Général de la CONCACAF, M. Philippe Moggio, a informé son homologue de la LFG, M. Antoine Nelson, a) du fait que la LFG était un membre de la CONCACAF et que, en tant que tel, elle avait les mêmes droits et obligations que toutes les autres fédérations membres, b) que les communications précédentes relatives à la sélection de M. Florent Malouda étaient destinées à protéger la LFG des conséquences possibles liées à l’alignement d’un joueur non-éligible, c) du contenu et de l’application à la Gold Cup, édition 2017, de l’article 5.2 du Règlement d’application des Statuts de la FIFA et d) des sanctions relatives à la violation de cette disposition.
17. Le 30 juin 2017, M. Antoine Nelson a répondu à M. Philippe Moggio que la LFG n’était pas une “association” au sens de la réglementation de la FIFA, laquelle ne pouvait dès lors pas lui être applicable. En outre, il s’est prévalu du fait que M. Florent Malouda se trouvait dans la même situation que, précédemment, un autre joueur, M. Jocelyn Angloma, lequel, bien que sélectionné en équipe de France, avait pu jouer pour la Guadeloupe, lors de la Gold Cup, édition 2007. Au vu de ce précèdent et selon lui, M. Florent Malouda ne devait pas faire l’objet d’un traitement différent. Enfin, M. Nelson a relevé que M. Malouda avait pu participer sous les couleurs de la LFG dans la phase préliminaire de la Gold Cup, édition 2017, sans que cela n’eût soulevé de réserves.
18. Le 3 Juillet 2017, la CONCACAF a interpelé la FIFA en lui demandant de bien vouloir confirmer qu’en vertu du Règlements d’application des Statuts de la FIFA, tout joueur ayant déjà joué un match dans une compétition internationale officielle “A” pour une association ne pouvait plus représenter une autre association.
19. Le 4 juillet 2017 et sans nommer expressément M. Florent Malouda, la FIFA a répondu à l’interpellation de la CONCACAF en se référant au cas particulier d’un joueur ayant déjà évolué dans l’équipe “A” de la Fédération Française de Football (“FFF”) et souhaitant jouer pour la LFG lors de la prochaine édition de la Gold Cup. Après avoir souligné le fait que la LFG n’était pas l’un de ses membres et ne tombait dès lors pas sous son autorité, la FIFA a mis en évidence les aspects suivants:
- La Gold Cup était un événement organisé par la CONCACAF, qui était dès lors compétente pour décider de l’éligibilité des joueurs pouvant évoluer au sein de l’équipe représentant la LFG.
- L’application conjuguée des articles 8.1 a) et 5.2 du Règlement d’application des Statuts de la FIFA impliquait qu’un joueur ayant déjà joué un match dans une compétition internationale officielle “A” pour une association ne pouvait plus représenter une autre association. Il n’avait pas non plus le droit de requérir un changement d’association.
- Tenant compte du fait que a) le Règlement Gold Cup faisait explicitement référence à la règlementation de la FIFA en matière d’éligibilité des joueurs et b) que ce Règlement Gold Cup liait toutes les associations participantes à la compétition, indépendamment de savoir si ces dernières étaient membres de la FIFA, la FIFA était d’avis qu’un joueur qui avait déjà joué un match dans une compétition internationale officielle “A” pour une association ne pouvait plus représenter une autre association.
20. Le 4 juillet 2017, la CONCACAF a fait suivre le courrier de la FIFA à la LFG.
21. En date du 7 juillet 2017, M. Antoine Nelson a écrit à la FIFA pour se déterminer sur son courrier du 4 juillet 2017. Il a reproché à la CONCACAF de ne pas avoir réglementé la situation spécifique de la LFG et de combler ses propres lacunes réglementaires en se fondant sur les textes de la FIFA, dont la LFG n’était pas membre. M. Nelson a regretté pour le surplus l’absence de positionnement de la FIFA quant au précédent constitué par le cas du joueur Jocelyn Angloma. En outre, M. Nelson s’est prévalu d’une autorisation délivrée par la FFF en date du 19 juin 2017, permettant formellement à M. Florent Malouda d’évoluer au sein de l’équipe représentative de la LFG. Enfin, il a contesté le fait que la LFG pût être qualifiée d’association au sens de la règlementation de la FIFA, laquelle ne pouvait donc pas lui être opposable.
22. Le 11 juillet 2017, M. Antoine Nelson a interpelé M. Philippe Moggio sur les différents points mis en évidence dans son courrier du 7 juillet 2017. En particulier, il a estimé que la FIFA n’avait pas à intervenir dans l’affaire liée à l’éligibilité de M. Florent Malouda, la responsabilité en incombant à la CONCACAF. M. Nelson a réitéré encore une fois les divers points mis en avant jusqu’à ce moment, en particulier le fait que M. Malouda devait pouvoir bénéficier du même traitement que le joueur Jocelyn Angloma.
23. Le 14 juillet 2017, la FIFA a adressé à M. Antoine Nelson un courrier au contenu similaire à sa lettre envoyée le 4 juillet 2017 à la CONCACAF, tout en précisant encore ce qui suit:
“Nonobstant ce qui précède, et sans quelconque préjudice, nous comprenons que le Règlement de la 2017 CONCACAF Gold Cup renvoie expressément à la règlementation de la FIFA en ce qui concerne l’éligibilité des joueurs et que ladite règlementation de la 2017 CONCACAF Gold Cup est valable pour toutes les associations participantes, indépendamment du fait qu’elles soient membres ou non de la FIFA. Par conséquent, il semblerait que la situation concernant la [LFG] concerne plutôt l’article 6 du Règlement d’application des Statuts de la FIFA (ci-après: le Règlement) qui ne s’applique que si un joueur est éligible à représenter plus d’une association en raison de sa nationalité (une seule), c’est-à-dire que le joueur détient une soi-disant «nationalité partagée». Par souci d’exhaustivité, il existe six nationalités de ce type: française, britannique, néerlandaise, chinoise, danoise et américaine (Etats-Unis d’Amérique).
Par conséquent, il apparait qu’un joueur détenant une soi-disant «nationalité partagée» fondée sur l’article 6 du Règlement et qui aurait, le cas échéant, joué un match international “A” dans le cadre d’une compétition officielle pour une association ne pourrait représenter une autre association participante conformèrent à l’article 8 dudit Règlement”.
II.3 Les procédures devant le Comité de Discipline de la CONCACAF
a) Les décisions du 13 et du 26 juillet 2017
24. Le 7 juillet 2017, l’équipe représentant la LFG a effectué son entrée en lice dans le Gold Cup et disputé son premier match contre l’équipe du Canada. M. Florent Malouda n’a pas participé à cette rencontre.
25. Le 11 juillet 2017, à l’occasion de son deuxième match disputé dans le cadre de la Gold Cup, l’équipe représentant la LFG a été opposée à celle du Honduras. M. Florent Malouda a été titularisé par la LFG et a débuté cette rencontre en qualité de capitaine de l’équipe.
26. Le Comité de Discipline de la CONCACAF (le “Comité de Discipline”) a initié une procédure disciplinaire sur la base des faits reportés dans la feuille de match. Il ressort de ce document qu’avant le début de la rencontre opposant l’équipe représentant la LFG à celle du Honduras, M. Alfonso Mondelo, Coordinateur Général de la CONCACAF, avait rappelé à M. Jair Karam, entraineur de l’équipe de la LFG, que M. Florent Malouda n’était pas éligible à participer à ce match. De même, il est fait état d’un protêt déposé quelques minutes après la fin du match par l’équipe du Honduras, laquelle contestait la titularisation de M. Florent Malouda.
27. Le 12 juillet 2017, la CONCACAF a dûment informé la LFG de l’ouverture d’une procédure disciplinaire et invité cette dernière ainsi que M. Florent Malouda à présenter leurs moyens de défense avant le 13 juillet 2017 à 10:00 heures du matin.
28. En date du 13 juillet 2017 et dans le cadre de cette procédure disciplinaire, M. Florent Malouda a fait valoir le fait qu’il était né en Guyane et qu’il était légitime pour lui de vouloir représenter cette région après avoir porté plus de 70 fois le maillot de l’équipe de France. Il s’est prévalu du précédent créé par le joueur M. Jocelyn Angloma, dont la situation était, selon lui, identique à la sienne. En outre, il a mis en avant le fait que “lors de la récente édition de la Caribbean Cup en Martinique [il] a pu évoluer avec sa sélection et ce malgré les pressions et menaces exercées sur sa délégation sans qu’il n’y ait eu de la part de ses adversaires ou de la CONCACAF une quelconque réclamation ou sanction”. Enfin, il insiste sur sa “totale confiance en l’action menée par la Ligue de Football de Guyane et plus généralement par les ligues Françaises d’Outre-Mer pour obtenir les mêmes droits sportifs que toutes les autres Associations participant à la Gold Cup et plus généralement de la FIFA”.
29. Dans une décision rendue le 13 juillet 2017, le Comité de Discipline a écarté de manière motivée les divers arguments présentés au nom de M. Florent Malouda. Elle a retenu que ce dernier avait enfreint les articles V.2 du Règlement Gold Cup, 5.1 et 5.2 du Règlement d’application des Statuts de la FIFA, se rendant ainsi coupable d’infractions sanctionnées par les articles IX.2 et IX.4 du Règlement Gold Cup. Elle a reproché au joueur d’avoir participé au match litigieux contre l’équipe du Honduras, alors que la FIFA, la CONCACAF et divers officiels de match avaient informé la LFG à plusieurs reprises de son inéligibilité.
30. En date du 13 juillet 2017 et à la lumière de ce qui précède, le Comité de Discipline a rendu la décision suivante (la “Décision du 13 juillet 2017”):
“1. Le Comite ayant dûment établi que le joueur a enfreint l’article V par. 2 du Règlement et le Titre III. art. 5 par. 1 et 2 du Règlement d’Application des Statuts de la FIFA, et conformément à l’art. IX par. 2. dudit Règlement et à l’art. 57 et 11 du Code Disciplinaire de la FIFA, le joueur est suspendu pour les deux (2) prochains matchs officiels, conformément au Règlement du tournoi et au Code Disciplinaire de la FIFA. Ladite Suspension prend effet immédiatement.
2. Le Comité ayant dûment établi que le joueur a enfreint l’article V par. 2 du Règlement, et conformément à l’art. 11 par. e et à l’art. 21 - Interdiction de Stade du Code Disciplinaire de la FIFA, le joueur est sanctionné d’une interdiction de stade. Ladite interdiction de stade prend effet immédiatement pour la durée de ses deux (2) suspensions de match.
3. Soyez avisés que des pénalités plus fortes seront imposées en cas d’incident répété du joueur”.
31. Dans une décision distincte, également rendue le 13 juillet 2017, le Comité de Discipline a sanctionné la LFG par une amende de USD 10,000 ainsi que par la perte du match contre l’équipe du Honduras sur un score de 3 - 0.
32. Le moment de la notification effective à M. Florent Malouda de la décision le concernant est litigieux. En revanche, les événements suivants ne sont pas contestés:
- Les sanctions imposées à la LFG ainsi qu’à M. Florent Malouda ont fait l’objet de nombreuses publications dans la presse, dès le 13 juillet 2017.
- Le 14 juillet 2017, à 7:48 du matin, la CONCACAF a notifié par courriel la version anglaise de la décision concernant M. Florent Malouda à la LFG, laquelle était invitée à communiquer “immédiatement à M. Florent Malouda la décision prise à son encontre (…)”. M. Philippe Malouda, père du joueur et Administrateur de l’équipe de la LFG, a été mis en copie de cet envoi.
- Le même jour, à 9:31 du matin, la CONCACAF a notifié la version française de la décision concernant M. Florent Malouda à la LFG. M. Philippe Malouda faisait également partie des destinataires de ce courrier.
- Le 14 juillet 2017, peu après le repas de midi, une délégation de la CONCACAF (composée notamment de M. Cristian Cubillas ainsi que de M. Manolo Zubiria, Chief of Football Officer) a rendu une “visite de courtoisie” (selon les termes de ces deux personnes) à MM. Philippe et Florent Malouda afin de s’assurer que la portée de la sanction prononcée à l’égard du joueur avait été bien comprise. Lors de l’audience du 10 janvier 2017 devant le Tribunal Arbitral du Sport (“TAS”), MM. Cubillas et Zubiria ont expliqué que cette visite se justifiait en raison du statut de joueur de classe internationale de M. Florent Malouda et du fait que l’équipe représentant la LFG allait disputer un match le même soir. Lors de ladite audience au TAS, les Parties ont confirmé que a) M. Florent Malouda avait bien compris les sanctions prises à son encontre, b) qu’un exemplaire écrit de la décision n’avait pas été remis à l’occasion de cette rencontre.
- Le 14 juillet 2017, à 16:39 de l’après-midi, M. Philippe Malouda a envoyé un courriel à M. Carlos Fernandez et M. Cristian Cubillas, intitulé “Sanction contre MALOUDA Florent”. Par ce document, M. Philippe Malouda a exposé ce qui suit:
“We are well aware on the Disciplinary Committee’s decision to give us forfeit against Honduras, to ban Florent Malouda 2 games, to fine us $ 10,000 USD. However we deplore their decision of denying Mr. Malouda access to the stadium (…)”.
Traduction proposée par la CONCACAF:
“Nous sommes bien au courant de la décision de la Commission de Discipline de nous donner un forfait contre le Honduras, de suspendre Florent Malouda pour 2 matches, d’imposer une amende de us $ 10,000 USD. Nous regrettons toutefois leur décision d’interdire M. Malouda d’accès au stade (…)”.
- Le 16 juillet 2017, M. Florent Malouda a adressé un courriel à la CONCACAF ayant la teneur suivante: “Suite à la décision de votre comité de discipline de la Gold Cup notifiée le 13 juillet 2017, je tiens à vous transmettre une lettre de recours vous faisant part de mon intention de faire appel de votre décision”.
33. Le 15 juillet 2017, M. Florent Malouda a déposé auprès de la CONCACAF un recours à l’encontre de la décision du 13 juillet 2017. Il a annoncé qu’il adresserait la motivation de son recours ultérieurement.
34. Le 18 juillet 2017 et comme annoncé, l’avocat de M. Florent Malouda a envoyé aux membres du Comité de recours de la CONCACAF la motivation à l’appui de l’appel déposé le 15 juillet 2017. Se basant sur l’article 120 du Code disciplinaire de la FIFA (“CDF”), il a estimé le recours recevable et demandé “l’annulation de la décision rendue par le Comité de Discipline de la CONCACAF (…)”.
35. Le 26 juillet 2017, la CONCACAF, par l’intermédiaire de son Secrétaire Général, M. Philippe Moggio, a informé M. Florent Malouda que son recours avait été considéré comme irrecevable “en raison du non-respect des frais d’appel d’USD 3 000, qui n’ont pas été transférés au compte en banque de la CONCACAF conformément à l’art. X du Règlement de la Gold Cup et à l’art. 123 par. 1 et 2 du Code Disciplinaire de la FIFA (…)” (ci-après la Décision du 26 juillet 2017).
36. Le 2 août 2017, M. Florent Malouda a déposé une déclaration d’appel auprès du TAS contre la Décision du 26 juillet 2017. L’affaire a été enregistrée sous TAS 2017/A/5290 Florent Malouda c/ CONCACAF.
37. Le TAS a rejeté l’appel déposé le 2 août 2017 par M. Florent Malouda.
b) La décision du 16 Juillet 2017
38. Malgré l’interdiction de stade prononcée par décision du 13 juillet 2017, M. Florent Malouda a assisté au match opposant son équipe à celle du Costa Rica, depuis les tribunes. Cette rencontre a eu lieu le 14 juillet 2017 en fin d’après-midi. Lors de l’audience tenue le 10 janvier 2017 devant le TAS, les témoignages liés au déroulement des événements ont été, en substance, les suivants:
- M. Cristian Cubillas: À l’occasion de la visite de courtoisie qui a eu lieu quelques heures avant la tenue du match contre le Costa Rica, M. Florent Malouda a confirmé avoir connaissance des sanctions qui lui ont été infligées la veille par le Comité de Discipline. Dans une ambiance très respectueuse, M. Florent Malouda a déclaré ne pas vouloir prétériter son équipe et s’est engagé à ne pas jouer avec elle. Il a toutefois émis le souhait de pouvoir encourager ses co-équipiers en étant à leurs côtés. Il lui a alors été répondu que sa présence au stade pourrait engendrer de nouvelles sanctions. Toutefois, si malgré tout, il devait se rendre sur place, des dispositions seraient prises pour assurer sa sécurité. M. Malouda est arrivé dans le bus de l’équipe. Une fois ses co-équipiers débarqués, il est sorti du bus et a été escorté jusqu’à la section VIP des tribunes, en passant par les vestiaires, de manière à éviter tout contact avec des tiers. 15 minutes avant la fin de match, M. Malouda a été raccompagné jusqu’à un véhicule dédié à la LFG, distinct du bus de l’équipe.
- M. Florent Malouda: Lors de la visite de courtoisie, il a fait savoir qu’il trouvait l’interdiction de stade comme étant une sanction excessive. M. Manolo Zubiria a partagé son point de vue et lui a assuré qu’il prendrait des dispositions lui permettant de se rendre sur place et d’assister au match sans être inquiété. Dans ce contexte et en raison des assurances reçues de M. Zubiria, M. Malouda a été très surpris d’apprendre qu’il avait été sanctionné pour une violation d’interdiction de stade. S’il avait su qu’il s’exposait à une telle sanction, il serait resté à l’hôtel. Il a relevé que chaque étape de son déplacement au stade avait été organisée spontanément et avait fait l’objet de consignes spécifiques: le Travel Liaison Officer de la CONCACAF (dont il ne connaît pas le nom) l’avait appelé dans sa chambre pour lui dire que le bus de son équipe allait partir et qu’il lui fallait la rejoindre. Arrivé au stade, il avait été prié de rester dans le bus jusqu’au débarquement complet de son équipe. Il avait alors été pris en charge jusqu’aux tribunes. Enfin et peu avant la fin du match, il avait été prié de quitter le stade et avait été conduit jusqu’à un véhicule dédié à la LFG, distinct du bus de l’équipe. Selon sa compréhension, ces dispositions avaient été prises par la CONCACAF et étaient compatibles avec l’interdiction de stade.
- M. Manolo Zubiria: Lors de la visite de courtoisie, chaque aspect de la décision du 13 juillet 2017 a été abordé avec M. Florent Malouda qui l’a très bien comprise. Il n’y a pas eu de malentendu pouvant notamment découler d’une éventuelle barrière linguistique. Lorsque M. Malouda a exprimé le souhait de se rendre au stade, il lui a été indiqué qu’il pouvait s’exposer à des sanctions disciplinaires supplémentaires. M. Zubiria lui a néanmoins confirmé que s’il choisissait de prendre ce risque, il n’allait pas l’empêcher d’accéder au stade et que des mesures seraient prises pour assurer sa sécurité. Il ne s’est jamais engagé envers M. Malouda à prendre des dispositions lui permettant d’assister au match sur place, sans être inquiété. Une telle promesse aurait été impossible à tenir, dès lors qu’il n’avait aucun moyen a) d’empêcher le Comité de Discipline (organe indépendant) de se pencher sur l’éventuelle infraction commise par M. Malouda et b) de faire en sorte que M. Malouda passe inaperçu. Selon M. Zubiria, l’interdiction de stade empêchait M. Malouda d’accéder au stade, au terrain et aux tribunes. La présence du joueur sur le parking du stade enfreignait déjà l’interdiction et M. Malouda en était bien conscient.
39. Dans une décision rendue le 16 juillet 2017, le Comité de Discipline a relevé avoir “été informé par les officiels de match via les rapports de matchs officiels pertinents que: (…) Florent MALOUDA (…) est arrivé au Toyota Stadium le 14 juillet 2017 avec la délégation de la Guyane Française dans le bus de l’équipe. Le joueur est entré dans les vestiaires de la Guyane Française et a regardé le match contre le Costa Rica dans la suite assignée à la Guyane Française”. Le Comité de Discipline en a déduit que M. Malouda avait violé l’interdiction de stade imposée le 13 juillet 2017, enfreignant ainsi les articles V. 2 du Règlement Gold Cup, et 64.1 a) CDF.
40. En date du 16 juillet 2017, le Comité de Discipline a rendu la décision suivante (la “Décision du 16 juillet 2017”):
“1. Le Comité ayant dûment établi que le joueur a enfreint l’article V par. 2 du Règlement et l’Art. 64 par. 1 a) - Non-respect de décisions du Code Disciplinaire de la FIFA, et conformément à l’art. IX par. 2. dudit Règlement, le joueur est sommé de payer une amende d’un montant d’USD 3 500.
2. L’amende doit être payée dans les 60 jours suivant la réception de la présente notification, au plus tard le 16 septembre 2017, au compte bancaire suivant de la CONCACAF (…)”.
41. Dans ses écritures déposées devant le TAS, M. Florent Malouda a confirmé que la Décision du 16 juillet 2017 lui avait été notifiée en date du 17 juillet 2017.
42. Le 28 juillet 2017, M. Florent Malouda a saisi directement le TAS par une déclaration d’appel. L’affaire a été enregistrée sous TAS 2017/A/5278 Florent Malouda c/ CONCACAF.
III. RÉSUMÉ DE LA PROCÉDURE DEVANT LE TAS
43. Le 28 juillet 2017, M. Florent Malouda a déposé une déclaration d’appel auprès du TAS contre la Décision du 16 juillet 2017.
44. Le 14 août 2017, le Greffe du TAS a accusé réception de la déclaration d’appel déposée par M. Florent Malouda. En outre, il a pris note que ce dernier avait fait le nécessaire pour le paiement du droit de Greffe et qu’il nommait M. Bernard Foucher en qualité d’arbitre.
45. Le 16 août 2017, la CONCACAF a informé le Greffe du TAS qu’elle nommait Me Michele Bernasconi en qualité d’arbitre et qu’elle s’opposait à ce que la langue de la procédure fût le français.
46. Le 18 août 2017, le Greffe du TAS a accusé réception du mémoire d’appel daté du 11 août 2017 et déposé par M. Florent Malouda.
47. Le 21 août 2017, le Greffe du TAS a remis aux Parties l’ordonnance de procédure rendue le même jour par la Présidente de la Chambre Arbitrale d’Appel du TAS confirmant que la langue dans la procédure serait le français. Un délai de 20 jours a été imparti à la CONCACAF pour déposer sa réponse.
48. Le 25 août 2017, après avoir interpellé M. Florent Malouda et tenant compte de l’accord de ce dernier, le Greffe du TAS a confirmé aux Parties que les preuves soumises par la CONCACAF pouvaient l’être indifféremment en français ou en anglais et que les procédures TAS 2017/A/5278 et TAS 2017/A/5290 seraient soumises à la même Formation arbitrale, conformément à l’article R50 du Code de l’arbitrage en matière de sport (le “Code”).
49. Le 31 août 2017, les Parties ont été informées du fait que la Formation arbitrale appelée à se prononcer sur le litige était constituée de la manière suivante: Prof. Petros C. Mavroidis, Président, M. Bernard Foucher et Me Michele A.R. Bernasconi, Arbitres.
50. Le 7 Septembre 2017, la CONCACAF a demandé à ce que le délai pour déposer sa réponse soit repoussé jusqu’au 6 octobre 2017, ce qui fut accepté par la Formation arbitrale, en dépit du désaccord de M. Florent Malouda.
51. Le 29 septembre 2017, la CONCACAF a requis une nouvelle prolongation du délai pour déposer sa réponse jusqu’au 13 octobre 2017. Dans le délai imparti pour se prononcer, M. Florent Malouda s’y est opposé.
52. Le 6 octobre 2017, le Greffe du TAS a informé la CONCACAF que sa requête avait été partiellement acceptée et que son délai pour le dépôt de la réponse était prolongé au 9 octobre 2017.
53. Le 9 octobre 2017, la CONCACAF a déposé une seule et même réponse, valable pour la procédure TAS 2017/A/5278 ainsi que pour la procédure TAS 2017/A/5290.
54. Le 10 octobre 2017, le Greffe du TAS a invité les Parties à lui confirmer si elles souhaitaient la tenue d’une audience. Tant M. Florent Malouda que la CONCACAF ont répondu par l’affirmative à cette interpellation.
55. Le 27 octobre 2017, les Parties ont été convoquées à une audience de jugement fixée d’entente entre elles au 10 janvier 2018.
56. Le 21, respectivement le 23 novembre 2017, M. Florent Malouda et la CONCACAF ont retourné l’ordonnance de procédure, dûment datée et signée.
57. En date du 10 janvier 2018, une audience a été tenue à Lausanne, au siège du TAS, en présence de tous les membres de la Formation arbitrale, assistés par Me William Sternheimer, Secrétaire général adjoint auprès du TAS, et par Me Patrick Grandjean, greffier ad hoc.
58. A l’ouverture de l’audience, les Parties ont expressément confirmé qu’elles n’avaient pas d’objection à formuler quant à la composition de la Formation arbitrale.
59. Les personnes suivantes étaient présentes à l’audience:
 M. Florent Malouda était présent et assisté par son conseil, Me Jérémy Stanislas.
 La CONCACAF était représentée par son conseil, Me Marc Cavaliero.
60. La Formation arbitrale a entendu le témoignage de M. Cristian Cubillas et de M. Manolo Zubiria. Avant leur audition, l’attention de ces deux témoins a été attirée sur les conséquences possibles d’un faux témoignage.
61. A la fin de l’audience, les Parties ont reconnu que leur droit d’être entendu avait été respecté par le TAS et qu’elles étaient satisfaites de la manière dont elles avaient été traitées au cours de la présente procédure arbitrale.
IV. LES POSITIONS DES PARTIES
a) La position de M. Florent Malouda
62. Dans son mémoire d’appel du 11 août 2017, M. Florent Malouda a pris les conclusions suivantes:
“Il est demandé au Tribunal Arbitral du Sport:
1. D’admettre l’appel déposé par Monsieur Florent MALOUDA contre la décision rendue par le Comité de Discipline de la CONCACAF le 16 Juillet 2017;
2. D’annuler la décision rendue le 16 Juillet 2017 du Comité de Discipline de la CONCACAF;
3. De mettre les frais du présent arbitrage, dont le montant sera arrêté et communiqué séparément aux parties par le greffe du TAS, entièrement à la charge de la CONCACAF;
4. A titre de contribution pour les frais d’avocats et pour les autres frais encourus pour les besoins du présent arbitrage, la CONCACAF versera une somme de CHF 5’000 à Monsieur Florent MALOUDA”.
63. En substance, les arguments de M. Florent Malouda peuvent être résumés de la manière suivante:
- La Décision du 16 juillet 2017 souffre de vices de forme. Contrairement à ce que prévoit l’article 115 CDF, elle n’indique pas les voies de droit et n’a pas été signée par le secrétaire du Comité de Discipline.
- La Décision du 16 juillet 2017 souffre également de vices de procédure, dès lors qu’elle a été prise sans que M. Florent Malouda ait eu l’occasion d’exercer son droit d’être entendu ou de consulter le dossier. Cela justifie l’annulation de la décision.
- Quant au fond:
 la Décision du 16 juillet 2017 sanctionne M. Florent Malouda pour ne pas avoir respecté la Décision du 13 juillet 2017. Or cette dernière n’avait pas encore acquis un caractère définitif et ne pouvait donc pas être opposable à M. Florent Malouda. En effet, l’interdiction de stade n’est pas une mesure “insusceptible de recours” au sens de l’article IX 4) du Règlement Gold Cup. Cette sanction pouvait donc être attaquée, ce qui a été le cas en l’espèce. Ainsi et jusqu’à droit connu sur le sort du recours contre la Décision du 13 juillet 2017, la sanction n’était pas applicable et M. Florent Malouda n’était pas interdit de stade.
 La Décision du 13 juillet 2017 sanctionnant M. Florent Malouda d’une suspension de stade ne lui a pas été notifiée conformément aux modalités prescrites par le CDF. Lors de la visite de courtoisie du 14 juillet 2017, M. Florent Malouda n’a pas reçu d’exemplaire de la Décision en question. “(…) il est donc reproché au joueur de ne pas avoir le 14 Juillet 2017, respecté cette même décision. Celle-ci ne lui sera adressée que le 15 juillet 2017 par courrier électronique. Manifestement, elle n’avait pas été préalablement portée à sa connaissance, ni par télécopie, ni par lettre recommandée ainsi que l’impose pourtant l’article 103 du CDF. Pire, cette décision avait été préalablement adressée à la LFG par voie électronique alors que cette voie de communication est formellement proscrite par l’article 103 du CDF. (…) Il résulte dès lors de l’ensemble de ces dispositions mais également de celles énoncées à l’article 90 du CDF qu’un joueur auquel aucune remise de documents n’a été effectuée, ne peut valablement être considéré comme ayant eu connaissance de la décision que dans un délai de 4 jours qui suit une notification en bonne et due forme faite à l’association dont il relève”.
 La Décision du 16 juillet 2017 “porte atteinte au principe général de Légalité” puisqu’elle “méconnait à la fois les conditions d’application de l’article 64 du CDF mais également les dispositions des articles 102, 103 et même 90 du CDF”.
 Le Comité de Discipline a initié une procédure disciplinaire à l’encontre de M. Florent Malouda en se basant sur “les rapports” des “officiels du match”. Ni le nombre de rapports, ni l’identité des officiels ne sont déterminés, ce qui remet en cause l’authenticité du contenu de ces documents. A cet égard, et contrairement à ce qui est indiqué dans ces rapports, M. Florent Malouda n’est pas entré dans les vestiaires de l’équipe représentative de la LFG.
 Les officiels de la CONCACAF ont affirmé à M. Florent Malouda que l’interdiction de stade ne l’empêchait pas d’assister au match du 14 juillet 2017 depuis les loges du Toyota Stadium. Ils l’ont d’ailleurs pris en charge dès son arrivée sur place. “Et ces officiels qui l’ont accueilli ne lui ont pas une seule fois indiqué qu’il faisait l’objet d’une interdiction. (…) Il suit de là que Monsieur Florent MALOUDA a pu légitimement croire en l’absence d’une quelconque interdiction de stade prononcée contre lui”. Tenant compte du principe de la bonne foi et au vu de l’attitude des représentants de la CONCACAF, M. Florent Malouda pouvait légitimement penser qu’il pouvait assister au match depuis les tribunes du stade, sans être inquiété.
b) La position de la CONCACAF
64. Dans sa réponse déposée le 9 octobre 2017, la CONCACAF a pris les conclusions suivantes:
“(…)
Conclusion 3: Rejeter l’Appel interjeté contre la décision de la Commission de Discipline du 16 juillet 2017, pour autant qu’il soit considéré recevable
Conclusion 4: Confirmer dans son intégralité la décision de la Commission de Discipline du 16 juillet 2017
Conclusion 5: Condamner l’Appelant, Monsieur Florent Malouda, à la totalité des frais d’arbitrage et à une contribution aux frais d’avocat de l’Intimée dans le cadre des deux procédures CAS 2017/A/5278 & TAS 2017/A/5290 d’un montant minimum de CHF 20,000”.
65. En substance, les arguments de la CONCACAF peuvent être résumés comme suit:
- La décision du 13 juillet 2017 est entrée en force, dès lors que le recours formé à son encontre doit être considéré comme irrecevable.
- M. Florent Malouda ne peut pas se prévaloir du fait que la Décision du 16 juillet 2017 n’indique pas les voies de droit. En effet, les circonstances du cas d’espèce démontrent qu’il connaissait parfaitement les modalités de recours, puisqu’il a valablement fait appel devant le TAS.
- S’il devait y avoir des vices de procédure, ceux-ci ont été guéris dans le cadre de l’appel devant le TAS.
- En réalité, il n’y a pas eu de vices de procédure, puisque selon l’article IX.4 du Règlement Gold Cup, le Comité de Discipline peut fonder ses décisions sur des documents écrits. Elle n’était pas obligée d’entendre M. Florent Malouda, lequel avait déjà pu s’exprimer dans le cadre de la procédure ayant fait l’objet de la Décision du 13 juillet 2017. La Décision du 16 juillet 2017 a été prise sur la base des rapports de matchs officiels, en conformité avec la disposition réglementaire précitée. Enfin, la Décision du 16 juillet 2017 ne fait que concrétiser l’avertissement contenu au chiffre 3 de la Décision du 13 juillet 2017 (“Soyez avisés que des pénalités plus fortes seront imposées en cas d’incident répété du joueur”). La Décision du 16 juillet 2017 “n’est qu’une simple extension de la première procédure, de laquelle elle découle. S’il est établi de manière factuelle que M. Malouda a enfreint les termes de la décision de la Commission de Discipline du 13 juillet [2017], une sanction est légitime”.
- L’article 64 CDF est applicable au cas présent. La Décision du 13 juillet 2017 condamne M. Florent Malouda à une interdiction de stade. Il s’agit-là d’une sanction non financière, applicable avec effet immédiat, en vertu de l’article 106 CDF. D’ailleurs et conformément à ce que prévoit l’article 124 CDF, le recours contre une telle sanction n’a pas d’effet suspensif.
- Dès le 13 juillet 2017, M. Florent Malouda avait connaissance des sanctions prononcées à son égard dans le cadre de la Décision du 13 juillet 2017. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’il n’a pas joué avec son équipe lors du match du 14 juillet 2017. En se rendant au stade avec le bus de l’équipe représentative de la LFG et en pénétrant dans l’enceinte, il a violé la Décision du 13 juillet 2017, justifiant la sanction prise à son encontre.
- Les représentants de la CONCACAF ont dûment averti M. Florent Malouda des risques qu’il encourait en se présentant au stade. A partir du moment où ce dernier a choisi sciemment d’enfreindre l’interdiction prononcée à son encontre dans la Décision du 13 juillet 2017, les représentants de la CONCACAF ont accompagné M. Florent Malouda à l’intérieur du stade, uniquement pour assurer sa sécurité.
V. COMPÉTENCE DU TAS
66. La compétence du TAS résulte des articles 52 et suivants des Statuts de la CONCACAF (Edition février 2016), de l’article IX du Règlement Gold Cup ainsi que de l’article R47 al. 1 du Code qui stipule ce qui suit:
“Un appel contre une décision d’une fédération, association ou autre organisme sportif peut être déposé au TAS si les statuts ou règlements dudit organisme sportif le prévoient ou si les parties ont conclu une convention d’arbitrage particulière et dans la mesure aussi où la partie appelante a épuisé les voies de droit préalables à l’appel dont il dispose en vertu des statuts ou règlements dudit organisme sportif”.
67. En vertu de l’article IX.4 du Règlement Gold Cup, une amende infligée par le Comité de Discipline à un joueur qui n’excède pas USD 3,500 est “insusceptible de recours”. Il résulte de cette disposition que M. Florent Malouda ne dispose donc pas de voies de recours internes.
68. Toutefois, il n’est pas contesté que l’amende prononcée dans le cadre de la Décision du 16 juillet 2017 est le résultat de la violation par M. Florent Malouda non seulement de l’article V du Règlement Gold Cup mais également de l’article 64 CDF. En vertu de l’article IX.1 du Règlement Gold Cup, le Comité de Discipline de la CONCACAF doit appliquer le CDF, dont l’article 64 qui stipule expressément que “Tout recours contre une décision prise en vertu du présent article doit être interjeté directement auprès du TAS”.
69. Au vu de ce qui précède, la Formation arbitrale déclare que le TAS est compétent pour décider du présent litige, dans les limites prévues par les Statuts de la CONCACAF et du Règlement Gold Cup.
70. En vertu de l’article R57 al. 1, première phrase du Code, “La Formation revoit les faits et le droit avec plein pouvoir d’examen. Elle peut soit rendre une nouvelle décision se substituant à la décision attaquée, soit annuler cette dernière et renvoyer la cause à l’autorité qui a statué en dernier”.
VI. RECEVABILITÉ
71. La déclaration d’appel a été adressée au TAS dans le délai de 21 jours prévu à l’article 54 alinéa 3 des Statuts de la CONCACAF. En outre, elle répond aux conditions fixées par l’article R48 du Code.
72. Partant, l’appel est recevable, ce qui n’est d’ailleurs pas contesté.
VII. DROIT APPLICABLE
73. L’article R58 du Code prévoit ce qui suit:
“La Formation statue selon les règlements applicables et, subsidiairement, selon les règles de droit choisies par les parties, ou à défaut de choix, selon le droit du pays dans lequel la fédération, association ou autre organisme sportif ayant rendu la décision attaquée a son domicile ou selon les règles de droit que la Formation estime appropriées. Dans ce dernier cas, la décision de la Formation doit être motivée”.
74. Le siège du TAS se trouvant en Suisse et le litige revêtant un caractère international, les dispositions du chapitre 12 relatif à l’arbitrage international de la Loi fédérale sur le droit international privé (“LDIP”) sont applicables en vertu de son article 176 al. 1 LDIP.
75. Au chapitre 12 de la LDIP, le droit applicable au fond est régi par l’article 187 al. 1 LDIP qui prévoit que le “tribunal arbitral statue selon les règles de droit choisies par les parties ou, à défaut de choix, selon les règles de droit avec lesquelles la cause présente les liens les plus étroits”.
76. Une élection de droit tacite et indirecte par renvoi au règlement d’une institution d’arbitrage est admise (KARRER, in Basler Kommentar zum Internationalen Privatrecht, Bâle 1996, N 92 et 96 ad art. 187 LDIP; POUDRET/BESSON, Droit comparé de l’arbitrage international, Zurich 2002, N 683 p. 613 et les références citées; CAS 2004/A/574; TAS 2016/A/4468, consid. 54).
77. En outre, au sens de l’article 187 al. 1 LDIP, peuvent être choisies par les parties non seulement une loi nationale, mais encore des “règles de droit” affranchies de toute loi étatique (LALIVE/POUDRET/REYMOND, Le droit de l’arbitrage interne et international en Suisse, Lausanne 1989, pp. 399-400; TAS 2016/A/4468, consid. 55), comme les règles et règlements des fédérations internationales sportives.
78. En l’espèce, le litige opposant les Parties porte sur une sanction imposée par le Comité de Discipline sur la base du Règlement Gold Cup, en vertu duquel “Les Associations Membres et leurs joueurs et officiels participant à la Compétition devront: Consentir à se conformer à et pleinement respecter: (…) d. Le Code Disciplinaire de la FIFA (…)” (article V.2 du Règlement Gold Cup).
79. Dans ses écritures et se fondant sur les dispositions qui précèdent, M. Florent Malouda a relevé que, dans le cadre de la présente procédure, la CONCACAF “a clairement choisi que le Droit applicable serait régi par les règles édictées par la FIFA et la CONCACAF. [M. Florent Malouda] a, en sa qualité de joueur d’une sélection ayant participé à cette compétition, adhéré à ce choix”.
80. Lors de l’audience devant le TAS, M. Florent Malouda a confirmé cette application en cascade de la réglementation de la CONCACAF, puis en cas de lacune de cette dernière de celle de la FIFA. Il y a lieu d’en déduire que, en matière de droit applicable et en l’absence de dispositions expresses dans la règlementation de la CONCACAF, l’article 57 al. 2 des Statuts de la FIFA trouve application. Selon cette disposition, “Le TAS applique en premier lieu les divers règlements de la FIFA ainsi que le droit suisse à titre supplétif”.
81. Au cours de l’audience devant le TAS, la position de M. Florent Malouda a été partagée par le représentant de la CONCACAF, lequel a d’ailleurs cité dans ses écritures plusieurs arrêts rendus par le Tribunal fédéral suisse.
82. Enfin, il y a lieu d’observer qu’aucune des Parties n’a ni revendiqué l’application d’un autre droit national ni offert de collaborer à l’application d’un autre droit.
83. Par conséquent, la Formation arbitrale appliquera en premier lieu les règlements, directives et circulaires de la CONCACAF et de la FIFA ainsi que le droit suisse à titre supplétif.
VIII. LE BIEN FONDÉ DE LA DECISION (DU 16 JUILLET 2017)
a) Moyens de forme
84. Dans sa requête, M. Florent Malouda soutient d’une part, que la notification de la Décision du 16 juillet 2017 qui lui a été notifiée le 17 juillet 2017, est entachée d’irrégularités aux motifs que cette décision n’indique pas les voies de droit et n’a pas été signée par le secrétaire du Comité contrairement à ce que prévoit le CDF, et d’autre part, qu’il n’a pas pu bénéficier d’une procédure contradictoire pour présenter sa défense.
85. S’agissant des irrégularités de notification soulevées, le CDF précise en effet que la décision doit contenir l’indication des voies de recours (article 115.1 lit. g CDF) et qu’elle doit être signée par le secrétaire du comité (article 115.2 CDF). Il est indéniable que le contenu de la Décision du 16 juillet 2017 ne respecte pas les dispositions prévues en la matière par le CDF. Il faut cependant observer que le CDF ne précise pas quelles sont les conséquences liées à un tel non-respect. Il y a lieu d’aborder cette question selon le droit suisse, applicable à titre supplétif.
86. Selon le Tribunal fédéral, une notification irrégulière, notamment par le défaut d’indication des voies de droit ou l’indication incomplète des voies de droit, ne peut entraîner aucun préjudice pour la partie concernée. Toutefois, cette dernière doit adopter un comportement conforme à la bonne foi, notamment en rectifiant d’elle-même l’erreur ou l’omission lorsqu’on peut raisonnablement l’exiger d’elle (ATF 138 I 49 consid. 8.3.2; ATF 117 IA 297 consid. 2, 421 consid. 2a et 2c). La partie n’est plus de bonne foi si elle s’est aperçue de l’erreur, ou aurait dû s’en apercevoir en prêtant l’attention commandée par les circonstances. Déterminer si la négligence commise par la partie concernée est grossière s’apprécie selon les circonstances concrètes et les connaissances juridiques de la personne en cause (arrêt du Tribunal fédéral suisse 5A_878/2014 du 17 juin 2015, consid. 3.1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_704/2011 du 23 février 2012 consid. 8.3.2).
87. En ce qui concerne la notification de la Décision en tant que telle, le fardeau de la preuve incombe en principe à l’autorité qui entend en tirer une conséquence juridique (ATF 122 I 97 cons. 3b; 114 III 51 cons. 3c et 4; 103 V 63 cons. 2a; 101 Ia 7 cons. 1; 99 I b 356 consid. 2 et 3). L’autorité supporte donc les conséquences de l’absence de preuve, en ce sens que si la notification ou sa date sont contestées, et qu’il existe effectivement un doute à ce sujet, il y a lieu de se fonder sur les déclarations du destinataire de l’envoi (ATF 124 V 400 cons. 2a; 103 V 63 cons. 2a). L’absence de notification doit être distinguée de la notification irrégulière, laquelle ne constitue pas nécessairement une cause de nullité; la protection des parties est suffisamment réalisée lorsque la notification irrégulière atteint son but malgré cette irrégularité. Il convient donc d’examiner, d’après les circonstances du cas concret, si la partie intéressée a réellement été induite en erreur par l’irrégularité de la notification et a, de ce fait, subi un préjudice. Il s’impose de s’en tenir aux règles de la bonne foi, qui imposent une limite à l’invocation d’un vice de forme (Arrêt du Tribunal fédéral du 27 juin 2017, 4A_224/2017, consid. 2.3.2; ATF 122 I 97 consid. 3a).
88. En l’espèce, M. Florent Malouda a valablement recouru au TAS et son appel a été déclaré recevable. Par conséquent, il n’a subi aucun préjudice en raison des vices de forme qu’il a soulevés. Dans ce contexte, il ne peut en déduire aucun moyen.
89. S’agissant de la violation alléguée des droits de la défense, l’article IX.4 du Règlement Gold Cup a la teneur suivante:
“Le Comité de Discipline de la CONCACAF fondera ses décisions sur des documents écrits ou sur la tenue d’audiences.
a. Pour prendre une décision, le Comité de Discipline de la CONCACAF pourra faire référence aux rapports des arbitres, arbitres assistants, quatrième officiels, commissaires de match, inspecteurs d’arbitre, coordinateurs généraux, délégués techniques, responsables de sécurité, responsables de la diversité et/ou de tout autre personnel de la CONCACAF ou officiel présent. Ces rapports pourront servir de preuve dans ce qui a trait aux aspects disciplinaires du cas examiné, mais n’affecteront pas les décisions de l’arbitre relatives aux faits de jeu.
b. À sa discrétion, le Comité de Discipline de la CONCACAF pourra convoquer une audience en personne, et décidera des procédures à suivre. Les décisions de telles audiences ne seront valables que si au moins trois membres du Comité de Discipline de la CONCACAF sont présents”.
90. La disposition précitée suggère que M. Florent Malouda n’avait pas le droit d’exiger la tenue d’une audience. Toutefois, elle n’exclut pas la possibilité pour le joueur de “a) consulter le dossier, présenter [son] argumentation en fait et en droit; c) demander la production de preuves; d) participer à la production des preuves”, comme le prévoit l’article 94.2 CDF.
91. Selon l’article 95.1 CDF, “Le droit d’être entendu peut être restreint lorsque des circonstances exceptionnelles l’exigent, comme la protection de secrets ou le bon déroulement de la procédure”.
92. En l’espèce, il est indéniable que rien ne s’opposait à ce que M. Florent Malouda puisse exercer son droit d’être entendu. Il n’y avait pas de circonstances exceptionnelles au sens de l’article 95.1 CDF ni des enjeux tels qui nécessitent que la Décision du 16 juillet 2017 soit rendue sans délai. A tout le moins, la CONCACAF n’a pas établi le contraire.
93. Le droit d’être entendu de M. Florent Malouda n’a pas été respecté en première instance.
94. Toutefois, et en vertu de l’article R57 du Code TAS, le TAS jouit d’un plein pouvoir d’examen en fait et en droit. Ce pouvoir lui permet d’entendre à nouveau les parties sur l’ensemble des circonstances de faits ainsi que sur les arguments juridiques que les parties souhaitent soulever et de statuer définitivement sur l’affaire en cause (TAS 2011/A/2433 et très nombreuses références). En raison du plein pouvoir d’examen conféré aux formations arbitrales du TAS, l’appel au TAS permet de “considérer comme purgés les vices de procédure ayant éventuellement affecté les instances précédentes” (2011/A/2433 et très nombreuses références).
95. La Formation arbitrale est de l’avis que, dans la présente procédure devant le TAS, M. Florent Malouda a eu tout loisir de défendre sa cause et d’exercer son droit d’être entendu, comme il l’a d’ailleurs lui-même confirmé à la fin de l’audience du 10 janvier 2018. Les éventuels vices de procédure ou violations ayant pu affecter les procédures disciplinaires de la CONCACAF sont donc purgés et il n’y a dès lors pas lieu de s’arrêter plus en avant sur les reproches formulés par M. Florent Malouda à l’encontre de la procédure engagée par le Comité de Discipline.
96. Enfin, la Formation arbitrale relève que, au vu du montant modeste en jeu (amende de USD 3,500), il paraît contraire aux intérêts de M. Florent Malouda ainsi qu’à l’économie de procédure, d’annuler la Décision du 16 juillet 2017 et de renvoyer la cause à la première instance pour qu’elle statue à nouveau.
b) Moyens de fond
97. M. Florent Malouda soutient que la Décision du 16 juillet 2017 est entachée d’illégalité aux motifs d’une part que cette décision sanctionne la violation d’une autre décision, celle du 13 juillet, laquelle ne lui était pas opposable et n’avait pas acquis un caractère définitif, d’autre part que cette décision porte atteinte au principe de légalité et qu’enfin les faits sur lesquels elle se fonde ne sont pas établis ou inexacts.
98. S’agissant de l’opposabilité de la Décision du 13 juillet 2017, portant notamment interdiction de stade, elle ne pouvait, selon M. Florent Malouda, produire d’effet à la date du 14 juillet 2017, dès lors qu’il en a eu notification que postérieurement et qu’en outre, elle n’avait pas un caractère définitif.
99. Il soutient en effet “[qu’]un joueur auquel aucune remise de documents n’a été effectuée, ne peut valablement être considéré comme ayant eu connaissance de la décision que dans un délai de 4 jours qui suit une notification en bonne et due forme faite à l’association dont il relève”. Il en déduit qu’en se rendant au stade le 14 juillet 2017, il ne pouvait se voir opposé la sanction contenue dans la Décision du 13 juillet 2017, puisqu’il n’était pas réputé en avoir connaissance, faute de notification valable.
100. Dans le cadre de la sentence TAS 2017/A/5290, la Formation arbitrale a été appelée à examiner la validité de la Décision du 13 juillet 2017. Après examen des faits de la cause et du droit ainsi que des réglementations applicables, elle a retenu ce qui suit (para. 92 ss.):
“92. Au vu des circonstances du cas d’espèce, il est manifeste que le non-respect des modalités de notification de la Décision du 13 juillet 2017 n’a pas porté d’atteintes graves aux droits essentiels de M. Florent Malouda, lequel a dès le 13 juillet 2017, ou en tout cas le 14 juillet 2017, en début d’après midi, eu connaissance des sanctions prises à son encontre. Il y a lieu d’ajouter que l’éventualité de sanctions disciplinaires à son encontre n’était pas inattendue puisque la CONCACAF avait averti à de nombreuses reprises la LFG de l’inéligibilité de M. Florent Malouda à la Gold Cup et des sanctions disciplinaires pouvant découler de sa titularisation éventuelle. Bien plus, l’ouverture de la procédure disciplinaire a été notifiée à M. Florent Malouda, lequel a été invité à se déterminer, ce qu’il fit le 13 juillet 2017.
93. Dans ce contexte particulier, et en application des principes dégagés en droit suisse par la jurisprudence et, en particulier, par le Tribunal fédéral en matière de notification des décisions, il apparait que les modalités de notification de la décision en cause n’ont pas été de nature à la priver de son caractère exécutoire, à tout le moins dès le 14 juillet 2017, à l’encontre de M. Florent Malouda qui a pu exercer ses droits (dont celui d’être entendu) tant pendant la procédure disciplinaire qu’après la notification de la Décision du 13 juillet 2017.
94. A la lumière de ce qui précède, la Formation arbitrale retient que la Décision du 13 juillet 2017 n’est pas entachée d’une cause de nullité. Cette dernière ne peut être retenue qu’à titre exceptionnel, en présence de vices particulièrement graves, compromettant sérieusement la sécurité juridique (Arrêt du Tribunal fédéral du 27 juin 2017, 4A_224/2017, consid. 2.3.2), ce qui n’est manifestement pas le cas en l’espèce. M. Florent Malouda n’a d’ailleurs pas prétendu ni établi le contraire”.
101. Pour compléter cette analyse, la Formation arbitrale relève en l’espèce, qu’il n’est pas contesté que la Décision du 13 juillet 2017 (i) a fait l’objet d’un communiqué de presse et d’articles parus dans les médias dès le 13 juillet 2017, (ii) que la Décision a été notifiée - certes par courriel - à la LFG au plus tard le 14 juillet 2017 au matin, (iii) que le même jour, en début d’après-midi, une délégation de la CONCACAF a rencontré M. Florent Malouda et son père, M. Philippe Malouda, pour discuter de la portée des sanctions prononcées à l’égard du joueur, (iv) que, peu après, M. Philippe Malouda a envoyé un courriel à la CONCACAF confirmant être parfaitement au courant (“We are well aware”) des sanctions contenues dans la Décision et (v) répondant à une question lors de l’audience, M. Florent Malouda a confirmé qu’il avait pris connaissance de la décision par la presse électronique.
102. En outre, la position soutenue par M. Florent Malouda est contraire au principe de la bonne foi. En effet, il découle de ce dernier une obligation de se renseigner sur l’existence et le contenu de la décision dès qu’on peut en soupçonner l’existence, sous peine de se voir opposer l’irrecevabilité d’un éventuel moyen pour cause de tardiveté (ATF 139 IV 228 consid. 1.3 p. 232; 134 V 306 consid. 4.2 p. 313; 107 Ia 72 consid. 4a p. 76). Attendre passivement serait en effet contraire au principe de la bonne foi (arrêt 9C_202/2014 du 11 juillet 2014 consid. 4.2; MOOR/POLTIER, Droit administratif, volume II, 3 e éd. 2011, p. 356). Arrêt du Tribunal fédéral du 1 septembre 2016, 1C_15/2016, consid. 3.)
103. Dans ce contexte, dès le 13 juillet 2017, ou en tout cas le 14 juillet 2017, en début d’après midi, M. Florent Malouda avait eu connaissance des sanctions prises à son encontre, lesquelles lui étaient immédiatement opposables. En les enfreignant, il doit en assumer la responsabilité.
104. M. Florent Malouda soutient alors que la Décision du 13 juillet 2017 ne pouvait toujours pas lui être opposable dès lors qu’elle n’avait pas un caractère définitif.
105. Or il résulte des dispositions de l’article 106 CDF que “Les décisions entrent immédiatement en vigueur”. Dans ces conditions, dès lors que M. Florent Malouda a eu légitimement connaissance de la décision portant notamment interdiction de stade, en tout cas dès le 14 juillet 2017, avant le déroulement du match auquel il a assisté, ainsi qu’il a été établi ci-dessus, cette décision portait immédiatement effet. Certes il a introduit un recours contre cette décision. Mais d’une part ce recours n’a été introduit que le 15 juillet 2017 et d’autre part, - et en tout état de cause - un tel recours n’emporte pas effet suspensif de la décision contestée.
106. La Décision du 13 juillet 2017 était donc bien en tous points opposable à M. Florent Malouda.
107. S’agissant de l’atteinte à la légalité que présenterait la Décision du 16 juillet 2017, la Formation arbitrale relève que M. Florent Malouda se borne à soutenir une violation des articles 64, 102, 103, voire 90 du CDF sans permettre à la Formation arbitrale d’en apprécier la portée et le bien fondé. Elle ne peut que rejeter ce moyen pour insuffisance de précision et développement.
108. S’agissant enfin du défaut de matérialité des faits ayant justifié la décision, la Formation arbitrale constate que M. Florent Malouda lui-même reconnait avoir assisté au match qui s’est déroulé le 14 juillet 2017. Cette matérialité des faits est donc bien avérée, sans même qu’il soit besoin de se fonder sur des rapports officiels dont M. Florent Malouda estime qu’ils ne seraient pas suffisamment définis ou connus.
109. Quant aux allégations de M. Florent Malouda selon lesquelles, lors de la visite de courtoisie, il aurait reçu des assurances de la part des représentants de la CONCACAF, en vertu desquelles des dispositions seraient prises pour qu’il puisse assister au match aux côtés de son équipe sans que cela ne viole l’interdiction de stade prononcée à son encontre, la Formation arbitrale ne saurait considérer qu’elles l’exonèrent de la sanction encourue.
110. Cette position est non seulement en contradiction avec les témoignages de M. Cristian Cubillas et de M. Manolo Zubiria, mais avec les pièces au dossier, en particulier le courriel adressé le 14 juillet 2017, à 16:39 de l’après-midi par M. Philippe Malouda à M. Carlos Fernandez et M. Cristian Cubillas. Ce message a été adressé après la visite de courtoisie – à laquelle ont assisté MM. Florent et Philippe Malouda – et critique l’interdiction de stade. La Formation arbitrale ne voit pas quel aurait été le sens d’un tel message, si M. Florent Malouda avait effectivement obtenu les assurances qu’il prétend avoir reçues. Enfin, la Formation arbitrale relève que M. Florent Malouda n’a pas expliqué ce qui aurait pu motiver la délégation de la CONCACAF à lui permettre de braver l’interdiction de stade en toute impunité.
111. Au vu de ce qui précède, la Formation arbitrale arrive à la conclusion que M. Florent Malouda a violé l’interdiction de stade en toute connaissance de cause et doit en assumer les conséquences.
112. Dans sa décision du 16 juillet 2017, le Comité de Discipline a condamné M. Florent Malouda à une amende de USD 3,500. Une telle sanction est compatible avec la réglementation applicable. Son montant n’apparaît pas comme étant disproportionné, ce que M. Florent Malouda n’a jamais contesté.
113. Il résulte de tout ce qui précède que l’appel devant le TAS doit être rejeté sans autres considérations. Toutes requêtes et plus amples conclusions des Parties doivent être rejetées.
PAR CES MOTIFS
Le Tribunal Arbitral du Sport prononce:
1. L’appel déposé le 28 juillet 2017 par M. Florent Malouda à l’encontre de la décision du 16 juillet 2017 du Comité de Discipline de la CONCACAF est rejeté.
2. La décision du 16 juillet 2017 du Comité de Discipline est confirmée.
3. (…).
4. (…).
5. Toutes les autres conclusions des Parties sont rejetées.
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