TAS-CAS – Tribunal Arbitral du Sport/Tribunale Arbitrale dello Sport – Court of Arbitration for Sport/Corte Arbitrale dello Sport (2018-2019) – tas-cas.org – atto non ufficiale – Arbitrage TAS 2018/A/5896 Yves Diba Ilunga c. Al Shoullah Club, sentence du 15 avril 2019
Tribunal Arbitral du Sport Court of Arbitration for Sport
Arbitrage TAS 2018/A/5896 Yves Diba Ilunga c. Al Shoullah Club, sentence du 15 avril 2019
Formation: Mr Alexis Schoeb (Suisse), Arbitre unique
Football
Arriérés de paiement et sanctions financières prises par un club contre un de ses joueurs
Droit applicable
Soumission tardive de pièces
Conditions de renonciation à la protection de l’art. 12bis RSTJ
Protection du travailleur contre une renonciation unilatérale à des créances de salaire
Protection de la personnalité du travailleur
Dommages-intérêts
1. Il découle de l’art. R58 du Code TAS que les questions litigieuses doivent, en priorité, être résolues par la Formation arbitrale en application de la règlementation applicable au cas d’espèce. Les dispositions règlementaires topiques ont ainsi la primauté sur les règles de droit éventuellement choisies par les parties, par exemple dans le contrat litigieux. Ces règles de droit ne peuvent entrer en ligne de compte dans la résolution du litige que subsidiairement, comme le précise l’art. R58 du Code TAS.
2. En vertu de l’art. R56 du Code TAS, après le dépôt de la motivation d’appel ou, respectivement, de la réponse, la partie requérante doit, à moins que l’autre partie ne s’y oppose pas, invoquer des motifs qui justifient d’admettre une soumission tardive. Si les pièces en question étaient déjà disponibles au moment du dépôt de la motivation d’appel et qu’il n’y a pas de circonstances exceptionnelles justifiant l’admission de cette production tardive, cette dernière doit être rejetée.
3. L’article 12bis du Règlement du Statut et du Transfert des Joueurs (RSTJ) prévoit expressément une obligation pour les clubs de respecter leurs obligations financières contractuelles vis-à-vis des joueurs, sans toutefois préciser à quelle conditions les joueurs pourraient renoncer à leur exécution ni à quelles conditions les clubs pourraient justifier une non-exécution ou une exécution partielle. Ces conditions doivent donc s’apprécier au regard du droit suisse, applicable au litige en tant que droit supplétif.
4. En droit suisse, le droit au paiement du salaire pour l’activité déjà effectuée par le travailleur revêt un caractère impératif et est protégé par l’art. 341 al. 1 du Code des Obligations (CO). Il en va de même pour les bonus dont le versement n’est pas discrétionnaire, lesquels doivent être considérés comme des éléments du salaire. Le but de l’art. 341 al. 1 CO, auquel il ne peut être dérogé en défaveur de l’employé, est de protéger le travailleur, pendant la durée du contrat et durant le mois qui suit la fin de celui-ci, contre d’éventuelles renonciations à certains droits découlant de dispositions impératives en matière de contrat de travail. Une renonciation contraire à l’article 341 al. 1 CO est nulle et ne produit aucun effet. L’art. 341 al. 1 CO ne s’oppose toutefois pas à une éventuelle transaction sur les modalités de la fin des rapports de travail, à condition qu’il y ait une équivalence appropriée des concessions réciproques, c’est-à-dire que les prétentions auxquelles chaque partie renonce soient de valeur comparable. La quittance pour solde de tout compte par laquelle un employé renonce unilatéralement – soit sans concessions réciproques – à une créance protégée par l’art. 341 CO est ainsi dépourvue de tout effet juridique.
5. L’art. 328 CO applicable à titre supplétif vise à protéger la personnalité du travailleur et, en cas d’atteinte illicite à sa personnalité par l’employeur, le travailleur peut prétendre au paiement d’une indemnité pour tort moral (art. 49 CO) si certaines conditions sont remplies. En particulier, le travailleur doit prouver l’acte illicite, la faute de l’employeur, la gravité de l’atteinte et le tort moral. Toutefois, n’importe quelle atteinte ne justifie pas une indemnité; l’atteinte doit revêtir une certaine gravité objective et être ressentie par la victime, subjectivement, comme une souffrance morale suffisamment.
6. En droit suisse, en cas de violation par l’employeur d’une obligation autre que celle découlant de l’art. 328 CO, le travailleur peut en particulier prétendre à des dommages-intérêts sur la base de l’art. 97 CO. Toutefois, le dommage allégué doit être prouvé par le demandeur.
I. PARTIES
1. Monsieur Yves Diba Ilunga (“l’Appelant” ou le “Joueur”) est un joueur de football professionnel, né le 12 août 1987, de nationalité congolaise.
2. Le club Al Shoullah Club (“l’Intimé” ou le “Club”) est un club de football affilié à la Fédération d’Arabie Saoudite de Football (“SAFF”).
II. FAITS À L’ORIGINE DU LITIGE
A. Du Contrat entre les Parties et de la rémunération du Joueur
3. Le 3 juillet 2016, le Joueur et le Club ont conclu un contrat de joueur professionnel de football valable du 3 juillet 2016 au 30 mai 2017 (le “Contrat”).
4. Selon l’article 4 du Contrat, la rémunération du Joueur se composait notamment d’un salaire mensuel de USD 13’636 payable chaque fin de mois et d’une prime de USD 15’000 payable à la fin du Contrat.
B. Des retenues de salaire du Joueur et du litige entre les Parties
5. Le Club aurait sanctionné le Joueur par les retenues partielles de salaires suivantes:
- 40% du salaire du Joueur pendant deux mois à la suite d’une altercation entre le Joueur et un autre joueur du Club;
- 50% du salaire du Joueur pendant deux mois à la suite de l’absence du Joueur du 10 au 20 janvier 2017.
6. Par courrier daté du 8 mars 2017, l’Union des Footballeurs du Congo s’est adressée au Club au nom du Joueur et en sa qualité de syndicat des joueurs de football congolais. A teneur de ce courrier, le Club a été mis en demeure de verser au Joueur un montant de USD 13’600 correspondant à trois mois de salaire (pour les mois de décembre 2016 à février 2017) ainsi qu’un montant de USD 15’000.- correspondant à la prime due au Joueur à la fin du Contrat. En outre, le Joueur invitait le Club à cesser immédiatement les “pressions négatives” et le “traitement inhumain” à son égard en invoquant notamment le fait qu’il ne bénéficiait pas d’un permis de séjour qui lui aurait permis d’ouvrir un compte bancaire, qu’il avait été mis à l’écart du reste de l’équipe et qu’il subissait des pressions afin d’accepter de quitter le Club contre le paiement d’un mois de salaire.
7. Dans un document intitulé “Meeting with Club Represent” et daté du 11 mars 2017, le Joueur a contesté les retenues de salaire en invoquant le fait qu’il n’était pas responsable de son absence au mois de janvier 2017 et qu’il proposait une retenue de salaire de 10% concernant l’altercation avec son co-équipier.
8. Par courrier du 14 mars 2017, le Club a confirmé les retenues de salaire imposées au Joueur et a affirmé que le Joueur refusait d’encaisser les chèques tout en l’invitant à lui transmettre les coordonnées de son compte bancaire afin d’effectuer le paiement. En outre, le Club a déclaré qu’une demande de permis de séjour avait été déposée dès l’arrivée du Joueur en Arabie saoudite.
9. Le 15 mai 2017, le Club a adressé un courrier au Joueur afin de l’informer du fait qu’il avait été absent des entrainements depuis le 6 mai 2017 et que les règlements saoudiens s’appliqueraient.
10. Par courriers des 15 et 17 mai 2017, le Joueur a mis le Club en demeure du lui verser un montant de USD 54’544 correspondant au salaire des mois de février à mai 2017 ainsi qu’un montant de USD 15’000 correspondant à la prime due au Joueur à la fin du Contrat. Le Joueur a notamment indiqué que le Club refusait de lui délivrer un visa de sortie (“exit permit”) alors que depuis le dernier match de la saison, le 5 mai 2017, tous les autres joueurs avaient été payés et étaient partis en vacances.
11. En mai 2017, le Club aurait infligé au Joueur une troisième retenue salariale à hauteur de 50% au motif de sa prétendue absence depuis le 6 mai 2017.
C. De la fin du Contrat
12. Le Contrat a pris fin à l’expiration de la durée convenue le 31 mai 2017.
13. En date 4 juin 2017, le Joueur a signé un document établi par le Club (“l’Acte du 4 juin 2017”), selon lequel le Joueur déclarait notamment:
“I confirm that I have received from the club my full entitlements (all my dues) under this contract which end 30/05/2017 also undertake not to ask the club or any other party Any entitlements due to the end of this contract” (sic).
Qui peut être librement traduit comme suit:
“Je confirme avoir reçu du club l’intégralité de mes droits (tous mes dûs) en vertu du présent contrat lequel prend fin au 30/05/2017, et m’engage également à ne pas demander au club ni à tout autre partie tous droits en raison de la fin de ce contrat”.
14. Le même jour, le Club a remis au Joueur deux chèques pour un montant total de USD 37’500.
D. De la plainte du Joueur auprès de la Chambre de Résolution des Litiges de la FIFA
15. Le 15 août 2017, le Joueur a déposé une plainte devant la Chambre de Résolution des Litiges de la FIFA (“CRL”) aux fins de voir enjoindre le Club à lui verser les montants suivants, plus un intérêt de 5% l’an sur les sommes réclamées à compter du 30 mai 2017:
a. USD 17’044, correspondant aux salaires impayés des mois de février, mars, avril et mai 2017, moins la somme de USD 37’500 payée par le Club en date du 4 juin 2017;
b. USD 15’000, correspondant à la prime payable au 31 mai 2017;
c. USD 13’636 à titre de “compensation”, correspondant à un mois de salaire supplémentaire;
d. USD 500’000 en compensation du “comportement violent du Club à l’encontre du Joueur”.
16. En substance, le Joueur se plaignait du fait que les retenues de salaires infligées par le Club était injustifiées et que l’Acte du 4 juin 2017 avait été signé de force, après plusieurs semaines de pressions psychologiques de la part du Club. En particulier, le Joueur considérait que les deux chèques qui lui avaient été remis par le Club, pour un montant total de USD 37’500, ne correspondaient pas à l’entier du montant qui lui était dû.
17. Quant à la position du Club, celle-ci n’a pas été prise en considération par la CRL dans la mesure où le Club n’a pas transmis sa réponse dans le délai qui lui avait été imparti.
18. En date du 17 mai 2018, la CRL a rendu la décision No 17-00958 (ci-après, la “Décision de la CRL”) par laquelle elle a rejeté la plainte du Joueur, en particulier pour les motifs suivants:
“(…)
11. […] the members of the Chamber […] concluded that such documentation presented by the Claimant did not prove beyond doubt that the Respondent coerced the Claimant into signing the above-mentioned document. Consequently, the DRC decided that the Claimant’s allegations in this regard cannot be accepted.
12. Furthermore, the DRC was eager to emphasize that a party signing a document of legal importance without knowledge of its precise contents, as a general rule, does so on its own responsibility.
13. In light of all of the above, and in particular bearing in mind the fact that on 4 June 2017 the Claimant signed a document by means of which the Claimant waived any claim he might have or have had against the Respondent, and had also received from the Respondent the total amount of USD 37,500, the Dispute Resolution Chamber decided that it must reject in its entirety the claim put forward by the Claimant.
(…)”.
Qui peut être librement traduit comme suit:
“(…)
11. […] les membres de la Chambre […] ont conclu que les documents présentés par le Demandeur ne permettaient pas de prouver hors de tout doute que le Défendeur l’avait contraint à signer les documents susmentionnés. En conséquence, la CRL a décidé que les allégations du Demandeur à cet égard ne pouvaient être acceptées.
12. En outre, la CRL a tenu à souligner qu’une partie qui signe un document avec une portée juridique sans connaissance de son contenu précis le fait, en principe, sous sa propre responsabilité.
13. Compte tenu de tout ce qui précède, et en particulier du fait que le 4 juin 2017, le Demandeur a signé un document par lequel le Demandeur a renoncé à toute réclamation qu’il aurait pu avoir ou aurait eue contre le Défendeur, et qu’il a également reçu du Défendeur un montant total de USD 37’500, la Chambre de résolution des litiges a décidé de rejeter dans son intégralité la demande présentée par le Demandeur.
(…)”.
III. PROCÉDURE DEVANT LE TRIBUNAL ARBITRAL DU SPORT
19. En date du 30 août 2018, l’Appelant a déposé auprès du Greffe du TAS une déclaration d’appel à l’encontre de la Décision de la CRL (la “Déclaration d’appel”). L’Appelant a précisé que son mémoire “vaut déclaration d’appel et mémoire d’appelant”.
20. Par courrier du 12 septembre 2018, le Greffe du TAS a accusé réception de la Déclaration d’appel valant mémoire d’appel, en a fait parvenir une copie à l’attention de l’Intimé avec une invitation à produire une réponse dans un délai de vingt jours conformément à l’article R55 du Code de l’arbitrage en matière de sport (le “Code”).
21. Par courrier du même jour, le Greffe du TAS a informé la FIFA de l’appel déposé par l’Appelant et de la possibilité que la FIFA intervienne comme partie au présent arbitrage conformément aux articles R54 et R41.3 du Code.
22. Le 18 septembre 2018, l’Intimé a informé le Greffe du TAS qu’il consentait à ce que la procédure soit conduite en français et qu’elle soit soumise à un arbitre unique. Par ailleurs, l’Intimé a indiqué qu’il renonçait à verser sa part des avances de frais et qu’il déposerait sa réponse après le paiement par l’Appelant de sa part des avances de frais en application de l’article R55.3 du Code.
23. En date du 19 septembre 2018, le Greffe du TAS a informé les parties que la Présidente de la Chambre arbitrale d’appel du TAS, ou son suppléant, nommerait un Arbitre unique et que, conformément à l’article R55.3 du Code, le délai fixé à l’Intimé pour déposer sa réponse était annulé.
24. Par courrier du 2 octobre 2018, la FIFA a informé le Greffe du TAS qu’elle renonçait à son droit d’intervenir dans la présente procédure et lui a transmis une copie de la Décision du 17 mai 2018.
25. En date du 9 octobre 2018, l’Appelant a déposé auprès du Greffe du TAS une demande d’assistance judiciaire.
26. Le 10 octobre 2018, le Greffe du TAS a accusé réception de la demande d’assistance judiciaire déposée par l’Appelant et a informé les parties que le délai imparti à l’Appelant pour payer l’avance de frais était suspendu jusqu’à droit connu sur ladite demande d’assistance judiciaire.
27. Par courrier du 5 novembre 2018, le Greffe du TAS a informé les parties que la demande d’assistance judiciaire déposée par l’Appelant avait été admise et a invité l’Intimé à produire une réponse dans un délai de vingt jours conformément à l’article R55.1 du Code. Dans le même courrier, le Greffe du TAS a également informé les parties du fait que l’arbitre unique désigné par la Présidente de la Chambre arbitrale d’appel du TAS pour décider de la procédure d’appel était Me Alexis Schoeb, Avocat à Genève, Suisse.
28. Par courriel du 23 novembre 2018, l’Intimé a fait parvenir au Greffe du TAS son mémoire de réponse ainsi que ses annexes, en indiquant que la réponse avait été envoyée par poste.
29. Le 5 décembre 2018, le Greffe du TAS a accusé réception de la réponse de l’Intimé et en a fait parvenir une copie à l’attention de l’Appelant. Le Greffe a toutefois indiqué à l’Intimé qu’il n’avait pas reçu les originaux de sa réponse par courrier et l’a invité à soumettre, dans un délai de 3 jours, une preuve de l’envoi de la réponse par courrier.
30. En dates des 5 et 7 décembre 2018, l’Intimé a fourni au Greffe du TAS la preuve de l’envoi de sa réponse par courrier en date du 23 novembre 2018.
31. Le 10 décembre 2018, le TAS a accusé réception de la réponse de l’Intimé datée du 23 novembre 2018 et informé les parties qu’elles ne seraient pas admises à compléter ou modifier leurs conclusions, leur argumentation, ni à produire de nouvelles pièces, à formuler de nouvelles offres de preuves après la soumission de la motivation d’appel et de la réponse, conformément à l’article R56 du Code. De plus, le TAS a invité les parties à confirmer au 17 décembre 2018 si elles sollicitaient que le TAS tienne une audience.
32. Par courriel du 11 décembre 2018, l’Appelant a informé le Greffe du TAS qu’il sollicitait la tenue d’une audience.
33. Par courrier daté du 17 décembre 2018, l’Appelant a soumis des déclarations complémentaires ainsi que diverses nouvelles pièces.
34. Par courriel du 27 décembre 2018, l’Intimé s’est opposé à la production de nouvelles pièces par l’Appelant et a également fait part de sa préférence pour la tenue d’une audience.
35. Le 27 décembre 2018, le Greffe du TAS a informé les parties que l’arbitre unique avait décidé de tenir une audience.
36. Par acte du 28 décembre 2018, le Greffe du TAS a convoqué les parties à une audience fixée au 19 février 2019.
37. En date du 3 février 2019, l’Intimé a transmis au Greffe du TAS l’ordonnance de procédure dûment signée.
38. En date du 8 février 2019, l’Appelant a transmis au Greffe du TAS l’ordonnance de procédure dûment signée.
39. Une audience a été tenue le 19 février 2019 à Lausanne (ci-après, “l’Audience”). Outre la présence de la conseillère du TAS en charge de la procédure, Me Delphine Deschenaux-Rochat, ainsi que de l’arbitre unique, Me Alexis Schoeb, les personnes suivantes ont assisté à l’Audience:
- Pour l’Appelant, Me Jean-Baptiste Giniès, avocat à Montpellier, France.
- Pour l’Intimé, Me Ali Abbes et Me Mohamed Rokbani, avocats à Monastir, Tunisie.
40. Au début de l’Audience, les parties ont confirmé n’avoir aucune objection quant à la composition du tribunal arbitral.
41. A la fin de l’Audience, les parties ont toutes deux confirmé que leur droit d’être entendu avait été respecté.
IV. POSITION DES PARTIES
42. Les arguments des parties, développés tant dans leurs écritures respectives que lors de l’Audience, seront résumés ci-dessous. Si seuls les arguments essentiels sont exposés ci-après, tous les arguments ont naturellement été pris en compte par l’arbitre unique, y compris ceux auxquels il n’est pas fait expressément référence.
A. Les conclusions et les arguments développés par l’Appelant
43. Au terme de sa déclaration d’appel valant mémoire d’appel, l’Appelant formule les conclusions suivantes (mise en évidence en original):
“(…)
RECEVOIR, l’appel déposé devant le Tribunal Arbitral du Sport par Monsieur Yves DIBA ILUNGA,
NOMMER un arbitre unique qu’il plaira au Tribunal Arbitral du Sport,
INFIRMER la décision en date du 17 mai 2018 de la Chambre de Résolution des Litiges en ce qu’elle a rejeté la requête de Monsieur Yves DIBA ILUNGA,
Par conséquent,
CONSTATER, l’absence de paiement injustifiée des salaires par le Club d’AL SHOULLAH pour un montant de 17.044 USD et 15.000 USD soit 32.044 USD,
CONSTATER l’impossibilité pour Monsieur Yves DIBA ILUNGA de se prévaloir de toute défense dans les faits qui lui ont été reprochés,
CONSTATER, l’existence d’un comportement violent contraire aux réglementations de la FIFA en matière de statut joueur [sic],
CONDAMNER, au paiement du solde restant dû par le club d’AL SHOULLAH à Monsieur Yves DIBA ILUNGA établit comme suit:
- 32044 USD comprenant les sommes suivantes:
Salaires: 54.544 USD - 37.500 USD payés le 4 juin 2017 = 17044 USD majorée d’un intérêt de 5% par année courant à compter du 31 mai 2017 et jusqu’à parfait paiement.
Primes de signature au 31 mai 2017: 15.000 USD au 31 mai 2017 majorée d’un intérêt de 5% par année courant à compter du 31 mai 2017 et jusqu’à parfait paiement.
- 13636 USD au titre de la compensation pour retenue sur salaires.
- 50.000 USD en compensation du comportement violent à l’encontre de Monsieur Yves DIBA ILUNGA, contraire aux droits de l’homme, aux droits d’un procès équitable et aux droits du salarié et du sportif”.
44. Lors de l’Audience, l’Appelant a apporté les précisions suivantes concernant ses conclusions:
- Le montant de USD 13’636 correspond aux dommages-intérêts subis par le Joueur en raison des salaires impayés.
- Le montant de USD 50’000 correspond à une indemnité pour le tort moral subi par le Joueur.
45. Les arguments que l’Appelant fournit à l’appui de son appel peuvent être résumés comme suit:
i. Concernant le contexte du litige entre les parties:
Le joueur n’aurait jamais reçu de visa de travail (“working visa”) pendant la durée de son Contrat, ce qui, selon l’Appelant, “explique une partie du courrier reçu par le joueur l’intimant d’ouvrir un compte en banque (au lieu d’encaisser les chèques en “cash”), acte impossible sans l’obtention d’un visa de travail “working visa”” et “ce qui a engendré une situation fortement préoccupante au mois de mai 2017”.
A la suite de l’altercation entre le Joueur et un coéquipier, le Club aurait “délibérément cherché à isoler le joueur”; “le joueur a été banni de l’effectif et a dû s’entrainer de façon isolée”. Pour l’Appelant, “cette situation inacceptable, allant à l’encontre de toutes les règlementations FIFA et du droit du travail international, a mis le joueur dans une détresse psychologique grave”.
Selon l’Appelant, aucun entrainement ne pouvait avoir lieu après le 5 mai 2017, date du dernier match de la saison, puisque tout le personnel du Club et les joueurs étaient officiellement en congés. L’Appelant considère ainsi que “le club tentait de discréditer le joueur en l’informant que des entrainements avaient encore lieu et qu’il n’y participait pas, cela afin de le sanctionner d’une retenue sur salaire de 50% pour le mois de mai”.
L’Appelant allègue que le Club aurait entamé des “manoeuvres violentes” à l’encontre du Joueur, en l’isolant totalement de toute vie sociale en Arabie Saoudite et en coupant l’alimentation du logement du Joueur en eau. En outre, en l’absence d’un “working visa”, le Joueur ne pouvait pas obtenir un “exit permit” afin de quitter l’Arabie saoudite et le Joueur se serait ainsi retrouvé dans une “détresse psychologique”. Selon l’Appelant, cette “pression psychologique” du Club avait pour objectif de faire céder le Joueur et le forcer à quitter l’Arabie saoudite en acceptant notamment les sanctions qui lui avaient été imposées.
ii. Concernant les retenues de salaire par le Club:
De manière générale, l’Appelant invoque les articles 12bis et 13 du Règlement du Statut et du Transfert des Joueurs de la FIFA (“RSTJ”).
Concernant la première retenue de salaire infligée par le Club (soit une retenue de 40% pendant deux mois à la suite d’une prétendue altercation entre le Joueur et un coéquipier), l’Appelant reconnait qu’une “altercation verbale” a eu lieu avec un coéquipier. Il allègue toutefois n’avoir commis aucun acte de violence physique et qu’une retenue de salaire si importante serait disproportionnée. Par ailleurs, la sanction aurait été prononcée sans justification, sans preuve ni clarification entre les parties. Lors de l’Audience, l’Appelant a précisé qu’il ne contestait pas la survenance d’une altercation verbale mais reprochait essentiellement le non-respect du processus disciplinaire qui aurait dû être appliqué par le Club afin de le sanctionner.
Concernant la seconde retenue de salaire infligée par le Club (soit une retenue de 50% pendant deux mois suite à une absence du Joueur pendant 10 jours au mois de janvier 2017), celle-ci est infondée car l’absence du Joueur est uniquement due aux lacunes administratives du Club, lequel n’a pas fourni de “working visa” au Joueur. Sans ce document, le Joueur a connu de “grandes difficultés pour rentrer en Arabie saoudite après ses congés d’hiver” et “n’as donc pas pu prendre un vol en temps voulu” pour rejoindre l’Arabie saoudite.
Concernant la troisième retenue de salaire infligée par le Club (soit une retenue de 50% au mois de mai 2017), le Club a reproché au Joueur une absence fautive alors qu’aucun entrainement ne pouvait avoir lieu puisque tout le personnel et les joueurs étaient officiellement en congés.
Le Club n’a pas respecté le processus de règlement des litiges prévu à l’article 9 du Contrat, puisque les sanctions infligées par le Club “devaient faire l’objet d’une procédure devant la Chambre de Résolution des Litiges de la Fédération Saoudienne de Football à défaut d’accord amiable”. Le Club a ainsi “violé les stipulations contractuelles en procédant à des retenues sur salaire injustifiées”.
iii. Concernant le document signé par les parties le 4 juin 2017:
La CRL aurait considéré à tort que la signature de l’Acte du 4 juin 2017 “emportait le consentement des parties et la connaissance parfaite” des conséquences juridiques qui s’y rattachaient. L’Appelant allègue que le contexte de signature de cet acte nécessitait un examen plus approfondi car “il est fréquent que certains pays du Golfe exercent des pressions psychologiques sur les joueurs salariés des clubs en cas de désaccord quelconque”. Ainsi, pour l’Appelant, les pressions exercées sur le Joueur et la nécessité d’obtenir un “exit permit” ne pouvaient “valablement conduire à un entier consentement dans la signature de ce document”.
Lors de l’Audience, l’Appelant a précisé que dans le contexte créé par le Club, il n’avait pas d’autre choix que de signer ce document et a ainsi préféré quitter l’Arabie saoudite avec au moins une partie des montants qui lui étaient dus.
Lors de l’Audience, après que l’arbitre unique a sollicité l’observation des parties sur certaines dispositions pertinentes du droit suisse, l’Appelant a précisé que l’art. 341 CO était applicable à l’Acte du 4 juin 2017 et que ce dernier pouvait ainsi être considéré comme nul.
iv. Concernant le comportement du Club:
Selon l’Appelant, “en l’absence de définition de la notion de violence dans les règlements FIFA, il convient de se reporter au Droit Suisse”. L’Appelant invoque en particulier les articles 29 et 30 du Code des obligations suisse (“CO”), soit une situation de crainte fondée dans laquelle se trouvait le Joueur.
Pour l’Appelant, l’isolement du joueur dès le mois de décembre 2016, la non-délivrance d’un “working visa”, le fait que le Joueur ait dû s’entrainer seul pendant de longues périodes à l’écart du reste de l’équipe et les coupures d’eau dans son logement pendant le mois de mai 2017 constituent “une atteinte grave à la dignité du joueur”.
B. Les conclusions et les arguments développés par l’Intimé
46. Dans sa réponse, l’Intimé ne conteste pas la compétence du TAS pour trancher le présent litige et formule les conclusions suivantes:
“1- Confirmer la décision de la CRL numéro 17-00958 en date du 17 mai 2018;
2- Faire supporter à l’appelant tous les frais et débours;
3- Astreindre l’appelant à payer au club Al Sholah 15.000 $ au titre de frais et honoraires d’avocats”.
47. A l’appui de sa réponse, l’Intimé soutient en substance ce qui suit:
i. Concernant le contexte du litige entre les parties:
En raison d’un différend entre le Joueur et l’entraîneur Farid Ben Belgacem de nationalité tunisienne, le comportement de l’Appelant “a changé et devenu non conforme avec l’attitude d’un joueur professionnel”.
A la suite de plusieurs infractions disciplinaires de la part du Joueur en contradiction avec ses devoirs en tant que joueur professionnel, le Club a imposé au Joueur des “sanctions financières disciplinaires en vertu de la règlementation en vigueur”.
En date du 4 Juin 2017, le Joueur et le Club “se mettent d’accord sur la valeur des impayés en l’occurrence 37.000 $ que le joueur encaissera par 2 Chèques bancaires (Annexe 2) en signant (avec empreinte également) un quitus en vertu duquel il déclare avoir reçu du club tous ses dus financiers jusqu’au terme de son contrat et qu’il n’a plus des dus à réclamer du club”.
Lors de l’Audience, l’Intimé a considéré que le courrier de l’Appelant du 15 mai 2017 démontre qu’il n’y avait à ce moment-là pas d’arriéré de paiement en faveur du Joueur et a indiqué que deux chèques avaient été émis en faveur du Joueur dans le courant du mois de mars 2017. L’Intimé considère ainsi que déduction faite des sanctions imposées au Joueur, le Joueur a reçu l’intégralité des montants qui lui étaient dus.
Par ailleurs, lors de l’Audience, l’Intimé a relevé que le Joueur n’avait pas contesté les sanctions du Club au moment de signer le quitus. Or, pour l’Intimé, il appartenait au Joueur de contester lesdites sanctions auprès de la Chambre de résolution des litiges de la SAFF.
ii. Concernant le document signé par les parties le 4 juin 2017:
Le Joueur n’a subi aucune contrainte pour signer le quitus “après le terme du contrat et donc le joueur n’était plus dans une position de subordination par rapport au club mais agissait librement comme un joueur libre et pouvait de ce fait refuser de signer le quitus et porter l’affaire devant la CRL FIFA pour trancher le litige et calculer éventuellement les dus du joueur”. Selon l’Intimé, il aurait été en effet été “plus plausible que le joueur après la fin de son contrat porte plainte devant la CRL pour réclamer ses dus au lieu de signer un quitus”.
Selon l’Intimé, l’argument d’impossibilité de quitter le territoire saoudien sans le permis de travail avancé par l’Appelant “est mal choisi” et ne peut tenir pour plusieurs raisons:
Le Joueur est parti séjourner en France au mois de janvier 2017 et est revenu sans difficultés en Arabie saoudite alors qu’il n’avait pas de permis de travail.
Après la signature du quitus le Joueur a quitté l’Arabie saoudite “librement sans aucun changement relatif à sa situation par rapport au permis de travail”.
Lors de l’Audience, l’Intimé a précisé que le Club n’était pas responsable de la non-délivrance d’un visa de sortie au Joueur, car cela n’était pas nécessaire pour un visa professionnel.
Lors de l’Audience, après que l’arbitre unique a sollicité l’observation des parties sur certaines dispositions pertinentes du droit suisse, l’Intimé a allégué que l’art. 341 CO n’est pas applicable à l’Acte du 4 juin 2017, notamment en vertu de la spécificité du sport et dans la mesure où la présente affaire n’a aucun lien avec la Suisse.
iii. Relativement aux accusations de “comportement violent” de la part du Club:
L’Intimé considère que “(…) le choix du joueur à signer avec un autre club du Golf en l’occurrence le club Al Sailiya (Qatar) est en contradiction” avec l’argumentation de l’Appelant selon lequel “il est fréquent que certains pays du Golf exercent des pressions psychologiques sur les joueurs salariés des clubs en cas de désaccord quelconque”. En effet, l’Intimé considère qu’un joueur “qui a passé 9 saisons au golf [sic] sur les 11 dernières saisons ne peut avancer la thèse d’usage de fréquentes pressions psychologiques par les clubs du golf sur les joueurs”.
Pour l’Intimé, “il est clair que les moyens de preuves ont été façonnés par le joueur lui-même alors qu’il pouvait (si sa version est juste) constater l’entrainement individuel par un huissier de justice ou des témoignages au lieu d’enregistrer une vidéo tout seul”.
De plus, selon l’Intimé, une coupure d’eau est “un fait fréquent partout dans le monde et n’a aucun corollaire avec le club”. Il est ainsi “folklorique d’enregistrer une vidéo justifiant une coupure momentanée de l’eau en endossant la responsabilité au club et en qualifiant le fait de comportement violent envers le joueur”.
L’intimé estime ainsi “évident que les accusations et demandes de l’appelant sont infondées et ne tendent qu’à une tentative d’enrichissement sans cause en se basant sur une énigmatique pression et contrainte exercées sur le joueur par le club”.
La CRL a “logiquement rejeté la requête dans l’affaire 17-00958-sje en date du 17 Mai 2018 puisqu’il n’y a aucune preuve de l’exercice de moyens de pression sur le joueur pour le contraindre à signer le quitus”.
V. COMPÉTENCE DU TAS
48. L’art R47 du Code prévoit ce qui suit:
“Un appel contre une décision d’une fédération, association ou autre organisme sportif peut être déposé au TAS si les statuts ou règlements dudit organisme sportif le prévoient ou si les parties ont conclu une convention d’arbitrage particulière et dans la mesure aussi où la partie appelante a épuisé les voies de droit préalables à l’appel dont il dispose en vertu des statuts ou règlements dudit organisme sportif”.
49. En l’espèce, l’Appelant fait appel contre une décision rendue par la CRL de la FIFA.
50. L’article 67, alinéa 1 des statuts de la FIFA dispose que:
“Tout recours contre des décisions prises en dernière instance par la FIFA, notamment les instances juridictionnelles, ainsi que contre des décisions prises par les confédérations, les membres ou les ligues doit être déposé auprès du TAS dans un délai de vingt-et-un jours suivant la communication de la décision”.
51. L’Intimé n’a par ailleurs pas contesté la compétence du TAS pour décider du présent litige.
52. Eu égard à ce qui précède, le TAS a compétence pour décider du présent litige.
VI. RECEVABILITÉ
53. L’art. R49 du Code prévoit ce qui suit:
“En l’absence de délai d’appel fixé par les statuts ou règlements de la fédération, de l’association ou de l’organisme sportif concerné ou par une convention préalablement conclue, le délai d’appel est de vingt-et-un jours dès la réception de la décision faisant l’objet de l’appel. (…)”.
54. L’art. R51 du Code prévoit ce qui suit:
“Dans les dix jours suivant l’expiration du délai d’appel, la partie appelante soumet au Greffe du TAS un mémoire contenant une description des faits et des moyens de droit fondant l’appel, accompagné de toutes les pièces et offres de preuves qu’elle entend invoquer. Alternativement, la partie appelante doit informer par écrit le Greffe du TAS dans le même délai que la déclaration d’appel doit être considérée comme mémoire d’appel. L’appel est réputé avoir été retiré si la partie appelant ne se conforme pas à ce délai. (…)”.
55. Selon l’art. 58.1 des Statuts de la FIFA, “[t]out recours contre des décisions prises en dernière instance par la FIFA, notamment les instances juridictionnelles, ainsi que contre des décisions prises par les confédérations, les associations membres ou les ligues doit être déposé auprès du TAS dans un délai de vingt-et-un jours suivant la réception de la décision”.
56. En l’espèce, le délai pour déposer la déclaration d’appel était de 21 jours à compter du jour de la notification de la Décision de la CRL. En outre, dans les dix jours suivant l’expiration du délai d’appel, l’Appelant devait soumettre au Greffe du TAS son mémoire d’appel.
57. La Décision de la CRL a été notifiée à l’Appelant en date du 10 août 2018, ce qui n’est pas contesté pas l’Intimé.
58. En date du 30 août 2018, soit 20 jours après la date de la notification de la Décision, l’Appelant a déposé une déclaration d’appel valant mémoire d’appel auprès du Greffe du TAS.
59. Il résulte de ce qui précède que le délai d’appel a été respecté par l’Appelant. En outre, la déclaration d’appel répond aux conditions fixées par l’article R48 du Code.
60. Par conséquent, l’appel est recevable.
VII. DROIT APPLICABLE
61. Conformément à l’art. R58 du Code, “la Formation statue selon les règlements applicables et, subsidiairement, selon les règles de droit choisies par les parties, ou à défaut de choix, selon le droit du pays dans lequel la fédération, association ou autre organisme sportif ayant rendu la décision attaquée à son domicile ou selon les règles de droit que la Formation estime appropriées. Dans ce dernier cas, la décision de la Formation doit être motivée”.
62. Il découle de l’art. R58 du Code que les questions litigieuses doivent, en priorité, être résolues par la Formation en application de la règlementation applicable au cas d’espèce. Les dispositions règlementaires topiques ont ainsi la primauté sur les règles de droit éventuellement choisies par les parties, par exemple dans le contrat litigieux. Ces règles de droit ne peuvent entrer en ligne de compte dans la résolution du litige que subsidiairement, comme le précise l’art. R58 du Code (voir HAAS U., Applicable law in football-related disputes - The relationship between the CAS Code, the FIFA Statutes and the agreement of the parties on the application of national law – in: Bulletin TAS 2015/2, pp. 7ss, spéc. pp. 10ss).
63. En l’espèce, la décision attaquée émane de la CRL de la FIFA. Par conséquent, les règlements applicables (selon l’article R58 du Code) correspondent aux statuts et règlements de la FIFA.
64. Selon l’article 57 al. 2 in fine des Statuts de la FIFA:
“Le TAS applique en premier lieu les divers règlements de la FIFA ainsi que le droit suisse à titre supplétif”.
65. Par ailleurs, en ce qui concerne les règles de droit choisies par les parties, l’article 13 du Contrat prévoit:
“1. The two parties declare that they have taken note of SAFF and FIFA regulations and circulars before signing this contract and that they are obliged to implement them.
2. Any text conflicting with the regulations, laws and circulars issued by SAFF, FIFA, Confederation and Saudi Professional League, shall not be recognized.
(…)
4. The provisions of Professional Players’ status and transfer regulations shall apply to all matters not provided for in this contract.
(…)”.
Qui peut être librement traduit comme suit:
“1. Les deux parties déclarent avoir pris connaissance des règlements et des circulaires de la SAFF et de la FIFA avant de signer le présent contrat et qu’elles sont tenues de les appliquer.
2. Toute disposition en conflit avec les règlements, lois et circulaires publiés par la SAFF, la FIFA, la Confédération et la Ligue Professionnelle Saoudienne, ne sera pas reconnue.
(…)
4. Les dispositions du Règlement du Statut et du Transfert des Joueurs s’appliquent à toutes les questions non prévues dans le présent contrat.
(…)”.
66. En vertu de l’article 13 du Contrat, les parties ont convenu de soumettre leur relation contractuelle aux règles et règlements de la SAFF et de la FIFA. En particulier, les dispositions du Règlement du Statut et du Transfert des Joueurs s’appliquent pour toutes les questions qui ne seraient pas réglées par le Contrat.
67. Eu égard à ce qui précède, l’arbitre unique appliquera d’abord et avant tout les statuts et règlements de la FIFA ainsi que le droit suisse à titre supplétif. Subsidiairement, afin de traiter de points spécifiques qui ne seraient ni réglés par les règlements de la FIFA ni par le droit suisse, l’arbitre unique se référera aux règlements de la SAFF ainsi qu’aux éventuelles autres règles de droit auxquels les règlements de la SAFF renverraient.
VIII. QUESTIONS PRÉLIMINAIRES
68. Avant de traiter du fond du présent litige, il y a lieu d’examiner certaines questions de nature procédurale discutées par les parties lors de l’Audience, à savoir (A) la traduction en français des pièces produites en anglais par les parties; (B) la recevabilité des pièces produites par l’Appelant en date du 17 décembre 2018; et (C) la recevabilité des pièces que l’Intimé avait souhaité produire lors de l’Audience.
A. La traduction des pièces produites par les parties
69. En vertu de l’article R29 par. 3 du Code: “[l]a Formation ou, si elle n’est pas déjà constituée, le/la Président(e) de Chambre peut ordonner que tous les documents soumis dans des langues différentes de celle de la procédure soient accompagnés d’une traduction certifiée dans la langue de la procédure”.
70. En l’espèce, la langue de la procédure est le français. Toutefois, la question de la traduction des pièces déposées par les parties n’a pas fait l’objet d’une décision de l’arbitre unique dans la mesure où les deux parties ont transmis des pièces tant en français qu’en anglais (sans traduction) et que la traduction des pièces produites en anglais n’a pas été requise par les parties dans leurs écritures respectives.
71. Lors de l’Audience, l’Intimé s’est toutefois plaint du fait que les pièces produites en anglais par l’Appelant n’avaient pas été traduites en français.
72. L’arbitre unique note cependant que l’Intimé a lui-même produits certains documents en anglais sans traduction et que l’Intimé n’a jamais formellement exigé avant l’Audience une traduction des documents produits par l’Appelant. Par ailleurs, l’Intimé a précisé lors de l’Audience que l’absence de traduction des documents en anglais n’avait pas perturbé le bon déroulement de la procédure. Il est souligné que l’arbitre unique et les conseils des parties maitrisent suffisamment l’anglais.
73. Par conséquent, il n’y avait pas lieu d’ordonner la traduction en français des pièces produites en anglais.
B. La recevabilité des pièces produites par l’Appelant en date du 17 décembre 2018
74. En date du 17 décembre 2018, l’Appelant a soumis des déclarations complémentaires ainsi que diverses nouvelles pièces, en particulier des échanges datant des mois de janvier et mai 2017. L’intimé s’est opposé à la soumission tardive de l’Appelant.
75. L’article R56 par. 1 du Code dispose que:
“Sauf accord contraire des parties ou décision contraire du/de la Président(e) de la Formation commandée par des circonstances exceptionnelles, les parties ne sont pas admises à compléter ou modifier leurs conclusions ou leur argumentation, ni à produire de nouvelles pièces, ni à formuler de nouvelles offres de preuves après la soumission de la motivation d’appel et de la réponse”.
76. Ainsi, après le dépôt de la motivation d’appel ou, respectivement, de la réponse, la partie requérante doit, à moins que l’autre partie ne s’y oppose pas, invoquer des motifs qui justifient d’admettre une soumission tardive (MAVROMATI/REEB, The Code of the Court of Arbitration for Sport, 2015, p. 498).
77. En l’espèce, plus de trois mois après avoir déposé sa motivation d’appel, l’Appelant a transmis au Greffe du TAS des déclarations complémentaires ainsi que de nouvelles pièces sans démontrer pourquoi l’arbitre unique devait admettre cette production tardive.
78. Par ailleurs, l’arbitre unique note que les pièces en question étaient déjà disponibles au moment où l’Appelant a déposé sa motivation d’appel et qu’il n’y avait pas de circonstances exceptionnelles dans le cas d’espèce justifiant l’admission de cette production tardive.
79. Par conséquent, l’arbitre unique a, conformément à l’article R56 par. 1 du Code, rejeté la production du 17 décembre 2018 de l’Appelant.
C. La recevabilité des pièces produites par l’Intimé en date du 19 février 2019
80. Lors de l’Audience, l’Intimé a sollicité l’autorisation de produire deux nouvelles pièces, à savoir deux chèques qui, selon l’Intimé, auraient démontré que tous les montants dus au Joueur avaient été payés par le Club. L’Appelant s’est opposé à la production de ces nouvelles pièces.
81. En l’espèce, l’Intimé a souhaité produire de nouvelles pièces plusieurs mois après le dépôt de son mémoire de réponse, sans démontrer pourquoi l’arbitre unique devait admettre cette production tardive.
82. L’arbitre unique note ainsi que les pièces en question étaient déjà disponibles au moment où l’Intimé a déposé son mémoire de réponse et qu’il n’y avait pas de circonstances exceptionnelles dans le cas d’espèce justifiant l’admission de cette production tardive.
83. Dans la mesure où aucune circonstance exceptionnelle n’a été invoquée par l’Intimé à l’appui de la production de ces deux nouvelles pièces, l’arbitre unique a, conformément à l’article R56 par. 1 du Code, rejeté la demande formulée par l’Intimé lors de l’Audience.
IX. AU FOND
84. L’arbitre unique prend note du fait que la CRL a rejeté la plainte du Joueur dans la mesure où elle a notamment considéré que le Joueur avait, en signant l’Acte du 4 juin 2017, valablement renoncé à élever toute prétention contre le Club.
85. Ainsi, l’arbitre unique examinera dans un premier temps la nature de l’Acte du 4 juin 2017 (ci-dessous A) et sa validité (ci-dessous B). Dans un second temps, l’arbitre unique examinera la question des sanctions disciplinaires imposées par l’Intimé à l’Appelant (ci-dessous C) et l’indemnisation réclamée par l’Appelant (ci-dessous D).
A. L’Acte du 4 juin 2017
86. Selon l’Acte du 4 juin 2017 signé par les parties, le Joueur a confirmé qu’il avait reçu du Club l’intégralité des montants qui lui étaient dus en vertu du Contrat (“I confirm that I have received from the club my full entitlements (all my dues) under this contract”) et qu’il s’engageait à ne pas réclamer au Club d’autres montants en raison de la fin du Contrat (“[…] undertake not to ask the club or any other party any entitlements due to the end of this contract”).
87. L’Appelant a qualifié l’Acte du 4 juin 2017 comme étant “un document contractuel prévoyant la purge de toute procédure entre [les parties] ainsi que le versement de la somme de 37.000 $ (…)” (sic). Quant à l’Intimé, il a qualifié ledit document comme étant un “quitus de paiement”.
88. Il semble clair que l’Acte du 4 juin 2017 est une quittance pour solde de tout compte signée par les Parties à la fin du Contrat, par laquelle le Joueur, en contrepartie du versement du montant total de USD 37’000, i) atteste avoir reçu l’entier des prestations auxquelles il avait droit en vertu du Contrat (“my full entitlements [all my dues] under this contract”) et ii) renonce à faire valoir d’autres prétentions contre le Club (“undertake not to ask the club (…) any entitlements due to the end of this contract”).
89. Dans son mémoire d’appel, nonobstant la signature de l’Acte du 4 juin 2017, l’Appelant se plaint notamment du fait qu’il n’aurait pas reçu l’entier des montants auxquels il avait droit en vertu du Contrat. L’Appelant invoque en particulier l’article 12bis RSTJ, selon lequel:
“Les clubs sont tenus de respecter leurs obligations financières vis-à-vis des joueurs et des autres clubs conformément aux conditions stipulées dans les contrats signés avec leurs joueurs professionnels et dans les contrats de transferts”.
90. L’arbitre unique constate qu’en date du 4 juin 2017, le Club a remis au Joueur deux chèques pour un montant total de USD 37’500 pour solde de tout compte, alors qu’en vertu du Contrat, le Joueur aurait dû, en principe, recevoir un montant total de USD 69’544, correspondant à son salaire pour les mois de février à mai 2017 (USD 54’544) ainsi qu’à la prime de USD 15’000 payable à la fin du Contrat. Il existerait ainsi une créance de USD 32’044 en faveur du Joueur.
91. L’Intimé explique cette différence par le fait que les parties se sont mises “d’accord sur la valeur des impayés” en signant un quitus et que ce document “purge toutes les poursuites relatives aux dus financiers”.
92. L’arbitre unique note que l’article 12bis RSTJ prévoit expressément une obligation pour les clubs de respecter leurs obligations financières contractuelles vis-à-vis des joueurs, sans toutefois préciser à quelle conditions les joueurs pourraient renoncer à leur exécution ni à quelles conditions les clubs pourraient justifier une non-exécution ou une exécution partielle.
93. Par conséquent, afin d’examiner la validité de l’Acte du 4 juin 2017, l’arbitre unique doit se référer au droit suisse, lequel est applicable au présent litige en tant que droit supplétif.
B. La validité de l’Acte du 4 juin 2017 au regard du droit suisse
94. Il est incontesté que les parties se trouvaient dans une relation de travail. En effet, les contrats conclus entre un joueur professionnel et un club de football sont qualifiés de manière constante de contrat de travail (TAS 2016/A/4569, par. 7.1 et les références citées).
95. En matière de droit du travail, l’art. 341 al. 1 CO prévoit que:
“Le travailleur ne peut pas renoncer, pendant la durée du contrat et durant le mois qui suit la fin de celui-ci, aux créances résultant de dispositions impératives de la loi ou d’une convention collective”.
96. Le but de l’art. 341 al. 1 CO, auquel il ne peut être dérogé en défaveur de l’employé (caractère “relativement impératif”), est de protéger le travailleur, pendant la durée du contrat et durant le mois qui suit la fin de celui-ci, contre d’éventuelles renonciations à certains droits découlant de dispositions impératives en matière de contrat de travail (voir DUNAND/MAHON, Commentaire du contrat de travail, 2013, Art. 341 N 1, p. 868).
97. En particulier, le droit au paiement du salaire pour l’activité déjà effectuée par le travailleur revêt un caractère impératif et est ainsi protégé par l’art. 341 al. 1 CO (Arrêt du Tribunal fédéral du 14 décembre 2017, 4A_96/2017, considérant 4.1.4). Il en va de même pour les bonus dont le versement n’est pas discrétionnaire, lesquels doivent être considérés comme des éléments du salaire (DUNAND/MAHON, op. cit., Art. 341 N 23, p. 875).
98. Une renonciation contraire à l’article 341 al. 1 CO est nulle et ne produit aucun effet (WYLER/HEINZER, Droit du travail, 3e éd., 2014, p. 268). L’art. 341 al. 1 CO ne s’oppose toutefois pas à une éventuelle transaction sur les modalités de la fin des rapports de travail, à condition qu’il y ait une équivalence appropriée des concessions réciproques, c’est-à-dire que les prétentions auxquelles chaque partie renonce soient de valeur comparable (Arrêt du Tribunal fédéral du 23 octobre 2018, 4A_13/2018, considérant 4.1.2).
99. La quittance pour solde de tout compte par laquelle un employé renonce unilatéralement – soit sans concessions réciproques – à une créance protégée par l’art. 341 CO est ainsi dépourvue de tout effet juridique (WYLER/HEINZER, op. cit., pp. 268-269).
100. Comme exposé ci-dessus, l’Acte du 4 juin 2017 est une quittance pour solde de tout compte qui ne tend qu’à régler les modalités de la fin du Contrat, soit essentiellement les prétentions du Joueur à l’issue des rapports de travail. En signant l’Acte du 4 juin 2017, le Joueur a unilatéralement reconnu qu’il n’avait pas de créances résultant du Contrat au-delà du montant de USD 37’500 proposé par le Club.
101. En l’espèce, il apparait que le Joueur aurait renoncé, par l’Acte du 4 juin 2017, à une partie de son salaire, pour un montant de USD 32’044, sans tenir compte à ce stade des éventuelles sanctions disciplinaires prononcées par le Club à l’encontre du joueur (cf. ci-dessous paragraphes 106 et suivants).
102. Toutefois, cette quittance pour solde tout compte n’est pas intervenue dans le cadre d’une véritable transaction, dans la mesure où elle ne comporte aucune concession réciproque de valeur comparable de la part du Club. A cet égard, le Club ne prétend pas qu’il aurait octroyé au Joueur une contrepartie quelconque mais invoque uniquement le fait que les parties se sont mises d’accord sur la valeur des impayés.
103. Par conséquent, l’arbitre unique ne peut que constater l’absence de toute concession du Club en faveur du Joueur.
104. L’arbitre unique note également que l’Acte du 4 juin 2017 est intervenu dans le délai de protection d’un mois suivant la fin du Contrat tel que prévu par l’article 341 al. 1 CO.
105. Il en résulte que l’Acte du 4 juin 2017 est contraire à l’article 341 al. 1 CO et ne peut ainsi pas être valablement opposé aux prétentions salariales du Joueur. Il reste toutefois à déterminer si, au vu des sanctions disciplinaires prononcées à son encontre, le Joueur a effectivement une créance à l’encontre du Club.
C. Les sanctions disciplinaires infligées au Joueur
106. L’Intimé soulève ainsi que la différence de USD 32’044 résiderait dans les sanctions financières de nature disciplinaire imposées au Joueur.
107. En matière disciplinaire, le Contrat prévoit les clauses suivantes:
“Item 8: Imposition of Sanctions:
The first party may take decisions and issue sanctions against the second party in case of violating his obligations stipulated in the contract without prejudice to regulations, provided that he shall inform the second party in writing, and the latter may object according to regulations and rules.
Item 9: Settlement of Disputes:
1. The two parties shall seek solving their disputes on the enforcement of the contract by amicable ways.
2. The Dispute Resolution Chamber of the Saudi Arabian Football Federation is concerned with considering and resolving the disputes that arise between the club and player on this professional contract, implementing and interpreting it” (sic).
Qui peut être librement traduit comme suit:
“Point 8: Imposition de sanctions:
La première partie peut prendre des décisions et infliger des sanctions à la seconde partie en cas de violation des obligations stipulées dans le contrat, sans préjudice des règlements, à condition qu’il en informe la seconde partie par écrit, cette dernière pouvant formuler des objections conformément aux règles et aux règlements.
Point 9: Règlement des différends:
1. Les deux parties cherchent à résoudre leurs différends relatifs à l’exécution du contrat à l’amiable.
2. La Chambre de résolution des litiges de la Fédération saoudienne de football est chargée d’examiner et de résoudre les différends pouvant survenir entre le club et le joueur titulaire de ce contrat professionnel, de le mettre en oeuvre et de l’interpréter”.
108. L’arbitre unique constate ainsi que le Contrat prévoyait (i) un mécanisme spécifique d’imposition de sanctions par le Club à l’encontre du Joueur ainsi que (ii) l’autorité compétente pour le règlement des litiges entre les parties, soit la Chambre de résolution des litiges de la SAFF.
109. En l’espèce, le Club aurait infligé des sanctions financières au Joueur, pour un montant total de USD 31’362.80, qui correspondraient à des retenues de salaires pour les mois de janvier (40%), février (50%) et mai 2017 (50%).
110. Toutefois, le dossier ne contient pas d’éléments démontrant que les sanctions invoquées par le Club ont été communiquées au Joueur par écrit ni que le litige entre les parties ait été porté devant la Chambre de résolution des litiges de la SAFF.
111. Ainsi, sur la base du dossier en sa possession et compte tenu du fait que la procédure prévue par le Contrat n’a pas été respectée par le Club, l’arbitre unique ne peut que constater que les sanctions financières prononcées à l’encontre du Joueur sont sans fondements. Il n’est ainsi pas nécessaire pour l’arbitre unique de se prononcer sur le quantum de ces sanctions.
112. Compte tenu de l’inefficacité de l’Acte du 4 juin 2017 par l’effet de l’art. 341 CO et compte tenu du fait que le Club n’a pas démontré que les sanctions ont été valablement prononcées, l’arbitre unique considère que la rémunération due au Joueur en vertu du Contrat doit être payée en intégralité.
113. Le Joueur a conclu au paiement d’un intérêt moratoire au taux de 5% l’an, auquel il a droit en vertu de l’art. 104 al. 1 CO, qui prévoit que le débiteur qui est en demeure pour le paiement d’une somme d’argent doit l’intérêt moratoire à 5 % l’an, même si un taux inférieur avait été fixé pour l’intérêt conventionnel.
114. En ce qui concerne le point de départ (dies a quo) de l’intérêt moratoire, le Joueur a conclu à ce qu’il lui soit alloué dès le 31 mai 2017 sur les salaires afférents aux mois de février à mai 2017 ainsi que sur la prime de USD 15’000. En l’espèce, l’art. 4 du Contrat prévoit que les salaires sont payables à la fin de chaque mois et que la prime de USD 15’000 est payable à la fin du Contrat. Le Joueur est ainsi fondé à obtenir le versement d’un intérêt à 5% l’an dès le 31 mai 2017.
D. L’indemnisation réclamée par l’Appelant
115. L’Appelant réclame également une compensation de USD 50’000, au titre de réparation du préjudice subi à la suite du comportement adopté par le Club à son égard.
116. Selon l’art. 328 al. 1 CO (ab initio) applicable à titre supplétif, “[l]’employeur protège et respecte, dans les rapports de travail, la personnalité du travailleur; il manifeste les égards voulus pour sa santé et veille au maintien de la moralité. (…)”.
117. L’art. 328 CO vise à protéger la personnalité du travailleur et, en cas d’atteinte illicite à sa personnalité par l’employeur, le travailleur peut prétendre au paiement d’une indemnité pour tort moral (art. 49 CO) si certaines conditions sont remplies. En particulier, le travailleur doit prouver l’acte illicite, la faute de l’employeur, la gravité de l’atteinte et le tort moral (voir DUNAND/MAHON, op. cit., Art. 328 N 83, p. 299).
118. Toutefois, selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, n’importe quelle atteinte ne justifie pas une indemnité; l’atteinte doit revêtir une certaine gravité objective et être ressentie par la victime, subjectivement, comme une souffrance morale suffisamment forte pour qu’il apparaisse légitime de s’adresser au juge afin d’obtenir réparation (Tribunal fédéral, arrêt du 19 janvier 2017, 4A_217/2016, consid. 3.1).
119. En l’espèce, l’Appelant tente de démontrer à l’appui de sa prétention que le Club avait adopté à son égard un “comportement violent” qui lui aurait causé une atteinte grave à sa dignité.
120. Toutefois, le dossier ne contient pas d’éléments concrets démontrant d’une part l’existence des atteintes alléguées par l’Appelant et, d’autre part, que ces atteintes soient graves au point qu’il soit possible de conclure à l’existence d’une violation de la personnalité qui justifierait l’allocation d’une indemnité pour tort moral.
121. Par conséquent, sur la base des pièces produites par l’Appelant, l’arbitre unique ne peut pas conclure que le “comportement violent” allégué par le Joueur ait été prouvé et dès lors qu’une indemnité pour tort moral soit justifiée dans le cas présent.
122. Finalement, l’Appelant réclame une compensation de USD 13’636, au titre de réparation du dommage supplémentaire subi en raison des salaires impayés.
123. Toutefois, l’Appelant n’indique pas sur quelle base juridique ou contractuelle sa demande se fonde.
124. En droit suisse, en cas de violation par l’employeur d’une obligation autre que celle découlant de l’art. 328 CO, le travailleur peut en particulier prétendre à des dommages-intérêts sur la base de l’art. 97 CO en vertu duquel un dommage doit être allégué et prouvé par le demandeur (BOHNET F., Actions civiles, Volume II: CO, 2e éd, 2019, §33 N4).
125. Ce n’est pas le cas en l’espèce, puisque l’Appelant ne démontre pas quel dommage il aurait subi en raison des salaires impayés.
126. Par conséquent, son appel doit également être rejeté sur ce point.
PAR CES MOTIFS
Le Tribunal Arbitral du Sport:
1. Admet partiellement l’appel formé par Monsieur Yves Diba Ilunga contre la décision No 17-00958 du 17 mai 2018 rendue par la Chambre de Résolution des Litiges de la FIFA.
2. Annule la décision No 17-00958 du 17 mai 2018 rendue par la Chambre de Résolution des Litiges de la FIFA.
3. Ordonne à Al Shoullah Club de verser à Monsieur Yves Diba Ilunga la somme de USD 32’044 avec intérêt à 5% l’an dès le 31 mai 2017.
4. (…).
5. (…).
6. Rejette toutes autres ou plus amples conclusions.
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