TAS-CAS – Tribunal Arbitral du Sport/Tribunale Arbitrale dello Sport – Court of Arbitration for Sport/Corte Arbitrale dello Sport (2019-2020) – tas-cas.org – atto non ufficiale – TAS-CAS – Tribunal Arbitral du Sport/Tribunale Arbitrale dello Sport – Court of Arbitration for Sport/Corte Arbitrale dello Sport (2019-2020) – tas-cas.org – atto non ufficiale – TAS 2017/A/5361 Jonathan Matijas c. Fédération Internationale de Football Association (FIFA) & Fédération algérienne de football (FAF) & Club SSPA DIFAA Riadhi TadjenanetSiège de l’arbitrage: Lausanne, Suisse Fait le 1 mai 2020

Tribunal Arbitral du Sport
Court of Arbitration for Sport
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TAS 2017/A/5361 Jonathan Matijas c. Fédération Internationale de Football Association (FIFA) & Fédération algérienne de football (FAF) & Club SSPA DIFAA Riadhi Tadjenanet
SENTENCE ARBITRALE
rendue par le
TRIBUNAL ARBITRAL DU SPORT
siégeant dans la composition suivante:
Président: Prof. Luigi Fumagalli, avocat et professeur, Milan, Italie
Arbitres: Me João Nogueira da Rocha, avocat, Lisbonne, Portugal
Me Alexis Schoeb, avocat, Genève, Suisse
Greffière ad hoc: Mme Stéphanie De Dycker, Lausanne, Suisse
dans la procédure arbitrale d’appel entre
Jonathan Christopher Matijas, Nice, France
Appelant
contre
Fédération Internationale de Football Association, Zurich, Suisse
Représentée par M. Miguel Liétard Fernández-Palacios et Mme Audrey Cech, Département des Litiges
Première Intimée
Fédération algérienne de football (FAF), Alger, Algérie
Deuxième Intimée
Club SSPA DIFAA Riadhi Tadjenanet, Mila, Algérie
Troisième Intimée
* * * * *
Tribunal Arbitral du Sport
Court of Arbitration for Sport
I. PARTIES
1. M. Jonathan Christopher Matijas (« l’Appelant ») est un joueur de football professionnel de nationalité française.
2. La Fédération Internationale de Football Association (la « FIFA » ou la « Première Intimée ») est une association à but non lucratif de droit suisse dont le siège statutaire est à Zurich, en Suisse. La FIFA est l’instance dirigeante du football au niveau mondial.
3. La Fédération Algérienne de Football (la « FAF » ou la « Deuxième Intimée ») est une association membre de la FIFA et l’instance dirigeante du football au niveau national en Algérie.
4. Le Club SSPA DIFAA Riadhi Tadjenanet (le « Club » ou la « Troisième Intimée ») est un club de football professionnel, membre de la FAF.
5. La FIFA, la FAF et le Club sont conjointement désignés les « Intimés ».
II. FAITS A L’ORIGINE DU LITIGE
A. Faits à l’origine du différend
6. Le 1er juillet 2016, l’Appelant et le Club ont signé un contrat de travail (ci-après, le « Contrat »), valable à compter de sa date de signature jusqu’au 31 mai 2018.
7. L’article 8 du Contrat stipule que « les litiges ou les contestations pouvant survenir à l’occasion de l’exécution du présent contrat seront résolus à l’amiable entre les deux parties. A défaut, le différend est soumis par l’une ou l’autre partie à la chambre des résolutions des litiges auprès de la FAF. »
8. Le 29 décembre 2016, le Club a ordonné à l’Appelant de s’entraîner avec l’équipe de réserve du Club à partir du 30 décembre 2016.
9. Les 25 et 31 janvier 2017, l’Appelant a adressé deux mises en demeure au Club pour défaut de paiement de son salaire mensuel des mois de novembre 2016 à janvier 2017, inclus ainsi que ses frais d’hébergement, indiquant qu’à défaut de paiement, il entamerait des poursuites devant la Chambre de Résolution des Litiges auprès de la FAF.
B. Procédures devant la Chambre de Résolution des Litiges de la FAF
10. Le 2 février 2017, l’Appelant a déposé une requête devant la Chambre de Résolution des Litiges auprès de la FAF (la « CRL algérienne ») contre le Club, sollicitant la condamnation du Club à lui payer les salaires dus ainsi qu’une indemnité en réparation du préjudice subi par suite du retard dans l’exécution de l’obligation de paiement. Le Club a parallèlement déposé une requête introductive devant la CRL algérienne contre l’Appelant, sollicitant la résiliation du Contrat aux torts de l’Appelant, estimant que l’Appelant ne possédait pas toutes les capacités physiques et morales pour accomplir ses obligations contractuelles, ainsi que le paiement d’indemnités pour le préjudice causé.
11. Dans une décision avant dire droit du 14 février 2019, la CRL algérienne a décidé de joindre les deux requêtes introductives et de nommer un médecin en qualité d’expert afin d’examiner
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Court of Arbitration for Sport les capacités physiques et morales de l’Appelant.
12. Le 29 février 2017, la CRL algérienne a rendu la décision suivante :
« AU FOND/
1-Déclare la résiliation du [Contrat]
2- Déclare [l’Appelant] libre de tout engagement vis-à-vis du [Club] à compter de la date de notification de la présente décision.
3- Somme le [Club] à verser [à l’Appelant] un (01) mois de salaire à raison d’un million cinq cent mille de Dinars Algériens (1 500 000 DA) net.
4- Déclare le rejet de la demande du mois de janvier 2017 pour travail non accompli.
5- Déclare le rejet de la demande des salaires restants à la fin du [Contrat].
6- Somme le [Club] à verser [à l’Appelant] un montant d’un million (1 000 000) Dinars Algériens à titre de réparation civile pour le préjudice subi.
7- Donne acte au [Club] que [l’Appelant] ne détient aucun chèque.
8- Condamne le [Club] au paiement à la FAF la somme de cinquante mille Dinars Algériens (50 000 DA) au titre de dépens de l’instance. »
13. Le 8 mars 2017, l’Appelant a interjeté appel contre cette décision de la CRL algérienne devant le Tribunal arbitral du Sport algérien.
14. Le 14 mars 2017, l’Appelant a déposé une nouvelle requête devant la CRL algérienne contre le Club aux fins d’ordonner au Club qu’il le réintègre et, à titre subsidiaire, en cas de licenciement abusif par le Club, condamner le Club à lui payer ses salaires jusqu’à la date d’expiration de son contrat, soit jusqu’au 31 mai 2018.
15. Par décision du 29 mars 2017, la CRL algérienne a rendu la décision suivante :
« AU FOND/
1-Somme le [Club] à verser [à l’Appelant] un (01) mois de salaire (février 2017) à raison d’un million cinq cent mille (1 500 000 DA) Dinars Algériens net.
2- Déclare que la demande relative à l’indemnisation pour le préjudice subi suite à la résiliation du contrat a été déjà jugée.
3- Somme le [Club] à verser [à l’Appelant] dix mille Dinars Algériens (10 000 DA) à titre de réparation civile pour le préjudice subi relatif au non payement du mois de février 2017.
4- Condamne le [Club] au paiement à la FAF de la somme de cinquante mille Dinars Algériens (50.000 DA) au titre de dépens de l’instance. »
16. La décision de la CRL algérienne du 29 mars 2017 a été notifiée à l’Appelant le 4 avril 2017.
17. Le 10 avril 2017, le Tribunal arbitral du sport algérien s’est déclaré incompétent pour connaître de l’appel dirigé contre la décision de la CRL algérienne du 29 février 2017.
C. Procédure devant la FIFA
18. Le 4 juillet 2017, l’Appelant a déposé une requête devant la Chambre de Résolution des Litiges de la FIFA (la « CRL de la FIFA »), contre le Club pour rupture du contrat, réclamant la somme de 28 500 000 DZD à titre d’arriérés de rémunération et d’indemnisation pour rupture du Contrat.
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19. Le 14 septembre 2017, l’administration de la FIFA a adressé à l’Appelant le courrier suivant (la « Lettre ») :
« […] Du contenu de votre correspondance, nous notons que préalablement à la demande déposée auprès de vos services vous aviez déjà déposé une demande à l’encontre du club algérien, Difaa Riadhi Tadjenanet, devant la Chambre de Résolution des Litiges de la Fédération Algérienne de Football par laquelle vous réclamiez des arriérés de salaires.
A cet égard, nous prenons également note que ladite Chambre a rendu une décision concernant le litige vous opposant audit club en date du 29 février 2017 ainsi qu’en date du 29 mars 2017.
Compte tenu de ce qui précède, nous regrettons de vous informer que nous ne semblons pas être en mesure d’intervenir dans la présente affaire dans la mesure où celle-ci a déjà fait l’objet d’une décision quant au fond par un organe décisionnel au niveau national. Plus précisément, en vertu du principe général de « res judicata », nos services ainsi que nos organes décisionnels ne sont pas en mesure d’examiner à nouveau le fond de la présente affaire.
En outre, veuillez noter que la FIFA ne dispose d’aucun organe décisionnel pouvant instruire un appel à l’encontre d’une décision rendue par un organe national. […] »
III. PROCEDURE DEVANT LE TRIBUNAL ARBITRAL DU SPORT
20. Le 5 octobre 2017, l’Appelant a déposé une déclaration d’appel auprès du Tribunal arbitral du Sport (le « TAS ») contre la FIFA, la FAF et le Club à l’encontre de la Lettre. Dans sa déclaration d’appel, l’Appelant désigne Me João Nogueira da Rocha, avocat à Lisbonne, Portugal, comme arbitre.
21. Le 16 octobre 2017, l’Appelant a déposé son mémoire d’appel au Greffe du TAS. Dans son courrier du 19 octobre 2017, le Greffe du TAS a invité les Intimés à déposer une Réponse dans le délai prévu à l’article R55 al. 1 du Code de l’arbitrage en matière de sport (le « Code ») et à désigner conjointement un arbitre.
22. Le 25 octobre 2017, la FIFA fournissait au Greffe du TAS ses commentaires sur la déclaration d’appel de l’Appelant, indiquant inter alia qu’elle « serait prête à procéder à une investigation du litige en question en vue d’une décision formelle » et qu’en conséquence, elle sollicitait du TAS de « bien vouloir suspendre les délais qui […] ont été octroyés [à la FIFA] […] jusqu’à ce que l’appelant ait clarifié la situation en l’espèce. »
23. Par courrier du 26 octobre 2017, le Greffe du TAS a sollicité de l’Appelant qu’il indique s’il souhaitait maintenir ou retirer son appel.
24. Par courrier du 30 octobre 2017, le Greffe du TAS a confirmé, au vu de la requête de la FIFA et de l’incertitude quant à la suite de la procédure, la suspension des délais impartis aux Intimés. Le même jour, l’Appelant a confirmé qu’il acceptait de suspendre la procédure engagée devant le TAS dès lors que la FIFA confirmait expressément qu’une décision formelle serait rendue par ses organes décisionnels.
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25. Par courrier du 6 novembre 2017, la FIFA a indiqué qu’elle était « prête à rendre une décision formelle en relation avec le présent litige, à la condition toutefois que l’appelant renouvelle formellement sa demande auprès de la Chambre de Résolution des Litiges ».
26. Le 7 novembre 2017, le Greffe du TAS a invité l’Appelant à bien vouloir préciser, à la lumière du dernier courrier de la FIFA, la suite qu’il souhaitait donner à la présente procédure, soit (i) le retrait de son appel ou (ii) suspension de la présente procédure et, le cas échéant, jusque quand ; ou (iii) poursuite du présent arbitrage.
27. Le 13 novembre 2017, l’Appelant a confirmé qu’il acceptait de suspendre la présente procédure jusqu’à ce qu’une décision formelle ait été rendue par la FIFA.
28. Le 23 novembre 2017, le Greffe du TAS a confirmé la suspension de la présente procédure jusqu’à ce qu’une décision formelle ait été rendue par la FIFA.
29. Le 29 mai 2018, le Greffe du TAS sollicitait des parties qu’elles l’informent de l’avancement de la procédure devant la FIFA.
30. Le même jour, la FIFA informait le Greffe du TAS que l’investigation dans ladite procédure était close et qu’une décision serait rendue prochainement.
31. Le 29 juin 2018, le 14 août 2018 et le 24 août 2018, l’Appelant et le Greffe du TAS ont à nouveau sollicité de la FIFA qu’elle les informe sur l’état d’avancement de la procédure devant la FIFA.
32. Le 30 août 2018, la FIFA informait le Greffe du TAS que l’affaire serait décidée par la CRL de la FIFA au début d’octobre 2018.
33. Le 22 octobre 2018, la FIFA a notifié à l’Appelant ainsi qu’au Club la décision rendue par la CRL de la FIFA en date du 4 octobre 2018 dans le cadre du litige opposant l’Appelant au Club (ci-après la « Décision de la CRL de la FIFA »), comme suit :
« La demande du demandeur, Jonathan Matijas, n’est pas recevable. »
34. Le 30 octobre 2018, l’Appelant informait le Greffe du TAS avoir requis les motifs de la Décision de la CRL de la FIFA du 4 octobre 2018.
35. Le 2 novembre 2018, se référant à son courrier du 23 novembre 2017, le Greffe du TAS invitait l’Appelant à lui préciser s’il souhaitait :
- «Retirer son appel, lequel est dirigé contre un courrier de la FIFA du 14 septembre 2017 ;
- Reprendre la présente procédure arbitrale;
- Garder la présente procédure suspendue jusqu’à réception des motifs de la décision rendue le 4 octobre 2018 par la CRL [de la FIFA]. »
36. Dans ce courrier aux Parties, le Greffe du TAS précisait par ailleurs : « Je relève à toutes fins utiles que s’il retirait l’appel déposé à l’encontre du courrier de la FIFA du 14 septembre 2017, l’Appelant resterait libre de déposer, en temps opportun et dans les délais réglementaires (…), un nouvel appel à l’encontre, cette fois, de la décision de la CRL [de la FIFA] du 4 octobre 2018. »
37. Le 9 novembre 2018, l’Appelant confirmait au Greffe du TAS qu’il souhaitait garder la
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Court of Arbitration for Sport présente procédure suspendue jusqu’à la réception des motifs de la Décision de la CRL de la FIFA, ce que le Greffe du TAS a confirmé aux Parties le 13 novembre 2018.
38. Par courrier du 25 février 2019 et du 18 juin 2019, l’Appelant a sollicité de la FIFA qu’elle l’informe sur l’avancée de la rédaction des motifs de la Décision de la CRL de la FIFA. Le Greffe du TAS en a fait de même par courrier du 25 juin 2019.
39. Le 2 juillet 2019, la FIFA a adressé un courrier au Greffe du TAS lui indiquant que les motifs de la Décision de la CRL de la FIFA auraient été notifiés à l’Appelant en date du 20 mars 2019, et que partant, cette décision était désormais définitive et contraignante. Elle estimait, par ailleurs, « que la présente procédure [était] devenue obsolète puisque la Chambre de Résolution des Litiges a pris une décision formelle, laquelle est désormais définitive et contraignante ».
40. Le 5 juillet 2019, le Greffe du TAS invitait l’Appelant, au vu de la correspondance du 2 juillet 2019 de la FIFA, à faire part de ses intentions concernant la présente procédure.
41. En date du 12 juillet 2019, l’Appelant écrivait au Greffe du TAS comme suit:
« […] je fais suite à votre courrier du 5 juillet dernier, par lequel j’ai enfin été en mesure de prendre connaissance des motivations de la Chambre de Résolution des Litiges de la FIFA. […] [J]e vous confirme maintenir la procédure engagée devant le TAS en 2017, à l’encontre des mêmes parties, et maintiens l’intégralité de mes arguments déjà développés devant votre tribunal. »
42. Le 19 juillet 2019, le Greffe du TAS informait les Parties de la reprise de la présente procédure et invitait les Intimés à désigner conjointement un arbitre et à déposer au Greffe du TAS leur mémoire de réponse.
43. Le 24 juillet 2019, la FIFA sollicitait la bifurcation de la présente procédure afin que la Formation arbitrale, une fois constituée, puisse rendre une sentence sur la recevabilité de l’appel dans la présente procédure, étant donné le caractère définitif et contraignant de la Décision de la CRL de la FIFA. En outre, par courrier des 24 et 25 juillet 2019, la FIFA ainsi que le Club désignaient conjointement Me Alexis Schoeb, avocat à Genève, Suisse, comme arbitre.
44. Le 2 août 2019, vu l’absence d’objection de la Deuxième Intimée, le Greffe du TAS a confirmé la désignation de Me Alexis Schoeb, avocat à Genève, Suisse, comme arbitre conjointement désigné par les Intimés. Il a également précisé, suite à une requête de l’Appelant, comprendre que la FIFA souhaitait le prononcé d’une sentence partielle qui traiterait exclusivement de la question de savoir si le présent appel avait, ou non, encore un objet.
45. Par courrier du 8 août 2019, la FIFA a clarifié solliciter « la bifurcation de la présente procédure afin de traiter dans une première phase de la recevabilité du présent recours quant à son objet et, subsidiairement, quant aux dates limites pour faire appel ».
46. Le 9 août 2019, le Greffe du TAS a invité l’Appelant et les autres Intimés à communiquer leurs observations quant à la demande de bifurcation formulée par la FIFA.
47. Le 27 septembre 2019, le Greffe du TAS a informé les Parties que la Formation arbitrale appelée à se prononcer dans la présente procédure était constituée de la manière suivante :
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Court of Arbitration for Sport Président : Prof. Luigi Fumagalli, Professeur et avocat à Milan, Italie
Arbitres : Me João Nogueira da Rocha, avocat à Lisbonne, Portugal
Me Alexis Schoeb, avocat à Genève, Suisse
48. Le 4 octobre 2019, le Greffe du TAS informait les Parties, qu’au vu de l’absence d’objection à la requête de la FIFA, la Formation arbitrale avait décidé de rendre une sentence (incidente ou finale selon l’issue) sur les questions de compétence et recevabilité, et invitait les parties à déposer des écritures strictement limitées aux questions de compétence et de recevabilité.
49. Le 17 octobre 2019, l’Appelant a déposé son Mémoire strictement limité aux questions de compétence et de recevabilité et, les 5 et 7 novembre 2019, le Club et la FIFA ont déposé une Réponse strictement limitée aux questions de compétence et de recevabilité.
50. Le 25 novembre 2019, l’Appelant a déposé sa Réplique strictement limitée aux questions de compétence et de procédure.
51. Le 27 novembre 2019, le Greffe du TAS invitait les Parties à indiquer si, à la lumière des échanges d’écritures strictement limitées aux questions de compétence et de recevabilité, elles souhaitaient qu’une audience soit tenue sur ces questions. Les 4, 5 et 6 décembre 2019, l’Appelant, la FIFA et le Club ont confirmé qu’ils ne considéraient pas nécessaire qu’une audience soit tenue sur ces questions.
52. Le 9 janvier 2020, le Greffe du TAS invitait les Parties à faire part, si elles le souhaitent, de leurs observations strictement limitées à la question de l’intérêt pour agir/recourir de l’appelant contre la communication de la FIFA du 14 septembre 2017.
53. Le 20 janvier 2020, la FIFA et l’Appelant ont adressé au Greffe du TAS leurs observations strictement limitées à la question de l’intérêt pour agir/recourir de l’Appelant contre la Lettre.
54. Le 18 février 2020, le Greffe du TAS a confirmé que ni le Club ni la FAF n’ont adressé d’observations sur la question de l’intérêt pour agir/recourir de l’Appelant contre la Lettre de la FIFA.
III. POSITION DES PARTIES
55. Les arguments des Parties, développés dans leurs écritures respectives, seront résumés ci-dessous. Compte tenu de la bifurcation de la présente procédure, seuls les arguments concernant les questions de compétence et de recevabilité de l’appel dans la présente procédure sont mentionnés. Si seuls les arguments essentiels sont exposés ci-après, tous les arguments ont naturellement été pris en compte par la Formation arbitrale, y compris ceux auxquelles il n’est pas fait expressément référence.
A) Les arguments développés par l’Appelant
56. Au terme de son Mémoire d’appel, en date du 16 octobre 2017, l’Appelant formule les demandes suivantes:
« […]
1.) A l’égard du Club algérien :
[…]
- De le condamner à me verser la somme de 6.000.000 dinars nets (4 x 1.500.000 dinars), au titre des arriérés de salaire ;
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- De le condamner à me verser des dommages et intérêts correspondant aux salaires que j’aurais dû percevoir entre le 1er mars 2017 et le 31 mai 2018, soit la somme 22.500.000 dinars nets (15 mois x 1.500.000 dinars nets).
A titre subsidiaire, si par extraordinaire le TAS venait à reconnaître le bien-fondé de la décision initiale rendue par la [CRL algérienne], la formation arbitrale condamnera le [Club] à me verser des dommages et intérêts, fondés sur la rupture sans juste cause de mon contrat de travail prononcée par la CRL algérienne, comme l’y autorise la jurisprudence Mutu.
Ces dommages et intérêts correspondront au montant des salaires que j’aurais dû percevoir jusqu’au terme du contrat, soit 22.500.000 […] dinars algériens nets […].
[…]
2 .) A l’égard de la FIFA :
La FIFA sera considérée comme responsable d’un déni de justice à mon égard, comme cela vous a été démontré ci-dessus.
Je sollicite donc l’octroi de dommages et intérêts sur ce fondement.
En outre, la FIFA sera sanctionnée par le Tribunal Arbitral du Sport, pour non-respect par une association membre de ses propres statuts.
[…]
Je demande donc à ce que la FIFA soit condamnée à me verser des dommages et intérêts à hauteur de 6.756.000 dinars algériens (50.000 euros, soit un peu plus de deux mois de salaire) pour déni de justice, et incapacité à imposer à ses membres le respect de ses propres statuts.
[…]
3.) A l’égard de la Fédération algérienne de football :
La Fédération algérienne de football sera condamnée pour non-respect des dispositions impératives de la FIFA, notamment en matière de règlement des litiges.
Je sollicite l’octroi de dommages et intérêts sur ce fondement.
[…]
Je sollicite donc la condamnation de la [FAF], à me verser des dommages et intérêts à hauteur de 6.756.000 dinars algériens (50.000 euros, soit un peu plus de deux mois de salaire) pour non-respect des dispositions impératives de la FIFA.
[…]»
57. Les arguments que l’Appelant fournit à l’appui de sa demande peuvent être résumés comme suit:
- Le TAS est compétent vis-à-vis de la FIFA en vertu de la clause d’arbitrage contenue dans les articles 57 et 58 des Statuts de la FIFA, de la FAF compte tenu de sa qualité de membre affilié de la FIFA et de l’obligation qui en découle de reconnaître la compétence du TAS et du Club en vertu de la référence aux Statuts de la FIFA figurant dans le Contrat; de plus, les voies de recours en Algérie et devant la FIFA ont été épuisées. En outre, l’Appelant relève que toute autre institution arbitrale est incompétente pour décider de son litige, la CRL algérienne ne répondant aux exigences fixées par la FIFA. L’Appelant conteste la position de la FIFA selon laquelle la Lettre ne constituerait pas une décision appelable au sens de l’article R47 du Code, étant donné que, pour reprendre les critères repris par la FIFA, la Lettre énonce justement une situation juridique avec des effets directement contraignants à son encontre.
- L’appel contre la Lettre est recevable, et ce, même après que la Décision de la CRL de la
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Court of Arbitration for Sport FIFA soit devenue contraignante et définitive. En effet, la Lettre et la Décision de la CRL de la FIFA font partie d’une seule et même procédure, qui a repris après avoir été suspendue pendant un certain laps de temps. Puisque le Greffe du TAS n’a pas soulevé de motif d’irrecevabilité lors de l’introduction de la présente procédure en octobre 2017, il ne saurait y en avoir après la reprise de cette même procédure. Le fait qu’à la prise de connaissance de la Décision de la CRL de la FIFA, le Greffe du TAS n’a pas décidé de clôturer la procédure d’office mais a, au contraire, proposé à l’Appelant de choisir entre reprendre la procédure ou retirer son appel, démontre encore que la présente procédure d’appel n’a pas perdu son objet. L’Appelant conteste avoir reçu les motifs de la Décision de la CRL de la FIFA, et soutient que la FIFA n’a pas démontré ladite notification ; à défaut de notification, ladite Décision de la CRL de la FIFA n’est pas opposable à l’Appelant et la présente Formation arbitrale est en mesure de se prononcer sur le présent litige, sans entrave au principe non bis in idem.
- Concernant l’intérêt pour agir dans la présente procédure, l’Appelant estime que cette question relève du fond de la procédure. En toutes hypothèses, l’Appelant soutient qu’il détient un intérêt suffisant pour recourir contre la Lettre : conformément à la jurisprudence du TAS, la Lettre l’affecte directement dans sa situation juridique ; par ailleurs, il dispose d’un intérêt digne de protection étant donné que l’admission de son appel à l’encontre de la Lettre lui permettrait, le cas échéant, d’éviter un préjudice économique.
B) Les arguments développés par les Intimés
58. Au terme de sa réponse sur les questions de compétence et de recevabilité, la FIFA formule les demandes suivantes :
« […] Au vu de ce qui précède, nous demandons à ce que la formation arbitrale de rendre (sic) une décision préliminaire afin de déclarer le présent appel inadmissible.
[…] De plus nous demandons à ce que la formation arbitrale :
i. se déclare incompétente pour entrer dans le fond de l’affaire ;
ii. déclare le présent appel irrecevable ;
iii. que l’Appelant supporte tous les frais liées (sic) à la présente procédure ;
iv. que toutes les autres demandes de l’Appelant soient rejetées. »
59. Les arguments que la FIFA fournit à l’appui de sa demande peuvent être résumés comme suit :
- La Lettre ne constitue pas une décision appelable au sens de l’article R47 du Code, mais une simple lettre administrative qui n’avait pas pour objectif de résoudre de manière obligatoire et contraignante la situation de l’Appelant et était donc dépourvue d’animus decidendi. Ainsi, l’Appelant n’avait en aucun cas épuisé les voies de droit préalables à l’appel comme prévu à l’article R47 du Code.
- La déclaration d’appel ainsi que le mémoire d’appel présentent un caractère définitif en ce qu’ils ne peuvent être modifiés dans leurs éléments essentiels comme l’objet de l’appel. Ainsi, l’appel ne peut être redirigé contre la décision du 4 octobre 2018 et cette dernière décision ne peut en aucun cas être jointe à, ni même remplacer, la Lettre en tant qu’objet de l’appel. L’Appelant aurait dû introduire un nouvel appel à l’encontre de la décision du 4 octobre 2018, et retirer le présent appel contre la Lettre.
- Le présent appel doit être déclaré irrecevable pour défaut d’objet. En application du
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Court of Arbitration for Sport principe non bis in idem et res judicata, la Formation arbitrale ne pourrait en aucun cas entrer en matière dans la présente affaire, étant donné qu’une décision a été prise dans la présente affaire le 4 octobre 2018, et que cette décision est devenue définitive et contraignante, l’Appelant ayant décidé de ne pas interjeter appel contre cette décision dans les délais prévus.
- A toutes fins utiles, la FIFA rappelle encore que la décision du 4 octobre 2018 a bien été notifiée à l’Appelant à son adresse e-mail, et que la FIFA n’est pas tenue de supporter les conséquences du fait que ledit e-mail n’ait pas été téléchargé par l’Appelant. En outre, à compter du moment où la FIFA s’est prononcée sur la présente affaire en vertu de la Décision de la CRL de la FIFA, le présent appel – fondé à titre principal sur le déni de justice par la FIFA – est dépourvu de tout fondement juridique. De plus, contrairement à ce qu’affirme l’Appelant, la compétence du TAS ne peut se justifier par l’épuisement des voies de recours au niveau national, étant donné que la FIFA n’est pas une instance de recours des décisions prises au niveau national, ni même par l’incompétence d’une quelconque autre chambre arbitrale. Enfin, l’Appelant ayant lui-même saisi les instances nationales algériennes pour régler son différend, sa requête ultérieure devant la FIFA a manifestement violé le principe non venire contra factum proprium.
- En ce qui concerne l’intérêt pour agir de l’Appelant, la FIFA soutient que l’Appelant en est dépourvu pour les raisons suivantes : (i) la nouvelle demande de l’Appelant devant la CRL de la FIFA le 22 décembre 2017 a eu pour effet de retirer à l’Appelant tout intérêt légitime dans son recours, ce qui a entraîné la perte d’objet du présent appel ; (ii) la décision du 4 octobre 2018 de la CRL de la FIFA visant le même objet que le présent appel, le présent appel est, depuis que celle-ci est devenue définitive et contraignante, dépourvu d’objet.
60. Au terme de sa réponse sur les questions de compétence et de recevabilité, le Club soutient comme suit : « L’affaire en objet a suivi son cours régulier et traitée (sic) selon les lois régissant les institutions affiliées à la FIFA dont la CRL ALGERIE en fait partie (sic). […] [Le Club] a soumis ce cas de litige aux instances concernées et a obtempéré à toutes les décisions émises que ce soit au niveau national (CRL/FAF) ou international (CRL/FIFA). En conséquence, nous restons confiants en la probité de votre institution ».
61. La FAF n’a pas déposé d’écriture dans la présente procédure.
V. COMPETENCE
62. La Loi suisse sur le droit international privé (« LDIP ») est applicable en l’espèce compte tenu du siège de l’arbitrage en Suisse et du fait que plusieurs Parties sont domiciliées hors de Suisse et n’y ont pas leur résidence habituelle.
63. Conformément à l’article 186 al. 1 LDIP qui consacre le principe « Kompetenz-Kompetenz », le TAS statue sur sa propre compétence.
64. L’article R27 du Code dispose que :
« Le présent Règlement de procédure s’applique lorsque les parties sont convenues de soumettre au TAS un litige relatif au sport. Une telle soumission peut résulter d’une clause arbitrale figurant dans un contrat ou un règlement ou d’une convention d’arbitrage ultérieure (procédure d’arbitrage ordinaire), ou avoir trait à l’appel d’une décision rendue par une fédération, une association ou un autre organisme sportif lorsque les statuts ou règlements de
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Court of Arbitration for Sport cet organisme ou une convention particulière prévoient l’appel au TAS (procédure arbitrale d’appel). […] »
65. L’article R47 du Code stipule que:
« Un appel contre une décision d’une fédération, association ou autre organisme sportif peut être déposé au TAS si les statuts ou règlements dudit organisme sportif le prévoient ou si les parties ont conclu une convention d’arbitrage particulière et dans la mesure aussi où la partie appelante a épuisé les voies de droit préalables à l’appel dont il dispose en vertu des statuts ou règlements dudit organisme sportif. »
66. D’après une jurisprudence constante du TAS rendue sur la base des articles R27 et R47 du Code, les trois conditions suivantes doivent être remplies pour que le TAS puisse se déclarer compétent dans une procédure d’appel (voir inter alia: CAS 2008/A/1513; CAS 2009/A/1919; CAS 2011/A/2436; CAS 2014/A/3775):
- les parties doivent avoir reconnu la compétence du TAS ;
- une « décision » doit avoir été rendue par une fédération, une association ou un autre organisme sportif ; et
- les voies de droit (internes) doivent avoir été épuisées préalablement à l’appel.
67. L’Appelant fonde la compétence du TAS sur les articles 57 et 58 des Statuts de la FIFA. L’article 57 des Statuts de la FIFA prévoit comme suit:
« La FIFA reconnaît le recours au Tribunal Arbitral du Sport (TAS), tribunal arbitral indépendant dont le siège est à Lausanne (Suisse), en cas de litige entre la FIFA, les associations membres, les confédérations, les ligues, les clubs, les joueurs, les officiels, les agents organisateurs de matches licenciés et les intermédiaires. »
68. L’article 58 al. 1 des Statuts de la FIFA dispose comme suit:
« Tout recours contre des décisions prises en dernière instance par la FIFA, notamment les instances juridictionnelles, ainsi que contre des décisions prises par les confédérations, les associations membres ou les ligues doit être déposé auprès du TAS dans un délai de vingt-et-un jours suivant la communication de la décision. »
69. Aux fins de vérifier sa compétence pour connaître du présent appel, la Formation arbitrale doit distinguer en fonction des prétentions formulées par l’Appelant contre les Intimés.
70. La Formation examine tout d’abord les conditions de sa compétence pour connaître des prétentions de l’Appelant à l’encontre du Club, à savoir le paiement d’arriérés de salaire et de dommages et intérêts pour rupture sans justes motifs du Contrat.
71. En premier lieu, la Formation relève que le présent appel est dirigé contre la Lettre émise par la FIFA en réponse à la demande déposée par l’Appelant à l’encontre du Club et que ladite Lettre constitue, au moment de l’introduction du présent appel, une décision prise en dernière instance par la FIFA au sens de l’article 58 des Statuts de la FIFA. Partant, la compétence du TAS pour connaître des demandes formulées à l’encontre du Club est fondée sur l’article 58 des Statuts de la FIFA.
72. En deuxième lieu, la Formation relève que la FIFA a soutenu que la Lettre ne constituait pas une décision sujette à appel au sens de l’article R47 du Code et de la jurisprudence du TAS y
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Court of Arbitration for Sport relative, ce que l’Appelant a fermement contesté au vu notamment des effets contraignants de la Lettre à son encontre.
73. La jurisprudence du TAS a interprété le terme “décision” au sens de l’article R47 du Code de la manière suivante: une décision est un acte unilatéral envoyé à un ou plusieurs destinataires et qui tend à produire des effets juridiques (TAS 2013/A/3409 ; CAS 2008/A/1583 & 1584 ; CAS 2008/A/1633 par. 31; CAS 2004/A/748 par. 89; CAS 2004/A/659 par. 36). En principe, pour qu’une communication soit considérée comme une décision sujette à appel, elle doit contenir un jugement par lequel l’organe émetteur a l’intention d’affecter la situation juridique du destinataire ou d’autres parties (CAS 2008/A/1705 ; CAS 2008/A/1633 par. 31; CAS 2007/A/1251 par. 30; CAS 2005/A/899 ; CAS 2004/A/748, par. 89). Ainsi, l’existence d’une décision ne dépend pas de la forme de sa communication, mais de son contenu (TAS 2005/A/899 ; TAS 2007/A/1251 ; CAS 2008/A/1633 para. 31). Par ailleurs, il est admis qu’un jugement sur la question de la recevabilité d’une demande, sans qu’il ne soit statué sur le fond du litige, peut constituer une décision au sens de l’art. R47 du Code (MAVROMATI/REEB, op. cit., Article R47, N 14, p. 384 et la référence citée).
74. En l’espèce, la Formation arbitrale est d’avis que la Lettre constitue une « décision d’une fédération » au sens de l’article R47 du Code et que les Statuts de la FIFA prévoient, à l’article 58 al. 1, la possibilité de déposer un appel devant le TAS contre cette décision. En effet, indépendamment de la forme et du texte de la Lettre, il est incontestable que la Lettre a nié l’intervention des organes décisionnels de la FIFA dans la présente affaire et a donc eu un effet sur la situation juridique de l’Appelant, le privant ainsi de la possibilité de porter son litige devant la CRL de la FIFA.
75. En troisième lieu, la Formation relève, concernant la condition de l’épuisement des voies de recours internes préalablement à l’appel, que la Lettre n’était pas susceptible de recours interne devant la FIFA, comme elle le précise d’ailleurs expressément. Cette condition est donc également remplie.
76. La Formation constate dès lors qu’elle est compétente pour connaître du présent appel pour ce qui concerne les demandes formulées par l’Appelant à l’encontre du Club.
77. La Formation arbitrale en vient maintenant à l’examen de sa compétence pour connaître de la demande formulée par l’Appelant à l’encontre de la FAF. A cet égard, la Formation arbitrale relève que la décision qui fait l’objet du présent appel n’est pas une décision de la FAF et que la FAF n’était pas partie à la cause en première instance devant la CRL de la FIFA qui opposait l’Appelant au Club. En outre, la FAF ne reconnaît pas la compétence du TAS dans les circonstances de la présente affaire. L’article 68 des Statuts de la FAF dispose en effet comme suit :
« 68. Tribunal arbitral du Sport de Lausanne
Les décisions du tribunal arbitral d’Alger concernant les clubs et les joueurs sont définitives et non susceptibles de recours devant toute structure d’arbitrage étrangère.
Néanmoins, la FAF se réserve le droit de faire appel des décisions du tribunal arbitral d’Alger auprès du TAS de Lausanne. »
78. Enfin, la Formation ne peut pas non plus se reconnaître compétente vis-à-vis de la FAF sur la seule base de sa qualité de membre affilié de la FIFA en vertu des articles 57 à 59 des Statuts de la FIFA. Ceux-ci ne constituent pas per se une base de compétence en faveur du TAS mais
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Court of Arbitration for Sport plutôt une instruction faite aux fédérations nationales – en l’espèce la FAF – d’inclure dans leurs statuts et autres règlements la reconnaissance de la compétence du TAS. Ainsi, et en l’absence de toute autre convention d’arbitrage entre l’Appelant et la FAF en faveur du TAS, la Formation constate qu’elle n’est pas compétente pour connaître des demandes formulées par l’Appelant à l’encontre de la FAF.
79. La Formation en vient finalement à vérifier sa compétence pour connaître des demandes formulées par l’Appelant à l’encontre de la FIFA. A cet égard, la Formation note que l’Appelant sollicite la condamnation de la FIFA au paiement de dommages et intérêts du fait du déni de justice qu’il aurait subi en raison de la Lettre d’une part, et, d’autre part, du fait que la FIFA aurait manqué à son devoir d’imposer à la FAF le respect des statuts de la FIFA. En ce qui concerne ces demandes, formulées pour la première fois dans le cadre de la présente procédure devant le TAS, la Formation estime que la compétence du TAS est établie sur la base de la clause d’arbitrage contenue à l’article 57 des Statuts de la FIFA et de la déclaration d’appel de l’Appelant. La Formation constate ainsi qu’elle est compétente pour connaître des demandes formulées par l’Appelant à l’encontre de la FIFA.
80. Eu égard à ce qui précède, la Formation arbitrale est donc compétente pour connaître des demandes formulées par l’Appelant à l’encontre du Club et de la FIFA, à l’exclusion des demandes formulées par l’Appelant à l’encontre de la FAF.
VI. RECEVABILITE
81. L’article R48 du Code prévoit comme suit:
« La partie appelante soumet au TAS une déclaration d’appel comprenant les éléments suivants:
• le nom et l’adresse complète de la ou les partie(s) intimé(s);
• une copie de la décision attaquée;
• les prétentions de la partie appelante;
• la désignation de l’arbitre choisi par la partie appelante sur la liste des arbitres du TAS, sauf si la partie appelante demande la nomination d’un(e) arbitre unique;
• le cas échéant, une requête d’effet suspensif motivée;
• une copie des dispositions statutaires ou réglementaires ou de la convention particulière prévoyant l’appel au TAS.
Lors de la soumission de la requête, la partie appelant(e) verse le droit de Greffe prévu à l’article R64.1 ou à l’article R65.2.
Si les conditions ci-dessus ne sont pas remplies au moment du dépôt de la déclaration d’appel, le Greffe du TAS fixe un unique et bref délai à la partie appelante pour compléter sa déclaration d’appel, faute de quoi le Greffe du TAS ne procède pas. »
82. L’article R49 du Code prévoit également que:
« En l’absence de délai d’appel fixé par les statuts ou règlements de la fédération, de l’association ou de l’organisme sportif concerné ou par une convention préalablement conclue, le délai d’appel est de vingt-et-un (21) jours dès la réception de la décision faisant l’objet de l’appel. […] ».
83. En outre, l’article 58 al. 1 des Statuts de la FIFA prévoit:
« Tout recours contre des décisions prises en dernière instance par la FIFA, notamment les
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Court of Arbitration for Sport instances juridictionnelles, ainsi que contre des décisions prises par les confédérations, les associations membres ou les ligues doit être déposé auprès du TAS dans un délai de vingt-et-un jours suivant la communication de la décision. »
84. La Formation arbitrale note que le présent appel à l’encontre de la Lettre a été déposé par l’Appelant le 5 octobre 2017 auprès du Greffe du TAS, soit dans le délai de 21 jours suivant la Lettre de la FIFA du 14 septembre 2017. En outre, l’appel répond aux exigences décrites à l’article R48 du Code.
VII. INTERET A AGIR
85. La FIFA soutient que l’Appelant a perdu tout intérêt à agir dans la présente procédure et que son appel a perdu tout objet à compter de la nouvelle demande de l’Appelant devant la CRL de la FIFA le 22 décembre 2017 ou, au plus tard, dès que la Décision de la CRL de la FIFA est devenue définitive et contraignante. En outre, au vu du caractère définitif et contraignant de la Décision de la CRL de la FIFA – qui porte sur le même litige que celui qui avait fait l’objet de la Lettre—, la Formation arbitrale doit déclarer la demande irrecevable en vertu des principes non bis in idem et res judicata. L’Appelant soutient quant à lui que les questions d’intérêt pour agir relèvent du fond de la procédure. Il estime à toutes fins utiles qu’il a bien un intérêt à agir dans la présente procédure étant donné que la Lettre l’affecte directement dans sa situation juridique et que l’admission de son appel à l’encontre de la Lettre lui permettrait, le cas échéant, d’éviter un préjudice économique. Enfin, il conteste avoir été notifié de la Décision de la CRL de la FIFA.
86. La Formation arbitrale note tout d’abord que le Code ne régit pas la question de l’intérêt à agir. Il convient dès lors de se référer au droit suisse en tant que lex arbitri. La Formation relève ainsi qu’en vertu de l’article 59 par. 2 (a) du Code de procédure civile suisse, l’exigence d’un « intérêt digne de protection » dans le chef du demandeur est une condition de recevabilité de toute demande en justice.
87. En outre, dans sa jurisprudence récente, le TAS a, à plusieurs reprises, confirmé que pour que son appel soit recevable, l’appelant doit démontrer un intérêt juridique suffisant (« Rechtsschutzinteresse », « intérêt à agir ») (voir notamment : CAS 2016/A/4602 et TAS 2017/A/5147). D’après une sentence récente du TAS :
« In principle, a request is inadmissible, if it lacks legal interest (“Rechtsschutzinteresse”, “intérêt à agir”). This condition of admissibility is explicitly provided for in Art. 59 (2) lit. a of the Swiss Code of Civil Procedure (“CCP”). Thus, a reasonable legal interest is a condition for access to justice. A court shall only be bothered to decide the merits of a request, if the applicant has a sufficient legal interest in the outcome of the decision. If – on the contrary – the request is not helpful in pursuing the applicant’s final goals, the scarce judicial resources shall not be wasted on such matter. […]
The condition of sufficient legal interest serves first and foremost public interests, i.e. to restrict the case load for the courts by striking “purposeless” claims from the court’s registry. This public interest is clearly evidenced by the fact that the courts examine this (procedural) condition sua sponte (Art. 62 CCP). Even if aspects of public interest before state courts are not easily transferable mutatis mutandis to arbitration proceedings (cf. Girsberger/Voser, International Arbitration, 3rd ed. 2016, no. 1194), this Panel holds that a claim shall be deemed inadmissible if it clearly does not serve the purpose of the Appellant.” (CAS 2016/A/4602, par. 48-49).
[Traduction: En principe, une demande est irrecevable si l’intérêt à agir fait défaut
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Court of Arbitration for Sport (“Rechtsschutzinteresse”, “intérêt à agir”). Cette condition de recevabilité est prévue de manière explicite à l’article 59 (2) a.) du code de procédure civile suisse (« CPC »). Ainsi, un intérêt juridique raisonnable est une condition de l’accès à la justice. Une cour ne doit être chargée de décider sur le fond d’une requête que si le demandeur présente un intérêt juridique suffisant dans l’issue de la procédure. Si, au contraire, la requête ne peut contribuer à atteindre l’objectif final du demandeur, les précieuses ressources judiciaires ne doivent être gâchées sur une telle affaire. […]
La condition de l’intérêt juridique suffisant sert avant tout les intérêts publics, c’est-à-dire à restreindre l’engorgement des cours en écartant les demandes « inutiles » du rôle des greffes. Cet intérêt d’ordre public est clairement mis en évidence par le fait que les cours vérifient cette condition (procédurale) sua sponte (Art. 62 CPC). Même si certains aspects d’intérêt public devant les cours étatiques ne sont pas aisément transposables mutatis mutandis aux procédures d’arbitrage, (cf. Girsberger/Voser, International Arbitration, 3rd ed. 2016, no. 1194), cette formation arbitrale décide que la demande doit être considérée comme irrecevable si elle ne sert aucunement la cause de l’Appelant (CAS 2016/A/4602, par. 48-49). »]
88. La Formation arbitrale est d’avis que cette approche doit également être suivie dans le cadre de la présente procédure. Ce faisant, la Formation fait une distinction avec les notions de légitimation active ou passive des parties (appelées aussi « qualité pour agir ou pour défendre ») qui appartiennent au sujet (actif ou passif) du droit invoqué en justice et dont l’absence entraîne, comme le soulève d’ailleurs l’Appelant, le rejet de la demande au fond (ATF 128 III 50, 55). La question qui se pose en l’espèce est différente. Elle vise la capacité d’une partie à être partie à la procédure, et constitue une condition de recevabilité de l’appel. Conformément à la jurisprudence récente du TAS précitée, l’exigence de l’intérêt pour agir est destinée à prévenir l’engorgement des tribunaux en raison de procédures « inutiles ». De l’avis de la Formation arbitrale, une telle exigence n’est pas propre aux procédures portées devant les tribunaux étatiques mais doit au contraire également s’appliquer dans le cadre de procédures arbitrales. Cependant, compte tenu en particulier du fait que, dans la procédure arbitrale, les parties paient les frais de la procédure, le seuil requis pour l’intérêt à agir doit être placé particulièrement bas. Ainsi, la Formation décide que la demande doit être déclarée irrecevable pour défaut d’intérêt à agir si l’appelant ne peut tirer aucun avantage d’une sentence en sa faveur dans la procédure en cause.
89. En l’espèce, la Formation arbitrale est placée dans une situation très particulière, due au fait que deux décisions successives sur le même objet et toutes deux sujettes à appel – d’abord la Lettre, puis la Décision de la CRL de la FIFA – sont intervenues dans le cadre du litige opposant les Parties.
90. Or, même à considérer que la Décision de la CRL de la FIFA n’aurait en théorie pas d’effet direct sur la Lettre puisqu’elle n’a pas été rendue dans le cadre d’un recours interne à la FIFA, la Formation relève toutefois qu’elle se substitue néanmoins à la Lettre tant pour un motif temporel, puisque la Décision de la CRL de la FIFA intervient après la Lettre, que par le choix des parties dans le cadre de la procédure devant le TAS, celles-ci ayant accepté que la FIFA rende une seconde décision et dès lors accepté également ses effets potentiels sur l’objet de la présente affaire. Au vu de ce qui précède, afin de contester valablement le contenu de la Décision de la CRL de la FIFA, l’Appelant n’avait pas d’autre choix que de déposer un nouvel appel contre cette seconde décision également.
91. A cet égard, la Formation relève ainsi que la Décision de la CRL de la FIFA est devenue définitive et contraignante. En effet, l’Appelant a pris connaissance des motifs de ladite
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Court of Arbitration for Sport Décision au plus tard le 5 juillet 2019, conformément à ce qu’il indique expressément dans un courrier au Greffe du TAS du 12 juillet 2019 ; de plus, même après avoir pris connaissance de ladite Décision, il n’a pas interjeté appel contre cette Décision.
92. Par conséquent, la présente procédure ne pourrait en aucun cas aboutir à la modification de la situation juridique de l’Appelant, laquelle a été tranchée par la Décision de la CRL de la FIFA de manière définitive et contraignante. Ainsi, aux yeux de la Formation arbitrale, l’Appelant se trouve dans une situation où il ne peut tirer aucun bénéfice de la présente procédure d’appel.
93. En particulier, en ce qui concerne la demande d’indemnisation formulée par l’Appelant à l’encontre de la FIFA sur la base d’un prétendu déni de justice, la Formation arbitrale relève qu’en acceptant de suspendre la présente procédure jusqu’à ce que la FIFA rende la Décision de la CRL de la FIFA, l’Appelant a accepté que le déni de justice qu’il allègue soit réparé, ou causé, par la Décision de la CRL de la FIFA (laquelle ne fait pas l’objet de la présente procédure d’appel).
94. En outre, concernant la demande d’indemnisation formulée par l’Appelant à l’encontre de la FIFA sur la base d’un prétendu manquement à son devoir d’imposer à la FAF le respect des statuts de la FIFA, la Formation constate qu’en acceptant de suspendre la présente procédure jusqu’à ce que la FIFA rende la Décision de la CRL de la FIFA, l’Appelant a accepté que, s’il devait y avoir violation par la FIFA d’une prétendue obligation de sanctionner la FAF – question qui reste ouverte à ce stade de la procédure –, une telle violation aurait été causée par la Décision de la CRL de la FIFA et non pas par la Lettre. Or, le présent appel étant dirigé contre la Lettre uniquement, l’Appelant ne pourrait tirer aucun bénéfice d’une sentence en sa faveur et, de ce fait, a également perdu tout intérêt de poursuivre la présente procédure à l’égard de cette demande également.
95. Il en va de même concernant les demandes formulées par l’Appelant à l’encontre du Club : l’appel formé à l’encontre de la Lettre ne pourrait en aucun cas modifier la situation juridique de l’Appelant qui a été tranchée de manière définitive et contraignante par la Décision de la CRL de la FIFA et à l’encontre de laquelle il n’a pas fait appel.
96. Il convient enfin de noter que la particularité du présent litige s’explique par le fait que l’Appelant a, d’une part, accepté la suspension de la présente procédure dans l’attente qu’une décision formelle soit rendue par la CRL de la FIFA et, d’autre part, qu’une fois que la Décision a été rendue et notifiée à l’Appelant, ce dernier n’a pas interjeté appel contre cette Décision. A cet égard, la Formation relève que le Greffe du TAS a, à plusieurs reprises, invité l’Appelant à communiquer ses intentions quant à son appel (retrait de son appel, reprise de la procédure ou maintien de sa suspension), allant jusqu’à préciser, par courrier daté du 2 novembre 2018, qu’en cas de retrait de l’ appel dirigé à l’encontre de la Lettre, que « l’Appelant resterait libre de déposer, en temps opportun et dans les délais réglementaires […] un nouvel appel à l’encontre, cette fois, de la décision de la CRL du 4 octobre 2018 ». Nonobstant ces indications, l’Appelant a choisi de maintenir son appel dirigé à l’encontre de la Lettre et de ne pas déposer un nouvel appel dirigé à l’encontre de la Décision de la CRL de la FIFA.
97. Eu égard à ce qui précède, la Formation arbitrale décide que l’Appelant n’a pas d’intérêt à agir dans la présente procédure, et que, par conséquent, son appel doit être déclaré irrecevable.
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IX. FRAIS
98. L’article R64.4 du Code prévoit ce qui suit :
« A la fin de la procédure, le Greffe du TAS arrête le montant définitif des frais de l’arbitrage qui comprennent :
- le droit de Greffe du TAS,
- les frais administratifs du TAS calculés selon le barème du TAS,
- les frais et honoraires des arbitres,
- les honoraires du/de la greffier(-ière), le cas échéant, calculés selon le barème du TAS,
- une participation aux débours du TAS et
- les frais de témoins, expert(e)s et interprètes.
Le décompte final des frais de l’arbitrage peut soit figurer dans la sentence, soit être communiqué aux parties séparément. Les avances de frais déjà payées par les parties ne sont pas remboursées par le TAS, à l'exception de la part excédant le montant total des frais d'arbitrage. »
99. L’article R64.5 du Code prévoit en outre :
« Dans la sentence arbitrale, la Formation détermine quelle partie supporte les frais de l’arbitrage ou dans quelle proportion les parties en partagent la charge. En principe et sans qu'une requête spécifique d'une partie ne soit nécessaire, la Formation peut librement ordonner à la partie qui succombe de verser une contribution aux frais d’avocat de l’autre partie, ainsi qu’aux frais encourus par cette dernière pour les besoins de la procédure, notamment les frais de témoins et d’interprète. Lors de la condamnation aux frais d’arbitrage et d’avocat, la Formation tient compte de la complexité et du résultat de la procédure, ainsi que du comportement et des ressources des parties. »
100. En l’espèce, compte tenu de l’issue de la présente procédure, la Formation arbitrale décide que les frais de la procédure seront mis à la charge de l’Appelant exclusivement. En outre, au vu du résultat de la procédure, du comportement et des ressources des parties et du fait qu’aucun conseil externe n’a été mandaté, la Formation arbitrale décide qu’il n’y a pas lieu d’octroyer de contribution aux frais encourus par chacune des Parties pour les besoins de la procédure.
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PAR CES MOTIFS
Le Tribunal Arbitral du Sport, statuant contradictoirement:
1. Se déclare incompétent pour connaître de l’appel déposé par M. Jonathan Christopher Matijas en date du 5 octobre 2017 à l’encontre de la lettre de la FIFA du 14 septembre 2017, en ce qui concerne les demandes formulées à l’encontre de la Fédération algérienne de football.
2. Se déclare compétent pour connaître des demandes formulées à l’encontre de la Fédération Internationale de Football Association et du Club SSPA DIFAA Riadhi Tadjenanet.
3. Déclare l’appel déposé par M. Jonathan Christopher Matijas en date du 5 octobre 2017 à l’encontre de la lettre de la FIFA du 14 septembre 2017 irrecevable, en ce qui concerne les demandes formulées à l’encontre de la Fédération Internationale de Football Association et du Club SSPA DIFAA Riadhi Tadjenanet.
4. Dit que les frais d’arbitrage, lesquels seront déterminés et notifiés aux parties ultérieurement par le Greffe du TAS, seront supportés entièrement par M. Jonathan Christopher Matijas.
5. Dit qu’il n’y a pas lieu d’octroyer de contribution aux frais encourus par chacune des Parties pour les besoins de la procédure.
Siège de l’arbitrage: Lausanne, Suisse
Fait le 1 mai 2020
LE TRIBUNAL ARBITRAL DU SPORT
Luigi Fumagalli
Président de la Formation
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