TAS-CAS – Tribunale Arbitrale dello Sport – Corte arbitrale dello Sport (2009-2010)———-Tribunal Arbitral du Sport – Court of Arbitration for Sport (2009-2010) – official version by www.tas-cas.org Arbitrage TAS 2010/A/2056 S. c. Association Cantonale Genevoise de Football (ACGF), sentence du 22 juin 2010
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Arbitrage TAS 2010/A/2056 S. c. Association Cantonale Genevoise de Football (ACGF), sentence du 22 juin 2010
Formation: Me André Gossin (Suisse), Arbitre unique
Football
Décision disciplinaire suspendant un entraîneur de toute activité
Distinction entre capacité d’ester en justice et qualité pour agir
Exigence de respect des règles de la bonne foi dans la fixation des conditions de versement d’une avance de frais Formalisme excessif
Renvoi à l’autorité inférieure pour jugement au fond
1. Seule la capacité d’ester en justice représente une question de recevabilité, alors que le
défaut de qualité pour agir appartient aux conditions matérielles de la prétention
litigieuse, de sorte qu’il s’agit d’une question régie par le droit de fond qui ne
constitue ainsi pas une fin de non-recevoir, mais, le cas échéant, aboutit à un rejet de
la demande.
2. Selon la règle de la bonne foi et du principe de la confiance qui en découle, il
appartient à chacun d’éviter les comportements équivoques ou contradictoires. Cela implique pour l’autorité de signaler à temps certains vices de procédure et d’éviter d’avoir un comportement contradictoire, comme en l’occurrence pour une association d’accepter visiblement tout au long de l’année de déduire automatiquement les amendes, cotisations, et autres frais à charge d’un club du compte postal largement approvisionné sur lequel sont versées les avances de ce club, avant de refuser de le faire dans le cas d’une avance de frais d’un montant minime réclamée pour un recours contre une décision de cette association.
3. L’association doit expressément informer les parties non seulement du montant de
l’avance de frais du recours et du délai utile pour l’effectuer, mais encore des conséquences du défaut du dépôt d’une telle avance. L’absence d’avertissement approprié et le simple renvoi à des statuts ne mentionnant pas non plus expressément ces conséquences constituent un formalisme excessif que seul l’octroi d’un délai supplémentaire pour effectuer le dépôt de l’avance, après mention des conséquences du non paiement, permet de réparer.
4. Il n’appartient pas au TAS de se substituer à une autorité associative qui, faute d’être
entrée en matière sur un recours, n’a pas statué sur le fond des griefs invoqués. Dans un tel cas, l’affaire doit être renvoyée devant l’autorité en question, de manière aussi à permettre l’épuisement préalable des voies de recours internes.
S. (“l’appelant”) est entraîneur de football au FC Onex, au niveau Junior A, depuis plus de 7 ans.
L’association Cantonale Genevoise de Football (ACGF; “l’intimée”) est une association de droit suisse membre de la Ligue Amateur de l’Association Suisse de Football (ASF).
L’appelant entraînait à l’époque des faits à l’origine du présent litige l’équipe Junior A du FC Onex.
À la suite d’incidents qui se sont produits le 30 septembre 2009 lors d’un tournoi de Juniors A
opposant le FC Onex au FC Veyrier-Sports, l’appelant a appris au travers du communiqué officiel
N° 16 de l’ACGF daté du 14 octobre 2009 (“le Communiqué officiel”), qu’il était suspendu jusqu’au
30 juin 2010 de toute activité d’entraîneur avec effet immédiat.
C’est sur la base d’un rapport établi par l’arbitre du match ayant opposé le FC Onex au FC VeyrierSports que la décision publiée dans le Communiqué a été prise, l’intimée ayant admis que l’appelant aurait délibérément poussé un joueur adverse ayant simulé une blessure et aurait insulté ce dernier, provoquant ainsi une bagarre générale.
Le 18 octobre 2009, l’appelant et le FC Onex ont recouru contre la décision de l’ACGF auprès du Comité central de l’ACGF, concluant préalablement à la suspension de la sanction pour permettre tant l’audition de l’appelant que de témoins, afin d’établir précisément les faits et de savoir exactement ce qui était reproché à l’appelant.
En date du 23 décembre 2009, le Président de la Commission de “Jeu & Affaires spécifiques” de I’ACGF a transmis le recours à la Commission Régionale de Recours (CRR), en communiquant l’opinion du Comité central, selon laquelle les conditions formelles du recours, notamment le délai et la validité des signatures, avaient été respectées, mais qu’en revanche l’avance de frais de CHF 100.- n’avait pas été versée conformément à l’art. 27 des statuts de l’ACGF. Dès lors, le Comité central a conclu à l’irrecevabilité du recours formé par le FC Onex et l’appelant.
Par décision du 5 janvier 2010, la CRR a déclaré irrecevable le recours interjeté par l’appelant et le FC Onex en date du 18 octobre 2009, au motif que les art. 25 et ss des statuts de l’ACGF prévoient notamment qu’un recours peut être déposé par un club affilié à l’ACGF et un membre de ce même club, solidairement lorsque la décision contestée du Comité central est dirigée contre lui, dans un délai de 5 jours et en s’acquittant d’une avance de frais. A teneur de l’art. 27 al. 1 des statuts de l’ACGF, cette avance de frais d’un montant de CHF 100.- pour les ligues Juniors doit être versée dans le même délai que celui pour recourir, à savoir dans les 5 jours (art. 26 al. 1 des statuts de l’ACGF). In casu ce montant n’a pas été versé, partant, le recours du 18 octobre 2009 est déclaré irrecevable en ce qu’il concerne les conclusions prises par le FC Onex pour l’appelant faute d’avoir versé cette avance de frais (art 27 al. 1 des statuts de l’ACGF).
Le 1er février 2010, l’appelant a adressé une déclaration d’appel au TAS à l’encontre de la décision de la CRR concluant principalement à l’annulation de la décision et, préalablement, à l’octroi d’un délai pour compléter ses écritures et s’acquitter des droits de greffe, tout en sollicitant l’octroi d’un effet suspensif à son appel.
Par ordonnance du 18 mars 2010, le Président suppléant de la Chambre arbitrale d’appel a rejeté la
requête d’effet suspensif formulée par l’appelant et joint les frais de cette partie de la procédure au
fond.
La décision de rejet d’effet suspensif a été motivée par le fait que, d’emblée, la première des 3 conditions cumulatives dégagées par la jurisprudence pour pouvoir accorder un effet suspensif, à savoir le risque d’un dommage irréparable en cas d’annulation de la décision attaquée, n’avait pas été rendue vraisemblable. Ainsi, la requête d’effet suspensif a été écartée, sans même que, en application du principe d’économie de procédure, il n’ait été nécessaire d’examiner la question des chances de succès du recours ou de procéder à une pesée des intérêts en présence.
DROIT
1. La compétence du TAS découle aussi bien de l’art. R47 du Code de l’arbitrage en matière de
sport (“le Code”) que de l’art. 7 ch. 4 des statuts de l’ASF, ainsi que de l’acceptation expresse des parties.
2. L’appel ayant été déposé dans le délai de 10 jours à compter de la notification de la décision
de la CRR au FC Onex en date du 20 janvier 2010, ce qui n’est pas contesté par l’intimée, il
doit être constaté qu’il a ainsi été déposé en temps utile et motivé, respectivement régularisé,
dans le délai fixé par l’ordonnance du TAS du 2 février 2010, de sorte qu’il est ainsi recevable
en la forme.
3. L’art. R58 du Code dispose en substance que la Formation statue selon les règlements
applicables et selon les règles de droit choisies par les parties, ou à défaut de choix, selon le droit du pays dans lequel l’association ou l’organisme sportif ayant rendu la décision attaquée a son domicile ou selon les règles de droit dont la Formation estime l’application appropriée. Dans ce dernier cas, la décision de la Formation doit être motivée.
4. Les parties n’ayant pas choisi expressément de soumettre le présent litige à un droit particulier
et l’ACGF ayant son siège en Suisse, ce sont les règles fédératives qui s’appliqueront en premier lieu et le droit suisse qui sera applicable à titre supplétif.
5. L’intimée conteste la qualité pour agir de l’appelant, arguant du fait qu’ayant seul recouru
contre la décision prise par la CRR, il n’aurait ainsi pas la légitimité active nécessaire, de sorte que son appel devrait être déclaré irrecevable.
6. Il doit être relevé à ce stade que seule la capacité d’ester en justice représente une question de
recevabilité, alors que le défaut de qualité pour agir appartient aux conditions matérielles de la
prétention litigieuse (ATF 126 III 59 c. 1a), de sorte qu’il s’agit d’une question régie par le
droit de fond qui ne constitue ainsi pas une fin de non-recevoir, mais, le cas échéant, aboutit à un rejet de la demande.
7. Dans le cas particulier, il ressort de l’art. 25 des statuts de l’ACGF qu’un recours peut être
déposé auprès de la CRR, notamment par un club affilié à l’ACGF ou par un membre, joueur ou dirigeant d’un club affilié à l’ACGF. Or, dans le cas particulier, le recours a été déposé auprès de la CRR aussi bien par le FC Onex que par l’entraîneur des juniors du club en question, à savoir l’appelant.
8. Au regard de l’art. 25 ch. 3 des statuts de l’ACGF, lorsqu’un membre d’un club est concerné,
le club en question ne peut pas recourir seul, mais uniquement solidairement avec son membre, alors que l’inverse est visiblement possible.
9. En d’autres termes, il apparaît au regard de l’art. 25 des statuts de l’ACGF que si le FC Onex
n’était pas légitimé à recourir seul, en revanche l’appelant, contre lequel la décision attaquée est directement dirigée, avait qualité pour recourir indépendamment du FC Onex.
10. Il apparaît donc évident que l’appelant, en étant directement et personnellement touché par la
décision d’irrecevabilité prise par la CRR, est légitimé à former un recours seul, puisque la participation, à ses côtés, du FC Onex au recours n’était à l’évidence pas une condition nécessaire pour recourir. En effet, contrairement au FC Onex, l’appelant était d’emblée légitimé à pouvoir recourir seul. Son recours est donc recevable à ce titre.
11. Les conclusions retenues par l’appelant visant principalement, comme le relève l’intimée, à
obtenir l’annulation de la décision de la CRR du 5 janvier 2010, soit l’annulation de la décision déclarant irrecevable le recours du 18 octobre 2009 de l’appelant et du FC Onex, il ne saurait être statué sur le fond de l’affaire.
12. Les statuts de l’ACGF ont été adoptés le 6 mars 2006 comme le stipule l’art. 46. Au regard de
l’art. 26 des statuts de l’ACGF, le délai de recours est de 5 jours à compter de la publication de la décision dans la circulaire officielle de l’ACGF.
13. L’art. 27 des statuts stipule quant à lui que, dans le même délai que pour recourir, une avance
de frais doit être versée sur le compte postal de l’ACGF d’un montant de CHF 100.- pour les ligues Juniors.
14. L’art. 29 des statuts de l’ACGF prévoit:
“1. Dans la mesure où le recours répond aux exigences des articles 25 à 27 des présents statuts, la CRR
peut, si elle constate que les conditions posées par l’article 28 des présents statuts ne sont pas respectées,
octroyer au recourant un nouveau délai de 3 jours pour corriger son recours en conséquence.
2. Si, au terme de ce délai, le ou les vice(s) de forme demeure(nt), la CRR peut déclarer le recours
irrecevable”.
15. L’art. 28 des statuts de l’ACGF prévoit quant à lui:
1. L’acte de recours doit être rédigé en 3 exemplaires et adressé au comité central, à l’adresse officielle de
l’ACGF, par lettre-signature.
2. Outre la désignation de la décision attaquée, l’acte de recours doit contenir :
- les conclusions du recourant ;
- l’exposé détaillé des faits pertinents ;
- les motifs à l’appui des conclusions ;
- les offres de preuve, les moyens de preuve en mains de la partie recourante étant joints à l’acte de
recours.
3. Le Comité central transmet immédiatement le recours à la CRR en lui fournissant tout renseignement
utile.
16. Force est, par conséquent, de constater qu’à la lecture des statuts la CRR doit, à réception de
l’acte de recours, d’abord vérifier si les exigences des art. 25 à 27 des statuts de l’ACGF sont remplies, à savoir si le recourant a qualité pour agir, si le délai de recours a été respecté et enfin si l’avance de frais a été versée sur le compte postal de l’ACGF. Si toutes ces conditions sont remplies, la CRR doit encore vérifier si le recours respecte le contenu prévu à l’art. 28 des statuts et, si tel n’est pas le cas, octroyer un délai supplémentaire au recourant pour corriger les vices affectant à ce titre le contenu de son recours.
17. En d’autres termes, bien que les statuts ne le prévoient pas expressément, il découle de l’ordre
juridique commun et de la rédaction même des statuts de l’ACGF que seuls les manquements aux conditions posées par l’art. 28 des statuts de l’ACGF constituent des vices réparables. À l’inverse, il tombe sous le sens qu’un recours déposé hors délai ne peut être que déclaré irrecevable, de même qu’un recours déposé sans qu’une avance de frais n’ait été versée dans le délai de recours sur le compte postal de l’ACGF.
18. S’il pouvait être entré en matière sur des recours déposés tardivement, la sécurité juridique
s’en trouverait à l’évidence totalement perturbée, alors qu’à l’inverse un recours déposé en temps voulu, mais incorrectement motivé ou sans une offre de preuve claire, permet à tout un chacun de savoir que la décision est attaquée dans les délais, le délai supplémentaire pouvant être accordé pour corriger les vices restants qui n’affectent pas le fait que toutes les parties ont pu être avisées du dépôt d’un recours en temps voulu.
19. La procédure n’étant visiblement pas gratuite, la condition formelle du versement d’une
avance de frais sur le compte postal de l’ACGF dans le délai de recours apparaît également une exigence permettant de vérifier que le recourant entend bien faire face aux frais engendrés par son recours, ce qu’il doit précisément faire dans le même délai selon les statuts. Il y a donc lieu d’admettre que le défaut de versement d’une avance de frais dans le délai de recours doit en principe être sanctionné par l’irrecevabilité de celui-ci.
20. Le recourant fait cependant valoir que les clubs membres de l’ACGF disposent d’un compte
auprès du compte postal de l’ACGF, régulièrement alimenté pour permettre à l’ACGF de
prélever directement divers frais facturés aux clubs, tels que notamment les amendes. Il
estime, par conséquent, que le compte postal de l’ACGF était déjà suffisamment alimenté par
le FC Onex, de sorte que l’exigence du versement d’une avance de frais était ainsi déjà
satisfaite.
21. De l’art. 38 des statuts de l’ACGF, il ressort que cette association bénéficie, à titre de recettes,
notamment de la cotisation annuelle des clubs, des avances de frais et amendes, de même que des émoluments administratifs.
22. L’art. 39 ch. 2 des statuts de l’ACGF prévoit que les clubs sont responsables du paiement des
amendes infligées à leurs équipes, membres ou arbitres.
23. Enfin, l’art. 40 des statuts prévoit que tous clubs membres de l’ACGF doivent verser une
garantie financière dont le montant est fixé par le comité central et doivent veiller à ce que leur compte auprès de l’ACGF présente en permanence un avoir minimum correspondant au montant de la garantie financière précitée.
24. Le recourant produit sous sa pièce justificative N° 17 un relevé de compte pour la saison
2009/2010 portant sur la période allant du 1er juillet 2009 au 26 décembre 2009. Ce relevé mentionne un avoir du FC Onex de CHF 30’127.- pour ladite période, dont à déduire CHF 9’348.- de prélèvements effectués par l’ACGF pour cette même période, laissant ainsi un solde en faveur du FC Onex de CHF 20’779.- au 26 décembre 2009.
25. De ce décompte, on peut effectivement constater que le FC Onex pour le 2e semestre 2009 a
augmenté ses avoirs auprès de l’ACGF, puisque les versements en sa faveur ont été plus importants que les frais mis à sa charge. On peut également constater que le montant de la garantie financière selon l’art. 40 des statuts de l’ACGF apparaît être de CHF 500.-, tel que mentionné dans le décompte de l’ACGF sous la date du 1er juillet 2009. Enfin, il est à relever que visiblement des paiements d’amendes sont déduits de cet avoir en application des communiqués officiels de l’ACGF, de même que des frais d’autorisation, de cotisation annuelle ou de participation à des tournois.
26. Par conséquent, force est de constater que l’avoir du FC Onex auprès de l’ACGF d’un
montant de CHF 20’779.- au 26 décembre 2009 apparaissait effectivement largement suffisant
pour satisfaire au prélèvement de l’avance de frais du recours d’un montant de CHF 100.-.
27. Le club FC Onex ayant recouru conjointement avec l’appelant auprès de la CRR, on doit donc
constater que, comme le relève la CRR dans sa décision attaquée du 5 janvier 2010, c’était une
seule et même avance de frais de CHF 100.- qui devait être versée tant par le FC Onex que
par l’appelant, de sorte que le recours, bien que signé également par l’appelant, ayant été
déposé sur un papier à en-tête du football club FC Onex ce dernier pouvait légitimement
s’attendre à ce que l’avance de frais soit débitée automatiquement à l’instar des autres frais et
paiements d’amende.
28. Dans son recours, l’appelant allègue que, selon l’art. 714 CC, l’ACGF est propriétaire des
fonds versés sur son compte par le FC Onex, et que dès lors comme cela se fait pour tous les autres frais, il appartenait à l’ACGF d’effectuer le prélèvement de cet argent sur ledit compte du FC Onex, sans autre précision.
29. De son côté, l’ACGF admet que le FC Onex détient un compte auprès d’elle, mais prétend
que si l’association avait voulu que l’avance des frais de recours soit directement débitée du compte, le FC Onex et l’appelant auraient dû à tout le moins dans leur recours inviter l’ACGF à prélever l’avance de frais sur le compte en question. Or, ils n’ont ainsi montré aucun signe manifestant leur volonté de s’acquitter de l’avance exigée à l’art. 27 ch. 1 des statuts.
30. Il ressort du recours déposé conjointement par le FC Onex et l’appelant le 18 octobre 2009
contre la sanction prise par l’ACGF à l’encontre de l’appelant, qu’à aucun moment les recourants n’ont indiqué que l’avance de frais prévue par l’art. 27 des statuts de l’ACGF devait être directement prélevée sur le compte dont dispose le FC Onex auprès de l’ACGF.
31. Parallèlement, il ressort de la décision attaquée de la CRR que celle-ci se borne à déclarer que
le montant de l’avance de frais de CHF 100.- n’a pas été versé, sans avoir, au préalable, effectué de mise en garde et sans avoir interpellé les recourants à ce sujet.
32. Force est de constater qu’en dépit de l’obligation pour les clubs de déposer une garantie
financière, celle-ci peut néanmoins être en retard dans ses obligations financières, ce qui notamment justifie la disposition de l’art. 39 ch. 3 des statuts de l’ACGF, de sorte que pour cette raison-là déjà il se justifiait de prévoir le versement de l’avance de frais de recours dans le délai de recours. La raison en est à l’évidence que la CRR doit pouvoir disposer de l’avance requise dès le moment où elle est saisie.
33. En outre, il est normal que les parties sachent quels sont les frais appliqués pour un recours
auprès de la CRR, de sorte que cette raison-là également justifie la disposition de l’art. 27 des
statuts.
34. Dans le cas particulier, force est de constater que le recourant a établi que l’intimée disposait
au moment du dépôt du recours d’un avoir suffisant pour pouvoir prélever les frais prévus à
l’art. 27 des statuts, soit CHF 100.-. À noter d’ailleurs que l’art. 27 des statuts prévoit bien qu’il
s’agit d’une avance de frais, ce qui suppose ainsi que le montant en question doit pouvoir être
à la disposition de l’ACGF à l’issue du délai de recours. Dans la mesure où les comptes
détenus par les clubs auprès de l’ACGF, en application de l’art. 40 des statuts, permettent
précisément à cette association de disposer d’avances de la part des clubs en garantie de leurs
engagements énumérés aux art. 38 et 39 desdits statuts, on ne saurait faire grief au FC Onex et
à l’appelant d’avoir ainsi pensé qu’ils satisfaisaient aux conditions de l’art. 27 des statuts.
35. En effet, compte tenu du montant modeste de l’avance de frais requise, respectivement de
l’avoir important dont disposait le FC Onex sur le compte postal de l’ACGF, il doit être admis
que, selon le principe de la bonne foi protégé par l’art. 2 CC, le recourant, respectivement le
FC Onex, pouvait légitimement penser que cette somme allait simplement être décomptée du
compte dont disposait le FC Onex auprès de l’ACGF, selon la pratique régulière de l’association. Certes, tant le FC Onex que le recourant auraient pu le stipuler dans leur mémoire de recours. Toutefois considérer que le recours devrait être déclaré irrecevable, faute pour le FC Onex et l’appelant d’avoir effectué le versement d’une avance de frais de CHF 100.-, alors que - apparemment sur ce même compte postal, l’intimée n’ayant jamais allégué qu’elle disposait de plusieurs comptes postaux - le FC Onex bénéficiait d’un montant d’avance de quelque CHF 20’779.-, représentant pas moins de 200 fois le montant de l’avance litigieuse, apparaît constitutif d’un abus de droit qui ne saurait être protégé.
36. Il ressort aussi à l’évidence du relevé de compte du 26 décembre 2009 que l’ACGF avait pour
habitude de prélever automatiquement les montants en sa faveur sur le compte dont dispose
le FC Onex. Preuve en est qu’au premier jour du semestre, l’avoir de garantie selon l’art. 40
des statuts est déjà prélevé, en même temps que la cotisation annuelle. En outre, la totalité du
montant des amendes infligées durant le premier tour, selon les communiqués officiels, est
prélevée en bloc le 23 décembre 2009. Cela démontre clairement que l’ACGF et ses clubs
membres, pour autant que le compte soit suffisamment alimenté comme c’était le cas en
l’espèce, avait pour habitude d’effectuer automatiquement tous les prélèvements nécessaires,
bien qu’une telle façon de procéder ne soit pas non plus spécifiquement prévue dans les
statuts.
37. Compte tenu également de la modicité de l’avance de frais nécessaire, en rapport avec l’enjeu
du recours lui-même, il apparaît une réelle disproportion entre les avances dont disposait déjà l’ACGF et celle découlant du recours, ce qui milite aussi dans l’admission du fait que les recourants pouvaient de bonne foi penser que non seulement le prélèvement était automatique, mais aussi que le but du dépôt d’une avance était largement couvert par les avoirs du FC Onex précisément détenus à titre d’avances pour l’ACGF.
38. La règle de la bonne foi constitue une norme fondamentale consacrée tant à l’art. 2 CC qu’à
l’art. 5 al. 3 Cst. et s’applique aussi bien aux organes de l’État qu’aux particuliers. Ce principe trouve également application procédure civile (ATF 123 III 220 c. 4d).
39. Dans ce cadre-là, il appartient à chacun d’éviter les comportements équivoques ou
contradictoires, selon le principe de la confiance qui découle aussi de l’art. 2 CC. Cela implique pour l’autorité de signaler à temps certains vices de procédure et d’éviter d’avoir un comportement contradictoire, comme en l’occurrence d’accepter visiblement tout au long de l’année de déduire automatiquement les amendes, cotisations, et autres frais à charge du FC Onex du compte postal sur lequel sont versées les avances du FC Onex, avant de refuser de le faire dans le cas particulier. En procédant à ces décomptes automatiques, l’ACGF a agi d’une manière à donner une apparence du droit, en tous les cas pour le FC Onex qui agissait conjointement avec l’appelant, de voir être déduite de son compte l’avance de frais réclamée, sachant que celui-ci était plus que largement approvisionné.
40. L’intimée n’a pas non plus allégué dans son mémoire de réponse que les frais et amendes
n’étaient déduits du compte du FC Onex qu’après une demande expresse du club en question.
Par conséquent, le FC Onex était en droit de penser, s’agissant au demeurant d’une avance de frais d’un montant très restreint, qu’il serait procédé comme pour tous les autres frais.
41. Enfin, l’absence de compte spécifique pour le versement de l’avance de frais de recours, de
même que la seule indication du numéro de compte postal sur le site Internet de l’ACGF,
confortent également l’idée que l’avance de frais allait être automatiquement déduite de l’avoir
en compte du FC Onex auprès de l’ACGF, comme cela se pratique pour les autres montants
dus à l’ACGF.
42. En outre, compte tenu des conséquences importantes qu’implique l’irrecevabilité d’un
recours, en cas de doute, la CRR aurait dû à tout le moins signaler ce qu’elle pouvait, de son
côté, considérer comme un vice, sous peine de forclusion. En effet, selon la jurisprudence
(ATF 96 I 521), il faut que les parties soient expressément informées non seulement du
montant de l’avance et du délai utile pour l’effectuer, mais encore des conséquences du défaut
du dépôt d’une telle avance. Or, selon cette jurisprudence, le simple renvoi à des dispositions
d’un code de procédure civil, sans indiquer expressément les conséquences du non-versement
constitue un formalisme excessif que seul l’octroi d’un délai supplémentaire pour effectuer le
dépôt de l’avance, après mention des conséquences du non paiement, permet de réparer.
43. Compte tenu tant du principe de la bonne foi que du principe de la confiance, il doit être
admis que l’ACGF avait laissé naître une apparence du droit pour le FC Onex et l’appelant de considérer que l’avance de frais de CHF 100.- serait automatiquement débitée de l’avoir dont disposait le club précisément à titre d’avance générale en faveur de l’ACGF.
44. Il n’est pas inutile de préciser que “l’art. 2 CC permet au Juge de tenir compte de particularités propres à
chaque cas d’espèce lorsque, en raison des circonstances, l’application normale de la loi ne se concilie
exceptionnellement pas avec les règles de la bonne foi” (ATF 105 III 80 c.2), ce qui se réalise ici,
sachant que l’intimée disposait déjà non seulement du montant nécessaire pour traiter le recours, mais encore de l’autorisation qu’elle s’était octroyée de prélever sur le compte du FC Onex, tous les montants dus selon les statuts.
45. A relever encore, que la décision de la CRR constitue aussi un formalisme excessif, sachant
que “le formalisme est qualifié d’excessif lorsque la stricte application des règles de procédure ne se justifie par
aucun intérêt digne de protection, devient une fin en soi, complique de manière insoutenable la réalisation du
droit matériel ou entrave de manière inadmissible l’accès aux tribunaux” (Arrêt du Tribunal fédéral du
20 février 2009, 4A_600/2008), ce que le non-versement d’une avance de frais dans un délai déterminé n’est précisément pas considéré, toutefois, pour autant que “son auteur ait été averti de façon appropriée du montant à verser, du délai imparti pour le payement et des conséquences de l’inobservation de ce délai”. Or, dans le cas particulier, aucun avertissement approprié n’est intervenu, alors que les statuts de l’ACGF, eux-mêmes, ne mentionnent pas expressément les conséquences découlant du non versement d’une avance de frais, celles-ci devant être déduites de l’interprétation des statuts, comme mentionné ci-dessus.
46. Par conséquent, la décision attaquée de la CRR doit être annulée et l’affaire renvoyée auprès
de cette autorité pour qu’elle traite le recours déposé auprès d’elle.
47. Il n’appartient en effet pas au TAS de se substituer à une autorité associative qui, faute d’être
entrée en matière sur un recours, n’a pas statué sur le fond des griefs invoqués. En outre, le renvoi de l’affaire devant l’autorité de recours de l’ACGF doit aussi concourir à permettre l’épuisement préalable des voies de recours internes à l’ACGF.
48. Les autres conclusions des parties doivent ainsi être rejetées, notamment celle de l’appelant
tendant à faire aussi reconnaître la recevabilité du recours du FC Onex du 18 octobre 2009, faute d’être légitimé à agir pour le FC Onex.
Le Tribunal Arbitral du Sport:
1. Déclare recevable le recours formé par S. à l’encontre du jugement rendu le 5 janvier 2010 par
la Commission Régionale de Recours de l’ACGF.
2. Admet partiellement le recours, dans la mesure où la décision attaquée du 5 janvier 2010 de la
Commission Régionale de Recours est annulée.
3. Renvoie l’affaire devant la Commission Régionale de Recours de l’ACGF pour qu’elle statue
sur le recours interjeté par S.
(…)
6. Déboute, pour le surplus, les parties de leurs autres, plus amples ou contraires conclusions.
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